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Explication linéaire 3

Introduction:
- Amorce:
- Situation de l'extrait: (L'épisode des pélerins repose sur un comique de répétition et de situation. Les pélerins
apparaissent d'abord au chapitre 38: ils reviennent d'un pélerinage à Saint Sebastien près de Nantes. Par peur des
brigands, ils se sont cachés ts les 6, sous les feuilles de pois, entre les choux et les laitues. Ils manquèrent être avalés par
Gargantua "qqe peu altéré" et désireux de manger des salades. Mais grâce à leur bourdon, ils se mettent en sécurité et
Gargantua les récupère avec un cure-dents; ils fuient ds les vignes. Ils ( 5 d'entre eux) tombent alors ds une trappe, un
piège à loups parce que G. les a noyés en urinant. Lasdaller, un des pélerins fait remarquer que cette mésaventure avait
été prédite par David ds les Psaumes. Ces pélerins réapparaissent au chapitre 43 au cours duquel ils sont faits
prisonniers par P. puis libérés par Frère Jean .) Au chapitre 45, Frère Jean amène les pélerins et
Toucquedillon prisonnier à Grangousier au moment où tous se préparent à festoyer. Le dialogue
comique qui s'ensuit est l'occasion d'une satire des moines.
- Problématique: Dans quelle mesure ce dialogue grotesque permet-il de dénoncer les pratiques
superstitieuses de l'Eglise et de présenter un prince évangélique?
- Mouvements: l.1 à l. 15: Un réquisitoire contre les pélerinages; l.16 à l.29: L entrée de Frère Jean
ds la conversation fait basculer le dialogue ds la satire des moines ; l.30 à fin : Les conseils d'un
prince évangélique

l. 1 à l. 15: Un réquisitoire contre les pélerinages

< Le début du dialogue révèle l'incrédulité de Grandgousier et la naïveté des pélerins: la question "
Certes, dit Grandgousier, mais qu'alliez-vous faire à Saint-Sébastien ? " indique dès le début
l'étonnement et l'incompréhension sincères de Grandgousier: il vient d'apprendre quelle est la région
d'origine de chacun des pélerins ( entre Poitiers et Châteauroux ( en touraine)) et de découvrir qu'ils
reviennent de Saint Sébastien près de Nantes; il ne comprend pas ce qu'ils font si loin de chez eux.,
à Saint-Sébastien. D'où la conjonction de coordination "mais" qui indique cette incompréhension.
La réponse du pélerin confirme l'incompréhension de Grandgousier et fait sourire le lecteur
tellement elle révèle la naïveté de ces pélerins, "Nous allions, dit Lasdaller, lui offrir nos voeux
contre la peste.": l'antithèse "contre la peste" ( maladie contagieuse mortelle) et l'expression "offrir
nos voeux" ( attitude passive et soumise) est burlesque: comment le fait d'offrir ses voeux ( son
engagement religieux) à Saint-Sébastien peut-il permettre de lutter contre la peste? ; le jeu de mots
sur le nom du pélerin "lasdaller" ( calembour sur "las d'aller" ( fatigué de voyager)) montre aussi
l'inutilité de ces voyages sinon de fatiguer ceux qui les entreprennent.
L'interjection "oh" et l'apostrophe " pauvres gens" montrent que les inquiétudes de Grandgousier
sont confirmées: on trompe ces pélerins, ils son naïfs, ils n'ont rien à faire loin de leur famille.
Grandgousier éprouve une certaine pitié pour ces pélerins. Remarquons aussi la question de
Grandgousier qui tente de faire appel à la raison des pélerins "estimez-vous" et à leur bon sens " que
la peste vienne de Saint Sébastien?". C'est peine perdue, le pélerin répond avec un ton assuré.
Les adverbes "Oui"et "vraiment", le verbe " affirment" et le déterminant possessif qui montre la
confiance en " nos prêcheurs" ( prêcheur: personne qui enseigne les croyants), révèlent que le
pélerin est convaincu qu'il peut, par ce pélerinage, éradiquer la peste. Repérez que ce n'est pas une
réponse personnelle, le pélerin reprend les paroles des prêcheurs. Cette réponse prendre la forme
d'une sentence au présent de vérité.

< C'est pourquoi Grandgousier prend la parole plus longuement et livre un réquisitoire contre les
pélerinages: le narrateur, à travers la voix de Grandgousier critique ls pratiques superstitieuses. On
relève l'interrogation ironique " Ah oui?" + Un vocabulaire assez violent: ceux qui attribuent la
peste à un saint, ceux qui convainquent les croyants d'aller en pélerinage afin de s'acquérir la
protection d' un saint, sont de " faux prophètes" et des blasphémateurs qui disent des bêtises "de
telles sornettes". Ils inventent des saints responsables de maladies "semblables à des diables qui ne
répandent que le mal parmi les humains "pour maintenir le croyant dans la peur et la servitude. Le
champ lexical du diable "des diables" " le mal" et plus loin"démoniaques" "malfaisants" est en
opposition avec le champ lexical divin " les justes et les saints". + Grandgousier utilise aussi des
comparaisons littéraires " C'est comme Homère.."pour prouver que ces superstitions sont des fables,
des inventions: Homère fait d'Apollon le responsable de la peste ds le camp grec et les poètes
créent ds " Jupiters démoniaques et des dieux malfaisants". Les verbes "écrire" et " imaginent"
rappellent que c'est de la fiction.
+ Grandgousier évoque aussi la conduite qu'un bon roi doit adopter envers ces "faux prophètes",
"ces " cafards" (parasites) qu'il faut chasser du royaume . Pour cela, il prend un exemple qu'il a en
personne vécu "Ainsi, à Cinais, un cafard (1) prêchait que saint Antoine mettait le feu aux jambes,
que saint Eutrope faisait les hydropiques, saint Gildas les fous, saint Genou les goutteux (2). Mais je
l'ai puni de ce mauvais exemple, quoiqu'il m'appelât hérétique, et plus aucun cafard n'osa depuis
entrer sur mes terres." + Les associations entre une maladie ou une partie du corps et le nom
d'un saint sont présentées comme ds plaisanteries ou ds jeux de mots faciles, ce qui désacralise la
parole du "cafard" : consonnance Eutrope/Hydropiques ( hydropisie: oedème); Genou/goutteux
(goutte: inflammation des articulations); Gildas (les gilles désignent ds bouffons) / fous; Saint-
Antoine, parcequ'il avait résisté au feu des tentations devient un saint guérisseur auquel avaient
recours les malades atteints du feu saint-Antoine que la gangrène des extrémités tuait ou
transformait en démembrés. L'énumération de saints et leur association grotesque avec une maladie
ridiculise ces croyances. + Grandgousier termine par une phrase virulente qui prend une valeur de
sentence, présentant ces prêcheurs comme bien plus dangereux que la peste car ils distillent dans
l'esprit ds mensonges, emprisonnent l'esprit et empêchent l'homme confronté à une difficulté, d'agir
"La peste ne tue que le corps, mais de tels imposteurs empoisonnent les âmes. »

l.16 à l.29: Entrée de Frère Jean ds la conversation fait basculer le dialogue ds la satire des
moines

< Un dialogue alerte et joyeux à plusieurs voix s'installe: échange de répliques plus courtes +
questions qui s'enchaînent " Et comment se porte l'abbé Tranchelion, ce bon buveur ? dit le moine.
Et les moines, quel régime font-ils ? Corps de Dieu, ils titillent vos femmes, cependant que vous
êtes en pélerinage? + jurons " cordieu" et " pardieu" comiques ds la bouche d'un moine d'autant
qu'ils sont ici utilisés pour évoquer l'acte sexuel " ils titillent vos femmes" " la grande secousse" et
serment " " Que j'ai la vérole..": maladie vénérienne.

< Un dialogue qui ravive une satire des moines traditionnelle: les moqueries contre la paresse, la
goinfrerie, la paillardise des moines constituaient l'un des thèmes favoris de la littérature médiévale.
Dans l'extrait, les moines sont décrits comme de bons vivants, aimant manger et boire "...l'abbé
Tranchelion, ce bon buveur ? dit le moine. Et les moines, quel régime font-ils ?". Les moines
viennent de Saint-Genou réputé pour donner la goutte, maladie provoquée par l'excès de bonne
chère. Ils sont décrits aussi comme des pervers, obnubilés par l'acte sexuel: ils font partir leurs
fidèles masculins en pélerinages pour être avec leurs femmes " ils titillent vos femmes, cependant
que vous êtes en pélerinage?", la conjonction de suboordination "cependant que" ( = pendant que)
indique la simultanéité des 2 actions.
Les comparaisons à valeur hyperbolique sont drôles: "Elle pourrait être aussi laide que Proserpine
(3), cela ne l'empêcherait pas d'avoir, pardieu,la saccade, puisqu' il y a des moines alentour. Car un
bon ouvrier met indifféremment toutes pièces en oeuvre. (...) Car l' ombre même du clocher d'une
abbaye est fécondante."

< Ce dialogue est ds un comique grotesque: les propos de Frère Jean regorgent d'éléments
détournés et rabaissés sur le plan corporel: "Mauvaise pioche" ( référence aux jeux de cartes) ;
"Proserpine" ( mère de ts les diables) ; jurons, " la saccade" (terme d'équitation); le dicton " Un bon
ouvrier.." ( référence au travail); + réponse de Lasdaller évoquant la laideur de sa femme "je n'ai
pas peur pour la mienne, car celui qui la verra de jour ne se rompra jamais le cou pour la visiter de
nuit !" + les moines sont caricaturés ( excès)

< Grandgousier confirme la véracité des propos de Frère Jean à l'aide de 2 exemples provenant de
l'Antiquité: Strabon et Pline. Les moines sont comparés à l'eau du Nil, eau réputée selon Strabon et
Pline, rendre fertile "qu'elle est fertile pour le pain, les habits et les corps. »

l.30 à fin : Un prince humaniste et évangélique:

< Grandgousier adopte un ton plus solennel, proche de celui d'un précepteur spirituel (une homélie)
: vouvoiement et verbes à l'impératif à valeur de conseils ( ce ne sont pas des ordres, des sentences
comme les prêcheurs des 5 pélerins) "Entretenez vos familles, travaillez chacun selon votre
vocation, instruisez vos enfants et vivez comme..." + ton bienveillant et protecteur à l'égard des
pélerins " pauvres gens" "Allez-vous-en.." ( Grandgousier les laiise repartir; il leur offrira un repas à
la fin du chapitre). + réponse construite qui est une conclusion au dialogue: connecteurs "Et
dorénavant" " Ce faisant". + champ lexical de la religion "au nom de Dieu le créateur"; "que celui-
ci vous soit un guide perpétuel";"vous serez sous la protection de Dieu, des anges et des saints " "
+ Grandgousier se montre confiant en les pélerins, il les invite, plutôt que de le leur interdire, à ne
plus aller en pélerinage "ces oiseux et inutiles voyages" (périphrase). L'adverbe "trop", la périphrase
et l'expression " prêter un oreille" atténuent en effet l'interdiction.

< Grandgousier ne se contente pas d'interdire aux pélerins leurs voyages inutiles, il leur confie la
tâche de nourrir leur famille et d'élever leurs enfants. Il les invite à mener une vie évangélique en
suivant l'enseignement de l'apôtre Saint Paul " et vivez comme vous l'enseigne le bon apôtre saint
Paul c'est-à dire à mener une vie simple conforme à l'Evangile "au nom de Dieu le créateur; que
celui-ci vous soit un guide perpétuel." "vous serez sous la protection de Dieu, des anges et des
saints " Grandgousier se présente ici en prince évangélique, il a la tâche de transformer ces pélerins
en ds hommes nouveaux, libres ( la superstition donne à ce qui se passe ds le monde un sens, un
sens souvent défavorable à l'homme, elle fige par là le monde), capable de juger lui-même à la
lumière de sa foi, fuyant ts les discours contraignants de l'Eglise et empêchant une foi individuelle
et sincère. Grandgousier en tant que roi, a la t^che de lutter contre les aberrations du pouvoir
religieux, il doit montrer que la foi n'est pas une fidélité servile mais qu'elle doit être engagée ds la
vie, sincère et personnelle.

Conclusion:
- Réponse à la problématique:
Ouverture: Fin du chapitre: les pélerins sont ss le charme ds propos de Grandgousier et se trouvent "
plus édifiés et instruits(...) qu'en ts les sermons" OU Chapitres 27: la liste des saints prononcés pdt
le massacre de frère Jean. OU Chapitre 40: les moines passifs qui "mangent la merde du monde càd
les péchés et comme des mâche-merdes on les renvoie à leurs latrines qui sont leurs couvents et
leurs abbayes, aussi éloignés ds conversations et de la société que le sont les latrines ds une
maison." OU Abbaye de Thélème, un anti-couvent ( pas de voeux de pauvreté ni de chasteté ni d'
obéissance ds cette nouvelle abbaye)
Objet d'étude: La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

Parcours: Rire et Savoir

François Rabelais, Gargantua ( 1534-1535)

- Certes, dit Grandgousier, mais qu'alliez-vous faire à Saint-Sébastien ?


- Nous allions, dit Lasdaller, lui offrir nos voeux contre la peste.
- Oh ! dit Grandgousier, pauvres gens, estimez-vous que la peste vienne de Saint-Sébastien ?
- Oui, vraiment, répondit Lasdaller, nos prêcheurs nous l'affirment.
- Ah oui ? dit Grandgousier, les faux prophètes vous annoncent-ils de telles sornettes ?
Blasphèment-ils ainsi les justes et les saints de Dieu, de façon à les rendre semblables à des diables,
qui ne répandent que le mal parmi les humains ? C'est comme Homère qui écrit que la peste fut
mise dans le camp des Grecs par Apollon, et comme les poètes encore, qui imaginent un grand tas
de Jupiters démoniaques et de dieux malfaisants . Ainsi, à Cinais, un cafard (1) prêchait que saint
Antoine mettait le feu aux jambes, que saint Eutrope faisait les hydropiques, saint Gildas les fous,
saint Genou les goutteux (2). Mais je l'ai puni de ce mauvais exemple, quoiqu'il m'appelât hérétique,
et plus aucun cafard n'osa depuis entrer sur mes terres. Et je m'étonne fort que votre roi les laisse
prêcher des inepties aussi scandaleuses dans son royaume. Car ils sont bien plus répréhensibles que
ceux qui par la magie ou par tout autre sortilège auraient répandu la peste dans le pays. La peste ne
tue que le corps, mais de tels imposteurs empoisonnent les âmes. »

Pendant qu'il prononçait ces paroles, le moine entra, plein d'entrain dans la conversation et leur
demanda :
« D'où êtes-vous, vous autres, pauvres hères ?
- De Saint-Genou, dirent-ils.
- Et comment se porte l'abbé Tranchelion, ce bon buveur ? dit le moine. Et les moines, quel régime
font-ils ? Corps de Dieu, ils titillent vos femmes, cependant que vous êtes en pélerinage?
- Hin ! hin ! dit Lasdaller, je n'ai pas peur pour la mienne, car celui qui la verra de jour ne se
rompra jamais le cou pour la visiter de nuit !
- Mauvaise pioche, dit le moine.Elle pourrait être aussi laide que Proserpine (3), cela ne
l'empêcherait pas d'avoir, pardieu,la saccade, puisqu' il y a des moines alentour. Car un bon ouvrier
met indifféremment toutes pièces en oeuvre. Que j'ai la vérole si vous ne les retrouvez pas
engrossées à votre retour. Car l' ombre même du clocher d'une abbaye est fécondante."
- C'est, dit Gargantua, comme l'eau du Nil, en Egypte, si l'on en croit Strabon. Et Pline (au livre
VII, chapitre III) (4), raconte qu'elle est fertile pour le pain, les habits et les corps. »
Alors,Grandgousier dit :
« Allez-vous-en, pauvres gens, au nom de Dieu le créateur; que celui-ci vous soit un guide
perpétuel. Et dorénavant, ne prêtez pas une oreille trop complaisante à ces oiseux et inutiles
voyages. Entretenez vos familles, travaillez chacun selon votre vocation, instruisez vos enfants et
vivez comme vous l'enseigne le bon apôtre saint Paul. Ce faisant, vous serez sous la protection de
Dieu, des anges et des saints, et nulle peste, nul mal ne pourra vous nuire. »

F. Rabelais, Gargantua, Chapitre XLV, translation en français moderne de M. Marrache-Gouraud

(1) Pour Rabelais, parasites qui troublent et empoisonnent le pauvre monde (2) les pratiques populaires avaient placé
presque chaque maladie sous la protection d'un ou plusieurs saints à implorer pour s'en délivrer. (3) Mère des diables
'4) Ces 2 auteurs ont évoqué la question très controversée ds vertus fécondantes des eaux du Nil.

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