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Copyright InterEditions, 2014

9782729614942

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Introduction

Comment motiver les personnes de mon équipe ?

Cette question, vous vous l'êtes souvent posée, en tant que manager. Vous
avez trouvé des éléments de réponse au cours de votre vie professionnelle
ou dans les livres de management. Mais vous voudriez aller plus loin.
Vous avez probablement compris qu'il y a des démarches motivationnelles
qui fonctionnent bien avec certains, et moins bien avec d'autres. Car chaque
personne possède en elle-même les rouages de sa propre motivation. Vous
aimeriez comprendre comment aider votre collaborateur à découvrir et à
actionner ces rouages, à les entretenir au cours du temps, à découvrir
d'autres rouages ou d'autres façons de les assembler, à entretenir l'énergie
pour que les rouages tournent bien et longtemps.
Parmi ces multiples rouages, imbriqués façon puzzle, il y en a un
fondamental. Il s'agit du sentiment que l'on est capable d'y arriver, que l'on a
de la valeur, que ce que l'on fait sert à quelque chose. De la valeur à ses
propres yeux et aux yeux de l'entreprise. Pour alimenter ce sentiment de
valeur, de sens et de réussite, son propre regard ne suffit pas. On a besoin
du regard des autres et en particulier de celui de son manager, représentant
par excellence de l'entreprise. On a besoin de reconnaissance.
Or le manager n'est pas forcément sensible à ce besoin de reconnaissance et
encore moins formé à le prodiguer de manière appropriée. En quoi le besoin
de reconnaissance est-il une composante essentielle de la motivation ?
Comment le détecter chez les autres, le comprendre et y répondre de
manière appropriée ? Comment trouver les bons messages pour que cette
reconnaissance entretienne les compétences, la motivation et l'engagement
des personnes ? Au fil des pages de ce livre, vous trouverez des réponses à
ces questions. Vous allez apprendre à regarder celles et ceux que vous
managez, apprendre à les connaître, à les comprendre. Ou les connaître et
les comprendre différemment. Plus profondément. Vous allez découvrir
comment construire une relation riche avec vos collaborateurs afin de les
aider à trouver l'énergie pour repousser les limites de leur performance et de
leur épanouissement. Mais bien plus encore. Vous allez aussi trouver vos
propres clés, source de votre propre motivation et de votre propre
performance, des clés pour vivre votre rôle le mieux possible, avec passion,
recul, professionnalisme et dans l'idéal… avec plaisir !

Analyse, réflexion, action


Ce livre va vous permettre de rentrer dans les arcanes de l'art de la
reconnaissance au travail, d'en découvrir les concepts, d'analyser vos
challenges managériaux grâce à des grilles de lecture et de mettre en œuvre
des outils pragmatiques, directement opérationnels. Les études de cas et les
exercices sur lesquels vous allez réfléchir ont pour objectif de vous aider à
comprendre les problématiques d'insatisfaction, de démotivation et de
désengagement des personnes de vos équipes et de trouver vos solutions.
Des solutions qui marchent, non pas en termes de recette miracle, mais en
termes de solutions adaptées à votre environnement de travail, à vos
objectifs et à la manière dont vous souhaitez enrichir votre rôle de manager.
Il est bien entendu que le besoin de reconnaissance s'exprime aussi de la
part des personnes qui ne travaillent pas dans une entreprise, ainsi par
exemple les mères au foyer pour leur contribution au sein de la famille, les
indépendants pour leur professionnalisme, les personnes au chômage dans
leur statut de chercheurs d'emploi et dans leur statut de « ayant travaillé »,
les artistes pour leur talent. Toutefois, le périmètre de cet ouvrage concerne
exclusivement le monde du travail au sein de l'entreprise occidentale.

Que savez-vous de l'impact


de vos comportements ?
Nos comportements au travail sont souvent inconscients, hérités de notre
éducation, notre histoire, notre culture et façonnés par la culture de notre
entreprise. Sans nous en rendre compte, il peut nous arriver d'adopter des
comportements dont l'interprétation peut être préjudiciable à la motivation
des équipes.
Dans un monde où le besoin de reconnaissance s'exprime à tous les
niveaux, pratiquer l'art de la reconnaissance au travail implique de prendre
conscience de l'impact de nos comportements sur les personnes avec qui
l'on travaille et d'adopter de nouveaux comportements, plus adaptés, plus
efficaces, plus épanouissants.
À cette fin, quels comportements adopter ? Le parcours que je vous propose
va vous permettre de revisiter les situations de la vie professionnelle où le
besoin de reconnaissance se fait sentir de façon particulièrement cruciale et
d'examiner ensemble les comportements associés. Au cours de notre
voyage, nous ferons souvent un détour par le monde anglo-saxon où les
pratiques de reconnaissance et plus largement de renforcement positif font
partie intégrante des outils motivationnels. Ce n'est pas pour autant qu'elles
sont directement transposables à l'ensemble des pays occidentaux, l'art de
bien manager les personnes étant intimement lié à la culture nationale des
managers et des collaborateurs. Observer et comprendre les situations sur le
terrain, prendre du recul, explorer ce qui se fait ailleurs, réfléchir, garder le
meilleur et s'en inspirer pour construire vos propres pratiques managériales,
voilà le programme de notre périple.

Laissez-vous secouer !
Cet ouvrage est le fruit d'une longue observation de la nature humaine et
d'une profonde réflexion sur le métier de manager. C'est au cours de vingt
année d'expérience au sein d'entreprises internationales que j'ai pu
développer ma passion pour l'être humain, d'abord en tant qu'ingénieur, chef
de projets, puis en tant que manager et en tant que « RH » au travers de
diverses fonctions Ressources Humaines. Plus récemment, mon expérience
de consultante coach aux États-Unis m'a sensibilisée à l'universalité du
besoin de reconnaissance et à la diversité des réponses qui peuvent y être
apportées.
Je sais que le rôle de manager est un rôle difficile car il exige de
nombreuses qualités, qui peuvent parfois paraître contradictoires. Mais s'il
est vécu avec passion et plénitude, cela peut faire partie des plus beaux
moments de votre vie. Alors je voulais vous faire partager mes réflexions,
mes points de vue, mes conseils. Je me permets de m'adresser directement à
vous. Vous qui êtes manager ou qui souhaitez le devenir. Parfois, je vais
vous interpeller, vous secouer peut-être, pour faire bouger les idées et les
émotions dans votre tête et dans votre cœur. Cela ne va peut-être pas vous
plaire… mais si vous êtes d'accord pour partager ce petit bout de chemin
avec moi, laissez-vous secouer. Mon approche est bienveillante, car j'ai
beaucoup de respect pour vous qui lisez ce livre et beaucoup d'admiration
pour votre métier.
Pour les personnes de la gente féminine qui lisent mon ouvrage, qu'elles ne
s'offusquent pas de la dénomination « homme » tout au long de ce livre et
de l'emploi du masculin. Dans un objectif de simplification de lecture,
« homme » s'entend ici comme « être humain ». Je préfère que vous
utilisiez vos neurones à réfléchir à votre fonction plutôt qu'à décrypter des
« e » entre parenthèses.
Les anecdotes, bien que correspondant à des situations vécues en entreprise
ou dérivées de faits relatés en entretiens de coaching, ont été modifiées pour
constituer des études de cas et pour préserver la confidentialité des
échanges. Les prénoms ont également été modifiés. Afin de vous en faciliter
la lecture, les managers ont des prénoms commençant par la lettre M, et les
membres de leurs équipes, appelés collaborateurs dans ce livre, ont des
prénoms commençant pas la lettre C.
Vous reconnaîtrez-vous parmi les protagonistes de ce livre ? N'attendez-pas
pour le découvrir.
I les
clés
pour comprendre – Les signes de
reconnaissance

Chapitre 1. La reconnaissance, un besoin vital aux multiples facettes


Chapitre 2. Reconnaître, c'est d'abord se connaître
Chapitre 3. Adopter une image positive de soi-même, un préalable à la
pratique de la reconnaissance
Chapitre 4. Les signes de reconnaissance au travers du prisme des cultures
1

La reconnaissance,
un besoin vital
aux multiples facettes

« Se sentir reconnu confère tout simplement un sentiment d'existence


sociale, d'existence tout court » [1] .
Christophe André

Échanges sur le terrain


Martin, manager, fait irruption en trombe dans mon bureau. Il explose :
– J'en ai ras-le-bol !
– Bonjour Martin. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
– Corentin, un de mes collaborateurs a déboulé dans mon bureau
aujourd'hui (Tiens, comme lui, alors !) complètement démotivé et il m'a dit
« Il n'y a aucune reconnaissance, ici ! ». Mais c'est quoi, la reconnaissance ?
– Tu lui as demandé ?
– Ben non… parce que si je lui avais demandé, il m'aurait encore parlé de
son salaire.
– Ah bon ? Comment le sais-tu ?
– Je ne sais pas, mais c'est normal, vu comment on est payé ici !
Martin a demandé à Corentin : ce n'était pas de son salaire dont Corentin
voulait parler aujourd'hui. En fait, Corentin a passé le week-end à préparer
une présentation PowerPoint pour Martin afin que ce dernier présente en
réunion de service les résultats du travail exceptionnel que Corentin a fourni
dans l'urgence à l'occasion du dépannage d'un client important. Mais Martin
n'a pas eu le temps d'aborder le sujet en réunion. Par conséquent, il n'a pas
pu parler du travail de Corentin, vu « l'importance des sujets abordés » en
réunion, et puis il a oublié de remercier Corentin pour le temps passé à faire
la présentation PowerPoint pendant le week-end. Il y avait beaucoup de
sujets stratégiques importants en réunion aujourd'hui.

Que s'est-il passé ?


Corentin attendait beaucoup de la présentation en réunion de service.
Quelque part, cette présentation constituait pour lui la reconnaissance par sa
hiérarchie de l'effort et de l'excellent travail qu'il avait accompli. Le fait
d'ignorer sa présentation ainsi que le temps passé à la mettre en forme au
détriment de son week-end constituait, de son point de vue, un manque
flagrant de reconnaissance. Mais son manager, pris dans ses urgences et un
peu maladroit dans le retour qu'il donne à son collaborateur sur la réunion
de service, serait passé à côté s'il n'avait pas pris le temps de faire le point
avec lui sur ce sujet. C'est là que la notion d'importance est… importante !
Les sujets importants pour Corentin (c'est-à-dire la reconnaissance de
l'excellent travail qu'il a accompli dans l'urgence) ne sont pas forcément les
sujets importants vus de Martin (c'est-à-dire les sujets stratégiques abordés
en réunion de service). Au niveau macro de l'entreprise, néanmoins, les
deux sujets sont importants. Car un Corentin démotivé, c'est
potentiellement un client important mécontent.

Reconnaissance : de quoi parle-t-on ?


« Je ne suis pas reconnu », « on est traité comme des numéros », « on est
des pions », « je n'attends pas forcément une augmentation, je comprends
que les temps soient difficiles, juste un minimum de reconnaissance » …
Tels sont les termes que j'ai entendu de multiples fois lors des entretiens que
les salariés demandent à leur responsable Ressources Humaines.
La question de la reconnaissance est en général posée lorsque les personnes
en ressentent le manque. J'ai rarement reçu des salariés qui venaient me voir
pour m'exprimer qu'ils se sentaient reconnus.

Le thème de la reconnaissance n'est la plupart du temps abordé qu'en négatif, c'est-à-dire


lorsqu'il y a absence de reconnaissance.
Dans le cadre du contrat de travail, l'individu apporte sa contribution à
l'entreprise, il attend, en échange d'être reconnu pour cette contribution.
Que cette contribution lui soit attribuée, qu'elle soit formalisée, officialisée.
On pourrait penser que c'est bien là l'objectif de la rémunération. C'est vrai,
mais ce n'est qu'en partie vrai. Car la relation du salarié à l'entreprise n'est
pas que monétaire. La rémunération est indispensable, en termes de
reconnaissance et de motivation, mais elle ne suffit pas.

La rémunération n'est pas la seule forme de reconnaissance attendue.

Au sein d'une entreprise, l'être humain passe beaucoup de temps au travail.


Le travail représente une partie de sa vie. C'est là qu'il y construit une partie
de lui-même. Il noue des relations, développe des compétences, échange,
exprime, vit. Il acquiert, de manière consciente ou inconsciente, une identité
sociale. Il est quelqu'un au sein de l'entreprise. L'entreprise moderne, au
sein d'un contexte économique mouvant, demande de plus en plus
d'autonomie aux salariés qui paradoxalement éprouvent de plus en plus de
difficultés à l'assumer : restructurations fréquentes, limites floues,
dématérialisation des structures, organisations matricielles ou en réseau,
pression de l'urgence et manque d'informations… l'individu moderne est
souvent en manque de repères, voire en manque de sens. Il a besoin de
signes de reconnaissances, qui lui confirme le fait qu'il est bien là où il faut,
à sa place (laquelle, d'ailleurs ?), qu'il est reconnu comme existant au sein
de l'entreprise, comme légitime. Reconnaître une personne lui permet de se
reconnaître.
Pourrait-on vivre chez soi sans miroir ?

Le salarié a besoin d'un effet miroir qui lui confirme qu'il existe au sein de l'entreprise.

Les définitions de la reconnaissance sont multiples. On retiendra l'une des


définitions du Larousse, pour reconnaître : « Admettre comme vrai, réel,
légitime », et pour se reconnaître : « Localiser sa position, être capable de
retrouver son chemin ». Définitions qui prennent tout leur sens dans ce
contexte, mais qui demeurent forcément bien incomplètes pour cerner la
notion de reconnaissance.
On retiendra aussi la définition du sociologue François Dubet qui reprend
l'intuition fondamentale du sociologue Axel Honneth en définissant la
reconnaissance comme « la formation d'un rapport positif à soi-même, tel
qu'il est à la fois construit et conforté par autrui »[2].
Il apparaît que, si vous interrogez des personnes sur « qu'est-ce que la
reconnaissance ? », vous obtiendrez une multitude de réponses différentes.
Certains vous parleront tout de suite de leur salaire, d'autres de leur
positionnement, de leur titre, d'autres encore du travail qu'ils ont accompli,
de leur capacité ou non à la prise de décision, de la façon dont ils se sentent
traités par leur hiérarchie, de la participation à des projets importants… La
notion est par essence très subjective, sensible, changeante. Elle dépend
beaucoup de l'individu, de son histoire, de sa culture, du contexte dans
lequel il évolue. Nos semblables sont différents. Chacun d'entre nous a sa
propre perception de la reconnaissance.

Le besoin de reconnaissance est universel, inhérent à la nature humaine, mais la définition du


concept de reconnaissance dépend beaucoup de l'individu, de sa personnalité, de sa culture,
de son histoire et du contexte dans lequel il évolue.

La difficulté réside dans la différence de perception qu'il peut y avoir entre


les différents acteurs au sein d'une organisation. Connaître la perception de
ses collaborateurs, en matière de reconnaissance, est un atout majeur pour le
manager.
La notion de reconnaissance étant par nature protéiforme, inhérente à
chaque individu et difficile à cerner, il m'apparaît plus facile de travailler
sur les signes de reconnaissance. C'est-à-dire les éléments formels ou
informels que l'entreprise et les individus qui la représentent renvoient aux
salariés pour leur témoigner de la reconnaissance.

Il est plus facile d'agir sur les signes de reconnaissance que sur la reconnaissance en elle-
même.
L'importance de la culture
Les signes de reconnaissance peuvent prendre différentes formes, verbales
ou non verbales, monétaires ou symboliques, en public ou en face-à-face.
Le manager doit être particulièrement attentif à ce que le signe soit bien
perçu par le collaborateur comme vecteur de reconnaissance, les aspects
culturels étant essentiels dans ce contexte.
Par exemple, un manager anglo-saxon dira ou écrira « Good job! » à son
collaborateur lorsque ce dernier aura fait simplement son travail, pour
témoigner son soutien et l'encourager à continuer. Un manager français dira
« Good job! » ou « Bon travail ! » lorsque le collaborateur a fait son travail
de manière particulièrement performante ou bien lorsque la personne est
allée au-delà de ce qui était attendu. Le manager anglo-saxon distribue très
fréquemment les « Good job! » alors que le manager français le réserve aux
performances au-dessus de la moyenne et le considère comme un signe de
reconnaissance.
Tout n'est qu'affaire de perception. Et le « perceptomètre » de chacun est
très calibré par sa culture.

L'émission et la réception des signes de reconnaissance sont modulées par plusieurs filtres,
dont la culture.

Les composantes de la reconnaissance


Si chaque personne a sa propre définition de la reconnaissance, on peut
néanmoins dégager des constantes que l'on retrouve régulièrement. En effet,
l'individu a besoin d'être reconnu pour :

ce qu'il est : besoin d'être reconnu en tant que personne ;


ce qu'il fait : son activité, ses actions, ses efforts ;
ses résultats : ce qu'il a réussi, sa performance, ce qu'il apporte à
l'organisation, sa contribution ;
son talent particulier, ses compétences, son potentiel ;
son comportement : éthique, coopératif, engagé.

En fonction des personnes, ces différentes composantes sont plus ou moins


marquées. Certaines personnes, orientées vers la tâche, ont besoin d'être
reconnues pour leurs résultats. D'autres, orientées vers les personnes, les
relations, ont plus besoin d'être reconnues en tant que personne. C'est en
écoutant les personnes, en apprenant à les connaître que l'on arrive à
discerner à quel type de reconnaissance la personne est le plus sensible.
Parce que reconnaître, c'est d'abord connaître.

En quoi est-ce important ?


Un besoin vital
C'est comme si l'on demandait pourquoi est-ce important d'être en bonne
santé… c'est quand on ne l'est plus que l'on se rend compte que c'est un
besoin fondamental. Le besoin crucial de reconnaissance se fait surtout
sentir en cas de manque. L'individu et l'entreprise sont co-responsables. À
eux d'anticiper ensemble afin d'éviter d'avoir à faire face à une situation de
manque, toujours plus difficile à traiter qu'une bonne gestion prévisionnelle.
Nous savons que cette plante dans notre jardin a besoin d'eau pour grandir
et nous essayons d'anticiper son besoin avant qu'elle ne se dessèche. Les
entreprises et les hommes qui les représentent ont-ils conscience que les
personnes ont besoin de reconnaissance et qu'il convient d'anticiper avant
l'apparition des symptômes de dessèchement ? Si oui, comment faire ? Les
chapitres qui suivent donnent des clés pour détecter les besoins et apporter
des réponses.

Un vecteur de performance
Des études ont montré que la qualité de la relation entre un manager et son
collaborateur est un des premiers facteurs de productivité de ce dernier et de
son attachement à l'entreprise[3].
La performance globale de l'entreprise dépend de la performance des
individus qui la composent. Un individu, pour être performant et entretenir
durablement sa motivation, a besoin de reconnaissance, de structure, de
sens, de perspectives. C'est particulièrement vrai au sein de la Génération
Y[4]. Non pas que ce ne soit pas important pour les autres. Mais la
Génération Y le clame haut et fort, ose l'affirmer, le revendiquer.

Une meilleure résistance au stress


Un autre effet non négligeable de la reconnaissance est qu'un individu qui
se sent reconnu et apprécié aura plus confiance en sa capacité à réussir
malgré les difficultés, se sentira plus fort face aux épreuves, aura une
motivation accrue pour atteindre ses objectifs malgré les difficultés et
présentera une plus grande résistance au stress. Dans les entreprises
modernes, c'est un atout majeur.
Au Canada, la chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de
l'université de Laval, innovant dans ce domaine, a mené des études sur la
reconnaissance au travail. Les résultats ont montré que les pratiques de
reconnaissance agissent de manière importante sur la réduction du stress
des individus au travail[5]. Cette université développe et propose aujourd'hui
des outils favorisant l'implémentation de pratiques en ce sens.

Les signes de reconnaissance


selon l'Analyse Transactionnelle
L'Analyse Transactionnelle est une théorie de la personnalité et de la
communication développée dans les années 1950 aux États-Unis par le
psychiatre Eric Berne. Selon cette théorie, le besoin de signes de
reconnaissance, appelés « strokes[6] », est un besoin vital chez l'individu :
l'individu, depuis sa plus tendre enfance et tout au long de sa vie, a besoin
d'échanges physiques et psychologiques avec les personnes qui l'entourent.
Le besoin de stimulus physique du bébé se transforme petit à petit au cours
de son existence : bien que ne disparaissant jamais complètement à l'âge
adulte, le besoin physique évolue en besoin de stimulations sociales[7]
(statut, position, honneurs, pouvoir, argent…).
L'individu recherche en permanence des strokes, de préférence positifs. Une
personne préférera cependant recevoir un stroke négatif plutôt que de ne pas
en recevoir du tout. Certains comportements « tape à l'œil » ou d'échec en
entreprise sont à rapprocher du comportement d'un enfant qui fait des
bêtises pour attirer l'attention de ses parents. Tout plutôt que l'indifférence
de la part de l'autorité.
Les strokes peuvent être conditionnels, donnés à la personne pour ce qu'elle
a fait, ou inconditionnels, donnés à la personne pour ce qu'elle est. Une
prime liée au rendement est un stroke conditionnel. Un compliment donné
sans condition, par exemple « Vous êtes toujours d'une efficacité
remarquable » est un stroke inconditionnel.
Les strokes positifs conditionnels aident les collaborateurs à atteindre
l'objectif visé. Ils constituent un excellent levier de motivation lorsque
l'objectif est clair et accepté. Les strokes inconditionnels sont importants
pour aider la personne à progresser et à être autonome. La promesse d'un
bonus financier lié à l'atteinte d'un objectif (stroke conditionnel) ne sera
efficace que si la personne a suffisamment confiance en elle dans sa
capacité à atteindre cet objectif, c'est-à-dire si elle a reçu suffisamment de
strokes inconditionnels qui lui ont permis d'acquérir cette confiance en elle.
L'utilisation et la maîtrise des strokes est un formidable outil pour le
manager, qui communiquera des strokes positifs pour motiver, négatifs pour
redresser une situation, conditionnels pour aligner des collaborateurs sur
des objectifs, inconditionnels pour renforcer la confiance en soi de
collaborateurs. Évidemment, le tout avec tact, finesse et discernement, n'est-
ce pas ?

Susciter la motivation
et l'engagement des salariés
Les entreprises doivent actuellement faire face à un phénomène de
désengagement de la part des salariés. Selon les enquêtes, le désengagement
des salariés vis-à-vis de leur entreprise est en augmentation depuis plusieurs
années[8]. Cela signifie que l'on observe globalement un phénomène de
retrait : les personnes vont travailler, mais elles prennent de la distance par
rapport à l'entreprise et à leur travail, leur motivation bat de l'aile, elles ne
sont pas aussi impliquées que l'étaient les personnes de la génération de
leurs parents. Ce retrait est considéré par certains comme une forme de
protection, contre le burn-out ou contre d'éventuelles trahisons de
l'entreprise qui est perçue comme accordant plus d'importance aux intérêts
financiers qu'aux personnes qui constituent l'organisation.
Face à ce phénomène, intégrer la reconnaissance dans ses pratiques de
leadership constitue un moyen éthique, humain et efficace de restaurer
l'engagement des collaborateurs. Selon Clint Swindall[9], la pratique de la
reconnaissance de ses collaborateurs doit être intégrée dans les concepts de
leadership. La méthodologie développée par Clint Swindall explicite les
concepts clés de leadership que les managers doivent utiliser pour mettre en
place une culture de l'engagement. Plus que des concepts, il décrit des
recommandations et des pratiques ayant pour objectif le retour de la
motivation et l'implication des salariés. Parmi ces pratiques, la
reconnaissance et le renforcement positif ont leur place d'honneur. Par
exemple, énoncer les conséquences positives liées à un résultat à atteindre
puis valoriser la personne lorsque le résultat est atteint. Accorder de la
flexibilité personnalisée aux collaborateurs avec, à la clé, l'atteinte de leurs
objectifs. Trop simple ? Peut-être pas tant que ça… Pourquoi dans ce cas,
ces pratiques ne sont-elles pas plus répandues ? On verra plus loin quels
sont les freins et comment faire pour les lever.

Exercice 1.1 – Quelques questions pour progresser


Pour vous en tant que manager, qu'est-ce que la reconnaissance ?
Et pour vous en tant que collaborateur ?
Vos attentes en tant que collaborateur correspondent-elles à votre définition en tant que
manager ? Sont-elles similaires à celles de vos collaborateurs ?
Êtes-vous à l'aise avec l'utilisation des signes de reconnaissance ? Communiquez-vous des
signes de reconnaissance de manière naturelle ? Décrivez trois situations où l'on vous a fait
part d'un besoin de reconnaissance et la façon dont vous avez réagi :
1–
2–
3–
2

Reconnaître, c'est d'abord se connaître

« Si tu ne peux pas être un arbre sur la colline, sois un buisson dans la


vallée, mais sois le meilleur buisson à des lieux à la ronde.
Si tu ne peux pas être une route, sois un sentier.
Si tu ne peux pas être le soleil, sois une étoile.
La valeur ne se mesure pas aux dimensions ;
Sois ce que tu es, mais sois-le à fond. »
Douglas Malloch

Échanges sur le terrain


Maud, manager d'une équipe d'une dizaine de collaborateurs, me demande :
– En fait, dis-moi… comment ça marche, un être humain ?
– Euh… Pourquoi cette question ?
– Pour bien communiquer avec les personnes
– C'est génial déjà de se poser la question. Jusqu'à quel degré as-tu besoin
de savoir comment marchent les personnes pour bien communiquer avec
elles ?
–…
– Et toi, est-ce que tu sais comment tu marches ?

Que s'est-il passé ?


« Un être humain, comment ça marche ? ». Quelle belle et vaste question !
Mais comment y répondre de manière simple ?
Plusieurs éléments de réponses.
Reconnaître l'autre, c'est d'abord le connaître. Connaître les autres, c'est
d'abord se connaître. Pour pouvoir donner des signes de reconnaissance à
quelqu'un, il faut probablement déjà, en tant que manager, avoir fait la paix
avec soi-même.
Où en êtes-vous, vous, par rapport à vos attentes en termes de
reconnaissance ? Vous sentez-vous reconnu en tant que manager ? Quel
filtre allez-vous positionner par rapport aux demandes de reconnaissance
exprimées directement ou indirectement de la part de vos collaborateurs, si
vous-même ne vous sentez pas reconnu ?
Poussons le bouchon un peu plus loin. Si vous n'êtes pas passionné par
votre métier, comment allez-vous obtenir de vos équipes qu'elles le soient ?
Un manager doit entraîner son équipe dans une dynamique, insuffler de
l'énergie, montrer l'exemple par un comportement positif et optimiste. Peut-
on faire semblant d'être positif et optimiste? Sur la durée ? J'ai vu des
managers faire semblant et ne pas réussir. Et d'autres faire semblant et
réussir. Nous avons tous rencontré dans notre vie professionnelle des
managers qui, même en période de crise ou de morosité ambiante, sont
toujours de bonne humeur, souriants, enjoués et plein d'énergie
communicative. Qu'ont-ils de différent ? Ceux qui réussissent sont en
général ceux qui sont à leur place en tant que manager.
Être à sa place, c'est sentir une cohérence entre son identité, ses
compétences, ses aspirations professionnelles et le sens que l'on donne à
son travail[1]. Se sentir à sa place donne un sentiment de plénitude, de bien-
être, et permet d'affronter des situations difficiles, car on sait que c'est là
notre chemin. Se battre face aux difficultés a du sens.
Trouver sa place peut demander du temps. De plus, être manager n'est pas
une place pour tout le monde. Devenir manager est souvent considéré
comme l'unique voie d'évolution dans l'entreprise. Certains deviennent
managers pour avoir le statut et le pouvoir correspondant, d'autres parce
qu'ils ont peur de ne plus pouvoir progresser s'ils refusent ce qu'ils
considèrent comme l'unique forme de promotion (considération souvent
alimentée par l'entreprise, bien que certains grands groupes technologiques,
conscients des effets pervers de cette logique, essaient de développer des
filières valorisantes d'experts techniques). C'est peut-être un passage obligé,
mais ce n'est pas vraiment leur place. Ceux qui ne sont pas à leur place ont
du mal à être authentiques dans leur optimisme… Et consomment beaucoup
d'énergie à essayer de rester optimistes sur la durée. Pour ceux qui essaient.
Il est rare que l'on puisse réussir à faire semblant longtemps. Car les
collaborateurs, et en particulier ceux de la Génération Y, attendent de la part
de leur leader de l'exemplarité mais aussi de l'authenticité. Être authentique,
c'est signifier à son collaborateur « Je te reconnais comme capable de me
voir tel que je suis, dans mon rôle de manager ».

Détecter nos besoins de reconnaissance


Chacun cherche à répondre à la question « Qui suis-je ? ». « Eh bien
non ! Je suis plus intéressé par ce que je fais, par mon job, par mon activité,
plutôt qu'à me poser des questions métaphysiques sur moi-même et à me
regarder le nombril » allez-vous rétorquer vertement. En êtes-vous sûr ? Et
si justement cette activité vous plaît parce qu'elle vous permet d'éviter la
question de qui vous êtes ? « Un roi sans divertissement est un homme plein
de misères » écrivait Blaise Pascal. Comprendre ici « divertissement » au
sens « activité ».
Lorsque l'on prend l'avion, les consignes de sécurité indiquent qu'en cas de
dépressurisation de la cabine, on doit d'abord mettre le masque à oxygène
sur son propre visage avant d'aider ses proches à positionner le leur. Pas de
culpabilisation mal placée : ce n'est pas se regarder le nombril que de
chercher à se connaître, dans une juste mesure. Cela permet de mieux
comprendre ses motivations, ses frustrations, ses forces et ses faiblesses, ce
qui nous fait avancer. Et par là-même, de mieux comprendre les autres et de
les aider à avancer.
Détecter les besoins de reconnaissance de son collaborateur, c'est
commencer par essayer de se connaître, puis essayer de connaître l'autre,
communiquer, en ayant conscience de tous les filtres qui sont présents lors
de cette communication et de cette perception de l'autre.
Comprendre qui est votre collaborateur, ce sera essayer de discerner,
d'abord chez soi-même puis chez l'autre :

Ses besoins fondamentaux en tant qu'être humain :


besoin de sécurité : il souhaite être reconnu comme compétent car
il a peur de perdre son emploi ;
besoin de justice : il pense qu'il y a des injustices en termes de
salaires au sens de l'organisation ;
besoin d'appartenance : il a besoin d'être reconnu comme
appartenant à l'équipe ;
besoin d'accomplissement : il pense avoir fait quelque chose de
remarquable…
Sa personnalité :
plutôt introverti ou plutôt extraverti : il est plutôt du genre à
clamer haut et fort qu'il n'est pas reconnu et à contaminer l'équipe,
ou plutôt du genre à le garder pour lui et à ne plus avoir le cœur
au travail sans le dire à personne ?
plutôt global ou plutôt expert : il préfère être reconnu pour sa
capacité à mener une équipe ou un projet ou pour son expertise ?
plutôt stable ou plutôt changeant ?...
Sa culture :
culture liée au sexe : les hommes en général sont à la recherche
du pouvoir et des biens matériels, les femmes sont souvent à la
recherche de l'harmonie et de l'équilibre ;
culture liée à la nationalité : certaines cultures sont plus orientées
vers les personnes et les relations, d'autres sont plus orientées vers
la tâche et les résultats ;
culture liée à l'entreprise : un nouvel embauché expérimenté aura
été quelque peu « formaté » par son entreprise précédente ;
culture liée au métier : les commerciaux n'ont pas les mêmes
besoins de reconnaissance que les ingénieurs ou que les
assistantes…
Le contexte :
le contexte vous fait endosser votre costume de manager
autoritaire ou votre costume de manager coach ;
le contexte des annonces d'augmentations de salaire n'est pas le
même que celui du pot de fin d'année…
Son humeur du moment :
il est de mauvaise humeur parce qu'il vient de discuter avec son
collègue qui lui a dit qu'il avait eu une meilleure augmentation
que lui ;
il est de bonne humeur parce que son collègue vient de l'aider à
résoudre un problème technique ;
elle est joyeuse parce qu'elle vient d'être félicitée par un de ses
clients ;
elle est énervée parce qu'elle vient de se faire secouer par un de
ses clients pour un problème dont elle n'est pas responsable ;
il est heureux parce qu'il vient d'être papa ;
il est triste car il vient de perdre un très bon ami…

Des outils pour mieux vous connaître


Il existe aujourd'hui sur le marché de nombreux outils d'évaluation des
compétences managériales et de tests de personnalités. En général, ces
outils ne laissent pas indifférents et suscitent souvent des réactions très
contrastées.
Certains managers disent ne pas apprécier les tests de personnalité qu'ils
qualifient d'outils « psy » et indiquent ne pas vouloir être « mis dans une
boîte ». Ou peut-être redoutent-ils de faire face à des choses sur eux-mêmes
sur lesquelles ils préfèreraient garder le voile. Pour eux ou pour les autres ?
Pourtant un outil de personnalité validé sur le marché et administré par un
professionnel peut apporter une aide précieuse au manager. Les résultats du
test ne doivent pas être considérés comme une vérité absolue, mais plutôt
comme une photo, prise à un instant donné, qui fournit des informations
intéressantes sujettes à réflexions et à actions. Non seulement travailler sur
ses faiblesses est un pas de plus vers la performance, mais encore connaître
ses points forts est un atout supplémentaire, une flèche de plus dans le
carquois du manager.
Par exemple, j'ai rencontré beaucoup de managers manifestant leur
enthousiasme pour les 360 et certains outils tels que le MBTI.

Qu'est-ce qu'un 360 ?


Un 360 ou 360 degrés ou 360° feedback est un outil d'évaluation
managériale à 360 degrés, c'est-à-dire qu'il comprend une auto-évaluation
de la part du manager lui-même, mais également une évaluation de la part
de son management, de ses pairs et de ses collaborateurs. D'où l'expression
360 degrés. Beaucoup d'entreprises laissent le manager choisir les
personnes qui répondront anonymement à un questionnaire à choix
multiples, parmi son management, ses collègues et ses subordonnés. Les
réponses sont compilées par l'outil pour dresser le profil de la personne en
termes de comportements ou de compétences managériales, indiquer ses
points forts et ses axes de développement. Il permet au manager d'avoir une
photo à un instant t de la manière dont il est perçu par son entourage
professionnel. Cette perception peut être différente de la sienne, ce qui peut
l'amener à modifier son comportement afin d'améliorer ses relations avec
les autres ou travailler sur ses axes de développement.
La restitution du 360 au manager doit être faite par un professionnel,
consultant externe ou RH interne, et ce pour plusieurs raisons :

La découverte des résultats de son 360 peut parfois produire un choc


au manager, s'il contient trop d'éléments qu'il perçoit comme négatifs.
Il vaut mieux que le manager soit accompagné dans ces moments-là
pour que le choc soit un catalyseur qui engendre une phase de
changement plutôt qu'une spirale négative.
Le professionnel aidera le manager à éviter les erreurs d'interprétation.
Certains 360 comprennent également un champ de commentaires
libres. Il arrive que le manager dans le déni des feedbacks préfère
passer du temps à essayer de deviner qui a écrit le commentaire plutôt
que de le considérer comme un feedback utile pour améliorer son
comportement. Le professionnel veillera alors à recadrer et aidera le
manager à s'inscrire dans une dynamique positive plutôt que dans la
critique des répondants.
Le professionnel aidera le manager à mettre en place un plan d'actions.
Pour certains managers, et même pour beaucoup, le résultat du 360 est
un beau signe de reconnaissance de la part des personnes qui
travaillent avec lui. Rater ce moment serait dommage… Le
professionnel aidera le manager à prendre conscience de ces signes de
reconnaissance et de l'étendue de ses atouts. Il pourra également
définir avec lui la meilleure manière de tirer parti de ses points fort. Le
360 peut servir, dans ce contexte, d'outil de renforcement positif.

Bien utilisé, un 360 peut s'avérer être non seulement un superbe outil de
connaissance de soi, mais aussi un moyen de développer les compétences
managériales.

Qu'est-ce que le MBTI ?


Parmi les outils d'analyse de la personnalité, le Myers-Briggs Type
Indicator[2] est l'un des plus connus et des plus utilisés dans le monde. Ce
questionnaire a été développé à l'origine dans les années 1960 par Isabelle
Briggs Myers et sa mère Katharine Cook Briggs, à partir des travaux de
Carl G. Jung sur les types psychologiques.
Le MBTI bénéficie aujourd'hui de plus de 50 ans de recherche et plus de 3,5
millions de questionnaires sont remplis chaque année dans le monde[3]. Son
utilisation est largement répandue, entre autres dans de le cadre du
coaching, des bilans professionnels, des démarches de développement
personnel ou professionnel, des programmes de développement des
managers et des team buildings[4].
Cet autodiagnostic permet de découvrir son type de personnalité, à partir de
ses préférences. Le MBTI modélise la personnalité selon des dimensions,
elles-mêmes déclinées en deux pôles opposés appelés préférences. Chacun
d'entre nous a ses préférences dans sa manière d'obtenir des informations,
de prendre des décisions, d'entretenir son énergie et dans son approche du
monde qui l'entoure.
La notion de préférence est intéressante. Elle signifie que, par rapport à
chaque dimension, l'individu préfère se comporter dans une certaine mesure
selon une préférence, mais qu'il a tout à fait la capacité de se comporter
selon le pôle opposé s'il le souhaite ou si le contexte professionnel l'exige.
Un individu sera plus épanoui dans son rôle professionnel si les
caractéristiques de ce rôle correspondent à ses préférences. Mais il pourra
tenir un autre rôle, au moins temporairement, si les circonstances l'exigent.
J'ai pris la précaution d'écrire « au moins temporairement », car peut-on
tenir sur la durée un rôle professionnel qui ne correspond pas à notre
personnalité profonde ? Probablement. Mais peut-être pas sans difficulté. Et
c'est justement l'un des intérêts de cet outil, de déterminer si nos préférences
sont bien en adéquation avec les caractéristiques de notre poste.
Le MBTI est un formidable outil pour mieux se connaître et comprendre
comment l'on fonctionne. Il nous permet aussi d'améliorer nos relations
avec les autres. À chaque type de personnalité est associée une description
en termes de comportements et de valeurs. On comprend en quoi les autres
sont différents et quelle plus-value ils apportent à l'équipe. Une organisation
a besoin de gens différents pour fonctionner. Elle a besoin de gens qui ont
une vision hélicoptère des situations et de gens qui rentrent dans le détail
des choses. Beaucoup de personnes m'ont indiqué mieux comprendre leur
manager depuis qu'elles avaient découvert les types de personnalités du
MBTI. Vu sous cet angle, c'est aussi un outil très puissant de team building.
On pardonne souvent beaucoup mieux aux personnes qui sont toujours en
retard aux réunions, lorsque l'on comprend que ce n'est pas un manque de
respect, mais que cela fait partie de leur personnalité… qui présente par
ailleurs beaucoup de côtés positifs !

Les limites des outils d'analyse


Aucun outil d'analyse de la personnalité ou des comportements n'est parfait
et en aucun cas l'être humain ne saurait être réduit aux résultats révélés par
ces questionnaires. En revanche, ces outils, s'ils sont bien utilisés,
permettent au manager d'avoir un nouvel éclairage sur lui-même et de
prendre du recul par rapport à ses points forts et ses axes de progrès, mais
aussi de trouver des pistes pour progresser dans son rôle et améliorer ses
relations avec les autres. Certains sont impatients de savoir ce que révèle
leur personnalité ou ce que les autres pensent d'eux, avec au fond d'eux le
secret espoir de voir leur ego gentiment flatté. D'autres considèrent
l'évaluation avec une légère appréhension et préfèrent ignorer ou critiquer
les outils plutôt que d'examiner leurs propres comportements. D'autres
enfin, considèrent qu'il s'agit là d'une opportunité pour mieux se connaître et
trouver des pistes pour se développer tant personnellement que
professionnellement. C'est un peu comme s'observer sur une photo : nous
pouvons critiquer la qualité de la prise de vue ou les talents du photographe,
mais il n'appartient qu'à nous de décider de ce que nous faisons de l'analyse
de notre image.

Exercice 2.1 – Quelques questions pour progresser


Essayez de répondre aux questions suivantes en toute honnêteté. Les réponses ne regardent
que vous.
Quelle sont les motivations qui vous ont conduit à être manager ?
Ces motivations sont-elles comblées aujourd'hui ?
Vous sentez-vous reconnu dans votre rôle actuel ? Que pourriez-vous faire pour l'être ?
Vos attentes sont-elles réalistes ?
Est-ce que vous aimez votre métier ? Pour quelles raisons ?
Vous sentez-vous à votre place en tant que manager ?
Savez-vous si votre personnalité profonde et vos valeurs sont en adéquation avec votre rôle de
manager ?
En quoi la façon dont vous vivez votre rôle de manager a-t-elle un impact sur votre
communication avec vos équipes ? Sur la façon dont vous répondez à leur besoin de
reconnaissance ?
Quelle est votre moteur, votre signature personnelle, cette force qui vous fait avancer, vous
lever le matin pour affronter la complexité d'une nouvelle journée de travail ?
3

Adopter une image positive de soi-même,


un préalable à la pratique
de la reconnaissance

« Efforts and courage are not enough without purpose and direction »
[1]
.
John F. Kennedy

Échanges sur le terrain


Marcel passe la tête dans mon bureau.
– Bonjour, t'as 5 minutes ?
(Ouh là… je sens que je vais me faire vertement réprimander… est-ce que
je me trompe ? Pourquoi est-ce que j'interprète tout de suite son regard
sombre ?)
– Bien sûr, entre. Que puis-je faire pour toi ?
– J'en peux plus ! je ne sais plus où donner de la tête. Ça fait dix fois que je
reprends les chiffres du forecast, et c'est jamais bon. Ça fait trois fois que
mon boss me fait reprendre la présentation pour demain. J'ai cinquante
mails en retard. J'ai une réunion dans une demi-heure et j'ai rien préparé
(Bienvenu au club… pourquoi est-ce que tout le monde a tellement de
réunions non préparées ? Est-ce bien utile ? ) Mes collaborateurs sont
démotivés. Ils râlent parce qu'ils disent qu'ils font trop d'administratif et pas
assez de travail valorisant. Et tout ça pour quoi ? J'en sais rien… Je ne suis
même pas reconnu en tant que manager.
– Qu'est-ce que ça voudrait dire « être reconnu en tant que manager » ?
– Ben, un minimum de reconnaissance de tout ce que je fais alors que
personne ne le sait, le fait d'être en permanence entre l'enclume et le
marteau, complètement écartelé entre les demandes de mon propre
management et celle de mes collaborateurs, et en plus être obligé de faire la
danse du ventre en disant qu'on est motivé.
– Ah, pourquoi, tu ne l'es pas, motivé ?
– Je ne sais pas, je ne sais plus…
– Alors, tu n'es pas motivé et tu voudrais que tes collaborateurs le soient ?
(Silence. Regard noir de sa part.)
– Alors, dis tout de suite que c'est de ma faute si mes collaborateurs ne sont
pas motivés ! Pourquoi est-ce qu'on met toujours tout sur le dos des
managers !
– Ce n'est pas ce que j'ai dit… est-ce que c'est ce que tu as entendu ? Bon,
relax. Est-ce que tu vas prendre sur tes épaules la motivation de toutes les
personnes de ton équipe ?
(Re-silence. Regard poivré de sa part.)
– Pourquoi souris-tu ? Bon OK, OK. Je me calme. Et je fais quoi,
maintenant ?
– Quel problème veux-tu régler ? Le fait d'être pris en étau entre de
multiples acteurs et contraintes, le fait de ne pas être reconnu, la motivation
de ton équipe ou celui d'être débordé ?
– Tu as raison, il y a beaucoup de choses, mais tout est lié.
– Comment font les autres managers ? Est-ce qu'ils rencontrent les mêmes
problématiques ? Comment s'y prennent ceux qui s'en sortent ? Est-ce que
c'est spécifique à notre entreprise ou bien est-ce pareil ailleurs ?
(Re-re-silence. Regard gris de sa part.)
– Oui, tu as raison, je vais aller déjeuner avec Mario et Maggy. Et puis je
vais appeler Mike, il bosse dans une boîte du secteur high tech aussi.
– Et en ce qui concerne ton besoin de reconnaissance, en as-tu discuté avec
ton manager ?
– Oui, ça fait quinze fois que je lui ai dit. Mais rien ne se passe.
– Rien ne se passe à propos de quoi ? De quelles actions avez-vous décidé ?
– On n'a parlé d'aucune action concrète jusqu'à présent. Je lui ai juste dit ce
que je viens de te dire.
– Penses-tu que ton manager soit en mesure de résoudre ton besoin de
reconnaissance avec ces éléments-là ?
(Re-re-re-silence. Regard clair de sa part.)
– Je ne crois pas. J'ai besoin d'en rediscuter avec lui. Tout n'est pas entre ses
mains, mais il y a probablement des choses que l'on peut faire
différemment. Je te remercie. Tu ne m'as pas résolu mon problème (Ah
bon ? c'était sa demande ? wouaouh…) mais j'y vois beaucoup plus clair
maintenant.

Que s'est-il passé ?


À noter dans un premier temps qu'en voyant son visage, j'ai tout de suite
pensé qu'il venait pour me reprocher quelque chose alors qu'il était
simplement stressé. Depuis, je me garde d'interpréter les visages, je reste
ouverte à toute éventualité. De la même manière, il y a souvent des
collaborateurs qui viennent me voir en me disant « Mon chef m'en veut ».
En fait, après analyse de la situation, il s'avère que c'est souvent une
interprétation erronée du visage du chef, qui n'en veut pas du tout à son
collaborateur, mais qui est bel et bien plongé dans ses soucis.
Mais revenons à Marcel. Marcel doit visiblement « vider son sac ». Il
apprécie qu'on lui laisse l'opportunité de le faire et il est ensuite plus calme.
Ce que Marcel met en évidence, beaucoup de managers le déplorent : ils se
disent en « sandwich » entre de multiples contraintes et de multiples
acteurs. Quelle image se donnent-ils à eux-mêmes et par conséquent quelle
image donnent-ils d'eux-mêmes en disant cela ? D'autres se demandent s'ils
doivent se tourner, plutôt vers le haut ou plutôt vers le bas ou vers les côtés.
La réponse est déjà dans la question : dans tous les sens… sans pour autant
devenir une girouette !

Gérer les contradictions


Faire toujours plus vite et toujours de la qualité. Faire toujours plus avec de
moins en moins de moyens. Rentrer dans les chiffres et être humain.
Donner des perspectives avec des priorités qui changent tous les jours… On
pourrait tapisser les murs de la galerie des glaces du château de Versailles
de toutes les contradictions que le manager doit comprendre, assumer,
gérer, expliquer.
Gérer les interfaces, les contradictions, comprendre et expliquer la stratégie.
Donner du sens à la nébulosité. Et si toutes ces subtilités participaient à la
valeur ajoutée du manager ?

Image de soi et reconnaissance


Être capable de fournir des signes de reconnaissance aux personnes de son
entourage nécessite d'avoir fait la paix avec soi-même et adopté une image
bienveillante de son rôle au sein de l'organisation. Dans le cas contraire,
toute l'énergie nécessaire pour combattre une image de soi négative serait
autant d'énergie non disponible pour la pratique de la reconnaissance. L'art
de pratiquer la reconnaissance implique de savoir cultiver une image
positive de soi-même, des autres et de l'entreprise. Une vision positive ne
signifie pas voir le monde en rose. C'est une vision toute en nuances, qui
n'occulte pas les problèmes, mais qui s'appuie sur la capacité des êtres
humains à progresser et à mettre en œuvre des ressources pour surmonter
les difficultés.

Exercice 3.1 – Dessinez votre image


Je pensais l'autre jour à ce manager qui racontait au café qu'il en avait assez d'être pris en
sandwich entre sa hiérarchie et ses collaborateurs et d'être pressuré de toutes parts. Alors que
certains de ses pairs, exerçant le même type de fonction dans les mêmes conditions donnaient
une toute autre description de leur rôle. Si ce manager se décrit ainsi de manière anodine au
café, il y a de fortes chances qu'il ait laissé échapper cette description vis-à-vis de ses
collaborateurs. Quelle image donne-t-il de lui-même ? Une théorie dit que souvent l'image que
l'on a de soi-même est celle que l'on projette aux autres. Si vous pensez que vous êtes un
manager écartelé entre toutes les contraintes, pressuré par la hiérarchie et impuissant à
répondre à toutes les demandes de vos collaborateurs, à quoi cela ressemble-t-il ? Certains
managers se disent pris en sandwich… D'autres se sentent bâtisseurs d'un nouveau monde…
Et vous, quelle image avez-vous de vous-même en tant que manager ? Cette image est-elle
positive ? Les personnes qui exercent la même fonction rencontrent-elle les mêmes difficultés
et projettent-elles la même image que vous ?
Quel serait votre comportement si vous souhaitiez vous mettre en valeur, sans pour autant
sombrer dans l'arrogance ou la vantardise ?
Si vous cherchiez une image de vous-même qui vous ressemble, qui vous met en valeur sans
vous survaloriser et qui vous apporte du rayonnement ainsi que de l'énergie, quelle serait-elle ?
Essayez de trouver un ou deux mots pour décrire cette image ou bien dessinez-la dans le carré
ci-dessous

Dessinez votre image


4

Les signes de reconnaissance au travers du prisme


des cultures

« The pessimist sees difficulty in every opportunity. The optimist sees


the opportunity in every difficulty. [1] »
Winston Churchill

Échanges sur le terrain


Michel déboule dans mon bureau, visiblement énervé :
– Quels hypocrites ces Américains ! Ils te disent toujours que tu es super
beau, super intelligent, super brillant, alors que ce n'est pas vrai.
– Ah bon ? Tu trouves les Américains hypocrites ? C'est bizarre, parce que
eux, ils trouvent les Français râleurs et pessimistes...
– Mais ce n'est pas vrai !
– Mais ça veut dire quoi « être vrai » ? La réalité n'existe pas, tout n'est
qu'affaire de perception.
– Oui, enfin, c'est gentil ton bla-bla RH et pseudo-philosophique, mais moi
ça m'énerve de voir Jimmy qui, de son bureau de Los Angeles, distribue des
« Excellent », qui dit que « oui, on va y arriver ! », alors que pendant ce
temps, rien n'avance.
– Pourquoi ? Le fait de dire qu'on ne va pas y arriver, cela ferait avancer
plus vite ?
– Ben non, mais plutôt que de dire qu'on va y arriver, il vaudrait mieux
lister la tonne de problèmes qui restent encore à résoudre.
– Et qu'est-ce qui t'empêche de faire les deux à la fois ?
– Euh… rien… a priori…
– Et est-ce que tu penses que le projet a plus de chance d'aboutir si tu listes
problèmes à résoudre et les actions associées tout en disant que tu vas y
arriver ou bien si tu dis que de toute façon il y a des tonnes de problèmes à
résoudre et qu'on est loin d'y arriver ?

Que s'est-il passé ?


Michel s'énerve par rapport à un comportement, et cela l'empêche de
prendre du recul pour analyser clairement la situation (heureusement que
cela ne vous arrive jamais, à Vous…). Le comportement au travail d'un
Américain peut être agaçant pour un Français qui n'a aucune connaissance
des différences interculturelles. Tout comme, d'ailleurs, le comportement
d'un Français pour un Américain… Chaque culture a ses caractéristiques et
ses points forts dans un contexte donné… Le global manager averti pendra
le meilleur dans chaque culture.
Ensuite, dans ce cas précis et au-delà de l'agacement suscité par le
comportement particulier de Jimmy, Michel a-t-il cherché à savoir pourquoi
cela n'avance pas ? Le comportement « on dit que tout va bien mais rien
n'avance » est-il généralisable à toute l'équipe américaine ou seulement à
Jimmy ? Michel a-t-il cherché à savoir si c'est lié à la personnalité de
Jimmy, ou à un trait culturel, ou à un contexte particulier de projet,
d'équipe, de climat, de conjoncture ? Y a-t-il des tensions et des conflits de
pouvoir ? Dans quel contexte ?

L'impact des différentes cultures :


les cinq dimensions d'Hofstede
Geert Hofstede, anthropologiste hollandais, a publié en 1980 les résultats
d'une étude menée auprès de plus de 100 000 collaborateurs d'une
entreprise internationale dans plus de 50 pays. Il en a déduit 4 dimensions
culturelles, qu'il a complété ensuite par une 5e dimension après une autre
étude concernant les pays asiatiques. Ces dimensions culturelles, qui sont
encore aujourd'hui considérées comme des références en la matière,
permettent de comparer les différentes cultures aux niveaux de leurs
comportements.
Selon Geert Hofstede[2], la culture est la programmation de l'esprit qui
distingue les membres d'un groupe ou d'une catégorie des autres. La culture
peut être vue comme un ensemble de valeurs, de croyances, de
comportements, d'habitudes, de manières de voir les choses, de
connaissances, de mythes, de symboles… partagés… qui seraient transmis
par les parents et l'environnement dès l'enfance et alimentés tout au long de
la vie.
On peut aussi parler de culture d'entreprise.
Nous avons tous en nous-même plusieurs cultures : notre culture nationale,
la culture de l'entreprise dans laquelle nous travaillons, la culture de notre
école, ou de notre métier, de notre classe sociale, de notre club de sport…
Nous n'en avons pas forcément conscience. Nous prenons conscience d'une
culture quand on est confronté à une autre. C'est là que, au travers du
« culture choc », l'on se rend compte de façon parfois assez brutale que l'on
peut voir les choses autrement.

Zoom sur…
les cinq dimensions de la culture d'Hofstede
Individualisme/Collectivisme – Dans les sociétés individualistes, l'individu s'occupe de lui-
même et de sa famille immédiate. L'identité de l'individu est basée sur le « Je ». Par
opposition, dans les sociétés collectivistes, l'individu est intégré dans un groupe (qui peut être
la famille ou l'entreprise) qui lui assure protection en échange de sa loyauté. L'identité de
l'individu est basée sur celle du groupe, sur le « Nous ».
Distance hiérarchique – Cette dimension concerne le degré d'acceptation des inégalités de
pouvoir par ceux ne détenant pas le pouvoir. Dans les pays à forte distance hiérarchique, les
personnes acceptent davantage les différentes de statuts et l'autorité des chefs que dans les
pays à faible distance hiérarchique.
Masculinité/Féminité – Dans les sociétés masculines, les rôles entre les hommes et les
femmes sont très distincts. Les hommes sont dominants, et ces sociétés valorisent la recherche
des biens matériels, la prospérité, le succès et l'argent. Les sociétés féminines ne différencient
pas les rôles entre les deux sexes. Ces sociétés valorisent la qualité de vie et les relations
humaines.
Aversion pour l'incertitude – Cette dimension concerne le comportement face à l'incertitude,
l'ambiguïté et l'inconnu. Les société à faible aversion pour l'incertitude n'ont pas peur des
risques et tolèrent les différences. A contrario, dans les pays à forte aversion pour
l'incertitude, les personnes aspirent à la stabilité de l'emploi, indiquent ressentir du stress dans
leur vie quotidienne et une inquiétude face à l'avenir.
Orientation à Court-terme / Long-terme – Dans les cultures à orientation à long terme, les
valeurs d'économie, de persévérance et d'attente de résultats ultérieurs d'un dur travail sont
prédominantes. A contrario, les cultures court-terme privilégient les résultats immédiats sur la
préservation de l'avenir.
Attention : ces dimensions s'appliquent statistiquement au niveau d'une culture et non pas au
niveau individuel. Tous les individus partageant une même culture n'ont pas tous les mêmes
caractéristiques. En outre, la dénomination des dimensions désigne des extrêmes : les
caractéristiques des cultures se trouvent sur un continuum entre les deux extrêmes.

Regardons d'un peu plus près les différences culturelles entre les Français et
les Américains. L'objectif de la comparaison qui suit est de montrer en quoi
les différences culturelles expliquent que ce qui paraît « normal » ne va pas
de soi pour tout le monde.
Les résultats de l'étude ont montré que les Américains sont plus
individualistes que les Français. Mais que ces derniers le sont tout de
même… bien plus que les Asiatiques. Les Français n'ont en général pas de
problème avec cette dimension de la culture américaine, qui détient la
palme en matière d'individualisme. Les entretiens individuels d'évaluation
annuelle, par exemple, très prisés dans la culture de la mesure de la
performance américaine, sont en général bien acceptés en France. Sous
réserve que ceux-ci prennent en considération la personne et son besoin de
reconnaissance et non pas seulement les résultats.
En ce qui concerne la distance hiérarchique, le manager international que
vous êtes ne sera pas surpris d'avoir la confirmation que les résultats de
l'étude ont montré que la distance hiérarchique est plus faible en Amérique
du Nord qu'en France. Effectivement, les managers américains sont en
général plus accessibles que les managers à la française et supportent la
contradiction en réunion de la part de leurs collaborateurs… dans la mesure
où cela a un impact positif sur les résultats. En fait, managers et
collaborateurs américains se considèrent comme égaux par essence, le
manager ayant une position qui lui confère un certain pouvoir, celui-ci
pouvant être renversé du jour au lendemain au gré des réorganisations au
profit de l'un de ses collaborateurs. Tout le monde peut, en théorie, devenir
manager, selon un vieux principe américain qui veut que chacun a toutes les
chances de réussite. En France, en revanche, être manager relève du statut,
celui-ci étant en général régi par des règles au sein de l'entreprise et souvent
par une convention collective. Il en résulte une culture des statuts ou
« logique de l'honneur », admirablement bien décrite par Philippe
d'Iribarne[3] dans son livre éponyme. Il y a une certaine fierté à être
manager en France et être promu manager est considéré par beaucoup
comme un signe de reconnaissance très fort.
Les États-Unis ont une culture plus masculine que la France. La France est
proche de la moyenne Masculin/Féminin, et bien moins féminine que les
pays d'Europe du Nord où l'équilibre de la répartition des rôles
hommes/femmes et la recherche de la qualité de vie font partie de valeurs
fondamentales. Il est ainsi communément admis aux États-Unis de
rechercher la richesse, la réussite et le confort matériel. Vouloir gagner de
l'argent n'y est pas honteux. Contrairement aux Français contraints dans leur
logique de l'honneur héritée des anciennes noblesses, où les privilèges ne
sont pas toujours étalés en plein jour, les Américains n'ont aucune honte à
parler argent, salaires et à montrer des signes ostentatoires de richesse.
L'argent est un signe de reconnaissance fort aux États-Unis. Cela ne veut
évidemment pas dire qu'en France il ne le soit pas… Mais la nuance est
subtile, salaire et statut doivent aller de pair, et un salarié français se sentira
en manque de reconnaissance s'il considère que son statut n'est pas assez
élevé par rapport à son salaire. Il considérera qu'étant donné son salaire, il
« mérite » d'avoir un titre représentatif du statut qu'il brigue.
Les Français n'aiment pas l'incertitude et sont angoissés par leur avenir.
Bien plus que les Américains. Cela ne veut évidemment pas dire que les
Américains ne sont jamais angoissés par leur avenir, ni que les Français ne
sont jamais confiants… Mais globalement, les Américains pensent qu'ils
vont avoir la capacité de surmonter les difficultés et de réussir. La culture
américaine prône l'optimisme et la confiance en soi. Les enfants sont
encouragés à réussir dès leur plus jeune âge et sont éduqués avec des
feedbacks positifs qui les encouragent à progresser. Une mère américaine
dira à son enfant «You're great! You can do it! », là où la mère française dira
« Tu risques d'avoir froid. Tu as pris ton gilet ? ». Il en résulte que les
Américains peuvent apparaître comme naïfs et hypocrites et les Français
râleurs et pessimistes… Et si la sagesse se trouvait entre les deux ?
Les Américains sont short-term oriented, encore plus que les Français. On
ne peut pas dire que les Français s'inscrivent dans le long terme en
comparaison aux cultures asiatiques, mais ils sont un peu moins dans le
court terme que les Américains. Il peut en résulter un stress certain des
Français par rapport aux pratiques managériales américaines qui attendent
un retour sur investissement immédiat et pilotent à vue par rapport aux
résultats trimestriels. En termes de reconnaissance, cela permet également
de comprendre que les salariés américains attendent une reconnaissance
immédiate de leurs performances. Ce besoin de reconnaissance immédiate
est particulièrement présent chez les jeunes générations.

D'autres dimensions
Les dimensions d'Hofstede ne sont évidemment pas les seuls traits
caractéristiques des différences interculturelles et d'autres éléments ont été
mis en évidence et font l'objet d'ouvrages complets. Retenons en
particulier les travaux de l'anthropologue Edward T. Hall.

Communication explicite ou implicite


Certaines cultures sont explicites dans leur façon de communiquer alors que
d'autres sont implicites. Il est éclairant d'être sensibilisé au fait que la
culture américaine est explicite ou low-context. Le contexte a peu
d'importance dans la communication qui s'exprime principalement au
travers des mots. Ce qui est dit est dit, et ce qui n'est pas dit… n'est pas dit !
La culture française est, quant à elle, plutôt implicite ou high context. Le
contexte dans la communication a autant d'importance que les mots utilisés,
il y a plus de place à l'interprétation, aux sous-entendus, aux allusions, au
second degré. Les mots ne sont pas forcément blancs ou noirs, ils peuvent
être gris clairs ou gris foncés en fonction du contexte et de la relation entre
les personnes.
L'Américain sera plutôt binaire et pragmatique dans sa communication. Le
Français sera plutôt nuancé et pourra passer pour peu clair et compliqué
pour ses homologues américains. Les Américains contractualisent beaucoup
et les contrats américains sont toujours très longs et très détaillés. Les
Français travaillant dans des entreprises américaines peuvent être agacés
par la lecture des longs process américains qui détaillent tout pas à pas. Ils
sont également surpris par le détail des comportements décrit dans les codes
d'éthique. Pour eux, « cela va de soi ». Il y a beaucoup de choses qui « vont
de soi » pour les Français… qui doivent être explicitées par des mots pour
les Américains ! En outre, les Américains sont très prompts à intenter des
procès si l'autre partie manque à ses obligations. Ce comportement, visant la
plupart du temps à bénéficier de contreparties financières, associé à leur
nature explicite, amènent les Américains à insérer le maximum de détails
dans les actes contractuels.
Ce trait culturel a beaucoup d'impact sur la manifestation de la
reconnaissance qu'un manager souhaite exprimer à son collaborateur. Un
salarié américain aura besoin qu'on lui détaille de manière complète avec
des mots précis et non ambigus ses objectifs pour l'année. Lors de la revue
de l'atteinte des objectifs à la fin de l'année, les résultats devront être, dans
l'idéal, blancs ou noirs par rapport aux objectifs tels qu'ils ont été décrits.
C'est d'autant plus important que cela touche souvent à la rémunération. Le
salarié américain aura du mal à entendre un discours du type « c'était sous-
entendu » au moment de son évaluation annuelle. Vous allez dire… mais
tout n'est pas blanc ou noir ! Un Américain vous répondra que cela peut le
devenir à partir d'un certain niveau de granularité : en découpant
suffisamment finement, au niveau du pixel, vous pouvez lever toute
ambiguïté… C'est bien comme cela que font les ordinateurs, n'est-il point ?
Le salarié français va quant à lui s'énerver si, au moment de l'évaluation
annuelle, vous « pinaillez » sur de mots qui ont été écrits au début de
l'année, alors que « c'est évident » que, par ailleurs, il a fait « beaucoup plus
de choses » que ce qui était écrit.

Temps monochronique ou polychronique


Une autre notion intéressante concerne la manière d'appréhender le temps
qui passe. Les Américains sont plutôt monochroniques, c'est-à-dire qu'ils
préfèrent faire une seule chose à la fois et sont en général très ponctuels. Le
temps est sécable et se compte, comme l'argent. Les Français sont plutôt
polychroniques, c'est-à-dire que cela ne les dérange pas de faire plusieurs
choses à la fois. Le temps est global et sa valeur ne prédomine pas celle de
la relation.
Ceci est à nuancer avec l'utilisation des technologies internet où l'on est
connecté à plusieurs réseaux en même temps et où on écoute une
conférence téléphonique tout en prenant connaissance de ses e-mails. Mais
c'est une tendance : l'Américain préfèrera une réunion qui commence à
l'heure et un agenda détaillé dans le temps (approche chronologique d'un
agenda découpé). Le Français ne sera pas gêné d'arriver un retard en
réunion en poursuivant une communication téléphonique importante et de
sauter directement au troisième point de l'agenda s'il considère que les deux
premiers points sont des détails et pourront être abordés ensuite (approche
globale d'un sujet). Ainsi, un salarié américain qui ne vous connaît pas trop
en tant que son supérieur hiérarchique pourra vous considérer comme bien
impoli si vous arrivez en retard à son entretien d'évaluation et si vous
continuez à passer vos coups de fil pendant l'entretien. Le Français, soyons
honnête, ne sera pas ravi non plus, mais il vous pardonnera plus facilement,
parce que c'est intégré dans sa culture et puis parce qu'on lui a dit que les
chefs font tous comme cela (en lien avec la culture de l'honneur).

Attention aux interprétations hâtives


Des retours d'expérience ont révélé que les formations interculturelles mal
interprétées ont tendance à générer des préjugés plutôt que l'ouverture
d'esprit attendue. Les participants retenaient « les Américains sont comme
ceci, les Français sont comme cela ». Mais vous, vous n'allez pas tomber
dans le panneau, n'est-ce pas ? Il faut considérer ces quelques éléments de
caractéristiques interculturelles comme une grille de lecture, une
sensibilisation, une petite différence qui va générer chez vous le réflexe de
regarder plus loin que votre première réaction.
Si les dimensions culturelles sont globalement partagées au sein d'un pays
et statistiquement prédominantes, il est bien évident que les individus sont
tous différents. D'abord rien n'indique de prime abord que l'Américain avec
lequel vous discutez n'a pas des origines françaises. Ensuite, bien des filtres
entrent en ligne de compte lorsque vous communiquez avec une personne.
Le filtre de votre culture et de la sienne, de votre personnalité et de la
sienne, de votre humeur du moment et… complétez la phrase ? de la
sienne… et bien sûr : du contexte. Des éléments échangés dans le contexte
d'une négociation au travail ou autour d'un verre dans une soirée entre amis
ne passeront pas au travers des mêmes filtres. Il est en conséquence
impératif d'avoir conscience de tous ces filtres potentiels qui modulent la
communication avec une personne de nationalité étrangère. On comprend
dès lors les précautions qu'il convient de prendre lorsque l'on émet un signe
de reconnaissance que l'on pense gratifiant. Il peut ne pas être reçu à la
hauteur de ce que l'on espérait.
Alors, ces précautions quelles sont-elles ? Avoir conscience de ses propres
filtres en tant que personne et en tant que manager. Tenter de détecter les
filtres de nos interlocuteurs. Apprendre à connaître les personnes avec qui
l'on travaille. Et la bonne nouvelle, c'est que montrer à une personne qu'on a
la volonté d'apprendre à la connaître, c'est déjà un premier signe de
reconnaissance…

Des programmes de reconnaissance


Si l'on observe la manière dont les entreprises américaines traitent de nos
jours le problème de la reconnaissance au travail, on ne sera pas surpris de
constater l'aspect explicite et matérialiste de leur approche. En effet, la
majorité des entreprises américaines (environ 80 % selon les sources[4]) ont
un ou plusieurs Employee Recognition Programs[5]. Ces programmes
contiennent les conditions d'éligibilité, le contenu et le process des «
éléments de reconnaissance » qui sont distribués aux salariés.
Depuis de nombreuses années, les éléments les plus distribués sont, en tête
de liste, les certificats nominatifs parfois appelés awards, en deuxième
position les primes et enfin les bons d'achats.
En ces temps de crise, le contenu des programmes est souvent revu à la
baisse et les réactions sont très diverses, surtout lorsque ces programmes
sont exportés en France. Par exemple, à défaut de pouvoir distribuer des
gratifications monétaires, certains Employee Recognition Programs
formalisent des e-mails de remerciements ou des félicitations verbales qui
sont ainsi emballés dans un process à l'américaine.
Certains supportent mal de recevoir un e-mail avec « Thank you for your
great job » simplement parce que c'est écrit dans le process. D'autres, au
contraire, considèrent que c'est bien que ce soit écrit, sinon ils n'auraient
rien eu du tout et que tout compliment est bon à prendre même s'il est
formulé de manière artificielle.
La démarche la plus élégante et la plus efficace est que le manager prenne
le temps d'appliquer le process en le modulant en fonction de ses
collaborateurs. Un manager peut tout dire. Tout dépend de la manière de le
dire. La bonne manière de le dire est celle qui permet d'obtenir l'impact
escompté. Il convient d'anticiper la manière dont le collaborateur va
recevoir la chose et à cette fin, il convient de… le connaître !

Exercice 4.1 – Quels signes de reconnaissance donnez-


vous ?
Sélectionnez dans le tableau ci-dessous les réponses qui vous correspondent le mieux
(plusieurs réponses possibles), puis notez dans la colonne de droite ce que vous pourriez faire
de différent dans votre environnement professionnel.

Je pense que : Que me suggère cette réflexion en


termes de management ou de
reconnaissance ?
q La compétition individuelle est source
d'émulation, de performance
q Je valorise plutôt le groupe et l'esprit d'équipe
q Il est important de savoir reconnaître les
personnes individuellement, mais également la
contribution de l'équipe et à l'équipe
q Tout le monde peut devenir manager, c'est une
question de motivation et de savoir saisir les
opportunités
q Pour être manager, il faut avoir fait les bonnes
études et avoir « la fibre »
q Je ne sais pas détecter le potentiel managérial
chez mes collaborateurs
q Le culte de l'urgence est une qualité essentielle
dans le business
q Pour sortir des produits de qualité, il faut
prendre le temps nécessaire
q Je valorise ceux qui savent bien gérer leur
temps et leur stress
q Je place avant tout la réussite professionnelle
et le salaire
q Je place avant tout l'équilibre vie privée / vie
professionnelle et la qualité des relations
q J'ai du mal à travailler avec des gens qui n'ont
pas le même point de vue que moi sur le sujet
q Risques = opportunités ⇒ indispensables
q Risques = danger ⇒ à éviter
q J'admire les gens qui savent prendre des
risques mais ce n'est pas mon cas
q Il est essentiel d'utiliser des mots précis et sans
ambiguïté si l'on veut éviter les malentendus
q Dans le monde de l'entreprise, il faut savoir
parler de manière détournée et lire entre les
lignes
q J'ai beaucoup de mal avec les gens qui parlent
toujours par sous-entendus
q La ponctualité doit être respectée par tout le
monde
q Je suis toujours en retard, mais les gens sont
habitués et ne m'en tiennent pas rigueur
q Le temps est une ressource qu'il faut savoir
accorder aux personnes et/ou aux actions de
manière pertinente

Quelques suggestions de réflexions


Voici quelques suggestions de réflexions qui ont pour objectif d'élargir votre vision des choses,
en fonction de la case que vous avez cochée (dont le choix a probablement été guidé par votre
culture nationale ou votre culture d'entreprise). Plus large sera votre vision des situations et
plus vous serez capable d'adopter des comportements managériaux englobant les différences
culturelles. Ce qui est important ici, c'est d'appréhender la diversité des points de vue, et
l'efficacité associée au fait de savoir passer d'un point de vue à l'autre de manière souple et
flexible. À vous d'utiliser ensuite votre capacité de discernement pour choisir le point de vue
adéquat en fonction des situations.

Je pense que : Suggestion de réflexions

La compétition individuelle est La valorisation de l'équipe n'est probablement pas


source d'émulation, de votre priorité première. Qu'allez-vous mettre en
performance œuvre pour que votre équipe soit reconnue ?

Je valorise plutôt le groupe et Comment les membres de l'équipe se sentent-ils


l'esprit d'équipe reconnus individuellement ?

Il est important de savoir C'est le point de vue le plus ouvert et qui offre le
reconnaître les personnes plus de possibilités pour que les personnes se sentent
individuellement, mais reconnues individuellement, tout en favorisant la
également la contribution de cohésion d'équipe.
l'équipe et à l'équipe

Tout le monde peut devenir Quels sont, selon vous, les critères de sélection ou
manager, c'est une question de les caractéristiques nécessaires pour devenir
motivation et de savoir saisir les manager ?
opportunités

Pour être manager, il faut avoir Trouvez-vous des exemples de personnes de votre
fait les bonnes études et avoir connaissance qui sont devenus managers sans avoir
« la fibre » fait les bonnes études ni avoir la «fibre ». Comment
ont-elles fait ?

Je ne sais pas détecter le Vous ne savez-pas. Mais en avez-vous envie ?


potentiel managérial chez mes Comment pourriez-vous faire pour savoir ?
collaborateurs Connaissez-vous des personnes qui savent détecter le
potentiel managérial ? Comment font-elles ?

Le culte de l'urgence est une En quoi ce culte de l'urgence est-il une bonne chose
qualité essentielle dans le et dans quelles situations vaut-il mieux prendre le
business temps nécessaire pour sortir des produits de qualité ?

Pour sortir des produits de Les deux sont-ils conciliables ?


qualité, il faut prendre le temps
nécessaire

Je valorise ceux qui savent bien Le fait de savoir gérer votre temps et votre stress
gérer leur temps et leur stress vous permet(trait)-il d'être un meilleur manager ?
Comment font les gens qui savent faire ?

Je place avant tout la réussite Quels sont les avantages associés à cette vision des
professionnelle et le salaire choses ? Quels en sont les inconvénients en termes
de reconnaissance des personnes ?

Je place avant tout l'équilibre Quels sont les avantages associés à cette vision des
vie privée / vie professionnelle et choses ? Quels en sont les inconvénients en termes
la qualité des relations de reconnaissance des personnes ?

J'ai du mal à travailler avec des Qu'est-ce qui vous dérange dans le fait que d'autres
gens qui n'ont pas le même point n'aient pas le même point de vue sur le sujet ?
de vue que moi sur le sujet Pensez-vous qu'ils soient moins compétents ?
Comment reconnaître leur contribution à l'entreprise
sans introduire le biais d'une différence de point de
vue ?
Risques = opportunités ⇒ Quels sont les avantages à savoir prendre des
indispensables risques ?
Risques = danger ⇒ à éviter Quels en sont les inconvénients ?
J'admire les gens qui savent Comment peut prendre des risques en limitant les
prendre des risques mais ce n'est inconvénients ?
pas mon cas

Il est essentiel d'utiliser des Savez-vous discerner les moments où il convient


mots précis et sans ambiguïté si d'employer des mots précis et les moments où il faut
l'on veut éviter les malentendus utiliser des sous-entendus ?

Dans le monde de l'entreprise, il Comment faites-vous pour vérifier si vous êtes bien
faut savoir parler de manière sur la même longueur d'onde que votre interlocuteur
détournée et lire entre les lignes de ce point de vue ?

J'ai beaucoup de mal avec les Quels sont les avantages associés à l'utilisation de
gens qui parlent toujours par sous-entendus ? Comment clarifier la
sous-entendus communication quand vous pensez qu'elle ne l'est
pas ?

La ponctualité doit être respectée Quels sont les avantages associés à cette vision des
par tout le monde choses ? Quels en sont les inconvénients en termes
de reconnaissance des personnes ?

Je suis toujours en retard, mais Quels sont les conséquences du fait que vous soyez
les gens sont habitués et ne m'en toujours en retard ? Comment êtes-vous sûr que les
tiennent pas rigueur autres ne vous en tiennent pas rigueur ?

Le temps est une ressource Si vous n'avez pas coché cette case, quels seraient
précieuse qu'il faut savoir les avantages et les contraintes associés à cette vision
accorder aux personnes et/ou aux des choses ? Sauriez-vous le faire ? Comment font
actions de manière pertinente les personnes qui savent le faire ?
Quelques questions complémentaires
À la lumière de ces éléments sur les différences culturelles, qu'est-ce que cela voudrait dire
prendre le meilleur de chaque culture ? Riche de ces différences qui sont à la fois des forces et
des faiblesses, quelle serait « la juste mesure » en termes de comportements managériaux ?
Comment caractériseriez-vous la culture de votre entreprise ? Comment votre entreprise
transmet-elles ses valeurs, comment les comportements sont-ils reproduits dans votre
entreprise ?
Selon vous, qu'est-ce que la « culture managériale » ? Quelle est la culture managériale de
votre entreprise ? Que vous ont appris les livres de management que vous avez lus, en termes
de cultures managériales ? Quelle est votre culture managériale propre, c'est-à-dire la vôtre ?
En considérant l'ensemble de toutes les cultures vous pensez avoir en vous-même, c'est-à-dire
votre culture nationale, celle de votre entreprise, celle de votre classe sociale, celles des
associations auxquelles vous appartenez, d'autres cultures auxquelles vous pensez, ainsi que
votre culture managériale, quelles sont, selon vous, les caractéristiques de votre culture ?
En quoi votre culture et/ou la culture de votre entreprise constituent-elles un avantage ou au
contraire un frein à la reconnaissance au travail ? Quelles pourraient être les améliorations à
apporter ?
II les clés
pour réussir –
Les situations
où pratiquer
l'art de la
reconnaissance
est indispensable

Chapitre 5. Conduire des entretiens annuels d'évaluation leviers de


motivation
Chapitre 6. Surmonter les difficultés du management à distance
Chapitre 7. Savoir reconnaître les équipes
Chapitre 8. Éviter le piège du manque de temps
Chapitre 9. Trouver des solutions à la reconnaissance salariale
Chapitre 10. Pratiquer l'art de la reconnaissance avec la Génération Y
5

Conduire des entretiens annuels d'évaluation


leviers de motivation

« Si tu prends un rôle au-dessus de tes forces, non seulement tu y feras


pauvre figure, mais encore tu laisses de côté un rôle que tu aurais pu
remplir. »
Épictète

Échanges sur le terrain


Colin frappe à ma porte :
– Bonjour, t'aurais 2 minutes ?
– Bien sûr, entre ! dis-moi, t'en fais une tête, qu'est-ce qui t'arrives ?
– Je sors de l'entretien annuel d'évaluation avec mon manager.
– Ah.
–…
– Et alors ?
– Et alors, je suis vidé, je suis cassé, j'ai envie de tout envoyer promener.
– Ça s'est pas bien passé ?
– On ne peut pas dire que cela se soit mal passé, mais… c'est comme tous
les ans.
– C'est-à-dire ?
– Tous les ans, je passe une heure avec mon manager à essayer de justifier
que j'ai bien travaillé. Et tous les ans, il a l'air de découvrir ce que je fais,
c'est-à-dire le travail de toute une année, en entretien. Et tous les ans, il me
fait comprendre que je n'ai rien fait d'exceptionnel, que je n'ai fait que mon
boulot, sans pour autant me le dire clairement en face, et tous les ans je suis
mal noté, sans jamais avoir d'explications sur ce qui ne va pas ! Je voudrais
un minimum de reconnaissance sur tous les efforts que j'ai fait pour bien
faire mon boulot. Parce que, aujourd'hui, bien faire son boulot, je peux te
dire que c'est pas facile !
– Est-ce que tu lui as expliqué ce que tu viens de me dire ?
– Un peu, avec d'autres mots, mais, oui, en substance. Il m'a répondu que
c'est la même chose pour tout le monde. Que les priorités changent, que l'on
a tous de multiples interfaces, que l'on a tous la complexité à gérer, mais
que pour autant certains réussissent à sortir du lot. Alors, visiblement, ce
n'est pas mon cas ! Quand je lui ai demandé ce qu'il fallait faire pour « sortir
du lot », il m'a répondu « faire plus ». Mais qu'est-ce que ça veut dire,
« faire plus » ?
– Tu lui as demandé ?
– Oui, il n'a pas trop su m'expliquer et j'ai l'impression que la question l'a
énervé. Il arrêtait pas de froncer les sourcils et de se racler la gorge ! Alors
je lui ai demandé de citer des exemples, il n'a pas voulu me citer de noms,
bien sûr, mais j'ai bien vu qu'il m'a parlé du travail de Chuck et de Coralie.
C'est pas juste ! C'est vrai que Coralie est blonde avec une forte poitrine, je
peux pas être compétitif face à ça !
– Hum !
– Oui, je sais j'exagère un peu !
– Un peu ?
– Oui, tu as raison, j'exagère… mais pas tant que ça. Si c'était des critères
rationnels, tu peux m'expliquer pourquoi il ne pourrait pas me donner des
détails ?
–…
– Ce qui m'énerve, c'est que quand mon manager doit justifier le ranking
des personnes de son équipe, par rapport à son chef, eh bien, j'ai
l'impression de me faire avoir.
– Comment ça ?
– J'ai l'impression que pour être bien noté, il faut être bien vu ici, et pas
seulement bien faire son boulot !
– Et qu'est-ce qui t'en empêche ?
– Ben moi, j'essaie de bien faire mon boulot, mais j'ai pas les dents qui
rayent le parquet, ça m'intéresse pas de fayoter, je suis pas carriériste, moi !
– Pourquoi, c'est mal d'être carriériste ? Et on ne peut pas s'occuper de sa
carrière, faire connaître ses compétences auprès des décideurs, cultiver sa
visibilité en interne, sans pour autant avoir les dents qui rayent le parquet ?
– Je ne sais pas, je ne sais plus. C'est pas faux ce que tu dis, il faudrait que
j'y réfléchisse. Et puis, je vais en reparler avec mon manager pour savoir
comment il peut m'aider. C'est son job, après tout !

Que s'est-il passé ?


Plusieurs problèmes sont évoqués par Colin. Son manager pourra rétorquer
qu'il s'agit de la perception de Colin et non pas de la réalité en tant que telle.
C'est juste. Mais nous n'avons pas accès à la réalité. Nous avons, chacun de
nous, notre perception propre de la réalité. C'est bien la perception de la
réalité de nos collaborateurs qu'il faut gérer. Des questions cruciales
émergent : est-ce le rôle du manager de changer les perceptions de ses
collaborateurs ? En a-t-il le pouvoir ? Est-ce souhaitable ? Changer les
perceptions, certainement pas. Car elles appartiennent aux collaborateurs en
propre. Quel serait le bon terme alors ? Les aider à changer pour que d'une
part les collaborateurs se sentent mieux et que d'autre part leurs perceptions
aillent dans le sens de ce qui est attendu par l'entreprise ? Les orienter ?
Le manager devra faire preuve de discernement pour agir au cas par cas.
Voyons, à titre d'exercice, le cas par cas avec Colin et voyons ce que
pourrait faire Martin, son manager. Allez Martin, soyez honnête et essayez
de répondre aux questions que nous nous posons à votre sujet…
Colin a-t-il raison de penser que son manager découvre son travail de toute
une année ou est-ce une attitude que Martin se donne pour ne pas avoir à
donner du vrai feedback sur le travail de Martin ? Que le lecteur ne se
gausse par trop bruyamment devant l'ineptie apparente d'une telle question :
il y a énormément de managers qui n'ont qu'une idée bien imprécise du
travail effectué sur l'année par leur collaborateur et encore moins des
difficultés qu'ils ont pu rencontrer pour y arriver.
Les difficultés qu'évoque Colin sont-elles dues au fait qu'il n'est pas au
niveau ou bien au fait que des problèmes externes sont venus complexifier
sa tâche ? En d'autres termes, Colin est-il compétent ?
Si oui, Martin devrait reconnaître l'effort fourni par Colin pour arriver à des
résultats satisfaisants, l'encourager à continuer malgré les difficultés et
donner des pistes pour arriver à « faire plus ». D'ailleurs, au fait, ça veut
dire quoi « faire plus » ? Martin-Monsieur-Plus a-t-il conscience de
combien cela peut être démotivant pour un collaborateur de toujours devoir
faire plus sans avoir d'explications sur ce que cela implique réellement ? Ou
bien Martin considère-t-il que Colin est compétent mais un peu paresseux ?
Dans ce cas, qu'est-ce qui motiverait Colin pour en faire un peu plus ? Est-
ce réalisable ou bien vaut-il mieux le laisser se lamenter et se contenter
d'une performance OK-mais-sans-plus de sa part ?
Si non, Martin devra trouver les mots pour recadrer, détailler à Colin ses
lacunes et l'aider à essayer de les combler pour l'année suivante.
Colin a-t-il raison de penser que Coralie est mieux notée que lui parce
qu'elle est blonde et à forte poitrine ? Cher Martin, si c'est le cas, vous êtes
dans de beaux draps et je vous laisse en sortir tout seul. Si ce n'est pas le
cas, quels critères objectifs et rationnels allez-vous mettre en évidence pour
expliquer à Colin que la comparaison avec Coralie n'est pas pertinente ?
Colin a-t-il raison de penser que les critères associés au ranking ne sont pas
équitables ? Quels sont les processus et la culture d'entreprise concernant ce
point particulier ?
Colin pense que, pour être bien noté, il faut « fayoter » et que cela implique
être carriériste. Martin devrait recadrer autour des termes fayotage et
carriérisme, voir avec Colin comment il peut l'aider à être plus visible au
sein de l'organisation. En étant plus visible au sein de l'organisation, il aura
plus de chances d'être reconnu par de multiples personnes, dont des
décideurs.

Les écueils de l'entretien annuel d'évaluation en termes de


reconnaissance
L'entretien annuel d'évaluation des performances ou de la contribution ou
des compétences est un des moments privilégiés où s'exprime la
reconnaissance envers le salarié,… par conséquent à ne pas rater !
Reprenons les problèmes évoqués par Colin, dans une approche globale.
Le boulot « juste bien fait »
C'est un problème très fréquent en entreprise de nos jours. Il est rare qu'un
salarié puisse atteindre ses objectifs tout seul. Ses performances sont
souvent contingentées par les performances des personnes qui travaillent
avec lui ou par les différents aléas qui affectent l'entreprise. Le salarié peut
avoir l'impression (souvent en toute bonne foi) d'avoir fait plus que ce qui
était attendu de lui, puisqu'il a dû déployer beaucoup d'efforts de « gestion
de la complexité » pour arriver au résultat escompté.
Que peut faire le manager ? Plusieurs pistes sont possibles en fonction de
son évaluation de la performance, du potentiel et de la motivation du
collaborateur concerné.

Trouver un moyen de reconnaître l'effort fourni par le collaborateur,


même si ses résultats sont justes dans la moyenne.
Prendre son courage à deux mains et expliquer au collaborateur ce qu'il
faudrait vraiment faire pour « faire plus que son boulot » et mettre en
place un plan d'actions pour l'année suivante.
Parfois certaines personnes ont juste besoin de se plaindre, mais sans
pour autant avoir envie de faire des efforts pour en faire plus. Elles ont
juste besoin d'être écoutées. Mais il peut être maladroit, voire
dommageable pour la personne et pour l'entreprise, de positionner de
facto une personne dans cette catégorie, sans lui avoir au préalable
donné sa chance de réussir en en faisant plus.
Ne pas attendre l'entretien annuel d'évaluation, pour exprimer tout au
long de l'année des signes de reconnaissances ou des ajustements.
Organiser un workshop d'équipe pour voir ensemble comment
améliorer les processus internes et la coopération afin que la gestion de
la complexité soit moins… complexe !

L'entreprise n'a pas forcément besoin que de collaborateurs Top Gun, elle a
aussi besoin de contributeurs qui font bien leur travail respectif, mais sans
plus. Ces collaborateurs-là ont aussi besoin d'être reconnus comme ayant
bien fait leur travail ou comme ayant fait des efforts pour y arriver.
Cette reconnaissance est importante pour que le collaborateur reste
impliqué dans son travail. Car un collaborateur moyen et impliqué apporte
une contribution acceptable à l'entreprise. En revanche, un collaborateur
moyen, mais non reconnu, va devenir peu à peu de plus en plus démotivé,
de moins en moins impliqué et passera moins de temps à entretenir ses
compétences. Cela posera à terme un problème pour lui-même et pour
l'entreprise.

Le ranking
Beaucoup d'entreprises pratiquent le ranking lors des évaluations annuelles
de performance des salariés. Il s'agit d'affecter aux salariés une note ou un
rang ou une évaluation de type « excellent », « bon » ou « en dessous du
niveau attendu ». Chaque personne se voit ainsi affecter par son
management une évaluation codifiée ou « niveau de contribution »
correspondant à l'atteinte de ses objectifs sur l'année qui vient de s'écouler.
Les dénominations varient selon les entreprises, ainsi que le niveau de
granularité et le processus associé.
L'impact de cette pratique en termes de reconnaissance est énorme. Il l'est
d'autant plus si l'entreprise pratique le forced ranking : dans ce cas, le
nombre ou le pourcentage (ou une fourchette de pourcentages) de personnes
positionnées dans chaque niveau de contribution est déterminé à l'avance.

Le manager doit positionner un collaborateur dans la case « bon »


alors qu'il considère qu'il a eu une performance excellente car le
pourcentage « excellent » est déjà atteint au niveau de l'organisation.
Le collaborateur est alors déçu et frustré lorsqu'il reçoit son évaluation.
Dans la plupart des entreprises qui pratiquent le forced ranking (dont
l'application stricte est d'ailleurs interdite dans certains pays), les
différents pourcentages associés à chaque niveau de contribution sont
confidentiels. Mais dans les faits, il est illusoire de penser que le secret
sera gardé bien longtemps : tout fini par se savoir… Si le niveau de
contribution n'est pas correctement argumenté par le manager au
moment de sa restitution au salarié, la probabilité est grande que le
salarié moyen ne se sente pas reconnu à sa juste valeur, mais considère
avoir été positionné dans une case en sa défaveur car il fallait atteindre
le pourcentage donné. Il ne s'agit pas systématiquement d'une réalité,
c'est plutôt une affaire de perception. Si cette perception est incorrecte,
le manager devra trouver le courage d'expliquer pourquoi l'évaluation
de son collaborateur est inférieure aux attentes de ce dernier.
Les salariés recevant la note « excellente » se sentent reconnus par
l'entreprise et par voie de conséquence leur motivation et leur
performance s'en trouvent en général accrues. Ils se sentent d'autant
plus reconnus qu'ils savent que les places sont chères. C'est un système
de reconnaissance élitiste qui favorise les meilleurs. Mieux vaut le
savoir et gérer les effets induits : démotivation de celui qui a été
excellent l'année précédente et ne l'est plus cette année, démotivation
de celui qui a été presque excellent mais n'a pas été noté excellent du
fait des quotas, nécessité de lier la politique d'augmentation au ranking
si l'on ne veut pas transformer le ranking en « bons points » où
l'étiquette en termes de reconnaissance pour les meilleurs est associée
à du « foutage de gueule ». Et pour finir, nécessité de gérer le reste de
la population, c'est-à-dire la majorité, pour laquelle le management
doit trouver d'autres types de reconnaissance et d'autres éléments de
motivation. À l'heure où l'entreprise a du mal tenir des promesses, quel
serait la façon d'adresser la problématique pour motiver les personnes
en leur faisant espérer faire partie de l'élite l'année suivante ?
Le positionnement des personnes dans chaque niveau est arbitré dans
la ligne managériale et parfois… c'est la guerre ! Les places de choix
sont limitées, chaque manager doit défendre ses troupes si on lui en
laisse l'opportunité, et les critères de décisions ne sont pas toujours
rationnels. En fonction de la culture d'entreprise, les décisions se
prendront in fine différemment. Dans les entreprises internationales où
des décisions se prennent dans chaque pays en fonction des lois
locales, les règles doivent être communiquées. Si le processus
d'évaluation n'est pas clair ou s'il n'est pas appliqué, les probabilités de
sentiments d'injustices chez les salariés sont grandes. Les filiales
pensent que le siège a raflé toutes les bonnes places lors de
négociations finales à haut niveau, le siège pense que les filiales jouent
avec l'opacité des législations locales, certains collaborateurs pensent
qu'ils n'ont pas été bien défendus par leur chef, d'autres pensent que
ceux qui ne sont pas bien vus du directeur n'ont aucune chance d'être
positionnés dans la bonne case…
Déception, frustration, amertume… telles sont les sentiments que le
manager doit se préparer à gérer lors de la restitution des niveaux de
contributions. Comment faire ?

Quelques pistes pour gérer les écueils du ranking

Laisser le collaborateur exprimer ce qu'il ressent : même si cela ne


résout pas le problème, cela permet d'une part au collaborateur de
vider son sac et d'autre part au manager d'accuser réception de
l'insatisfaction de son collaborateur.
Être sensible au langage non verbal : le sien pour être sûr de ne pas
communiquer des éléments parasites par rapport à ce que l'on souhaite
réellement communiquer et celui du collaborateur pour comprendre la
totalité de ce qu'il essaie d'exprimer. Il n'est pas rare qu'au travers du
langage non verbal, certains managers expriment leur désaccord par
rapport au processus de ranking de l'entreprise ou leur frustration de
n'avoir pas su bien défendre leur collaborateur vis-à-vis de leur propre
hiérarchie ou leur gêne pour communiquer les résultats.
Essayer dans la mesure du possible, et une fois les émotions gérées, de
raccorder le ranking à des éléments factuels et tangibles, sinon
l'imaginaire prendra le dessus dans la tête du collaborateur.
Même si tous les collaborateurs rêvent d'être à l'école des fans[1], la
réalité de l'entreprise est tout autre. Aider la personne à comprendre
que d'autres ont été mieux évalués qu'elle, clarifier les critères de
ranking et l'aider à trouver des pistes pour être potentiellement mieux
évaluée l'année suivante, c'est l'aider à progresser.
Trouver avec la personne des moyens de la rendre plus visible au sein
de l'entreprise et à l'extérieur. Les impacts sur le niveau de contribution
de l'année suivante seront probablement positifs. Si ce n'est pas le cas,
la personne récoltera au moins d'autres signes de reconnaissances ou
d'enrichissement associés à sa visibilité. La visibilité peut être obtenue
par la participation à des projets internes ou externes, des forums, des
communautés ou en faisant des présentations au bon public ou au bon
niveau.

Le système est bien adapté aux entreprises cultivant le culte de la


performance et de la compétition, valorisant les meilleurs et disposant de
processus d'application détaillés et respectés. Il est bien moins adapté dans
les entreprises ou dans les pays où les salariés pensent que, malgré les
apparences, leurs évaluations ne sont pas basées sur des critères rationnels
et ne sont pas liées uniquement à leurs compétences personnelles, mais
également aux critères plus ou moins transparents pour faire partie de l'élite.
L'application du ranking devrait être faite en fonction des cultures
d'entreprises et des cultures nationales, si l'on souhaite qu'il constitue un
outil de reconnaissance et de motivation. Voyez-vous la difficulté
d'application en sein des entreprises multinationales ? Il faut concilier d'une
part le fait de l'adapter aux cultures et aux lois locales et d'autre part essayer
d'avoir une certaine homogénéité voire équité entre tous les salariés du
monde entier.

Les impacts de la comparaison avec les autres


Les salariés ont tendance à se comparer aux autres pour évaluer leur propres
résultats jusqu'à parfois en déduire leur propre valeur. Cette comparaison
sociale peut être source d'émulation lorsque la personne pense faire partie
des meilleurs. Elle est en revanche démotivante lorsque ce n'est pas le cas.
Et malheureusement, l'être humain ayant tendance à idéaliser ce qu'il n'est
pas ou ce qu'il n'a pas, « l'herbe est toujours plus verte ailleurs », la
comparaison est le plus souvent source de frustration, de rumination et de
ressentiment. La voie du succès est difficile, il est plus facile de ressasser
sur ce qui nous manque que de prendre des actions pour l'obtenir. L'envie
des salariés vis-à-vis de ceux qui réussissent est un sentiment très fréquent
au sein de l'entreprise[2]. C'est humain et le manager ne pourra pas l'éviter.
En revanche, il pourra :

affuter sa sensibilité pour détecter des situations envieuses gênant le


bon fonctionnement du service et recadrer si nécessaire ;
éviter de créer un climat favorisant l'envie ou la jalousie ;
privilégier l'éthique, l'absence d'ambiguïté et l'objectivité autour des
sujets liés à la reconnaissance ;
aider les personnes à mener des actions pour s'améliorer plutôt que de
se démotiver par des comparaisons inadéquates ;
favoriser un climat de coopération et de partage des compétences.

En particulier, le manager pourra aider les personnes à utiliser les


comparaisons afin qu'elles ne soient pas génératrices de frustration, mais au
contraire leur permettent de comprendre comment font les personnes qui
réussissent et comment acquérir les comportements/compétences qui
pourront leur permettre de réussir.
À cette fin, l'absence d'ambiguïté sur les critères de réussite est essentielle.
Dans l'exemple cité par Colin, on peut espérer que Coralie est évaluée sur
des critères rationnels, mais si les critères rationnels ne sont pas
suffisamment clairs, ce sont des critères irrationnels qui prennent le dessus
et laissent la place à l'envie.
Tout n'est pas toujours possible, et il est illusoire d'imaginer un monde de
l'entreprise parfait. D'ailleurs un monde de l'entreprise parfait serait épuisant
pour ceux qui ne le sont pas, qu'en pensez-vous ? Les statistiques montrent
que les gens beaux sont recrutés plus facilement que les gens moins beaux,
à même niveau de compétences. Peut-on se battre contre cela ? Qu'en
pensez-vous ?
Alors, peine perdue ? Pas si vite… le manager a une capacité d'action
importante : il peut aider le collaborateur à développer ses compétences et à
les valoriser. Un salarié qui se sent compétent et reconnu pour ses
compétences sera moins enclin à envier les autres.
De manière plus subtile, le manager pourra aider le collaborateur à
renforcer son estime de soi. Les gens qui ont une bonne estime d'eux-
mêmes ont moins tendance à envier le succès des autres[3]. Ils se sentent à
leur place, en adéquation avec eux-mêmes. Aider son collaborateur à
développer ses compétences, son potentiel, son réseau relationnel, son
équilibre personnel, c'est lui rendre service et dans le même temps rendre
service à l'entreprise. Car, d'une part, ce collaborateur sera moins vulnérable
au stress et, d'autre part, il sera plus efficace s'il se sent bien avec lui-même
que s'il ressasse des vielles rancœurs et jalousies qui l'empêchent de se
concentrer sur son job. En d'autres termes, un collaborateur convaincu qu'il
a la capacité de réussir et de progresser avec du travail et des efforts ne
perdra probablement pas de temps à se lamenter. Il a bien plus important à
faire.
Comment faire ? Si votre collaborateur est compétent, dites-le lui ! Ça
paraît simple, n'est-ce pas ? Et pourtant, combien le font ? De quoi avez-
vous peur ? Qu'il vous réclame une augmentation ? C'est le risque à courir,
mais à vous d'être subtil et de trouver les bons mots. Le jeu en vaut la
chandelle. Souvenez-vous de la dernière fois où l'on vous a félicité sur vos
compétences ou vos réalisations, combien cela vous a fait plaisir et renforcé
votre image positive de vous-même. Vous étiez tout léger le soir en rentrant
chez vous, vous avez senti une nouvelle énergie pour affronter les
difficultés, vous vous êtes sentis reconnu et à votre place.
Si vous pensez que votre collaborateur a du potentiel, aidez-le à le
développer ! Je vois poindre une objection. Vous n'en avez pas les moyens,
dites-vous ? Demandez au collaborateur de co-participer, sa motivation lui
fera escalader des montagnes. Réfléchissez aux gains potentiels pour
l'entreprise si le collaborateur développe son potentiel, et le gain potentiel
pour vous par le biais de la reconnaissance qu'il va vous témoigner de
l'avoir aidé. Car c'est important pour vous, aussi, d'obtenir de la
reconnaissance. Bien sûr, soyez perspicace, ne vous trompez pas de
poulain…
L'autre jour, je réfléchissais avec un ami sur les composantes qui font que
l'on réussit sa vie professionnelle. Parmi les composantes les plus
importantes, il y a, bien sûr, les compétences, la chance, la capacité à saisir
les opportunités qui se présentent, mais aussi les rencontres. Ces personnes
qui ont cru en vous, ou qui « ont reconnu en vous une personne en devenir »
et qui vous ont aidé. Soit par des conseils, des feedbacks, des propositions.
Ou tout simplement par le regard positif qu'elles portaient sur vous. Cette
personne, ce peut être vous. Vous directement ou vous en ouvrant votre
réseau relationnel à votre collaborateur. Même s'il ne vous dit pas merci
(cela arrive… la reconnaissance est une denrée rare, n'est-ce pas ?), vous
saurez que vous avez été un maillon. Maillon dans la chaîne de la
performance de l'entreprise, ou maillon dans la réussite professionnelle de
votre collaborateur. Participer à quelque chose qui nous dépasse.
Aider son collaborateur à avoir une image positive de lui-même, c'est l'aider
à devenir plus fort face aux sources potentielles de frustration ou de
démotivation et face aux défis de l'entreprise.
En fait, vous pouvez faire beaucoup pour votre collaborateur. Vous pouvez
l'aider à trouver sa place, celle où il sera compétent, motivé, où il pourra
exercer ses talents dans un domaine qui correspond à son projet, à sa raison
d'être professionnelle. Une place où il y aura cohérence entre ce qu'il est et
ce que l'on attend de lui. Cohérence entre « lui à l'intérieur » et « lui à
l'extérieur ».
Parfois, les personnes sont en situation d'échec ou de faible performance, et
deviennent démotivées, parfois jalouses du succès des autres, car elles ne
sont pas à leur place dans le rôle qu'elles tiennent. Comment en sont-elles
arrivées là ? Ce peut être pour de multiples raisons, par exemple une erreur
d'orientation, la pression de la famille, la quête du pouvoir. Parfois, leur
place peut-être « juste à côté » avec quelques ajustements. Parfois, il faut
leur donner le courage de lever la tête et les accompagner sur la route pour
trouver leur place.

Aider un collaborateur à être à sa place, c'est l'aider :

à accomplir son travail de manière à ce qu'il soit cohérent à la fois avec sa propre vision de son
projet professionnel et la vision de l'entreprise ;
à ce que son rôle ait du sens pour lui ;
à avoir une vision de lui-même « où la vie professionnelle vaut la peine d'être vécue, y
compris dans les tâches les plus courantes et les plus routinières »[4] ;
à ce que son projet professionnel s'intègre dans son projet de vie.

Les réticences aux actions de promotion personnelle


Dans certains métiers, notamment celui des ingénieurs, les personnes
affichent fréquemment quelques réticences à mener des actions pour se
mettre en valeur et promouvoir leur image. Elles considèrent que, si elles
sont compétentes, cela se sait, et que c'est pure perte de temps et d'énergie
que de faire sa promotion personnelle. Il y a même un côté un peu honteux,
lié au fait de « se vendre » par rapport à la noblesse de la profession.
Il s'agit là d'une croyance limitante[5] d'autant que, par ailleurs, ces mêmes
personnes souffrent de ne pas être visibles ni reconnues au sein de
l'organisation. C'est en effet une croyance limitante de penser que l'on ne
peut faire carrière que si l'on marche sur les pieds des autres et de penser
pouvoir être reconnu si l'on n'est pas connu. Cela n'aide pas d'espérer
secrètement une carrière réussie sans se donner l'autorisation de mener des
actions pour gérer sa carrière. Une carrière en or qui tomberait du ciel de
l'entreprise mère nourricière ? On a tous le droit de rêver, mais la chute n'en
est que plus rude lors des restitutions des entretiens d'évaluation.
J'ai rencontré des managers qui étaient très réticents à aider les
collaborateurs à valoriser leurs compétences à l'extérieur de leur équipe. Ils
redoutaient peut-être qu'ils ne leur fassent de l'ombre, ou plus fréquemment,
de se les faire voler par un autre service de l'entreprise. C'est une vision
pauvre. Pauvre car ces managers étaient bien embarrassés quand les
augmentations étaient décidées lors de réunions avec leur propre
management et que personne ne connaissaient ces experts en question,
jalousement cachés. Pauvre car l'oiseau rare souhaitera un jour quitter le nid
et ne gardera pas un bon souvenir de son manager étouffeur, voire
castrateur. Pauvre car ne pas vouloir mettre en lumière son collaborateur
aux yeux des autres, c'est aussi le décourager d'alimenter lui-même sa
propre lumière. C'est comme demander à une étoile de briller dans une boîte
à chaussures.

Concrètement, le manager peut aider son collaborateur à être visible au sein de


l'organisation :

en le faisant participer à des projets transversaux ou des communautés ;


en l'incitant à participer à des forums ou associations externes ;
en lui faisant faire des présentations lors de réunions à haut niveau ou à large audience ;
en lui demandant de le remplacer lors de certaines réunions ou pendant ses congés ;
en parlant de lui et en le valorisant régulièrement dans la ligne managériale ;
en l'incitant à se former à des techniques de marketing personnel : speech elevator, savoir se
vendre, se mettre en valeur, etc.

Les techniques et outils pour renforcer l'estime de soi peuvent être utiles
pour aider un collaborateur à mettre en valeur ses compétences, ses
réalisations ou sa personne. Savoir se vendre n'est plus une compétence
réservée aux professionnels de la vente, c'est devenue une compétence
essentielle pour tout un chacun : d'une part pour faciliter son évolution dans
les organisations en réseau des entreprises modernes, d'autre part pour
exprimer de manière concrète son besoin de reconnaissance, car l'on peut
raisonnablement apprécier d'être reconnu sur les qualités vendues !
Aider son collaborateur à valoriser ses compétences et à faire connaître sa
contribution au sein de l'organisation, c'est l'aider à multiplier les
opportunités d'être reconnu… mais aussi d'être promu, d'être recruté, de
nouer des contacts utiles, de mieux faire son travail, d'être plus créatif…

Exercice 5.1 – Quelques questions pour progresser


Quelles difficultés avez-vous rencontré lorsque vous avez fait passer des entretiens annuels
d'évaluation ?
Quelles demandes de signes de reconnaissance avez-vous perçues ? Sous quelles formes ?
Quelles réponses pouvez-vous y apporter ?
Quels objectifs précis pouvez-vous vous donner pour les prochains entretiens annuels, ou
certains d'entre eux ?
6

Surmonter
les difficultés du management à distance

« The most important thing in communication is hearing what isn't


said. [1] »
Peter Drucker

Échanges sur le terrain


Carine n'a pas trop la pêche en ce moment. Je lui ai demandé de passer me
voir à l'occasion.
– Bonjour, Carine. Ça va ?
– Ouais, ça va.
– Mais ça va comment ? Ça se passe bien ton boulot en ce moment ?
– Ouais, ça va.
Ouais, ça me paraît être un petit « ouais ». Tout son langage non verbal,
son regard, son visage, la façon dont elle se tient, la courbure de ses
épaules, tout ça me laisse penser que cela ne va pas très fort.
– Ça va bien comment ?
– Ben, en fait je sais pas trop… Je suis débordée, j'ai l'impression de ne pas
avancer en ce moment, de ramer, de pédaler dans la choucroute. J'ai
l'impression que tout ce que je fais ne sert à rien. De mettre des rustines sur
un canoë qui prend l'eau et de passer mon temps à écoper de l'eau. Plus
j'écope, et plus il y a de l'eau.
– Ah. Et ton manager, qu'est-ce qu'il en pense ?
– Ben, tu sais, j'ai changé trois fois de manager en quatre ans… et mon
nouveau manager n'est pas ici, tu sais ? Il est Canadien, il est basé à Ottawa.
Je ne sais même pas s'il sait que j'existe.
– Comment ça ? Tu ne l'as jamais vu ?
– En personne, non. Je l'ai vu plusieurs fois en webcast, mais lui, il ne m'a
jamais vue. Je crois qu'à part ma photo sur l'organigramme, qui date
d'ailleurs de quelques années, il ne sait même pas à quoi je ressemble. Il me
croiserait dans les couloirs, il ne me reconnaîtrait même pas.
– Il ne vient jamais vous voir ?
– Il est passé une fois il y a 6 mois, mais je n'étais pas là, j'étais en
déplacement chez un client et il m'a demandé de ne pas annuler mon
rendez-vous client, parce que les rendez-vous clients sont prioritaires.
– Il ne fait pas de réunions d'équipe ?
– Si, une fois par semaine, par téléphone, les confcalls[2], comme on les
appelle. Ça dure une heure, il y a toute l'équipe sur la ligne, c'est tout en
anglais, je n'ai jamais le temps d'en placer une. Enfin, j'exagère… cela
m'arrive de parler, mais c'est pas dans ce genre de réunion où tout le monde
essaie de se faire bien voir du chef que l'on peut évoquer les vrais
problèmes.
– Tu as essayé de lui parler au téléphone en particulier ?
– Oui, mais il m'a accordé un créneau d'une demi-heure et il était un quart
d'heure en retard, alors que normalement il n'est jamais en retard. Il a à
peine écouté ce que j'avais à dire. Il m'a dit en substance d'arrêter de me
plaindre, que je ne m'en sortais pas si mal que ça parce qu'aucun client ne
s'était plaint de mes prestations et qu'en ce moment c'est dur pour tout le
monde.
– Qu'est-ce que tu ressens ?
– J'ai l'impression de ne pas exister pour mon manager. Le seul truc qui
l'intéresse, c'est le résultat de mon travail et que les clients soient contents.
Je peux crever la bouche ouverte, tant que les clients sont contents, il ne
s'en apercevrait même pas.
– Qu'est-ce qui pourrait t'aider ?

Que s'est-il passé ?


Carine a l'impression de ne pas être connue de son manager, de ne pas
exister pour lui. Elle a l'impression d'être toute seule à se battre face à ses
problèmes qui la submergent. Si son manager était en face de Carine, il se
rendrait compte, au travers du langage non verbal de cette dernière, ses
expressions du visage, son regard, ses postures et au travers des mots qu'elle
utilise, à savoir le canoë qui prend l'eau, qu'elle a la sensation d'être en train
de se noyer.
On sent, au travers du discours de Carine, qu'elle a besoin d'être reconnue
en tant que personne ; qu'elle a besoin que son manager la considère comme
quelqu'un d'important pour lui ou pour l'équipe ou pour l'organisation. En
d'autres termes, qu'elle existe. Or, son manager lui a signifié de manière
indirecte qu'elle n'était pas quelqu'un d'important, et ce à plusieurs reprises :

il n'a communiqué à Carine aucun signe permettant à cette dernière


d'avoir l'impression qu'il la connaissait ou qu'il cherchait à la connaître.
Il n'a pas établi le contact avec elle, le lien ;
lors de son passage en France, il lui a clairement signifié que les
clients étaient plus importants que le fait qu'il fasse sa connaissance. Il
n'a pas évoqué la possibilité de replanifier sa venue, ni même en
termes d'éventualité, indiquant ainsi indirectement qu'elle passait après
toutes les priorités ;
lors de son entretien téléphonique avec elle, il est arrivé en retard alors
que ce n'est pas dans ses habitudes, il ne l'a pas écoutée et a écourté
l'entretien. Peut-être avait-il d'excellentes raisons de le faire : externe
(problème de dernière minute à régler) ou interne (il se sentait peut-
être mal à l'aise pour cet entretien). Dans tous les cas, son
comportement a été interprété par Carine, comme une nouvelle forme
d'indifférence à son égard

Recommandations pour pratiquer


la reconnaissance à distance
Avec la mondialisation des entreprises, les organisations matricielles et la
réduction des coûts, le management en remote, ou à distance, c'est-à-dire
lorsque le manager est éloigné géographiquement de ses collaborateurs, est
de plus en plus fréquent. Or le management en remote, peut rendre très
malaisée la reconnaissance des membres de l'équipe. Et ce, pour plusieurs
raisons.

Reconnaître une personne, c'est d'abord la connaître. Si la personne a


l'impression que son manager ne la connaît pas, il y a de grandes
chances qu'elle ne se sente pas reconnue.
Le face-à-face en personne n'a pas la même importance selon les
cultures et les entreprises. Dans les pays très étendus
géographiquement ou les entreprises ayant des entités dans le monde
entier, les personnes ont l'habitude des conversations téléphoniques,
des réunions virtuelles et autres communications via des moyens
informatiques plus ou moins sophistiqués. Les habitants des pays latins
ont plus besoin d'un contact physique. Néanmoins, l'expérience montre
que, quelle quoi soit la culture ou les habitudes, le fait d'avoir
rencontré son manager « en vrai » facilite les contacts et l'expression
des signes de reconnaissance. L'impact en matière de reconnaissance
est encore plus grand si le manager rencontre individuellement son
collaborateur, en plus de ses rencontres avec l'équipe. La personne
pense qu'elle compte pour son manager et de facto pour l'entreprise, le
manager étant le représentant de l'entreprise, puisqu'il a pris le temps
de le rencontrer en personne[3].

Lorsque vous managez à distance, prenez le temps de rencontrer en personne au moins une
fois par an chacun de vos collaborateurs, si possible individuellement[4].

Lorsque le manager communique avec des moyens de communication


à distance, il peut rater beaucoup de signes de communication non
verbale de la part de ses collaborateurs qui peuvent être révélateurs de
leurs besoins de reconnaissance. Il devra être vigilant pour essayer de
les percevoir d'une autre manière.
De plus, en étant distant, le manager rate également beaucoup
d'occasions de manifester des signes de reconnaissance à ses
collaborateurs via la communication non verbale : un sourire, un
regard admiratif, un geste de soutien, un serrement de main, un merci
avec l'expression du visage associée. Il compense souvent par des
communications par e-mails dont l'usage est à manier avec précaution.

Dire merci en personne avec le langage non verbal associé n'est pas équivalent à envoyer un
e-mail pour dire merci.

Les managers nord-américains, dont beaucoup sont managers à


distance, les équipes étant souvent dispersées géographiquement,
envoient souvent des e-mails de félicitations, fréquemment adressés à
plusieurs personnes à la fois. Ce signe de reconnaissance est à manier
avec beaucoup de précautions, si l'on veut que son impact réel soit
celui escompté.

Les réactions possibles


à un e-mail de félicitations
Analysons l'exemple suivant.
Mike envoie un e-mail de félicitations, à la manière anglo-saxonne, à
plusieurs personnes ayant participé à la réussite d'un projet. À l'anglo-
saxonne, dans ce contexte, signifie que les éloges, usant pléthore de
compliments de type « excellent » « outstanding » « fantastic »
« gorgeous », peuvent apparaître comme dithyrambiques aux yeux des
personnes qui n'ont pas l'habitude de recevoir autant de renforcement
positif. Mike s'assure de mettre en copie des membres de la hiérarchie pour
donner plus de poids à son e-mail.
Ce manager s'attend à ce que cet e-mail de félicitation soit reçu comme un
signe de reconnaissance positif. Mais dans les faits, les perceptions sont
bien plus complexes :

Certaines personnes vont se sentir félicitées à leur juste valeur, et pour


elles, l'e-mail aura réussi à atteindre l'effet positif escompté.
D'autres personnes vont regarder l'ensemble des destinataires de l'e-
mail et vont se dire qu'elles sont bien félicitées par Mike mais que,
dans le lot, Mike félicite également d'autres personnes qui n'ont rien
fait et n'ont en rien participé à la réussite du projet. Elles vont
considérer que, de ce fait, les félicitations de Mike sont dévalorisées.
Certaines personnes qui n'ont rien fait sur le projet mais sont tout de
même félicitées par Mike vont se dire que cet e-mail est « du pipo »
(sic).
Certaines personnes qui ont travaillé sur le projet mais qui n'ont pas été
félicitées dans l'e-mail de Mike vont se dire que ce n'est pas juste et
vont se sentir en manque de reconnaissance. Ce sentiment de manque
de reconnaissance sera bien plus vif que s'il n'y avait pas eu d'e-mail de
félicitation.
Certaines personnes, qui n'ont pas un manager anglo-saxon tels que
Mike, vont trouver que ce n'est pas juste : ils ne reçoivent pas d'e-mails
de félicitations avec les chefs en copie quand ils réussissent un projet
eux !
D'autres, ayant la langue bien pendue, vont dire que ces Anglo-Saxons
exagèrent de mettre la terre entière en copie pour des personnes qui ont
juste bien fait leur boulot et que ce manager profite de l'occasion pour
se faire mousser auprès de son propre management en montrant au
passage les bons résultats de son équipe et combien, lui, il est un bon
manager qui félicite son équipe.

Cela ne veut pas dire pour autant qu'il ne faille pas envoyer d'e-mail de
félicitations. Mais cet exemple montre combien il est important de ne pas le
faire à la légère. Il faut estimer l'impact d'un e-mail de félicitations avant de
l'envoyer : pertinence du message, contenu, formulation eu égard aux faits
relatés, personnes en destinataires, personnes en copie et personnes non
destinataires.
Un e-mail de félicitation personnalisé est un beau signe de reconnaissance.
Certains managers hésitent à le faire, en se disant que, si un jour, ils
souhaitent se séparer de leur collaborateur pour performances insuffisantes,
ce dernier pourra ressortir l'e-mail du placard pour contrecarrer
l'argumentaire du manager. C'est un risque. Ce n'est pas une raison pour
autant pour ne pas envoyer l'e-mail. Il appartient au manager de s'assurer
que le contenu n'est pas surdimensionné et qu'il est bien représentatif de la
compétence ou de la contribution réelle du collaborateur. Féliciter le
collaborateur à bon escient, dans une mesure que l'on estime à sa juste
valeur, dans un contexte donné. Encore faut-il savoir estimer la juste valeur.
Montrer à son collaborateur que l'on essaie de le faire, c'est également faire
preuve de reconnaissance.

Exercice 6.1 – Quelques questions pour progresser


Avez-vous des équipes distantes ? Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Comment manifester de la reconnaissance aux personnes que vous ne croisez pas
régulièrement ?
Avez-vous déjà reçu un/des e-mails de félicitations ? Qu'avez-vous ressenti ?
Avez-vous déjà envoyé un/des e-mails de félicitations ? Quels ont été les impacts ?
Après lecture de ce chapitre, quelles précautions allez-vous prendre pour communiquer des e-
mails de félicitations ?
7

Savoir reconnaître
les équipes

« Lorsque les hommes travaillent ensemble, les montagnes se changent


en or. »
Proverbe chinois

Échanges sur le terrain


Mourad a pris rendez-vous avec moi pour parler d'un souci avec son équipe.
– Je ne sais pas comment t'expliquer… les gens de mon équipe disent que
l'équipe n'est pas reconnue.
– Ça veut dire quoi, reconnaître une équipe ?
– Ben justement, je ne sais pas…
– Et les gens de ton équipe, qu'est-ce qu'ils en pensent ?
– Eh bien, ils disent que la valeur ajoutée de l'équipe n'est pas reconnue.
– Et c'est quoi la valeur ajoutée de ton équipe ?
– Ben, c'est difficile à dire… et encore plus à mesurer.
– Qu'est-ce que tu aurais envie de mesurer et que tu ne peux pas mesurer ?
– Tu sais, j'ai une équipe de personnes qui dépendent hiérarchiquement de
moi, mais elles dépendent toutes en matriciel d'un manager différent, car
elles travaillent toutes sur des projets différents.
– Tu veux dire que les gens de ton équipe ne travaillent pas ensemble ?
– C'est ça.
– Alors, qu'est-ce qui justifie que ce soit une équipe ?
– Leur métier, leur façon de travailler, leurs utilisations d'outils communs,
l'échange de savoir-faire.
– C'est peut être sur ces éléments là que tu peux reconnaître l'équipe, non ?
– Pourquoi pas…
– Est-ce que les gens de ton équipe s'entraident entre eux ?
– Oui. Il y a un vrai esprit d'équipe : ils s'entraident, ils se remontent
mutuellement le moral, ils se donnent des tuyaux, les plus anciens forment
les nouveaux sur les outils, ils organisent des petites fêtes pour les
naissances et les anniversaires, il y a de la cohésion d'équipe.
– Tu peux peut-être aussi reconnaître l'équipe sur ce point-là, qu'est-ce que
tu en penses ? En plus, tu viens de me donner des éléments concrets.
– C'est une bonne idée. C'est déjà bien, mais je pense que cela ne suffira
pas. En fait, ce qu'ils attendent beaucoup, c'est une reconnaissance de
l'extérieur. En fait, ils veulent que je les valorise vis-à-vis des autres entités
avec lesquelles ils travaillent : les commerciaux, l'ingénierie, etc.
– Ah. Et comment tu pourrais t'y prendre ?
– C'est la question que je me pose.
– Pourquoi n'organiserais-tu pas une réunion de brainstorming à ce sujet
avec ton équipe ? Tu demandes à chacun d'apporter ses idées, vous
sélectionnez les meilleures à la fin, et vous lancez des projets pour chaque
meilleure idée avec un chef de projet désigné pour faire aboutir chaque
idée.
– Et s'ils n'ont pas d'idées ou bien si personne ne veut prendre en charge de
projet ? Tu sais, ils sont tous débordés.
– Ils auront des idées. Et puis il faut aussi qu'ils apportent leur contribution.
Ils ne peuvent pas attendre que tout leur arrive tout cuit de la part de leur
management, et tu ne peux pas prendre l'entière responsabilité de la
valorisation de ton équipe sur tes épaules. Ce doit être un travail en
commun où chacun participe. Une co-construction.

Que s'est-il passé ?


Le besoin de reconnaissance de l'équipe qu'évoque Mourad ici, est un
besoin d'être valorisé aux yeux des autres groupes de l'entreprise. Certaines
équipes de l'entreprise, en général celles dont l'activité ne fait pas partie du
cœur de métier de l'entreprise ou dont la contribution ne peut pas être
traduite directement en parts de chiffre d'affaires, ont l'impression de ne pas
être reconnues à leur juste valeur.
Mourad pourrait travailler avec son équipe pour définir la mission de
l'équipe. Cette mission, une fois formalisée, aurait le double avantage de
renforcer l'estime de soi des membres de l'équipe au travers de la fierté
d'appartenance et de servir de fer de lance pour assurer la promotion de
l'équipe auprès du reste de l'entreprise.
Ce manager pourrait également travailler avec son équipe pour définir les
services rendus par l'équipe, les formaliser pour ensuite assurer le marketing
de ses services en interne. Ils pourraient associer aux services des
indicateurs de performance et de qualité, qui constitueraient par la suite des
critères objectifs de reconnaissance.
Outre un outil de marketing interne, ces indicateurs pourraient également
être utiles à Mourad pour constituer des objectifs d'équipe qui viendraient se
rajouter aux objectifs individuels lors des évaluations annuelles de
performances.
Mourad évoque également le fait que les collaborateurs de son équipe ont
chacun un autre chef en matriciel gérant le projet sur lequel il travaille.
L'organisation matricielle peut poser des problèmes en matière de
reconnaissance : les personnes ayant en général plusieurs chefs, elles ne
savent plus par qui elles seront connues et reconnues, et craignent d'être
évaluées par un de leurs managers qui n'a qu'une vague idée de ce qu'elles
ont fait dans l'année. Elles ont le sentiment de se faire duper. Mourad devra
être attentif à travailler en étroite collaboration avec les managers gérant en
matriciel les personnes de son équipe et, en particulier, à leur demander des
feedbacks concrets qu'il pourra évoquer lors de la restitution de l'évaluation
de la performance auprès de chacun de ses collaborateurs. Lors de cette
restitution, il pourra compléter les critères individuels de performance
récoltés auprès des managers opérationnels en matriciel avec les critères
d'expertise métiers qui valorisent et fédèrent son équipe.
Pour élaborer la définition et le marketing de ses services, ainsi que les
indicateurs associés, Mourad aura intérêt à travailler avec son équipe plutôt
que de les élaborer tout seul. Ceci pour plusieurs raisons :
Ses collaborateurs se plaignent que leur équipe n'est pas reconnue.
Mais que font-ils pour que cela change ? Le fait de les impliquer dans
l'action, en co-construction, est une façon de signifier « n'attendez pas
que cela vienne d'en haut ». Il y a de fortes chances que cela leur
permette aussi de constater que valoriser une équipe est plus facile à
dire qu'à faire et de mesurer les difficultés d'une telle démarche. Leur
permettre de le constater par eux-mêmes, le cas échéant, est un moyen
de les faire grandir.
C'est un moyen de les reconnaître comme étant capables de le faire,
d'écouter leurs idées et de les retenir si elles sont pertinentes
Ceux qui auront les meilleures idées seront reconnus par le reste de
l'équipe pour leur créativité et leur contribution à l'équipe.
Les indicateurs associés aux services seront mieux acceptés par les
membres de l'équipe s'ils ont été générés avec eux que s'ils sont
imposés par le manager

C'est une discussion que j'ai souvent avec les managers qui passent me voir
pour savoir comment mieux impliquer, motiver ou reconnaître leurs
collaborateurs. Je leur indique souvent de ne pas prendre l'ensemble de cette
responsabilité sur leurs épaules, mais de la partager avec leurs
collaborateurs. D'abord parce que le manager ne peut pas contrôler tous ces
aspects chez ses collaborateurs. Heureusement d'ailleurs. Et ce n'est pas la
peine qu'il s'épuise à essayer de le faire. Ensuite parce que c'est une bonne
chose que ses collaborateurs se sentent acteurs de leur propre
développement, du développement de leur équipe et du développement de
leur entreprise.

Le collectif
Le manager ne gère pas que des personnes, il gère également une équipe ou
des équipes. Et c'est bien le collectif qui fait réussir l'entreprise. Lorsque
l'équipe de France de football avait gagné la coupe du monde en 1998, le
sélectionneur Aimé Jacquet avait été interrogé sur les raisons de la victoire.
Il avait répondu « Le collectif ».
La mission du manager est de faire réussir un collectif. Il a une double
mission de faire réussir à la fois les personnes, les bons, les moins bons, les
divas, les contributeurs discrets… tous ensemble.
En matière de reconnaissance, cela signifie être capable à la fois de
reconnaître les personnes pour leur contribution individuelle, leur réussite
individuelle et leur contribution à celle de l'équipe. C'est-à-dire pousser
chacun à donner le meilleur de lui-même tout en coopérant avec les autres.
Insuffler un savant dosage d'esprit de compétition et d'esprit de
coopération : un rêve irréaliste ? Pas forcément. En fait, au fond de lui-
même l'individu, par essence ambivalent, a un double besoin : un besoin
d'appartenance et un besoin de se différencier de la masse. Il a besoin d'être
reconnu comme appartenant à l'équipe et comme appartenant à l'entreprise.
Et en même temps, il a besoin de sentir qu'il n'est pas noyé au sein du
collectif, qu'il est différent. Et il a besoin que cette différence soit reconnue,
en particulier dans les cultures individualistes[1]. Sortir du lot, en étant plus
brillant, plus créatif, plus généreux, plus travailleur, plus … quelque chose
de plus et de mieux. Et ce « plus, en mieux» dépend des caractéristiques
personnelles de l'individu. Les collaborateurs envoient un message à leur
manager qui dit « Je fais partie de la masse, mais je suis différent de la
masse ». Et ce message est particulièrement clair à la suite de la distribution
des enveloppes des augmentations salariales : chaque collaborateur a un
discours différent pour expliquer en quoi, selon lui, il mérite plus que la
moyenne[2].

L'individu a un double besoin de reconnaissance : besoin d'être reconnu comme appartenant à


un collectif (équipe, entreprise, …) et besoin d'être reconnu comme étant différent, en mieux,
des autres membres du collectif.

Le dosage entre les deux besoins de reconnaissance dépend des cultures et


des personnes. Dans les pays occidentaux, majoritairement individualistes,
les individus sont surtout reconnus pour leur performance individuelle,
esprit de compétition rimant avec compétitivité. En parallèle, les
organisations qui savent entraîner les équipes vers des objectifs communs
sont celles qui réussissent le mieux. Le manager devra agir avec doigté et
être capable de gérer les divas de son équipe, qui ont un fort besoin d'être
reconnues pour leurs performances individuelles, mais qui doivent
également faire partie d'une équipe à part entière et contribuer à la
performance globale de l'équipe ou de l'organisation.

La reconnaissance par l'équipe


Nous venons de voir la reconnaissance de l'équipe par l'organisation, mais il
y a aussi un élément important à mentionner : l'individu est également
reconnu par son équipe, par ses pairs, par des gens qui lui ressemblent et
lui renvoient une image de son expertise ou de sa participation à l'équipe.
Jusqu'à présent nous avons évoqué la reconnaissance d'un collaborateur par
son manager. Si le manager est une des personnes centrales en matière de
reconnaissance d'un collaborateur, du fait de sa position en tant que
représentant légitime de l'entreprise, et surtout de son rôle dans l'évaluation
de la contribution, il y a en parallèle d'autres acteurs qui peuvent donner des
signes de reconnaissance :

Les clients : un client content ou mécontent est un signe de


reconnaissance positif ou négatif du travail effectué.
Les collègues de travail au sein de l'équipe : signes de reconnaissance
directs et formalisés ou indirects et implicites. Le fait que l'on vient
régulièrement voir Christophe plutôt qu'un autre lorsqu'il y a un
problème technique compliqué est un signe de reconnaissance envers
Christophe comme quoi il est considéré comme plus expert que les
autres membres de l'équipe. Certaines personnes sont également
considérées comme plus dignes de confiance que d'autres.
Les membres des services intervenant en support des équipes
opérationnelles. Ces personnes, dont la contribution est souvent
indirecte, sont rarement reconnues et apprécient d'autant plus de l'être.
Une reconnaissance mutuelle avec les fonctions supports est une des
clés de la réussite globale.
Les autres managers, en particuliers les managers en matriciels, les
chefs de projets.
Les autres membres des réseaux internes ou externes.
Les experts techniques sur les forums et réseaux sociaux.
Le manager aura intérêt à récolter les signes de reconnaissance des clients
internes ou externes et des autres managers, en préparation de l'entretien
d'évaluation annuelle en particulier, pour ajuster les éléments de
reconnaissance qu'il communiquera à son collaborateur.

Exercice 7.1 – Quelques questions pour progresser


Comment établissez-vous le dosage entre reconnaissance de la performance individuelle d'un
collaborateur et sa participation à la performance de l'équipe ? Qui peut vous aider à établir ce
dosage ?
Comment vous assurez-vous de la bonne collaboration des différents membres de votre
équipe ? Que pourriez-vous entreprendre en ce sens ? Comment pouvez-vous aider les
personnes de votre équipe à participer ?
Votre équipe est-elle reconnue par le reste de l'entreprise ? Sur quels critères ?
Écrivez ci-dessous trois mots qui caractérisent la valeur ajoutée ou l'excellence de votre équipe
et que vous pourriez utiliser comme branding vis-à-vis du reste de l'organisation.
1–
2–
3–
Comment pourriez-vous valoriser votre équipe en interne ? Décrivez trois actions de
valorisation de votre équipe en interne.
1–
2–
3–
8

Éviter le piège
du manque de temps

« Time is the scarcest resource and unless it is managed nothing else


can be managed. [1] »
Peter Drucker

Échanges sur le terrain


Christian frappe à ma porte entre-ouverte et passe la tête dans
l'entrebâillement.
– Bonjour, t'aurais 5 minutes à m'accorder ?
– Bien sûr ! Bonjour Christian, entre !
– Ah, enfin quelqu'un qui a du temps !
(Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Que je ne fais rien de toute la journée ?
Merci… ça fait toujours plaisir…)
– Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
– Rien… enfin si… c'est-à-dire que…
– Bon, j'ai bien 5 minutes, mais j'ai pas toute la journée non plus ! (Je lui
lance un regard agacé.) Alors, tu peux me dire pourquoi tu veux me voir ?
(Pourquoi est-ce que je suis désagréable comme ça ? Je me radoucis.)
Excuse-moi, je ne voulais pas te brusquer. C'est si difficile à dire, pourquoi
tu viens me voir ?
– C'est pas que ce soit difficile, mais c'est que c'est pas clair. Je ne sais pas
comment l'expliquer, mais j'en ai assez de travailler comme ça. Toujours
dans l'urgence, on ne prend jamais le temps d'aller au fond des choses, de
traiter les vrais problèmes. On passe son temps à traiter des e-mails au lieu
de bosser correctement.
– Tu en as parlé à ton manager ?
– Mon manager ? Encore faudrait-il qu'il s'intéresse à moi ! Il est en
permanence en réunion, ou en train de parler dans l'oreillette de son
téléphone mobile ou de texter sur son iphone. J'ai demandé à le voir en tête-
à-tête, il m'a accordé un rendez-vous et ça fait deux fois qu'il l'annule. Des
urgences m'a-t-il dit.
– C'est la période des entretiens annuels d'évaluation en ce moment. Je sais
que ça ne résout pas tout et que cela ne remplace pas la communication sur
toute une année, mais tu as pu au moins aborder le problème ?
– Tu parles ! Parlons-en de l'entretien annuel d'évaluation ! 10 minutes !
J'avais jamais fait si court ! J'avais rendez-vous à son bureau, il est arrivé
avec 15 minutes de retard. Quand il est rentré, son mobile a sonné et il a
pris la communication en disant qu'il s'excusait mais qu'il attendait un appel
urgent. À la suite de quoi, il m'a dit qu'il devait absolument envoyer un e-
mail. Enfin, il s'est assis à côté de moi et il m'a dit. « Bon, l'entretien
d'évaluation, c'est encore un truc RH qui sert à rien, mais il faut le faire.
Alors, on va cocher les cases pour montrer que l'on a fait notre job, mais on
va pas y passer plus de 10 minutes. De toute façon, on n'a pas besoin de cet
entretien pour parler entre nous, n'est-ce pas ? ». Il a ouvert son ordinateur
portable, et il a ouvert mon formulaire d'évaluation en ligne. « J'ai pas eu le
temps de remplir les champs, mais, bon, cela se passe plutôt bien pour toi,
cette année, n'est-ce pas ? ». Il ne me regardait même pas, il regardait le
formulaire en ligne. Je n'aurai pas été dans la pièce, cela n'aurait rien
changé. Il a commencé à me faire des commentaires tout en tapant sur son
ordinateur. À ce moment, quelqu'un a frappé à la porte et a passé la tête
dans l'entrebâillement. Michel a dit « OK, OK j'arrive tout de suite ». Puis,
il a claqué son ordinateur portable et il m'a dit : « Ecoute, Christian, je suis
plutôt content de toi, et ça tu le sais. Il faut que je parte en réunion de crise
dans 5 minutes, et avant il faut que je termine mon dashboard. Je remplirai
ton formulaire en ligne ce week-end et je te l'enverrai par e-mail. ». Je n'ai
pas eu le temps d'en placer une. Il m'a tapé sur l'épaule et il m'a dit à
bientôt.
–…
– Et c'est toujours comme ça. Déjà, j'ai du mal à le voir, et quand le vois, j'ai
l'impression qu'il n'est pas avec moi. Il est là physiquement, mais je vois
bien qu'il n'écoute qu'à moitié ce que je lui dis : il regarde ses e-mails sur
son iphone, et quand quelqu'un l'appelle, il prend toujours la
communication. En fait, j'ai l'impression que je ne l'intéresse pas.

Que s'est-il passé ?


Avant d'analyser dans le détail la problématique de Christian, je voulais
faire une parenthèse sur mon propre comportement et plus particulièrement
lorsque j'ai réagi violemment au début de l'entretien. Christian a fait une
remarque anodine « Ah, enfin quelqu'un qui a du temps ! ». J'ai mal pris
cette remarque car elle a touché un point sensible chez moi. Un autre que
moi aurait laissé passer la remarque sans y prêter beaucoup d'attention, mais
me concernant, cette remarque m'a fait partir au quart de tour. En effet, je
travaille beaucoup et je déteste les gens qui me signifient, d'une manière
directe ou indirecte, que je ne travaille pas beaucoup ou pire que je suis
paresseuse. Ce n'est pas ce que Christian a dit, mais j'ai déformé ses propos
par rapport à un de mes points sensibles et j'ai sur-réagi. Si je ne m'en étais
pas aperçue, l'entretien aurait pu dégénérer rapidement dans un processus
d'escalade.
Nous avons tous nos points sensibles tels que celui-ci, et nous nous sentons
attaqués lorsque quelqu'un semble remettre en cause quelque chose
d'important pour nous qui, c'est vrai, nous fragilise lorsque nous nous
sentons attaqués mais qui constitue également parfois un idéal sur lequel
nous nous appuyons pour avancer : par exemple, être une bonne mère ou un
bon père, être un bon manager, être irréprochable sur le plan du travail,
avoir toujours raison en tant qu'expert. Nous ne sommes pas vus par les
autres avec le même prisme que celui avec lequel nous nous regardons
nous-même.
Pourquoi ai-je fais cette parenthèse ? Parce que c'est important pour le
manager d'être sensibilisé au fait que le collaborateur peut sur-réagir à une
de ses remarques qui lui paraissait banale, mais il se trouve qu'elle a tapé
dans le mille sur un point sensible de la personne. La conséquence, si le
manager n'y prend pas garde, peut-être une réaction de colère ou bien le
début de ce qui s'appelle en Analyse Transactionnelle un jeu psychologique.
En réponse à une remarque dite « amorce » qui, intentionnellement ou non,
a touché un point faible, selon les termes de l'analyse transactionnelle,
l'interlocuteur peut entamer une phase de jeu psychologique : la discussion,
en apparence socialement acceptable, sera en fait biaisée pour entraîner in
fine un résultat négatif pour l'émetteur de l'amorce[2]. Un manager averti
sera sensible aux réactions de la personne en face pour recadrer afin d'éviter
de voir dériver inutilement une conversation vers un conflit ou une
manipulation[3].
Revenons au cœur du débriefing : Michel, le manager de Christian, n'envoie
pas à ce dernier suffisamment de signes de reconnaissance, par manque de
temps et aussi peut-être par maladresse. Du fait de cette absence de signes
de reconnaissances positifs, Christian interprète le comportement de son
manager en termes de signes de non-reconnaissance. En d'autres termes,
certaines caractéristiques du comportement de Michel à l'égard de Christian
laissent supposer à ce dernier, à tort ou à raison, qu'il n'intéresse pas son
manager.
Avez-vous détecté les signes de non-reconnaissance dans la perception de
Christian ? En voici quelques-uns :

Christian a demandé à voir Michel en tête-à-tête, mais ce dernier a


annulé tous les rendez-vous correspondants prétextant des urgences.
Christian en a conclu que Michel n'a pas de temps pour lui.
Michel a réduit à 10 minutes l'entretien annuel d'évaluation qui
représentait pour Christian une opportunité de parler de lui.
Michel ne regarde pas Christian. Christian perçoit ceci comme une
dévalorisation, comme n'étant pas digne du regard de son chef, qui
préfère regarder son ordinateur.
Michel ne prend pas le temps d'écouter Christian. Christian en déduit
que son manager n'est pas intéressé par ce que Christian a à lui dire.

En conséquence, Christian ne se sent pas reconnu par son manager qui ne


prend pas le temps de lui montrer qu'il s'intéresse à lui. La phrase, « j'ai
l'impression que je ne l'intéresse pas » est typique des personnes qui ne se
sentent pas reconnues. Il a l'impression de ne pas exister aux yeux de son
manager. Le manager étant le représentant de l'entreprise, il y a un risque
que Christian ne se sente pas exister au sein de l'entreprise, et si son travail
représente l'essentiel de sa vie, un risque de ne pas se sentir exister du tout.
Il est probable que Christian sur-réagit par rapport aux comportements de
son manager qui n'a rien contre lui, mais qui manque tout simplement de
temps et de discernement pour lui manifester des signes de reconnaissance.
Il est tout aussi probable que Christian n'ait pas une estime de soi suffisante
pour prendre du recul par rapport aux comportements de son chef. Par
ailleurs, il ne s'agit pas ici de porter un jugement sur le manager sans le
connaître ni connaître son contexte de travail : il a peut-être une charge de
travail énorme et des enjeux très importants justifiant son manque de temps.
Mais, avec du recul, que peut-on penser du comportement d'un chef qui, en
réunion en face-à-face écoute d'une oreille tout en lisant ses e-mails sur son
smartphone ? Ou bien qui interrompt toutes les 10 minutes la conversation
pour prendre un appel téléphonique ? Quel message indirect fait-il passer
concernant la place que son collaborateur occupe dans ses priorités ?
Je discutais l'autre jour avec une amie qui me disait « lorsque mon mari
rentre à la maison le soir, la première chose qu'il fait après avoir dit bonsoir,
c'est se connecter sur son iphone pour répondre à ses e-mails. Parfois, il ne
dit même pas bonsoir, il sort de sa voiture avec son oreillette et il continue à
parler dans son mobile tout en rentrant dans la maison. C'est à peine s'il me
fait un signe de la main. Ensuite, il tempête pendant 20 minutes contre son
chef, ou ses collègues ou la réunion qui s'est mal passée. Il est
physiquement rentré à la maison, mais dans sa tête, il n'est pas là. Il est
encore au bureau. Puis, après le repas, il retourne sur son ordinateur
portable pour terminer une présentation pour le lendemain ou pour une
urgence. Ou bien, il s'affale devant la télé pour regarder n'importe quoi en
disant qu'il a besoin de se déstresser. D'une certaine manière, c'est comme si
je n'existais pas. »
L'analyse de cette amie concernant son mari est similaire à celle de
Christian concernant son chef. Ils posent la question d'exister au travers du
regard de l'autre, au travers de l'attention accordée par l'autre. Finalement,
qui sommes-nous sans le regard de ceux qui sont importants pour nous ?
Comment cerner si nous sommes nous, nous, quelqu'un d'important ou bien
si nous sommes juste un élément dans l'équipe, ou un accessoire dans la vie
de l'autre ? Comment le savons-nous si l'autre ne prend pas le temps de le
signifier, d'une manière ou d'une autre ?
L'effet rétroactif de la relation
Allons plus loin, vous voulez-bien ? Selon-vous, quel est l'impact sur les
personnes de la façon dont les considère leur manager ?
Selon la manière dont vous, en tant que manager, vous regardez votre
collaborateur, vous le confortez dans une certaine image de lui-même ou
bien vous pouvez l'amener à développer une image de lui-même plus
positive ou plus compétente. Si vous pensez qu'il est incapable de gérer un
projet, il y a un risque qu'il se considère comme incapable de gérer un projet
et le devienne effectivement. Si, à l'inverse, vous lui signifiez qu'il est un
bon chef de projet, dans les faits ou en devenir, il trouvera dans votre regard
une image compétente de lui-même qui l'entraînera à entretenir ou à
développer des comportements compétents. Dans son excellent livre, Petit
manuel de self-leadership, Philippe Bazin explique admirablement bien ce
phénomène. « Regarder quelqu'un le fait exister selon le regard posé sur
lui »[4]. Si vous pensez que votre collaborateur est compétent, il va le sentir
à la manière dont vous vous comportez avec lui et ceci va avoir tendance à
renforcer cette compétence chez lui. Et c'est également pour vous une
superbe occasion pour développer vos propres compétences humaines. Car
si, dans votre relation, vous amenez votre collaborateur à être un peu plus
compétent, vous le serez un peu plus également, n'est-ce pas ?

Prenons-nous le temps d'être efficaces ?


Depuis les années 1990, la vitesse des moyens de communication a accéléré
les marchés financiers. Le culte de l'urgence[5] a alors gagné les entreprises
en échos à l'immédiateté des réponses aux sollicitations des marchés. Les
actionnaires demandent toujours plus de rentabilité de l'action à court terme
et exigent des reportings de plus en plus fréquents, trimestriels et non plus
annuels. Dans nos sociétés occidentales, la logique de la rentabilité à court
terme prédomine au détriment des réflexions long terme.
Par ailleurs, la rapidité de moyens de communication tels que les e-mails,
les textos ou les transactions par Internet ont modifié notre rapport au
temps. En permettant à la personne d'être jointe ou de joindre à tout
moment et où qu'elle soit, au moyen de son téléphone mobile ou de son
ordinateur portable, en lui fournissant l'accès immédiat à de nombreuses
informations et prestations, en lui évitant d'avoir à se déplacer pour obtenir
instantanément un service ou un produit, ces technologies lui procurent le
sentiment de gain de temps et de maîtrise. En parallèle, et en particulier
dans le domaine professionnel, le fait de pouvoir être joint en permanence
induit la dépendance psychologique de devoir être joint en permanence, de
ne jamais pouvoir « se déconnecter », de devoir répondre tout le temps et
tout de suite aux sollicitations de l'entreprise et de devenir en quelque sorte
esclave du temps, voire esclave de son entreprise.
Il est clair qu'aujourd'hui les managers sont submergés par les e-mails
urgentissimes et les demandes de reporting au moyen d'innombrables
fichiers Excel ou présentations PowerPoint. En même temps, ils doivent
propager ce sens de l'urgence auprès de leurs équipes, si l'on veut que
l'entreprise tienne le rythme par rapport aux concurrents, par rapport aux
demandes des actionnaires ou des clients dans un monde qui va de plus en
plus vite et qui exige de plus en plus d'immédiateté.
La question n'est pas de remettre en cause en bloc l'urgence généralisée qui
est une réalité. La question est plutôt de gérer cette urgence de manière
intelligente et non pas de se laisser traîner par elle. De se demander au
détriment de quoi se fait cette course infernale et comment cela peut être
compensé. Dans la mesure où une « compensation » est bien le bon terme.
Regardons-nous en face et essayons de répondre à quelques questions.
Lorsque nous arrivons à notre bureau et que nous nous connectons à notre
boîte e-mail, le faisons-nous par habitude ? Pourquoi vérifions-nous
plusieurs fois par jour nos e-mails parfois au détriment d'actions
structurantes, est-ce par facilité ? Par habitude ? Voire par addiction ? Vous
est-il jamais arrivé de répondre à un e-mail urgent au détriment d'une autre
action qui aurait été plus importante mais qui vous demanderait de plus
réfléchir, de plus organiser, de plus structurer ? La gestion des e-mails
urgents n'est-elle pas une manière de procrastiner sur des sujets de fond
auxquels il faudrait réfléchir mais que nous souhaitons éviter ? Ou encore,
envoyer des e-mails à la communauté représente-t-il un moyen facile de
montrer que l'on existe au sein de l'organisation ? Lorsque nous traitons nos
e-mails, le faisons-nous au détriment d'un autre moyen de communiquer, de
traiter des informations ou de résoudre des problèmes qui seraient plus
efficaces ?
Lorsque nous demandons une information de manière urgente à un
collaborateur par e-mail, avons-nous vérifié que le délai est réaliste et
accepté et sera tenu, ou bien répercutons-nous sans valeur ajoutée un
comportement de notre propre management ? Octroyons-nous un juste délai
pour les réponses à nos demandes ou bien ce délai est-il le reflet de notre
impatience associée à notre crainte de ne pas avoir de réponse ?
Quels sont les e-mails que nous transmettons qui pourraient être mieux
réglés par un coup de fil ou un face-à-face avec la personne destinataire ?
Quel est la part de notre stress au travail qui est liée au fait que nous avons
trop d'e-mails à gérer et que nous gérons mal nos priorités ?
Comment pouvons-nous gagner du temps sur les activités à faible valeur
ajoutée pour pouvoir passer plus de temps à entretenir la relation avec nos
collaborateurs ?
« Passer du temps avec mes collaborateurs à papoter ? J'ai autre chose à
faire », me disait l'autre jour ce manager. Il ne s'agit pas de papoter. Il s'agit
de créer la relation, de la faire vivre dans le temps, de mieux comprendre
l'autre, pour évoluer vers la confiance. Car faire confiance à ses
collaborateurs, et le leur montrer, d'une part c'est une immense preuve de
reconnaissance, et d'autre part cela permet au manager de déléguer des
activités en connaissance de cause et de gagner du temps.

Quelques pistes pour passer du temps, du bon temps et du temps bon… avec ses
collaborateurs

Rencontrer ses collaborateurs en face-à-face, régulièrement en équipe pour entretenir la


cohésion d'équipe et régulièrement en individuel pour faire comprendre à chacun de ses
collaborateurs en quoi il est important.
Alterner réunion informelles (café, déjeuner) et réunions formelles (résolution de problèmes,
plan de développement professionnel)
S'intéresser à la manière dont son collaborateur voit son avenir, à l'intérieur ou à l'extérieur de
l'entreprise à long terme
En termes de reconnaissance, communiquer autant avec le langage corporel qu'avec les mots :
un regard, un sourire. Prendre le temps de s'asseoir deux minutes à côté du bureau de son
collaborateur. La congruence entre les mots et le non-verbal est ici essentielle. Ce n'est pas la
peine de féliciter votre collaborateur si votre regard exprime de l'indifférence ou du mépris :
l'effet produit sera pire que l'effet recherché. Les gens aiment les signes de reconnaissance
sincères. Des félicitations, associées à un langage corporel qui exprime le contraire, seront
considérées comme un signal fort d'absence de reconnaissance.
En période de réduction budgétaire, un des premiers postes qui saute sont les réunions de team
building. Ainsi comme on n'a pas les moyens financiers d'aller au vert en équipe, la réunion est
complètement supprimée. Erreur ! Une réunion de team building peut être faite en toute
simplicité et vous pouvez de plus faire appel à la créativité de vos collaborateurs pour
organiser quelque chose d'original à peu de frais. Mais mieux vaut une réunion de team
building en toute simplicité que pas de réunion du tout. Cette réunion sera l'occasion donnée à
vos collaborateurs de s'exprimer sur eux-mêmes ou sur les problèmes auxquels ils doivent
faire face ou sur leur vision de l'organisation ou sur les processus de travail. Passer du temps
ensemble à prendre du recul par rapport aux problèmes.

Tout cela est simple. Simple, mais important.

Combien de temps prend un sourire authentique de reconnaissance ?

Le besoin de réponses immédiates


La rapidité est devenue une des qualités de base pour réussir : être le
premier avant les autres sur le marché exige d'être le plus rapide. Mais il y a
également d'autres raisons profondes : le fait d'obtenir une réponse
immédiate conforte le dirigeant dans l'importance de son statut et
l'affirmation de son pouvoir. Le fait qu'un salarié abandonne séance tenante
ce qu'il est en train de faire pour répondre à une demande du dirigeant
confirme au dirigeant qu'il passe avant les autres, flatte son ego et le
conforte dans son pouvoir régalien. Cette caresse de son ego lui fait plaisir
et le rassure en même temps. Car la réponse immédiate a également un effet
anesthésiant. Elle rassure les dirigeants par rapport à plusieurs sources de
stress : stress par rapport à l'avenir, stress de pas savoir donner de réponses,
stress de passer pour celui qui ne contrôle pas. Les réponses immédiates, en
comblant rapidement le vide entre la question et la réponse, apaisent ce
stress. « Comblez ce vide que je ne saurais voir »…
À titre d'illustration, je me souviens d'une conversation que j'avais eu avec
un directeur commercial : en cette fin d'année, alors que lui et son équipe
travaillaient quasiment jour et nuit pour remettre dans les temps une offre
commerciale à un client majeur, le patron de son entité lui réclame pour le
soir même les prévisions de prises de commandes pour les deux années à
venir. Cette demande avait beaucoup irrité ce directeur commercial qui
s'était alors posé beaucoup de questions sur le patron de son entité : il est au
courant que nous sommes occupés à 140 % pour répondre à un appel d'offre
qui engage l'avenir de l'entreprise, est-ce qu'il est complètement enfermé
dans sa tour d'ivoire, à ignorer le travail des équipes sur le terrain ? Mesure-
t-il les impacts potentiels de sa demande sur la qualité de la réponse à
l'appel d'offre ? Ne sait-il pas négocier un délai avec son propre
management ? Veut-il passer pour le dirigeant parfait qui a réponse à tout en
permanence au détriment des conséquences potentielles sur la charge de ses
équipes ? Est-ce une demande qui a pour objectif de calmer le stress de fin
d'année à plus haut niveau et qui a été transférée sans analyse ? Devant
l'insistance de son patron, ce directeur commercial a donné une réponse qui
a calmé le stress ambiant, mais dont le contenu a été revu la semaine
suivante après avoir été retravaillé avec sérieux lorsque, l'échéance de la
remise de l'appel d'offre passée, il a pu trouver le temps nécessaire pour
consolider les prévisions.

Exercice 8.1 – Quelques questions pour progresser


Que pensez-vous du cas du directeur commercial décrit ci-dessus ? Avez-vous déjà rencontré
des situations semblables ? Quel sont les avantages et les inconvénients de donner une réponse
dans l'urgence, qui d'une part se fait au détriment des autres urgences en cours et d'autre part
doit être revue la semaine suivante ? Quels sont, selon vous, les comportements à adopter dans
ce genre de situations ? Quels sont les enjeux en termes de reconnaissance ?
Vos collaborateurs vous ont-ils déjà laissé entendre que vous étiez injoignables ? Avez-vous
l'impression de leur accorder suffisamment de temps ?
Pensez-vous gérer correctement votre temps ? Quelles sont les activités chronophages et à
faible valeur ajoutée ? Que pourriez-vous améliorer dans la gestion de votre temps ?
Comment allez-vous faire ?
9

Trouver des solutions


à la reconnaissance salariale

« Nul ne peut te léser, si tu ne le veux point, car tu ne seras lésé que si


tu juges qu'on te lèse. »
Épictète

Échanges sur le terrain


C'est la période des augmentations annuelles. J'ai plein de rendez-vous avec
des salariés mécontents qui viennent de recevoir de la part de leur manager
le montant de leur augmentation respective. En ces temps de crise,
l'enveloppe des augmentations a été bien mince. Pourtant, les gens ont
beaucoup travaillé. Ouille, je sens que les entretiens vont être difficiles…
C'est bizarre personne n'a jamais pris rendez-vous pour me faire part de sa
satisfaction. Comme quoi, la reconnaissance, ce n'est pas innée dans la tête
des gens…
Christophe ou la problématique des gens « qui font juste bien leur
boulot » :
– On se fout de ma gueule !
– Qu'est-ce qui t'arrive ?
– J'ai eu 2 % d'augmentation. 2 % !
– C'est plutôt pas mal, on est en période de restriction budgétaire.
– Tu rigoles ou quoi ? C'est ridicule, ça compense même pas l'inflation,
alors que je me crève toute l'année à bosser comme un taré.
– Ton salaire est plutôt bien positionné.
– Ça veut dire quoi ? Que je vais végéter à 2 % par an parce que je gagne
déjà bien ?
Claude ou la problématique des seniors vis-à-vis de la valorisation de
leur expérience
– Je suis dégoûté.
– Qu'est-ce qui t'arrive ?
– Ça fait 25 ans que je bosse et mon expérience n'est même pas reconnue.
– Pourquoi tu dis ça ?
– Parce que j'ai eu que 2 % d'augmentation et que mon manager m'a dit que
je devrais être content parce que je suis plutôt bien payé pour ce que je fais.
T'imagines le truc ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
–…
– Et puis, j'ai entendu une conversation entre deux petits jeunes du service.
Ils râlaient parce qu'ils n'ont pas eu d'augmentation. Faut quand même pas
rêver, ils ont été embauchés il y a même pas un an ! ? Et en plus, tu sais
quoi ? À leur âge, ils gagnent autant que moi ! C'est bien ce que je dis : mon
expérience est pas reconnue !
Caroline ou la problématique de la nostalgie vis-à-vis des temps plus
fastes
– Je suis complètement démotivée.
– Qu'est-ce qui t'arrive ?
– Ça fait des années que je travaille énormément, que je fais des horaires de
dingue et ma performance sur l'année a été excellente.
– … (Il y a forcément une suite…)
– Eh bien, je n'ai eu que 4 % d'augmentation. Faudrait quand même pas se
foutre de ma gueule !
– Je comprends de ce que tu me dis que tu es déçue de n'avoir eu que 4 %.
Mais est-ce que tu sais qu'étant donnée la période actuelle de restriction
budgétaire, c'est plutôt beaucoup ? Tu sais que la moyenne n'est que de
2 % ? En t'attribuant 4 %, ton management montre clairement qu'il souhaite
reconnaître tes efforts et ta performance.
– Oui, enfin, il y a quelques années, c'était pas 4 %, mais 10 ou 15 % que
j'ai reçu ! Et d'ailleurs, j'ai entendu dire qu'il y en a cette année qui ont eu
15 %. Qu'est-ce qu'ils ont fait de mieux que moi ces gens-là pour avoir
15 % ?
Corentin ou la problématique des ingénieurs n'ayant pas fait la bonne
école
– Je suis super énervé
– Qu'est-ce qui t'arrive ?
– Ben, je sais qu'il y a au moins 2 personnes dans le service qui sont mieux
payées que moi alors que je suis meilleur qu'eux. Mon manager m'a félicité
et il m'a dit que ma contribution avait été exceptionnelle cette année. C'est
pas juste !
– Pourtant, si mes données sont exactes, tu as eu 5 % d'augmentation cette
année. C'est beaucoup en ces temps de crise, tu te rends compte ? La
moyenne est de 2 %, et il y a des entreprises où il n'y a pas eu
d'augmentation cette année. On a voulu marquer le coup pour toi et
reconnaître ta contribution exceptionnelle.
– Mais tu comprends rien ou quoi ? (Aïe, il ne va tout de même pas me
frapper ?) C'est tout de même pas juste que des gens moins bons que moi
gagnent plus que moi !
– Tu sais que le salaire à l'embauche pour les jeunes diplômés ici, comme
dans beaucoup d'entreprises, est calculé à partir de grilles qui comprennent
divers paramètres, dont la formation initiale. Tu sais, un jeune diplômé n'a
pas d'expérience, il faut bien que l'entreprise se base sur quelque chose.
Cela paraît logique qu'à ce niveau, un jeune ayant fait une école mieux
classée qu'une autre se voit proposer un meilleur salaire. En tout cas, c'est la
logique que l'on adopte ici. Et bien qu'imparfaite, elle a au moins le mérite
d'être la même pour tous les gens dans la même catégorie. Sinon, la
proposition salariale se fait sur des critères non factuels et tu avoueras que
ce n'est pas mieux !
– Alors, comme je n'ai pas fait une bonne école, je suis pénalisé ?
– D'abord, il n'y a pas que l'école, il y a aussi la valorisation des expériences
connexes comme des expériences entrepreneuriales ou à l'étranger. Et puis,
dis-moi, quand tu as été embauché ici, tu as accepté ton salaire librement ou
on t'a mis un revolver sur la tempe pour l'accepter ?
– Librement, bien sûr ! Mais, à l'époque, je ne savais pas que d'autres
personnes de mon âge et moins bons que moi gagneraient plus que moi !
Carla ou la problématique des augmentations qui diminuent
– Je viens te voir parce que c'est pas juste.
– Qu'est-ce qui n'est pas juste ?
– Cela fait cinq ans, que je suis ici, et depuis 5 ans je n'ai que des
félicitations de la part de mon management tous les ans. Tous les ans, on me
dit que j'ai fait du bon boulot. Et cette année, j'ai bossé encore plus que
l'année dernière car j'étais sur des projets où il y avait d'énormes difficultés,
et bien j'ai eu moins que l'année dernière ! T'imagines ? En 5 ans, je suis
passée de 10 % à 2 %. Je peux te monter la courbe, si tu veux ! Tous les ans,
mon augmentation diminue ! J'en ai ras-le-bol, moi, d'être sur un projet en
fin de vie, d'être le bon petit soldat corvéable à merci, de résoudre des
problèmes que personne ne veut résoudre pendant que les stars papillonnent
en présentations et raflent toutes les augmentations !
Charles ou la problématique du zéro
– Je viens te voir parce que… tu dois être au courant ?
– Au courant de quoi ?
– Eh bien, j'ai au 0 % d'augmentation cette année. 0 ! La bulle ! Tu te rends
compte !
– Est-ce que ton manager t'a expliqué pourquoi ?
– Oui, il m'a expliqué. Mais je ne suis pas d'accord. Il m'a dit que ma
contribution n'a pas été au niveau attendu.
– Et il t'a expliqué ce que tu aurais dû faire pour l'être ?
– Oui, j'aurais dû en faire plus. Toujours plus. C'est dégueulasse, dans
l'équipe à côté, ils en foutent pas une rame, et pourtant personne n'a eu 0 !
– Tu sais, on fait des vérifications au niveau global, pour s'assurer qu'il n'y a
pas trop de disparités entre les différentes équipes, pour assurer une certaine
cohérence.
– Je sais, je sais. Je ne dis pas que le système est mal fait et je n'ai rien
contre vous
–… (Ouf…)
– Mais vous pourriez pas faire un geste ? M'accorder, je sais pas moi, même
1 % ? Pour lever l'aspect sanction du 0 ?
Chad ou la problématique du saupoudrage
– Je viens te voir parce que je suis déçu, démotivé, dégoûté. Vous me
donnez tous envie de vomir. (Ce Monsieur est en train de vomir toute sa
rancœur sur mes chaussures… Quelle est ma part de responsabilité ? et la
sienne ? et celle de l'entreprise ? et celle de la conjoncture économique ?)
J'ai eu 1 % ! Vous vous foutez de moi ou quoi ? ça veut dire quoi 1 % ? c'est
ridicule ! c'est du foutage de gueule !
– Tu sais, l'enveloppe globale n'est pas énorme et au départ ton management
avait pensé t'attribuer 0 %. Et ton manager a voulu faire un geste. T'attribuer
quand même quelque chose.
– Il aurait presque mieux valu avoir 0. Au moins, ç'aurait été un signal clair,
courageux, sans ambiguïté.
Christine ou une problématique qui n'a rien à voir avec l'argent
– Je voulais te parler.
– Oui, à quel sujet ?
– Je ne sais pas comment expliquer. J'ai l'impression que je ne peux pas
vraiment communiquer avec mon manager. Il ne parle que des aspects
techniques avec moi. Je crois qu'il a peur de parler d'autre chose que de
technique. Il n'a même pas osé me parler de mon augmentation. J'ai trouvé
la notification de mon augmentation dans une enveloppe dans ma bannette.
– Qu'est-ce que tu lui as dit ?
– Rien. J'ai eu 2 % d'augmentation, on ne peut pas dire que ce soit énorme,
mais ce n'est pas là le problème.
– C'est quoi le problème ?
– Eh bien que mon manager n'ait pas pris le temps d'en discuter avec moi.
Que je puisse lui parler des difficultés que je rencontre dans mon boulot.
Que je puisse lui dire combien ça a été difficile pour moi d'atteindre mes
objectifs. Et pourtant je les ai atteints.
– Difficile ?
– Oui, tu sais, j'élève seule mes trois enfants. Ce n'est pas évident tous les
jours. Je dois jongler avec les horaires en permanence, mais j'ai mis mon
point d'honneur à être irréprochable sur le plan du travail et à atteindre tous
mes objectifs, sans faute. Ça a été dur, mais j'y suis arrivée. Eh bien, j'aurais
voulu que mon manager reconnaisse cela. Pas forcément financièrement,
mais qu'au moins, il soit au courant. Et qu'il me dise quelques mots.
Quelques mots qui indiquent qu'il m'est reconnaissant, de m'être accrochée,
de ne pas avoir laissé tomber, malgré ma situation familiale et d'avoir fait
du bon boulot.
– Tu as parlé de tout ça avec ton manager ?
– Ben, j'ai essayé, mais chaque fois que je commence à parler de quelque
chose en dehors des points techniques, il ramène la conversation sur la
technique. Il ne pense qu'à ça ! Tu sais que l'autre jour, j'ai amené des
croissants en réunion de service pour détendre l'atmosphère ; eh bien, il ne
m'a même pas dit merci ! et l'atmosphère était encore plus tendue !

Que s'est-il passé ?


Reconnaître le « juste bien »
Ce n'est pas son salaire qui pose problème à Christophe, c'est son
augmentation. Il considère que 2 % ne sont pas suffisants, par rapport à
deux éléments : d'une part il attend d'être reconnu par rapport aux efforts
qu'il a fourni toute l'année, d'autre part le montant de l'inflation.
Concernant la comparaison à l'inflation, cette comparaison est assez
courante de la part des gens. Beaucoup ont été éduqués avec l'ascenseur
social dans la tête, ils attendent, la plupart du temps de manière naturelle et
non calculée, de voir leur salaire et leur pouvoir d'achat augmenter tous les
ans. C'est une conception ancrée dans les mentalités, connotée d'une vision
paternaliste de l'entreprise. Les êtres humains sont ambivalents dans leur
relation à l'entreprise. Ils montrent d'un côté un comportement mercenaire
de type donnant-donnant, surtout chez les jeunes, n'attendant pas plus de
l'entreprise que ce qu'ils donnent et étant prêts à la quitter, sans sentiment, le
jour où elle ne leur donne plus assez. D'un autre côté, ils rêvent d'une
entreprise mère nourricière qui les prendrait en charge complètement, leur
confèrerait un statut social rassurant, leur garantirait un emploi à vie, une
progression de carrière ascendante et des pansements financiers pour
soulager les aléas de l'existence.
On peut se demander si c'est bien le rôle de l'entreprise de compenser
l'inflation. Le manager global aura tout intérêt à comprendre de manière
fine quelle est la politique de rétribution de l'entreprise. Cette politique est-
elle globale pour l'ensemble de l'entreprise ou différente par pays ? Par
rapport à une enveloppe dédiée aux augmentations, que souhaite-t-on faire ?
Récompenser les meilleurs ou compenser les inégalités salariales ? S'assurer
que tout le monde a au moins l'inflation ou retenir ceux qui ont permis à
l'entreprise d'être innovante et de se différencier sur le marché ? Vous allez
dire : tout à la fois. Eh bien, il va vous falloir beaucoup d'argent…

La reconnaissance de l'expérience
Claude pose la problématique de la reconnaissance de l'expérience, souvent
évoquée par les seniors dans l'entreprise.
Un jeune débutant et un senior expérimenté qui font le même travail
doivent-ils gagner le même salaire ? Font-ils exactement le même travail ?
Doit-on valoriser l'expérience intrinsèquement ou bien le surplus de
compétences qu'elle confère ? Comment est identifié ou qualifié ce surplus
de compétences ?
La guerre des talents sur le marché du travail peut amener une entreprise à
recruter des personnes à l'extérieur à un salaire plus élevé que celui des
personnes en poste dans l'entreprise faisant le même travail. Doit-elle
rattraper les salaires des personnes en poste ? Nous sommes ramenés à la
question précédente « Reconnaissance des meilleurs ou rattrapage des
salaires ». Si l'on a suffisamment d'argent, il conviendrait probablement de
faire les deux. Mais si l'enveloppe est limitée ?

La problématique de la comparaison avec des années plus


fastes
Caroline n'a pas fait le deuil des années précédentes où les montants des
augmentations étaient plus élevés. Il y a certains secteurs, par exemple celui
des Télécoms, où le retour à la réalité peut être rude, après l'euphorie des
années de pleine expansion.
La première question que l'on peut se poser est de savoir si Caroline n'a
réellement pas fait son deuil ou bien si c'est un argument qu'elle utilise pour
négocier une rallonge à son augmentation.
Si Caroline est réellement sincère dans ce qu'elle exprime, et bien le
manager pourra raisonnablement l'aider à faire son deuil. Pas facile… Peut-
être l'aider à prendre conscience que de toute façon ce ne sera plus jamais
comme avant mais que l'avenir laisse la porte ouverte à plein d'autres
opportunités si Caroline veut bien s'attacher à les considérer.
En l'aidant à se tourner vers l'avenir pour s'attaquer à de nouvelles
opportunités, son manager aiderait Caroline à adopter un esprit positif,
levier vers la performance. En effet, Martin Seligman[1] a mené des études
sur les conséquences d'un état d'esprit positif et il a montré que les
personnes optimistes réussissent en général mieux dans leur travail et dans
leur vie que les personnes pessimistes ou neutres. Les raisons en sont
multiples : les personnes positives ont la capacité à mener des actions après
un échec plutôt que de ressasser, à rester optimistes en période de crise, à
continuer à avancer sans se décourager en gardant l'espoir d'un avenir
meilleur. L'optimisme amène les personnes à se considérer comme acteurs
de leurs réussites et non pas victimes d'un contexte. Adopter un style
managérial positif propice à l'optimisme, c'est aider ses collaborateurs à
devenir et/ou à rester acteurs de leur réussite, en surmontant les difficultés,
en se fixant des objectifs positifs et en conservant l'énergie pour les
atteindre.

La problématique de la comparaison avec les autres


Ce n'est pas de son augmentation dont Corentin est insatisfait mais de son
salaire. Il attendait une augmentation qui aurait ramené son salaire à la
hauteur de ceux avec qui il se compare. Beaucoup d'entreprises établissent
des grilles de salaires d'embauche pour les jeunes ingénieurs ou
commerciaux débutants en classant les écoles et universités en groupes. La
réputation des écoles étant une notion qui a de l'importance, les entreprises
considèrent qu'un jeune embauché ayant fait une école bien classée mérite
un salaire plus important qu'une personne ayant fait une école moins bien
classée ou bien elles font un pari sur l'avenir en supputant qu'un jeune
embauché ayant fait une école mieux classée aura une meilleure
contribution qu'une personne ayant fait une école moins bien classée. Ce
système de grilles étant entretenu par la guerre des talents.
La question que l'on peut se poser par rapport à Corentin est de savoir s'il
est effectivement meilleur que les personnes avec qui il se compare.
Corentin est-il vraiment aussi bon que ce qu'il prétend ?
Si oui, la question du rattrapage salarial prend tout son sens. Peut-être étalé
sur plusieurs années. Ou peut-être d'un seul coup si l'entreprise ne veut pas
courir le risque de le voir happé par une entreprise qui n'aura que faire du
classement des écoles et qu'il aura réussi à convaincre de sa valeur ajoutée.
Les jeunes aujourd'hui sont pressés. Pressés d'être reconnus. Dans quelle
mesure l'entreprise devra-t-elle se hâter de répondre aux attentes de
Corentin, probablement au détriment des autres dans une logique de
restrictions budgétaires ? Question de prise de risques : risque de le perdre
ou risque de rentrer dans une spirale infernale de réponses aux attentes
jamais satisfaites. Qu'est-ce qui pèse le plus lourd ?
Si non, la question qui se pose pour le manager est une question épineuse
qui fait faire beaucoup de cheveux blancs aux managers en général :
comment lui faire comprendre qu'il n'est pas aussi bon que ce qu'il pense ?

La problématique des augmentations qui diminuent

Carla expose la problématique des personnes pour qui les augmentations


diminuent tous les ans et celles de contributeurs de l'ombre.
Concernant le premier point, on peut se demander pourquoi son
augmentation diminue depuis des années. Est-ce lié à la conjoncture ? Aux
changements fréquents de managers ? Il a pu arriver en effet qu'un nouveau
manager ne la connaissant pas bien ait préféré concentrer ses efforts
ailleurs, en se disant qu'elle avait été bien reconnue l'année précédente et
qu'on se rattraperait l'année suivante. Puis, l'année suivante, de nouvelles
priorités sont fixées ou bien un nouveau manager effectue l'évaluation,
voire une nouvelle ligne de management et le rattrapage est relégué aux
oubliettes.
Ou bien est-ce lié à sa baisse de performance ? Ou de motivation ? Carla
fait-elle le même travail depuis plusieurs années ? Il arrive en effet que,
lorsqu'une personne fait le même travail depuis plusieurs années, la
motivation puis la performance s'érodent. Le manager devra s'assurer que la
personne sort régulièrement de sa zone de confort, pour entretenir ses
compétences et sa motivation. Point trop n'en faut, au risque d'être
générateur de stress, mais dans une juste mesure. Par ailleurs, il peut être
tentant pour le manager de garder une personne compétente sur des
domaines spécifiques, par exemple pour résoudre des problèmes techniques
« parce qu'on en a besoin » au détriment de l'évolution de la personne.
Ceci nous amène au deuxième point qui est celui de la reconnaissance des
contributeurs de l'ombre, ceux qui travaillent dans des activités utiles voire
indispensables, mais non visibles ni des clients, ni du management, « les
rameurs du fond de la cale » comme ils se décrivent eux-mêmes, par
exemple les personnes qui travaillent à la résolution de problèmes
techniques dont on ne fait pas forcément une large publicité, dans les
services de maintenance ou les fonctions support, ceux qui ne font pas un
métier noble, ni sexy, mais qui participent tout de même à la marche globale
de l'organisation. Dans les périodes de vaches maigres, ils peuvent arriver
en queue de peloton au palmarès des augmentations. Ont-ils eux-mêmes
choisi d'être en dehors de la lumière des projecteurs ou sont-ils maintenus
dans l'ombre par le management ? Doit-on valoriser leurs contributions à
l'entreprise et si oui, comment ?

Accompagner un « zéro d'augmentation »


Nous allons examiner ensemble les cas de Charles et de Chad car ils sont
complémentaires. Charles se plaint d'avoir eu 0 % d'augmentation et de
n'avoir pas eu au moins un petit quelque chose alors de que de son côté
Chad se plaint d'avoir eu un petit quelque chose qu'il considère comme une
certaine forme de provocation.
La problématique de Chad attire l'attention sur les risques du saupoudrage :
à vouloir faire plaisir à tout le monde, c'est-à-dire saupoudrer l'enveloppe
des augmentations en s'assurant que tout le monde a bénéficié de quelque
chose, on court le risque de passer pour mesquin ou provocateur.
A contrario, attribuer 0 % à quelqu'un est un signal fort, celui du « zéro
pointé » qui peut causer des dégâts chez la personne si elle n'y était pas
préparée ou si le message n'est ni justifié, ni accompagné.
Il est important pour le manager de se poser la question de savoir si Charles
mérite son zéro pointé. Si oui, son manager devra étayer la communication
de l'augmentation du message adéquat. C'est un signe de reconnaissance.
Un signe de reconnaissance négatif, mais un signe de reconnaissance tout
de même. Mais il peut être mal perçu s'il n'est pas clairement explicité. Le
risque en effet est que la personne s'assimile au zéro et se considère comme
nulle. L'impact sur l'estime de soi est alors énorme et probablement non
voulu. Une personne n'est pas nulle. À l'extrême limite, elle peut être nulle
par rapport à une tâche qui lui avait été confiée, mais dans tous les cas
certainement pas intrinsèquement nulle.
Si vous n'accompagnez pas le zéro d'un minimum d'explications, c'est
comme si vous disiez à cette personne qu'elle est nulle sans lui expliquer
pourquoi. Vous allez dire : elle le sait déjà. Comment en êtes-vous sûr ?
Savez-vous si ce sont les bonnes raisons ? Savez-vous si elle envisage des
moyens d'évoluer ? Il est important que la personne comprenne la teneur du
message : les raisons de ce zéro pointé et, si possible, envisage des voies
pour en sortir l'année suivante. Et là, vous pouvez l'aider. Si elle s'aide elle-
même.
Il y a aussi une autre hypothèse : Charles a eu les explications de son
manager et il a compris que l'entreprise, par le biais du zéro, lui adressait un
signal clair qu'il fallait qu'il redresse ses résultats. Mais Charles va voir les
RH pour demander un petit geste, de la même façon qu'un enfant va voir
maman pour demander une permission après être allé voir papa qui vient de
la refuser, en ayant le secret espoir que papa et maman ne se causent pas
entre eux. D'où l'importance d'une bonne coordination entre le management
et les RH…
Dans le cas où le 0 % de Charles n'est pas un zéro pointé, soit le 0 % n'est
pas un cas isolé et concerne une organisation entière ou une catégorie de
collaborateurs bien déterminée et dans ce cas le message est stratégique et
doit être bien huilé. Soit il s'agit d'un cas individuel et, dans ce dernier cas,
je pense qu'il vaut mieux prendre le risque du saupoudrage que celui de
potentiellement démotiver la personne. Qu'en pensez-vous ?

Le problème n'est pas forcément salarial


Cela peut paraître surprenant, mais tout le monde n'attend pas de la
reconnaissance sous forme monétaire. Cela ne veut pas dire que l'argent ne
soit pas important, cela veut dire que, pour certaines personnes, il y a des
choses qui sont plus importantes. C'est le cas de Christine. Christine a eu
2 %, et d'autres personnes dans le même cas se sont plaintes considérant les
2 % comme insuffisants. On peut imaginer que, si elle avait eu 0 %,
Christine se serait plainte mais les 2 % comblent ses besoins de base en
termes de reconnaissance monétaire. En revanche, Christine est plus
sensible à la reconnaissance vis-à-vis de la personne que la reconnaissance
monétaire, dans la mesure où son besoin de base en termes de
reconnaissance monétaire, faible dans son cas, est comblé.
Christine attend de la reconnaissance en tant que personne. Elle attend
d'être reconnue de réussir à bien faire son travail malgré le fait de devoir, en
parallèle, élever seule ses 3 enfants. Elle a travaillé dur toute l'année et elle
a mis son point d'honneur à être irréprochable, selon ses propres mots et on
sent dans ses propos combien cela a été dur pour elle. On comprend dès lors
pourquoi elle a besoin d'être reconnue par rapport à ça.
Mais son manager n'a pas compris ce besoin de reconnaissance. En fait, il
s'agit d'un jeune brillant ingénieur, récemment promu manager, plutôt
introverti et tourné vers la tâche. Il n'est pas très à l'aise dans la
communication avec ses collaborateurs en dehors des aspects techniques
qu'il maîtrise parfaitement et qui le passionnent. Par ailleurs, il a assisté à
quelques formations internes au management pour les nouveaux managers
dans lesquelles on lui a expliqué qu'il fallait rester factuel lorsque l'on
donne du feedback, se concentrer sur les résultats et éviter au maximum de
rentrer dans la vie privée des personnes. Ça lui convient parfaitement, car il
n'aime pas trop parler avec Christine qui ne lui ressemble pas du tout et
qu'en plus, il ne trouve pas très impliquée. Elle part tous les soirs à 18 h… Il
n'ose rien lui dire car on lui a dit qu'il ne fallait pas faire des remarques aux
cadres sur leurs horaires quand ils atteignent leurs objectifs. Et c'est le cas
de Christine, elle atteint ses objectifs. Mais pas forcément plus. L'autre jour,
elle a amené des croissants en réunion de service. C'est bien la preuve, selon
lui, qu'elle a quelque chose à se reprocher…
Christine, orientée vers les personnes, ne se sent pas reconnue en tant que
personne et son manager, orienté vers la tâche, trouve qu'elle n'est pas très
impliquée. Un bel exemple des malentendus qui peuvent résulter d'une
absence de communication entre les personnes.
Son manager gagnerait à essayer de dépasser ses appréhensions et à discuter
avec Christine, car Christine serait probablement plus impliquée si elle se
sentait mieux reconnue.
La thèse qui consiste à dire que le manager ne doit pas rentrer dans la vie
privée des personnes me paraît aujourd'hui complètement dépassée et à côté
de la plaque – dans la mesure, bien sûr, où le collaborateur souhaite s'ouvrir
sur sa vie privée. Cette conception est issue des modèles managériaux des
années 1980 où l'on dressait les compétences nécessaires pour bâtir le
manager superpuissant sans aucune faille, et ne laissant percevoir aucune
émotion sur son visage lisse de super-héros. Cette conception a vécu, et on
sait aujourd'hui que le manager est un être imparfait de chair et de sang qui
doit exercer son métier avec des compétences mais aussi avec ses émotions
et celles de ses collaborateurs.
Elle est fine, la ligne, entre être réceptif aux éléments de la vie personnelle
de son collaborateur et s'immiscer dans sa vie privée. Oui, elle est fine.
C'est la raison pour laquelle le manager devra développer sa fibre humaine,
la cultiver, l'affiner au cours des années, pour être capable dans les relations
avec ses subordonnés de faire le tri et de trouver la juste mesure. Mais il est
illusoire de penser que l'on peut, au niveau global, complètement ignorer les
aspects privés de la vie des collaborateurs. Par exemple, un collaborateur
sera plus efficace au travail s'il a l'esprit tranquille par rapport à d'éventuels
soucis ou problèmes de garde d'enfants. Beaucoup d'entreprises aujourd'hui
ont bien compris que tout ce qui permet de mieux concilier la vie
professionnelle et la vie personnelle est un plus pour l'efficacité. Voire pour
la motivation. C'est ce que pensent sept employeurs sur dix selon une
enquête de l'observatoire de la parentalité en entreprise[2].
Un être humain qui vient au travail, vient en entier. Il ne laisse pas la moitié
de lui-même à la maison. L'être humain est un tout. La distinction
personnelle et professionnelle nous permet de fixer des limites pour se
structurer.

Les conséquences des comparaisons


Lorsque vous interrogez les salariés concernant les éléments de
reconnaissance auxquels ils sont sensibles, le salaire et les différents
éléments de rétribution apparaissent parmi les premiers éléments cités (sans
pour autant arriver systématiquement en tête). Et pourtant, c'est un signe de
reconnaissance extrêmement difficile à manier, car la manière dont il sera
reçu par l'individu peut révéler de mauvaises surprises.
Si vous demandez à un individu ce qu'il pense de son salaire
intrinsèquement, il ne saura pas forcément vous répondre. En fait, sa
perception OK ou non-OK se base systématiquement sur des comparaisons.
L'individu ne va pas considérer le montant en lui-même, mais va établir des
comparaisons, en particulier par rapport à des personnes qu'il connaît et/ou
avec lesquelles il se trouve comparable. Ce comportement a été théorisé par
Adams dans les années 1960 et la théorie de l'équité d'Adams est encore
aujourd'hui bien connue des DRH chargés de mettre en place des politiques
de rémunérations.

Zoom sur…
la théorie de l'équité d'Adams
Selon cette théorie de la motivation, l'individu va comparer l'échange entre ce qu'il donne à
l'entreprise et ce qu'il en reçoit en retour.
Il va calculer un ratio pour lui-même et pour les autres pour déterminer s'il y a justice
sociale :

Par exemple :

Il y aura un sentiment d'iniquité lorsque ce qu'il aura l'impression que ce qu'il reçoit de son
entreprise se situe en-dessous de ce qu'ont pu recevoir les autres personnes évaluées dans le
même ratio. Il va alors considérer que ce n'est pas juste et qu'il est défavorisé par rapport à
ceux avec qui il s'est comparé.
Il y a deux aspects de la justice ressentie[3] :

La justice procédurale, qui se rapporte aux processus de décisions et d'attributions des


augmentations ou des bonus ;
La justice distributive, qui induit le sentiment d'un équilibre adéquat entre ce que l'on donne
et ce que l'on reçoit en retour, en se comparant aux autres personnes.
Afin d'éviter des sentiments d'injustice inappropriés, le management et les
RH devront veiller à ce que les éléments propices à des sentiments
d'injustice soient évités au maximum, par exemple en communiquant et en
explicitant les politiques de rémunération, en formant les managers et les
RH au contenu et à la communication associés à ces politiques, en
contrôlant l'application des règles et en vérifiant l'équité globale.
Il est évident que le management ne peut pas tout contrôler et la perception
étant par essence personnelle, on ne peut pas se mettre dans la tête de toutes
les personnes pour redresser leurs perceptions. D'ailleurs, ce ne serait pas
souhaitable. Mais pour le global manager, il peut être utile de connaître
quelques comportements qui reviennent souvent et de savoir comment
réagir.

Des comportements propices


à la reconnaissance
Il n'est pas toujours facile d'adopter le bon comportement et de
communiquer de manière efficace face aux ressentis des salariés insatisfaits
de leurs augmentations salariales. Quelques suggestions sont fournies dans
le tableau ci-dessous.
Grille des comportements pour répondre aux ressentis des collaborateurs en matière de
reconnaissance salariale

Venant du salarié Exemple Que peut faire le manager ?

Généralisation « Tout le monde a eu 3 % et moi Recadrer. « Tout le monde ? Certainement


je n'ai eu que 1,5 % » pas tout le monde ». Expliciter.

Distorsion « Mon collègue a eu 5 % et moi Expliciter en quoi le boulot et /ou la


je n'ai eu que 2 % alors qu'on fait contribution est différente. Lui donner des
le même boulot » pistes pour progresser l'année suivante.

Deuil non effectué « J'ai eu 5 % les autres années, et Aider le salarié à faire le deuil des années
je n'ai eu que 2 % cette année, fastes. Lui donner des pistes pour se
alors que j'ai bossé deux fois développer professionnellement
plus » indépendamment du salaire.

Demande de « J'ai bossé comme un taré et je Recadrer. Mettre en perspective. Est-ce un


reconnaissance n'ai eu que 3 %. Puisque c'est réel chantage ou juste un signe
immédiate comme ça, je ne vais plus rien d'énervement ?
faire l'année prochaine ! »

En outre, il peut être utile de se rappeler que :

L'effet positif en termes de reconnaissance d'une augmentation perçue


positivement dure en général au maximum six mois, alors que l'effet
d'une augmentation perçue négativement peut durer plusieurs années.
Les attentes des personnes par rapport à l'argent dépendent non
seulement de leur personnalité, mais également de leur situation
personnelle et de leur histoire. Et parfois ce sont des histoires
compliquées : endettement, divorce, problème familiaux ou de santé.
Le manager qui a du cœur ne peut forcément pas rester insensible à ce
genre de situation qui lui serait explicitée par son collaborateur, sans
pour autant avoir les moyens de redresser, de trouver une solution à
toutes les situations. C'est là que la question du vrai rôle social de
l'entreprise se pose dans toute sa profondeur. Une entreprise, c'est un
ensemble de règles et de politiques qui se veulent équitables pour tout
le monde. C'est aussi un ensemble de personnes qui passent une partie
de leur vie à travailler pour cette entreprise. Dans quelle mesure doit-
on transgresser des règles applicables à tous pour être capable de faire
du cas par cas pour des personnes qui en ont besoin et qui contribuent
de manière significative à l'organisation ? Je vous laisse apporter votre
propre réponse à cette question.

Exercice 9.1 – Quelques questions pour progresser


Parmi tous les cas décrits dans ce chapitre, quel est celui/ceux que vous avez déjà rencontré(s)
et qui vous avait posé des difficultés ?
À la lumière des éléments décrits dans ce chapitre, comment analysez-vous votre
comportement de l'époque ? Celui de votre collaborateur ? Que feriez-vous de différent
aujourd'hui ?
Qu'est-ce qui pourrait être amélioré, selon vous, au niveau de votre entreprise pour améliorer
la perception de la justice distributive et la justice procédurale ? Et d'une manière plus générale
favoriser des sentiments d'équité vis-à-vis des collaborateurs ?
10

Pratiquer l'art
de la reconnaissance
avec la Génération Y

« Un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense jamais à moi. »


Sacha Guitry

Échanges sur le terrain


Charlotte, 24 ans, a pris rendez-vous avec moi pour parler de son entretien
d'évaluation.
– Voilà, je ne peux pas dire que cela se soit mal passé.
–…
– Mais, j'ai fait beaucoup d'efforts cette année et j'ai l'impression de ne pas
être reconnue
– Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
– Eh bien, mon manager s'est concentré sur les résultats. Il a pris, point 1,
point 2, point 3 et il a commenté ce que j'avais fait. Mais il n'a jamais parlé
de moi.
– De toi ?
– Oui, de moi. J'aurais aimé qu'il me parle de moi.
– Qu'est-ce que tu aurais voulu qu'il te dise ?
– Je ne sais pas moi… qu'il apprécie que je fasse partie de l'équipe, qu'il me
dise quels sont mes talents, qu'il me parle de mon avenir, de mes
possibilités de carrière. En fait, quand on a besoin de moi, il paraît que je
suis super-compétente, mais au moment de le reconnaître, il n'y a plus
personne !
– Et est-ce que toi, tu lui as proposé d'en parler ?
– Oui. Mais il a commencé alors à regarder dans le vide et à s'agiter sur sa
chaise, hyper mal à l'aise. Il m'a dit qu'il n'avait rien à redire sur moi et que,
par ailleurs, il n'avait pas pour l'instant d'opportunités de carrière pour moi
et que, de toute façon, il fallait que je continue à faire ce que je fais
actuellement pendant au moins 2 ans. 2 ans ! Tu imagines ? Ça sert à quoi
alors que j'aie bossé comme une malade cette année ? J'ai pas envie
d'attendre encore 2 ans pour être reconnue !

Que s'est-il passé ?


Charlotte attendait qu'on lui parle d'elle. Et son manager n'était pas à l'aise
pour le faire. Il a suivi la méthode de feedback des entretiens d'évaluation
qu'on lui a apprise, qui dit qu'il faut de concentrer sur des résultats factuels
et pas sur la personne. D'une manière générale, c'est plutôt une bonne
chose. Cela évite à la personne évaluée de se sentir « nulle » en tant que
personne, si ses résultats sont insuffisants et de se concentrer sur la manière
de les améliorer. Seulement voilà. Certaines personnes, en particulier les
jeunes de la Génération Y aiment bien qu'on leur parle d'eux. De leur propre
personne. De leur Ego. Surtout, s'ils pensent être brillants. Ce sont les
mêmes qui s'exposent sur Facebook ou Instagram, qui pensent à leur
carrière avant tout et qui, dans leurs discours, nous laissent entendre le
« Moi d'abord ». Égoïsme ou instinct de survie dans un monde en crise ?
« Je m'occupe de moi et de mes compétences, car je ne suis pas sûr que
quelqu'un d'autre puisse s'en occuper pour moi dans le futur » peut
apparaître comme une certaine forme de sagesse…
À noter aussi que les jeunes générations (Y et Z…) ont un besoin de
reconnaissance immédiate. Charlotte a besoin d'être reconnue tout de suite
pour les résultats qu'elle a obtenus lors de l'année qui vient de s'écouler. Les
jeunes sont les fruits de notre société du culte de l'urgence[1] que nous avons
tous participé à construire. L'influence des actionnaires des multinationales
qui attendent l'accroissement des résultats pour la fin de trimestre, la
pression du cours volatil de l'action, mais aussi le comportement du
consommateur qui commande une pizza et trouverait aberrant qu'elle lui
soit livrée dans 3 jours… Les nouvelles technologies nous ont donné des
moyens de communication plus rapides, et en même temps nos besoins et
nos exigences se sont accélérées. Mais il n'est pas possible d'obtenir un bon
Bordeaux millésimé dans le temps de fabrication d'une pizza. Les jeunes
générations ont des exigences d'immédiateté dans le sang et n'ont pas
forcément eu l'opportunité d'expérimenter que, parfois, il est bon de laisser
du temps au temps. Que le Chemin est aussi important que la Destination.

Zoom sur…
la Génération Y
Chaque génération est marquée par son environnement vécu au temps de sa jeunesse, par
l'éducation reçue de ses parents mais aussi par le contexte économique et social de son
époque. La Génération Y[2] est la génération des personnes nées entre 1980 et 1990.
Aux yeux des générations plus anciennes, les personnes de la Génération Y apparaissent
comme individualistes. On parle « d'individualisme tribal », ils sont adeptes des réseaux
sociaux, appartiennent à plusieurs réseaux à la fois, et apprécient d'appartenir à des
communautés. Ils sont débrouillards, agiles, ont la culture Internet et la capacité de passer
sans problème du virtuel au réel. Ils veulent « tout, tout de suite » et pratiquent le zapping.
Au sein de l'entreprise, les Gen Y pratiquent le donnant-donnant et attendent une récompense
immédiate à ce qu'ils donnent. Tout est négociable et ils mesurent ce que la hiérarchie leur
apporte personnellement.
Ils n'ont de respect pour l'autorité que s'ils y trouvent leurs intérêts et s'ils considèrent que leur
manager est compétent. Ils n'aiment pas rentrer dans un moule et n'hésitent pas à revendiquer
leurs droits.
Ils ne sont pas attachés à leur entreprise mais plutôt à leurs propres compétences qu'ils ont à
cœur d'entretenir et de développer. Et de voir reconnues…
NB : ces caractéristiques se dégagent de manière globale au niveau de cette génération et non
pas au niveau individuel. Cela implique d'une part que toutes les personnes de la
Génération Y ne possèdent pas ces caractéristiques et d'autre part que des personnes des
autres générations peuvent posséder ces caractéristiques.

De nouvelles technologies
au service de la reconnaissance
Les réseaux sociaux et les nouveaux moyens de communications
multimédia ont créé de nouveaux types de relations entre les personnes, en
particulier chez les jeunes.
Utiliser les réseaux sociaux en parallèle pour valoriser les personnes via de
nouveaux signes de reconnaissance online va devenir très vite un
incontournable. Toutefois, avant d'utiliser les réseaux sociaux pour exprimer
des signes de reconnaissance, il convient de mener une réflexion globale, en
cohérence avec la culture d'entreprise et les objectifs corporate. Ces réseaux
sont en plein essor et les possibilités offertes sont énormes. Elles peuvent
prendre différentes formes : par exemple, mettre à disposition des salariés
un outil leur permettant de créer leur profil en ligne dans lequel ils pourront
mettre en avant leurs compétences, proposer à un expert d'animer une
communauté virtuelle, valoriser des réalisations d'équipes ou individuelles
par le biais d'articles en ligne, réfléchir autour de l'utilisation judicieuse de
blogs ou de forums pour aider les personnes à être connues et reconnues.
Les jeunes Y ont probablement d'autres idées dont la mise en application
pourrait avoir le double effet d'innover pour l'entreprise et de motiver la
personne à l'origine de l'idée. Néanmoins, nous n'avons pas à ce jour
suffisamment de recul pour mesurer d'une part l'efficacité et d'autre part les
effets secondaires liés à l'utilisation de ces outils.
Ces derniers sont à utiliser avec les précautions qui s'imposent car la
philosophie du réseau étant non hiérarchisée et ouverte par essence, les
signes de reconnaissance peuvent venir de toutes parts, ce qui est plutôt une
bonne chose s'ils sont positifs, mais représentent un risque s'ils s'avèrent
négatifs. De nouveaux champs des possibles s'ouvrent et nous n'en sommes
qu'aux prémices car de nouvelles innovations technologiques vont voir le
jour dans les mois et les années qui viennent : ces nouveaux outils sont
l'occasion de mettre en œuvre de nouveaux modes de reconnaissance,
auxquels les nouvelles générations seront plus sensibles et plus réceptives.
À chaque entreprise d'être créative et d'utiliser ces outils au service de ses
objectifs. Et rendez-vous dans dix ans pour un retour d'expérience…
Les technologies informatiques ont de l'avenir, mais elles ne remplaceront
jamais les contacts en face-à-face entre les personnes. Si les jeunes
générations sont adeptes des contacts virtuels et apprécient la valorisation
par l'image au travers des réseaux sociaux, ce n'est pas pour autant que les
contacts humains en face-à-face ont perdu, à leurs yeux, de leur valeur, de
leur utilité et de leur impact. Ce serait une erreur de négliger la relation
directe avec des collaborateurs en devenir, à un âge où ils ont intensément
besoin de soutien et de support pour déployer leurs ailes et développer leur
potentiel.
Rien ne vaut un contact direct avec la personne pour lui exprimer que vous
croyez en elle, en son potentiel, et en sa capacité à construire un avenir
brillant. Et lui assurer votre soutien en ce sens. Les nouvelles technologies
et les contacts directs doivent être vus comme des moyens de
communication complémentaires. De facto, les signes de reconnaissances
doivent s'exprimer par ces deux moyens.

Exercice 10.1 – Vous recevez un collaborateur de la


Génération Y qui se plaint d'un manque de reconnaissance
Carlo, jeune diplômé, a dit à Marc, son manager, qu'il avait besoin de lui parler. Marc a décalé
une de ses réunions pour lui proposer un rendez-vous pour le lendemain.
– Bonjour, Carlo. Assied-toi, je t'en prie.
– Bonjour, Marc. Merci de me recevoir.
– De quoi souhaitais-tu me parler ?
– Je pense que ne suis pas reconnu et si ça continue, je vais aller voir ailleurs.
– Qu'est-ce que tu veux dire par « pas reconnu » ?
– Eh bien, je pense avoir des compétences et du potentiel, mais personne ne me le dit jamais,
c'est comme si j'étais moyen, noyé dans la masse.
– Mais bien sûr que tu as des compétences, on a revu ensemble tes résultats la semaine
dernière, ils sont très bons.
– Eh bien tu vois, on a parlé de mes résultats sur l'année qui vient de s'écouler, mais on n'a pas
parlé de moi, de mon évolution de carrière. C'est quoi les prochaines opportunités pour moi ?
– Écoute, cela ne fait qu'un an que tu es dans l'entreprise : cela ne fait pas longtemps que tu es
dans ton poste, tu as encore des choses à apprendre. Il ne faut pas être trop pressé, on ne peut
pas avoir des opportunités de carrière tous les ans. Et puis, même si je le voulais, étant donné
la conjoncture actuelle, je n'ai pas d'opportunités de carrière à te proposer. Tu es au courant je
pense, que l'entreprise connaît des difficultés en ce moment, comme beaucoup d'autres
d'ailleurs, alors les quelques rares opportunités sont offertes à ceux qui ont plus
d'expérience. Mais, bien sûr, j'ai bien noté ta demande et je propose que l'on refasse le point
dans un an. Avec l'expérience, tu apprendras qu'il faut de la patience dans nos métiers.
Que pensez-vous des réponses de ce manager ?
A – Qu'est-ce que Marc a bien géré ?
B – Quelles ont été ses maladresses ?
C – A la lumière des notions abordées dans ce chapitre, qu'auriez-vous dit à sa place ?

Quelques éléments de réponses


A – Ce que Marc a bien géré
Il a dégagé du temps dans son agenda pour rencontrer rapidement un de ses collaborateurs qui
avait visiblement besoin de lui parler.
Il lui a demandé ce que voulait dire pour lui « ne pas être reconnu », sans essayer d'interpréter
ou de rétorquer a priori.
B – Les maladresses de Marc
Il n'a pas laissé suffisamment de temps à Carlo pour vider son sac et il a tenu à lui répondre
tout de suite.
Il n'a pas entendu la demande de Carlo qui souhaitait qu'on lui parle de lui et de ses
compétences. Soit Carlo est compétent et dans ce cas Marc aurait dû, durant l'entretien, parler
de ses compétences puisque c'était le besoin exprimé par ce Gen Y. Soit Carlo ne l'est pas, et
dans ce cas ce n'est pas lui rendre service que de le laisser dans l'illusion de l'être. Dans ce
dernier cas, Marc aurait dû détailler quelles étaient « les choses qu'il avait encore à
apprendre ».
N'ayant ni le souhait ni la capacité de répondre à la demande de Carlo concernant des
opportunités de carrières, il a reporté le problème à l'année suivante en expliquant que les
opportunités étaient réservées aux plus expérimentés et qu'il devait être patient. Il a parlé des
autres à un Gen Y qui aimerait qu'on lui parle de lui et il a oublié que la patience n'est pas la
caractéristique première des Gen Y ! De quoi mettre les nerfs en boule de ce jeune homme
auquel il ne donne aucun élément pour apprendre la patience.
C – Ce que Marc aurait pu dire
Il n'y a évidemment, pas une solution unique pour aborder un tel entretien, et je suis
convaincue que vous avez trouvé plusieurs façons efficaces et remotivantes ! Voici néanmoins
quelques suggestions:
Carlo, Gen Y, exprime clairement son besoin qu'on lui parle de lui, de ses compétences et de
son potentiel. Il faut discuter de ces points avec lui durant l'entretien. Si ce jeune homme a du
potentiel, il faut clairement le lui exprimer, car le risque est trop grand qu'il quitte votre
entreprise pour une autre qui lui fera miroiter plus d'égards (sans forcément tenir ses
promesses d'ailleurs, mais ça, c'est un autre problème). Il faudra également réfléchir à une
manière de le valoriser en interne régulièrement durant l'année ou de l'aider à avoir moins
besoin du regard des autres pour être assuré de ses compétences
Carlo pose la question des opportunités de carrière le concernant. La question paraît vraiment
prématurée pour un jeune diplômé ayant un an d'ancienneté, mais c'est oublier que les Gen Y
sont en quête de reconnaissance immédiate, ont une vision court terme et gèrent avant tout leur
carrière. Il faut essayer d'orienter la discussion pour l'aider à se projeter, à lui faire prendre
conscience de tout ce qu'il a appris jusqu'à présent et lui suggérer tout ce qui lui reste à
apprendre.
L'enjeu d'une telle discussion est double. D'une part, ce Gen Y montrant des signes manifestes
de démotivation, que vous n'avez pas manqué de déceler au travers des mots qu'il emploi (par
exemple « si ça continue, je vais aller voir ailleurs » ou « noyé dans la masse ») et au travers
des expressions de son visage (qu'exprimait selon vous son visage durant l'entretien ? De la
colère, de l'abattement, de la frustration ?), vous devez lui communiquer des signes de
reconnaissance positifs, notamment en détaillant ses compétences étayées par de bons résultats
et éventuellement son potentiel, le cas échéant. D'autre part, vous devez l'amener à gagner en
autonomie, par exemple en lui posant des questions sur comment lui il considère sa carrière et
comment il pourrait obtenir les signes de reconnaissance qu'il attend autrement qu'en vous
sollicitant d'urgence en entretien, au bord de la rupture. Peut-être un mentor, en dehors de sa
ligne hiérarchique, pourrait l'aider à prendre du recul, à valoriser ses compétences, et à
appréhender la longueur du chemin et l'effort à fournir pour devenir acteur de son évolution
professionnelle.
III lesclés pour
se développer –
Intégrer la
reconnaissance dans ses pratiques
managériales

Chapitre 11. Motiver ses collaborateurs par la pratique de la reconnaissance


Chapitre 12. Gérer la composante émotionnelle de la reconnaissance
Chapitre 13. Construire ce rôle qui vous inspire
Chapitre 14. La reconnaissance, outil de développement personnel
11

Motiver
ses collaborateurs
par la pratique
de la reconnaissance

« Courage is what it takes to stand up and speak; courage is also what it takes to seat down
and listen [1] . »

Winston Churchill

Échanges sur le terrain


Colette m'explique :
– Mon manager fait des efforts pour communiquer avec moi. Je le vois
bien. Mais souvent, il tombe complètement à côté ! L'autre jour, j'ai passé le
week-end sur son fichier Excel. J'aurais bien aimé que, le lundi matin, il
reconnaisse que j'avais travaillé tout le week-end pour lui envoyer ce fichier
à l'heure alors qu'il me l'avait demandé le vendredi soir. C'est vrai ça ! Il
pense que je n'ai que ça à faire le week-end ? Eh bien, tu sais ce qu'il me dit
le lundi matin ? « Bonjour Colette. Très classe ton chemisier. Tu es très
élégante ce matin ». Ballot, hein ? J'ai passé le week-end à bosser sur son
fichier et le seul truc qu'il trouve à me dire, c'est que j'ai un beau
chemisier ? Ensuite, il me propose un café. Non mais, je rêve ou quoi ? Il
pense que j'ai passé mon week-end à bosser pour perdre mon temps ensuite
à boire le café ?
Clara m'explique :
– Ce matin, mon manager débarque dans mon bureau et c'est à peine s'il me
dit bonjour. Il commence à me parler du fichier Excel sur lequel j'ai bossé
ce week-end. Il me dit « Merci pour ton fichier Excel ». Tu vois le truc ? Ce
matin, j'ai pris du temps à m'arranger, parce que j'ai bossé tout le week-end,
j'avais vraiment une tête de déterrée. Mais j'aurais pu venir en tongs avec un
vieux T-shirt et une tête de zombie, le seul truc qui l'intéresse, c'est son
fichier Excel. À 9 h du mat, un lundi matin, il me propose même pas un
café, il démarre en trombe sur son fichier Excel !

Que s'est-il passé ?


En fait, Colette et Clara ont fourni le même type de prestation, et on peut
imaginer qu'elles ont toutes deux fourni le même nombre d'heures de travail
prises sur le week-end. Elles étaient toutes les deux en attente d'un signe de
reconnaissance de la part de leur manager. Pourtant, ayant fourni le même
effort et la même prestation, elles attendaient deux signes de reconnaissance
différents. Parce que ce sont deux personnes différentes, avec deux
personnalités différentes.
Colette, plutôt orientée vers la tâche, s'attendait à être reconnue pour son
travail, pour le travail et l'effort qu'elle avait fourni ce week-end-là. Elle
considère que le travail est plus important que la relation avec son manager,
d'où son agacement par rapport au café.
Clara, plutôt orientée vers les personnes, s'attendait à être reconnue de
manière plus chaleureuse : par exemple que son manager la complimente
sur sa bonne mine ou sur son élégance, et prenne le temps de prendre un
café avec elle pour lui signifier qu'elle est une personne importante à ses
yeux. En effet, elle imagine que son manager considère le fichier Excel
comme plus important que la personne qu'elle représente. Elle a
l'impression que son manager ne la voit pas, mais qu'il ne voit que le fichier
Excel.
Le manager, par maladresse, a inversé les compliments qu'il aurait dû faire
à chacune d'elles. Il aurait dû parler d'emblée du fichier Excel à Colette et
complimenter Clara sur sa tenue.
Comment savoir ?
Ce manager aurait pu éviter cette maladresse s'il avait pris le temps au
préalable d'observer les personnes et d'apprendre à les connaître. Il doit
probablement rarement voir Colette au café le lundi matin à 9 h, ou alors
elle n'y reste pas longtemps. C'est une personne que l'on rencontre souvent
sur son ordinateur ou en train de discuter de sujets techniques avec ses
collègues. Clara, plutôt chaleureuse et enjouée, est probablement une
personne qui passe du temps à créer une bonne ambiance au sein de l'équipe
et c'est souvent elle qui remonte le moral de l'équipe quand tout va mal.
L'équipe apprécie beaucoup les croissants qu'elle amène de temps en temps
lors des réunions de service.

Une grille de lecture


Attention à ne pas tomber dans la caricature. Les êtres humains sont
complexes et c'est cela qui fait leur richesse. Certains sont un subtil
mélange entre orientation vers les personnes et orientation vers la tâche. Il
va falloir composer avec, de manière toute aussi subtile…
La grille dans le tableau ci-dessous n'a pas pour objectif de mettre les gens
dans des cases, ce serait réducteur. Elle a pour objectif de donner des
indices pour aider à mieux connaître et à mieux reconnaître les personnes
avec qui vous travaillez. Pas un flicage, pas une domination : une volonté
de chercher à connaître les personnes et de créer une relation constructive.
Cette grille n'a pas non plus pour ambition d'être exhaustive, vous avez le
loisir de la compléter avec vos propres perceptions. C'est une grille de
lecture des personnes qui travaillent avec vous.
Bien que présentant certains points communs avec les traits de personnalité
des outils d'analyse de la personnalité, les caractéristiques de cette grille ne
leur sont cependant pas identiques : l'objectif ici n'est pas une analyse en
profondeur de la personnalité des autres, mais de détecter des indices afin
de leur communiquer des signes de reconnaissances qui répondent à leurs
besoins. La plupart des personnes présentent plusieurs caractéristiques de la
grille, certaines caractéristiques sont dominantes, d'autres sont moins
marquées. Certaines personnes semblent montrer certaines caractéristiques,
mais elles ne sont pas révélatrices de leur vraie personnalité : ces personnes,
complexes, jouent un jeu, consciemment ou inconsciemment.
À vous ensuite d'affiner vos perceptions avec la relation que vous créerez
avec eux. L'important est de ne pas s'enfermer dans une vision des
personnes qui s'avérerait ne pas aider la relation, mais d'adopter une attitude
qui permet, au contraire, de progresser au fil de l'échange.
Parce que finalement, c'est ça qui est important : la relation.
Les signes de reconnaissance en fonction des personnes
Caractéristique Indices comportementaux Phrases typiques Signes de
de l'individu reconnaissances
appréciés

Orientation vers la Passe beaucoup de temps Utilisation fréquente de Reconnaissance par


tâche, l'action, les sur ses dossiers et/ou son vocabulaire technique : rapport à sa
résultats ordinateur. Attention « ça marche / c'est en performance, par
focalisée sur les données et cours / c'est OK à 80 % / rapport à ses résultats
les résultats c'est terminé » « les Apprécie d'être
données montrent reconnu par rapport à
que… » « Examinons le ce qu'il a fait.
pour et le contre »

Orientation vers Passe beaucoup de temps à Utilisation fréquente de Reconnaissance par


les personnes échanger avec les autres mots désignant des rapport à la personne,
personnes sentiments ou des ses qualités
Attache de l'importance à émotions : personnelles, son
ses relations de travail en « Il est sympa / il n'est expertise.
tant que personnes pas sympa » « J'aime ceci Apprécie d'être
Sens relationnel développé. / je n'aime pas cela » reconnu par rapport à
« Réunissons-nous pour ce qu'il est.
voir ce que les autres en
pensent »

(Suite)

Créativité Besoin de « On pourrait / et si on… ? » Reconnaissance par rapport à


challenges et « Pourquoi les … ne sont-ils l'aspect novateur, ou original ou
d'autonomie pas plus… ? » différentiant de ses résultats
N'aime pas la « Pourquoi ne pas… »
routine et les « Nouveau »
activités trop
encadrées par des
processus.

Réflexion Besoin de temps et « Laisse-moi réfléchir à ce Reconnaissance par rapport à


de tranquillité pour problème» ses capacités de réflexions, par
réfléchir « Je crois que j'ai trouvé une rapport au fait qu'il soit allé
solution, je reviens vers toi jusqu'au bout des choses et qu'il
demain » ait apporté des solutions
complexes.

Esprit Besoin qu'on lui « On va y arriver » « C'est Reconnaissance de façon


Entrepreneur lance des défis et quand la plupart des ostentatoire de ses exploits
des challenges personnes se découragent que Apprécie d'être reconnu pour le
difficiles à réussir ceux qui sont bons prestige lié à sa réussite
réussissent » « Il n'y a pas
d'opportunités sans risques »

Ambition Besoin qu'on lui « Quelle sera mon évolution Reconnaissance de sa réussite et
projette des de carrière / mon nouveau de ses performances. Apprécie
perspectives poste ?» « Quand pourrais-je d'être reconnu pour son potentiel.
d'évolution avoir un poste de …/ la
fonction de… ? »

Grande Passe beaucoup de « Cela fait 3 mois que je Reconnaissance de son travail,
capacité de temps au bureau et travaille jour et nuit sur ce de ses efforts et de ses
travail abat une grande projet » « C'est en sacrifiant compétences
quantité de travail tous mes week-ends… »

(Suite)

Laxisme ou Ne passe pas « Je n'ai pas encore eu le temps Reconnaissance du… peu
faible beaucoup de temps de… » « J'ai beaucoup de qu'il peut y avoir à
contribution au bureau et abat une priorités à gérer en même temps » reconnaître et recadrage sur
ce qui est attendu
faible quantité de « On m'en demande toujours L'absence totale de
travail plus » reconnaissance pourrait être
interprétée comme de
l'indifférence et renforcer
son laxisme

Anxiété Peur de ne pas avoir « Est-ce que mes résultats sont au Reconnaissance du travail
complètement réussi niveau attendus ? » « Est-ce que effectué et valorisation des
Peur pour son mes compétences me permettront résultats.
avenir d'avoir un poste dans 2 ans avec Apprécie d'être rassuré sur
toutes ces réorganisations ? » sa capacité à progresser.

Self-made S'est construit lui- « J'ai lu quelque part que… » Reconnaissance de sa


man même et continue à « J'ai déjà appris beaucoup de contribution et de ses
s'auto-former pour choses à ce sujet, et j'envisage de compétences
réussir compléter ma formation pour Apprécie qu'on lui signifie
devenir plus professionnel » que son niveau de
compétences égale ou
dépasse celui de profils
ayant fait une formation
initiale supérieure

Comment donner des éléments


de reconnaissance négative à quelqu'un ?
Parfois, il est difficile de donner à un collaborateur des signes de
reconnaissance qui soient bien accueillis :

le collaborateur a une trop haute opinion de lui-même et il considérera


ne pas être reconnu à sa juste valeur ;
le collaborateur a une trop basse opinion de lui-même et s'auto-
alimente dans une spirale négative.
Voici quelques suggestions pour conduire l'entretien. Il s'agit d'un entretien
afin de communiquer un feedback négatif sur la performance ou la
contribution du collaborateur, il ne s'agit pas d'un entretien disciplinaire qui
devra être mené d'une toute autre manière.

Commencer par quelques éléments positifs concernant votre


collaborateur, pour éviter qu'il ne s'enferme dans une attitude défensive
de protection, et pour lui signifier que votre état d'esprit, bien que
ferme, est bienveillant.
Détailler, avec des éléments factuels, les éléments de performances qui
ne sont pas au niveau attendu. Prendre les précautions nécessaires pour
que votre collaborateur ne se sente pas attaqué personnellement et
exprimer que ce sont ses performances professionnelles que l'on
examine et non pas ses qualités intrinsèques. En d'autres termes, il ne
s'agit pas que le collaborateur comprenne qu'il est nul mais que ses
résultats ne sont pas au niveau attendu et que vous lui reconnaissez la
capacité de les améliorer.
Laisser le collaborateur s'exprimer sur les résultats eux-mêmes puis sur
ce qu'il compte mettre personnellement en place pour les améliorer.
Donner votre avis sur la manière dont vous souhaitez qu'il améliore ses
résultats et sur le niveau attendu.
Formaliser un plan de développement avec lui avec des actions
précises et planifiées dans le temps que votre collaborateur devra
mettre en œuvre.
Assurez-le de votre aide et de votre soutien, mais également de votre
contrôle.
Terminer sur une note positive, par exemple en discutant avec lui des
conséquences positives de la réussite de son plan de développement.
Vous pouvez également l'aider à mettre exergue les compétences et les
ressources qu'il va devoir utiliser pour réussir son plan de
développement.
Exercice 11.1 – Adaptez les signes de reconnaissance à la
personnalité de votre collaborateur
En vous appuyant sur les données du tableau ci-dessus, remplissez le tableau ci-dessous avec
des exemples de phrases que vous pourriez utiliser en termes de signes de reconnaissance en
fonction des personnes. Essayez, pour ce faire, de vous remémorer des situations concrètes que
vous avez rencontrées. Les exemples donnés ne sont que des suggestions. Vous pouvez les
utiliser pour mettre en forme les phrases de vos propres exemples, ces derniers devant être
adaptés à votre contexte managérial.

Caractéristique du Exemples de signes de reconnaissance Vos


collaborateur exemples

Orientation vers la « Les dossiers que tu me remets sont toujours


tâche, l'action, les excellents » «Je te félicite, tu as atteint 112 %
résultats de tes objectifs »

Orientation vers les « Je suis content de travailler avec toi / d'avoir


personnes une personne comme toi dans mon équipe en
qui je peux avoir confiance » « Grâce à toi
l'équipe est soudée et le moral est bon, je tenais
à t'en remercier personnellement »

Créativité « Je suis très fier de la nouvelle campagne


publicitaire que l'on a lancée cette année, grâce
à toi. Si cette campagne différenciante pour
l'entreprise a été un tel succès, c'est surtout
grâce à toi »

Réflexion « Je voulais te demander ton avis pour m'aider


à résoudre un problème complexe qui me trotte
dans la tête depuis plusieurs jours. Je suis sûr
que tu pourras trouver une solution »
Esprit Entrepreneur « J'ai expliqué en Comité de Direction
comment tu as réussi à sortir le Service de
l'ornière en mettant en place une nouvelle
stratégie, audacieuse et appréciée de nos
clients »

Ambition « Cette année encore tu as dépassé tes


objectifs. Tu fais partie des meilleurs de
l'équipe et tu as beaucoup de potentiel »

Grande capacité de « Tu as une forte capacité de travail et je sais


travail que je peux compter sur toi car tu vas toujours
jusqu'au bout des projets qui te sont confiés »

Laxisme ou faible « Tu as mené à bien des projets cette année,


contribution mais je pense que tu pourrais mieux utiliser et
développer tes compétences. Positionnons un
entretien pour que nous voyons ensemble
comment tu pourrais agir en ce sens »

Anxiété « Tes résultats continuent à être très bons et


j'admire ta capacité à veiller à développer en
permanence tes compétences. Cela t'ouvre le
champ des possibles pour, dans le futur,
pouvoir exercer différents postes dans plusieurs
domaines »

Self-made man « Je voulais te féliciter pour ta contribution


dans l'équipe. Je suis impressionné par la
vitesse à laquelle tu apprends et par ton
expertise qui est une vraie valeur ajoutée pour
nos clients »
12

Gérer la composante émotionnelle


de la reconnaissance

« Le compliment, c'est quelque chose comme le baiser à travers le


voile. »
Victor Hugo

Échanges sur le terrain


« Je n'ai pas envie d'avoir des amis parmi mes collaborateurs, car, si un jour,
je devais leur annoncer de mauvaises nouvelles les concernant, je crains
d'avoir l'impression de les trahir. »
« Ces deux-là vont trop bien ensemble. Je pense qu'il y a anguille sous
roche. J'espère que cela ne va pas créer de problèmes au sein de l'équipe. »
« J'ai rencontré ma femme dans mon boulot précédent. J'ai depuis changé
d'entreprise, mais c'était vraiment une époque géniale. »
« J'aime travailler dans cette équipe et c'est avec plaisir que je vais travailler
le matin. Il y a de la confiance et de la solidarité entre les personnes et on
est amis en dehors du travail. On se retrouve souvent en after work pour
aller prendre un verre. »
« C'est motivant de travailler avec des gens que l'on apprécie et dont on sait
que l'on peut compter sur eux en cas de problème personnel. »

Que faut-il en penser?


J'ai entendu beaucoup de phrases de ce genre de la part des managers ou des
collaborateurs. Les avis sont variés et divergents concernant le degré de
proximité qu'il convient d'établir pour bien travailler ensemble. Cette
proximité est essentielle pour connaître l'autre et établir des relations de
qualité. En revanche, certaines personnes ne savent pas bien où s'arrêter et
quelle est la distance qu'il convient de maintenir. L'amour et l'amitié au
travail font peur et attirent en même temps. On en a envie et en même
temps, on a peur de ne pas maîtriser, de laisser la sphère personnelle
contaminer la sphère professionnelle, de ne plus être objectif.
D'abord, on ne peut pas demander à un être humain de se couper de ses
émotions et de ses sentiments lorsqu'il passe le seuil de l'entreprise. Ce
serait comme lui demander de ne pas être humain. Ensuite, laisser parler ses
émotions et ses sentiments n'a pas forcément des effets négatifs sur la bonne
marche de l'entreprise. Les entreprises l'ont bien compris :

Elles favorisent les équipes mixtes hommes-femmes qui s'avèrent être


plus productives que les équipes seulement masculines ou seulement
féminines. Certains répliqueront que la raison de cette productivité est
la complémentarité des compétences dites féminines (qui ne sont pas
d'ailleurs détenues que par les femmes) et masculines (qui ne sont pas
d'ailleurs détenues que par les hommes). C'est une explication. Mais
est-ce la seule ?
Certaines entreprises, dans leurs enquêtes de satisfaction des
employés, demandent aux employés s'ils ont un ami au sein de
l'entreprise. En effet, les études montrent que le fait d'avoir un ami au
sein de l'entreprise est signe d'attachement à cette dernière. C'est un
comportement qui est plutôt encouragé. Ce sont également des liens
d'amicaux qui sont suscités lors des jeux insérés dans les séances de
team building.
Les entreprises utilisent des techniques de séduction pour attirer les
candidats, les clients, les investisseurs. La séduction fait partie du
monde de l'entreprise : de manière consciente ou inconsciente,
affirmée ou cachée, honnête ou malhonnêtes, productive ou délétère.

Le besoin de plaire
L'individu en quête de reconnaissance au travail a besoin de plaire, d'attirer
le regard de l'autre pour se sentir regardé. Besoin de séduire pour mettre en
avant ses qualités. Ce comportement de séduction va s'exprimer de manière
différente en fonction des individus et des réactions suscitées. Et les
réactions peuvent être très diverses, déclinées sur un continuum entre
l'indifférence et le début d'une relation féconde.
Séduire ou être séduit, susciter des émotions ou être ému : vivre des
émotions au travail, c'est se sentir vivant. Les occasions sont nombreuses.
Lesquelles d'entre elles vous parlent ?

Vous êtes captivé par ce leader charismatique, son regard, son


comportement, sa capacité de conviction, son pouvoir d'attraction.
Vous avez l'impression qu'avec lui, vous pourriez aller au bout du
monde.
Un manager vous a regardé et dans ce regard vous avez senti quelque
chose, un courant qui passe, une connivence, le désir de mieux vous
connaître. Il vous a posé des questions, vous avez compris qu'il
s'intéresse à vous.
Vous savez que vous pouvez discuter avec cette personne sur des sujets
importants qui vous tiennent à cœur, sans crainte que ce soit répété ou
déformé. Chaque fois que vous discutez avec elle, vous vous sentez
apaisé.
Vous venez d'avoir une discussion profonde avec le manager d'une
autre équipe, sur des sujets qui vous passionnent, sur vous-même, sur
votre avenir, vous vous sentez des ailes.
Vous êtes reconnaissant à votre manager de vous avoir adressé un
sourire soutien/de compréhension/de gratitude.
Vous avez aimé la sincérité avec laquelle votre manager vous a dit
merci.
Vous étiez en réunion avec votre équipe, les échanges étaient
intéressants et stimulants, vous avez eu le sentiment d'être bien au
milieu des personnes de votre équipe, d'être dans une dynamique,
d'être à votre place.
Vous venez d'avoir une conversation enrichissante avec des experts sur
des sujets techniques qui vous passionnent. Vous avez eu le sentiment
d'apporter votre pierre à l'édifice. Vous avez ressenti un sentiment de
connivence. Vous ne savez pas décrire exactement ce qui s'est passé,
mais vous vous êtes senti vibrer, comme en résonance avec quelque
chose qui vous dépasse.
Vous aimez travailler avec lui, vous sentez que vous êtes sur la même
longueur d'onde. Vous avez l'impression d'être plus efficace.
Vous êtes attiré par cette personne pleine de vie et lumineuse. Lorsque
vous discutez avec elle, vous vous sentez revigoré, remotivé et plein
d'enthousiasme.
Et vous, que décririez-vous ?

Vers plus d'intimité


L'intimité, malgré son attractivité, peut aussi faire peur. Et pourtant, c'est là
que la communication est la plus efficace, la plus riche, la plus constructive.
Que la qualité relationnelle est optimale. C'est au travers de l'intimité que le
manager peut donner les signes de reconnaissance les plus accomplis. Non
seulement en donner mais également en recevoir. Car on est riche des
relations vraies que l'on a pu créer et faire vivre.
Le mythe du manager super-héros a fait son temps. Les collaborateurs
préfèrent un manager authentique qui se bat avec l'équipe avec ses forces et
faiblesse, plutôt qu'un manager froid et inaccessible qui se cache derrière sa
façade lisse et brillante. Ceci ne veut pas dire que le manager doit tout
avouer à ses collaborateurs. Savoir créer des situations de proximité ou
d'intimité ne veut pas dire que l'on dit tout, à tout moment, à n'importe qui.
L'intimité nécessite la confiance. Il y a des choses, des informations, que le
manager ne peut pas communiquer à ses collaborateurs. Si ses
collaborateurs lui font confiance, ils comprennent.
L'intimité ne se crée pas avec tous les collaborateurs. Seulement avec
certains. Le dosage de l'intimité, de la proximité ou de la distance
managériale qui s'impose doit se faire en fonction des personnes et des
situations. Il conviendra d'être attentif et d'adapter le style de management
adéquat en fonction des personnes.
Il peut y avoir des collaborateurs avec lesquels on ne crée pas de relations
d'intimité, mais certains moments d'intimité : célébrations d'un succès,
travail commun et intense sur un dossier en particulier, team building. Ces
moments sont importants dans la vie professionnelle.
On peut craindre de ne pas savoir maîtriser les relations intimes et que cela
dérape vers des situations compromettantes, des rumeurs, des
interprétations erronées, des jalousies ou des relations amoureuses, voire
extra-conjugales.
Oui, c'est un risque. Pourtant, s'il est vrai qu'il est impératif de prendre
garde à ne pas basculer dans des situations de harcèlement, refuser pour
autant de vivre des émotions au travail, c'est comme vouloir supprimer une
partie de soi-même. C'est comme se dire « Aujourd'hui, je vais aller
travailler sans mes bras ». C'est se priver d'efficacité et de satisfaction au
travail. Il s'agit de se donner l'autorisation de les vivre mais également de se
donner les moyens de les maîtriser. Se donner l'autorisation de dire stop
lorsque l'on sent que l'impact sur la sphère professionnelle sera négatif.
Oser recadrer si l'on sent que l'autre n'est pas sur la même longueur d'onde.
Sentir quand l'intimité doit rester discrète pour éviter les jalousies.
Comprendre quand une situation peut être interprétée comme du
harcèlement et modifier son comportement, lever toute ambiguïté. Être
réceptif aux feedbacks de l'autre, manager la relation. Rester professionnel
en toutes circonstances, et en même temps profondément humain.
Il faut aussi probablement s'interroger sur le sens du verbe aimer. Aimer
d'amour ou amicalement, aimer son métier ou aimer son entreprise, aimer la
réussite ou les gens qui composent l'entreprise, s'aimer soi ou aimer ses
équipes… le verbe aimer recouvre des sens bien différents en français.
Surprenant, n'est-ce pas, pour une langue aussi riche ? Peut-être pas,
finalement. Peut-être que c'est la force du sentiment qui varie ou fonction
des situations, mais que le sentiment en lui-même est de la même nature. La
recherche d'une intimité, d'un partage. De la chaleur dans l'échange. Du
chaud au cœur, qui fait que l'on se sent bien et à sa place.
Vous disiez vouloir être manager parce que vous aimez les gens, alors
qu'attendez-vous pour le leur montrer ?
La quête de reconnaissance serait-elle une certaine forme de quête
d'amour ? Fort probablement pour beaucoup d'êtres humains, mais gardons-
nous de généraliser. L'être humain est complexe, ses besoins et ses désirs
sont multiples, ambigus et enchevêtrés… Quand une personne dit « Mon
chef ne n'aime pas », qu'exprime-t-elle ? Le besoin d'être aimé ? Ou bien
d'être admirée ? Ou bien d'être rassurée sur sa contribution, ses
compétences, son avenir ? Ou encore d'avoir le sentiment d'exister
pleinement, d'être bien ? Sentiment de se sentir aimé, pouvoir, réalisation
personnelle, les personnes attendent, dans le comportement de l'autre les
signes de la satisfaction d'un besoin ou d'un désir. Être vraiment à l'écoute
de l'autre signifie comprendre ses attentes. Être professionnel signifie
choisir la manière la plus pertinente d'y répondre pour la personne, pour
vous et pour l'entreprise.
Savoir manager ses émotions positives relève du même challenge que de
manager ses émotions négatives. Savoir éviter les explosions de colère en
réunion, limiter la pression à outrance vers ses collaborateurs lorsqu'on est
trop stressé, éviter une remarque désagréable ou un regard méprisant parce
qu'on est fatigué relève de la même gageure que maîtriser un sentiment ou
une émotion positive.
Vous aimeriez probablement avoir une recette miracle pour savoir comment
manager ses émotions, ne pas déraper, laisser la place aux émotions tout en
étant rationnel ? Pour établir une distance managériale adéquate ? Cette
recette miracle n'existe pas. Il y a, certes, des techniques, comme par
exemple l'Intelligence Émotionnelle, développée ci-dessous, mais la recette
qui marche, elle est en vous. C'est votre propre chemin, pas celui d'un autre.
La notion de rôle, développée au chapitre suivant peut également vous
aider, mais c'est le partenariat réussi entre votre tête et votre cœur qui va
vous apporter les solutions. Car la limite entre ce qui est « bien » et ce qui
« n'est pas bien » n'est pas dessinée avec une ligne au marqueur rouge. La
ligne qui marche, c'est celle qui marche avec vous, avec les autres et avec
votre entreprise.

L'Intelligence Émotionnelle
Savoir maîtriser ses émotions, tel est l'objectif de l'Intelligence
Émotionnelle. Beaucoup de formations au management comprennent un
module d'Intelligence Émotionnelle. Ce concept, né aux États-Unis dans les
années 1990, a été développé et popularisé par Daniel Goleman.
« L'intelligence émotionnelle désigne notre capacité à reconnaître nos
propres sentiments et ceux des autres, à nous motiver nous-même et à bien
gérer nos émotions en nous-même et dans nos relations avec autrui[1]. »
Longtemps ignorées dans le contexte professionnel, les chercheurs en
management considèrent aujourd'hui que non seulement les émotions
existent aussi sur le lieu de travail et ne doivent pas être négligées mais que,
de surcroît, elles sont un vecteur de performance : les émotions font partie
intégrantes de notre contribution, une personne qui gère bien ses émotions,
qui sait développer des relations constructives avec les autres sera plus
performante au travail.
Au sein des entreprises aujourd'hui, la réussite des individus requiert non
seulement des compétences techniques, mais également des compétences
émotionnelles, qui permettent de contrôler ses propres émotions et celles
des autres ainsi que des compétences relationnelles. C'est encore plus vrai
pour les managers. Des études ont mis en évidence que, parmi les facteurs
dont dépend la réussite dans la vie, le QI représente au mieux 20 %[2].

Exemple de débordement
Michel, directeur d'une entité technologique, s'est mis à hurler aujourd'hui en réunion, il est
« parti en vrille » comme très souvent. Plus personne n'a osé exprimer son opinion sur des
sujets pourtant majeurs. Intrinsèquement, Michel n'est pas réellement méprisant, mais il est
apparu comme tel. En fait, il n'a pas su gérer son stress par rapport aux énormes enjeux dont il
est responsable. À cause de son comportement, il a raté des informations décisives pour
prendre des décisions stratégiques.

L'intelligence émotionnelle est un complément indispensable à l'intelligence


logique, rationnelle ou intellectuelle. Certains managers ou collaborateurs
n'ont pas conscience de l'impact de leurs comportements sur leur
environnement et sur leur propre performance. Si ces personnes ne
présentent pas de troubles pathologiques, la prise de conscience associée à
un travail de coaching peut permettre de résoudre leur problématique. La
prise de conscience peut se faire suite aux feedbacks répétés de
collaborateurs ou au travers d'un test d'Intelligence Émotionnelle. La
sensibilisation aux apports de l'Intelligence Émotionnelle peut être utile, par
exemple, aux managers qui s'énervent et insultent leurs collaborateurs car
ils ont du mal à gérer leur stress ou la pression, aux experts techniques
promus managers qui sont peu familiarisés à la gestion des émotions, aux
managers ayant de faibles capacités relationnelles.
Un autre chercheur, Antonio Damasio, a montré que les personnes dont
certaines zones du cerveau impliquées dans la gestion des émotions ont été
endommagées sont en fait incapables de prendre les décisions associées aux
problématiques qu'ils rencontrent[3]. Les bonnes décisions viennent en effet
d'une subtile combinaison émanant de notre partie logique et de notre partie
émotionnelle. Cultiver harmonieusement les deux parties est un facteur clé
de performance.

Exercice 12.1 – Quelques questions pour progresser


Comment réagissez-vous quand on vous parle de vos émotions en tant que manager ? Que
vous apportent vos émotions dans le domaine professionnel ? Avez-vous conscience de ce que
véhicule votre comportement, votre regard, lorsque vous êtes stressé ? Que souhaiteriez-vous
faire différemment ?
Pensez-vous savoir gérer vos émotions ? Comment gérez-vous les émotions de vos
collaborateurs ?
Que pensez-vous des notions de distance managériale, proximité, intimité. Êtes-vous à l'aise
avec ces distances relationnelles ? Si non, comment pourriez-vous l'être ?
Avez-vous déjà eu l'occasion de créer des relations d'intimité ou des moments d'intimité avec
certains de vos collaborateurs ? Qu'en avez-vous retiré ? Que feriez-vous différemment
maintenant ?
13

Construire ce rôle
qui vous inspire

« Don't let your ego get too close to your position, so that if your
position gets shot down, your ego doesn't go with it. [1] »
Colin Powell
Pause. Vous appuyez sur le bouton pause du livre, et vous laissez émerger
dans votre tête des expériences que vous avez vécues, des situations qui vous
reviennent à l'esprit par rapport à ce que vous venez de lire.
Essayez de revivre mentalement ces situations. Puis essayez de les
reconstruire en mettant en œuvre des pratiques de reconnaissance. Imaginez
ensuite des situations où, dans le futur, vous souhaitez appliquer ces
pratiques de manière concrète sur le terrain : par exemple lors des entretiens
annuels d'évaluations, ou dans des cas de remote management, ou avec des
personnes en particulier. Comment allez-vous vous y prendre ? Qu'est-ce qui
peut vous aider ? Qu'est-ce qui vous en empêche ?
Imaginez maintenant que vous êtes le protagoniste principal du paragraphe
« Échanges sur le terrain » ayant pour trame un cas concret sur lequel vous
souhaitez travailler. Que dites-vous, que ressentez-vous ? Vous me faites part
des difficultés que vous rencontrez dans la mise en œuvre de ce cas. Quelles
sont-elles ? Quelles sont les obstacles que vous voyez par rapport aux
concepts et pratiques décrits dans ce livre ?
Vous n'avez rencontré aucun obstacle et vous avez l'intention de passer
réellement à l'action avec vos équipes ? Bravo ! Vous êtes prêt à pratiquer
l'art de la reconnaissance au quotidien dans votre rôle de manager. Peut-être
d'ailleurs le faites-vous déjà depuis longtemps.
Montagne, brouillard ou panne d'essence vous empêchent d'aller plus loin ?
Peut-être trouverez-vous des éléments de réponses dans ce qui suit.
Je n'ai pas la prétention de dresser une liste exhaustive de toutes les
difficultés que vous pouvez rencontrer. Mais laissez-moi examiner avec
vous, au travers de quelques études de cas, les difficultés et obstacles les
plus courants.

Identifier les obstacles


Manque d'intérêt, déni, indifférence

Exemple
Matthieu a déjà eu des feedbacks relatifs à un manque de reconnaissance, de communication ou
de coopération, mais il pense que les gens exagèrent. Il réussit très bien jusqu'à présent, il ne
voit pas pourquoi il changerait son comportement pour avoir de meilleures relations avec ses
collaborateurs et ses pairs. Ce serait probablement une bonne chose, mais on n'est pas dans un
monde idéal, et l'atteinte de ses objectifs business est plus importante. Et en ce qui concerne ses
objectifs business, il est au top.

Que peut-on dire de ce cas ? L'obstacle auquel fait face Matthieu est un des
plus difficiles à surmonter, puisque… il ne le voit pas !
Marshall Goldsmith, dans son livre What got you here, won't get you
there[2], explique que l'une des difficultés majeures rencontrées par les
managers lors de leur évolution professionnelle est de se rendre compte que
ce qui a fait leur réussite jusqu'à présent n'est pas forcément la solution pour
leur réussite future. Il met en évidence que plus on progresse dans sa carrière
et plus la qualité des relations interpersonnelles est importante. Pour certains,
cela va de soi. Pour d'autres, cela ne les concerne pas. Dans sa pratique
d'executive coaching, il a dû amener beaucoup de ses clients à comprendre
qu'ils ont pu réussir jusqu'à présent non pas grâce à leur comportement, mais
en dépit de leur comportement. Son travail avec ces hauts potentiels et ces
executives performants a consisté à leur faire prendre conscience de la
nécessité de devoir faire évoluer leurs comportements vis-à-vis de leurs
collaborateurs.
Pour ceux qui restaient dans le déni, malgré des difficultés relationnelles au
sein de l'entreprise, l'analyse d'un 360 les a aidés à faire face aux points
précis sur lesquels ils devaient évoluer. Parmi ces points se trouvait celui de
l'écoute et celui de savoir exprimer de la reconnaissance de manière
appropriée. Cette prise de conscience n'est pas facile, car la réussite est un
frein au changement. Pourquoi devrais-je changer étant donné que je réussis
parfaitement ? Qui es-tu, toi, pour me dire ce que je dois faire alors que tu
n'es pas à ma place et que je suis quelqu'un d'important ? Goldsmith a dû
faire face à ces objections et accompagner ses clients dans leur évolution,
pour les aider à passer ce cap vers leur performance future.
J'ai travaillé avec un manager qui ressemblait à Matthieu. Je lui ai demandé
ce qu'il pensait du vieux dicton « On ne change pas une équipe qui gagne ».
Il m'a répondu que c'était un dicton dépassé : le monde change autour de
nous, et l'équipe d'aujourd'hui, même si elle gagne, n'est pas forcément
adaptée pour faire face aux challenges de demain. Je lui demandé en quoi ce
qui était vrai pour une équipe n'était pas vrai pour lui en tant qu'être humain.
Qu'auriez-vous répondu à sa place ?
Depuis une trentaine d'années, le Center for Creative Leadership[3] mène
des études auprès des executives d'Amérique du Nord et d'Europe pour
essayer de déterminer quelles sont les caractéristiques des leaders qui
réussissent par rapport à ceux qui échouent. Ses conclusions sont éclairantes.
Les résultats de ces études mettent en évidence plusieurs facteurs, dont deux
facteurs clés : la capacité à établir des relations interpersonnelles de qualité
ainsi que l'aptitude à s'adapter et à gérer le changement. En particulier, les
leaders qui réussissent attachent une importance particulière aux aspects
humains du management et, dans l'objectif de progresser dans leur
développement personnel, n'ignorent pas les feedbacks des personnes avec
qui ils travaillent.

La passivité

Exemple
Maurice pense qu'il y aurait beaucoup à faire dans son équipe et dans son entreprise en matière
de reconnaissance. Mais il se dit que, s'il est le seul à changer, cela ne sert à rien. Selon lui, il
faut qu'il y ait une réelle volonté de l'entreprise et de ses dirigeants pour faire changer les
choses, sinon cela demandera trop d'efforts pour un feu de paille. « Il faut que cela vienne du
haut, sinon cela ne marche pas, c'est bien connu ».

Que peut-on dire de ce cas ? Aucune goutte d'eau ne se sent responsable et


pourtant elles sont toutes responsables de la pluie.
Il y a beaucoup de gens qui, comme Maurice, attendent que la manne tombe
du ciel plutôt que d'agir dans un sens qui leur serait pourtant favorable. On
pourrait travailler avec Maurice sur ce qui l'empêche d'essayer. Ou encore
quel est l'avantage pour lui de ne rien faire.
Il y aussi beaucoup de gens, et encore plus parmi les managers ayant l'esprit
de décision, qui prennent l'initiative de mettre en place des actions pour que
cela change. Ces initiatives sont en général payantes, car elles entraînent un
cercle vertueux qui se propage petit à petit dans l'entreprise. En outre, la
communication circule désormais en réseau dans de nombreuses entreprises
modernes, et non plus en hiérarchie pyramidale. Des actions créant un climat
propice à la reconnaissance peuvent être initiées par tout un chacun, et se
propager au travers du réseau.
Les climats positifs sont contagieux. Vous le saviez, n'est-ce pas ?

Le pouvoir

Exemple
Marc a toujours aimé le pouvoir. C'est ce qui le fait vibrer dans son rôle de Vice-Président,
l'exercice du pouvoir. Pour lui, le monde de l'entreprise est le théâtre d'une guerre permanente :
pour réussir, il faut se battre et conquérir du terrain sur les autres. Il considère que la seule
personne à qui il puisse faire confiance, c'est lui-même. Il travaille énormément pour faire partie
des gagnants. Il est brillant, il percute vite et il attend de ses collaborateurs qu'ils fassent de
même. Il les écoute peu car il n'a pas de temps à perdre : dans la majorité des cas, c'est lui qui a
raison. Alors pourquoi perdre du temps à écouter des avis dont, de toute façon, il ne tiendra pas
compte ? Tant mieux pour ceux qui le suivent, tant pis pour les autres.

Que peut-on dire de ce cas ? La question ici n'est pas de savoir si Marc a tort
ou s'il a raison d'aimer le pouvoir et de se comporter ainsi. Jusqu'à présent,
son comportement a porté sa réussite et celle de son entreprise. Le goût du
pouvoir pousse des êtres humains à prendre des responsabilités, à travailler
dur et à garder courage devant les difficultés pour atteindre leurs objectifs.
Sans le goût du pouvoir, il n'y aurait pas d'hommes politiques ni de
dirigeants.
Une « bonne dose » de goût du pouvoir est plutôt une bonne chose. La
question est de savoir qu'est-ce qu'une « bonne » dose et comment faire pour
que ce goût du pouvoir n'aveugle pas celui qui le détient. L'on peut se
demander également si son comportement est de nature à lui assurer sa
réussite sur le long terme. Que se passera-t-il pour lui si, un jour, l'entreprise
réduit de manière significative le périmètre de son poste ?
Je me suis posé plusieurs fois la question, j'ai beaucoup discuté avec des
managers, des coachs, des amis. Quelle quête poursuit le manager, celui qui
veut devenir top-manager, VP, C-Level ? Ce manager qui veut des équipes
toujours plus grandes, avec plus de responsabilités, un plus grand périmètre,
un titre plus imposant ? Que poursuit-il ?
Le pouvoir ? Pour être reconnu et admiré ? La quête du pouvoir serait-elle
également, comme la quête d'amour[4], une forme particulière de quête de
reconnaissance ? C'est ce que soutient Jean-Claude Kaufmann qui, dans son
superbe livre L'invention de soi, indique « La lutte pour le pouvoir est
généralement une explication bien courte pour ce qui, en-deçà, se révèle être
une quête amère et triste pour la simple reconnaissance. Accéder à des
positions encore plus hautes n'est souvent que le moyen de conforter le
sentiment d'exister au moins un peu »[5]. Certains ont besoin de sentir la
reconnaissance de leur puissance dans le regard de l'autre.
Jusqu'à quelles limites maîtrise-t-on le pouvoir et dans quelle mesure est-on
sous son emprise ? On pourrait conseiller à Marc de réfléchir en quoi son
goût du pouvoir est une force et en quoi est-ce une faiblesse sur le long
terme. On pourrait également reprendre les conclusions du Center for
Creative Leadership[6] et rappeler à Marc qu'enrichir ses relations avec les
personnes avec qui il travaille, en particulier grâce à l'écoute et à la
collaboration, aura un impact positif sur sa carrière. Et probablement aussi
sur son rayonnement personnel.

Quand le goût du pouvoir devient extrême


Certains comportements s'expliquent par la personnalité du manager et
beaucoup de managers ont des personnalités complexes. L'accès à des postes
de responsabilité exigeant un minimum de désir de pouvoir et ayant souvent
pour conséquence l'inflation de l'ego, beaucoup de dirigeants affichent des
tendances narcissiques[7]. Ces tendances sont peu propices à l'expression de
la reconnaissance envers les collaborateurs.
Dans les cas les plus extrêmes, certains dirigeants montrent des
comportements caractéristiques du syndrome d'hubris[8]. Les dirigeants
atteints par ce syndrome, ou « maladie du pouvoir », sont obsédés par leur
propre image et s'imaginent tout-puissants. Ils pensent avoir toujours raison,
considèrent détenir la Vérité et ne supportent pas la contradiction. Et certains
managers, qui règnent dans les hautes sphères du pouvoir, sont détestés.
Paradoxalement, cela leur procure une certaine satisfaction. Ces êtres
narcissiques mesurent leur importance au nombre de personnes qui les
détestent et plus ils sont détestés, plus ils se sentent reconnus[9].
Excessivement confiants en leurs propres jugements, au mépris de ceux
d'autrui et considérant exercer le pouvoir sur le monde, ces leaders sont
incapables de la moindre once de reconnaissance. Mesurent-ils l'impact de
leurs comportements sur la motivation et la performance des équipes ? Ce
n'est pas certain.

Gagnant-gagnant
Qu'est-ce que cela voudrait dire une « bonne dose » de goût du pouvoir et
comment faire pour y arriver ?
Les managers qui aiment le pouvoir et qui réussissent sur le long terme ont
compris l'intérêt d'adopter une démarche « gagnant-gagnant », plutôt que
« gagnant-perdant ». Un comportement « gagnant-gagnant » permet de
continuer à réussir tout en favorisant et en permettant la réussite de l'autre,
des autres. Cela implique de savoir tenir compte des autres, de savoir ajuster
son comportement, ses points de vue, voire ses décisions, en fonction des
personnes. C'est accepter l'idée que, dans le monde de l'entreprise
aujourd'hui, on réussit rarement sans les autres. À nous de savoir les faire
participer à notre réussite et de participer à la leur.

Le stress

Exemple
Aux dires de ses collaborateurs, Michel est un bon manager. Il a des qualités humaines
indéniables et les personnes de ses équipes sont satisfaites de travailler avec lui. Le problème
apparaît dans les périodes de stress : quand les commandes se font rares, quand l'entreprise
connaît des difficultés, à la fin de l'année quand il faut retrouver une bottom line positive. Mike
se transforme alors en une personne différente. Il devient contrôlant, demandant des justificatifs
à outrance, accusateur dans ses propos et incapable de la moindre parole d'encouragement ou de
reconnaissance. Il lui arrive de rentrer dans des colères violentes et de descendre en flèche
certains de ses collaborateurs. Au moment où les équipes ont le plus besoin de se sentir
soutenues pour maintenir leurs efforts sans se décourager, il se transforme en despote froid et
autoritaire. « On travaille dur en ces moments difficiles, on aimerait bien un minimum de
solidarité », expriment ses équipes.

Que peut-on retenir de ce cas ? Le stress, lié à la pression des résultats ainsi
qu'au manque de temps et de moyens pour les atteindre, est un fléau au sein
de l'entreprise moderne et les managers sont particulièrement touchés par ce
phénomène.
Observez cet automobiliste, coincé au volant de sa voiture dans un
embouteillage, excédé d'être retard, et dont la voiture vient de se faire
légèrement tamponner par une autre voiture. Il sort en furie de sa voiture et
se met à hurler une bordée d'injures vers le conducteur. Ce monsieur est
pourtant en général plutôt agréable et bien élevé. Alors pourquoi avoir
agressé cette personne de manière aussi insultante ? L'effet du stress. On a
parfois l'impression que certaines personnes changent de personnalité sous
l'effet du stress.
Pour un manager, savoir gérer son stress et aider ses collaborateurs à gérer le
leur est une compétence essentielle. En effet, l'impact de son comportement
sous stress peut avoir des effets néfastes sur la motivation des équipes et sur
les résultats. Apprendre à gérer son stress passe par la gestion de ses
émotions[10] et implique un travail sur soi, qui n'est certes pas facile, mais
dont l'aboutissement est source d'épanouissement tant sur le plan personnel
que professionnel.

La peur

Exemple
Martha a peur de « s'attendrir » et d'être trop sympa vis-à-vis de ses collaborateurs, au détriment
des résultats. Elle a peur de quitter la logique rassurante des fichiers Excel et de ne pas savoir
quoi dire, de devenir faible face aux demandes des personnes de son équipe. Peur de ne pas être
rationnelle, de quitter le monde structuré des tableaux de bord pour rentrer dans la logique floue
de l'être humain. D'être moins performante parce qu'elle aura été plus altruiste. Elle craint de
perdre pied et de perdre le contrôle. De ne plus maîtriser.

Pensez-vous que l'on puisse être les deux, à la fois rationnel et altruiste ?
Je me souviens d'une expérience intéressante avec un groupe de managers.
On avait fait un exercice où on leur avait demandé de se mettre debout et de
changer quelque chose sur eux. Certains ont enlevé leurs lunettes, d'autres
leur cravate, etc. On a refait l'exercice plusieurs fois, à la fin de l'exercice
beaucoup avaient enlevé ceinture, chaussures et chaussettes, mais… très peu
avaient pensé à rajouter quelque chose sur eux. Quelque chose qu'ils auraient
par exemple échangé avec un autre participant. Pourtant rien dans les
consignes n'interdisait de le faire.
La démonstration de l'exercice était de mettre en évidence que, la plupart du
temps, si l'on demande à l'individu de développer une compétence altruiste
qu'il n'a pas, il pense que cela va se faire au détriment de ses compétences
cognitives. Il pense par exemple que s'il prend du temps pour écouter ses
collaborateurs et pour tenter de les comprendre, cela va se faire au détriment
de son travail et de son efficacité. C'est une croyance limitante, c'est-à-dire
que les gens pensent ne pas pouvoir y arriver, alors qu'ils ont parfaitement la
capacité de le faire. On peut tout à fait être ouvert, chaleureux et à l'écoute
d'un collaborateur quand il le faut, et être ferme, autoritaire et concentré sur
l'action à d'autres moments. Questions de circonstances, d'interlocuteurs, de
stratégie. Et justement, l'excellence managériale, consiste à avoir le
comportement qu'il faut au bon moment.
Prenons un exemple. Est-ce se laisser attendrir que d'accorder un délai de
réponse d'un ou deux jours à la demande d'un collaborateur ? Cela dépend
des circonstances. Le manager doit être capable de sentir si la personne est
au bord de l'épuisement professionnel ou bien si elle exagère, il doit être
capable d'évaluer si, en fait, il appréhende de demander un délai à son propre
management ou bien si la finalité de la réponse ne tolère aucun retard, il doit
être capable de juger si l'urgence de la demande est exceptionnelle ou bien si
les demandes sont stockées dans des boîtes e-mails avant d'arriver
systématiquement en retard au niveau du dernier maillon de la chaîne.
Les règles et politiques RH de l'entreprise sont là pour favoriser l'impartialité
et l'équité. Mais la gestion de l'être humain ne peut pas rentrer complètement
dans des règles et politiques. Et c'est justement là que le manager a un rôle
primordial à jouer. Entrer dans la relation avec son collaborateur pour guider,
arbitrer, reconnaître, ajuster, recadrer. S'il ne le fait pas par peur de sortir de
l'univers rassurant du rationnel, il y a des liens qui ne se créent pas dans
l'entreprise et des transmissions qui ne se font pas dans les immenses
rouages de l'entreprise. Et ces chaînons manquants entraînent une cassure de
la motivation et de l'engagement.
Développer ses compétences relationnelles ne se fait pas au détriment de ses
compétences cognitives. Au contraire, plus un individu est riche en
compétences diverses et expérimenté dans la manière de les mettre en œuvre
de manière adéquate, et plus il est capable de résoudre des problématiques
complexes.
Craindre de perdre du temps à développer la relation au détriment du travail
opérationnel et de l'efficacité chiffrée est une vision à très court terme des
choses. On laisse évidemment au manager le soin de trouver le juste
équilibre entre pas assez de temps et trop de temps. Dans la mesure où le
temps passé est correctement dosé, le temps passé à créer et entretenir la
relation avec un collaborateur n'est pas du temps perdu. Car le collaborateur
sera plus motivé, plus impliqué, voire plus compétent.
Certains managers, à l'instar de Martha, essaient de limiter la communication
avec leurs collaborateurs afin de limiter le risque de devoir faire face à des
demandes auxquelles ils ne sauront pas répondre, et de créer ainsi de la
frustration, du ressenti voire de la démotivation. Ils se disent qu'il vaut
mieux ne pas parler des problèmes, comme ça les problèmes n'existent pas.
Ou la politique de l'évitement. Le risque est que les problèmes, qui de toute
façon existent, s'enveniment du fait de ne pas être traités et explosent trop
tard, c'est-à-dire bien plus poisseux que s'ils avaient été traités à la base. Le
jeu en vaut-il bien la chandelle ? Écouter ses collaborateurs ne veut pas dire
être d'accord pour satisfaire toutes leurs demandes. La notion de rôle
abordée plus loin dans le chapitre pourra aider le manager à discerner quels
sont les intérêts en jeu, entre ceux de l'entreprise ceux des collaborateurs et
les siens propres, pour apporter des réponses appropriées. Des formations
« savoir dire non » et autres techniques d'assertivité peuvent également aider
à formuler des réponses dans des situations délicates.
Certains craignent de se dévoiler, d'avouer leurs faiblesses, leurs doutes, de
ne pas paraître aussi parfait que l'image qu'ils veulent bien donner. Est-ce
l'inquiétude de ne pas être apprécié en tant qu'individu ou bien celle de ternir
leur image et de courir le risque de voir leur progression de carrière mise en
péril ?
Que peut-on conseiller à Martha et aux managers qui lui ressemblent ? Avez-
vous déjà considéré que, d'une certaine manière, la peur est un sentiment
utile ? De manière intuitive, elle nous protège du danger. Dans le contexte de
l'entreprise, elle nous envoie un signal, qui, s'il est détecté de manière
adéquate, nous permet de prendre des mesures pour éviter d'échouer. Mais si
cette peur est trop intense, alors elle nous empêche d'avancer et de réussir.
Un travail avec un coach peut alors s'avérer nécessaire.
Il ne s'agit pas de supprimer complètement nos peurs, afin de rester réceptif
aux signaux qu'elles transmettent, mais de savoir les gérer.
Une manière d'aborder la rencontre avec l'autre, en étant ouvert tout en se
protégeant, peut être d'utiliser la notion de rôle.

Dépassez les obstacles,


Construisez votre rôle
Nous venons de voir que les obstacles ne manquent pas sur la route du
manager et à l'intérieur de lui-même. Paresse, orgueil, anxiété et bien
d'autres démons encore, nous avons tous notre part d'ombre[11]. L'ignorer est
une façon de se protéger. L'accepter est une façon de progresser et c'est
également reconnaître à l'autre le droit d'avoir lui aussi sa propre part
d'ombre, ce qui est un pas de plus dans l'art de pratiquer la reconnaissance.
Formaliser votre rôle peut vous aider à surmonter les difficultés et les
obstacles. Le manager assume un rôle dans l'entreprise, celui du rôle de
manager. D'une certaine manière ce peut être un costume ou une référence.
Ce rôle, vous pouvez le subir. Ou bien vous pouvez décider de le construire,
afin qu'il vous guide, qu'il vous inspire et grandisse en même temps que
vous. En le définissant, veillez à y insérer ce qui va vous aider à braver les
obstacles : éléments de motivation, de prise de recul, d'aide à la décision.
À la suite de nombreux entretiens avec des managers, et une longue
réflexion sur ce sujet, j'ai élaboré une méthode que je soumets à votre
réflexion, pour définir votre rôle. C'est la méthode du 3R4R : 3 References
for (4) your Role. Elle vous permet de bâtir votre rôle, pour les aspects
humains du management, à partir de trois référentiels.

La méthode 3R4R
Ce rôle qui vous apporte support et inspiration, doit être le vôtre : vous
devez passer du temps à le définir, à le rendre opérationnel, à le faire évoluer
au cours de votre vie professionnelle. Pour construire ce rôle, vous pouvez
vous appuyer sur trois sources, trois groupes de données d'entrée que l'on va
appeler référentiels :

R1 : Le rôle du manager tel que défini par l'entreprise, le manager


corporate : les guidelines, les recommandations, les référentiels de
compétences managériales, les valeurs de l'entreprise, les formations au
management dispensées par l'entreprise, le comportement des autres
managers.
R2 : Le rôle du manager tel que vous le définissez, le manager cible :
le manager que vous aimeriez devenir, défini à partir de vos convictions
profondes, votre éthique personnelle, vos motivations, les livres de
management que vous avez lus, vos role models c'est-à-dire les
managers que vous admirez et à qui vous aimeriez ressembler.
R3 : Le rôle du manager défini de manière pragmatique issu de votre
propre expérience de management, le manager empirique : ce que
vous avez appris jusqu'à présent de vos succès et de vos échecs, des
situations managériales que vous avez vécues et comment vous vous en
êtes sorti.

Ces trois référentiels sont entrelacés et s'autoalimentent. En effet, votre


vision du rôle du manager cible ne doit pas être contradictoire avec le rôle du
manager tel qu'il est prescrit de manière implicite ou explicite par
l'entreprise, sinon vous risquez de vivre un conflit de valeurs qui peut être
douloureux. De la même manière, votre vision du rôle du manager cible ne
doit pas être trop différente du référentiel issu de votre expérience vécue,
sinon vous risquez de vous épuiser à essayer d'atteindre un manager cible
qui serait trop idéal, et de déchanter en confrontant votre idéal et votre réalité
quotidienne.
À partir de ces trois référentiels, définissez votre propre rôle de manager. Le
vôtre, pas celui d'un autre. Car il doit vous aller parfaitement, comme un
costume dans lequel vous vous sentez bien, vous vous sentez fort et vous
vous sentez vous-même. À votre place. Il doit vous aider à gérer des
situations difficiles ou des problèmes d'éthique. Lorsque vous communiquez
avec un collaborateur et que vous êtes mal à l'aise, posez-vous la question
« Face à cette situation, quel comportement me recommande mon rôle ? ». Il
vous permet d'éviter les dérapages, d'être professionnel en toutes
circonstances et en cohérence avec vos valeurs.

Trois référentiels pour définir son rôle de manager


En fonction de votre façon de travailler, vous pouvez avoir différentes façons
de formaliser votre rôle. Certains d'entre vous gagneront à formaliser par
écrit les caractéristiques de R1, R2 et R3 et de synthétiser R. D'autres ne
formaliseront rien mais, au moment où ils rencontreront une difficulté, ils se
demanderont : quelles sont les préconisations issues de R1 ? Et celles de
R2 ? Et celles de R3 ? Finalement, quelles décisions me recommande R ?

Exercice 13.1 – Construisez votre référentiel


Donnez-vous les moyens de dépasser les obstacles
En quoi certains éléments de votre personnalité sont-ils des obstacles à la mise en œuvre des
pratiques de reconnaissance ? Quelle est, selon vous, votre part d'ombre ?
Rencontrez-vous d'autres obstacles ou difficultés ? Quels sont-ils ?
Qu'allez-vous faire personnellement pour les surmonter ? En avez-vous envie ? Qui peut vous
aider ?
Quels sont les avantages associés au fait de ne rien faire ? Et ceux de passer à l'action ? Après
réflexion, que décidez-vous ?

Définissez votre rôle


À partir des trois référentiels qui sont le manager corporate , le manager cible et le manager
empirique, comment définissez-vous votre rôle de manager ?
En quoi vous permet-il d'être humain et professionnel ?
Comment les pratiques de reconnaissance s'intègrent-elles dans votre rôle de manager ?
Que faut-il que vous intégriez dans la définition de votre rôle pour que celui-ci vous motive,
vous rassure, vous informe, vous guide, vous inspire ?

Utilisez la méthode 3R4R pour construire votre rôle


Complétez le tableau ci-dessous, puis enrichissez-le au fil du temps pour qu'il soit vivant et à
votre image. Rajoutez des rubriques, des annotations, des retours d'expériences, des objectifs,
des idées.
Demandez à des personnes de votre entourage (manager, mentor, RH, coach, collègue, ami…)
de vous aider à l'enrichir. Ce moment d'échange et de réflexion avec une personne dont vous
appréciez les conseils représente une formidable opportunité de développement professionnel.

R1 : Le rôle du manager tel que défini par l'entreprise, le manager corporate


Les valeurs de l'entreprise

Exemples : innovation, sens du service client, professionnalisme



Les compétences managériales corporate

Exemples : Savoir gérer une équipe, connaître le droit du travail pour les aspects managériaux

Les listes de formations pour les managers disponibles en interne

Exemples : Cursus Université d'entreprise, Entretiens d'évaluation, prévention du harcèlement


et de la discrimination

R2 : Le rôle du manager tel que vous le définissez, le manager cible

Les caractéristiques d'un bon manager

Exemples : leadership, prise de décision, savoir quand décider et quand déléguer



Les compétences managériales


Exemples : savoir gérer une équipe, savoir développer ses collaborateurs, savoir gérer le
changement

Mes role models / ouvrages de management de référence

Exemples : Marc mon N+2 il y a 3 ans, Mélanie VP Marketing chez XXX, Le Manager intuitif
, Meryem Le Saget, Dunod, 2006


Comment font-ils pour résoudre les difficultés que je rencontre ?

R3 : Le rôle du manager défini de manière pragmatique issu de votre propre expérience de


management, le manager empirique

Mes trois plus belles réussites en tant que manager. Qu'ai-je appris ?

Exemple : réussite du projet PP.


Ce que j'ai appris : l'importance de la valorisation et de l'encouragement des personnes
1–
Ce que j'ai appris :
2–
Ce que j'ai appris :
3. –
Ce que j'ai appris :
Mes trois plus grands erreurs ou échecs en tant que manager. Qu'ai-je appris ?

Exemple : démission de NN
Ce que j'ai appris : impact de l'absence d'entretiens réguliers en face-à-face avec la personne
qui m'auraient peut-être permis de « sentir » le départ prochain et d'y remédier
1–
Ce que j'ai appris :
2–
Ce que j'ai appris :
3–
Ce que j'ai appris :

Les enseignements issus de mon expérience

Exemple : importance de savoir gérer son stress et de savoir prendre du recul, importance de la
capacité de discernement, savoir cultiver les relations à tous les niveaux


R : Votre référence pour votre rôle en tant que manager

Mes valeurs

Exemples : passion, éthique, respect des personnes





Mes compétences en action, acquises et/ou à développer

Exemple : écoute, savoir donner du feedback, capacité à entretenir mes compétences et à


encourager mes collaborateurs à faire de même, capacité à développer mes collaborateurs


Guidelines et recommandations pour les prises de décisions

Exemple : en quoi la décision que je vais prendre est-elle bonne pour l'entreprise, pour la
personne et pour moi ? Qu'est-ce qui est sous mon contrôle, qu'est-ce qui ne l'est pas ? Quelles
vont être les conséquences de la décision que je vais prendre ?


Ma source de motivation et d'inspiration

Une image, une photo, une phrase, un proverbe, une citation, une réflexion. Votre devise.


Les compétences/actions/recommandations en matière de reconnaissance sont-elles intégrées


dans les cases de votre tableau 3R4R ? Exemple : respect pour les personnes, pratique de
l'écoute, savoir donner du feedback, savoir formuler les bons mots au bon moment, gestion du
stress, prendre le temps de communiquer des signes de reconnaissance, repérer les demandes
non formulées, développement des collaborateurs…
Si oui, vous venez d'effectuer un pas de plus vers la reconnaissance.
Si non, comment pourriez-vous les intégrer dans votre tableau ?
14

La reconnaissance, outil
de développement personnel

« C'est en croyant aux roses qu'on les fait éclore. »


Anatole France

Pas de paragraphe « Échange sur le terrain » pour ce dernier chapitre. Parce


que ce dernier chapitre est un rendez-vous avec vous-même, si vous le
voulez-bien.
Lorsque je fais passer des entretiens de carrières à des personnes et qu'elles
me disent vouloir devenir manager, je leur demande toujours pour quelles
raisons. Invariablement, les personnes répondent « pour les aspects
humains » « parce que j'aime travailler avec les gens ».
Quand je demande aux managers en poste de me détailler leur rôle, très peu
me parlent des aspects humains comme étant au cœur de leurs activités.
Beaucoup me parlent de coordination opérationnelle ou bien de budget, de
reporting, de fichiers Excel et de stress. Comment interprétez-vous cela ?
Est-ce que cela veut dire que les gens se font une idée fausse du
management avant d'y avoir mis un pied dedans ou bien qu'une fois en
poste les aspects humains sont plus difficiles que ce qu'ils s'imaginaient et
ils préfèrent se concentrer sur d'autres aspects ?

Avoir la fibre humaine s'apprend-il ?


Peut-on apprendre à être humain ? Il y a certains managers qui ont la fibre
humaine, d'autres qui l'acquièrent au fil du temps, d'autres qui ne l'auront
jamais. Les formations managériales sur ces aspects sont utiles, voire très
utiles pour certains, et presque inefficaces pour d'autres. Tout dépend de…
en avez-vous envie ?
Si oui, alors plongez, n'attendez pas. Prenez la route. Observez les autres,
enrichissez-vous de l'expérience. Des techniques comme la PNL
(Programmation Neuro-Linguistique), l'Analyse Transactionnelle ou
l'Intelligence Émotionnelle pourront éclairer votre route, mais rien ne
remplacera la confrontation avec l'autre. Utilisez la méthode d'essais-
ajustements.

Zoom sur…
la méthode d'essais-ajustements
Peut-on changer ? La réponse est oui. On peut changer ses comportements.
Pour autant, changer d'un seul coup d'un seul n'est ni facile ni souhaitable. Lorsque nous
changeons nos comportements, il y a fort à parier que les comportements de ceux avec qui
nous interagissons changent également et que par effet de rétroaction leurs changements aient
un effet sur notre propre changement. Un changement trop rapide ou trop radical de notre
part entraînerait peut-être une réponse trop violente de notre environnement.
Il convient de commencer par changer son regard sur le monde et l'image que l'on a de soi, en
construisant dans sa tête l'image de cette nouvelle personne : humaine, ouverte, et… quoi
d'autre en ce qui vous concerne ?
Ensuite, il s'agira d'imaginer le chemin à parcourir pour devenir cette personne, de jalonner
ce chemin d'actions concrètes et de commencer par les premières actions. Les toutes premières
seront de petites actions, d'abord parce que c'est plus facile à mettre en œuvre et ensuite parce
que cela permet de corriger facilement si cela ne fonctionne pas. Être convaincu de la réussite
de la démarche mais se donner le droit à des erreurs de parcours. De petites erreurs, car de
petites actions, qui vont permettre d'apprendre et de progresser.
La méthode d'essais-ajustements, dont le principe est d'essayer puis de rectifier si nécessaire
avant de continuer est une méthode extrêmement efficace. Elle consiste à essayer à petits pas,
par petites touches, afin de ne pas perdre la face si cela ne marche pas et de pouvoir rectifier
facilement. Elle permet de changer tout en restant soi-même, d'intégrer de nouveaux
comportements dans notre manière d'être, sans rupture avec notre identité, de tenir compte des
réactions de notre environnement pour évoluer avec lui.
Dans le domaine de la reconnaissance, elle consiste à démarrer très doucement et à observer
les réactions chez ses collaborateurs. Observer quelles sont leurs besoins et leurs
préoccupations, tenter quelques réponses, observer, s'arrêter ou ajuster et continuer. Observer
leurs feedback, c'est-à-dire ce que cela change chez eux, mais également observer ce que cela
change chez soi et pour l'entreprise. Ajuster, contrôler, progresser.
Le sourire, tremplin de dépassement de soi
Essayer d'apprendre à connaître les autres, de témoigner de la
reconnaissance : si ce n'est pas inné, ne court-on pas le risque de faire
semblant ? De paraître complètement hypocrite et démagogique ? De jouer
un rôle ? Vous craignez les réactions du genre, « tiens, il l'a lu dans un
manuel et il me le restitue aujourd'hui » ?
Tout dépend de la manière dont vous le faites. Si vous le faites avec le cœur,
cela sera authentique. Ce qu'il y a d'intéressant avec la méthode d'essais-
ajustements, c'est que vous avez le droit de vous tromper. Et de
recommencer. Jusqu'à trouver votre propre style. Au début, cela ne paraitra
peut-être pas naturel, et puis petit à petit cela deviendra une partie de vous-
même. Et entre temps, les gens auront apprécié vos efforts.
Avez-vous déjà testé la capacité d'entraînement du sourire, lorsqu'on le fait
avec conviction ? Le philosophe Alain préconisait de faire semblant d'être
heureux, de mimer le bonheur, pour finalement réussir à être heureux[1]. En
d'autres termes, en se forçant au début à sourire, probablement que ce
dernier viendra ensuite naturellement.
Bien sûr, j'imagine que vous ne faites pas partie des gens qui manipulent,
qui séduisent dans le but d'obtenir quelque chose, qui communiquent avec
de faux sourires. Ces gens-là sont mus par leurs propres intérêts au
détriment des intérêts des autres. Ils témoignent de la fausse reconnaissance
dans l'objectif d'obtenir quelque chose en retour à leur propre profit. Mais
en général, ils ne peuvent pas jouer ce jeu-là très longtemps, car les gens ne
sont pas dupes et la relation devient infructueuse pour tout le monde.
Faire preuve d'empathie, c'est avoir la capacité de se mettre à la place de
l'autre, c'est essayer de comprendre ce qu'il ressent. Sans pour autant se
laisser déborder par l'autre. Transmettre un vrai sourire de reconnaissance,
c'est savoir dire merci pour ce que la personne a fait, la féliciter, parce que
vous appréciez la contribution de la personne à sa juste valeur. Cela peut
aussi être un sourire de gratitude, ou un sourire associé à un regard
d'admiration.
Vous pouvez aussi recadrer et sanctionner la personne par rapport à des
actions avec un visage ferme, et sans sourire. Et peut-être, mais pas
systématiquement, lui adresser en conclusion un sourire de compassion ou
d'encouragement qui exprime que vous n'en voulez pas à la personne et que
vous lui faites confiance pour redresser la barre.
Vous pouvez adresser régulièrement un sourire de sympathie à vos équipes
sans vous sentir obligé d'être tout le temps sympathique. Il y a des moments
où l'autorité ou la rigueur s'imposent et dans ces cas là… vous ne souriez
pas.

Qui êtes-vous ?
Que veut dire pour vous, réussir votre vie de manager ? Gagner un bon
salaire, diriger une entreprise en croissance et profitable, avoir de bonnes
relations de travail, et en parallèle avoir une famille avec enfants ?
D'accord, et au-delà de ça, qu'est-ce qui vous pousse, qu'est-ce qui vous
nourrit, qu'est-ce qui vous fait avancer ? Qu'est-ce qui fait que vous êtes
différents des autres ? Vous êtes qui, vous, à l'intérieur de vous-même ?
Qui êtes-vous, en dehors du rôle de manager que vous assurez ? Carl Jung
appelait persona cette partie de nous-même que nous présentons en
société[2]. Persona fait référence au masque que les comédiens portaient
dans l'antiquité. Souvent, nous nous identifions à ce masque, cette façade
que nous offrons à la société, à notre rôle social, alors que nous sommes en
fait beaucoup plus que cela. Nous ne sommes pas réductibles à notre rôle
social. Nous avons un moi profond, la plupart du temps inconscient, qui
nous permet de donner un sens à notre vie. Accéder à notre moi profond, ou
du moins en repérer les signes, les besoins, les émotions, et assurer la
congruence avec le rôle que nous jouons, nous permet d'être bien avec
nous-même.
Nous ne jouons pas un rôle comme un acteur qui jouerait un personnage
différent de lui-même. Ce rôle fait partie de nous-même, car il est étayé sur
notre moi profond, il est forgé par notre raison de vivre, il est mis en
mouvement par nos convictions, nos émotions et nos valeurs.
C'est ce « vous complet », résultat de la congruence entre votre rôle de
manager et votre moi profond, qui s'exprime lorsque vous tissez des
relations avec les autres. Qui anime votre regard, qui allume votre sourire.
Qui fait de vous un être vrai, un manager vrai.
Votre rôle de manager vous permet de faire votre métier avec
professionnalisme, de rester ferme quand il le faut et de vous guider dans
votre vie professionnelle. Votre moi profond vous permet d'exercer votre
métier en étant vous-même, de prendre du plaisir et de tisser des relations
fructueuses pour vous et pour les autres.

La congruence entre votre rôle


et votre moi intérieur
Votre rôle de manageur vous rend-il heureux ? Si oui, c'est bien le
rayonnement de votre moi profond qui va vous permettre d'exprimer de la
vraie reconnaissance à vos collaborateurs.
Si non, cela signifie qu'il n'y a pas congruence entre votre rôle de manager
et votre moi intérieur. Dans ce cas, il faut probablement redéfinir votre rôle,
dans la mesure où c'est possible, ou bien essayer de creuser au plus profond
de vous-même, dans votre moi profond. Au fait, quel est-il ? Le savez-vous
vous-même ?
Pas facile de trouver son moi profond. Il est enfoui sous de multiples
couches, la couche de votre humeur d'aujourd'hui, la couche façonnée par le
contexte, la couche construite par votre entreprise, la couche sociale, la
couche de votre culture nationale, la couche façonnée par l'éducation que
vous avez reçue. Qui êtes-vous au-delà de tout ça ? La route est longue pour
le savoir. Le long de la route on apprend de plus en plus sur soi-même : on
apprend à détecter et à interpréter ces petits signes qui viennent du plus
profond de nous-même, à écouter cette petite voix intérieure qui nous parle,
à être sensible à ces rares moments où l'on se sent en résonance, ces
moments intenses que l'on ne sait pas décrire mais où l'on se sent à sa place.
Où l'on se sent vivre.

Cultiver son jardin


On ne peut pas tous les jours sourire. Et le métier de manager est difficile, il
y a parfois des moments très durs. Il est vrai.
Avez-vous déjà eu le sentiment qu'il existe quelque chose au-delà de soi,
quelque chose de plus grand que soi, qui nous dépasse ? Que l'on soit
croyant ou non, certains d'entre nous ont ce sentiment de quelque chose qui
nous dépasse, ce sentiment que quelque chose de profond a du sens. Ce sens
qui nous pousse sur le chemin et nous fait avancer.
Non, le soleil ne brille pas tous les jours, et il y a des creux et des bosses,
des journées d'hiver et des journées de printemps. La pente est rude, et
pourtant l'on continue à avancer, à pousser les équipes, à les encourager et à
vivre avec elles. Parce que l'on est bien avec soi-même et avec les autres.
On continue d'avancer. On essaie de tricoter sa vie au travers de difficultés
et des aléas, d'essayer de garder un certain équilibre, de trouver la juste
mesure.
On tente de cultiver son jardin, avec toute son expertise et avec toute son
âme : la performance pousse à côté de l'empathie et le profit que l'on cultive
pour son entreprise a une bonne place dans le jardin, mais sans étouffer
l'altruisme qui tente de pousser à côté. On a toujours pensé que ces deux-là
ne pousseraient jamais à côté. Et pourtant, à force de travail, de rigueur et
de persévérance, tout est à sa place. On a compris que certains ont besoin
d'ombre et d'autre de soleil. Mais tous ont besoin d'eau…
Ce sont les grands arbres qui nous inspirent, les grands arbres qui déploient
loin leurs branches tout en ayant des racines profondes. Les grands arbres
n'ont pas peur de faire de l'ombre. Car, à l'ombre de ces grands arbres,
d'autres poussent. Ce sont les grands arbres de demain.

Exercice 14.1 – Qu'est-ce qui vous fait avancer sur votre


chemin ?
Au-delà des rôles que vous avez, celui de manager, d'époux ou d'épouse, de père ou de mère,
de citoyen(ne) français(e), de membre d'un club sportif, qui êtes-vous ? En quoi votre rôle de
manager est-il congruent avec qui vous êtes ?
Que voudriez-vous que vos proches disent de vous le jour de votre enterrement ? Quelle
inscription voudriez-vous voir écrite sur votre tombe ? Quel sera l'héritage que vous laisserez
sur cette terre ?
Avez-vous déjà vécu des moments dans votre vie personnelle ou professionnelle où vous vous
êtes senti exister, intensément, à votre place, en accord avec vous-même ? Ou étiez-vous,
qu'étiez-vous en train de faire, qui étaient les personnes autour de vous ? Que vous faudrait-il
faire pour revivre de tels moments ? En quoi est-ce important pour vous ?
Quelles sont vos relations enrichissantes au sein de l'entreprise :
- qui vous permettent d'affiner votre expertise métier ?
- qui vous apportent des conseils professionnels ?
- qui vous soutiennent dans votre carrière ?
- qui vous aident quand vous avez des difficultés ?
- qui vous apportent de l'énergie ?
Quelles rencontres avez-vous faites jusqu'à présent ? Des rencontres importantes, des
personnes qui vous ont fait croire en vous, trouver votre voie, qui vous ont aidé à grandir ?
Avez-vous déjà été une « rencontre » pour quelqu'un d'autre ? Pour d'autres ? Comment allez-
vous faire pour faire grandir d'autres personnes ? En avez-vous envie ?
Cultiver son jardin, tricoter sa vie, garder le cap sur une mer agitée… quelle est l'expression
qui décrit le mieux votre rôle de manager, celui qui est congruent avec vous-même, cette
expression qui vous donne de l'énergie et qui vous fait avancer sur votre chemin ?
Mon expression :
Conclusion

C'est au travers des relations avec les autres que le


manager consolide sa performance et construit
son propre bien-être

Nous avons chacun notre propre vision du monde, construite au fil du temps
en fonction de notre personnalité, de notre culture et de notre histoire
personnelle. Notre vision du monde façonne nos comportements en
entreprise, et ceux-ci nous paraissent aller de soi. C'est souvent avec la
rencontre marquante d'une personne différente de nous, ou bien lors d'un
changement d'entreprise ou encore lors d'un déménagement à l'étranger que
l'on se rend compte que des comportements qui nous paraissaient naturels
ne sont en fait naturels que dans un contexte donné, une vision du monde
donnée.
Mais pourquoi attendre un changement subit pour faire évoluer nos
comportements ? Pourquoi ne pas décider volontairement d'une évolution
de nos comportements dans l'objectif d'accroître le bien-être et la
motivation des équipes ? Car une question fondamentale se pose : nos
comportements nous paraissent naturels car « C'est comme ça que cela se
fait… », mais il y a probablement des comportements qui sont plus adaptés,
plus efficaces dans nos actes de tous les jours et vis-à-vis des personnes que
nous côtoyons. La bonne nouvelle, c'est que le cerveau étant d'une plasticité
incroyable, on peut changer nos comportements. Petit à petit. En fonction
de ce qui est bon pour nous et pour le collectif. Pour cela, il faut écouter,
observer les comportements des autres et comprendre. Se débarrasser de ce
qui n'apporte rien et s'inspirer de ce qui marche.
Pour être épanoui dans son travail et alimenter sa motivation, un individu a
besoin de se sentir utile, valorisé ou compétent dans le regard des autres, et
en particulier dans celui de son manager. Ce regard qui le reconnaît dans sa
démarche professionnelle et l'encourage à continuer.
Son besoin de reconnaissance, il l'exprimera de manière personnelle. Nous
n'avons pas entre nos mains les clés de tous ces paramètres, ni le décryptage
de tous les comportements. Mais ce que nous pouvons avoir, c'est la volonté
de le reconnaître, de communiquer et de s'enrichir de cet échange. S'enrichir
des visions du monde des autres, c'est se donner la possibilité de grandir. De
changer, en mieux. C'est ouvrir des portes à des solutions plus innovantes
pour l'entreprise.
Les études récentes sur le lien entre épanouissement au travail et réussite
mettent toutes en exergue un critère qui semble s'avérer être la clé de la
réussite dans les entreprises modernes : l'importance des relations entre les
personnes[1]. Les personnes ayant un réseau relationnel développé sont plus
résistantes face aux difficultés, obtiennent plus facilement les informations
dont elles ont besoin et d'une manière générale réussissent mieux que les
autres.
En cultivant des relations enrichissantes au sein de l'entreprise, notamment
par la pratique de l'art de la reconnaissance, le manager assume son rôle de
manière plus professionnelle et progresse sur le chemin qui le mène à lui-
même. C'est au travers des relations avec les autres que le manager
consolide sa performance et construit son propre bien-être.
Vous l'avez compris, la pratique de la reconnaissance est bien plus qu'un
outil de motivation, c'est aussi un formidable outil d'épanouissement et de
bien-être. Pour ceux qui en bénéficient, mais également pour ceux qui la
pratiquent.
La reconnaissance serait donc contagieuse. Pour le bien-être de tous.
Épilogue

Vous qui avez eu le courage de me lire jusqu'à cette page (bravo, vous avez
fait le plus dur !), n'attendez pas et définissez tout de suite votre plan
d'actions. Prenez une page blanche et cogitez.
Que retenez-vous de ce livre ?
Qu'allez-vous mettre en place en termes de plan d'actions ? Quel en sera
l'objectif global et combien de temps vous donnez-vous pour l'atteindre ?
Quels en sont les cinq premières étapes ?
Quand allez-vous commencer et avec quelles personnes ?
Et puis… avant de fermer ce livre, notez quelques mots pour vous, rien que
pour vous. Des mots qui vont vous aider dans votre vie de manager. Vos
projets, vos désirs, vos rêves les plus fous…
Bibliographie

Achor S. – The happiness advantage. Crown Business, 2010.


Alain – Propos sur le bonheur. Folio, 1985.
Allais J., Goutman D. – Trouver sa place au travail. Eyrolles, 2012.
André C. – Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l'estime de soi. Odile
Jacob, 2009.
André C. et Lelord F. – Comment gérer les personnalités difficiles. Odile
Jacob, 2000.
Aubert N. – Le culte de l'urgence. La société malade du temps.
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Bandler R. – Un cerveau pour changer. InterEditions, 2005.
Baudry P. – Français et Américains. L'autre rive. Village mondial, 2003.
Bazin P. – Petit manuel de self-leadership. InterEditions, 2010.
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Cardon A., Lenhardt V., Nicolas P. – L'analyse Transactionnelle. Éditions
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Cauvin P., Cailloux G. – Les types de personnalité. Les comprendre et les
appliquer avec le MBTI. ESF, 7e édition, 2007.
Damasio A. – L'erreur de Descartes. Odile Jacob, 2004.
D'Iribarne P. – La logique de l'honneur. Gestion des entreprises et traditions
nationales. Seuil, 1993.
Dubet F. – Injustices : de l'expérience des inégalités au travail. Seuil, 2006.
Goldsmith M. – What got your here, won't get you there. Hyperion, 2007.
Goleman D. – L'intelligence émotionnelle. Tomes 1 et 2, J'ai lu, 2007.
Hofstede Geert, Hofstede Gert Jean – Cultures and Organizations. Software
of the Mind. McGraw-Hill, 2005.
Jung C.G. – Dialectique du moi et de l'inconscient. Folio, 1993.
Kaufmann JC. – L'invention de soi. Armand Colin, 2005.
Le Saget M. – Le manager intuitif. Dunod, 2006.
Lévy-Leboyer C. – La motivation dans l'entreprise. Modèles et stratégies,
Editions d'Organisation, 1998.
Ollivier D., Tanguy C. – Génération Y, Mode d'emploi. Intégrez les jeunes
dans l'entreprise. De Boeck, 2008.
Seligman M. – La force de l'optimisme. InterEditions, 2012.
Swindall C. – Engaged Leadership: Building a Culture to Overcome
Employee Disengagement. Wiley, 2nd Edition, 2011.
Vidaillet B. – Les ravages de l'envie au travail. Éditions d'Organisation,
2006.
Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement Hélène de Castilla, Philippe Bazin et


Grégoire Gatbois, pour leur confiance, leur collaboration et leurs précieux
conseils.
Je remercie également Thierry Becker, mon mari, pour son soutien sans
faille, ses suggestions et ses critiques constructives.
Enfin, je remercie tous ceux qui, de près ou de loin, m'ont aidé à écrire ce
livre : amis, mentors, managers, collaborateurs, professionnels des
ressources humaines, consultants… En tant que sources d'inspiration,
exemples vivants, conseils, soutiens ou relecteurs, vous avez participé à la
création de cet ouvrage qui, sans vous, n'aurait jamais existé.
À tous, j'exprime ma plus profonde reconnaissance.
Notes
[1] Christophe André, Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l'estime
de soi, Odile Jacob, 2009.
[2] François Dubet, Injustices : de l'expérience des inégalités au travail,
Seuil, 2006.
[3] Shawn Achor, The happiness advantage, Crown Business, 2010.
[4] Pour plus de détails sur la Génération Y, voir le chapitre 10.
[5] http://www.cgsst.com/fra/accueil-reconaissance-travail.asp
[6] La signification du mot stroke en anglais, qui veut dire à la fois coup et
caresse, montre bien le double sens du mot, à la fois positif et négatif. En
fonction des ouvrages traitant de l'Analyse Transactionnelle, le concept de
stroke sera traduit par caresse ou signe de reconnaissance ou stimulation.
[7] Eric Berne, Des jeux et des hommes, Stock, 1998 ; Alain Cardon,
Vincent Lenhardt, Pierre Nicolas, L'analyse Transactionnelle, 2e édition,
Éditions d'Organisation, 2005.
[8] Enquêtes employee engagement survey de Mercer et Gallup.
[9] Clint Swindall, Engaged leadership. Building a Culture to Overcome
Employee Disengagement. Wiley, 2nd edition, 2011.
Notes
[1] Juliette Allais, Didier Goutman, Trouver sa place au travail, Eyrolles,
2012.
[2] Myers-Briggs Type Indicator® et MBTI® sont des marques déposées.
OPP détient la licence de ces marques pour l'Europe.
[3] Source OPP® : www.opp.eu.com.
[4] Programme ou session ayant pour objectif de renforcer la cohésion
d'équipe.
Notes
[1] Le courage et les efforts ne servent à rien quand on n'a ni but ni
motivation.
Notes
[1] Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité. Un optimiste
voit l'opportunité dans chaque difficulté.
[2] Geert Hofstede and Gert Jan Hoefstede, Cultures and organizations,
Software of the Mind, McGraw-Hill, 2005.
[3] Philippe d'Iribarne, La logique de l'honneur. Gestion des entreprises et
traditions nationales, Seuil, 1993.
[4] Sources : enquête worldatwork 2008,
http://www.worldatwork.org/waw/adimLink?id=25653 et enquête SHRM
2012 http://blogs.hbr.org/hmu/2008/02/employee-recognition-and-rewar-
1.html
[5] Programmes de reconnaissance des salariés
Notes
[1] L'école des fans était une émission dans les années 1980, animée par
Jacques Martin, où les évaluations de performances des enfants en fin
d'émissions consistaient systématiquement à conclure… qu'ils avaient tous
gagné !
[2] Bénédicte Vidaillet, Les ravages de l'envie au travail, Éditions
d'Organisation, 2006.
[3] Christophe André, Op. Cit.
[4] Juliette Allais, Didier Goutman, Op. Cit.
[5] Une croyance peut se définir comme une pensée, une opinion ou une
vision des choses que l'on considère comme une vérité alors qu'il ne s'agit
que d'une interprétation. Une croyance est limitante lorsqu'elle réduit notre
capacité d'action ou de réflexion.
Notes
[1] Le plus important en communication, c'est d'entendre ce qui n'est pas
dit.
[2] Diminutif de conference call, ou réunion téléphonique.
[3] Voir chapitre 8 – Éviter le piège du manque de temps
[4] À moduler en fonction des cultures, notamment les cultures asiatiques,
pour lesquelles le manager se renseignera au préalable sur les us et
coutumes.
Notes
[1] Ce paragraphe ne concerne pas les cultures à forte orientation
collectiviste, comme par exemple les cultures asiatiques.
[2] Voir chapitre 9 – Trouver des solutions à la reconnaissance salariale.
Notes
[1] Le temps est la ressource la plus rare et s'il n'est pas géré, rien d'autre ne
peut l'être.
[2] Eric Berne, Op. Cit.
[3] Pour en savoir plus sur les jeux psychologiques, le lecteur pourra
utilement lire l'excellent livre d'Eric Berne à ce sujet, Des jeux et des
hommes.
[4] Philippe Bazin, Petit manuel de self-leadership, InterEditions, 2010.
[5] Nicole Aubert, Le culte de l'urgence. La société malade du temps,
Flammarion, 2003.
Notes
[1] Martin Seligman, La force de l'optimisme, InterEditions, 2012.
[2] Magazine Management, juillet-août 2012.
[3] C. Lévy-Leboyer, La Motivation dans l'entreprise, Modèles et
Stratégies, Éditions d'organisation, 1998.
Notes
[1] Nicole Aubert, Op. Cit.
[2] Daniel Ollivier, Catherine Tanguy, Génération Y, mode d'emploi, De
Boeck, 2008.
Notes
[1] Le courage est ce qu'il faut pour se lever et parler ; le courage est aussi
ce qu'il faut pour s'asseoir et écouter.
Notes
[1] Daniel Goleman, L'intelligence émotionnelle, Tome 1 et 2, J'ai lu, 2007.
[2] Ibid.
[3] Antonio R. Damasio, L'erreur de Descartes, Odile Jacob, 2004.
Notes
[1] Ne laissez pas votre ego trop proche de votre position, de telle sorte que
si vous perdez votre position vous ne perdiez pas aussi votre ego.
[2] Marshall Goldsmith, What got your here, won't get you there, Hyperion,
2007.
[3] http://www.ccl.org/Leadership.
[4] Voir chapitre précédent.
[5] Jean-Claude Kaufmann, L'invention de soi, Armand Colin, 2005.
[6] Voir supra.
[7] Pour mieux comprendre les personnalités difficiles de certains
managers, le lecteur se reportera utilement au livre de Christophe André et
François Lelord Comment gérer les personnalités difficiles, Odile Jacob,
2000.
[8] David Owen, Cerveau & Psycho n° 34, juillet–août 2009.
[9] Christophe André, op.cit.
[10] Voir chapitre précédent.
[11] Pour plus de détails sur le concept d' « ombre », le lecteur se reportera
aux travaux de Carl Jung.
Notes
[1] Alain, Propos sur le bonheur, Folio, 1985.
[2] Carl Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient, Folio, 1993.
Notes
[1] Shawn Achor, Op. Cit.
Table of Contents
Introduction
Partie 1. les clés pour comprendre – Les signes de reconnaissance
Chapitre 1. La reconnaissance, un besoin vital aux multiples facettes
Chapitre 2. Reconnaître, c'est d'abord se connaître
Chapitre 3. Adopter une image positive de soi-même, un préalable à la
pratique de la reconnaissance
Chapitre 4. Les signes de reconnaissance au travers du prisme des
cultures
Partie 2. les clés pour réussir – Les situations où pratiquer l'art de la
reconnaissance est indispensable
Chapitre 5. Conduire des entretiens annuels d'évaluation leviers de
motivation
Chapitre 6. Surmonter les difficultés du management à distance
Chapitre 7. Savoir reconnaître les équipes
Chapitre 8. Éviter le piège du manque de temps
Chapitre 9. Trouver des solutions à la reconnaissance salariale
Chapitre 10. Pratiquer l'art de la reconnaissance avec la Génération Y
Partie 3. les clés pour se développer – Intégrer la reconnaissance dans ses
pratiques managériales
Chapitre 11. Motiver ses collaborateurs par la pratique de la
reconnaissance
Chapitre 12. Gérer la composante émotionnelle de la reconnaissance
Chapitre 13. Construire ce rôle qui vous inspire
Chapitre 14. La reconnaissance, outil de développement personnel
Conclusion
Épilogue
Bibliographie
Remerciements

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