Aujourd'hui, notre cours vise à nous aider à mieux comprendre
le rôle joué par les aires protégées en Afrique. L'ouvrage de référence à consulter en complément du cours, c'est encore une fois le rapport annuel sur l'état des aires protégées intitulé Protected Planet. Et puis, vous pouvez aussi consulter les multiples rapports d'études faites par le Papaco ces dernières années en Afrique. Elles se trouvent sur notre site internet www.papaco.org. Les aires protégées sont reconnues aujourd'hui comme étant un outil fondamental pour parvenir à la conservation de la diversité biologique. Certains parlent même de la guerre angulaire des stratégies de conservation. Cela explique sans doute leur progression spectaculaire en nombre et en surface au cours des dernières années. Ces aires protégées conservent des espèces, parfois menacées comme on en voit ici, des écosystèmes spécifiques ou des milieux rares, et elles tentent de préserver ces milieux dans un état sinon naturel, en tout cas le moins modifié possible. Cette vision historique des parcs et réserves a cependant évolué. De parcs sous cloche, les aires protégées ou au moins certaines d'entre elles évoluent peu à peu vers des territoires de gestion durable de l'environnement, où les activités humaines, par exemple la pêche, lorsqu'elles sont compatibles (et c'est très important de le souligner), peuvent être intégrées dans la gestion et ainsi venir la renforcer. Il y a évidemment un paradoxe qui n'échappera à personne : alors que le nombre d'aires protégées sur la planète ne cesse de croître, la biodiversité, elle, ne cesse de se raréfier. Alors, regardons cette analyse des recensements des grandes espèces de mammifères dans certains parcs d'Afrique, dont l'Afrique de l'ouest qu'on voit ici. La chute est de moins 85 % en 35 ans et il ne reste plus que 15 % des effectifs des années 70, effectifs qui étaient d'ailleurs déjà fortement entamés. Rappelons-nous qu'il s'agit ici des aires protégées. Imaginez ailleurs ! Regardons également cette analyse de l'ONG Panthera dans le parc de Mole au Ghana. On y voit l'évolution des effectifs de certains herbivores : elle est catastrophique. On passe de cette situation à celle-ci. Il existe désormais de nombreuses espèces dont la population est plus importante en dehors des aires censées les protéger qu'à l'intérieur, comme par exemple, le tigre dont les effectifs demeurant dans la nature (environ 3000, en Inde, en Malaisie, en Russie, etc) sont tout simplement inférieurs à ceux détenus par des particuliers aux États-Unis dans leurs jardins (qu'on estime à plus de 5000). Un exemple plus proche de nous, c'est l'Oryx Dammah, qu'on voit sur cette photo. Il a totalement disparu de la nature. Il n'existe plus qu'en captivité alors qu'avant, on le trouvait au Sénégal, au Mali et au Niger. Il fait néanmoins l'objet d'un programme de réintroduction au Sénégal et au Tchad actuellement. La question qu'on peut donc légitimement se poser est de savoir si les aires protégées sont vraiment utiles. Je vous laisse y réfléchir. Prenez 5 minutes pour répondre à cette question pour vous-même en fonction de ce que vous connaissez sur le terrain. Rassemblez vos arguments. Ce n'est pas une question inutile car les détracteurs des aires protégées ne manquent pas. Parmi les raisons invoquées pour expliquer cette situation, il y a d'abord le fait que certaines aires protégées ne sont pas efficaces, soit parce qu'elles ont été mal montées, soit qu'elles manquent de moyens, soit qu'elles sont mal gérées. Enfin bref, elles n'atteignent pas leurs objectifs de conservation. Certaines aires protégées sont même purement virtuelles, ne représentant plus guère qu'un simple trait sur une carte, comme par exemple la réserve des girafes d'Ansongo Menaka au Mali que je vous montre ici, où il n'y a plus de girafes depuis fort longtemps et d'ailleurs, plus de réserve du tout. On voit bien ici que les territoires en dehors et à l'intérieur de l'aire protégée sont les mêmes. Il n'y a plus de différence entre les terroirs villageois et le parc. Il y a beaucoup d'autres exemples de ce type. Nous y reviendrons. Une autre raison couramment invoquée porte sur le système d'aires protégées globalement et non plus sur les sites. Souvent incomplets, c'est-à-dire que ce système n'englobe pas tous les lieux où pourtant de forts enjeux de biodiversité existent, ils sont en général aussi peu représentatifs. Prenons par exemple le Bénin, dont on voit la carte ici et où les deux parcs nationaux du pays, la Pendjari ici ou le W, se situent dans le même écosystème tout au nord du pays et par conséquent, délaissent le reste des zones potentiellement intéressantes à conserver. Enfin, c'est la gouvernance de ces territoires qui est mise en cause, en particulier leur incapacité à s'attirer le soutien des populations locales directement impactées par leur existence, ce qui rend d'autant plus difficile leur protection. Cette notion prend de plus en plus de place avec le développement d'aires protégées de catégorie 6, où l'exploitation des ressources naturelles est possible, comme nous le verrons bientôt. Mais attention, il n'est pas forcément toujours réaliste de penser qu'on peut systématiquement associer les acteurs locaux, certaines AP étant justement créées pour prévenir toute activité humaine, ce qui rend alors évidemment l'implication des populations locales relativement compliquée. Mais les fonctions, les rôles des aires protégées vont bien sûr au-delà de leur simple et essentiel rôle pour la conservation. Elles sont des lieux de récréation et de découverte de la nature et permettent la sensibilisation du public, grand ou petit, aux enjeux de la conservation. C'est une fonction absolument essentielle, souvent sous-estimée, alors que l'avenir de ces territoires, de nos aires protégées, dépend en fait du soutien du plus grand nombre. Elles offrent aussi des territoires relativement préservés pour conduire les actions de recherche nécessaires à une meilleure compréhension du monde qui nous entoure. Elles procurent des biens et des services à nous tous, aux habitants dans et autour des aires protégées bien sûr (c'est facile à comprendre), comme par exemple les produits issus de la forêt, le bambou, le miel, les plantes médicinales, etc. Mais à distance aussi car elles ont un rôle dans l'épuration de l'eau qui les traverse, dans le maintien d'un air dénué des pollutions humaines, etc, etc. À ce titre d'ailleurs, elles sont aussi des éléments d'atténuation des changements climatiques et des laboratoires à ciel ouvert de l'évolution de la nature au cours de ces changements. Il y a beaucoup à y apprendre sur la capacité des écosystèmes à s'adapter. C'est ce qu'on appelle la résilience. Les aires protégées conservent aussi des sites de valeur culturelle ou spirituelle. Et de plus en plus, culture et nature s'entremêlent pour former la valeur globale du territoire. Par exemple, certains sites archéologiques, comme ici dans la vallée du Rift au Kenya, sont conservés au sein d'aires protégées. Un autre exemple intéressant nous vient de Madagascar où certaines populations reconnaissent les lémuriens comme ce Sifaca comme leurs ancêtres et en assurent donc une protection très stricte. Culture et nature peuvent donc tout à fait s'épauler. Enfin, ces territoires représentent un engagement d'aujourd'hui pour le futur, la capacité de mettre de côté certaines ressources et richesses pour les générations à venir et pour répondre peut-être à leurs besoins en temps utile. Ce n'est pas la moindre fonction des aires protégées mais ce n'est certainement pas la plus simple à faire comprendre. Les aires protégées ont donc de nombreux rôles qui s'additionnent, comme on vient de le voir. Pourtant, elles ne suffisent pas à endiguer l'érosion de la biodiversité et fort heureusement, il existe d'autres formes d'aménagement du territoire respectueux de l'environnement et qui peuvent également contribuer à la conservation. Ce sont par exemple les pratiques durables dans l'agriculture, une gestion équilibrée des forêts, des infrastructures limitant leur impact sur les espèces et sur les espaces. Tout cela doit s'ajouter pour tenter de parvenir aux résultats escomptés et il est exclu de se reposer sur les seules aires protégées si l'on souhaite conserver notre environnement dans son ensemble. Alors, heureusement, les zones prioritaires pour la conservation sont en général bien connues aujourd'hui. Il existe plusieurs façons de les répertorier, comme par exemple les écorégions qu'on voit ici et qui ont été déterminées par le WWF. Autre approche, les zones clefs pour la biodiversité dont les plus connues sont les zones importantes pour les oiseaux, qui sont identifiées par Birdlife et qu'on voit sur cette carte en vert. Sur la base de ces données, il est donc finalement assez facile de prioriser ou intervenir et comment. Une façon de faire est certes la création de nouvelles aires protégées mais encore une fois, elles ne sauraient à elles seules répondre à tous les défis et la conservation de la nature doit bien se comprendre comme un tout, dont les aires protégées ne sont qu'un aspect. Voilà, c'est la fin de ce cours. Le prochain épisode portera sur la définition précise de ces aires protégées. Excellente journée !
Vulnérabilité Des Mangroves de La Côte Ouest de Madagascar Au Changement Climatique: Cas Des Ecosystèmes de Mangroves de Belo Sur Tsiribihina Et de Masoarivo (Fondation MacArthur, Norad, WWF - 2012)