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Titre original : Bokutachi wa shuukan de, dekiteiru

Publié pour la première fois par Wani Books Co.


© 2018, Wani Books Co.
© 2018 Fumio Sasaki, pour le texte.
© 2020, Guy Trédaniel éditeur, pour la traduction française.
Traduit du japonais par Déborah Pierret Watanabe.

ISBN : 978-2-8132-2319-7
Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen
électronique ou mécanique que ce soit, y compris les systèmes de stockage et d’extraction de
l’information, sans l’autorisation écrite de l’éditeur, sauf par un critique qui peut citer de brefs passages
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À toutes celles et ceux qui pensent
ne pas avoir de volonté.
À propos de l’organisation de ce
livre
Le début de ce livre est le plus difficile, comme d’ailleurs, lorsque l’on
cherche à prendre de bonnes habitudes. Je recommande à celles et ceux qui
désireraient uniquement connaître les trucs et astuces des habitudes de se
rendre directement au chapitre III.
Le chapitre I étudie la question de la volonté. Même si vous souhaitez par-
dessus tout avoir de bonnes habitudes, il se peut que vous baissiez vite les
bras. Surgit alors l’excuse de la volonté. Absence de volonté, volonté de
fer… Mais qu’est-ce que la volonté exactement ?
Qu’est-ce que l’habitude ? Qu’est-ce que la « conscience » ? C’est ce à quoi
nous réfléchissons en détail dans le chapitre II. L’habitude est une action que
l’on accomplit sans presque y penser, sans faire appel à notre conscience.
Le chapitre III présente 50 étapes, pour apprendre pas à pas à se créer de
bonnes habitudes. Ce sont des points auxquels vous pourrez vous référer, que
ce soit pour commencer une bonne habitude ou pour en abandonner une
mauvaise. De nombreux ouvrages sont consacrés au thème des habitudes, j’ai
cherché ici à y résumer l’essentiel.
Le chapitre IV est consacré au sens des mots « talent » et « effort ». Et aux
possibilités offertes par les habitudes dans bien d’autres domaines. Car si les
habitudes sont efficaces pour l’accomplissement d’un objectif, elles semblent
également avoir une signification beaucoup plus profonde.
Sommaire
INTRODUCTION

Chapitre I La volonté est-elle innée ?


Chapitre II Qu’est-ce que l’habitude ?
Chapitre III 50 étapes pour se créer de bonnes habitudes
Chapitre IV Nous sommes faits d’habitudes
REMERCIEMENTS

LISTE DES 50 ÉTAPES POUR SE CRÉER DE BONNES HABITUDES

OUVRAGES DE RÉFÉRENCE
Introduction
Je pensais autrefois n’avoir aucun talent.
Que ce soit dans le sport, les études, ou n’importe quel autre domaine, je
n’arrivais pas à m’impliquer sérieusement et je n’obtenais jamais de résultats
significatifs. Mais avoir des habitudes m’a peu à peu fait changer d’avis.
Aujourd’hui, savoir si j’ai du talent ou non n’est plus vraiment au cœur de
mes préoccupations.
Le talent n’est pas quelque chose qui nous est accordé à la naissance. Le
talent est fabriqué, à la suite d’efforts continus, grâce aux habitudes.
J’admire énormément l’auteur et artiste Kyôhei Sakaguchi. Ses livres sont
faits de combinaisons de mots totalement différents de ceux des écrivains
ordinaires. Il compose des morceaux émouvants à la guitare, et ses peintures
n’ont rien à envier à celles des artistes contemporains. Il fabrique des chaises,
et sait même tricoter. Kyôhei Sakaguchi, à bien des égards, est un homme
pétri de talents.
Or, au début de sa carrière, son père lui aurait conseillé d’abandonner ses
rêves d’artiste puisque, selon lui, il était dépourvu d’un quelconque talent. Et
son petit frère de renchérir : « Même une horloge cassée donne l’heure juste
deux fois par jour »… Mais Sakaguchi aime à répéter que ce n’est pas le
talent qui compte, c’est la constance. Que ce soit Ichiro, la légende du
baseball, ou Haruki Murakami, écrivain à la renommée mondiale, aucun des
plus grands prodiges de ce monde ne dit de lui-même qu’il est un génie.
D’un autre côté, ce qui nous fascine depuis toujours sont les histoires de
superhommes – ou femmes. La colère qui réveille le pouvoir dans Dragon
Ball. Le personnage principal du manga Slam Dunk, voyou bagarreur qui se
découvre un don incroyable pour le basket. Les films hollywoodiens, comme
Matrix, dans lequel un élu prend tout à coup conscience de ses capacités
hors-norme…
Mais lorsque l’on vit les deux pieds bien ancrés dans la réalité, on
comprend que le talent est légèrement différent de cela. Les plus grands
génies ne ménagent aucun effort. Comme l’a si bien dit Elbert Hubbard, « le
génie est seulement le pouvoir de faire des efforts continus ».
Ainsi donc, le génie, ce serait d’être capable de continuer, sans jamais
abandonner, à faire des efforts ? ai-je d’abord pensé. Mais, et si je ne
possédais pas cette capacité ? me suis-je ensuite demandé.
De nos jours, je pense que les mots « talent » et « effort » sont employés à
tort et à travers. Le talent n’est pas accordé par le ciel, et faire des efforts ne
signifie pas obligatoirement souffrir en serrant les dents. Ce sont ces points
que j’ai eu envie d’éclaircir à travers le grand thème des habitudes. Afin que
le talent et les efforts ne soient plus uniquement réservés aux êtres hors du
commun, ne soient plus limités à un cercle restreint. Ils peuvent être acquis
au fur et à mesure. Voici un résumé du contenu de ce livre :
• Le talent n’est pas quelque chose qui nous est donné, mais est fabriqué à
la suite d’efforts constants.
• Ces efforts peuvent être maintenus si vous en faites des habitudes.
• Il existe une méthodologie pour apprendre à avoir des habitudes.

J’ai été libéré du complexe de l’argent et des biens lors de l’écriture de mon
livre précédent, L’Essentiel et rien d’autre. En écrivant ce livre-ci, j’essaie de
me libérer de celui des efforts et du talent. Ce livre sera probablement le
dernier ouvrage de développement personnel pour moi.
Alors, commençons.
L’habitude nous fait comme une seconde nature.
CICÉRON

L’habitude, une seconde nature ? L’habitude est dix


fois la nature !
WELLINGTON, CITÉ PAR JAMES.
Chapitre I
La volonté est-elle innée ?
Une journée type
« Je suis exactement le genre d’homme que je voulais être » : l’homme, à
l’origine de cette phrase, est mon réalisateur préféré, Clint Eastwood.
J’aurais aimé être l’auteur de cette phrase épatante. Ce que je peux dire, en
revanche, c’est qu’aujourd’hui, je mène la vie dont je rêvais depuis
longtemps. Laissez-moi d’abord vous présenter le déroulement d’une journée
type :

Déroulement d’une journée type


05 h 00 – Réveil → Yoga
05 h 30 – Méditation
06 h 00 – Rédaction du manuscrit, rédaction du blog
07 h 00 – Ménage → douche → lessive → petit déjeuner → préparation du
panier-repas pour le midi
08 h 00 – Rédaction du journal de bord → étude de l’anglais → actualités
et réseaux sociaux
09 h 10 – Sieste éclair (endormissement stratégique)
09 h 30 – Départ pour ma « journée de travail » à la bibliothèque
11 h 30 – Déjeuner
14 h 30 – Fin de ma « journée de travail » à la bibliothèque
15 h 00 – Sieste éclair
15 h 30 – Sport
17 h 30 – Courses au supermarché, rédaction ou réponses aux courriels,
réseaux sociaux
18 h 00 – Dîner puis visionnage de films
21 h 00 – Sortie du tapis de yoga et étirements
21 h 30 – Coucher
Mon emploi du temps est le même chaque jour, week-end et jours fériés
compris. Mes jours de repos sont consacrés à tous les projets ou événements
un peu spéciaux – rencontrer des amis, aller à une manifestation culturelle,
faire un petit voyage… En règle générale, je prends un jour de repos par
semaine. J’ai 38 ans, je vis seul, et j’ai fait de l’écriture mon métier. Vous
devez certainement penser tout au fond de vous que si je peux me permettre
de vivre ainsi, c’est justement parce que j’ai un travail flexible (je suis free-
lance) et célibataire par-dessus le marché. Or, quand j’ai enfin pu obtenir le
temps et la liberté auxquels j’aspirais, ma situation était totalement différente
de celle d’aujourd’hui.

Un repos bien mérité


Hommes naturellement couvreurs
et de toutes vacations, hormis en chambre.
BLAISE PASCAL

En 2016, j’ai démissionné du poste que j’occupais au sein d’une maison


d’édition pour devenir free-lance. À ce moment-là, je n’avais pas vraiment à
me soucier de l’argent puisque je venais de toucher des indemnités de départ
et un bonus en sus. Je pouvais me réveiller à l’heure que je voulais, personne
n’était fâché quand je dormais plus longtemps que ce que j’aurais dû. J’étais
libre de partir m’amuser quelque part chaque jour. Je pensais alors que c’était
un repos bien mérité, après 12 ans de travail acharné dans l’édition.
J’ai réalisé beaucoup de mes « envies » couchées sur une liste que je voyais
s’allonger chaque jour un peu plus : plongée, surf, marathon… J’ai également
pu pratiquer bien d’autres activités comme avoir un potager, me mettre au
DIY (bricolage), réapprendre à conduire une voiture… Comme j’avais quitté
Tokyo pour Kyoto, j’ai aussi pris beaucoup de plaisir à visiter cette région
que je ne connaissais pas jusqu’alors.
Faire uniquement ce qui me plaît autant qu’il me plaît… Une situation de
rêve, n’est-ce pas ? « Ah ! Quand je serai à la retraite ou si jamais je gagne au
loto, c’est ainsi que j’aimerais passer le reste de mes jours », voilà ce à quoi
rêvent nombre d’entre nous.

Pour être heureux, mieux vaut


ne pas avoir trop de temps libre
Lorsque j’étais éditeur, lire un livre durant ma pause déjeuner était pour
moi un immense plaisir. Je songeais alors que si j’arrêtais de travailler, ces
moments de bonheur allaient forcément devenir plus nombreux. En réalité,
quand on peut passer sa journée à lire, bien souvent, on ne le fait pas. Nous
avons tendance à rêver à tout ce que nous pourrions faire si seulement nous
en avions le temps. Or, peu d’entre nous se doutent de tout ce que nous
n’arrivons pas à faire quand, justement, nous en avons trop. Trouver une
activité pour chaque jour commençait à devenir compliqué. Réaliser de
menus travaux, partir à la découverte de nouveaux endroits… Bientôt, je me
suis lassé.
Ainsi, les moments d’oisiveté sont devenus plus nombreux. Je commençais
à exceller dans l’art de jeter la balle de massage en direction du plafond et à
la rattraper… Un jour, alors que je passais la journée dans une station
thermale à proximité de chez moi, je me suis rendu compte que cela ne me
faisait aucun bien. Parce que les sources d’eaux chaudes sont censées nous
libérer du stress et de la fatigue, et que je ne ressentais ni l’un ni l’autre.
Selon une étude, quand un individu dispose de plus de sept heures de temps
libre par jour, son niveau de bonheur a tendance à décroître. Je confirme,
pour l’avoir vécu. Avoir du temps pour soi et la liberté de faire ce que l’on a
envie de faire sont des conditions du bonheur. Mais être noyé sous le temps
libre ne nous permet pas d’être heureux.
J’ai voulu fuir l’absence de liberté, et ce qui m’attendait au tournant du
chemin fut la souffrance de trop en disposer. « L’indolence est un état
agréable, mais pénible, nous devons faire quelque chose pour être heureux »,
a déclaré Gandhi. Et c’est la vérité. Il y avait certes du bonheur, mais
également beaucoup de souffrance. J’avais planté des légumes, qui ne
poussaient pas. Ces graines qui ne germaient pas me rappelaient la situation
dans laquelle je me trouvais. Cela n’était pas censé se passer ainsi.
On entend souvent dire qu’il ne faut faire que ce que l’on aime. C’est vrai.
Mais cela ne signifie pas qu’il faut choisir la facilité.

Le filet de sécurité
qu’a été le minimalisme
La mise en pratique d’un mode de vie minimaliste m’a sauvé. Les objets se
sont faits rares autour de moi, et ranger, faire le tri et le ménage sont devenus
des habitudes. L’état de mon appartement influençait mon état d’esprit : voir
mon chez-moi toujours propre et bien rangé agissait comme un filet de
sécurité et m’empêchait de me laisser emporter par la dépression.
Heureusement que j’avais décidé de diminuer mes possessions !
Et heureusement que j’avais arrêté l’alcool. Si tel n’avait pas été le cas,
j’aurais sûrement cherché à me changer les idées en buvant dès l’heure du
déjeuner. Ce qui me manquait alors était les petits défis du quotidien. Et
sentir que je faisais des progrès. Mais j’aurais dû m’en douter. Quand
j’arrivais à rater l’école en faisant semblant d’être malade, j’étais content au
moment où ma ruse réussissait, mais plus la journée passait et moins je
m’amusais. Et quand, peu d’humeur à travailler, je notais quelques tâches à
faire sur le tableau blanc et me donnais l’autorisation de rentrer chez moi,
j’étais toujours pris de remords sur le chemin du retour.
Prendre les « habitudes » pour thème après le minimalisme me fait ressentir
toute la force du destin. Car sans les habitudes, j’aurais peut-être à nouveau
été accablé par les tourments que je connaissais avant ma découverte du
minimalisme.
Bien sûr, ma situation de célibataire et free-lance m’a permis d’adopter les
habitudes que sont les miennes. Mais si, par exemple, vous avez un enfant en
bas âge, elles ne vous conviendront peut-être pas. Il ne suffit pas d’avoir du
temps et de l’énergie pour prendre des habitudes. Au contraire, cela peut
parfois même devenir un obstacle. Avoir de bonnes habitudes a été un
combat de tous les jours et je pense que les enseignements que j’en ai tirés
pourront être utiles, d’une manière ou d’une autre, à ceux trop occupés par
leur travail ou par l’éducation des enfants.

Pourquoi les bonnes résolutions


du Nouvel An ne tiennent jamais ?
Voici les bonnes résolutions que je prenais chaque année, mais que je
n’arrivais jamais à tenir :
• Me lever tôt, avoir une vie bien réglée.
• Garder mon chez-moi toujours propre et bien rangé.
• Faire du sport régulièrement.
• Arrêter de procrastiner : étudier et faire le travail que j’avais à faire sans
constamment remettre au lendemain.
Mieux dormir, faire le ménage, bien manger, se mettre au sport, se
consacrer à ses études ou à son travail… Nous désirons tous à peu près les
mêmes choses. Mais pourquoi ces résolutions sont-elles si difficiles à tenir ?
Chaque année, et comme la plupart d’entre nous, je me fixais des objectifs à
atteindre. Or, selon une enquête réalisée en 2014, le pourcentage de réussite
concernant ces objectifs ne dépasserait pas 8 %. Je faisais moi aussi partie de
cette majorité écrasante, ces 92 % à ne jamais réussir. Et chaque année, je
cherchais invariablement à prendre les mêmes bonnes résolutions.
J’étais convaincu que je manquais de volonté, ou que ma volonté était
faible. « Je manque de volonté » : voilà l’excuse qui nous vient naturellement
quand on ne peut accomplir un objectif. Cette façon de penser repose donc
sur le principe selon lequel ce monde serait peuplé par, d’un côté, les
individus à la volonté de fer et, de l’autre, les « faibles ».
Le premier chapitre de ce livre est consacré à la volonté, ce mot que tout le
monde a à la bouche, mais dont personne ne connaît réellement la
signification. Qu’est-ce que la volonté ? Comment fonctionne-t-elle ?
Nous allons examiner en détail ces deux questions, mais tout d’abord :
pourquoi est-il si difficile de prendre de bonnes habitudes ? Tout simplement
parce qu’il y a contradiction entre la récompense immédiate et la récompense
différée.

Récompense et pénalité
La récompense et la pénalité sont deux concepts indispensables quand on
parle d’habitudes. Prenons quelques exemples de récompenses :
• Manger quelque chose de délicieux.
• Dormir tout son saoul.
• Gagner de l’argent.
• Passer du temps avec la personne aimée ou des amis.
• Obtenir des like sur les réseaux sociaux.
Les récompenses sont, pour le dire autrement, tout ce qui nous est agréable.
Toutes les actions entreprises par l’être humain peuvent être envisagées
comme une recherche de récompenses. Le problème réside dans le fait que
cela peut s’avérer contradictoire.
Manger des sucreries est une récompense, mais résister à cette tentation,
pour garder un corps mince et en pleine santé en est également une. Les
conséquences d’un excès de nourriture, comme la prise de poids ou la
maladie, sont des pénalités. Chercher à ne profiter que des récompenses
immédiates ne nous permet pas d’obtenir de récompenses différées. Et un
jour ou l’autre, on finit par en payer le prix en subissant les pénalités.
Nous savons tous les comportements à adopter :
• Contrôler ce que l’on mange peut nous faire perdre du poids.
• Ne pas rester désœuvré et faire du sport.
• Ne pas veiller tard pour pouvoir se lever tôt.
• Ne pas se laisser distraire par son smartphone ou les jeux vidéo, pour se
consacrer un peu plus à son travail ou ses études.
Or, nous éprouvons beaucoup de mal à le faire. Se lever plus tôt pour
pouvoir se préparer tranquillement et éviter l’heure de pointe (récompense
différée) ne fait pas le poids face aux 5 minutes de sommeil en plus
(récompense immédiate). Résultat ? Nous finissons par nous acharner sur le
bouton « rappel » du réveil du téléphone. Même si nous savons pertinemment
que c’est la gueule de bois assurée (pénalité), nous ne reposons pas le verre
d’alcool (récompense immédiate) que nous avons entre les mains. Repousser
au lendemain le travail à accomplir risque de nous causer des problèmes
(pénalité), mais rien ne vaut une bonne partie de jeux vidéo (récompense),
n’est-ce pas ?
La raison pour laquelle nous avons du mal à acquérir de bonnes habitudes
est que nous cédons face à la tentation de la récompense immédiate. Et nous
disons de ceux qui refusent la récompense immédiate juste sous leur nez (en
vue d’obtenir une récompense différée ou d’éviter une pénalité) qu’ils ont
« une volonté de fer ».

Une pomme aujourd’hui, deux demain


Que penserait Katsuo si, en rentrant de l’école, il était accueilli par Sazae1
qui lui dirait alors :
« Tu as passé une bonne journée ? Si tu fais tes devoirs avant d’aller
t’amuser, dans un an tu auras le droit de manger un gâteau. »
Nul doute que Katsuo, et n’importe qui d’autre d’ailleurs, partirait à toutes
jambes vers le terrain vague où l’attend son ami Nakajima.
Nous avons du mal à imaginer la récompense qui nous attend dans le futur.
Alors, nous finissons par choisir la récompense immédiate que l’on peut
aussitôt évaluer. L’économiste comportemental Richard Thaler s’est servi
d’une pomme pour étudier la question. J’aimerais que vous réfléchissiez à
l’option que vous choisiriez.

Question 1
A. Attendre un an pour avoir une pomme.

B. Attendre un an et un jour et recevoir deux pommes.

Ici, la plupart d’entre nous choisiront la réponse B. Puisque nous avons déjà
attendu un an, un jour de plus ne fera pas de grande différence et nous
permettra ainsi de recevoir deux pommes. Or :

Question 2
A. Recevoir une pomme aujourd’hui.

B. Attendre demain et en avoir deux.

Même parmi ceux à avoir choisi la réponse B à la précédente question,


nombreux seront ceux à choisir l’option A ici. Et pourtant, en substance, les
propositions sont identiques – attendre un jour de plus pour avoir une pomme
supplémentaire – à ceux de la question 1. Alors, pourquoi un tel
changement ?
Peut-être que certains aiment plus les pommes que d’autres. Tout le monde
n’est pas attiré par ce fruit comme Adam. Voilà pourquoi l’expérience a été
réitérée avec à la clef une récompense appréciée de tous : l’argent.

A. Recevoir 10 euros le vendredi.

B. Attendre le lundi suivant (soit 3 jours d’attente), et recevoir 25 % en


plus, soit 12,50 euros.
Ce qui est intéressant ici est que si la proposition a été faite bien avant le
vendredi, la plupart des participants ont choisi de manière rationnelle la
réponse B. Mais si ces deux choix leur ont été proposés le jour même, 60 %
des participants ont opté pour la proposition A, récompense plus faible, mais
immédiate.
ACTUALISATION HYPERBOLIQUE
Question 1

A. Attendre un an pour avoir une B. Attendre un an et un jour et recevoir deux


pomme. pommes.

Question 2
A. Recevoir une pomme aujourd’hui. B. Attendre demain et en avoir deux.

Comme vous devez être détendu, tranquillement installé chez vous, vous
aurez sûrement tendance à choisir la réponse B. Mais demandez-vous ce que
vous feriez si le billet voltigeait juste devant vos yeux ?
Nous avons du mal à nous représenter la pomme que nous allons recevoir
dans un an, nous pouvons même avoir l’impression que cela ne nous
concerne en rien. Il est plus facile de décider d’attendre un jour de plus. Les
récompenses différées, qui se situent loin dans le futur, sont considérées
comme ayant moins de valeur que celles qui arrivent plus tôt. Cela ne
s’applique pas qu’à la récompense, mais aussi à la pénalité. Si vous ne faites
pas assidûment vos devoirs d’été, vous risquez d’avoir des problèmes à la fin
du mois d’août, mais votre moi actuel, qui vient à peine d’être en vacances, a
du mal à se les représenter. Fumer peut provoquer un cancer du poumon,
manger beaucoup de sucre peut causer du diabète, mais les pénalités de ce
lointain futur ne sont prises qu’à la légère. Car la cigarette ou le bonbon qui
se trouvent juste devant nos yeux ont beaucoup plus de valeur.

Quoi qu’il en soit,


je veux la récompense immédiate !
Ainsi, le phénomène qui consiste à surestimer la valeur de la récompense à
court terme et sous-estimer celle de la récompense ou pénalité à venir est
appelé, en économie comportementale, « actualisation hyperbolique ». Les
individus ne peuvent pas, à la manière d’un ordinateur, estimer la valeur de
manière rationnelle. Je veux manger tout de suite la pomme qui se trouve
juste devant mes yeux et je préfère les 10 euros que je peux avoir tout de
suite aux 12,50 euros que je pourrais recevoir 3 jours plus tard. En réalité,
l’être humain ne peut attendre.
Et si la récompense se situe dans un avenir très lointain, nous avons du mal
à décider de le faire dès aujourd’hui. Si vous résistez à un mets délicieux qui
se trouve devant vos yeux, et même si vous faites un footing le jour même,
cela ne signifie pas que vous aurez 1 kg en moins sur la balance le lendemain
matin. La perte de poids n’interviendra peut-être qu’un mois ou même 3 mois
plus tard.
L’actualisation hyperbolique peut donc expliquer les difficultés que nous
éprouvons à acquérir de bonnes habitudes comme manger plus sainement,
avoir une vie bien réglée ou ne plus procrastiner.

Pourquoi je ne peux pas attendre la récompense


différée ?
Pourquoi luttons-nous constamment contre d’épineux penchants comme
l’actualisation hyperbolique ? Parce qu’il n’y a pas encore de grandes
différences entre les mécanismes de fonctionnement des peuples de
chasseurs-cueilleurs et les nôtres. La civilisation humaine a émergé il y a
environ cinq mille ans de cela, ce qui ne représente que 0,2 % de l’histoire de
l’humanité. Par conséquent, 99 % du corps et de l’esprit des hommes ont été
forgés en adéquation avec le mode de vie chasseur-cueilleur. L’évolution
d’une espèce requiert des dizaines de milliers d’années. Voilà pourquoi,
aujourd’hui encore, nous adoptons, de manière tout à fait inconsciente, des
stratégies qui se sont révélées efficaces il y a fort longtemps de cela.
La nourriture était (et est toujours) indispensable à notre survie. Quand on
trouvait de quoi manger, consommer la nourriture aussitôt après l’avoir
dénichée était une stratégie efficace, puisque l’on ne savait pas quand aurait
lieu le prochain repas.
La situation, à présent, est complètement différente. Dans les pays
développés, comme le Japon, la plupart d’entre nous n’éprouvent pas de
grandes difficultés à se procurer de la nourriture. Les supermarchés et
supérettes proposent plus qu’il n’en faut de délicieuses denrées alimentaires
riches en calories. La clef pour notre survie aujourd’hui est d’éviter au
maximum de succomber à ces tentations, de faire du sport pour éliminer les
calories superflues – sans que cela devienne une obsession.
Après avoir ingéré la quantité adéquate de calories, dormir comme un loir
pourrait éventuellement être une stratégie efficace. Or, les êtres humains sont
différents des loirs, et ils ont bâti une société dans laquelle on ne peut vivre si
on passe la plupart de son temps à dormir. Les métiers sont devenus
hautement spécialisés : chacun doit poursuivre des études ennuyeuses en
serrant les dents ou passer des examens d’entrée, afin d’obtenir les
qualifications et diplômes nécessaires et profitables à leur travail, pour
pouvoir, dans le meilleur des cas, gagner un bon salaire.
À l’époque où l’individu de sexe masculin craignait d’être à tout moment
dévoré par un prédateur carnivore, il ne pouvait profiter d’une histoire
d’amour ou jouir pleinement d’une vie de célibataire. La stratégie qui se
révélait efficace alors consistait à trouver une femme prête à l’accepter,
d’avoir des relations sexuelles le plus vite possible et assurer sa descendance.
Mais un homme si pressé et pressant aujourd’hui risque très fortement d’être
refoulé.
Les règles du jeu de la société se sont transformées : désormais, la
convention en vigueur est de ne pas sauter sur la récompense juste devant soi
dans le but d’obtenir celle qui arrivera juste après. Cependant, le
comportement des joueurs, lui, n’a pas changé. Voilà pourquoi certains
phénomènes, comme l’actualisation hyperbolique, continuent à se produire et
à nous poser des problèmes.
Les enfants qui réussissent à patienter pour un
marshmallow supplémentaire
Cependant, il existe des individus plus prompts à accepter et à correctement
réagir aux nouvelles règles du jeu. Ce sont des personnes « à la volonté de
fer », capables d’avoir et de garder de bonnes habitudes, prêtes à faire de gros
efforts pour atteindre un objectif. Mais alors, quelle est la nature de la
différence entre ceux qui succombent immédiatement à la tentation de la
récompense et ceux prêts à faire preuve de patience pour une récompense
différée ?
L’expérience la plus célèbre à ce sujet, le fameux « test du marshmallow »,
a été menée par le psychologue Walter Mischel. Le sujet de ce test est l’un
des thèmes centraux de ce livre, alors j’aimerais que nous y prêtions une
attention particulière.
Walter Mischel, de l’université de Stanford, a réalisé le test du
marshmallow entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 sur des
enfants âgés de 4 à 5 ans. L’expérience se déroule de la manière suivante : il
faut tout d’abord laisser les enfants choisir la friandise qu’ils ont le plus envie
de manger parmi celles proposées : marshmallows, biscuits, bretzels…
Ensuite, l’enfant s’assoit et la friandise (le marshmallow a été choisi comme
exemple représentatif) est posée sur une table face à lui. On propose alors à
l’enfant deux options (pour le dire clairement, c’est une expérience un peu
rude pour eux) :
A – Manger le marshmallow tout de suite.
B – Attendre environ 15 minutes que le chercheur revienne. Si le
marshmallow n’a pas été mangé, il en recevra alors deux.
Une sonnette est posée près de la friandise. Si l’envie de la dévorer devient
trop grande, l’enfant peut appuyer sur le bouton et manger le marshmallow
aussitôt. Si l’enfant ne la mange pas et attend patiemment que le chercheur
revienne, il aura le droit à deux marshmallows.
La maîtrise nécessaire à l’acquisition de bonnes habitudes, à savoir ne pas
céder à la tentation de la récompense immédiate pour obtenir une plus grande
gratification dans le futur, est condensée dans ce test.
Certains enfants patientent en humant le parfum du marshmallow, font
semblant de le croquer, ou lèchent la poudre de la guimauve déposée sur
leurs doigts. La plupart des sujets ayant fixé du regard la friandise tout au
long de l’expérience ne l’ont pas réussie. Et si l’un s’autorise à n’en prendre
qu’une seule petite bouchée, il ne peut plus s’arrêter. Face à ce dilemme :
vouloir manger la friandise, mais ne pas pouvoir, l’attitude des enfants, la
main plaquée sur le front et l’air tourmenté, les faisait ressembler à des
adultes.
Les deux tiers des sujets ont pu patienter 6 minutes en moyenne avant de
succomber à la tentation et de croquer la friandise. Le tiers restant a réussi à
attendre 15 minutes, recevant ainsi deux marshmallows en récompense.

Peut-on prédire l’avenir grâce au test


du marshmallow ?
Les résultats de cette expérience sont fascinants. Et les enquêtes de suivi
réalisées sur plusieurs enfants ayant participé à ce test ont révélé des faits
surprenants. Plus le nombre de secondes à avoir patienté était élevé, plus le
score réalisé au SAT (scholastic assessment test, test d’évaluation pour les
étudiants désireux d’intégrer une université américaine) était meilleur. Les
enfants qui avaient pu attendre 15 minutes pouvaient avoir un score au SAT
jusqu’à 210 points supérieur à ceux qui avaient succombé après 30 secondes.
Les enfants qui avaient réussi à attendre étaient plus appréciés par leurs
camarades et professeurs, et avaient accès à des postes mieux rémunérés. Ils
prenaient moins de poids, même à l’âge mûr, avaient un IMC plus faible, et
étaient moins susceptibles de consommer de la drogue. Ce qui est effrayant
ici, c’est qu’il paraît possible de prédire dans les grandes lignes les vies que
mèneront ces enfants, en se basant sur un simple test passé à l’âge de 4 ou
5 ans.
En Nouvelle-Zélande, mille enfants ont fait l’objet d’une étude depuis le
jour de leur naissance jusqu’à celui de leurs 32 ans. Les résultats, de la même
manière, prouvaient que les enfants avec une grande maîtrise de soi avaient
un meilleur état de santé général : ils avaient moins de risque d’être obèses ou
de souffrir d’une infection sexuellement transmissible.

Les questions découlant du test du marshmallow


« Eh bien, la capacité à résister à la tentation immédiate est innée, je
comprends donc pourquoi je ne peux pas avoir ni garder de bonnes habitudes.
Super boulot, merci beaucoup ! », serez-vous tenté de penser, résigné, à la
lumière de ces résultats. Or, ces constats ont beau avoir l’air sans appel, cette
expérience a fait naître plusieurs questions dans mon esprit.
1. On peut penser que les enfants qui ont réussi à attendre ont utilisé
quelque chose comme la « volonté » pour couper court à la tentation qui se
trouvait juste sous leur nez. Alors, si une telle volonté existe vraiment,
comment fonctionne-t-elle ?
Et si la « faiblesse » de la volonté est réellement à l’origine des difficultés à
acquérir de bonnes habitudes, alors comprendre ce qu’elle est nous permettra
de mieux comprendre ce que sont les habitudes.
TEST DU MARSHMALLOW
2. Si cette « volonté » est déjà décidée à l’âge de 4-5 ans, est-il impossible
de l’acquérir ultérieurement ?

La volonté diminue-t-elle au fur et à mesure que


nous l’utilisons ? Le test du radis
Intéressons-nous tout d’abord à la question numéro 1 : comment fonctionne
la « volonté » employée par les enfants pour couper court à la tentation ?
Le « test du radis » est l’expérience la plus célèbre à propos de la volonté.
L’expérience, menée par le psychologue Roy Baumeister, consistait à placer
une assiette remplie de biscuits aux pépites de chocolat tout chauds et un bol
de radis devant des étudiants affamés. L’odeur délicieusement sucrée des
cookies à peine sortis du four embaumait la pièce. Les étudiants furent
divisés en trois groupes :
Groupe A : le groupe autorisé à manger les biscuits.
Groupe B : le groupe qui ne pouvait manger que les radis.
Groupe C : le groupe qui ne pouvait manger ni l’un ni l’autre.
Les sujets malheureux du groupe B, à qui l’on avait dit que les biscuits
étaient destinés à une autre expérience, n’y touchèrent pas, mais reniflaient
leur odeur ou en faisaient tomber sur le sol sans le faire exprès : il était
évident qu’ils étaient complètement séduits par les cookies.
Ensuite, on a invité chacun de ces groupes d’étudiants à se rendre dans une
pièce différente pour résoudre un casse-tête logique. Ce qu’ils ne savaient
pas, en revanche, est qu’il n’y avait aucune solution au problème posé. Ce
n’était donc pas un « test d’intelligence » : on cherchait simplement à savoir
le temps qu’il leur faudrait pour baisser les bras face à un problème difficile.
Les étudiants du groupe A (qui avaient pu manger les biscuits) et ceux du
groupe C (qui n’avaient rien mangé du tout) ont essayé pendant 20 minutes
en moyenne avant de renoncer. Les étudiants du groupe B, qui avaient été
« privés » de biscuits, ont abandonné beaucoup plus vite, après 8 minutes en
moyenne.
Le résultat de cette expérience a été analysé pendant longtemps de la
manière suivante : les membres du groupe autorisé à ne manger que les radis
avaient utilisé beaucoup de volonté pour résister à la tentation des biscuits.
Voilà pourquoi ils avaient très vite renoncé face au casse-tête insoluble. Il en
a donc été conclu que la volonté était une sorte de ressource en quantité
limitée, qui « diminuait » à force d’utilisation.
On peut aisément imaginer et approuver l’idée selon laquelle la volonté
serait en quantité limitée. On pourrait, par exemple, la comparer aux MP
(points de magie) que l’on consomme lorsqu’on lance un sort dans un jeu
RPG2. Si les RPG vous sont totalement inconnus, pensez au réservoir
d’essence d’une voiture : plus on roule, plus le niveau diminue.
Tout cela semble parfaitement corroborer le comportement que l’on finit
par adopter au quotidien. Après une longue journée de travail, on s’arrête à la
supérette pour acheter des friandises ou des petites collations ou on s’imbibe
d’alcool. Dans ces moments-là, nous avons tendance à nous emporter
facilement, la plus petite remarque des autres mettant le feu aux poudres.
Selon une étude, les étudiants soumis au stress en période d’examen
feraient moins de sport, fumeraient plus de cigarettes et consommeraient plus
de junk food. Ils négligeraient également le brossage des dents ou le rasage,
feraient plus de grasses matinées et d’achats compulsifs.
Ce type de comportement vous est certainement familier. Pour ma part,
c’est une situation que je ne connais que trop bien. Bien sûr, la volonté peut
être envisagée comme une ressource susceptible de diminuer. On ne peut
travailler durant de longues heures sur des sujets difficiles, comme des
calculs complexes ou tout simplement lorsque l’on crée. Le stock d’énergie
s’épuise et le besoin de repos se fait sentir.

La volonté ne fait pas que diminuer


Certains se sont demandé si la volonté ne serait pas qu’une question de
glycémie. Pour confirmer cette hypothèse, une expérience a été menée avec
de la limonade, avec d’un côté, de la « vraie limonade » sucrée avec du sucre,
et de la « pseudo-limonade », dans laquelle le sucre avait été remplacé par
des édulcorants. Le taux de glucose des sujets ayant bu la pseudo-limonade
n’avait pas augmenté, ils ont très vite renoncé face à un test de volonté. C’est
bien connu : lorsque l’on a trop faim, la motivation n’est pas au rendez-vous.
Alors, doit-on réellement envisager la volonté comme un stock d’énergie
qui diminuerait au fur et à mesure de son utilisation, ou comme un problème
de taux de sucre dans le sang ? Cependant, trop de points demeurent
inexpliqués.
Dans mon journal de bord, certaines entrées se répètent plus que d’autres.
Par exemple :
« J’ai mangé des nouilles instantanées → j’ai fini par ouvrir un paquet de
chips → j’ai mangé une glace en dessert. » Puisque j’avais mangé des
nouilles instantanées, finir le paquet de chips finalement n’avait plus
vraiment d’importance. Tout comme terminer le repas par une glace. Je me
laissais bien souvent entraîner dans la spirale infernale de l’excès.
Or, puisque je n’avais résisté ni aux nouilles instantanées ni aux chips, je
n’avais pas utilisé ma volonté et mon taux de sucre était censé être élevé.
Alors, pourquoi ma volonté qui avait été préservée et même restaurée ne
m’avait pas permis de résister à l’ultime tentation de la glace ?
Quand je rentre de la salle de sport, je suis généralement affamé et censé
avoir épuisé le stock de ma volonté, et pourtant ! Quand je fais un détour par
le supermarché, je n’achète pas de produits mauvais pour la santé. Au
contraire, j’ai tendance à les choisir les jours où, pour avoir trop lambiné, je
n’ai pas pu me rendre à la salle de sport alors que je pensais y aller.

Ne rien faire nuit à la volonté


Si la volonté est pareille à une sorte d’énergie qui diminue quand on
l’utilise, la préserver pourrait alors se révéler être une stratégie efficace.
Comme dans le manga Slam Dunk, où Rukawa (un rival du personnage
principal) renonce à jouer la première partie du match, pour tout donner lors
de la deuxième mi-temps.
Mais si tel était vraiment le cas, alors on pourrait dire que les jours où on ne
s’est pas réveillé à l’heure, que l’on a fait la grasse matinée et que l’on est
arrivé de justesse à une réunion de travail, notre volonté aurait pu être
employée de manière efficace. Mais en voyant un de vos collègues passer sa
matinée à ne rien faire, avez-vous déjà pensé qu’il avait décidé de se
préserver le matin pour être plus efficace l’après-midi ? Généralement, quand
on passe sa matinée à ne rien faire, l’après-midi se déroule de la même
manière.
Quand je n’arrive pas à me réveiller à l’heure désirée, je ne peux pas me
concentrer sur mon travail par la suite, ou j’ai du mal à m’impliquer dans
mon cours de sport de l’après-midi. Je regrette de n’avoir pu faire ce que
j’avais à faire, et je n’arrive que difficilement à entamer une autre activité. En
d’autres termes, la volonté diminue quand on fait, mais aussi quand on ne fait
pas.

La volonté est influencée par les émotions


Après une orgie de nourriture ou un excès d’alcool, le taux de sucre dans le
sang est restauré, mais les regrets commencent à pointer le bout de leur nez.
Et lorsqu’on ne réussit pas à accomplir les habitudes que l’on s’était fixées, il
y a autodépréciation.
Réfléchir à la question de la volonté avec le mot-clef « émotion » peut nous
permettre de résoudre plusieurs énigmes. Lorsque l’on court un marathon, les
encouragements des spectateurs nous poussent à aller encore plus loin, même
si nos genoux commencent à nous faire souffrir et que l’on croit avoir atteint
nos limites. Car la volonté a été rétablie.
Il existe une variante au test de la limonade cité précédemment. Il ne s’agit
plus de faire boire la « vraie » limonade, mais de demander au sujet de la
recracher après l’avoir mise dans la bouche. Goûter à la limonade sans
l’avaler a les mêmes effets que les encouragements des spectateurs d’un
marathon. L’énergie ou le taux de sucre n’ont pas été véritablement
réapprovisionnés, mais ces actions sont ressenties comme de petites
récompenses qui procurent un réel sentiment de joie.

L’inquiétude nuit à la volonté


Le goût de la limonade dans la bouche ou des encouragements peuvent
permettre de restaurer la volonté. À l’inverse, un sentiment négatif, comme la
dépréciation de soi ou l’inquiétude, peut consumer la volonté. Et ne pas
pouvoir réaliser une habitude que l’on s’était fixée fait naître des sentiments
négatifs. Nous finissons alors par entrer dans un cercle vicieux : comme nous
perdons de la volonté, nous ne pouvons pas nous atteler à la tâche qui nous
attend ensuite, ce qui nous fait perdre encore plus de volonté. Une expérience
a été menée à ce sujet avec de la sérotonine. La sérotonine est un messager du
système nerveux central et intervient dans de nombreuses fonctions
physiologiques. Quand elle est à un niveau trop bas, on éprouve de
l’inquiétude. Il semblerait même qu’elle joue un rôle dans la dépression.
Les résultats de cette expérience, qui consistait à augmenter ou à diminuer
sur une courte période la sérotonine dans le cerveau humain, ont révélé que
lorsque le taux de sérotonine était faible, on était plus enclin à choisir la
récompense immédiate, et lorsqu’il était élevé, on était plus à même
d’attendre la récompense différée. Avec un faible taux de sérotonine, on
éprouve de l’inquiétude, ce qui nous fait perdre de la volonté, freinant ainsi la
réalisation de nos bonnes habitudes.

Les émotions détériorées


Le mot-clef « émotion » peut également nous permettre de porter un regard
différent sur les résultats du test du radis. Imaginez que l’on vous interdise de
toucher à ces délicieux biscuits aux pépites de chocolat posés juste devant
vous. Vous aurez peut-être l’impression de ne pas être respecté, peut-être
même ressentirez-vous de la tristesse ? Et si nous supposions que ce n’est pas
la volonté qui a été détériorée lors de ce test, mais les émotions ? Lorsque
l’on est débordé de travail, que nous n’avons pas le temps de cuisiner, il
arrive d’acheter des sandwichs ou des plats tout prêts au supermarché. Nous
n’avons pas fait la cuisine, notre volonté a donc normalement été préservée,
or, ce que nous ressentons au moment de croquer dans le sandwich
s’apparente à de la tristesse ou à de la mélancolie. Ce n’est pas forcément un
problème de goût (le sandwich peut être très bon), nous avons simplement
l’impression de ne pas prendre bien soin, tout du moins pas assez, de nous. Se
faire une manucure soigneuse, des masques du visage, appliquer de la crème
pour le corps sont des actions contraignantes qui nécessitent de la volonté,
mais prendre ainsi soin de soi permet de consolider l’estime de soi. De même,
je veille à faire toujours plus de rangement et de tri lorsque je suis très
occupé. Lorsque nous sommes débordés de travail, notre lieu de vie tend à
être en désordre, car nous pensons que nous n’avons pas de temps à consacrer
à cela. Pour ma part, lorsque je fais le ménage ou du rangement, j’ai
l’impression que je peux ensuite travailler de manière plus efficace. Faire le
tri ou le ménage permet sans aucun doute de nous faire nous sentir mieux et
d’augmenter notre volonté.

Patienter pour le second marshmallow lorsque


l’on est d’humeur joyeuse
Les résultats au test du marshmallow varient en fonction des émotions du
moment. Lorsqu’il a été demandé aux enfants de patienter en pensant à
quelque chose de joyeux, ils ont réussi à attendre trois fois plus longtemps. Et
lorsqu’ils ont dû imaginer une scène triste, ils ont renoncé très rapidement.
Edward Heart, psychologue, a réparti les sujets de son étude en deux
groupes, auxquels il a montré un film avant de leur demander d’accomplir
une tâche. Le groupe A a regardé un film divertissant et le groupe B, un film
triste.
Le groupe A a été 20 fois plus efficace que le groupe B dans
l’accomplissement de la tâche. Si des toboggans sont mis à la disposition des
employés au sein de la société de production de cinéma Pixar, et si les
bureaux de Google sont aussi colorés et remplis de jouets, un peu comme des
crèches pour adultes, ce n’est pas simplement pour en mettre plein la vue.

Système chaud et système froid


Ne pas accomplir une tâche peut faire naître en nous des sentiments
négatifs, et nous perdons alors toute motivation pour accomplir la tâche qui
nous attend ensuite. Pour quelles raisons nous laissons-nous entraîner dans un
tel cercle vicieux ?
Pour le comprendre, il faut jeter un coup d’œil dans notre cerveau. La partie
ancestrale du cerveau, ou cerveau primitif, serait recouverte par une nouvelle
partie apparue au cours de l’évolution de l’homme, un peu à la manière des
couches d’un oignon. Notre cerveau serait organisé en deux systèmes :
1/le système instinctif. Rapidité, réflexe, impulsivité. Système qui prend des
décisions en s’appuyant sur les sentiments ou les intuitions. Dans ce cerveau
ancien, on retrouve le système limbique, le complexe amygdalien et le
striatum.
2/le système rationnel. Réactions plus lentes. Nécessite de la concentration.
Système qui réfléchit, imagine, planifie. Ce néocortex est situé
essentiellement dans le lobe frontal.
Plusieurs appellations sont possibles pour ces deux systèmes, mais ici, nous
prendrons Walter Mischel (auteur du test du marshmallow) pour référence et
allons parler de système chaud (1) et système froid (2).
LES DEUX SYSTÈMES DE NOTRE CERVEAU
Imaginons plutôt : le système chaud est aiguillonné et attisé par les
sentiments et les désirs (« Chouette ! Un marshmallow ! J’ai envie de le
manger ! » « Mange-le ! »). Le système froid, lui, analyse et prend des
mesures avec le plus grand sang-froid (« Si tu ne le manges pas, tu auras une
plus grande récompense plus tard… »).
Ces deux systèmes sont complémentaires et interagissent en permanence.
Quand l’un est activé, l’activité de l’autre est inhibée.

Le système chaud qui réagit à toute allure


Le système chaud impulsif s’active lorsque nous éprouvons de l’inquiétude
ou tout autre sentiment négatif. Comme dit un peu plus tôt, les mécanismes
de l’être humain sont ancestraux. À cette époque, la cause du stress était sans
aucun doute liée à l’inquiétude de savoir si on allait pouvoir trouver de la
nourriture ou non. Manger ce qui se trouvait juste devant nos yeux, se
reposer, remettre à plus tard ce que l’on avait à faire étaient sûrement des
moyens efficaces pour lutter contre le stress.
Or, à l’heure actuelle, le travail a beau nous stresser, on ne se retrouve que
très rarement dans une telle situation de crise, où la nourriture vient à
manquer. Malgré tout, les tactiques adoptées en réponse au stress demeurent
inchangées. Car c’est là que l’instinct entre en scène. Ingurgiter beaucoup de
calories et fuir ce qui nous déplaît nous paraît alors rationnel. On peut de
cette manière expliquer nos excès de nourriture ou d’alcool, ou le fait de
remettre à plus tard un travail qui nous attend.

Le refroidissement opéré par le système froid


Le système froid a pour rôle de contrôler le caractère « fonceur » du
système chaud. Par exemple, je marche sur le trottoir un jour de pluie quand
je me fais éclabousser par une voiture qui roule à toute allure. Je me fâche, je
crie ma colère = réaction du système chaud. Mais le « raisonnement » du
système froid peut la contrôler. Le raisonnement opéré par le système froid
nous permet de voir non pas la réalité brute, telle qu’elle est, mais légèrement
différemment : « Peut-être que sa femme a des contractions et qu’elle est sur
le point d’accoucher, c’est pour cette raison qu’il roule à toute vitesse en
direction de l’hôpital », et d’apaiser la colère. Walter Mischel parle de
refroidissement du système chaud par le système froid. C’est en ce sens qu’il
y a interaction entre les deux systèmes.

La volonté est-elle innée ?


S’il nous est possible de prédire l’avenir d’un enfant, tout comme son état
général de santé en fonction de ses résultats au test du marshmallow, alors
tout l’intérêt est de savoir si la volonté est déjà déterminée à l’âge de 4-5 ans.
Selon Walter Mischel, la plupart des enfants qui ont pu attendre
vingt minutes lors du test ont fait preuve d’une grande volonté des dizaines
d’années plus tard. Cependant, cela reste « la plupart » et il y en a pour qui la
volonté a « baissé ». Et parmi les enfants à avoir aussitôt dévoré le
marshmallow, certains, en grandissant, ont réussi à développer un certain
self-control. Cette conclusion redonne de l’espoir, non ?

Changement d’environnement et volonté


Ce qu’il faut garder à l’esprit est que, lorsque le test a été effectué dans des
conditions différentes, les résultats ont changé de manière spectaculaire :
• Non pas présenter un vrai marshmallow, mais projeter l’image d’un
marshmallow : les enfants ont pu attendre 2 fois plus longtemps.
• Cacher le marshmallow sous un plateau opaque : même ceux qui
n’avaient pas pu attendre ont réussi à patienter dix fois plus longtemps.
Supprimer tout simplement la vraie friandise a permis aux sujets de
patienter plus longtemps. Dans l’expérience initiale, les enfants qui avaient
réussi à attendre se distrayaient en faisant des grimaces, imitant un pianiste,
chantant des chansons, ou même fermaient les yeux… Même si la friandise
était juste sous leur nez, ils savaient comment détourner leur attention. À
l’inverse, la plupart de ceux qui ont échoué n’ont pas quitté le marshmallow
des yeux.

Trop soumis à la tentation ?


Pourquoi, alors, ne pas envisager que ce n’était non pas l’absence ou la
faible volonté des enfants qui les avait fait échouer, mais le nombre de
tentations qui était trop élevé ?
Ceux qui ne quittaient pas la friandise des yeux ont fini par la croquer.
Pendant qu’ils la regardaient, ils ont, à de nombreuses reprises, dû imaginer
son goût sucré, son onctuosité, et n’y tenant plus, ont fini par succomber. Par
ailleurs, les sujets de l’expérience à qui l’on avait demandé d’attendre le
retour de l’expérimentateur en pensant à la friandise ont échoué.
La dopamine nous pousse à la faute
Ne pas quitter la friandise des yeux pousse à l’échec. On pourrait presque
dire que c’est la dopamine qui nous pousse à la faute.
La dopamine est un neurotransmetteur qui est libéré quand on éprouve du
plaisir. Il y a sécrétion de dopamine quand on mange un plat délicieux, quand
on gagne de l’argent, quand on fait l’amour… Les individus agiraient en vue
de cette récompense. En réalité, l’action de la dopamine est un peu plus
complexe.
Le neurologue W. Schultz a mené des expériences consistant à offrir
diverses récompenses à un singe. Quand une goutte de jus de fruits était
déposée sur la langue de l’animal, le striatum, région du cerveau où la
dopamine est présente en grande quantité, s’activait aussitôt. Quand une
petite lumière rouge s’allumait juste avant l’attribution de la récompense, le
singe faisait le lien entre la lumière et l’arrivée du jus de fruits, et les
neurones produisant de la dopamine réagissaient non plus à la récompense,
mais à la lumière. En somme, ils ne réagissaient plus à la récompense elle-
même, mais au « présage ».
Il en va de même pour les êtres humains. Prenons quelques exemples. Ce
n’est pas consulter les réseaux sociaux qui provoque en nous de l’excitation,
mais la vue des notifications au-dessus de l’icône de l’application. Ce n’est
pas la bière elle-même qui procure du plaisir, mais c’est le bruit de
l’ouverture de la canette ou du liquide versé dans le verre qui nous donne
envie de la boire.
Une autre expérience a été menée avec de la dopamine. Si on administre à
un rat un médicament qui bloque la dopamine, le rongeur n’essaiera pas de
manger la nourriture qu’on lui présente et finira par mourir de faim. Une fois
la dopamine bloquée, le désir de « vouloir » ne se manifeste plus. Peu
importe si l’animal a faim, peu importe la qualité de la nourriture qui lui est
offerte, il ne fait même pas mine d’essayer de manger.
Ainsi, la dopamine fait penser que l’on « veut » quelque chose, et c’est un
facteur de motivation pour agir. On agit puisque l’on pense « vouloir » cette
chose. Si la dopamine est bloquée, on ne pense plus « vouloir » et c’est
naturellement qu’on n’agit ou ne réagit plus.

Le raisonnement est une compétence du système


froid que l’on peut acquérir ultérieurement
Les enfants qui ont fini par succomber au marshmallow y avaient déjà
goûté auparavant. Sa texture moelleuse, la douceur du sucre qui se répand
dans la bouche… Le simple fait de regarder la friandise a fait se reproduire
dans leur cerveau toutes les sensations qu’ils avaient déjà ressenties en la
mangeant réellement. La dopamine est activée, le désir de vouloir manger
naît et pousse à agir. Lorsque l’on est exposé à plusieurs reprises à cette
tentation, il est naturel, à un moment ou à un autre, d’y succomber.
Se représenter le marshmallow comme un gros nuage blanc permet d’attendre deux fois plus
longtemps

Ainsi, pour pouvoir résister au marshmallow, il faut avant tout ne pas être
tenté. C’est là qu’entre en jeu la force du raisonnement du système froid, et la
manière dont il saisit la réalité qui se trouve devant nos yeux. Quand on a
conseillé aux sujets de se représenter le marshmallow comme un gros nuage
blanc, le temps d’attente a été multiplié par 2. Quand on leur a recommandé
de penser que la friandise était fausse, ils ont pu patienter 18 minutes en
moyenne.
Les enfants ont été capables de patienter en changeant tout simplement leur
manière d’appréhender le marshmallow, car la fonction motivationnelle de la
dopamine avait été affaiblie, et le nombre de tentations réduit.
Les enfants qui ont réussi l’expérience initiale ont eu de l’intuition en
cherchant à détourner leur attention de la friandise. Le raisonnement opéré
par leur système froid avait peut-être déjà atteint un niveau plus élevé que les
autres.
Mais, offrir des conseils aux sujets leur a permis de mettre en pratique ce
raisonnement. Cela veut donc dire que le raisonnement opéré par le système
froid est une compétence que l’on peut développer tout au long de sa vie.

Les mensonges du système froid


Penser que la friandise est fausse ou qu’elle est un nuage est possible grâce
à la fonction « raisonnement » du système froid. Ainsi, c’est bien ce
raisonnement que l’on doit chercher à forger et non la volonté, qui demeure
un concept très flou.
Certains enfants ont « triché » lors du test du marshmallow, en utilisant leur
système froid de manière efficace. Un enfant a mangé l’intérieur de la
friandise, ne laissant que « l’enveloppe » du marshmallow, pour faire croire
qu’il n’y avait pas touché. Un autre a ouvert un biscuit en deux, en a léché le
fourrage et a remis le tout à sa place, comme si de rien n’était. Certains sujets
ont donc utilisé leur système froid, chargé de déduire, calculer et planifier,
pour obtenir la récompense immédiate.
Lorsque vous « prévoyez » d’avoir un petit creux un peu plus tard et que
vous finissez par manger alors que vous n’avez pas faim ; que vous faites une
orgie de nourriture sous prétexte que c’est un jour de fête ; que vous vous
octroyez une petite récompense pour avoir réussi à résister la veille : c’est
votre système froid qui invente des excuses ou des raisons qui vous
arrangent. Planifier un crime de grande envergure, comme dans le film
Ocean’s 11, est encore, à n’en pas douter, du ressort du système froid.
Nous ne pouvons pas trop compter sur notre volonté puisqu’elle est
influencée par les sentiments et les émotions. Et nous utilisons parfois notre
système froid pour fabriquer des excuses qui nous arrangent. Finalement,
c’est comme si on se retrouvait bloqué dans une impasse. Alors, que faire
pour en sortir ?

Une volonté de fer = avant tout, ne pas être tenté


La référence que nous allons utiliser ici est une étude réalisée en
Allemagne, à laquelle 205 sujets ont participé. 7 fois par jour, durant 7 jours,
les sujets recevaient un message sur un téléphone qui leur avait été donné :
avait-il un désir sur le moment, ou en avait-il eu un dans les 30 minutes
précédentes ? Ils devaient également rapporter la nature de ce désir. Le
résultat de cette expérience a suggéré qu’un individu devait résister à la
tentation 4 heures par jour en moyenne. Je veux dormir plus, mais je dois me
lever bientôt, j’aimerais me reposer, mais j’ai du travail, cette pâtisserie a
l’air délicieuse, mais je dois résister. Nous sommes soumis à des désirs de
l’ordre du marshmallow quantité de fois au cours d’une journée.
Ce qui a été mis en lumière grâce à cette étude est que les sujets que l’on
pensait avec une volonté de fer étaient moins soumis à la tentation, ou sur des
périodes plus courtes. Ils ne possédaient pas une volonté telle qu’ils
pouvaient résister à la tentation à de nombreuses reprises, mais la fréquence
ou la durée des tentations auxquelles ils étaient soumis étaient plus faibles.

Se faire du souci = solliciter sa conscience


La capacité des sujets à rapporter en détail les conflits ressentis signifie, en
d’autres termes, qu’ils avaient pris pleinement « conscience » du problème
auquel ils étaient confrontés et s’inquiétaient de la manière dont ils devaient
le régler.
Quand je cours un marathon et que tout va bien, je cours sans utiliser ma
conscience. Le grand marathonien Arata Fujiwara a déclaré dans une
interview qu’il « dormait » jusqu’au kilomètre 30. Peut-être peut-on parler
d’un état proche de celui de la méditation.
Cependant, quand mes genoux commencent à me faire souffrir, ce n’est
plus possible. « Encore combien de kilomètres ? 10 sûrement… » « Je ferais
peut-être mieux d’abandonner la course… » « Encore combien de
kilomètres ? Mince, je n’ai couru que 500 mètres depuis tout à l’heure ! » Les
occasions de faire appel à ma conscience se multiplient. La raison pour
laquelle le temps paraît beaucoup plus long quand on souffre est que l’on
prend conscience du temps qui s’écoule à de nombreuses reprises.
Je me suis installé à la bibliothèque pour rédiger ce livre, et quand
l’inspiration est là, j’oublie le temps qui s’écoule, un peu comme dans un
rêve. C’est ce qu’on appelle un état de « flow », ou état de grâce. Or, quand je
me retrouve bloqué dans l’écriture, je commence alors à me dire que j’ai
envie d’arrêter. J’ai essayé de compter le nombre de fois où cette pensée me
venait à l’esprit, et une fois atteint la dizaine, ne pouvant plus le supporter, je
quittais la bibliothèque.

Prise de décision = tirer à pile ou face


Les parties extrêmement irrationnelles dans le processus de la prise de
décision de l’être humain sont nombreuses. Si je vous demandais de jouer à
pile ou face avec moi, quel côté choisiriez-vous ?
Vous pourrez probablement me répondre aussitôt. Mais, si je venais à vous
interroger sur les raisons qui vous ont poussé à choisir ce côté plutôt que
l’autre, vous ne pourriez sûrement pas me les expliquer convenablement.
Vous avez certes pris cette décision par vous-même, mais vous ne savez pas
vraiment pourquoi. Lorsque vous êtes perdu, vous pouvez choisir de prendre
la route de gauche, ou plutôt celle de droite, sans raison particulière.
Alors, ne serions-nous pas confrontés au même cas de figure lors du test du
marshmallow ? À savoir choisir entre manger, ou ne pas manger la friandise.
Voici ce que Walter Mischel écrit à propos d’un enfant qui n’a pas pu résister
au marshmallow : « Un jour, lors d’un test, j’ai vu la main d’un élève de
maternelle plonger subitement et frapper la sonnette violemment, tandis que
l’enfant, étonné, regarda avec désespoir ce qu’a fait sa main. »
L’acte, dans ces moments-là, est un acte que l’on a effectivement choisi de
faire, mais peut également nous apparaître comme un acte que nous n’avons
pas choisi.

Habitude = action que l’on accomplit


sans presque y penser
Se laisser tenter par un marshmallow, c’est un peu comme jouer à pile ou
face. Sur le côté pile de la pièce que l’on jette est inscrit « patienter et ne pas
manger le marshmallow » et « manger le marshmallow » sur le côté face. Si
vous avez de la chance, vous pourrez probablement « patienter » plusieurs
fois. Mais plus vous allez jouer à pile ou face, plus vous allez lancer la pièce
en l’air, plus vous risquez, à un moment ou à un autre, d’accomplir un acte
que vous-même ne désirez pas faire.
Ne pas pouvoir attendre ne signifie pas que nous n’avons pas de volonté, ou
que notre volonté est faible. C’est simplement que la pièce a été lancée à de
très nombreuses reprises. Ainsi, la tactique à adopter pourrait être de ne pas
lancer la pièce, soit de ne pas solliciter notre conscience. Dès l’instant où la
conscience est sollicitée, cela signifie que nous nous trouvons confrontés à un
problème susceptible de nous causer du souci.
Par exemple, on ne se tourmente pas de savoir s’il faut choisir entre
recevoir 1 euro ou en recevoir 10. La prise de décision immédiate est
possible, et ce, sans faire appel à notre conscience. Nous commençons à être
gênés lorsqu’il s’agit de choisir entre deux valeurs en apparence identiques,
et que nous nous demandons laquelle en a le plus. Quand on doit se décider
entre recevoir une pomme aujourd’hui ou deux demain, nous faisons appel à
notre conscience, et cela sème le trouble.
Une action que l’on peut accomplir sans presque réfléchir, sans en avoir
conscience, voilà ce qu’est, selon moi, la définition d’une habitude. Mais
qu’est-ce que la conscience ? Comment peut-on agir sans faire appel à elle et
ainsi devenir capable de se créer de bonnes habitudes ? C’est ce que nous
allons voir en détail dans le deuxième chapitre.

Résumé du chapitre I
• Surestimer la valeur de la récompense immédiate et sous-estimer celle de
la récompense ou de la pénalité futures est un phénomène appelé
« actualisation hyperbolique » en économie comportementale. C’est pour
cette raison qu’il est si difficile de prendre de bonnes habitudes.
• Les enfants qui ont réussi à attendre pour avoir deux marshmallows, une
fois adultes, obtiennent de meilleurs résultats et ont une meilleure vie
sociale.
• La volonté ne diminue pas simplement parce qu’on l’utilise.
• La volonté est influencée par les émotions, et elle est perdue à cause de
l’anxiété et de la dépréciation de soi. Si vous prenez des mesures qui
nécessitent de la volonté, celle-ci ne diminuera pas, et ce, grâce aux
sentiments positifs que vous ressentirez.
• Les deux systèmes, dans notre cerveau : le système froid, rationnel, et le
système chaud, lié aux émotions, sont complémentaires et interagissent
en permanence.
• Ce marshmallow est un nuage : le système chaud peut être inhibé lorsque
l’on porte un regard différent sur ce qui se trouve devant nos yeux.
• Les émotions ne peuvent être supprimées : nous ne pouvons donc pas
toujours compter sur notre volonté. Le système froid est utilisé
intentionnellement pour fabriquer des mensonges et de bonnes excuses.
• Les individus que l’on dit avec une forte volonté n’ont pas « conscience »
d’être tentés.
• Solliciter sa conscience pour savoir quelle récompense a la plus grande
valeur sème le trouble.
• Une habitude est une action que l’on accomplit sans presque y penser.
Pour prendre une habitude, il est indispensable de réduire le nombre
d’entrées en scène de la conscience.
1. Du très populaire manga et dessin-animé Sazae-san.
2. Role Playing Game : jeu de rôle.
Chapitre II
Qu’est-ce que l’habitude ?
L’habitude est une action que l’on accomplit sans
presque y penser
Il n’y a pas plus pauvre hère qu’un homme chez qui
l’indécision seule est devenue habitude, et qui doit
délibérer et vouloir pour allumer un cigare, boire un
verre, se lever le matin et se coucher le soir, et pour
entreprendre le moindre travail. La bonne moitié de sa
vie se passe à prendre et à regretter des décisions qui
devraient lui être naturelles jusqu’à n’exister plus
pour sa conscience.
WILLIAM JAMES

L’habitude est donc une action que l’on accomplit sans presque y penser.
La situation dans laquelle une action est devenue une habitude est, à mon
avis, une situation dans laquelle on ne sollicite plus ou peu sa conscience, et
où elle devient « inconsciente ». Ainsi, la prise de décision, mais aussi le
souci engendré par l’hésitation entre faire ceci ou plutôt cela, ou encore le
choix qui consiste à savoir de quelle manière le faire, ne sont plus. Les tracas,
les choix, la prise de décision sont des sujets de l’ordre de la conscience.
Selon une étude menée par l’université de Duke, 45 % de nos actions
quotidiennes seraient des habitudes et non des décisions. Des questions nous
assaillent constamment. Que manger au déjeuner ? Quel film regarder ce
soir ? Nous devons choisir et décider des actions que nous allons faire de
manière consciente. Et si l’habitude est une action que l’on accomplit sans
presque y penser, alors ce pourcentage ne vous paraît-il pas excessif ?
Cependant, lorsque l’on est ennuyé parce qu’on ne sait pas quel restaurant
choisir pour déjeuner, que l’on finit par entrer dans un établissement
quelconque et, qu’à peine assis, on commande une bière ou un soda : cette
décision nous a-t-elle sérieusement causé du souci avant qu’on la prenne ?

L’habitude dès le réveil


Voyons un peu les actions que l’on accomplit dès le réveil : quitter le lit, se
diriger vers les toilettes, prendre une douche. Avaler un petit déjeuner, se
brosser les dents, s’habiller, enfiler ses chaussures et sortir. Il s’agit là d’une
procédure établie à l’avance. Mais les actions accomplies depuis le lever ne
ressemblent-elles pas à un rituel ?
En temps normal, lorsque nous nous brossons les dents, nous ne
réfléchissons pas à la quantité de dentifrice nécessaire, ni ne nous demandons
par quelle dent nous allons commencer. Tout comme nous ne nous
questionnons pas sur la manière dont nous allons faire nos lacets ce jour-là.
Tous ces gestes sont effectués sans faire appel à la conscience. Il n’est pas
fréquent de penser que ce rituel matinal est difficile à mener, ou qu’il
nécessite beaucoup d’efforts. Nous pouvons donc affirmer ici que pour la
grande majorité des adultes, ces actions sont devenues des habitudes.
Or, pour un enfant, cette série d’actions peut être synonyme de gros efforts.
Il a besoin d’aide pour aller aux toilettes, se brosser les dents, boutonner son
manteau ou faire ses lacets… Quantité d’obstacles se dressent sur son
chemin, et les franchir nécessite une patience et une endurance à toute
épreuve. Il peut arriver qu’ayant épuisé toute sa volonté, l’enfant s’endorme
avant même d’avoir fini les préparatifs. Répéter ces gestes tous les jours les
transforme en automatismes. Et un adulte qui accomplit ces gestes de manière
presque inconsciente peut ne pas comprendre pourquoi l’enfant peine à les
exécuter.

De la difficulté d’expliquer le processus


Bien sûr, nous continuons d’apprendre, même à l’âge adulte. Pour ma part,
j’ai recommencé à conduire il y a peu, dix-huit ans après avoir passé mon
permis. Dans les premiers temps, je récitais dans ma tête les étapes
nécessaires à la procédure, ne serait-ce que pour démarrer la voiture. Boucler
sa ceinture de sécurité, appuyer sur le frein, tourner la clef, enlever le frein à
main, appuyer sur l’embrayage… Aujourd’hui, je peux conduire une voiture
manuelle. Mes pieds et mes mains bougent automatiquement, sans avoir
besoin d’y penser, et la manière dont fonctionne ce processus est bien
difficile à expliquer.
Quand je n’étais pas encore tout à fait habitué à conduire, je devais focaliser
toute mon attention sur cette action. Quand je voyais les autres conduire en
écoutant de la musique, j’avais l’impression d’être témoin d’un exploit
incroyable. Désormais, je peux tout à fait conduire sans y penser, et en
écoutant un cours d’anglais.
Celles et ceux qui n’ont pas le permis et se déplacent à vélo savent à quel
point il est complexe d’expliquer le processus à un non-initié, à savoir
comment pédaler ou encore le secret pour garder l’équilibre. Demandez donc
à un accro du téléphone comment fonctionne la saisie automatique lorsqu’il
écrit un mot en particulier, par exemple « exemple »…

Les somnambules cuisinent ou conduisent


Enfant, j’avais très peur lorsque je devais casser un œuf. J’étais aussi tendu
que si je manipulais un objet extrêmement précieux. Je me souviens de la
toute première fois où j’ai cuisiné des œufs au plat : je pense l’avoir fait en
sollicitant considérablement ma conscience : la quantité d’huile nécessaire,
feu vif ou feu doux… Aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’une « recette »
quand je fais des œufs au plat ou à la coque, mes mains bougent quasiment de
manière automatique.
Ma mère, excellente cuisinière, maîtrise la préparation de nombreux plats.
Si un voisin vient à lui apporter des légumes de son jardin alors qu’elle va
passer à table, elle peut immédiatement les préparer et les présenter pour le
repas. Elle ne consulte pas de livres de cuisine, n’utilise pas d’outils de
mesure pour les condiments. J’ai l’impression qu’il lui suffit de regarder les
ingrédients pour que l’idée d’un plat surgisse aussitôt dans son esprit. Ma
mère ne s’est jamais plainte de faire la cuisine, n’a jamais dit que cela
l’ennuyait. Lorsque l’on en vient à penser qu’une action est assommante, ou
laborieuse, cela signifie que nous réfléchissons à la marche à suivre pour
l’accomplir, preuve que la conscience est en marche. Comme ma mère
cuisine sans même y penser, cela ne l’ennuie pas.
On dit que les personnes atteintes de somnambulisme peuvent, durant les
phases de sommeil profond, faire la cuisine ou conduire sans en avoir eux-
mêmes conscience. Une fois l’action terminée, ils n’en conservent aucun
souvenir. La partie du cerveau qui surveille les actions est endormie, tandis
que celle qui dirige les actions complexes est bel et bien active. En résumé,
ils peuvent entreprendre des actions complexes sans solliciter leur
« conscience ».
Les fourmis, que l’on présume sans conscience, creusent des trous,
transportent de la terre, et ne ménagent pas leurs efforts dans les tâches
qu’elles accomplissent. Ces insectes n’ont pas besoin de compter sur la
motivation ou l’enthousiasme pour entreprendre un travail.

La conscience, pareille à un « journal »


Il est donc possible d’agir de manière complexe sans conscience. Ce que
nous considérons habituellement comme « je » est la conscience. Penser à ce
que l’on va faire à dîner, trouver un paysage magnifique, s’inquiéter de ce
que les gens disent à notre sujet… Mais qu’est-elle vraiment ?
Dans son ouvrage Incognito : les vies secrètes du cerveau, le
neuroscientifique David Eagleman compare la conscience humaine à un
journal. Voici une série d’événements quotidiens d’un pays donné : les usines
fonctionnent et les industries expédient des marchandises. La police poursuit
les criminels, les docteurs opèrent, les amoureux se donnent rendez-vous,
l’électricité passe par les câbles électriques, les égouts se chargent en eaux
usagées. Or, personne n’a la capacité ni ne veut être au courant de tous les
faits sans exception qui se déroulent dans son pays. Il est donc indispensable
de faire un résumé, de sélectionner uniquement les événements les plus
importants, et pour cela, il existe les journaux.
Ce que l’on attend d’un journal n’est pas qu’il nous annonce la quantité
d’herbes mangées par les vaches du pays entier, mais qu’il nous tienne
informés si jamais une nouvelle crise de la vache folle venait à survenir. Non
pas combien de tonnes de déchets ont été jetées la veille, mais si une nouvelle
usine de traitement des déchets risque d’être construite dans le voisinage.
De la même manière, la conscience humaine ne peut appréhender en détail
ce qui se passe dans les 60 mille milliards de cellules de notre corps ni les
échanges de signaux électriques entre les milliards de neurones de notre
cerveau. Chaque seconde, notre cerveau traite 400 millions de bits
d’informations et on estime que seuls environ 2 000 bits d’entre elles sont
traités par notre conscience. Les circuits neuronaux de notre cerveau – notre
inconscient – recueillent une quantité colossale d’informations, à la manière
d’un journaliste. Et seul un résumé de ces informations est délivré à notre
conscience, comme peut le faire un journal.

Chaussure droite ou chaussure gauche ?


Lorsque l’on répète une série d’actions sans rencontrer le moindre
problème, on ne fait pas appel à la conscience. Si arrêter une mauvaise
habitude, comme croiser les jambes ou se tenir le dos voûté s’avère si
difficile, c’est justement parce que nous l’effectuons sans presque en avoir
conscience.
Quelle chaussure avez-vous enfilée en premier ce matin avant de sortir ? La
droite ou la gauche ? À mon avis, peu d’entre nous sont capables de s’en
souvenir clairement. Parce que cette action n’a pas été décidée avec la
conscience, elle est, en général, fixée d’avance.
Yûji Ikegaya, spécialiste du cerveau, a donné cet exemple très intéressant :
même si nous voyons toujours notre nez, nous n’en avons pas conscience.
LA CONSCIENCE HUMAINE EST COMME UN JOURNAL
Effectivement, le nez est en plein milieu de notre champ visuel, et lorsque
l’on cherche à le voir, on peut. Mais ce n’est pas un événement qui doit
absolument paraître dans le journal.

Quand fait-on appel à la conscience ?


Examinons maintenant plusieurs situations dans lesquelles nous faisons
appel à notre conscience. Prenons l’exemple simple de la marche. Le
squelette humain, à l’âge adulte, comporte plus de 200 os, entre 230 et
360 articulations, et plus de 600 muscles. Lorsque l’on marche, ces parties
effectuent un travail d’équipe très précis. Faire marcher un robot est une
tâche ardue, car il faut d’abord tout lui enseigner – programmer : la force et
l’angle de chaque partie sollicitée, le niveau de contact de la plante du pied
avec le sol, combiné avec l’état du sol…
Nous pouvons marcher et faire des promenades sans avoir conscience de le
faire. C’est seulement lorsque nous marchons sur quelque chose de mou ou
de dur, ou que nous avons mal aux pieds par exemple, que notre conscience
est sollicitée.

Maux de ventre : les gros titres


Qui n’a jamais eu mal au ventre en cours ? Même si, d’ordinaire, vous le
passez à somnoler, à griffonner ou la tête dans les nuages, quand vous
commencez à ressentir des douleurs, l’ambiance change du tout au tout.
Et les gros titres des journaux commencent peu à peu à se modifier :
Un déséquilibre inquiétant : la faute à l’estomac ?
Un suspect dans le viseur : le repas copieux de la veille
Encore 30 minutes avant la fin du cours : comment gérer une situation de
crise ?
Relative accalmie sur le front des douleurs abdominales : un moment de
paix bien trop court
Grand nombre de journaux livrés = conscience fréquemment sollicitée.
Vous n’arrivez plus à vous concentrer sur le cours, et le temps paraît long,
très long. Tout comme un fait exceptionnel fera la une d’un journal, la
conscience est appelée lorsqu’un événement inhabituel se produit.

Et le libre arbitre ?
Les hommes se croient libres pour cette seule cause
qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des
causes par où ils sont déterminés.
SPINOZA

La conscience est un peu comme un dirigeant qui réfléchit et décide des


actions à mener. Or, ce n’est pas toujours lui qui donne des ordres et la rue
peut d’ordinaire accomplir des actions de manière spontanée.
Lorsque l’on est en plein travail et que la fatigue commence à se faire
sentir, ce n’est pas le dirigeant qui ordonne d’étirer les bras en levant les
mains paumes vers le ciel.
Dans les années 1980, Benjamin Libet a mené une expérience célèbre
concernant le manque de fiabilité du dirigeant que l’on appelle « conscience
humaine ». Les individus participants à cette étude devaient bouger le doigt
(ou encore le poignet) quand ils le désiraient. Des électrodes placées sur leur
crâne suivaient leur activité cérébrale. Nous avons trois temps :
1.le moment où le sujet pense bouger le doigt selon sa propre volonté,
2.le moment où le signal de commande du mouvement apparaît dans le
cerveau,
3.le moment où le doigt bouge effectivement.
Les résultats de cette étude ont révélé en réalité l’ordre suivant : 2 → 1 →
3. Le signal de commande du mouvement relevé dans le cerveau apparaît
350 millisecondes avant que le sujet ne prenne la décision de bouger le doigt.
Le cerveau commence donc déjà à se préparer à bouger le doigt avant qu’on
ne décide de le faire.
Cette expérience a donné lieu à de grands débats, puisqu’elle semblait nier
la possibilité du libre arbitre. Cependant, on peut tout à fait comprendre que
l’action ne démarre pas de zéro et qu’une certaine activité cérébrale lui est
antérieure.

Qui est le DJ qui choisit les airs que je fredonne ?


Fredonner un air est une action complètement différente de celle de choisir
une chanson sur un jukebox ou au karaoké. Si c’est un jukebox, vous
choisissez, à l’aide de votre conscience le titre qui vous plaît le plus parmi
ceux proposés. Mais lorsque l’on se met tout à coup à fredonner, à aucun
moment on ne s’est demandé quelle chanson on allait bien pouvoir chanter.
Pour ma part, les airs que je fredonne sont en général des chansons que je
n’ai absolument pas envie de chanter, comme les jingles insipides entendus
au supermarché et dont je me moque éperdument. Ce sont des airs
sélectionnés par un DJ caché dans un lieu dont je n’ai pas conscience.
Prenons un autre exemple. Notre intestin, qui comporterait environ
200 millions de neurones, est connecté au cerveau par le nerf vague. Mais si
ce nerf vient à être coupé, notre intestin peut prendre des décisions de
manière indépendante. C’est pourquoi on l’appelle notre deuxième cerveau.
En temps normal, avons-nous conscience que notre intestin est notre sous-
dirigeant ?

Le Parlement
On a pu dire que la démocratie était la pire forme
de gouvernement, à l’exception de toutes celles
qui ont été essayées au fil du temps.
WINSTON CHURCHILL
Les actions que nous accomplissons ne sont pas décidées uniquement par
nous-mêmes, comme peut le faire le roi d’une monarchie absolue. Le système
de prise de décision se rapprocherait plutôt du régime parlementaire, après
vote au Parlement.
Prenons l’exemple du jour où j’ai décidé de prendre l’habitude de me lever
tôt. Je suis résolu à me réveiller à une heure précise et à l’heure dite, la
sonnerie du réveil retentit. C’est le signal de la tenue d’une session au
Parlement. Les politiciens issus de toutes les régions de mon corps se
rassemblent, et ouvrent la séance. J’ouvre les yeux, mais mon dos me fait un
peu souffrir. Alors, les politiciens élus à la tête de la région « dos » font
entendre leur voix et demandent à dormir encore un peu. J’ai trop mangé et
bu la veille, lors d’une soirée. Un politicien du département des « intestins »
exige à ce qu’on me laisse digérer tranquillement. Les élus de tous bords ont
procédé à un vote et « continuer à dormir » a été approuvé à une large
majorité. J’appuie sur le bouton « rappel » de mon réveil et dors cinq minutes
de plus. Un nouveau vote se tiendra ensuite toutes les cinq minutes. Puis des
pensées arrivent de front et gagnent peu à peu en puissance : « tu devrais te
réveiller bientôt sinon… tu vas encore le regretter », « tu veux vraiment
continuer à te sentir minable ? »… Alors, tout en grommelant, je finis par
quitter mon lit.

Une situation devenue une habitude


Dans une situation d’habitude, même si un grand nombre de voix « contre »
s’élèvent, la motion « se lever immédiatement » est adoptée à une large
majorité dans un laps de temps plus court.
Il faut garder à l’esprit que, même dans une situation d’habitude, il y a
l’ouverture d’une séance au Parlement et des voix opposées à la proposition.
Parfois j’ouvre les yeux immédiatement, d’autres fois non, et ce, même si je
fais en sorte de dormir suffisamment.
Quand je n’ai pas envie de me lever, la même pensée me revient toujours à
l’esprit, comme une rengaine : « J’ai peut-être accumulé trop de fatigue. »
Comme c’est ce que je suppose à chaque fois, j’ai décidé de ne plus avoir
confiance en mon propre avis.
J’ai compris que lorsque je n’arrivais pas à me réveiller tôt, je n’arrivais pas
accomplir les habitudes suivantes, ce qui influait sur mon humeur à coup sûr.
Si je me lève et que je fais du yoga, je sais que, même si j’ai encore sommeil,
cinq minutes seulement me suffiront pour être bien réveillé. À force de
répétitions, la conclusion finit par être presque figée. Et je peux y parvenir
sans avoir besoin de faire appel au vote à maintes reprises.

Nous ne sommes pas notre propre roi


Nous agissons donc souvent sans impliquer notre conscience. Or, c’est à
elle que nous faisons endosser la responsabilité de ne pas avoir fait ce que
nous étions censés faire. Faire une entorse à son régime, ne pas réussir à
arrêter de boire ou de fumer, procrastiner, tous ces problèmes de conscience
sont résumés de manière simpliste dans la phrase suivante : « Je n’ai pas de
volonté. »
Cela est, pour le dire clairement, un excès de confiance en ce qu’on appelle
la conscience ou la volonté. Les principes de volonté de fer ou de faible
volonté sont basés sur l’idée (fausse) selon laquelle notre conscience contrôle
la majeure partie de nos actions.
Gardez à l’esprit que la conscience ou la volonté ne sont pas à l’origine de
nos actions. Nous ne sommes malheureusement pas notre propre roi. La
première chose à faire est donc de l’admettre.

Faire de soi un animal d’habitudes


Quand arrive l’automne, les écureuils font des réserves de nourriture pour
se préparer à affronter l’hiver. Mais cela ne signifie pas pour autant que les
écureuils pensent, avec leur conscience, que l’hiver sera bientôt là et qu’il
faut commencer à faire des provisions. Ils n’élaborent pas de plans
minutieux. Un programme « réserve de nourriture » s’active dans le cerveau
d’un écureuil quand la quantité de rayons de soleil qui pénètrent dans son œil
passe sous un certain seuil.
Haruki Murakami parle de « faire de soi un animal d’habitudes ». Prendre
une habitude, c’est changer la partie animale en soi, la partie inconsciente.
Pour l’écureuil, le problème n’est pas en lien avec la conscience, mais avec la
quantité de lumière reçue. Pour changer ses habitudes, il est nécessaire
d’accéder à la base qui gouverne, qui administre nos actions.
Comment les actions deviennent-elles des habitudes ? De quelle manière la
reine, qu’est la conscience, cède-t-elle le trône ?
ESSAIS ET ERREURS DU RAT DANS SA QUÊTE DU CHOCOLAT

Après de nombreuse répétitions, le rat «réfléchissait» de moins en moins

Le processus grâce auquel les habitudes peuvent


être réalisées sans réfléchir
Jusqu’à ce que vous réussissiez à faire du vélo sans plus avoir besoin d’y
penser, vous avez dû apprendre la façon dont vous deviez tenir votre corps et
trouver quelques astuces. Dans les premiers temps, il est indispensable de
manœuvrer le corps avec la « conscience » jusqu’au moment où vous
réussissez à le faire sans même y penser. Mais alors, quels changements se
sont opérés dans le cerveau ?
La référence utilisée ici est une expérience menée par le MIT dans les
années 1990 sur des rats (voir schéma ci-contre). Un dispositif permettant de
surveiller l’activité cérébrale avait été mis en place dans la tête des rongeurs.
Un rat est placé à l’entrée d’un chemin en forme de T, un morceau de
chocolat ayant été déposé en haut à gauche de la barre du T.
Un signal sonore « click ! » retentit lorsque la cloison séparant le rat du
reste de la boîte s’abaisse, et l’animal peut alors partir à la recherche de la
source de l’odeur sucrée. Au début, le rongeur va et vient, il perd beaucoup
de temps à rebrousser chemin dans la boîte en forme de T. Alors qu’il répète
essais et erreurs, la partie du cerveau appelée noyaux gris centraux (ou
noyaux de la base) est vigoureusement activée. Et, lorsque l’expérience est
réalisée des centaines de fois, le rat ne se perd plus, n’hésite plus, et le temps
mis à atteindre son objectif est fortement réduit. Plus sa recherche du
chocolat était efficace, plus l’activité cérébrale de l’animale était faible. En
d’autres termes, il « réfléchissait » de moins en moins.
Après deux ou trois jours d’expérience, le rat n’avait plus besoin de récolter
des informations comme gratter les murs ou renifler l’odeur du chocolat ;
après une semaine, l’activité dans la partie du cerveau liée à la mémoire avait
également diminué. Finalement, le rat réussissait à atteindre le morceau de
chocolat sans même avoir besoin de réfléchir. Pour le rongeur, cette action
était devenue une habitude.

Les trois éléments de l’habitude


Dans son ouvrage Le Pouvoir des habitudes, Charles Duhigg affirme que
l’habitude est une combinaison de trois facteurs.
Le premier est le « signal ». D’après les relevés de surveillance de l’activité
cérébrale du rat de l’expérience, le cerveau était le plus actif au moment du
signal sonore d’ouverture de la cloison, et lorsqu’il finissait par trouver le
chocolat.
LES TROIS ÉLÉMENTS DE L’HABITUDE

Le rôle du signal (le « click » pour le rat) est de transmettre le « mode de


pilote automatique » à utiliser.
Le deuxième facteur est la « routine », à savoir une action déterminée
déclenchée par le signal. Pour prendre l’exemple du rongeur, il s’agissait, dès
l’ouverture de la cloison, de marcher tout droit et de tourner à gauche pour
trouver le chocolat. Il s’agit d’une action que nous sommes capables de
réaliser sans vraiment y réfléchir, grâce à une méthode que nous avons
découverte (et mémorisée) après de nombreux essais et erreurs.
Le troisième est la « récompense ». La récompense est le matériel qui
permet au cerveau de décider s’il vaut mieux garder – ou non – cette suite
d’actions.
Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, la récompense nous
procure joie et plaisir, et nous permet de nous sentir bien. « Si tu veux encore
trouver cet aliment délicieux et hautement calorique appelé chocolat, il
semble préférable de continuer à effectuer les mêmes actions à l’avenir » : le
cerveau s’efforce alors de mémoriser le chemin pour parvenir à la
récompense.

Habituation et modification du cerveau


Lorsque l’on trouve un restaurant où les plats sont succulents, on y
retourne. Et à l’inverse, si ce n’est pas bon, nous n’y remettons plus jamais
les pieds. Nous essayons encore et toujours de goûter au plaisir et à la joie,
émotions qui résultent de nos actions. Le système appelé « système de
récompense », mis en marche via la dopamine, est un circuit ancien, que l’on
retrouve aussi bien chez l’être humain que chez le rat. Ainsi, nous pouvons
ressentir du plaisir en exécutant des actions utiles à notre survie, comme
manger, avoir des relations sexuelles ou encore parler avec des amis.
Le lien entre l’action en question et le plaisir ressenti se renforce à mesure
que nous l’accomplissons. Les signaux sont transmis entre les neurones par
les synapses, zones de contact entre deux neurones, et les excroissances des
neurones, appelées épines dendritiques, se développent à mesure qu’elles
reçoivent ces signaux. Pour faire d’une action une habitude, il faut, en réalité,
« réécrire » les cellules nerveuses du cerveau en la répétant encore et encore.

Le signal du yoga et du journal de bord


Les trois facteurs de l’habitude sont donc le signal, la routine et la
récompense.
Tout d’abord, le signal. Nous nous levons le matin grâce au signal du réveil.
Aussitôt réveillé, pour ma part, je fais du yoga. Avant de me coucher, le soir,
je dépose mon tapis de yoga près de mon lit, et c’est ce que je vois en premier
en ouvrant les yeux. Le tapis de yoga est devenu le signal pour débuter mon
entraînement. Je bois du café pour le petit déjeuner, cette boisson est ensuite
devenue le signal de l’écriture de mon blog. Un soir, alors que j’en buvais
une tasse, j’ai tout à coup eu envie de rédiger un article. Parce que le signal
qu’est le « café » est maintenant lié à la routine qui est « alimenter mon site ».
L’anecdote suivante est racontée dans Précis de psychologie, de William
James : « Un mauvais plaisant, voyant passer un vieux soldat retraité qui
portait chez lui son dîner, lui cria tout à coup : “Fixe !” Aussitôt les mains du
vieux de tomber “dans le rang”, laissant glisser au ruisseau mouton et
pommes de terre. Il refaisait l’exercice, tant il se l’était incorporé au système
nerveux. » Même s’il tenait quelque chose d’important entre les mains,
l’habitude, pour cet homme, a été la plus forte.

Le petit signal qui fabrique un génie


Un petit signal peut créer un génie. Laissez-moi vous parler de Mayu
Yamaguchi. Major de promo en droit de la prestigieuse université de Tokyo,
elle a occupé un poste de haut fonctionnaire au ministère des Finances
japonais avant de devenir avocate. Lors de ses études à la faculté de droit de
Harvard, elle n’a obtenu que des A dans toutes les matières. Elle a passé et
obtenu l’examen du barreau de New York et aujourd’hui, elle désire
enseigner le droit à l’université. De brillantes études et une carrière
prestigieuse : aucun doute, Mayu Yamaguchi est un génie. Mais ce qu’elle
affirme, comme tant d’autres génies d’ailleurs, est qu’elle n’en est pas un,
qu’elle a « simplement travaillé dur ». Tout a commencé pour elle avec un
bureau.
Quand elle était enfant, Mayu avait l’habitude, une fois réveillée, d’ouvrir
les rideaux de sa chambre et de se laisser caresser par les rayons du soleil
pendant quelques minutes. Et l’instant suivant, elle dirigeait son regard vers
son bureau. Elle s’asseyait sur la chaise, ouvrait un livre, n’importe lequel
faisait l’affaire, et passait environ dix minutes à lire, jusqu’à ce que sa mère
l’appelle pour le petit déjeuner. Elle assure qu’en procédant ainsi, elle a
supprimé toute résistance à s’asseoir devant. Et une fois rentrée de l’école,
quand elle mangeait son goûter, le signal pour commencer à faire ses devoirs
était à nouveau de regarder son bureau.
Cette habitude a perduré au collège, au lycée, puis à la faculté. Une fois les
rayons du soleil matinal reçus, elle regardait son bureau. Voilà comment un
petit signal, point de départ d’une habitude, peut créer un génie.

Le signal pour une habitude que l’on veut arrêter


L’inconvénient, avec les habitudes, est que les mauvaises fonctionnent avec
exactement le même mécanisme que les bonnes. Quand j’essayais d’arrêter
de boire de l’alcool, j’étais incapable de réduire ou de limiter ma
consommation.
Une des raisons à cela était que l’alcool avait beaucoup de « complices »,
devenus signaux. Par exemple, j’adorais boire une bière au déjeuner, et dès
lors que je mangeais des soba tempura (nouilles au sarrasin accompagnées de
fritures), je commandais, presque par réflexe, une bière. J’avais le même
réflexe lorsque je mangeais des gyozas ou du poulet frit – pour toutes les
fritures en réalité. Elles n’étaient pas seules complices, bien d’autres encore
étaient tapies dans l’ombre un peu partout autour de moi.
Charles Duhigg a classé les signaux en cinq catégories. Prenons pour
exemple les signaux qui déclencheraient une envie de boire de l’alcool :
• la localisation (la supérette sur le chemin du retour du bureau, le mariage
d’un ami),
• l’heure (après la journée de travail, le dimanche midi),
• l’état émotionnel (le stress lié aux heures supplémentaires, le moral en
berne après une erreur),
• les autres personnes (un rendez-vous galant avec une jolie fille, des
retrouvailles avec des amis de longue date),
• l’action immédiatement précédente (transpiration à la suite d’un exercice
physique, avoir pris un bon bain chaud).
Nous approfondirons ces points dans le troisième chapitre, mais si vous
cherchez à vous débarrasser d’une mauvaise habitude, il est important
d’identifier les signaux afin de les éliminer, ou, à l’inverse, d’en fabriquer
pour vous aider à prendre une bonne habitude.

La chaîne formée par les routines


Pour faire quelque chose de spécial, il ne faut rien
faire de spécial. Pour faire quelque chose de spécial,
faites comme d’habitude.
ICHIRO (LÉGENDE DU BASEBALL)

La routine est facile à comprendre. Il s’agit d’une action déterminée


déclenchée par un signal. Sentir que l’on a les dents sales est le signal qui
déclenche le brossage des dents. Prendre une douche, se sécher les cheveux
sont des actions que nous effectuons au quotidien.
L’heure, mais également l’impatience liée à mon envie de bouger sont les
signaux de mon départ pour la salle de sport. Ensuite, je prépare ma tenue de
sport et ma bouteille d’eau. Le chemin pour m’y rendre, le code de mon
casier sont également parfaitement enracinés dans mon esprit. Soulever des
poids ou courir, mon programme est fixé, et il en va de même pour ce qui se
passe après ma séance d’entraînement : douche, lessive.
Une routine peut aussi être le signal qui déclenche la routine suivante. Aller
dans un endroit spécifique et faire du sport sont des actions complexes, mais
le signal et la routine sont une succession d’actions qui se relient ensemble à
la manière d’une chaîne. C’est exactement ce qui se produit lors du rituel que
l’on accomplit chaque matin.

La routine harmonise l’esprit


Un des bons côtés de la routine est que l’on peut transformer son humeur en
effectuant des actions coutumières. La routine a un rôle de type « égaliseur »,
qui harmonise, accorde les esprits déréglés.
Haruki Murakami, par exemple, court une heure chaque jour, mais quand il
reçoit une mauvaise critique ou quand il se sent rejeté, il parcourt une
distance un peu plus longue. Je cours presque tous les jours également, et j’ai
exactement la même réaction lorsqu’il se produit un événement déplaisant.
Parce que j’ai l’impression qu’ainsi, mon humeur s’améliore. L’essence du
problème n’est pas le problème en lui-même, c’est plutôt une question
d’humeur, à savoir la manière dont nous allons l’appréhender. Nous avons vu
ensemble dans le premier chapitre que les sentiments, les émotions influent
sur la volonté. La pratique d’une action habituelle balaie complètement les
sentiments négatifs qui nous submergent, permettant par là même de
« restaurer » notre volonté.
Pour Ichiro, la légende du baseball, il est primordial de faire ce que l’on fait
habituellement pour surmonter les moments difficiles de la vie. « L’état
d’esprit est quelque chose de difficile à gérer. Mais si on bouge son corps
comme on le bouge habituellement, l’esprit, au bout d’un moment, suit. C’est
la technique que j’utilise quand je sens que je n’arrive pas à positiver. »
Faire les mouvements auxquels notre corps est habitué permet
« d’accorder » l’esprit. Quand je suis pris d’un désir d’achat compulsif, ou
lorsque je ressens l’envie de quelque chose, mon souffle devient plus
saccadé. Alors, je régule ma respiration de manière consciente, ce qui permet
par la même occasion de réguler mon désir. C’est également une méthode
que vous pouvez appliquer si vous êtes familier avec la méditation à
respiration lente.
Le joueur de rugby japonais Ayumu Goromaru exécute toujours le même
petit geste fétiche avant un tir au pied. Yuzuru Hanyu, patineur artistique, fait
un signe de croix et joint les mains en prière. Penser que ce « coup de pied va
être décisif », avec plus de fébrilité que d’ordinaire finit par changer
l’équilibre, l’harmonie du corps et de l’esprit.
Grâce à la routine, on peut retrouver un état mental calme, comme à
l’ordinaire, et obtenir un résultat identique à celui de l’entraînement. Voilà la
raison pour laquelle les sportifs sont si attachés à la routine.

Une récompense difficilement imaginable


— C’est… une drogue.
— Une drogue ?
— Oui. Une fois qu’on s’est retrouvé agrippé à une paroi, une fois qu’on y
a goûté… la vie de tous les jours devient insipide.
Le Sommet des dieux, Jirô Taniguchi
La récompense est le facteur de l’habitude le plus complexe à maîtriser. Car
nous sommes prêts à répéter une action à l’infini dans le but de l’obtenir.
• Manger quelque chose de délicieux.
• Passer du temps avec des amis.
• Faire l’amour avec l’être aimé.
• Gagner de l’argent.
• Recevoir des like sur les réseaux sociaux.
Ces exemples sont des récompenses faciles à imaginer, tous comme les
actes accomplis pour les recevoir. Cependant, certaines actions demeurent
énigmatiques aux yeux des autres.

La récompense pour avoir écrit sur Wikipédia


Si on envisage la récompense comme une « compensation reçue en
échange », l’argent est la première chose qui nous vient à l’esprit. Or, les
récompenses ne sont pas uniquement pécuniaires. Par exemple, écrire un
article sur Wikipédia ne permet pas de percevoir un seul centime.
Un contributeur, du nom de Norimaki, a déclaré avoir consacré six mois à
l’écriture de la page du poète japonais Kobayashi Issa. Un effort admirable,
qui aurait été récompensé par un salaire dans le cas d’un livre. Or, pour
Norimaki, Wikipédia est le lieu « où l’on peut libérer son instinct, un instinct
avide de recherches sur un sujet auquel on s’intéresse particulièrement ».
Satisfaire à loisir sa curiosité et son esprit de fin limier, et exposer le fruit
de ses recherches aux yeux de tous : voilà la récompense obtenue par les
contributeurs de Wikipédia. Il existe même un réseau de ces auteurs qui
entretiennent des liens entre eux et organisent des rencontres dans le « monde
réel ». Entrer dans une communauté dans laquelle les membres partagent les
mêmes hobbies que vous peut tout aussi bien être une récompense.
Microsoft a investi de grosses sommes d’argent pour embaucher auteurs
professionnels et managers, dans le but de constituer un dictionnaire. La
récompense ici, était l’argent. Or, dans ce cas précis, l’énergie spontanée des
contributeurs volontaires ne se fait pas ressentir. Même s’il n’y a pas d’argent
dans la balance, chacun est susceptible de trouver sa propre récompense
quelque part.

La récompense pour une action pénible


Certaines récompenses, donc, demeurent difficiles à imaginer pour les
autres. J’étais dans ce cas autrefois : lorsque je voyais quelqu’un faire son
footing sous le brûlant soleil d’été, je me demandais pourquoi il s’infligeait
cela et quels plaisirs il pouvait bien y trouver.
Quand j’étais collégien, je faisais partie d’un club de basket et je
m’entraînais dur tous les jours. Mais une fois devenu adulte, j’ai cessé peu à
peu de faire de l’exercice, au point même d’en arriver à m’interroger sur les
bénéfices que l’on pouvait en tirer.
Aujourd’hui, je peux courir un marathon et les rôles se sont inversés : ce
sont les autres qui ne comprennent absolument pas pourquoi je m’impose
cela. Le footing, pour ceux qui ne sont pas habitués à courir, est synonyme de
souffrance et de pénibilité. Or, si une habitude doit obligatoirement entraîner
une récompense, quelle est celle trouvée dans la souffrance d’un footing en
plein été ?
Le mythe de l’endorphine
On cite souvent l’endorphine comme récompense d’un effort. Les
endorphines, neurotransmetteurs aux capacités analgésiques comme la
morphine, atténuent les douleurs liées à un footing, et entraînent parfois un
état d’extase appelé Runner’s high, ou « euphorie du coureur ».
Le neuroscientifique Gregory Berns est l’un de ceux à avoir remis en
question cette explication. Ses recherches lui ont permis de déterminer que
seuls 50 % des sujets avaient eu une augmentation de bêta-endorphine lors
d’un exercice intense. L’euphorie du coureur n’est pas un état que l’on peut
expérimenter tous les jours : seuls quelques rares élus l’ont vécu. Berns en a
déduit que les endorphines ne seraient pas seules responsables du sentiment
d’extase.

Les bienfaits de l’hormone du stress


Toujours selon G. Berns, la récompense obtenue pour la course à pied serait
liée à une hormone du stress, le cortisol. Une hormone du stress ?! Pour nous,
elle ne peut déclencher que du négatif, n’est-ce pas ? Or, l’action du cortisol
est bien plus complexe.
Le neuroscientifique nous éclaire sur les effets de cette hormone et explique
que, produite en particulier à la suite d’un stress physique, elle améliore
l’humeur, aiguise la concentration et dans certains cas, peut même avoir des
effets sur la mémoire. Cependant, ces bienfaits ne sont que dans le cas d’un
taux de sécrétion journalier déterminé : au-delà, le cortisol engendre de
l’anxiété avec apparition des symptômes du stress.
Une quantité adéquate de cortisol en interaction avec la dopamine entraîne
un fort sentiment de satisfaction, et même une euphorie. Afin de tester sa
théorie, Berns l’a lui-même expérimenté en se faisant administrer une
quantité appropriée de cortisol. Il a reporté avoir ressenti euphorie et bien-
être. Pour goûter cette profonde allégresse, la dopamine seule n’est pas
suffisante. Elle ne serait possible que combinée avec le cortisol, l’hormone du
stress.
Après dix minutes de course à pied, je sens qu’un changement commence à
s’opérer dans mes habituelles sensations physiques, et j’ai alors l’impression
que c’est le simple fait de bouger mon corps qui me rend heureux. Pour les
êtres humains, il est préférable de contrôler les dépenses superflues de
calories pour leur survie, et en temps normal, il ne fait aucun doute que nous
préférons rester dans ce « mode » de pilote automatique. Mais quand je cours
longtemps, j’ai le sentiment, à un certain point, de « basculer » dans un tout
autre mode : les inquiétudes et les angoisses s’estompent, l’énergie jaillit
d’on ne sait où, et je me sens plus enthousiaste et confiant que je ne le suis
normalement. Bien sûr, être essoufflé n’est jamais agréable, mais lorsque le
stress physique est employé d’une manière appropriée, le sentiment de
satisfaction, de plénitude, peut perdurer pendant un certain temps après
l’effort.
La dopamine seule donne lieu à des sentiments plaisants – ce que l’on
ressent en mangeant un délicieux repas par exemple – alors, nul besoin de
s’imposer des actions pénibles, me direz-vous. Cependant, du stress et de la
souffrance en quantités appropriées sont essentiels pour atteindre cet état de
profonde allégresse.

La raison pour laquelle Bill Gates (Microsoft) et


Jeff Bezos (Amazon) travaillent
La fortune de Bill Gates et de Jeff Bezos leur permettrait de ne plus
travailler et de passer le restant de leurs jours tranquillement allongés sur le
sable fin d’une plage de station balnéaire paradisiaque. Or, ce n’est pas le cas.
Probablement parce que s’ils passaient leurs journées à s’amuser et se
reposer, ils ne pourraient ressentir ce sentiment d’intense satisfaction.
Je me suis une fois fait plaquer par une de mes petites amies sous prétexte
que nous passions notre temps à nous amuser… Comme c’était une femme
très occupée, je déployais des trésors d’imagination pour qu’elle puisse
profiter au maximum durant nos rendez-vous. À l’époque, je ne comprenais
pas ce qu’elle me reprochait, et pour tout vous dire, cela m’avait même un
peu effrayé. Mais aujourd’hui, je comprends : dans les relations également, le
stress peut amplifier le sentiment de satisfaction. Si les séries TV nous
passionnent autant, c’est parce que leurs personnages vivent moult
rebondissements, avec des hauts et des bas, comme dans la vraie vie. Si ce
que j’écrivais n’était que divertissement, alors ce manuscrit serait vain.
J’ai sûrement fini par digresser, mais on peut encore obtenir une autre
récompense à faire du sport. Par exemple, les idées ne viennent pas
uniquement lorsque l’on est assis à son bureau. Elles surgissent souvent lors
de promenades ou au cours d’un exercice physique. C’est un phénomène que
vous avez déjà dû certainement expérimenter.
Dans son ouvrage Tics et tocs des grands génies : 100 rituels farfelus à
l’origine des plus belles créations, Mason Currey nous livre les petites
habitudes des plus grands cinéastes, artistes ou écrivains, et la promenade
était une règle quotidienne pour bon nombre d’entre eux.
Les grandes lignes de mes idées pour ce livre me sont venues alors que je
faisais mon jogging. L’exercice semble faire ressortir une créativité différente
de celle que l’on a, assis face à un bureau.

Exercices cardio et croissance des neurones


Dans son ouvrage Spark: The Revolutionary New Science of Exercise and
the Brain (La nouvelle science révolutionnaire des exercices et du cerveau),
John Ratey, professeur clinicien de psychiatrie explique de la manière
suivante le sentiment de bien-être ressenti après le sport : le sang est
énergiquement pompé par le cœur et le cerveau se retrouve donc dans le
meilleur état possible.
John Ratey expose plusieurs raisons pour lesquelles le sport serait
bénéfique à notre cerveau. Outre les neurotransmetteurs, on trouve, dans le
cerveau, une protéine nommée « facteur ». Ce facteur neurotrophique issu du
cerveau (BDNF) augmente lors des exercices cardio. De nouvelles
ramifications se créent sur les neurones lorsque ceux-ci sont aspergés de
protéine BDNF. Les neurones ressemblent à des arbres, et ce que l’on
retrouve au bout de leurs branches ne sont pas des feuilles, mais des
synapses. Quand une nouvelle ramification se crée, les synapses augmentent
et les connexions synaptiques réalisées par le neurone se renforcent. John
Ratey surnomme le BDNF l’« engrais miracle du cerveau ».

De meilleurs résultats scolaires grâce au sport


Nous avons tendance à penser que, pour avoir de meilleurs résultats
scolaires, il vaut mieux privilégier les heures passées à étudier. En réalité, ce
n’est pas si simple.
Une expérience intitulée, « 0 hour P.E. » (0 heure d’éducation physique)
menée sur 19 000 étudiants, à Naperville, dans l’Illinois, consistait à
introduire des exercices cardio avant le premier cours de la journée (courir
autour du terrain de sport, ou faire du vélo d’intérieur).
Les résultats furent spectaculaires. Les sujets de l’expérience ont vu une
nette amélioration de leurs résultats aux tests de lecture et de compréhension,
avec une progression de 17 % (contre 10,7 % pour les étudiants suivant le
programme normal avec cours d’éducation physique). Les étudiants de
Napperville ont obtenu la 6e place en mathématiques et la 1re place en
sciences lors du TIMSS (enquête internationale sur les acquis scolaires). La
moyenne nationale étant la 18e place pour les sciences et la 19e place pour les
mathématiques. Faire des exercices cardio avant de commencer la journée de
cours a ainsi permis à ces étudiants d’étudier plus efficacement et d’améliorer
leurs résultats.
Une étude menée en 2007 par un groupe de chercheurs allemands a révélé
que les mots étaient appris 20 % plus vite après un exercice, prouvant encore
une fois, la corrélation entre l’efficacité de l’apprentissage et le taux de
BDNF. La récompense est indispensable à l’habitude. On dit généralement
des sportifs qu’ils sont « stoïques ». Mais cela ne signifie pas qu’ils refusent
les récompenses, bien au contraire, ils en reçoivent plutôt en grande quantité.

L’habitude est comme le goût de la bière pour un


enfant
J’aurais beau écrire encore longtemps sur le sujet, il restera difficile, pour
les non-sportifs, d’imaginer les récompenses que l’on peut en tirer.
La récompense obtenue grâce à une habitude est un peu comme une bière
pour un enfant. Essayer de transmettre avec les mots la sensation de fraîcheur
du liquide qui coule dans la gorge ou l’état agréable de l’ébriété à qui n’en a
jamais fait l’expérience est une tâche plus qu’ardue.
Je n’ai jamais joué au casino, par conséquent je ne connais pas le plaisir de
gagner. Les non-fumeurs ont beaucoup de mal à concevoir que l’on puisse
dépenser de l’argent pour avaler et recracher une fumée qui donne mal à la
tête, ni quels plaisirs on peut y trouver. Et même un fumeur, qui aime l’alcool
et jouer au casino pourra ne pas comprendre l’excitation d’un drogué à la vue
de la poudre blanche.
Il n’y a pas de grande différence de fonctionnement entre l’action qui
consiste à faire du sport et celle qui consiste à vouloir de la drogue. Les
individus reproduisent toujours la même action en vue de la récompense. La
nature même de l’action est inébranlable et dans les deux cas, c’est une forme
identique de dépendance.
Nous étendons aux autres les récompenses que nous recevons. Nous avons
du mal à imaginer qu’il existe des récompenses différentes des nôtres chez
l’autre. Voilà pourquoi un marathonien peut paraître perdant aux yeux de
certains.
Prendre une bonne habitude, c’est un peu le même processus qu’apprendre
à aimer la bière. Au début, c’est tout simplement amer. On apprend, au fur et
à mesure, à passer outre cette amertume et il arrive parfois qu’elle devienne le
premier de tous les plaisirs. Prendre une bonne habitude, ce n’est pas forger
sa volonté ou apprendre à écarter les tentations, mais réécrire la
« récompense » et la « pénalité » que l’on en tire. Répéter continuellement
une action opère un changement dans notre cerveau.

Trucs et astuces : comment détourner les yeux


des marshmallows
Dans le premier chapitre, je vous ai présenté le test du marshmallow. Mais
que se passe-t-il lorsque les enfants passent le test non pas une fois, mais
plusieurs ?
La première fois, la récompense qui consistait en l’obtention de
deux marshmallows après vingt minutes d’attente pouvait paraître un peu
opaque, difficile à comprendre. La patience dont il devait faire preuve et
l’inconnu pouvaient rendre pénible ce moment.
Mais après l’avoir vécu deux, trois, puis quatre fois, et après avoir connu
autant de succès, ils acquièrent certaines compétences telles que détourner les
yeux des marshmallows ou imaginer que la friandise est un nuage. La
récompense devient alors concrète et compréhensible.
Parmi les enfants à avoir obtenu le saint Graal, certains n’ont pas mangé
immédiatement les deux bonbons : ils ont préféré les rapporter à la maison,
dans l’espoir d’obtenir un compliment de leurs parents pour leur exploit. Ils
ont ainsi obtenu une récompense incomparable à celle de ne manger qu’un
seul marshmallow.
Parvenir à penser que la friandise à laquelle on peut immédiatement accéder
n’a pas ou plus de valeur est un état qui nous permet d’acquérir une bonne
habitude. Cela ne signifie pas que la récompense immédiate disparaît. Mais à
force d’obtenir une récompense plus importante, le marshmallow devant soi
finit par devenir plus petit qu’auparavant.
Certes, dans les premiers temps, il vous faudra de la volonté. Ce n’est pas
facile et il n’y a pas de méthode miracle pour y parvenir. Mais une fois
l’habitude prise, la récompense plus importante que l’on obtient nous pousse
à continuer.
Dans le troisième chapitre, nous allons aborder la marche à suivre pour
faire d’une action une habitude.
Sans stratégie, il est impossible de combattre et de gagner face au
marshmallow devant nos yeux. Je parle de marche à suivre, mais pour tout
vous dire, cela consiste à trouver tous les moyens possibles et imaginables
pour continuer à détourner le regard de ce marshmallow, jusqu’à enfin être
capable de ressentir une plus grande récompense.

Résumé du chapitre II
• 45 % de nos actions quotidiennes seraient des habitudes.
• Se brosser les dents, boutonner un manteau, lacer ses chaussures : ces
actions que l’on trouve difficiles à faire étant enfant, à force d’être
répétées, sont réalisées inconsciemment une fois adulte.
• Des actions complexes comme faire la cuisine ou conduire une voiture
peuvent être effectuées sans solliciter la conscience.
• La conscience est sollicitée seulement quand il y a un problème. En temps
normal, nos actions se font en mode pilote automatique.
• Quand il y a un point qui pose un problème, comme se réveiller à l’heure
prévue, des débats ont lieu dans la conscience, un peu comme dans un
Parlement. Proposition rejetée ou acceptée ? On ne sait jamais de quel
côté va pencher la balance.
• Le rat réfléchissait de moins en moins à mesure qu’il répétait
l’expérience.
• L’habitude est un comportement « routine » déclenché par un « signal »,
que l’on effectue en vue d’une « récompense ».
• On peut réécrire la récompense d’une habitude. On peut obtenir de
grandes récompenses comme un fort sentiment de satisfaction ou de
l’euphorie après une activité même douloureuse, mais on ne peut les
ressentir qu’après avoir répété l’action à plusieurs reprises. C’est un peu
comme le goût de la bière pour les enfants.
• Prendre une habitude, c’est comme passer le test du marshmallow de
nombreuses fois. Quand on obtient plusieurs fois les deux friandises, on
accorde beaucoup plus de valeur à la récompense future.
• L’astuce pour réussir à prendre une bonne habitude est de continuer à
détourner les yeux du marshmallow, avec tous les moyens possibles.
Chapitre III
50 étapes pour se créer de bonnes
habitudes
ÉTAPE 1 : SORTIR DU CERCLE VICIEUX
Pour teindre proprement un tissu sale,
il faut d’abord le laver.
ENSEIGNEMENT AYURVÉDIQUE

Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, nous finissons par perdre
notre volonté à cause des sentiments négatifs. Le cerveau prend des mesures
instinctives et nous sautons sur la récompense immédiate. Avec pour résultat
un excès de nourriture, d’alcool, ou une perte de la motivation qui nous
pousse à ne rien faire de la journée et à la passer à jouer sur notre téléphone.
Nous regrettons ensuite ces actions, et ces regrets suscitent du stress, qui
suscite une perte de la volonté, et ainsi de suite.
Pire encore, une exposition à long terme à un tel stress diminue la capacité
de raisonnement du système froid, censé tempérer les décisions instinctives.
Ce que l’on n’utilise pas finit par rouiller. Et une capacité de raisonnement
affaiblie nous empêche de voir le réel sous un angle différent, comme
appréhender le marshmallow comme un nuage ou comme une fausse
friandise. Notre propension à s’emparer de la récompense immédiate se
renforce alors. Et un beau jour, on finit par se retrouver piégé dans un état dit
« d’impuissance apprise ». Les chiens à qui l’on a fait subir un choc
électrique, même si on leur donne ensuite la possibilité d’y échapper
facilement en sautant un muret, n’essaient même pas. Parce qu’ils ont appris
à être impuissants. Il faut, à un moment ou à un autre, rompre ce cercle
vicieux pour pouvoir se construire de bonnes habitudes.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : les comportements
qui servent à évacuer le stress
L’erreur la plus fréquente est de penser que des mauvaises habitudes, ou
des habitudes défavorables, manger par exemple, nous sont indispensables
pour évacuer le stress. Rappelez-vous que si vous adoptez ce comportement,
ce n’est pas parce que vous en avez réellement besoin, mais parce que les
sentiments négatifs et le stress vous poussent à choisir la récompense
immédiate. Certes, nous sommes constamment stressés par notre travail ou
notre vie de famille, et nous ne pouvons y échapper. Mais l’important est
d’apprendre à distinguer le stress en lui-même du stress engendré par les
actions entreprises dans le but de l’évacuer.
Prenons pour exemple un extrait du Petit Prince :
— Que fais-tu là ? dit-il au buveur, qu’il trouva installé en silence devant
une collection de bouteilles vides et une collection de bouteilles pleines.
— Je bois, répondit le buveur d’un air lugubre.
— Pourquoi bois-tu ? lui demanda le petit prince.
— Pour oublier, répondit le buveur.
— Pour oublier quoi ? s’enquit le petit prince qui déjà le plaignait.
— Pour oublier que j’ai honte, avoua le buveur en baissant la tête.
— Honte de quoi ? s’informa le petit prince qui désirait le secourir.
— Honte de boire ! acheva le buveur qui s’enferma définitivement dans le
silence.
C’est une scène terriblement triste, mais terriblement vraie. Lorsque nous
sommes rongés par l’inquiétude à cause de problèmes d’argent par exemple,
on peut très bien se retrouver à faire les boutiques pour pouvoir y échapper.
L’inquiétude nous pousse à opter pour une action qui engendre encore plus
d’inquiétude. Gretchen Rubin explique simplement que ce qui nous permet
de nous changer les idées ne doit pas nous faire encore plus nous détester.

Faire l’exact opposé


Les habitudes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ont toutes le même
mode de fonctionnement. Donc, pour stopper une mauvaise habitude, il suffit
de faire l’exact opposé de l’astuce pour en créer une bonne. Par exemple, à
l’étape 13, j’explique qu’il faut diminuer le nombre d’obstacles pour pouvoir
prendre une bonne habitude. Alors, l’astuce, pour arrêter une habitude
défavorable, sera, au contraire, d’en instituer encore plus. Au cours de ce
chapitre, je vais lister les points auxquels il faut particulièrement prêter
attention quand on veut arrêter une habitude. Voyons en détail les étapes
nécessaires pour se construire de bonnes habitudes – et stopper les néfastes.

ÉTAPE 2 : D’ABORD, DÉCIDER D’ARRÊTER


On ne doit pas regretter un plaisir
quand on perd un sujet de douleur.
PUBLILIUS SYRUS

Peu importe l’état léthargique dans lequel vous passez une journée, la
journée finit tout de même par s’écouler. Certains auront « paressé » au
programme du jour et c’est ce qu’ils feront depuis le matin où ils se lèvent
jusqu’au soir où ils se couchent.
Nos journées sont remplies d’habitudes, qu’elles soient bonnes ou
mauvaises. Lorsque l’on envisage d’avoir une nouvelle habitude, il faut faire
sortir de scène une mauvaise. La première chose à faire est de décider
d’arrêter.
Mais quelle habitude exclure ? Quel épineux problème ! Puisque, comme
nous l’avons abordé un peu plus tôt, nous avons tendance à croire qu’une
habitude peut être indispensable à l’évacuation du stress.

Aimeriez-vous que votre enfant


prenne cette habitude ?
Il est intéressant de se poser cette question : aimerais-je que mon enfant
prenne cette habitude ? Et même si vous n’avez pas d’enfant, cette question
reste pertinente.
Une habitude « essentielle » que vous voudriez arrêter. Une de celles qui ne
vous ont jamais vraiment rien apporté, une que vous ne seriez pas d’accord si
jamais votre enfant venait à la prendre. Une qui, une fois accomplie, ne vous
procure ni sentiment de satisfaction ou d’accomplissement, mais ne vous
laisse que des regrets.
Une habitude que vous avez peut-être déjà essayé d’arrêter, sans succès :
vous avez alors cherché à vous justifier, avec tous les prétextes possibles et
imaginables, en inventant de « faux » bienfaits.
Mais si on pense à cette habitude et à son enfant, la situation devient
différente. Quel alcoolique, fumeur, joueur compulsif, accro aux réseaux
sociaux aimerait que sa fille ou son fils suive le même chemin que lui ?
C’est étrange, une fois adulte, d’être autorisé à faire tout ce que l’on veut.
Car si on estime nécessaire de limiter le temps passé devant les écrans pour
les enfants, pourquoi ne pas le faire pour les adultes ? Notre éducation doit se
poursuivre jusqu’à notre mort.

Le problème n’est pas le genre de l’habitude


On ne peut pas simplement affirmer que telle ou telle habitude est bonne ou
mauvaise pour nous. En somme, il ne faut pas classer les habitudes que l’on
cherche à arrêter par genre. La plupart de mes souvenirs d’enfance sont en
lien avec les jeux vidéo, mais une fois le cap des 30 ans passé, j’ai arrêté d’y
jouer, et je pense même que j’en étais arrivé à mépriser ceux qui passaient du
temps dessus. Alors que, petit garçon, je m’amusais avec comme un fou. Or,
depuis que j’ai découvert le joueur professionnel Daigo Umehara et son
engagement vis-à-vis des jeux vidéo, j’ai changé d’avis sur la question.
Umehara a déclaré être déjà las des jeux vidéo. Gagner un tournoi est pour
lui un moyen, son seul but étant sa propre « évolution ». Pour rester au top
niveau mondial, il joue pendant des heures avec le plus grand sérieux et
prend des notes dès qu’il rencontre un problème. Il apporte constamment des
modifications à ses méthodes de jeu. Le processus (essais et erreurs) n’est pas
si différent de celui d’un sportif de haut niveau.
Le fait est que, si on s’engage sérieusement, peu importe l’action, elle en
vaut la peine. Elle a de la valeur. Si vous considérez que les jeux vidéo vous
ont tout appris, il n’est pas nécessaire d’arrêter d’y jouer. Même si j’ai arrêté
de consommer de l’alcool, j’éprouve un profond respect pour les sommeliers
ou les maîtres saké, qui s’investissent totalement dans leur travail. L’alcool a
joué et joue toujours un rôle prépondérant dans la vie de certains.
Cependant, lorsque je repense à la relation que j’entretenais avec l’alcool, je
ne peux pas dire qu’il m’ait beaucoup appris. J’ai vécu des moments excitants
et très agréables, mais il m’arrivait souvent de regretter d’avoir bu. C’est
pourquoi j’ai décidé de rompre avec lui.
• Quelque chose que vous n’aimeriez pas que votre enfant fasse ou en
prenne l’habitude.
• Quelque chose qui ne vous procure ni sentiment d’accomplissement ou de
satisfaction et ne vous laisse que des regrets.
• Quelque chose qui, quand vous y réfléchissez, ne vous a jamais beaucoup
apporté ni appris.
Gardez ces quelques points à l’esprit afin de vous aider à identifier les
habitudes que vous devriez arrêter.

À chaque action sa dépendance


Le plaisir est fondamental dans notre vie. Le problème survient lorsque
nous cherchons à l’arrêter, mais que nous n’y arrivons pas : ce n’est rien
d’autre alors qu’une dépendance. Les substances dont nous pouvons être
dépendants ne se limitent pas à l’alcool ou à la nicotine. Nous avons aussi le
sucre, par exemple.
La neurologue Nicole Abena a mené une expérience qui consistait à offrir
du sucre à des rats. Après un certain temps, les rongeurs ont commencé à
montrer des signes d’envie irrépressible de sucre et à développer une
résistance à la surconsommation. Parfois même, un sevrage était nécessaire.
Selon une étude réalisée auprès de 384 personnes, 92 % des interrogés ont
répondu éprouver un fort désir pour un aliment en particulier, qu’ils ont déjà
essayé d’arrêter de consommer à plusieurs reprises, sans succès.
Il n’y a pas que les substances qui rendent dépendants. Selon John Grant de
l’hôpital de l’université de Chicago, tout ce qui apporte récompense
excessive, euphorie ou détente, entraîne une dépendance. La drogue nous
vient immédiatement à l’esprit, mais nous pouvons aussi penser à un aliment
en particulier, au shopping, au sexe, au vol à l’étalage ou aux réseaux
sociaux… Courir me fait énormément de bien : on peut tout aussi bien dire
que j’en suis dépendant.

Plus la récompense arrive rapidement, plus il est


facile d’y être accro
Une récompense qui arrive « précocement » nous rend facilement
dépendants. L’effet « plaisir » est immédiat. Si l’euphorie liée à l’alcool ne se
manifestait que six heures après en avoir consommé, peut-être serions-nous
moins nombreux à en abuser. Si les like des réseaux sociaux n’apparaissaient
qu’un mois après la publication, il y aurait certainement moins d’inscrits.
Le cerveau ne peut distinguer la dopamine « peu favorable », facilement
sécrétée grâce à de la drogue de celle libérée grâce au sport. Il cherche à faire
se répéter l’action grâce à laquelle il a éprouvé du plaisir. Il est donc essentiel
de réfléchir de manière consciente à ce que l’on veut et doit arrêter.

Pourquoi j’ai arrêté de boire


L’alcool figurait en tête dans le classement des habitudes que je voulais
arrêter. Je n’ai nullement l’intention de dénigrer les cultures en lien avec
l’alcool, je ne prétends pas non plus que tout le monde devrait arrêter d’en
boire. Mais il valait mieux pour moi que cela cesse.
Je vais m’attarder pendant quelques pages sur mon arrêt de l’alcool. Mais
j’aimerais que vous lisiez ces passages en remplaçant la boisson par une
habitude que vous aimeriez arrêter. Car la stratégie à adopter pour arrêter une
habitude est à peu près la même pour toutes.
Le hic, avec l’alcool, c’est que l’on pense pouvoir contrôler notre
consommation et que l’alcoolisme est une maladie qui ne touche que les
autres. Bien sûr, nous ne commençons pas à boire en pensant devenir
dépendants. Mais la première gorgée est aussi le premier pas vers l’addiction.
Au moment où j’écris ces lignes, cela fait près d’un et demi que j’ai arrêté
de boire. J’ai relevé le défi à de nombreuses reprises, sans jamais y parvenir.
J’aimais vraiment l’alcool, et j’adorais me rendre aux soirées où on en buvait.
Mon envie d’arrêter était motivée par le désir de me lever tôt. Hemingway,
par exemple, buvait jusque tard dans la nuit, mais parvenait à se lever aux
aurores. Si j’avais eu la même constitution que lui, je n’aurais peut-être
jamais arrêté. Même si j’étais convaincu de pouvoir ne boire qu’un verre, je
me laissais entraîner. Car le système froid qui régule le désir est anesthésié
par l’alcool. Tout ce que je voulais, c’était mener une vie bien réglée, mais
mes gueules de bois m’en empêchaient et m’ont fait perdre quantité de
matinées. Je n’arrivais pas à me réveiller tôt. Je me suis alors interrogé : était-
ce vraiment une bonne chose que de laisser ma vie être envahie par une
action qui ne me laissait que des regrets ?

ÉTAPE 3 : SAVOIR SAISIR L’OCCASION


La maladie n’est ici pour rien […]
Vos yeux se sont ouverts, voilà tout ; vous avez vu
ce qu’auparavant vous ne vouliez pas remarquer.
TCHEKHOV

Aujourd’hui, j’ai plusieurs habitudes bien définies. Mais si je venais à


déménager, je devrais sans doute les recréer. Car il me faudrait reconstruire
les signaux des habitudes liés à l’environnement de vie.
Au contraire, quand on cherche à abandonner une habitude, un
déménagement peut être une occasion à saisir. J’ai profité d’être malade pour
arrêter de boire. L’alcool est une drogue, dont on est dépendant
physiquement. Il est difficile de l’arrêter avec la seule « force de la volonté »
ou d’autres pensées bien candides. Tout comme on ne peut résister avec la
seule force de la volonté face à de la nourriture quand on meurt de faim.
J’ai attrapé la grippe au cours d’un de mes voyages. Je suis resté cloué au lit
durant cinq jours. Toutes les activités, la plongée par exemple, que j’avais
hâte de faire, ont été annulées. J’étais incapable de boire, encore moins
d’avaler quelque chose. Et une fois un peu rétabli, j’ai remarqué que le désir
de boire de l’alcool s’était amoindri. Je pense que les cinq premiers jours sont
les plus douloureux lorsque l’on cherche à arrêter.
J’ai saisi cette chance au vol. Les vingt premiers jours, le désir de boire était
toujours présent, et j’enviais ceux qui buvaient. Mais un mois plus tard, je me
suis rendu compte que je n’éprouvais même plus d’envie en voyant
quelqu’un boire un verre. Naoki Numahata, avec qui je tiens le blog, a arrêté
l’alcool à la suite d’une hospitalisation pour une opération des dents. On
entend également le même genre d’histoire chez les anciens fumeurs. Tomber
malade nous sape le moral, mais notre corps se retrouve dans une situation
différente de celle d’ordinaire : c’est une chance à saisir pour arrêter une
habitude.
L’événement qui m’a encouragé à me débarrasser de mes possessions est la
rupture avec ma petite amie de l’époque. Quand je regarde les entrées de cette
période dans mon journal, j’allais souvent au temple… Je cherchais sûrement
à me retrouver. Ces « tournants » dans notre vie peuvent nous encourager à
changer.

Arrêter quand on en a le plus besoin


Si vous devez avaler deux crapauds,
il vaut mieux commencer par le plus gros.
Et ne pas le contempler trop longtemps.
MARK TWAIN
J’ai arrêté de boire en janvier, la période de l’année, à mon sens, la plus
favorable. Pourquoi ce mois était-il le plus propice à un tel changement ?
Tout simplement à cause des festivités du Nouvel An et des mariages
auxquels j’étais invité. En somme, les obstacles les plus difficiles à
surmonter. J’avais également déménagé à la campagne, où les distributeurs
automatiques et les épiceries ouvertes 24 h/24 sont rares. Mes seuls moyens
de transport étaient mes jambes et mon vélo. Mon nouvel environnement m’a
beaucoup aidé.
La méthode efficace, quand on cherche à arrêter une habitude, est de le
faire au moment où on a le plus besoin d’elle. Je voulais arrêter d’utiliser de
la cire pour les cheveux. J’ai décidé de le faire le jour où j’avais rendez-vous
avec une charmante jeune femme. Si j’ai pu m’en passer au moment où j’en
avais le plus besoin, je pouvais tout à fait m’en sortir le reste du temps.
De même pour l’alcool. Après un certain âge, mes relations avec les
femmes débutaient toujours avec un verre. L’alcool était devenu indissociable
de mes rendez-vous galants. Si j’arrivais à ne pas en boire le jour le plus
important, alors un petit désir le reste du temps pouvait très facilement être
ignoré.
Le climax, pour ma part, a été atteint dans un restaurant à New York après
quatre mois d’arrêt. Mon livre L’Essentiel et rien d’autre venait d’être traduit
en anglais et j’ai été invité à une conférence pour en parler. J’étais en
compagnie de l’éditeur new-yorkais, de la traductrice, de l’agent littéraire.
Fêter un événement aussi exceptionnel, dans un cadre aussi exceptionnel,
entouré de personnes aussi exceptionnelles n’arrive que peu de fois dans une
vie. Ce jour-là, je n’ai pas bu d’alcool. J’ai alors pris conscience que j’étais
totalement abstinent.

ÉTAPE 4 : ARRÊTER TOTALEMENT


Samuel Johnson, auteur britannique du XVIIIe siècle, aurait répondu de la
manière suivante à un ami qui lui proposait un peu de vin : « Je ne peux boire
“un peu”, c’est pourquoi je ne bois pas une goutte. Si l’abstinence m’est
aisée, la tempérance m’est impossible. » Je suis parfaitement d’accord avec
lui.
On pense souvent que pour arrêter l’alcool, il vaut mieux d’abord réduire la
consommation à une ou deux fois par semaine, pour ne pas abandonner le
plaisir, avec l’impression que cette cadence sera facile à tenir. Mais ma
réponse à cette proposition est un « non » ferme et définitif. Autrefois,
comme j’étais triste à l’idée d’arrêter complètement, je m’étais créé des
« exceptions » : « OK si je suis avec une amie », « OK en voyage », « OK si
c’est pendant un mariage », « OK si c’est de la bière de mon brasseur préféré
ou du saké bio »… Or, ces exceptions devenaient toujours plus nombreuses :
je me disais que je pouvais aussi faire une exception quand je rencontrais
quelqu’un que je connaissais, ou que boire un petit verre rendrait cette
journée un peu spéciale…
Les règles se compliquent, on est alors obligé de se demander si la situation
dans laquelle on se trouve est particulière ou non, ou s’il vaut mieux résister.
En d’autres termes, la conscience est constamment sollicitée, et arrêter de
boire ne peut devenir une habitude.
Kant s’autorisait à fumer une pipe une fois par jour. Mais on raconte que
plus les années passaient, plus la pipe devenait grosse. Cet exemple illustre
parfaitement les problèmes liés à l’établissement de règles « d’exception ».

Ni stoïcisme ni patience
Promettre de ne pas faire une chose est le plus sûr
moyen au monde pour avoir envie de la faire.
MARK TWAIN

Pour moi, l’alcool était synonyme de joie ou de plaisir : voilà pourquoi je


cherchais à me créer des exceptions. S’obstiner à le penser ne me permettait
pas d’arrêter de boire. Car, si alcool = plaisir, cela signifiait que l’arrêter
= me priver = endurer une situation pénible. Endurer implique un état dans
lequel on ne trouve pas de récompense. Et sans récompense, nous ne pouvons
poursuivre ce que nous avons entrepris.
Lorsque l’on décide de renoncer à quelque chose, une des techniques est de
ne pas utiliser d’interdiction. Non pas « tu ne dois pas boire », mais « ce n’est
pas la peine d’en boire aujourd’hui ». Interdire ne nous fait pas penser aux
bénéfices, mais à la peine, à la souffrance que l’on va éprouver à ne pas le
faire. Souvent, quand je dis que j’ai arrêté de boire, on me répond que je fais
vraiment preuve de stoïcisme. Mais ce n’est pas le cas. On pourrait me
qualifier de stoïque si je ne cédais pas à la tentation de l’alcool. Or, comme
nous l’avons vu dans le premier chapitre, ceux considérés comme ayant une
volonté de fer sont, en réalité, beaucoup moins soumis à la tentation. Par
exemple, quand je vais dans un bar, je n’hésite plus entre boire ou ne pas
boire, puisque la question ne se pose même plus.
Je me retrouve dans une situation où l’option « boire de l’alcool » est
grisée : je ne peux même pas la sélectionner. Les épines des neurones se
développent à mesure que nous répétons une action, et à l’inverse, entrent
dans un état de « veille » lorsque celle-ci n’est pas répétée (c’est peut-être
pour cette raison qu’un verre suffit à un alcoolique sevré pour replonger).
À présent, je n’arrive plus vraiment à me rappeler la fraîcheur de la bière et
l’état d’ébriété qu’elle provoque. Je n’éprouve pas l’envie d’en boire. Je suis
un peu dans la même situation qu’un enfant qui ne comprend pas pourquoi
les adultes aiment la bière. À l’époque, je buvais whisky sec sur whisky sec,
mais désormais, l’odeur suffit à me rendre un peu nauséeux.
Cette situation doit sembler étrange à ceux pour qui l’alcool est
irremplaçable. On peut sûrement faire le parallèle avec les individus qui font
leur footing sous un soleil de plomb et dont le comportement paraît
incompréhensible aux yeux de certains.
On dit que le stress qui disparaît avec l’alcool et le tabac est le stress du
manque lié à leur consommation. J’étais autrefois persuadé qu’en arrêtant de
boire, j’allais perdre 70 % des plaisirs qu’offre la vie. Il suffit de jeter un œil
dans une cour de récréation et de regarder les enfants s’amuser pour
comprendre que ce n’est évidemment pas le cas. Quand on « perd » un
plaisir, d’autres viennent prendre la place qu’il a laissée vacante.

Changer radicalement d’objectif


Il y a une anecdote que j’apprécie particulièrement à propos de
l’importance de se fixer un objectif. L’entreprise Matsushita Electric (que
l’on connaît sous le nom de Panasonic aujourd’hui) avait pour objectif de
réduire ses frais de consommation d’électricité de 10 %. Or, elle n’y
parvenait pas. Un jour, alors que les dirigeants se réunissaient pour discuter
des mesures à prendre, Matsushita, le fondateur, a déclaré qu’il valait mieux
changer radicalement d’objectif, et non plus viser 10 %, mais 50 % de
réduction. Si l’objectif est de 10 %, on ne peut prendre de grandes mesures,
on « bidouille ». Or, si l’objectif est une réduction de moitié, c’est le
processus tout entier pour y parvenir qui doit être changé. Et qui nous permet
ainsi d’enfin apercevoir une réduction de 10 %. Changer radicalement. Tout
comme il vaut mieux, pour que cela soit plus facile, arrêter totalement
l’habitude dont on cherche à se débarrasser.

ÉTAPE 5 : LE PRIX À PAYER


Si tu observes tout ce dont tu t’es débarrassé ou
comptes te débarrasser, tu pourras alors prendre la
mesure de ce que tu essaies d’obtenir.
LE SOMMET DES DIEUX, JIRÔ TANIGUCHI

Il est important de souligner que, quand on cherche à prendre ou à arrêter


une habitude, il y a toujours un prix à payer en contrepartie. L’écrivain John
Gardner a déclaré : « Que l’on enfreigne la loi ou qu’on la respecte, tout se
paie un jour ou l’autre. »
Par exemple, conduire une moto sans casque est très dangereux et peut vous
valoir une amende. Mais en porter un, conformément à la loi, vous fait vous
sentir à l’étroit et réduit la sensation de liberté propre à la moto.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : ne pas vouloir en
payer le prix
De la même manière, je paie le prix d’avoir arrêté de boire. Il arrive que
mon entourage, lorsque je me rends à une fête, ait l’air triste ou ait pitié de
moi. Moi aussi quand je buvais, j’avais tendance à plaindre ceux qui n’en
consommaient pas.
Les réactions sont diverses et variées :
Un ami : un peu, juste un peu ! Allez, bois un verre avec moi !
Ma mère : que c’est triste…
Un Français : Oh !?
J’aime les objets, et les laisser partir ne signifie pas que je renie leur valeur.
Tout comme je l’ai dit un peu plus tôt pour les cultures en lien avec l’alcool,
cela peut conduire à des malentendus. Surtout quand ceux qui aimeraient
arrêter éprouvent de la colère en voyant ceux qui ont réussi à le faire.
Certaines personnes, qui ne savent pas ranger ou n’arrivent pas à se
débarrasser de leurs possessions, sont irritées par le minimalisme. Car je
pense que quelque part, cela les tracasse tout de même. Quand on est
persuadé d’agir de la bonne manière, ce n’est pas de la colère que l’on est
censé ressentir envers ceux qui agissent différemment, mais de la pitié.
Je paie certes une contrepartie à ma sobriété, mais j’en retire beaucoup de
bénéfices. J’ai une vie bien réglée, mon état de santé s’améliore, mes
dépenses diminuent, tout comme mes déchets, je ne rencontre plus de
problèmes de comportements liés à l’état d’ébriété, puisque je reste lucide
tout le temps. Ce qui est essentiel, quand on renonce à une habitude, c’est de
savoir ce que vous voulez privilégier, même s’il faut pour cela payer une
contrepartie.
Quand Haruki Murakami travaille sur un roman, il écrit tous les jours.
Comme sa vie est parfaitement réglée, il lui arrive souvent de refuser des
invitations. Mais à force de le faire, il a fini par s’attirer les foudres de ses
proches. Ce qui nous paraît le plus important, quand on écrit un livre, c’est la
connexion, le lien avec la foule anonyme des futurs lecteurs. La colère de ses
amis est le prix à payer par Murakami pour vouloir privilégier ses lecteurs.

ÉTAPE 6 : DÉGAGER LE SIGNAL DE


L’HABITUDE ET LA VÉRITABLE RÉCOMPENSE
Charles Duhigg, auteur du Pouvoir des habitudes, cherchait à renoncer à
son habitude du cookie de l’après-midi. Tous les jours, il se rendait à la
cafétéria, achetait un cookie et papotait avec ses collègues présents. Cette
habitude l’a bien évidemment fait grossir. La routine, devenue problématique,
était évidente : manger des cookies. Mais il lui a fallu découvrir le signal qui
la déclenchait. Comme nous l’avons déjà abordé un peu plus tôt, Duhigg a
classé les signaux en cinq catégories :
• Localisation : où suis-je ?
• Heure : quelle heure est-il ?
• État émotionnel : quel est mon état émotionnel ?
• Autres personnes : Qui m’entoure ?
• Action immédiatement précédente : qu’ai-je fait juste avant ?
Alors, Duhigg a pris des notes pendant plusieurs jours. Il a compris que cela
se passait aux environs de 15 h 30. Puis, il a cherché à savoir quelle était la
vraie récompense : décompresser ? Le sucre du cookie ? Discuter avec des
collègues ? Il s’agissait en réalité d’un moment de distraction. Ainsi, il réglait
une alarme sur sa montre à l’heure dite, pour lui servir de signal et trouvait un
ami avec qui discuter. Ce qui est devenu une habitude par la suite. Oublié le
cookie aux pépites de chocolat (qui n’était pas, en réalité, la véritable
récompense).

La récompense du tweet
Si je ne prends aucune mesure, je me retrouve souvent à errer sur Twitter.
J’ai l’impression que l’envie de voir les réactions à mes tweets est plus forte
que moi. Au moment où je rédige ce livre également, les idées fusent dans
ma tête et j’ai envie de les poster sur Twitter. Mais si je venais à le faire, je
passerais tout mon temps à guetter et à lire les réactions, et ne pourrais
avancer sur ce projet.
J’ai créé une note dans mon smartphone intitulée « Twitter ». Quand j’ai
une idée précise de tweet, je la « poste » dedans. L’effet est immédiat. Je
pensais que la récompense que j’obtenais en utilisant ce réseau social était les
like et les retweets de mes abonnés, mais en réalité, il s’agissait de
« conserver mes idées ». En les notant, et même si personne d’autre que moi
ne peut les lire, j’éprouve un grand sentiment de satisfaction.
Il est difficile d’éliminer une envie ou une récompense. Mais le contenu de
la routine peut être transformé. Et l’application pour smartphone appelée
« +1 » m’y a aidé. « +1 » est une application ultra-simplifiée pour compter : il
suffit d’appuyer sur le bouton « + ». Par exemple, quand je suis titillé par
l’envie de me rendre sur Twitter, je lance l’appli et j’appuie sur le bouton. Ce
simple geste permet d’éprouver une sorte de sensation d’accomplissement et
de stopper le désir. Que ce soit croiser les jambes ou pour n’importe quel
autre tic, on peut le corriger en le remplaçant par la routine qui consiste à
appuyer sur ce « + ». Et à la fin de la journée, quand le compteur affiche
« 10 » ou « 20 », on éprouve alors un sentiment de satisfaction.

ÉTAPE 7 : TRAQUER LE VRAI COUPABLE À LA


MANIÈRE D’UN DÉTECTIVE
Cela faisait des années que je rêvais de me lever tôt, mais rien n’y faisait, je
n’y arrivais pas. Plusieurs raisons pouvaient être à l’origine de ce blocage.
Les suspects étant nombreux, j’ai dû endosser le costume de détective et
traquer le vrai coupable. L’hypothèse établie, pour le meurtre de
Monsieur Lève-tôt, fut la suivante :
Le réveil sonnait. J’appuyais sur le bouton « rappel » et n’arrivais pas à
quitter mon lit. J’avais donc apparemment pris l’habitude d’appuyer sur ce
bouton dès que l’alarme retentissait. Si notre temps de sommeil est suffisant,
nous sommes censés être capables de nous réveiller naturellement.
Conclusion : je ne dormais pas assez. Et si je ne dormais pas assez, c’est
parce que je buvais de l’alcool le soir. Résultat : je me couchais tard. Nous
pouvons également penser à la qualité du sommeil impactée par l’alcool :
moins profond, plus léger. Eurêka ! Le suspect numéro 1, sur la liste des
coupables de ce meurtre, était l’alcool.
Attendez ! Et le grignotage ? La possibilité selon laquelle un temps de
sommeil plus long était indispensable à ma digestion n’était pas à exclure.
Effectivement, j’avais tendance à me coucher le ventre plein. Quant à
l’oreiller, il était également possible qu’il ne me convienne pas. Mais l’alcool
était le plus suspect d’entre tous. Alors, pourquoi buvais-je ? N’étais-je qu’un
pantin dont quelqu’un tirait les ficelles ?
Au cours de mon investigation, je suis tombé sur une entrée dans mon
journal de bord fort intéressante. Ce jour-là également, j’avais regretté
d’avoir bu la veille. J’avais le moral à zéro : je n’avais pas pu m’atteler à la
rédaction d’un rapport pendant mes heures de travail. Sur le chemin du
retour, j’ai résisté à l’envie d’acheter de la bière au supermarché, mais j’ai
succombé à la tentation des chips à la place. Après avoir dévoré le paquet,
j’ai été pris d’une aversion vis-à-vis de moi-même. J’avais pourtant résisté
une fois, mais je ne pouvais plus contrôler mon désir d’alcool et je me suis
rendu dans une supérette à proximité de chez moi. J’ai acheté une canette,
que j’ai bue. Mais un verre ne me suffisait plus. Je me suis dirigé vers une
autre épicerie, pour m’acheter un alcool plus fort.
Cette spirale infernale avait commencé par le stress provoqué par mon
incapacité à faire le travail que j’aurais dû. J’ai bu, car je n’avais pas pu faire
ce que j’étais censé faire dans la matinée. L’alcool était bien donc le coupable
qui m’empêchait de me lever tôt.
Cela peut se révéler très amusant d’enquêter sur les situations dans
lesquelles vous n’avez pas pu respecter une habitude, ou, au contraire, quand
tout s’est déroulé à la perfection.

ÉTAPE 8 : NE PAS SE SERVIR DE L’IDENTITÉ


COMME PRÉTEXTE
Nombreux sont ceux, chez les journalistes ou les éditeurs, à entasser des
couches et des couches de documents sur leur bureau. Je n’échappais pas à
cette règle. Nos métiers nous demandent effectivement d’avoir de nombreux
matériaux de référence à disposition. Or, depuis que j’ai décidé de ne rien
poser sur mon bureau, j’ai découvert que ça ne gênait en rien mon travail et
que j’en étais que plus efficace. Il règne une sorte de « règle » chez les
journalistes et les éditeurs : pour faire du bon travail, il faut nécessairement
avoir des tonnes de papiers sur son bureau. Il s’agit peut-être là d’un message
envoyé à celui qui y est reçu : « Regarde ! Je travaille si dur que je n’ai même
pas le temps de ranger ! »

Les génies n’attendent pas l’inspiration


Les stéréotypes ont la vie dure : les écrivains écrivent lentement, les artistes
attendent l’inspiration…
Il paraît qu’un écrivain aurait autrefois affirmé à Haruki Murakami qu’on
ne commence à écrire le manuscrit qu’une fois la date butoir dépassée.
Attendre jusqu’à la dernière minute ferait venir l’inspiration, et au moment où
elle tombe, il suffirait de se jeter sur le premier papier trouvé et d’écrire le
roman d’une traite.
L’ouvrage Tics et tocs des grands génies : 100 rituels farfelus à l’origine
des plus belles créations brise magnifiquement ces mythes. On y découvre
que le quotidien des plus grands génies était assez réglé. Le peintre Chuck
Close a déclaré : « L’inspiration est pour les amateurs, les autres se montrent
et travaillent. » Et selon le compositeur John Adams : « On fantasme
beaucoup la vie d’un compositeur qui attendrait la mythique “inspiration”
devant un beau paysage. Mais l’inspiration ne s’attend pas, elle se cultive
dans l’ordinaire du quotidien. »

Modifier son identité


Ce que je cherche à dire ici, c’est que nous pouvons non seulement modifier
les images qui entourent certaines professions, mais aussi notre identité en
général. Avant j’étais persuadé d’être un nocturne ou encore d’être quelqu’un
qui ne peut survivre sans alcool. Comme les membres de ma famille sont
plutôt enrobés, lorsque j’étais en surpoids, je me disais que c’était tout
simplement génétique. Ce qui n’était pas le cas en réalité : c’était une
accumulation d’habitudes qui m’y avait conduit. Mais ce n’est pas immuable
pour autant. L’identité actuelle ne doit pas entraver les actions à venir.

ÉTAPE 9 : LES HABITUDES CLEFS


Les habitudes clefs exercent une bonne influence sur les autres habitudes,
comme un effet domino positif. Ce sont des habitudes « pivots » comme faire
le ménage, du sport, ou encore se lever tôt.
Mon habitude clef est le « tri », débutée avec ma pratique du minimalisme.
Réduire le nombre de vêtements ou d’assiettes m’a permis de ne plus
accumuler de lessive ou de vaisselle. Je suis obligé de la faire chaque fois et
comme la quantité est moindre, c’est facile. J’ai appris à aimer les tâches
ménagères que je haïssais tant auparavant. Ainsi, on peut réussir à apprécier
ce que l’on détestait. C’est cette découverte qui m’a poussé à m’intéresser
aux habitudes. Nous aimons ce qui peut se faire simplement et qui apporte
une récompense, et sommes capables de transformer aussitôt cette action en
habitude.

Le minimalisme aplanit les obstacles


Puisque je sélectionne rigoureusement mes possessions, le temps passé à les
gérer et à faire les courses a été drastiquement réduit. Et le temps gagné m’a
servi à acquérir de nouvelles habitudes. L’autre grand mérite du minimalisme
est qu’il permet d’aplanir les obstacles qui pourraient nous empêcher de
prendre de bonnes habitudes.
Par exemple, j’ai pu prendre l’habitude de faire du yoga, car il n’y a
quasiment pas d’objets dans ma chambre et sortir et ranger mon tapis de yoga
se fait très facilement. La tenue de sport portée disparue dans l’armoire peut,
par exemple, tout à coup vous donner envie de laisser tomber. Je pense que le
fait de se réveiller dans une chambre ordonnée influe sur l’humeur. Le
minimalisme est une aide efficace dans l’acquisition des habitudes.
Mon premier conseil à ceux qui ne sauraient pas par où commencer serait
de réduire les possessions. Faire un tri de manière adéquate permet de réduire
le désordre. Et même sans aller jusqu’à maîtriser l’art complexe du
rangement, on peut tout aussi bien prendre l’habitude de ranger ce qu’on
vient d’utiliser.

Réduire ses possessions grâce au sport


Bien entendu, l’ordre dans lequel on acquiert les habitudes diffère selon les
personnes. Certains prennent tout d’abord l’habitude de faire du sport. Faire
de la musculation par exemple, permet de mieux s’apprécier et de penser
qu’un tee-shirt et un jean sont bien suffisants pour un corps aussi plaisant.
Diminuer ses possessions peut très bien commencer par les vêtements avant
de s’étendre aux autres biens. D’autres encore estiment qu’il vaut mieux
commencer par un régime. Arnold Schwarzenegger par exemple, a
commencé sa carrière par le culturisme, qui est l’habitude de forger ses
muscles, avant de devenir acteur puis homme politique.

Le soldat et le général (Se lever tôt)


Se lever tôt est, à mon sens, une habitude primordiale. Les horaires de
l’école ou du travail sont irréguliers pour beaucoup d’entre nous, mais nous
pouvons choisir l’heure à laquelle nous nous levons. Le matin, après le réveil,
est le moment de la journée où nous sommes le plus concentrés. Plus les
heures passent et plus des événements inattendus surgissent et perturbent le
fil de la journée. C’est pourquoi il est important de profiter de la matinée pour
faire ce que l’on a à faire. Comme je fais en sorte de dormir suffisamment, je
n’éprouve pas beaucoup de difficultés à me lever. Mais parfois quand je dors
mal, il m’arrive de vouloir rester encore un peu au lit. Et pour m’aider à
surmonter cette épreuve, je fais endosser la responsabilité du bon
déroulement du reste de mes habitudes à celle qui consiste à se lever tôt le
matin. D’après les notes de mon journal, les jours où je n’ai pas réussi à me
lever tôt, je n’ai pas non plus réussi à tenir les habitudes suivantes que sont le
yoga ou la méditation. S’en est alors suivi un sentiment négatif, lié au fait de
« ne pas avoir fait » et une perte de la volonté. Et parfois, cela peut même
impacter toutes les autres habitudes de la journée.
Rater le réveil fait s’effondrer le reste des habitudes. Alors, se lever tôt est à
la fois le soldat et le général. Se lever tôt est le soldat envoyé en premier sur
le front, censé assurer la protection du reste de la troupe. S’il tombe, le reste
des habitudes est en danger. Et c’est le général qui en est le responsable.
En élevant le degré de responsabilité de l’habitude de « se lever tôt », j’ai
réussi à le faire plus facilement qu’avant. Bouger mon corps juste après,
grâce au yoga, me permet de « réveiller » mon esprit. Répéter ces actions m’a
fait comprendre que même si je n’avais pas envie de me lever, il me suffisait
de cinq minutes pour être parfaitement réveillé.

ÉTAPE 10 : TENIR UN JOURNAL DE BORD


Je vous suggère de tenir un journal de bord et de vous y mettre le plus tôt
possible. Parce que le journal est un « dossier d’observations de soi-même ».
Lire ce livre ne vous permettra pas d’avoir de bonnes habitudes du premier
coup, sans rencontrer aucun échec. Faire des erreurs est essentiel. Elles nous
garantissent une prise de conscience de nos points faibles. C’est en cela qu’il
est capital de prendre des notes : dans quelle situation et de quelle manière ai-
je échoué, quels prétextes me suis-je inventé… De cette manière, après un
certain temps, lorsque l’on se retrouve confronté à une situation similaire, il
est plus facile de savoir quelles mesures adopter pour y faire face.
Kelly McGonigal, psychologue américaine, explique l’importance de
regarder en arrière et d’observer le « moment » où le choix a été fait. Quand
ai-je pris une décision pour accomplir une habitude, ou encore de quelle
manière me suis-je inventé des excuses plutôt habiles : prendre note de ces
faits vous permettra de vous « retourner » sur vous-même.

La distorsion de la réalité
Si vous ne consignez pas la réalité, alors vous pourrez ensuite la distordre à
votre convenance. Il existe un phénomène psychologique appelé
« raisonnement motivé », qui consiste en la recherche de raisons et de
justifications à nos croyances. Nous choisissons d’abord de « faire ou non »,
et nous en fabriquons les raisons qui nous ont conduits à le faire – ou non –
ensuite.
Je vais illustrer mes propos avec un exemple tiré de ma propre expérience.
Lorsque j’essayais de ne plus consommer de sucre, j’ai très vite eu du mal à
le supporter. En relisant mon journal, voici ce que j’y ai découvert :
« J’ai entendu dire qu’il ne fallait pas se priver de sucre tout le temps, qu’il
était plus efficace d’instaurer des cheat day (jours de relâche) et de s’autoriser
à en manger de temps en temps. » Résultat ? Je me suis fabriqué tout un tas
de prétendus « jours de relâche ».
Lorsque j’examine mes notes sur l’alcool : « Oh ! Oh ! Le vin rouge aurait
un effet brûle-graisse ! », ou encore « Nous avons lancé la réimpression d’un
ouvrage : j’ai fêté l’événement. » En réalité, je ne voulais pas vraiment fêter
cela, j’avais tout simplement envie de boire.
Et quand je mettais au point une excuse plus que crédible, alors il était
impossible de m’arrêter. Si je n’avais écrit pour mémoire ces faits, mes
souvenirs concernant les moments où j’avais bricolé des raisons auraient été
revisités, et j’aurais fini par répéter indéfiniment les mêmes erreurs. Ces notes
sont sans pitié. Combien de fois ai-je lu la même histoire dans mon journal ?
Celle qui racontait qu’alors que je ne pensais boire qu’un verre, je n’ai pas su
m’arrêter. Boire un seul verre pour moi était un rêve qui ne s’est jamais
réalisé.

La limite à ne pas franchir


Passer au crible mon journal m’a fait prendre conscience de certains
penchants cachés. Pour ma part, il s’agit de mon comportement quand mon
poids dépasse un certain chiffre. Je mesure 1 m 76 et quand l’aiguille de ma
balance franchit les 67 kg, mon ventre ou la chair sous mon menton
deviennent une obsession, au point d’en perdre ma concentration. C’est grâce
à mes notes que j’ai pu découvrir que j’avais invariablement les mêmes
réactions. Et j’ai pris conscience que 67 kg était la limite à ne pas dépasser.
Relire mon journal me permet d’observer de manière objective mes
« humeurs », pourtant si équivoques en général, et les moments où elles
apparaissent.

Le secret ? Écrire les faits et rien que les faits


L’astuce, pour persévérer dans l’écriture de son journal, est d’y consigner
les faits, sans chercher à bien écrire. Beaucoup pensent que rédiger un journal
signifie rédiger un essai truffé de métaphores et de préceptes, ce qui rend
l’exercice d’autant plus compliqué. Anne Frank n’a pas écrit son journal en
partant du principe qu’il allait être lu par quelqu’un un jour, et c’est pourtant
un best-seller mondial. Je ne suis pas en train de vous conseiller de vous
bercer d’illusions et d’imaginer que votre journal sera le prochain livre à
succès. Écrivez simplement, sans penser que l’on pourrait vous lire, même
des notes que vous seul pourrez comprendre.
L’ouvrage Les Pouvoirs magiques du journal, de Saburô Omote m’a
encouragé dans la bonne tenue du mien. L’auteur explique qu’un journal,
c’est comme des archives. C’est pourquoi, trente années durant, il a inscrit
dans le sien des faits quotidiens comme le jus de pamplemousse qu’il avait bu
ou les cigarettes qu’il avait fumées. Les événements fantastiques que l’on
peut trouver dans un essai ne se produisent pas tous les jours, des faits, si.
Notez l’heure à laquelle vous vous êtes réveillé, ce que vous avez mangé au
petit déjeuner. Relire des passages fait ressurgir des souvenirs, ce qui est
plutôt plaisant.
Les situations diffèrent en fonction des individus. Un journal est un peu
comme un dossier médical, sur lequel nous nous appuyons pour concocter
nous-mêmes notre propre remède, celui qui nous conviendra le mieux, et qui
nous aidera dans la prise d’habitudes.

ÉTAPE 11 : ENTRAÎNER LE RAISONNEMENT


GRÂCE À LA MÉDITATION
La méditation me semble également être une bonne habitude à prendre
assez tôt. Car elle sert à entraîner le « raisonnement » du système froid. La
méditation est un moyen de travailler la métacognition. La métacognition
consiste à « penser sur ses propres pensées », à porter un regard extérieur sur
ce que nous ressentons. Non pas penser « j’ai envie de manger ce
marshmallow », mais devenir conscients du « moi qui pense avoir envie de
manger un marshmallow ».
Nous avons approximativement 70 000 pensées par jour. La méditation est
l’acte d’avoir conscience de ces pensées et de placer l’attention sur la
respiration. Il faut sentir l’air, en se concentrant sur les endroits par lequel il
pénètre et passe : le nez, la gorge, les poumons, et le chemin qu’il effectue en
sens inverse lors de l’expiration. Cela peut vous paraître facile, mais essayez,
et vous vous rendrez compte à quel point ça ne l’est pas. La conscience
s’envole aussitôt dans des directions imprévisibles, et notre esprit bavarde à
sa guise. Mais la pratique nous amène à réussir à contempler de manière
objective nos propres désirs et sentiments. Méditer, c’est s’entraîner à se
rendre compte du fait que l’on pense.
J’ai très vite pris l’habitude de cette pratique. Car j’avais déjà un espace
propre et ordonné, où je pouvais être au calme. De plus, la récompense
apportée est immédiate. Après la méditation, j’ai comme l’impression que la
résolution du paysage devant mes yeux est plus nette. Je me sens tout
simplement bien, plus léger, comme si la lie qui avait commencé à se déposer
dans mon cerveau avait été balayée.

La méditation pour lutter contre l’alcoolisme


La méditation est également utilisée comme traitement pour l’alcoolisme. Il
a été mis en évidence que pratiquer la méditation permettait de calmer
l’activité dans la zone du cerveau appelée cortex cingulaire postérieur. Cette
zone est en lien avec les pensées répétitives, qui donnent naissance aux
obsessions. La méditation est efficace pour observer avec un regard extérieur
les pensées subjectives comme « je ne suis bon à rien » ou « je ne réussis
jamais ce que j’entreprends ».

ÉTAPE 12 : LA MOTIVATION NE VIENT PAS


AVANT DE COMMENCER
Le problème dans cette perspective n’est pas que vous
ne vous sentiez pas motivé ; c’est que vous pensez
avoir besoin de vous sentir motivé.
OLIVER BURKEMAN
Un jour, alors que faire du sport n’était pas encore devenu une habitude, je
me suis rendu compte que le plus difficile n’était pas de soulever les poids ou
de courir, soit « faire du sport », mais le fait de me rendre à la salle de sport.
Une fois arrivé et mes exercices commencés, à aucun moment je ne me
demandais si je devais partir ou non. C’était avant d’y aller que je me sentais
hésiter : « J’y vais ou je reste à la maison ? » ou « Ah ! Je n’ai pas vraiment la
motivation aujourd’hui ».
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : compter sur la
motivation
Nous sommes persuadés que la motivation jaillira bien de quelque part si on
attend qu’elle arrive. Or, là est le problème. Le neuroscientifique Yûji
Ikegaya affirme que si l’on ne commence pas, la motivation ne vient pas.
Nous nous sentons motivés quand les noyaux accumbens dans le cerveau sont
activés. Or, si nous ne commençons pas, ils ne s’activent pas. Donc, ce serait
le fait de commencer à faire une action qui engendrerait la motivation.
Ce processus est appelé stimulation à la tâche. Se rendre à la salle de sport
peut nous paraître insurmontable, mais le simple fait de commencer à y aller
fera naître la motivation, et les exercices ne seront pas jugés pénibles.

Courir ne m’a jamais laissé de regrets


Ce qu’il faut savoir, c’est que respecter les habitudes que l’on s’est fixé
n’induit jamais de regrets. Il y a regrets quand on ne les réalise pas. Par
exemple quand je me lève tôt, jamais je ne pense que je n’aurais pas dû le
faire. Jamais je ne pense que je suis perdant d’avoir fait mes exercices
physiques. Lorsque l’on éprouve l’envie de « sécher » une habitude, se
demander en toute franchise si on ne risque pas de le regretter par la suite est
un moyen efficace pour nous en empêcher.
C’est le même principe quand nous sommes amenés à faire des choix
importants au cours de notre vie. Tina Seelig explique que réfléchir à la
manière dont vous aimerez raconter l’histoire à l’avenir est un excellent
moyen de faire face aux dilemmes en général. Il faut façonner une histoire
que vous seriez fier de raconter plus tard. Personne n’a envie d’écouter une
histoire où les choix que l’on n’a pas faits sont justifiés par des raisons
comme « j’étais trop occupé », « je n’avais pas les finances nécessaires », ou
« je n’avais pas confiance en mes capacités ».

ÉTAPE 13 : ABATTRE LES OBSTACLES


Il est donc crucial de « commencer » pour faire naître la motivation. Mais
comment faire pour y parvenir ? Il s’agit en réalité de réduire le nombre
d’obstacles qui se dressent sur notre route.
La difficulté de commencer peut être illustrée par toutes sortes d’exemples
empruntés à la physique. Un maximum de puissance est nécessaire à une roue
pour pouvoir commencer à tourner, mais une fois lancée, la puissance
nécessaire pour continuer est moindre. Un train a besoin d’un moteur pour se
mettre en branle, le reste, c’est de l’inertie. La quantité de combustible
utilisée durant les quelques minutes après le lancement d’une fusée est plus
importante que pour les 800 000 kilomètres suivants.
Les débuts de mon apprentissage de l’anglais furent pénibles et douloureux,
car je n’y entendais rien. Mais plus j’en viens à le comprendre, plus l’étudier
devient facile. C’est pourquoi il est primordial d’éliminer autant d’obstacles
que possible, d’enlever le plus de pierres possible sur la route, là où le
maximum de puissance est nécessaire aux roues pour commencer à tourner.

Les leçons que l’on tire du peu d’obstacles


présents sur la route d’une mauvaise habitude
Une action dans laquelle on se retrouve englué et dont on a du mal à
s’extirper est généralement une action dans laquelle le nombre d’obstacles est
terriblement bas. Fabriquer de l’alcool est un art complexe, en revanche, rien
n’est plus simple que de le boire. Nous n’avons qu’à entrer dans un
supermarché pour en acheter une bouteille, le verser dans un verre, et lever le
coude pour l’avaler. Une cigarette est petite et légère, il suffit de l’allumer et
d’inspirer. Pas besoin de muscles ou même de transpirer pour jouer à des jeux
de hasard ou des jeux vidéo : de simples mouvements des mains suffisent. De
la même manière, les téléphones portables entraînent une dépendance, car ils
sont petits et faciles à glisser et à sortir de la poche. Les gouvernements,
préoccupés par la dépendance au téléphone portable devraient envisager de
promulguer une loi selon laquelle la taille des smartphones ne devrait pas, à
l’avenir, être inférieure à celle de l’iPad actuel. Certains auteurs comme
Yukio Noguchi écrivent des livres allongés sur le canapé, en les dictant à leur
téléphone portable. Ils exploitent, dans le cadre de leur travail, le peu
d’obstacles à l’utilisation des smartphones.

L’exemple d’Amazon
Amazon est, à mon humble avis, l’entreprise qui pratique de manière la plus
consciente la suppression des obstacles qui entravent l’action. On peut non
seulement acheter en un clic sur le site, mais acheter un produit qui se prête à
des commandes régulières comme des têtes de brosse à dents électrique ou de
la lessive crée « physiquement » un bouton appelé « Dash Button ». Vous
n’avez plus à chercher, il suffit de cliquer dessus pour recommander. Depuis
peu, nous pouvons également passer commande uniquement avec notre voix,
grâce à une enceinte connectée : « Alexa, commande-moi… »
Quand une catastrophe naturelle de grande ampleur survient quelque part,
on peut être tenté de faire un don en ligne. Or, il faut créer un identifiant,
imaginer un mot de passe, enregistrer son numéro de carte de crédit, autant
d’informations qu’Amazon, lui, connaît déjà. Ce processus laborieux peut
donner envie de baisser les bras. C’est en supprimant au maximum les
obstacles à l’achat qu’Amazon est devenu le roi du e-commerce et de
l’habitude d’achat.
Les trois catégories d’obstacles à supprimer
Les obstacles à supprimer ou à abaisser sont divers et variés. Nous allons
examiner en détail les suivants : la distance et le temps, la marche à suivre, la
psychologie.
Prenons tout d’abord l’obstacle de la distance et du temps. Par exemple,
aller faire un footing dans les jardins du palais impérial est très plaisant, mais
il me faut une heure de train pour m’y rendre, c’est donc une habitude
difficile à prendre. Il est plus facile de prendre l’habitude d’aller courir dans
un parcours à proximité de chez moi. Tout comme il vaut mieux choisir une
salle proche de chez vous pour prendre l’habitude de faire du sport. Car
quand on veut garder une habitude, il est préférable que le lieu pour
l’accomplir se trouve à une distance raisonnable.
Vient l’obstacle de la marche à suivre. Lorsque je cherchais à faire du sport
une habitude, j’ai réduit le nombre d’étapes nécessaires à sa réalisation. Un
jour, comme je traînais à la maison en me demandant pour la énième fois si je
devais aller à la salle ou non, j’ai pris la décision de coucher sur papier toutes
les étapes nécessaires à cette action. J’ai ainsi pu mettre en lumière et
réfléchir à ce qui « bloquait ».
La salle de sport est à proximité de chez moi, et ne demande qu’un court
trajet en voiture. Ce n’était donc pas la distance. En revanche, j’ai remarqué
qu’enfiler et retirer mon legging de sport était des moments pénibles pour
moi. C’est un minuscule détail, mais c’est justement l’accumulation de ces
broutilles qui peut nous faire revenir sur notre décision. Même si je pensais
que le legging était plus tendance, j’ai fini par opter pour un pantalon de
survêtement classique, moins contraignant. J’ai remplacé les boissons
énergisantes que je devais préparer par de l’eau. J’ai également adopté un sac
pratique, qui me permettait de ranger facilement ma tenue et mes chaussures.
Comme je l’ai dit, ce sont des détails qui vous paraîtront peut-être
insignifiants, mais les mesures prises pour les modifier se sont révélées
efficaces et m’ont beaucoup aidé à maintenir cette habitude.
Mari Tanigawa, grande coureuse de marathon, voulait prendre l’habitude de
courir le matin en hiver. Et elle a décidé de sortir courir en pyjama.
Effectivement, changer de tenue dans le froid du matin, à peine sorti du lit,
peut être un obstacle insurmontable. La solution trouvée a été la bonne
puisqu’elle a pu en prendre l’habitude.

La barrière psychologique
Les barrières psychologiques ne doivent pas être ignorées. J’ai senti des
barrières psychologiques s’élever la première fois que j’ai assisté à un cours
de yoga. Je me disais que mon manque de souplesse allait probablement être
objet de moqueries. Et si jamais j’étais le seul homme dans la salle ? Ce sont
des pensées qui surviennent à l’esprit de tous les débutants. Ce seraient
sûrement les questions les plus fréquemment posées s’il existait une FAQ du
yoga. La souplesse du corps se travaille, et ce, à tout âge. Les moins souples
d’entre nous éprouvent plus de plaisir en constatant le chemin parcouru et les
progrès accomplis. Réussir n’importe quelle posture n’est pas le but suprême
de cette discipline. Et lorsque l’on est habitué à être le seul homme du cours,
on peut finalement apprécier cette situation.

ÉTAPE 14 : LES OBSTACLES QUI BATTENT LE


CONTENU
Nous devenons chaque jour un peu plus impatients face à la masse
d’informations à laquelle nous sommes confrontés. Le taux de rebond après
deux secondes de temps passé sur une page web est d’environ 9 %, mais près
de 40 % des internautes quittent le site web après cinq secondes. Peu importe
à quel point le contenu du site est intéressant, peu importe même la qualité
des articles qui y sont vendus, ce qui nous prend du temps n’est plus le
bienvenu.
Alors, si vous êtes décidé à tenir un journal, mais que Word peine à se
lancer, il y a un risque que vous abandonniez l’idée. C’est pourquoi, jusqu’à
ce que l’habitude soit bien ancrée dans mon quotidien, je n’ai utilisé que
l’éditeur de texte standard (ou la prise de notes) de mon ordinateur.
L’ouverture est rapide et se fait sans erreurs de lancement ou de fermeture.
Gardez bien à l’esprit que même le plus petit des obstacles peut faire
s’envoler votre motivation.

Les obstacles aux dons d’organes


ou à la chirurgie
L’exemple présenté par Dan Ariely, professeur de psychologie et
d’économie comportementale, est plutôt choquant.
Quand les médecins doivent choisir entre prescrire un médicament non
encore testé ou une opération de la hanche, nombre d’entre eux privilégient le
cachet à la chirurgie. « Testons avant de décider de pratiquer ou non
l’opération » est un peu la réaction en vigueur. Or, lorsqu’ils sont en présence
de deux types de médicaments, leur choix se porte généralement sur
l’opération. Tester deux médicaments est plus laborieux, et cette petite
« tâche » supplémentaire influe sur leur prise de décision.
Nous avons également l’exemple du don d’organes. La formulation de la
question influence la prise de décision. Quand la question est « Veuillez
cocher la case si vous désirez être donneur », le taux de don baisse. En
revanche, le taux de don augmente lorsqu’il est demandé de cocher la case si
on ne désire PAS faire de don.
Face à une question aussi importante que difficile, comme le don d’organes,
nous mettons notre décision « en attente » et choisissons de laisser la
situation « par défaut »
ÉTAPE 15 : ÉLEVER LE NOMBRE
D’OBSTACLES POUR ARRÊTER
UNE HABITUDE
Enlever les coquilles des pistaches est une opération contraignante et peut
nous empêcher de trop en manger. Les cacahuètes ou autres produits
similaires, qui en sont dépourvues, ont l’effet inverse. J’appelle cela la
« théorie de la pistache ». Si vous cherchez à abandonner une habitude, il est
important de se demander s’il n’existerait pas un élément similaire à la
« coquille de pistache » que vous pourriez utiliser afin de dresser un obstacle.
Une fois les applications des réseaux sociaux installées sur mon téléphone,
je passais mon temps à les consulter. Pour remédier à cela, je les ai
désinstallées et décidé de passer via un navigateur web pour y avoir accès. Et
une fois terminé, je me déconnecte. Ainsi, quand l’envie d’y retourner me
prend, la procédure d’authentification en 2 étapes (saisie de l’identifiant et du
mot de passe) prend plus de temps, et me permet d’y réfléchir à deux fois.
J’avais également trouvé une petite astuce à l’époque où je passais mon
examen d’entrée à l’université pour m’empêcher d’esquiver le travail que
j’avais à faire. Je collais ma chaise contre le mur et tirais le bureau tout contre
moi. Ainsi, pousser le lourd bureau pour pouvoir me lever de ma chaise a
diminué mes envies de pause.
Se contraindre « physiquement » peut se révéler efficace dans plusieurs cas
de figure :
• Au réveil le matin, poser le téléphone portable le plus loin possible du lit,
pour ne pas être tenté d’utiliser immédiatement la fonction « rappel » du
réveil.
• Utiliser une carte de débit immédiat plutôt qu’une carte de crédit, et éviter
les grosses dépenses inutiles en ne pouvant puiser que dans la somme
disponible de son compte en banque.
• Si vous n’avez pas de télévision, vous ne pourrez plus traînasser devant
des heures durant.
Dans Ma vie en mieux. Parce que je le veux bien !, Gretchen Rubin présente
quelques exemples d’obstacles fort intéressants :
• Tenir sa fourchette avec sa « mauvaise » main peut nous empêcher de
manger trop vite.
• Un jour, un voleur a ouvert un coffre-fort, il y a trouvé du chocolat (pour
me dissuader d’en manger, je place les noix et autres cacahuètes dans ma
voiture et non dans la cuisine).
• Victor Hugo demandait à ses domestiques de cacher ses vêtements,
s’obligeant ainsi à rester chez lui pour écrire.
• Certains alcooliques demandent, lors de leur réservation, à ce qu’on vide
entièrement le minibar de leur chambre d’hôtel.

Je ne fais pas confiance à ma volonté !


Je peux résister à tout, sauf à la tentation.
OSCAR WILDE

Se créer des obstacles signifie simplement que l’on ne fait pas confiance à
sa propre volonté. Si l’on part du principe qu’il nous est impossible de
résister à la tentation, on peut sereinement faire face à ses faiblesses.
L’exemple le plus drastique qui me vient à l’esprit se trouve dans
L’Odyssée. Le chant des sirènes, créatures mi-femme mi-poisson, peut attirer
et provoquer la mort des marins en les faisant s’échouer sur les rochers. Voici
ce que Circé déclara à Ulysse : « Je te laisse le droit de les écouter, mais à
une seule condition : tu devras être attaché au mât de ton bateau et quand tu
supplieras tes compagnons de te détacher, ils devront resserrer tes liens. »
Dans le manga culte Ashita no Joe, Toru Rikiishi, adversaire principal du
personnage principal, a demandé qu’on l’enferme à clef dans une pièce afin
qu’il puisse perdre du poids. Or, dès qu’il a entendu la clef tourner dans la
serrure, il a hurlé qu’on lui ouvre immédiatement la porte. Il savait que le
« lui » du futur allait réagir différemment du « lui » du présent.
ÉTAPE 16 : DÉPENSER DE L’ARGENT
DANS UN INVESTISSEMENT INITIAL
J’ai commencé à apprendre la guitare classique il y a un an de cela. Une
guitare pour les débutants coûte généralement entre 150 et 250 euros, mais
les prix peuvent grimper très vite. Bien sûr, tout dépend des budgets, mais
pour ma part, j’ai choisi d’en acheter une de qualité un peu supérieure, qui
m’a coûté environ 480 euros.
Certains pensent que lorsqu’on débute une activité, il vaut mieux se
familiariser avec un objet « bon marché ». Je ne prétends pas que c’est faux.
Cependant, quand on investit une certaine somme d’argent, abandonner
l’objet en question pourra être considéré, par vous-même, comme une
« pénalité ». Car c’est le montant payé qui vous viendra immédiatement à
l’esprit. En optant pour un objet de niveau supérieur, d’une part, le design et
les matériaux sont de meilleures qualités et, d’autre part, cela vous incitera à
l’utiliser.
L’esthétique d’un objet peut aider à l’habituation. Lorsque l’on cherche à
faire du sport une habitude, trouver des baskets et une tenue qui vous plaisent
vraiment et dans lesquels vous vous sentez bien permet de mieux braver la
peine et la souffrance des débuts. Échanger son balai décrépit contre un
magnifique balai fait main par exemple, vous incitera à vous en emparer plus
facilement pour affronter la tâche fastidieuse qu’est le ménage. Un joli
parapluie (ou même un parapluie rigolo) égayera les tristes journées de pluie.
Il ne faut ni négliger ni sous-estimer ces petits effets.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : je ne peux pas le
faire sans…
On raconte qu’Osamu Tezuka, mangaka de légende, avait parfois besoin
d’un modèle pour dessiner. Par exemple, il disait ne pas pouvoir dessiner de
melon s’il n’en avait pas un en face de lui. Il aurait même demandé qu’on lui
trouve un renard roux particulier à une région. Ces demandes lui étaient peut-
être indispensables pour l’aider à abattre une grosse quantité de travail.
C’est à un niveau complètement différent, mais, avant de commencer à
gravir une montagne, il m’est déjà arrivé de ronchonner, car je ne disposais
pas de tout l’équipement dont j’avais besoin. Avoir sous la main des objets
susceptibles d’améliorer l’humeur est une méthode valide pour aider à
accomplir ce que l’on a à accomplir, mais il est parfois nécessaire de tout
simplement se lancer.

ÉTAPE 17 : CHUNK DOWN (DÉCOUPAGE DE


L’INFORMATION VERS LE BAS) : DU GLOBAL
VERS LE DÉTAIL
Le secret pour avancer, c’est de commencer. Le secret
pour commencer, c’est de découper les tâches
complexes et trop importantes en petites actions
facilement réalisables. Puis d’entreprendre la
première.
MARK TWAIN

Cette citation de Mark Twain illustre parfaitement le métaprogramme


appelé chunk down, ou découpage (de l’information) vers le bas. Chunk en
anglais, signifie « gros morceau ». Il s’agit de fractionner un bloc en plus
petits éléments.
Penser qu’une tâche est pénible signifie bien souvent que sa réalisation
nécessite plusieurs étapes, parfois enchevêtrées. Ce que je recommande, dans
ce cas, c’est d’écrire en détail la procédure requise.
Voici, pour exemple, les étapes nécessaires pour commencer à fréquenter
une salle de sport :
• Acheter une tenue.
• Acheter des baskets.
• Comparer les différents tarifs proposés, choisir un forfait.
• Prendre ses papiers d’identité et tous les autres documents nécessaires à
l’inscription, créer une carte de membre.
• Comprendre le fonctionnement des casiers et des machines de
musculation.
En dresser la liste dans votre tête ne servira à rien. « Pour aller à la salle, je
dois acheter des baskets et une tenue, mais combien coûtent les frais
d’inscription et quel forfait choisir ? Ça m’a l’air tellement compliqué toutes
ces machines… Bon, d’abord, je dois acheter une tenue… » Vous revenez
alors à la première étape sans plus y voir clair. Vous tournez en rond et ne
cessez de ressasser les mêmes propos. Les coucher sur papier vous fera vous
rendre compte que toutes ces balles qui rebondissaient en permanence dans
votre esprit n’étaient pas si nombreuses en réalité. Même si vous
n’accomplissez qu’une étape par jour, ce n’est pas grave, chaque petit pas
vous conduira inévitablement à votre but.

Vaincre sa phobie des serpents


Le psychologue Albert Bandura a mis au point une méthode pour aider à
guérir une phobie en peu de temps. Dans le cas de la phobie des serpents, le
chunk down sera le suivant : observer tout d’abord à travers un miroir sans
tain un serpent placé dans une pièce. Il s’agit là d’un acte totalement sûr, que
l’on peut même faire au zoo. Car bien évidemment, si on propose à quelqu’un
souffrant d’ophiophobie d’entrer dans une pièce où il y a un serpent pour
l’aider à vaincre sa peur, il vous répliquera aussitôt que c’est hors de
question. L’approche est progressive. La première étape franchie, on observe
l’intérieur de la pièce depuis la porte laissée ouverte. La personne phobique
s’habitue peu à peu à la vue du serpent. La progression se fait pas à pas,
jusqu’à pouvoir le caresser en portant d’épais gants de cuir. Une fois ce
contact établi, la personne peut aller jusqu’à le trouver beau ou même
accepter de le poser sur ses genoux. S’approcher et toucher sans hésitation
aucune le serpent demeurera peut-être un acte difficile à accomplir, mais c’est
là l’exemple qui illustre parfaitement qu’en procédant par étapes, en avançant
petit à petit, nous sommes capables de réussir ce dont nous nous pensions
incapables.

Le chunk down du réveil matinal


Cette astuce s’applique également dans le cas d’un lever aux aurores.
Rejeter la couette et bondir hors du lit est le résultat final du processus du
réveil, éprouvant certains jours, comme les froids matins d’hiver.
• Ouvrir uniquement les yeux (le corps toujours en position allongée).
• Repousser la couette.
• S’asseoir au bord du lit.
• Faire un pas.
• Si après ce pas, vous ne pouvez toujours pas lutter contre le sommeil,
vous pouvez vous encourager en vous disant que vous pourrez retourner
au lit plus tard.
D’ordinaire, la raison qui pousse à retourner au lit est la suivante : vous êtes
resté dans un état où vous n’avez même pas cherché à ouvrir les yeux.

Comment entamer la conversation


Un de mes exemples favoris de chunk down est relaté dans l’ouvrage Les
Mini-Habitudes : petites habitudes, grands résultats !, de Stephen Guise.
Comment inviter une femme que l’on apprécie à sortir ? Faire d’abord un pas
du pied gauche dans sa direction. Puis, un pas du pied droit. Ainsi, à un
moment donné, vous parviendrez à l’endroit où elle se tient. Elle vous
demandera probablement pourquoi vous marchez d’une si étrange manière.
Et cette question sera le déclencheur de la conversation.

ÉTAPE 18 : COMMENCER PETIT ET VISER


DES OBJECTIFS RIDICULES
Le degré d’équilibre du niveau de difficulté de certains jeux vidéo est
parfois si superbement défini que l’on a du mal à lâcher la manette. Au début,
c’est plutôt facile, mais la difficulté augmente peu à peu, au fur et à mesure
des progrès du joueur. Et l’obtention des récompenses pour accéder au niveau
supérieur prend moins de temps. Un jour, alors que je faisais face à un boss
contre qui je venais d’essuyer défaite sur défaite, j’ai eu envie d’abandonner
la partie. Et je me suis rendu compte d’une chose : ce n’est pas lorsque nous
sommes satisfaits par la récompense que nous désirons renoncer, c’est
lorsque malgré tous nos efforts, nous ne parvenons pas à obtenir de
récompense. C’est en ce sens que l’habitude est comme un jeu vidéo dont le
niveau de difficulté est « extrême » dès le début, et où vous devez affronter
des « boss » puissants dès les premières minutes. C’est à vous d’en baisser le
niveau de difficulté.
Ne pas avoir baissé le niveau de difficulté est l’une des principales causes
du manque de persévérance. Vous vous fixez une bonne résolution à tenir
pour la nouvelle année, et une fois le Premier de l’an passé, vous vous sentez
déterminé. Pendant quelques jours, vous pouvez même avoir la sensation de
renaître. Mais il ne vous faudra pas longtemps avant de vous sentir découragé
par l’action que vous avez commencé à entreprendre.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : prise de conscience
de la difficulté
Imaginons que vous vous êtes fixé 30 pompes et 3 km de course à pied
comme objectif pour la nouvelle année. L’objectif en lui-même est
raisonnable, et vous serez probablement capable de le respecter 3 jours
d’affilée. Mais le découragement arrive quand, avant même de commencer,
on imagine déjà les douleurs musculaires ressenties lorsqu’il reste encore
deux pompes à faire ou l’essoufflement à la fin du parcours de jogging. Bien
entendu, de grands changements ne peuvent intervenir dans notre corps après
quelques jours d’entraînement. Alors, las avant même de se lancer, on se
fabrique des excuses plausibles et on baisse les bras. C’est la « prise de
conscience de la difficulté ».
Et si j’en faisais un peu plus ?
Comme nous l’avons vu un peu plus tôt, le plus difficile est de se lancer.
Mais c’est le fait d’entreprendre qui engendre la motivation.
Prenons l’exemple du ménage ou du rangement. Au début, nous sommes
réticents, mais une fois lancés, on peut finalement se retrouver à nettoyer des
endroits non prévus dans le programme. Le moine Zen Sochoku Nagai a
déclaré à ce propos : « Alors que vous êtes en train de tordre la serpillière,
n’avez-vous jamais pensé “eh bien, frottons ce coin également” ? »
Stephen Guise recommande de commencer petit et de viser des objectifs
ridicules. Oubliez les 30 pompes que vous vous étiez fixées : décidez de n’en
faire qu’une seule. Ainsi, vous n’éprouverez aucune difficulté à commencer.
C’est un bon moyen de créer une situation favorable aux changements. Après
une pompe, vous ne ressentirez aucune fatigue et vous demanderez alors,
pourquoi ne pas en faire 10 ?
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : la dépréciation de
soi engendrée par l’échec.
Définir des objectifs plus petits présente d’autres avantages. Le plus
important, quand on cherche à prendre de bonnes habitudes, est de faire en
sorte de ne pas être en situation de dépréciation de soi. L’autodénigrement
nuit à la volonté et exerce une influence néfaste sur les actions à venir : c’est
ce que nous avons vu dans le premier chapitre. En fixant l’objectif à une
pompe, vous ne ressentirez nullement ce sentiment même les jours où,
débordé de travail, vous êtes en mesure de ne le faire qu’une fois. Car vous
aurez réellement rempli l’objectif visé.
Quand je me sens préoccupé, je me fixe un objectif qui consiste seulement à
« commencer quelque chose » ou à me rendre à tel ou tel endroit. Et parfois,
quand l’envie de faire du sport tarde à venir, je me dis simplement que, si au
moment où j’entre dans la salle ou j’enfile mes baskets je ne me sens toujours
pas d’humeur, je peux toujours rentrer à la maison.
Une amie m’a raconté l’anecdote suivante : une de ses connaissances a
toujours le moral à zéro le lundi et ne veut jamais aller travailler. Son objectif
du jour, pour remédier à cela, consiste à « aller au travail et s’asseoir à son
bureau ». C’est un objectif facilement réalisable et une fois assis, il se met
naturellement au travail.

Écrire « je n’ai pas envie d’écrire »


L’actrice Ryoko Kobayashi écrit son journal dans une langue étrangère
depuis plus de cinq ans, et ce, dans le but de l’étudier. Bien entendu, il y a des
jours où elle n’a pas envie d’écrire. Dans ce cas, la première chose à faire est
d’écrire « aujourd’hui, je n’ai pas envie d’écrire ». Et les mots suivants
viendront tout seuls. « Parce qu’hier, j’ai passé une journée atroce au
travail… » Les raisons qui font que vous n’avez pas envie d’écrire vous
permettront de continuer à écrire. C’est une autre technique de stimulation à
la tâche.

ÉTAPE 19 : JE COMMENCE AUJOURD’HUI


Celui qui dit « je le ferai demain » est un crétin.
OPERATION LOVE (SÉRIE TV JAPONAISE)

Quand on cherche à prendre une bonne habitude, nous avons tendance à


vouloir attendre « le bon moment » ou « le moment venu ». Prenons
l’exemple des résolutions de la nouvelle année. Pourquoi ne pas commencer
à les réaliser le 27 décembre ? Et puisque nous avons déjà une vague idée de
ce en quoi elles consisteront, pourquoi ne pas se lancer dès le 15 novembre ?
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : commencer le
moment venu.
Par exemple, quand on passe sa matinée à musarder au travail, on finit par
se persuader qu’on mettra les bouchées doubles l’après-midi ou même le
lendemain. Puisque je suis déjà dans une telle situation, se dit-on, autant
continuer de lambiner jusqu’au « moment venu » de se mettre au travail.
Les saisons peuvent être un bon prétexte à la procrastination. Il fait froid
l’hiver, on s’y attaquera quand il fera un peu plus chaud ! Oui, mais voilà, le
printemps arrive et avec lui les allergies, puis vient le blues post-jours fériés,
et la chaleur excessive de l’été, et la mélancolie de l’automne… Quand on
veut vraiment trouver à redire, cela peut durer toute l’année.
Le temps passé à attendre le « moment venu » est consacré à nous faire
plaisir, à nous amuser. « Dès demain » est le gagnant incontestable du
championnat du « moment venu ». Je m’y mets demain. Plus tard. Un de ces
jours. Mais aujourd’hui est, du point de vue d’hier, « demain », de la semaine
dernière, « plus tard », du mois dernier, « un de ces jours ». Faisons-le dès
maintenant. Commençons dès aujourd’hui. Même en se fixant un objectif
ridicule. Car nous pouvons à coup sûr réussir à faire une seule pompe.

ÉTAPE 20 : LE FAIRE AU QUOTIDIEN


J’y vais ? Je n’y vais pas ? La réponse est claire.
C’est soit j’y vais soit j’y vais.
ALL ROUNDER MEGURU (MANGA DE HIROKI ENDÔ)

Quand on cherche à perdre une habitude, il est plus simple de l’arrêter


complètement. À l’inverse, pour prendre une bonne habitude, il est plus
facile, en réalité de le faire au quotidien.
On pourrait croire qu’il vaut mieux, pour commencer, courir une fois par
semaine plutôt que tous les jours. Car on envisage le niveau de difficulté
comme une « addition d’efforts ». Ainsi, certains ont tendance à penser que le
faire 2 à 3 fois par semaine ou 1 fois tous les 2 jours est plus simple, soit
d’adopter la méthode qui consiste à augmenter progressivement le nombre de
répétitions de l’action. Or, en procédant de cette manière, on finit par tomber
dans le piège de l’ajout de difficultés. Mais pourquoi ?
Par exemple, décider de ne courir que 2 jours par semaine. Voici les
pensées susceptibles de nous traverser l’esprit : « Tiens ? C’est aujourd’hui ?
Quand ai-je couru pour la dernière fois ? » « Je dois courir aujourd’hui, mais
je ne suis pas d’humeur. Tant pis, je ferai trois joggings la semaine prochaine
pour compenser. » On se lance dans des petits calculs. On s’oblige à faire des
choix et à prendre des décisions. On se retrouve à « lancer la pièce » – pile ou
face ? – de la prise de décision.

Plus besoin d’hésiter si c’est tous les jours


Le faire tous les jours supprime la prise de décision ou l’embarras, causé
par la question de savoir si on doit le faire ou non. En l’exécutant au
quotidien, ce que l’on ne veut pas faire se transforme en une action que l’on a
naturellement et spontanément envie de faire. Le faire tous les jours est, à
mon avis, l’un des arcanes de la prise d’habitude.
C’est le niveau de difficulté qui doit être baissé, non la fréquence. Il est
recommandé de faire l’action tous les jours, jusqu’à en avoir pris totalement
l’habitude. Et quand vous serez capable de l’exécuter naturellement, vous
pourrez alors ajuster la fréquence, toujours de manière appropriée.
Bien sûr, il y en a pour qui courir n’est pas possible. Dans ce cas, on peut
très bien commencer par marcher 500 mètres tous les jours. Et même réduire
l’objectif à enfiler les baskets. Ou décider de prendre l’habitude de marcher
depuis la gare jusque chez soi.

Si l’action n’est pas répétée quotidiennement,


elle ne devient pas inconsciente
J’ai du mal à me rappeler comment nouer les cordes d’une guitare, mais je
pense pourtant que la difficulté en elle-même n’est pas bien différente de
celle d’attacher ses lacets. La différence, ici, réside dans le nombre de fois où
l’action est exécutée. Je dois faire mes lacets tous les jours, or, je ne change
mes cordes de guitare que rarement, ce qui m’oblige à le faire en m’aidant
d’un tutoriel. Même si je n’assiste plus à des réunions de travail, j’ai toujours
en mémoire la manière dont on fait un nœud de cravate, car c’est un geste que
je faisais tous les jours lors de ma première recherche d’emploi. J’arrive à
m’en souvenir, car c’est une action qui était devenue inconsciente.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : croire que le « moi »
de demain est Superman.
La fatigue ou un événement imprévu peut nous donner envie de repousser
au lendemain. Je ne sais pas pourquoi, mais nous avons tendance à envisager
notre moi du lendemain comme différent du moi d’aujourd’hui : un être hors-
norme, pareil à Superman, brillant et débordant d’énergie. On a le sentiment
que le moi du futur sera mieux à même de le faire que le moi d’aujourd’hui.
Les cartes de crédit au débit différé utilisent ce mécanisme à la perfection. Le
moi d’aujourd’hui va craquer et acheter, mais le moi du futur, lui, sera
raisonnable et économe…
J’ai une anecdote intéressante à ce propos. Quand McDonald’s a ajouté la
salade aux menus proposés, il semblerait que les ventes de Big Mac aient
considérablement augmenté. La raison à cette surprenante constatation est la
suivante : nombreux sont ceux à avoir pensé que le moi d’aujourd’hui va
manger le Big Mac, tandis que le moi du futur, lui, sera raisonnable et
choisira le menu salade. Le simple fait de voir une salade affichée dans le
menu a rassuré, a soulagé le moi d’aujourd’hui.
Les racines de ce problème sont profondes : même si nous échouons à de
nombreuses reprises, nous sommes convaincus que le moi de demain, lui,
sera différent. Il est important de garder à l’esprit que le moi de demain sera
le même que le moi d’aujourd’hui.

Et si aujourd’hui se répétait pour toujours ?


Tous les matins, pendant trente-trois ans, Steve Jobs s’est demandé ce qu’il
aimerait faire si cette journée était la dernière de sa vie. Je l’ai imité pendant
quelque temps, mais j’ai vite fini par me lasser. Et à l’époque où j’essayais de
prendre de bonnes habitudes, j’ai modifié cette question de la manière
suivante : « Si cette journée devait se répéter pour toujours, comment est-ce
que j’aimerais la passer ? » Oublié, le Superman de demain ! Car il fera les
mêmes choix que le moi d’aujourd’hui.
Sybil F. Partridge a laissé un texte composé de dix points, intitulé Just for
today (« Juste pour aujourd’hui ») et qui commence ainsi : « Juste pour
aujourd’hui, je serai heureux. » Le contraire de « je le ferai demain » est
« juste pour aujourd’hui ». Ce ne sera pas la peine de le faire demain, car je
vais le faire aujourd’hui. Et quand arrive demain, il suffit de se dire
exactement la même chose.

ÉTAPE 21 : NE PAS IMPROVISER


UNE EXCEPTION
Même s’il est recommandé de maintenir ces actions au quotidien, des
événements imprévus finissent toujours par survenir : un membre de la
famille qui tombe malade, des funérailles ou un mariage à célébrer… Vous
pourrez même avoir envie de mettre vos habitudes de côté pour profiter de
Noël et du Jour de l’an. L’important est de ne pas « improviser » une
exception sur le moment, mais de la décider par avance, avant l’événement en
question.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : créer une exception
le jour même.
Si vous devez vous accorder une petite faveur, ce ne sera pas pour le jour
même, mais pour une date bien précise. Sinon vous risquez de retomber dans
une spirale infernale qui vous conduira à répéter les mêmes erreurs le
lendemain, puis le surlendemain… Décider à l’avance vous permet de tenir la
promesse que vous vous êtes faite à vous-même et n’engendrera pas de
sentiments négatifs ou de dépréciation de soi. Face à une tentation
imminente, certains ont tendance à penser que c’est « OK pour cette fois » (et
toutes les autres où elle se reproduira), ou « qu’aujourd’hui est un jour
spécial ». Mais ces pensées finiront par briser vos habitudes.
Partir en voyage
J’adore voyager, mais quand je faisais les plus grands efforts pour prendre
de bonnes habitudes, je partais moins souvent. Car j’avais le sentiment que
tant que mes habitudes n’étaient pas inébranlables, un environnement ou une
situation hors du commun risquaient de les compromettre. Lors d’un voyage,
ou pendant le retour à la maison, certaines conditions sont différentes de
celles de notre quotidien : pas de salle de sport, de tapis de yoga, ni de
bibliothèque… d’autres sont identiques : l’heure du lever peut être décidée
avant de partir par exemple. Lorsque le rythme de vie est cassé, revenir à ce
qui se faisait auparavant est compliqué. C’est pourquoi je continue de me
lever à l’aube, même quand je voyage. J’emporte également mon ordinateur
portable pour pouvoir rédiger mon journal. Et même si je n’ai pas de tapis de
yoga, je fais la Salutation au soleil à même le sol.
L’historien et homme politique britannique Edward Gibbon n’a jamais
cessé ses recherches même pendant son service militaire. Il emportait avec lui
un ouvrage d’Horace pendant les exercices de marche, ou examinait des
théories en rapport avec la religion sous sa tente. Certains éminents
personnages peuvent être une grande source d’inspiration.

L’exception est l’épice de l’habitude


Après un certain temps, j’ai compris que voyager et ne pas pouvoir
pratiquer mes habitudes pouvait finalement leur être bénéfique. Pratiquer les
mêmes actions tous les jours les rend évidentes, et le sentiment
d’accomplissement ressenti dans les premiers temps tend à s’estomper. Je me
suis alors organisé un voyage de cinq jours, à l’intérieur du pays. Même après
un laps de temps si court, il m’a fallu trouver la force de recommencer mes
habitudes dès mon retour à la maison. Me rendre à la bibliothèque pour
travailler ou aller à la salle de sport était redevenu pénible. Mais une fois à
nouveau accomplies, ces actions m’ont à nouveau procuré un fort sentiment
d’accomplissement. Et retrouver ces vieilles habitudes a même donné
naissance à un sentiment de sécurité. Ainsi, les « exceptions » peuvent faire
souffler un vent de fraîcheur sur nos habitudes. Elles sont un peu l’épice qui
les relève.

ÉTAPE 22 : PROFITER DE NE PAS ÊTRE DOUÉ


Dans dix ans, sûrement, tu auras envie de
recommencer ta vie en revenant dix ans en arrière.
Recommence ton futur maintenant. Car tu reviens de
dix, vingt, cinquante ans dans le futur. Maintenant.
ANONYME

Laissez-moi vous raconter une petite histoire que j’ai autrefois entendue.
Quand on lui a demandé quels étaient les plus grands regrets de sa vie, une
grand-mère âgée de 90 ans a répondu : « Quand j’ai eu 60 ans, j’ai eu envie
d’apprendre le violon. Mais j’ai pensé qu’il était trop tard pour cela, alors j’ai
abandonné cette idée. » Si elle avait appris le violon à 60 ans, elle aurait pu
en jouer pendant trente longues années. Voilà quel était son plus grand regret.
Raisons des difficultés à prendre une habitude : penser qu’il est trop tard
pour commencer
J’ai commencé à apprendre la guitare à l’âge de 37 ans. Il m’arrive parfois
de me demander pourquoi ne pas l’avoir fait à 15 ans. J’ai également
commencé à courir des marathons à 37 ans, mais si j’avais débuté à 20 ans,
jamais je n’aurais pu battre le record que j’aurais établi à cet âge.
Cependant, le sentiment de satisfaction pour moi se trouve ailleurs que dans
les progrès que je fais à la guitare ou que dans mes performances aux
marathons. Que l’on soit débutant ou expert, que l’action soit simple ou
compliquée, le niveau de satisfaction ressenti est quasiment identique. La joie
ne naît pas du résultat. Donc, lancez-vous sans plus d’hésitations. Le plus tôt,
pour commencer, est maintenant. Je pense aussi me mettre au piano. Si je le
pratique pendant 30 ans, je pourrai sûrement réussir à jouer un morceau,
non ?
J’avais beau rêver de faire du yoga, je n’arrivais pas à me jeter à l’eau. Je
prenais mon manque de souplesse comme prétexte. Mais ce sont les moins
souples d’entre nous qui prennent le plus de plaisir dans cette discipline. Je
m’explique. Les danseurs par exemple, peuvent immédiatement maîtriser
n’importe quelle posture. Or, le yoga vise avant tout à une harmonie corps-
esprit : les postures n’en sont pas la finalité. Les moins souples concentrent
leur attention sur leur corps, et découvrent la voix qui en émane. Rien n’est
plus gratifiant ni plus plaisant que de constater que notre corps est en train de
changer. Le yoga est une discipline qui peut être appréciée par tous, souples
ou moins souples. J’envie le plaisir des personnes qui débutent dans cette
pratique ; tout comme j’envie ceux qui lisent le manga Slam Dunk pour la
première fois.

ÉTAPE 23 : ÉTABLIR DES SIGNAUX


Lorsque l’on cherche à prendre une nouvelle habitude, se servir d’une
habitude déjà ancrée dans notre quotidien comme signal est un bon moyen
d’y parvenir.
Un de mes amis par exemple, fait des squats quand il se sèche les cheveux.
Ce que je vous recommande, pour faire le tri chez vous, est de le faire lorsque
vous vous brossez les dents. Trois minutes suffisent : tenez la brosse à dents
dans une main, faites un tour de la pièce, et dénichez un objet dont vous
n’avez plus besoin.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : l’absence de signal.
Ne pas savoir trier ou ranger donne lieu à du stress ou de l’irritation, mais
cela ne met en aucun cas notre vie en danger. Il est préférable de savoir parler
anglais, mais ce n’est absolument pas indispensable dans la société japonaise
actuelle. Prendre une bonne habitude alors que nous ne nous trouvons pas
dans une situation critique n’est pas chose aisée. Il devient donc essentiel de
créer, de manière intentionnelle, des signaux qui déclencheront une routine.
Pour ma part, j’ai décidé de consacrer le temps dont je disposais avant de
partir au travail à l’étude de l’anglais. Arriver en retard au « cours d’anglais »
que je me dispense à moi-même engendre un sentiment de culpabilité : je fais
donc en sorte de le commencer pile à l’heure. Je fabrique mes propres
légumes en saumure, que je dois mélanger tous les jours. Or, avant que cela
ne devienne une habitude, j’avais tendance à oublier de le faire. Comme je
mange des œufs tous les matins au petit déjeuner, j’ai donc décidé de
rattacher l’image de l’œuf à celle de « mélanger les légumes en saumure ».
L’œuf est devenu le signal dans ce cas précis. C’est comme programmer son
esprit : si tu regardes XX, alors fais YY. Plus tard, quand les légumes ont été
prêts, le signal « œuf » qui déclenchait l’action de les mélanger est devenu
celui de les consommer.

Les habitudes sont comme les maillons d’une


chaîne
Le tapis de yoga déposé la veille sur le sol est ce que je vois en premier le
matin quand je me réveille. C’est le signal qui déclenche la routine yoga. Une
fois mes exercices terminés, je m’assois dessus et j’enchaîne sur la
méditation. Puis, je range mon tapis, ce qui dévoile le sol en dessous, et c’est
cette image qui m’incite à passer l’aspirateur. La suite logique à « faire le
ménage », associé à l’image « rendre propre », est la douche. La fin d’une
routine est le signal de l’habitude suivante. De cette manière, les actions qui
s’imbriquent les unes avec les autres peuvent être comparées aux maillons
d’une chaîne.

S’écrire une lettre


Je prends soin de préparer la veille au soir la première chose que je dois
faire au réveil. Pendant l’hiver, je programme la minuterie du chauffage à
l’heure de mon lever pour le rendre plus facile. Affamé et fatigué après mes
exercices à la salle de sport, je bois, une fois rentré chez moi, les protéines
que je prends la peine de préparer avant de partir. Il s’agit en fait d’être
prévoyant, de devancer et d’aider le soi du futur qui doit encore faire un petit
effort. C’est un peu comme si le moi qui avait encore un peu de marge
écrivait une lettre d’encouragement au moi qui n’en aura presque plus :
« Aujourd’hui encore tu vas y arriver ! » ou « Beau boulot ! »

ÉTAPE 24 : SE CRÉER UN EMPLOI DU TEMPS


Avoir un plan vous libère des tourments du choix.
SAUL BELLOW

Le temps est un des signaux les plus représentatifs. La plupart d’entre nous
programment un réveil avant de se coucher, le son de l’alarme étant le signal
du « lever ».
À l’école, les élèves suivent un emploi du temps. La sonnerie est le signal
du début des cours. L’emploi du temps peut s’avérer très utile pour les
adultes également. Pour ma part, je programme mon réveil deux fois dans la
journée : une alarme pour le matin, et une pour l’heure du coucher. Car si je
ne dors pas suffisamment, j’éprouve toutes les peines du monde à ouvrir les
yeux. Nous aimons bien nous divertir avant de nous mettre au lit. Or, si ces
activités prennent de l’ampleur ou nous excitent trop, l’heure du coucher est
de plus en plus retardée. C’est pourquoi nous avons besoin de quelqu’un qui
nous tape sur l’épaule.
Mes journées se déroulent en fonction d’un emploi du temps précis. Je me
rends à la bibliothèque à 9 h 30. Je déjeune à 11 h 30. Le réveil sonne à
21 h 30, heure du coucher, et à 5 h, heure du lever.
B. F. Skinner, un des plus éminents psychologues du XXe siècle, avait réglé
son propre quotidien, à titre d’expérience. Il commençait et terminait ses
travaux d’écriture au son d’une alarme. Il mesurait le temps passé assis
devant son bureau et toutes les douze heures, notait sur un diagramme le
nombre de mots écrits, essayant ainsi de saisir avec la plus grande précision
sa productivité horaire. Un jour, après avoir remarqué qu’il lui arrivait
souvent de se réveiller la nuit, il a décidé d’aller jusqu’à contrôler ses réveils
nocturnes avec une alarme et de consacrer ce temps à l’écriture.

Est-il ridicule d’agir en fonction d’un emploi du


temps ?
Je vis seul, je suis célibataire et j’aime cette liberté. Avant, je trouvais l’idée
de se créer un emploi du temps et d’agir en fonction ridicule. Je me disais que
c’était réservé aux enfants. Et si jamais il me venait une envie subite ? Hors
de question de restreindre ma liberté chérie !
Or ! Quand on ne décide pas à l’avance de l’heure du lever, on finit par
traîner au lit, à hésiter entre se réveiller maintenant ou dormir encore un peu.
Si l’heure du coucher n’est pas fixée, on peut passer toute la nuit à regarder
une série, à enchaîner épisode sur épisode, convaincu que celui que l’on est
en train de regarder est le dernier. Ce comportement – choisir la récompense
immédiate et ne pas penser à la pénalité des regrets du lendemain matin – est
tout à fait naturel : c’est le phénomène de l’actualisation hyperbolique.

Limiter le temps passé sur Internet


Chaque matin, je consulte les actualités et les réseaux sociaux, mais j’ai
décidé de m’imposer une limite de temps passé sur Internet. Car Internet et le
cerveau humain s’entendent un peu trop bien. Un de mes amis a un jour
tweeté que, alors qu’il cherchait la définition d’un mot anglais sur Internet, il
a fini par regarder une vidéo de dix minutes d’un volcan en éruption. Un
autre m’a raconté s’être passionné pour une vidéo d’aventure de survie alors
qu’il comptait simplement acheter une ampoule. Un fait intéressant surgit, le
cerveau se précipite dessus, jusqu’au prochain : il saute d’un intérêt à l’autre
sans cohérence aucune. D’un mot anglais à un volcan en éruption. D’une
ampoule à une aventure de survie. Internet répond à la perfection au caractère
volage du cerveau. C’est pourquoi il est important de se fixer des limites,
sans quoi il est très difficile, voire impossible pour nous de nous arrêter.

La vie réglée des écrivains et des artistes


L’ouvrage Tics et tocs des grands génies : 100 rituels farfelus à l’origine
des plus belles créations nous fait découvrir les petits rituels des plus grands
noms de ce monde. La plupart de ces génies se levaient très tôt et
consacraient leur matinée à la création. L’atelier de Francis Bacon débordait
d’œuvres et d’outils nécessaires à son art. L’état de son lieu de travail et la
violence de ses peintures pourraient nous faire croire qu’il menait une vie
dissolue. Mais ses heures de travail étaient bien déterminées : il se levait à
l’aube et peignait jusqu’à midi. Ensuite, il buvait. Il menait certes une vie
hédoniste l’après-midi, mais ne manquait jamais de peindre tous les matins.
J’ai raconté au début de ce livre la souffrance liée à l’excès de liberté
ressentie au début de ma carrière de free-lance. S’imposer des horaires
(jusqu’à un certain point) et une certaine discipline est donc nécessaire. Les
génies le sont devenus non pas grâce à l’inspiration tombée du ciel, mais
grâce à une discipline personnelle, avec des horaires de travail fixes et
respectés.

L’effet de la date butoir


La date butoir, c’est un peu une sorte d’emploi du temps à long terme. Las
d’avoir tant été poursuivi par les délais au cours de ma carrière d’éditeur,
j’avais pris la décision de ne pas fixer de date butoir pour l’écriture de ce
livre. Nous n’aurons qu’à décider d’une date de publication une fois le
manuscrit terminé. Quel rêve naïf !
Je pensais que la date butoir était le diable incarné. Mais j’ai un peu changé
d’avis : elle peut tout aussi bien être ange ou démon, en fonction de la
manière dont on l’utilise. Elle est un peu comme le supérieur qui gronde
quand cela s’avère nécessaire… Quand on y pense, notre vie elle-même a une
date butoir. Et c’est justement ce temps limité qui nous pousse à ne pas la
gâcher.

Connaître ses limites grâce à l’emploi du temps


Se créer un emploi du temps offre un autre avantage : celui de comprendre
précisément la quantité de tâches que l’on peut accomplir en une journée.
Selon une étude, nous mettrions 1,5 fois plus de temps à accomplir une action
que ce que nous avions estimé. C’est-à-dire que nous avons tendance à
surestimer nos capacités. Un travail que l’on pense terminer en 10 jours
pourra en réalité nous en prendre 15. Il s’agit là d’une autre forme du
syndrome du Superman. Et je sais de quoi je parle…
Lorsque j’étais éditeur, je pensais que me rendre au bureau le week-end,
quand il n’y avait personne pour me déranger, me permettrait de travailler de
manière plus efficace. En réalité, je n’avançais jamais autant que ce que
j’espérais. On a l’impression de pouvoir lire quantité de livres en une semaine
de vacances, et on en emporte tous un tas dans notre valise, « au cas où ».
Bien souvent, on n’arrive même pas à en terminer un. Si la pile de « livres à
lire » dans la bibliothèque est si haute, c’est parce que nous surestimons notre
capacité à maintenir l’intérêt et la quantité que nous sommes capables de lire.

Découvrir ce dont on est incapable


Se créer un emploi du temps et agir en fonction permet de mettre en lumière
les moments où la fatigue intervient et le temps de repos nécessaire. On
découvre également le nombre d’habitudes qu’il nous faut accomplir pour
éprouver un sentiment de satisfaction et la limite à ne pas dépasser.
Ainsi, on en vient à comprendre qu’une fois la limite atteinte, il est
indispensable de supprimer une habitude quand on veut en ajouter une autre.
Je fais partie de la catégorie des individus désireux d’avoir toujours plus de
passe-temps. Actuellement, je n’en cherche pas de nouveaux. J’ai un jour
envisagé de construire une maison mobile sur un petit camion à plateau
remorque. Il s’est avéré que cette activité ne pouvait entrer dans mon emploi
du temps. Avant, je me serais reproché mon manque de courage. Mais
comme j’agis désormais en fonction d’un emploi du temps bien précis, j’ai
compris qu’il était « physiquement impossible » d’y introduire ce désir et j’ai
privilégié autre chose.
Un emploi du temps aide à visualiser la quantité totale d’énergie et la limite
de ce que l’on peut accomplir en une journée. Tout comme consulter le solde
de son compte en banque permet d’éviter un achat inutile, apprendre à
connaître ses limites est essentiel. Si vous êtes salarié et très occupé, vous
pouvez très bien vous imaginer un emploi du temps pour le week-end. C’est
amusant de réfléchir à la manière dont on va utiliser le temps dont on dispose.

Le temps passé à hésiter


L’emploi du temps joue un autre rôle important. Si la journée n’est pas
segmentée en tranches horaires, le temps passé à s’inquiéter ou à hésiter non
plus n’est pas limité. Agir en fonction d’un emploi du temps, c’est faire ce
qui a été décidé dans un délai imparti. Quand les horaires de travail sont
décidés d’avance, nous n’avons pas à « réfléchir » ou à « hésiter ». Si on agit
en fonction d’un emploi du temps, physiquement, il n’y a presque plus de
place pour l’hésitation ou l’inquiétude. Le temps passé à réfléchir, hésiter,
s’inquiéter n’est pas passé à exécuter une tâche : les mains s’arrêtent
obligatoirement. Il est certes nécessaire de s’inquiéter, mais il est préférable
de réduire le temps consacré à ressasser les mêmes pensées, préjudiciable à
nos intérêts.
Il arrive souvent de ne pas pouvoir accomplir une habitude pour des raisons
aussi diverses que variées. Dans ce cas, il vaut mieux penser non pas « je ne
peux pas à cause de XX », mais « je privilégie XX ». Non « je ne peux pas à
cause du travail », mais « je privilégie plutôt le travail ». Certains font passer
l’éducation de leurs enfants avant le sport ou la lecture. « Ne pas pouvoir à
cause de » est une pensée qui affecte les émotions, qui sont d’une grande
importance.

ÉTAPE 25 : LE MYTHE
DE LA CONCENTRATION
Pendant l’écriture de ce livre, il m’est arrivé de mesurer mon temps de
concentration. Je jetais un œil sur l’horloge dès que mes mains quittaient le
clavier. J’ai atteint une moyenne de 20 minutes, ce que je considérais comme
peu. Or, ce n’est pas du tout le cas.
La durée des conférences TED n’excède jamais 18 minutes. Il s’agirait du
temps maximal durant lequel le cerveau pourrait rester concentré, et ce,
quelle que soit la qualité du discours.
La technique de concentration dite Pomodoro est d’une durée plus ou moins
équivalente : on règle la minuterie sur 25 minutes, laps de temps durant
lequel on se concentre uniquement sur la tâche que l’on est en train
d’accomplir. Puis on prend 5 minutes de pause et on répète cette opération à
4 reprises. Au bout de deux heures, on prend une pause plus longue.
Au cours de la méditation, même si on fait en sorte de ne pas laisser ses
pensées divaguer, la conscience part en promenade et commence à réfléchir
par elle-même. Puisque c’est le propre de la conscience, il est très difficile de
l’orienter vers la concentration sur un laps de temps très long.
Travailler en fonction d’un emploi du temps est aussi efficace en matière de
problème de concentration. Charles Duhigg, auteur du Pouvoir des habitudes
passe entre huit et dix heures par jour devant son bureau. Que le travail soit
plaisant ou non, si on reste assis longtemps devant son bureau, c’est
naturellement que l’on se met à la tâche. Il faut donc d’abord décider du
nombre d’heures passées à travailler. Rester assis à son bureau permet de
toujours y revenir, et ce, même si on perd sa concentration ou que l’on se met
à bâiller.
J’ai donc décidé de ne pas relever le défi insensé qui consiste à augmenter
la capacité de concentration. Il est probablement possible de le faire, car la
concentration varie en fonction des personnes. Cependant, j’aime à penser
qu’il est plus utile de créer un système basé sur le principe selon lequel
« personne n’a de concentration ».
L’écrivain Raymond Chandler lui-même attachait de l’importance à avant
tout s’asseoir face à son bureau, même s’il n’arrivait pas à écrire. Le fil de la
concentration a beau être coupé à de nombreuses reprises, à la fin de la
journée, si on en rassemble les morceaux, il en ressort tout de même un
résultat, un petit quelque chose.

ÉTAPE 26 : AGIR EN FONCTION D’UN JOUR


PRÉCIS
Agir en fonction d’un jour précis est une des variations d’agir en fonction
du temps. Je considère le premier de chaque mois comme une journée
consacrée à des « tâches diverses ». Je ne possède plus que l’essentiel, mais il
est tout de même indispensable de trier et de ranger mes possessions au
moins une fois par mois : je fais un « moyen ménage » et non pas un grand.
Ou bien je m’occupe des factures, je trie mes reçus et les favoris de mon
navigateur web, je scanne certains documents… Je traite donc toutes les
petites tâches qui deviennent lourdes quand on les laisse traîner, mais qui ne
méritent pas non plus que l’on s’en occupe tous les jours. Aucune de ces
tâches n’est intéressante, mais les gérer une fois rassemblées procure un
sentiment d’accomplissement. Les petites irritations que l’on peut ressentir au
quotidien s’envolent et si on considère que c’est une action qui aide à
maintenir les habitudes, on peut tout à fait lui accorder de l’importance.
Quand je serai un peu plus tranquille…
C’est particulièrement vrai pour le tri et le rangement, mais nous finissons
par repousser constamment à plus tard – « bientôt » ou « quand je serai plus
tranquille » – toutes les obligations peu importantes et dont on se passerait
bien. J’ai 38 ans aujourd’hui et à aucun moment de ma vie je ne me suis
surpris à penser que ce fameux jour, celui où je suis enfin « plus tranquille »
est venu. Car ce fameux jour n’arrivera jamais. Alors, quand on doit
accomplir une tâche, le mieux est d’aussitôt fixer la date à laquelle on va la
faire. Par exemple, pour les moines bouddhistes zen, les 4 et 9 de chaque
mois sont les jours dédiés à la tonte des cheveux et au ménage consciencieux.
Les 1, 3, 6 et 8 sont ceux consacrés à l’aumône traditionnelle (sûtras chantés
en échange de donations). Fixer une date évite de nous demander si on doit le
faire aujourd’hui ou si cela peut attendre le lendemain, la semaine prochaine.
On peut ainsi passer à l’action sans solliciter sa conscience. Fixez-vous une
date pour l’inscription à la salle de sport ou pour une action en particulier.
Tout en écrivant cette phrase, j’ai moi-même inscrit dans mon journal le jour
de mon rendez-vous chez le dentiste…
Il est préférable d’agir en fonction des jours. Un de mes amis a décidé que
le vendredi serait consacré au travail qu’il déteste et qu’il n’a aucune envie de
faire. Car s’il devait accomplir ces tâches le lundi, il perdrait tout
enthousiasme pour le reste de la semaine. Alors, il a décidé d’utiliser l’entrain
qu’il peut ressentir le vendredi, jour un peu particulier, plus joyeux, car juste
avant le week-end, pour s’y atteler.

Chérir les rendez-vous avec soi


Il est essentiel de donner la priorité aux « rendez-vous avec soi-même ».
D’où l’importance de les consigner dans votre journal. L’utilisation d’une
application vous permet de répéter une entrée en particulier chaque mois.
Considérez le rendez-vous que vous prenez avec vous-même aussi crucial
que si c’était avec un de vos plus chers amis. Si vous recevez une invitation
alors que vous avez quelque chose de prévu, et si, bien sûr, ce n’est pas pour
un événement vraiment particulier, demandez-vous si vous auriez manqué la
promesse faite à votre ami pour vous y rendre. Car vous ne pouvez
décemment pas rater un rendez-vous avec ce vous-même qui, ultra-motivé,
s’apprête à accomplir une action qu’il ne peut faire d’ordinaire, et que vous
ne pouvez rencontrer que rarement.

ÉTAPE 27 : S’OCTROYER UNE PETITE


RÉCOMPENSE TEMPORAIRE
Lis et je te donnerai des noix ou des figues ou je te
donnerai un peu de miel ; grâce à cela, il lit et fait des
efforts, pas pour l’objet de sa lecture – parce qu’il n’en
connaît pas le mérite –, mais afin qu’on lui donne cette
nourriture. Le fait de manger ces friandises est pour lui
plus cher que le contenu de la lecture, et est,
sans aucun doute, le bien à ses yeux.
MOÏSE MAIMONIDE, ÉPITRES, INTRODUCTION AU CHAPITRE HELÈQ

Quand on décide de prendre une nouvelle habitude, par exemple, manger


équilibré ou faire du sport, les résultats ne sont pas immédiats et il se peut
que l’on ressente de la souffrance, dû à un manque de récompense. Ainsi,
mettre en place de petites récompenses temporaires peut être un bon moyen
de vous y encourager. Après mon déménagement, j’ai changé de salle de
sport et j’ai choisi une de celles ouvertes 24 h/24, car dans mon esprit, cela
augmenterait les possibilités de m’y rendre. Or, en réalité, j’y allais moins
souvent. Mes pas, étrangement, ne m’y conduisaient pas. Alors que je
m’interrogeai sur les raisons de ce désamour, je relevai un point essentiel :
cette salle ne proposait que des douches, tandis que celle que je fréquentais
avant possédait des bains en plein air. Plonger mon corps dans un bain chaud
après le sport était devenu une récompense.

Exemples de récompenses temporaires


Le premier de chaque mois est donc pour moi la journée des « tâches
diverses ». C’est également le jour où il y a des tarifs spéciaux au cinéma :
voir un film est devenu ma petite récompense. Mitsuyo Kakuta est une
auteure japonaise, qui, après avoir couru un marathon entier à 43 ans, a
décidé de relever d’autres défis sportifs. Dans un essai, elle explique
l’importance que revêtent les récompenses – aller chez l’esthéticienne, se
faire masser, une soirée à boire entre amis, manger des aliments caloriques –
qui l’attendent après la souffrance. On peut aussi citer boire une bière bien
fraîche après l’effort physique ou manger une délicieuse brioche au petit
déjeuner, comme récompense pour s’être levé tôt.
Il ne faut en aucun cas négliger ou sous-estimer les bienfaits des petites
récompenses temporaires. Et tandis que l’on recherche la récompense, c’est
l’accomplissement de l’habitude lui-même qui tend à être ressenti comme une
récompense. On devient ainsi capable de garder une habitude, même sans
petites récompenses.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : la récompense
contradictoire
Certains d’entre nous, quand ils ressentent des résultats sur la route de
l’objectif à atteindre, ont tendance à relâcher leurs efforts. Une expérience a
été menée auprès de personnes suivant un régime. Il a été demandé aux sujets
de choisir entre une barre au chocolat et une barre à la pomme. 85 % des
participants qui s’étaient pesés juste avant et qui avaient constaté des progrès
ont choisi la barre au chocolat. En revanche, dans le cas où le poids n’est pas
vérifié, le chiffre tombe à 58 %.
Effectivement, quand je monte sur la balance et que je découvre que j’ai
maigri, je fais moins attention à ce que je mange au cours de la journée.
Ainsi, il faut prendre garde à ne pas s’attribuer une récompense qui entrerait
en conflit avec l’objectif, comme s’autoriser à manger plus en récompense
d’un régime.
Il est préférable de s’autoriser une récompense d’un genre différent de
l’objectif que vous visez. Quand je cherchais à arrêter de boire, je m’achetais
de temps en temps des glaces pour me récompenser d’avoir résisté à la
tentation de visiter le rayon alcool au supermarché.
Il s’agit donc de bien choisir la petite récompense adaptée à l’objectif visé,
à la manière du sucre qui enrobe un médicament amer.
Les récompenses temporaires sont efficaces les premiers temps, mais
doivent être considérées comme une mesure provisoire, un « bouche-trou »
jusqu’à ce que la vraie récompense de l’habitude se fasse ressentir.

ÉTAPE 28 : EXPLOITER LE REGARD


DES AUTRES
Tu fais de moi un homme meilleur.
POUR LE PIRE ET POUR LE MEILLEUR

Il est capital de faire ce que l’on a envie, sans se préoccuper du regard des
autres. Mais mes réflexions sur le sujet des habitudes m’ont amené à la
constatation suivante : s’il ne faut pas se préoccuper du regard des autres, il
faut apprendre à l’utiliser à bon escient. C’est l’une des étapes les plus utiles
à l’habituation.
Nous avons tendance à préférer la récompense immédiate à la récompense
différée. Or, savoir utiliser le regard des autres peut nous aider à faire
obstacle à ce comportement, que l’on pourrait même qualifier d’instinct.

Le regard du sexe opposé


Quelques exemples simples : l’épouse d’un de mes amis prend grand soin
de ses cheveux, influencée par la beauté de son coiffeur. L’homme d’affaires
et auteur Takafumi Horie, a, paraît-il, choisi d’engager une femme comme
coach sportif personnel.
Prendre soin de ses cheveux ou faire du sport ne nous permet pas forcément
d’obtenir des résultats immédiats. Et comme la récompense est située dans un
avenir lointain, il se peut que l’on soit tenté de baisser les bras à un moment
donné. Même si nous n’avons pas particulièrement conscience du regard du
sexe opposé, il nous préoccupe. Négliger ses cheveux ou rater un
entraînement risquerait de décevoir le sexe opposé dans ces exemples précis,
tandis que les efforts seront récompensés par des compliments. Agir sur la
base des pénalités ou des récompenses immédiates peut être une aide efficace
au maintien d’une habitude.
On peut trouver des récompenses en toutes choses, mais l’échange avec
l’autre, ou le fait d’être apprécié par l’autre en sont l’une des plus grandes.
Pourquoi l’être humain est-il si sensible au regard des autres ?

Pourquoi se soucie-t-on du regard des autres ?


Il est facile d’imaginer l’importance des relations avec le sexe opposé, en
lien direct avec la reproduction et, finalement, la course à la survie. Depuis la
nuit des temps, l’homme évolue au sein de communautés composées de
quelques dizaines de personnes, et ne peut s’empêcher de s’inquiéter à propos
de son statut ou de sa réputation. Lorsqu’un individu était mis à l’écart de la
communauté, il n’était pas possible pour lui de chasser de manière
satisfaisante et il se retrouvait alors confronté aux dangers de l’existence.
Nous sommes le jouet des like sur les réseaux sociaux (moi le premier) et
nous y surréagissons. Être critiqué sur les réseaux sociaux revient à être
l’objet de médisances dans la vraie vie : on se sent menacé, on a peur de
perdre sa position, son statut. Et nous nous retrouvons à contester avec la plus
grande fureur les critiques les plus insignifiantes de personnes inconnues.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Voilà probablement la raison
pour laquelle nous sommes aussi friands de potins qui nuisent à la réputation
d’autrui.

Privilégier la communauté au risque de mourir


Nous cherchons à satisfaire les attentes de la communauté, quitte à nous
mettre en péril. En 1964, le « Mississippi Summer Project » (Été de liberté),
un programme de défense des droits civiques pour l’enregistrement des Noirs
sur les listes électorales, a suscité un véritable engouement parmi les
étudiants de tous les États-Unis. Le risque était grand et connu de tous
(trois volontaires furent même tués) et sur les 1 000 inscrits, 300 refusèrent
finalement d’y prendre part.
Dans Le Pouvoir des habitudes, Charles Duhigg fait mention du sociologue
Doug McAdam, qui chercha à comprendre pourquoi, alors qu’ils étaient
pleinement conscients des risques, certains étudiants avaient décidé d’y
participer, tandis que d’autres s’étaient désistés.
Tout d’abord, il n’y avait pas de grandes différences concernant les
« motivations » des participants. Et selon McAdam, « être marié ou détenteur
d’un emploi à plein temps » n’avait également aucun lien avec la décision
finale. En revanche, la « communauté » à laquelle ils appartenaient pesait
lourd dans la balance : les étudiants qui avaient accepté de participer au
programme appartenaient à des communautés qui s’attendaient à les voir
descendre vers le Mississippi.
MacAdam explique que ne pas s’y rendre risquait de leur faire perdre leur
statut ou même le respect de leurs amis ou connaissances des associations ou
des églises dont ils faisaient partie, et dont l’opinion était primordiale à leurs
yeux. Bien sûr, l’importance du combat (l’égalité et la liberté, la défense des
droits civiques) était une motivation fondamentale, mais elle n’était pas la
seule. Le regard, l’opinion de ceux qui appartenaient à la même communauté
qu’eux et l’envie de ne pas baisser dans leur estime les ont poussés à prendre
part à une action périlleuse.
L’unique moyen de devenir un grand sportif
Le sociologue Daniel Chambliss, qui a suivi des nageurs olympiques
pendant plusieurs années, estime que l’unique moyen de devenir un nageur
hors pair est d’intégrer une grande équipe. Se retrouver dans un
environnement dans lequel votre entourage se réveille à 4 h du matin pour
aller s’entraîner vous incite naturellement à le faire. Cela devient une
évidence. Cela devient une habitude. Appartenir à une grande équipe pousse
le nageur à accorder son rythme à celui du groupe, à travailler dur, ensemble.
Alors, pourquoi ne pas l’appliquer à notre niveau ? Il s’agirait de trouver
une « équipe » qui nous corresponde. Terminer un grand marathon est plus
facile quand on a un partenaire avec qui relever le défi.

Utiliser les communautés sur les réseaux sociaux


Lorsque j’ai pour la première fois pris la décision de m’inscrire à un
marathon, j’ai posté l’annonce de ma participation sur Twitter. Je l’ai fait en
toute conscience. À cette époque, je devais avoir environ 5 000 abonnés.
J’avais également l’intention d’y annoncer mes résultats.
Il s’agissait du marathon de Naha (Okinawa, Japon), une course plutôt
cruelle. On court sous un soleil de plomb et la moitié des participants
abandonne en cours de route. J’avais des crampes dans les mollets, les pieds
gonflés, compressés dans mes chaussures. Or, me retirer était inenvisageable.
Qu’allaient penser de moi les 5 000 personnes qui me suivaient sur les
réseaux sociaux ? Que j’étais un lâche ? Cette réflexion m’a poussé à
terminer la course. Si j’avais participé sans le dire à personne, je pense que
j’aurais baissé les bras à mi-parcours.
À l’époque également où je cherchais à ne garder que l’essentiel, j’utilisais
la technique du « journal du futur ». J’écrivais m’être débarrassé d’une
possession avant même de l’avoir fait. Ainsi, si la réalité venait à être en
contradiction avec ce que j’avais écrit sur les réseaux sociaux, je vivais
comme une pénalité le sentiment désagréable qui m’envahissait, m’exhortant
par là même à passer à l’action.

Pourquoi Sô Takei fait-il autant de son mieux ?


Sô Takei, ancien athlète et désormais vedette du petit écran japonais, a pour
habitude de consacrer une heure par jour à son entraînement et une heure à
faire des recherches sur ce qu’il ne connaît pas. Pourquoi est-il capable de
faire cela ? Il affirme ne pas le faire pour lui, mais pour ne pas décevoir ses
abonnés sur les réseaux sociaux, dont le nombre s’élève à plus d’un million.
Cela ne signifie pas qu’il vous faudra autant d’abonnés que Sô Takei.
L’homme a toujours évolué au sein de communautés composées d’une
dizaine de personnes, ou vécu dans de petits villages. Trouver un seul
« compagnon » peut être suffisant.

Une communauté de deux personnes


Quand j’ai voulu arrêter les sucreries, j’ai fondé une « alliance de jeûne »
avec un ami qui avait le même objectif que moi. Nous nous étions promis de
nous l’avouer si nous venions à manquer à notre parole. La pénalité avait été
clairement annoncée : s’il venait à céder à la tentation, il baisserait dans mon
estime. Et je baisserais dans la sienne. Penser à lui m’aider à résister aux
sucreries. À l’heure actuelle, lui comme moi sommes toujours abstinents.
Il y a, depuis peu, la mode du peer reading, ou partenariat de lecture. Deux
personnes choisissent de lire le même livre, environ 30 minutes par jour.
Puis, elles parlent de ce qu’elles ont lu. Pas besoin de se voir en vrai, le
débriefing peut aussi se faire en ligne, par messagerie instantanée. Le temps
de débat étant limité, il est nécessaire de bien organiser sa pensée. Cela
encourage à lire avec plus d’attention que d’ordinaire.

Les variations de comportements


Être regardé lorsque l’on accomplit une action, ou être obligé de transmettre
le résultat de ses efforts à une tierce personne peut avoir une incidence sur
notre comportement.
• Penser que quelqu’un nous observe nous fait corriger notre posture ou
surveiller nos manières.
• On peut travailler plus efficacement dans un lieu où se trouvent d’autres
personnes, comme dans un café ou à la bibliothèque.
• Il est plus facile de se laisser aller à la médisance ou à la méchanceté dans
l’anonymat.
• On peut chanter à pleins poumons lorsque l’on se retrouve seul dans une
pièce ou dans une voiture.
Nous nous préoccupons du regard des autres, et accorder autant
d’importance à sa réputation au sein d’une communauté est, en quelque sorte,
une réaction instinctive. Cette situation est pénible quand nous en sommes le
jouet, mais le regard des autres peut se révéler être un allié puissant quand il
est utilisé de manière consciente.

ÉTAPE 29 : LA DÉCLARATION PRÉALABLE


Proclamer à l’avance ce que l’on a l’intention de faire – variation de
l’utilisation du regard des autres – peut également être un adjuvant précieux.
Quand il avait 14 ans, Yuzuru Hanyu, patineur artistique, a déclaré vouloir
devenir le deuxième médaillé d’or du Japon. Ce rêve d’enfant n’avait, à
l’époque, pas été repris par les journaux. Mais c’est un athlète qui sait
comment utiliser le pouvoir des mots : il a été sacré champion olympique en
2014 et 2018.
J’ai annoncé au préalable l’écriture de ce livre sur mon blog. Et c’est à
partir du moment où je l’ai fait savoir que j’ai enfin pris ce projet au sérieux.
Fixer un délai peut également permettre d’exploiter de manière efficace la
force de la communauté. Car ne pas le respecter causerait de l’embarras aux
personnes concernées.
Faire une déclaration préalable nous encourage à faire de notre mieux afin
de ne pas passer pour un menteur ou un paresseux. Si je n’avais pas écrit sur
mon blog que j’allais rédiger cet ouvrage, je pense qu’à l’heure actuelle il ne
serait toujours pas publié.

Créer des pénalités (Engagement)


Le système de la « déclaration préalable » est même devenu un business
pour certains. C’est le cas de Ian Ayres, auteur de Carrots and Sticks: Unlock
the Power of Incentives to Get Things Done (La carotte et le bâton : libérer le
pouvoir de la motivation pour faire avancer les choses). Il faut tout d’abord
définir un objectif clair, par exemple maigrir de 15 kg. Ensuite, il faut décider
d’une pénalité (engagement) si cet objectif n’est pas atteint, comme payer
1 000 euros.
Pour nous aider à arrêter de fumer, nous obliger à faire un don à un parti
politique que l’on déteste peut nous dissuader de toucher à une cigarette. Le
service créé par Ian Ayres propose d’enregistrer le contenu de notre objectif
sur un site web, et où nos progrès sont soumis aux jugements des internautes.
Réussir à arrêter de fumer ou à maigrir nous rend heureux, mais dans ces
cas précis, ne pas atteindre l’objectif visé n’engendre pas nécessairement de
pénalités immédiates. C’est pourquoi il vaut mieux en créer. Plus elles sont
conséquentes, mieux c’est. On peut aussi souligner que les clubs de sport
privés exploitent ce mécanisme, mais en l’inversant : le prix élevé est à payer
d’avance.

ÉTAPE 30 : PENSER DEPUIS LE POINT


DE VUE D’UN TIERS
Moi, ça me va, mais qu’en pense Yazawa ?
EIKICHI YAZAWA

Nous n’avons pas qu’une seule personnalité.


Comme nous l’avons vu un peu plus tôt, nous réagissons en fonction d’un
système froid et d’un système chaud : quand l’un est activé, l’autre est en
sommeil. Rappelez-vous également l’image des débats tenus par le Parlement
dans notre conscience.
Par exemple, tout comme le fait Eikichi Yazawa, il peut être intéressant de
donner un nom à ces deux « nous-mêmes ». Pour ma part, l’instinctif est
« Mr-Hyde-O » et le raisonnable « FumiO ». Considérons-le comme un autre
nous-mêmes, qui nous surveillerait. Quand je suis pris d’une envie subite de
tout abandonner (Mr-Hyde-O), je me demande ce qu’en pense FumiO.
D’autres variations sont possibles :
• Le moi du futur :
Yoshiki Ichikawa, chercheur en médecine préventive interroge souvent son
« moi dans 30 ans ». « Dois-tu aller à cette soirée aujourd’hui ? Ou devrais-tu
plutôt avancer dans tes recherches ? » Ainsi, il lui est plus facile de se mettre
au travail.
• Quelqu’un qui veille sur moi :
Quand Gretchen Rubin hésite à accepter un travail, elle se demande ce que
dirait son agent s’il était là. Dans le film Trois souvenirs de ma jeunesse, un
personnage recommande à un autre de veiller sur lui-même comme un grand
frère le ferait. Ne pas hésiter à prendre du recul et envisager la situation en
adoptant le point de vue de quelqu’un d’autre, comme un grand frère
indulgent, mais pas trop, qui sait être parfois sévère et qui est toujours de bon
conseil.
• La caméra imaginaire :
« Comment me comporterais-je, si, en ce moment même, j’étais filmé par
une caméra ? » Vous ne croiseriez sûrement pas vos jambes de cette façon ou
ne vous tiendriez pas aussi voûté. Et si vous imaginez qu’une séance photo en
bikini vous attend la semaine d’après, peut-être seriez-vous plus enclin à faire
de l’exercice.
• Que ferait mon idole à ma place ?
Billy Wilder, réalisateur, producteur et scénariste américain, connu
notamment pour Certains l’aiment chaud, avait affiché sur les murs de son
bureau la question suivante : « Comment Lubitsch aurait-il écrit cette
scène ? » Bloqué dans l’écriture d’un manuscrit, il imaginait ce qu’aurait fait
son maître et idole. Le maître change avec les générations : le dramaturge,
scénariste et réalisateur Kôki Mitani, se demande, quant à lui : « Comment
Wilder aurait-il écrit cette scène ? »
On dit que les personnes pieuses font montre d’un grand self-control, car
elles pensent que quelqu’un, Dieu en l’occurrence, les observe constamment.
La Bible dit même que Dieu est omniscient, omnipotent et omniprésent.
Penser depuis le point de vue d’une tierce personne ne change
fondamentalement rien en soi, mais c’est une technique qui peut être utile
lors de situations difficiles.

ÉTAPE 31 : S’ARRÊTER EN CHEMIN


Il y a certains jours où tout se passe pour le mieux. On va faire son footing
et on a l’impression que l’on est capable de courir pour toujours. Or, dans ces
moments-là, nous n’avons pas envie de voir nos propres limites, et nous
pouvons le faire jusqu’à l’épuisement. Mais quelque part, dans un recoin de
notre cerveau, l’image de la course à pied s’associe peu à peu à celle de la
douleur et exercera une influence la prochaine fois que l’on voudra aller
courir.
Avoir une habitude signifie avant tout de « continuer à faire une action ». Je
vous recommande de vous arrêter quand vous arrivez au point où vous en
voulez plus. Arrêtez-vous en chemin. Arrêtez-vous à 80 % environ. Ainsi,
vous terminerez sur une note positive, une impression de plaisir. Pour ma
part, je n’étudie jamais l’anglais ou la guitare jusqu’à en souffrir. Et le jour
suivant, je retrouve l’envie. Je m’arrête toujours quand je sens que je suis sur
le point de perdre le « plaisir de faire ». Lorsque l’on fait de la musculation,
les muscles se développent davantage quand ils sont blessés, poussés au-delà
de leurs limites. Les grands athlètes ne restent jamais dans leur zone de
confort et suivent des entraînements intensifs. Mais c’est bien après en avoir
pris l’habitude. Arrêter en chemin est un stratagème efficace pour un travail
de longue haleine, comme le métier d’écrivain.

Hemingway aussi…
Hemingway aussi s’arrêtait en chemin. Lors d’un long entretien avec un
magazine, il a déclaré relire d’abord la partie écrite. Et comme il s’arrêtait
toujours à un moment où il savait ce qui allait se passer, il lui était plus facile
de reprendre et de continuer. Avant de s’arrêter à nouveau à un moment où il
savait ce qui allait se passer. Et ainsi de suite.
Hemingway savait la difficulté de se lancer. Cette méthode lui permettait de
le faire sans hésitation aucune. Et une fois l’action commencée, le cerveau
commence à se concentrer.
Cette technique peut tout aussi bien être appliquée dans le monde du travail
en général. Il est vrai que rentrer chez soi après avoir abattu tout le travail que
l’on avait à faire est tentant. Or, si c’est le cas, le lendemain il faudra
« commencer sans savoir par où commencer ». Il vaut mieux par exemple,
s’arrêter en plein milieu d’un dossier ou d’un rapport pour réussir plus
facilement à s’y remettre le lendemain matin.

… tout comme Haruki Murakami


Haruki Murakami écrit dix feuillets par jour. Dans une longue interview, on
apprend que même s’il se sent incapable d’écrire après huit pages, il en écrit
dix. Et si jamais il éprouve l’envie d’en écrire plus, il garde cette envie pour
le lendemain. Si après six pages d’écriture intervient la fin d’un chapitre, il
écrit les quatre premières pages du chapitre suivant. En résumé, il décide de
s’arrêter non pas en fonction du contenu, mais d’un quota de pages déterminé
à l’avance.
Selon Anthony Trollope, « un petit effort quotidien, s’il est vraiment
quotidien, surpassera les travaux d’un spasmodique Hercule ». Il est certes
plaisant d’accomplir de grandes choses au cours d’une seule journée. Mais
accorder une plus grande importance à un cheminement quotidien plutôt qu’à
une grande aventure occasionnelle vous fera atteindre, à long terme, une
destination beaucoup plus lointaine.

ÉTAPE 32 : NE JAMAIS ARRÊTER


COMPLÈTEMENT
Seconde maxime : Ne souffrez jamais d’exception tant
que l’habitude nouvelle n’est pas sûrement enracinée
dans votre vie. Toute faute ressemble à la chute d’une
pelote de fil que l’on est en train
d’enrouler soigneusement : quel travail pour
l’enrouler à nouveau de tous les tours échappés en une
fois !
WILLIAM JAMES

À la fin de la saison de la ligue majeure de baseball, tous les joueurs


rentrent chez eux. Tous sauf Ichiro. Le joueur légendaire évoluant avec les
Mariners de Seattle fait des apparitions sur le stade pour s’entraîner. Il a une
fois essayé de prendre des vacances, pour vérifier si cela pouvait lui être
bénéfique, et ne s’est pas entraîné pendant un mois. Or, il a déclaré par la
suite avoir eu l’impression qu’il ne reconnaissait pas son corps. Un peu
comme si celui-ci était malade. Alors, la méthode qu’il a choisie est
radicalement opposée à celles des autres joueurs. Mais c’est sa méthode. Car
le plus important pour Ichiro, est de ne jamais arrêter complètement.
L’écrivain John Updike n’attendait pas que l’inspiration tombe du ciel, et a
fait de l’écriture une tâche quotidienne. Car selon lui, les plaisirs à ne pas
écrire sont si grands que si on commence à en profiter, on ne pourrait plus
jamais écrire.
La terreur face au premier sanglier de l’année
J’ai entendu cette histoire de la bouche d’un ami chasseur. Au Japon, la
saison de la chasse est limitée à l’hiver. Alors, le moment venu, quand mon
ami se rend compte qu’il va être confronté à un sanglier pour la première fois
de l’année, il se demande si les sangliers ont toujours été si effrayants.
J’ai vécu une expérience similaire. Quand j’ai commencé à rédiger ce livre
deux ans après avoir terminé le premier, je me suis demandé si écrire avait
toujours été si difficile… C’est à cette occasion que j’ai compris que pour se
faciliter la tâche, il valait mieux ne jamais « arrêter les roues » complètement.

Anthony Trollope, dieu des habitudes


Pour moi, le romancier britannique Anthony Trollope est un peu le dieu des
habitudes. Fonctionnaire des Postes de Sa Majesté, c’est à lui qu’est attribuée
la création des imposantes boîtes à lettres rouges (pillar box) que l’on
trouvait partout au Royaume-Uni. Trollope s’imposait deux heures et demie
d’écriture le matin avant de se rendre au travail. Il a laissé derrière lui
quarante-sept romans et seize autres écrits, ce qui fait de lui un écrivain très
prolifique, et ce, malgré son emploi à plein temps.
Son secret, pour être aussi productif, consistait à enchaîner les romans : à
peine venait-il de terminer un manuscrit qu’il en rédigeait un autre. Après
avoir écrit six cents pages, un écrivain ordinaire se serait accordé quelque
repos, en attendant la sortie du livre. Mais s’il venait à écrire le mot « fin »
après deux heures et quart d’écriture, il poussait le texte sur le côté et
commençait le suivant pendant le quart d’heure restant.
On dit que les guitaristes et les pianistes se sentent « rouillés » quand ils ne
touchent pas leur instrument pendant une journée. Certains prétendent même
qu’un jour de repos anéantit le fruit de trois jours de travail. Ne pas pratiquer
pendant une journée, non seulement ne vous fait pas progresser, mais vous
fait aussi perdre ce que vous avez acquis. Quand je ne fais pas de sport
pendant trois ou quatre jours d’affilée, revenir à ma condition d’avant l’arrêt
me demande beaucoup d’efforts : je me sens plus vite essoufflé quand je
cours et les poids me paraissent plus lourds.
Plus on s’éloigne de l’habitude, plus il est difficile de la reprendre. Alors, je
fais en sorte de ne pas créer de « trous ». Car la mécanique est simple : une
habitude se renforce à mesure que nous la pratiquons.

ÉTAPE 33 : ENREGISTRER SES HABITUDES


Il a été rapporté qu’une personne en surpoids peut plus facilement maigrir
grâce au simple fait de se peser tous les matins. Penser à cette routine permet
d’acquérir de bonnes habitudes alimentaires en toute conscience. Si en se
pesant, l’individu découvre qu’il a pris du poids, il se sent empli d’un
sentiment de regret, ce qui équivaut à une pénalité. Et pour ne pas revivre
cette pénalité le lendemain, il devient capable de résister à la tentation. Il n’y
a aucune raison de ne pas utiliser cette technique, même quand l’habitude est
parfaitement prise.

Utiliser les applications sur smartphone


J’utilise une application appelée Way of life, dans laquelle j’enregistre mes
habitudes quotidiennes comme « se lever tôt », « yoga », « sport », « écrire le
manuscrit ». L’application propose un système de code couleur : vert si
l’habitude a été accomplie, rouge si elle n’a pas pu être réalisée. Il existe
plusieurs applications du même ordre, comme la non moins célèbre
Momentum. Ce qui est génial, c’est que quand on réussit à les réaliser en
continu, les chiffres du compteur augmentent avec un effet sonore.
Quand je tentais de prendre l’habitude de mettre mon blog à jour, j’ai réussi
à publier des articles pendant cinquante-deux jours d’affilée. Arrivé à ce
stade, je n’avais plus envie de m’arrêter sur ma lancée.
L’humoriste et comédien américain Jerry Seinfeld avait décidé de marquer
d’une croix rouge les jours où il écrivait une blague. Après quelque temps, les
croix sur son calendrier mural ont commencé à former une chaîne. Son
bonheur augmentait à mesure qu’elle s’agrandissait. Son seul objectif était de
ne pas briser cette chaîne. Arrêter une habitude équivaut à briser la chaîne
(= pénalité) qui est une incitation à la poursuivre.

Le flou de la mémoire
Ne pas noter ou enregistrer les faits nous fait courir le risque de voir notre
mémoire les réécrire à sa convenance. Les machines de la salle de sport que
je fréquente sont équipées d’un compteur qui indique le nombre de
répétitions déjà effectuées. Il m’est arrivé à de nombreuses reprises de penser
avoir fait dix mouvements avant de découvrir avec stupéfaction le chiffre 8
s’y afficher. Pour éviter un maximum de souffrance, j’ai fini, quelque part en
chemin, par « saboter » mon comptage. Ce constat ne cessera jamais de me
surprendre. « Je ne m’en sors pas trop mal », « Je me suis bien débrouillé » :
il arrive parfois que l’on soit trop indulgent avec nous-mêmes, notamment
quand on pense à une habitude accomplie. C’est pourquoi prendre des notes
nous permet de vérifier la véracité de ces pensées.
Assurez-vous de prendre note de vos habitudes au quotidien. Une habitude
réalisée peut ne pas être consignée, mais ce à quoi il faut vraiment prêter
attention sont les moments où vous n’avez pas pu le faire.
Il y a quelques années de cela, quand je cherchais à maigrir, il m’est arrivé
de sauter l’étape « monter sur la balance » les matins où je savais que le
résultat allait être mauvais à cause d’un excès de nourriture et de boisson la
veille. Ne plus me peser était devenu mon astuce pour me faciliter la vie. Cet
exemple est bien évidemment à ne pas suivre : se peser tous les jours est
indispensable, et ce, même si vous avez fait un écart la veille. Car le
sentiment de regret (= pénalité) vous incitera à vous améliorer.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : disons que pour
aujourd’hui…
Parfois, nous sommes tentés de penser : « Bon, disons que, juste pour
aujourd’hui, cette habitude n’existe pas. » Parce que je suis en voyage, parce
que je ne me sens pas bien, parce qu’il y a eu un événement un peu
particulier. Les raisons pour lesquelles on finit par « effacer » l’habitude
augmenteront progressivement. L’application Way of life propose la fonction
« skip » ou « passer », pour indiquer que le jour en question est une
exception. En abuser rendra exceptionnels tous les jours de votre semaine…
Il vaut mieux enregistrer uniquement les cas où l’habitude a été réalisée ou
non.

La liste des petites choses accomplies


Ma période d’oisiveté a duré près de six mois. Comme cela me déprimait de
ne rien faire, il m’est arrivé de dresser dans mon journal la liste des petites
choses que j’avais accomplies.
• J’ai répondu à un mail ennuyeux.
• J’ai vérifié le prix des chaussures que je désirais acheter.
• J’ai sorti les poubelles.
• J’ai payé mes impôts.
• J’ai appris à découper un ananas.
Le simple fait de les coucher sur le papier permet, à mon avis, d’éviter les
baisses de moral.

Le coup de pouce des progrès réalisés


Prendre des notes offre plusieurs avantages, et notamment celui de nous
donner un coup de pouce lorsque l’on constate que nos efforts commencent à
payer. Des chercheurs de l’université Columbia ont mené une série
d’enquêtes sur les cartes de fidélité. Les clients d’un café ont reçu une carte
de fidélité à faire tamponner à chaque consommation, avec, à la clef, un café
offert après un certain nombre de visites.
Les deux cas de figure étaient les suivants :
A/un café gratuit pour 10 achetés.
B/un café gratuit pour 12 achetés, mais avec deux cases déjà tamponnées.
Pour le groupe A comme pour le groupe B, il fallait acheter 10 cafés pour
en obtenir un gratuit. Or, le groupe B a fréquenté le café à un rythme
nettement plus soutenu. Cette expérience illustre bien que lorsqu’on a le
sentiment de « progresser », il devient plus facile de s’impliquer.
Hemingway notait le nombre de mots qu’il écrivait chaque jour, Anthony
Trollope s’imposait d’en écrire 250 en 15 minutes. J’ai moi-même compté et
noté le nombre de mots écrits chaque jour pendant la rédaction de ce livre.
C’est une petite joie qui vient s’ajouter à la satisfaction d’avoir accompli le
travail. Faire un bilan de sa progression est un peu comme célébrer une petite
victoire.

ÉTAPE 34 : PRENDRE TOUT LE REPOS


NÉCESSAIRE
Il faut apprendre à rester serein au milieu de l’activité
et à être vibrant de vie au repos.
MAHATMA GANDHI

La clef, pour garder une habitude, est de découvrir le temps de repos


nécessaire à la récupération. Ne pas être tout à fait remis peut engendrer des
problèmes le jour suivant. Car un petit déséquilibre peut prendre de l’ampleur
et devenir un obstacle qui vous empêchera de continuer.
Il est d’abord important de se pencher sur la question du temps de sommeil.
Après plusieurs jours passés à noter l’heure à laquelle j’ouvrais naturellement
les yeux, sans avoir besoin d’alarme, j’ai compris que le temps de sommeil
dont j’ai besoin (le temps que je passe au lit) est d’environ huit heures.

La « retenue » sur temps


Haruki Murakami court ou nage une heure par jour. Alors, pour lui, la
journée dure vingt-trois heures et non vingt-quatre. Il « prélève » une heure
sur les vingt-quatre, car faire de l’exercice lui est indispensable, et répartit le
temps restant comme il l’entend.
De la même manière, je pense qu’il est nécessaire de prélever sur les vingt-
quatre heures d’une journée les fondamentaux tels que le temps de sommeil,
les repas, les pauses. Une fois ce temps sécurisé, le reste de la journée peut
être attribué à d’autres activités. Par exemple, les personnes malades qui
doivent souvent être hospitalisées ne peuvent sécuriser trois points
fondamentaux : le temps de sommeil, manger des repas corrects, prendre des
pauses. Pensons également aux employés exploités par leur patron, qui, grisés
par le sacrifice de soi, perçoivent ces longues heures de travail comme une
récompense. De plus, chercher à quitter ce type d’environnement peut être
malaisé, car il est difficile de rompre tous liens avec la communauté de
l’entreprise.
Quand le temps imparti aux fondamentaux de l’existence ne peut être
garanti, le moment est peut-être venu de se demander si sacrifier les principes
de l’activité vitale est réellement ce que vous désirez.

La méthode de travail de Stephen King


Stephen King, écrivain bien connu de tous, travaille uniquement le matin.
Et quand il entame un roman, pour rendre ses personnages vivants et
réalistes, il écrit tous les jours, sans exception. À Noël comme le jour de son
anniversaire. Travailler tous les jours, mais uniquement le matin empêche la
fatigue de s’installer. Cette méthode semble bien être le secret de la longue
carrière de cet écrivain de génie.
Apprendre à se reposer pour mieux continuer. Le repos n’est pas un
élément totalement extérieur au travail, c’est une des actions au sein du même
processus. Quand on est si épuisé qu’on ne peut continuer, on ne peut pas
qualifier ce que l’on fait de « travail ».
Sommeil et créativité
Salvador Dali peignait les scènes qu’il voyait en rêve, tout comme le thème
du dédoublement de la personnalité de L’Étrange Cas du docteur Jekyll et
M. Hyde serait apparu en rêve à R. L. Stevenson. C’est en somnolant que le
chimiste allemand Friedrich Kekulé von Stradonitz a « vu » la composition
de la molécule du benzène. Dormir les a aidés. Lorsque nous sommes
endormis, la conscience disparaît, le cerveau, pendant ce temps, continue de
fonctionner et la consommation de calories reste inchangée.
Autrefois, je pensais que dormir était une perte de temps, et que cette
action, à laquelle je ne pouvais échapper, servait uniquement à me faire
retrouver mes forces. J’enviais ceux qui n’avaient pas besoin de beaucoup
d’heures de sommeil. Or, comme vous l’avez sûrement constaté, le pouvoir
de notre imagination est extraordinairement plus puissant lorsque nous
sommes endormis.
Cela serait dû aux connexions aléatoires de neurones qui ne se produisent
que lors de la phase de sommeil paradoxal (ou sommeil REM), et non à l’état
d’éveil. C’est pourquoi les rêves seraient si extravagants. Des combinaisons
de souvenirs auxquels on n’aurait jamais pensé en étant réveillé apparaissent
et donnent naissance à des idées.
Cela m’est arrivé pendant l’écriture de ce livre. Certaines solutions me sont
apparues tard dans la nuit. Encore tout ensommeillé, j’ai ressenti l’étrange
sensation d’avoir compris quelque chose alors que je dormais (seul ce
sentiment peut rester, tout le reste peut s’effacer).
Le cerveau continue d’être en activité pendant le sommeil, sans interruption
aucune, et nous offre des idées totalement inattendues. Dormir n’est pas
uniquement destiné à la récupération, mais est également essentiel pour les
activités créatives.

S’ennuyer avant de dormir


Si nous avons tendance à toujours plus retarder l’heure du coucher, c’est
parce que nous ne voulons pas « renoncer » à cette journée. Quand on a
vraiment beaucoup de travail, profiter de la nuit pour faire ce qui nous plaît
est tentant. Regarder une série, lire un polar, jouer aux jeux vidéo… Or, nous
ne savons pas quand nous arrêter, car ces activités nous tiennent en haleine,
nous poussent à les continuer. Bien sûr, c’est plaisant, mais répéter « encore
10 minutes et j’arrête » ou « encore un épisode, une partie… » retardera
l’heure du coucher.
Pour ma part, je pense qu’il vaut mieux s’ennuyer un peu avant de se mettre
au lit. Par exemple, en lisant un livre qui vous intéresse un peu, mais pas trop.
Un recueil de nouvelles ou de poèmes, où les coupures, nombreuses, vous
permettront plus facilement de le poser. Un livre pratique, ou même un livre
de grammaire anglaise, divisés en plusieurs parties.
Francis Bacon souffrait d’insomnies, et feuilletait un vieux livre de cuisine
pour s’aider à s’endormir. Lire un livre de recettes apaisait probablement ses
pensées, un peu comme la méditation.
À 21 h 30, l’alarme programmée pour le coucher sonne. À cet instant, je
sais que si ce que je fais n’est pas trop excitant, je peux facilement m’arrêter.
Et je peux renoncer à cette journée en toute sérénité.

ÉTAPE 35 : LA POWER NAP OU SIESTE


ÉCLAIR
« Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es »,
écrivit un jour le gastronome Brillat-Savarin. Je dirais,
pour ma part, dis-moi à quelle heure tu déjeunes
et si tu fais la sieste après.
MASON CURREY

Winston Churchill, John F. Kennedy et bien d’autres hommes politiques


aimaient faire la sieste et vantaient son efficacité. Dans Tics et tocs des
grands génies : 100 rituels farfelus à l’origine des plus belles créations,
Mason Currey nous révèle que beaucoup de grands génies en étaient des
habitués. Einstein, Darwin, Matisse, Frank Lloyd Wright, Liszt faisaient une
sieste. Apparemment, faire la sieste serait indissociable des métiers qui
mettent les nerfs à rude épreuve ou des créatifs.
La NASA, Google, ou encore Nike mettent une pièce réservée à la sieste à
la disposition de leurs employés, recommandant même les siestes éclair d’une
durée de 20 minutes (chaque fois que je lis ou écris une phrase qui commence
par « chez Google », je me dis que ce qui est nécessaire au personnel brillant
qui y travaille l’est encore plus à ceux qui ne travaillent pas dans ce genre
d’entreprise…).
J’ai adopté deux siestes par jour, de 15 minutes chacune (la première étant
un « rendormissement stratégique »). Je pense qu’il serait bon de légiférer en
la matière dans un futur proche et d’obliger toutes les entreprises à avoir une
salle de sieste. Si par un coup de folie, je venais à monter une entreprise, ma
priorité absolue serait de réfléchir aux moyens de garantir une sieste. C’est
dire à quel point j’estime qu’elle est importante.
Un lycée de la préfecture de Fukuoka, au Japon, a instauré 10 minutes de
sieste obligatoire, et aurait ainsi vu le nombre de ses élèves admis à la
prestigieuse université de Tokyo doubler. Selon une étude menée par des
chercheurs de l’université de Lyon, le groupe de « dormeurs » entre deux
sessions de travail a fait montre d’une vitesse d’apprentissage plus rapide et
d’une meilleure mémoire à long terme. Enfin, et selon une expérience dirigée
par la NASA, une sieste de 26 minutes entraînerait une amélioration des
fonctions cognitives comme la mémoire et la concentration de 34 %.
Une amélioration des capacités cognitives atteste de l’activation du système
froid. Les désirs immédiats sont refroidis, et nous pouvons agir en vue d’une
récompense différée. Ma propre expérience me l’a prouvé et me le prouve
encore. Je fais une sieste de 15 minutes avant de m’atteler à une tâche qui
nécessite de la volonté comme faire du sport, ou un travail difficile.
Quinze minutes suffisent pour me sentir incroyablement revigoré, et je fais
même parfois de courts rêves. Une fois réveillé, je déborde d’enthousiasme et
de détermination.

Qu’est-ce que le rendormissement stratégique ?


Je suis la méthode qui consiste à se « fabriquer » deux matinées. Je me
réveille à 5 h, et je me rends à la bibliothèque à 9 h 30. Entre-temps, j’écris,
je fais du yoga, j’étudie l’anglais… je fais donc pas mal d’activités avant de
commencer mon travail le plus important, et un jour, j’ai remarqué que j’étais
épuisé avant même de le commencer.
Alors, j’ai décidé de faire la sieste. Cette sieste de 15 minutes, que j’ai
baptisée « rendormissement stratégique », me permet de restaurer ma volonté.
Mes nuits durent en moyenne sept à huit heures, mais cela ne signifie pas
pour autant que je dors à poings fermés tous les soirs, et il m’arrive de me
réveiller à des heures indues. Le rendormissement permet de corriger cela et
m’aide à me sentir mieux.
L’écrivain Nicholson Baker a également adopté cette méthode. Il se réveille
entre 4 h et 4 h 30, écrit pendant une heure et demie, puis se recouche jusqu’à
8 h 30.
Même si vous avez encore un peu sommeil lorsque vous vous levez à
l’aube, penser que vous allez pouvoir dormir encore un peu un peu plus tard
facilite le lever.

ÉTAPE 36 : SE REPOSER EN ÉTANT ACTIF


Plutôt que se reposer en ne faisant rien, il est préférable de rester actif. Cela
contribue à une meilleure humeur et influe de manière positive sur l’esprit.
C’est ce qu’on appelle l’« effet Sechenov ».
Lorsque nous sommes fatigués, nous n’avons qu’une seule envie : nous
jeter dans le lit et nous rouler en boule sous la couette. Or, le simple fait de
dormir n’améliore pas l’état d’esprit, et le soir venu, on se retrouve hanté par
les démons de la dépréciation de soi pour avoir passé la journée à musarder.
Ne pas utiliser d’énergie ne signifie pas que l’on se repose. Bien au contraire.
Sortir pour être au contact de la nature par exemple est un bon moyen de se
reposer. Il s’agit de rester actif en accomplissant une action agréable,
divertissante. Là est la vraie signification de prendre du repos.

Le coping ou l’adaptation
Nous avons beau nous sentir totalement satisfaits, nous ne sommes jamais à
l’abri d’un petit coup de blues. Je vous conseille de dresser une liste de
choses à faire susceptibles de vous aider à affronter les situations stressantes
ou difficiles et à vous remonter le moral. Il s’agit donc de parer au stress de
manière intentionnelle. C’est ce qu’on appelle une liste de coping ou
« stratégies d’adaptation ».
Sur ma liste figurent faire une promenade, être en contact avec la nature.
Faire un feu en plein air. Conduire. Voir un film au cinéma. Et ainsi de suite.
Même si, sur le moment, vous ne vous sentez pas le cœur à le faire,
accomplir une des actions inscrites sur votre liste améliorera votre humeur ou
vous apaisera. C’est un peu comme consoler un bébé en lui tendant son jouet
préféré.

ÉTAPE 37 : ACCORDER DE L’IMPORTANCE À


CE QUI N’EST PAS DANS NOS HABITUDES
Les princes et les rois jouent quelquefois. Ils ne sont
pas toujours sur leurs trônes. Ils s’y ennuieraient.
La grandeur a besoin d’être quittée pour être sentie.
La continuité dégoûte en tout. Le froid est agréable
pour se chauffer.
BLAISE PASCAL
Je passe mes journées comme je passerais une semaine. Les heures
consacrées au travail et aux études sont un peu l’équivalent d’une semaine de
travail ordinaire en entreprise. Puis, je me rends à la salle de sport et une fois
rentré à la maison, c’est l’heure du temps libre, qui correspond au week-end,
puisque j’ai accompli toutes mes habitudes du jour.
Peu importe ce que je fais ensuite. Dans les premiers temps, épuisé, je
finissais invariablement par traîner sur mon téléphone. Et étrangement, je ne
ressentais aucune culpabilité. J’ai alors compris que ce n’était pas le
comportement en lui-même qui donnait naissance à des sentiments négatifs,
mais le fait de paresser alors que l’on a des choses à faire. Une fois habitué à
mon nouveau mode de vie, et même si je ne suis plus fatigué, c’est tout
naturellement que je surfe sur mon téléphone. Et le soir je profite souvent de
mon temps libre pour regarder un film.
Tout le monde cherche à utiliser son temps le plus efficacement possible, et
les habitudes sont là pour nous y aider. Or, mettre à profit chacune des vingt-
quatre heures de nos journées est une entreprise irréaliste et ce n’est vraiment
pas la peine de chercher à le faire. Mon expérience m’a enseigné que les
moments passés à se vider la tête – toujours de manière consciente – étaient
indispensables.

Les promenades de Kant


Kôjin Karatani, grand penseur et critique japonais, travaille la journée, et le
soir venu, il « n’utilise » plus sa tête, et regarde des films ou des séries. C’est
sa méthode depuis plus de dix ans maintenant. Le philosophe allemand
Emmanuel Kant était lui aussi un dieu des habitudes. La promenade étant son
rituel le plus connu. Tous les jours, à 15 h 30 précises, il sortait pour se
promener. On raconte même qu’il était si ponctuel qu’il servait d’horloge aux
habitants. Kant a vécu une vie de solitaire, dans sa ville natale de Königsberg
qu’il ne quittait pratiquement jamais. Il n’aurait jamais vu la mer, pourtant à
deux pas de chez lui. Kant était certes un génie quelque peu excentrique, mais
c’était également un homme très sociable, qui aimait la convivialité et
excellait dans l’art de la conversation. Il ne prenait qu’un seul repas par jour
(le déjeuner), et appréciait le passer en compagnie de convives de divers
horizons, car il estimait que manger seul était nuisible à la santé du
philosophe.

Les bienfaits du changement


Il y a des peuples capables de parcourir des milliers de kilomètres à pied et
pour qui marcher n’est plus un voyage, mais le quotidien. Les paysages
grandioses deviennent des scènes ordinaires. Quand je suis devenu free-lance,
chaque jour ressemblait à un dimanche, mais je n’étais pas heureux. J’ai alors
découvert que des changements adéquats pouvaient avoir un effet bénéfique
sur les habitudes. Il vaut mieux réaliser une habitude tous les jours jusqu’à
parfaitement se l’approprier, et en ressentir réellement la récompense.
Prendre une habitude, c’est accorder une priorité absolue à la continuité.
Mais, pour éviter de me lasser, j’apporte parfois quelques petits changements.
Je prends une journée de repos par semaine, et souvent je pars quelque part.

ÉTAPE 38 : NE PAS CONFONDRE LE BUT ET


L’OBJECTIF
Le succès me paraît être un résultat et non le but.
GUSTAVE FLAUBERT

Dans son ouvrage Les régimes ne marchent pas, Bob Schwartz explique
que sur 200 personnes, seules 10 réussiront à faire un régime, et qu’une seule
d’entre elles parviendra à maintenir son poids. On peut très bien atteindre son
objectif, en employant une technique ou une autre, sans toutefois réussir à le
maintenir.
Il ne suffit pas de déployer des efforts pendant une durée déterminée pour
atteindre son poids d’objectif. Car une fois atteint, nous sommes satisfaits et
avons tendance à relâcher un peu la pression. Pour, un jour ou l’autre,
finalement retomber à notre poids initial. Faire un régime, ce n’est pas
comme le permis de pratiquer la médecine ou l’examen du barreau, qui une
fois obtenus, sont acquis pour toujours. Le but du régime est de trouver un
mode de vie que l’on peut adopter sans avoir à le subir.

L’objectif seul finit par entièrement se consumer


Les athlètes peuvent souffrir de dépression après leur participation aux Jeux
olympiques. Certains astronautes des missions Apollo ont eu du mal à s’en
remettre et ont vécu un dur retour à la réalité après leur retour sur Terre.
Daigo Umehara, joueur professionnel de jeu vidéo, a déclaré que son but
était non pas de gagner des tournois, mais de continuer à progresser. Car faire
de la victoire un objectif risquerait de le vider entièrement de ses forces et
l’empêcherait de continuer.

Le « master plan » de Schwarzenegger


But, objectif, visée… Ces mots que l’on emploie souvent comme des
synonymes peuvent semer la confusion dans notre esprit. Pour parler de ses
buts, Arnold Schwarzenegger utilise l’expression master plan. Peut-être que
certains d’entre vous la trouveront plus parlante. Schwarzenegger
recommande de toujours garder son master plan en tête et de chercher ce
qu’il est possible de faire maintenant pour rendre la prochaine étape vers sa
réalisation possible.
Mon objectif est de fixer mon temps de marathon. Un objectif à 3 h 30 me
pousse à essayer de courir correctement chaque jour. Je cours dans le but de
maintenir un esprit sain dans un corps sain. Publier un livre est un de mes
objectifs, le but étant de continuer à toujours satisfaire ma curiosité.
ÉTAPE 39 : NE VOIR QUE L’OBJECTIF
IMMÉDIAT
Un héros, c’est celui qui fait ce qu’il peut.
Les autres ne le font pas.
ROMAIN ROLLAND

Une des astuces, au bowling, n’est pas de viser directement les quilles, mais
de lancer en direction des flèches dessinées sur la piste. Il est bon de garder
cela à l’esprit lorsque l’on cherche à s’approprier une habitude. Pourquoi ?
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : la somme totale
d’efforts
Penser à la somme totale d’efforts à fournir pour parvenir à un but risque de
vous faire baisser les bras. Pour avoir 10 000 euros sur son compte en
banque, il est important de faire preuve de patience et de collecter des billets
de 10 ou 100 euros. Mais lorsque l’on rencontre quelqu’un qui les possède
déjà, l’idée de commencer par mettre 10 ou 100 euros de côté nous paraît
ridicule. Parler avec une personne bilingue en anglais nous pousse à maudire
notre environnement et apprendre un mot de plus peut nous paraître alors
totalement insignifiant. De nombreuses start-up évoquent leurs projets sur les
réseaux sociaux, et l’écart entre celui qui vient de monter son affaire et le
niveau d’avancement des autres peut sembler insurmontable.
Penser à la somme totale d’efforts nécessaires pour parvenir à votre but fera
s’envoler votre détermination dans l’instant.

« King » Kazu, 52 ans, footballeur professionnel


toujours en activité
Il est donc crucial de se concentrer uniquement sur l’objectif immédiat.
Kazuyoshi Miura, surnommé Kazu, est un footballeur professionnel toujours
en activité malgré son âge. Or, cela n’a jamais été son objectif dès le départ.
Quand il a eu 30 ans, l’idée lui est venue de prendre sa retraite, mais depuis,
il ne cesse de se répéter qu’il s’accorde encore deux années avant d’arrêter…
C’est cet état d’esprit qui lui a permis d’arriver là où il en est aujourd’hui.
Lors de mon deuxième marathon, je me suis blessé au genou. Ce fut
vraiment une course douloureuse. Or, si une fois arrivé au vingtième
kilomètre, je m’étais laissé aller à penser que je n’étais qu’à mi-parcours ou
qu’il me restait encore 10 km à courir au trentième, j’aurais baissé les bras.
Alors, j’ai adopté la technique qui consistait à me convaincre de courir encore
deux kilomètres avant d’abandonner. Puis encore deux, et deux autres… et
j’ai continué de courir. J’ai finalement franchi la ligne d’arrivée.
Le film Tu ne tueras point, inspiré de faits réels, raconte l’histoire d’un
auxiliaire sanitaire qui a sauvé la vie à soixante-quinze de ses camarades. Il
refusa de se mettre à l’abri sur le champ de bataille et transporta seul les
blessés un à un. Il priait, implorant chaque fois le seigneur de le laisser sauver
« encore une vie ».
À l’inverse, penser à tout ce que nous avons accompli par le passé peut être
d’un grand soutien. Avant le top départ d’une course, la marathonienne
Naoko Takahashi s’encourage en pensant à tous les kilomètres qu’elle a déjà
parcourus par le passé, et que les quarante-deux qui l’attendent ne sont rien
en comparaison.

ÉTAPE 40 : LA NÉCESSITÉ DES ÉCHECS


Vivre des échecs est indispensable à la prise d’habitude. Lire ce livre ne
vous sera pas suffisant : pratiquer et échouer sont les conditions
indispensables pour y parvenir. « Comment réussir ? » Voilà la grande
question posée dans tous les livres de développement personnel. La réponse
est simple : ne pas chercher à réussir, mais connaître le plus grand nombre
d’échecs possible, le plus tôt possible. Pourquoi ?
Un de mes amis ne peut s’empêcher de sourire quand il connaît un échec.
Car échouer nous fait découvrir une méthode qui ne fonctionne pas, ce qui est
une preuve que l’on avance vers la réussite. Connaître un échec n’est pas un
échec. Ne pas tirer de leçons de son échec est un échec. Plus vous
découvrirez de méthodes inefficaces, plus vous vous rapprocherez de la
bonne. C’est en ce sens qu’échouer ne diffère pas vraiment de réussir. Tout
comme le repos et le travail, la réussite et l’échec sont des actions quasiment
identiques au sein d’un même processus. Ce processus est découpé en
séquences, et les résultats qui en émergent sont simplement étiquetés
« échec » ou « réussite » pour plus de clarté.
Personne ne veut essuyer d’échecs inutiles. C’est pour cette raison que l’on
cherche à se faire conseiller ou à dénicher des trucs et astuces. Cependant,
vouloir les éviter à tout prix nous conduit finalement à faire des détours.
Vous pourrez avoir honte, vous sentir perdu, et l’absence de récompense
pourra vous persuader que tous vos efforts sont vains. La motivation s’envole
et on ne peut plus continuer. Ceux qui ont réussi n’ont simplement jamais
baissé les bras, ont persévéré jusqu’au bout, et ce, malgré les échecs.

L’intérêt d’accumuler les échecs


Une fois l’habitude prise, vous pourrez la garder beaucoup plus facilement
que vous ne l’imaginiez avant de l’avoir. Mais cela ne sera pas toujours une
partie de plaisir. Il m’arrive d’avoir sommeil le matin, de ne pas avoir envie
d’aller au travail ou de courir… Consignez vos échecs vous aidera à
surmonter ces situations. Quand je n’ai pas réussi à me réveiller à l’heure
voulue, j’ai passé une mauvaise journée, car je n’ai pu faire ni mon yoga ni
les tâches qui m’attendaient ensuite.
Finir par boire trop d’alcool alors que j’étais convaincu que j’allais me
limiter à un verre, gâcher ma journée du lendemain et regretter. Regretter
encore. Cette expérience, je l’ai vécue à maintes reprises et j’en ai pris note à
chaque fois. Ce furent des échecs nécessaires. Essuyer un ou deux échecs
n’est pas vécu comme une pénalité. Puisque nous considérons, à tort, que le
moi du lendemain est un Superman qui agira différemment du moi
d’aujourd’hui. Répéter les échecs nous aide à nous débarrasser de cette
illusion. Et c’est là que tout commence.

Échec et dépréciation de soi


Pourquoi se blâmer soi-même ? Quelqu’un le fait à
notre place quand c’est nécessaire, et c’est bien ainsi.
EINSTEIN

Le plus important, donc, est de ne pas se laisser démoraliser par les échecs.
Rappelez-vous le test du marshmallow : on ne peut réussir à patienter quand
on est triste. Il est plus difficile d’attendre la récompense différée lorsque l’on
a le moral à zéro. Ne tombez pas dans ce piège qui vous entraînera
immanquablement dans un cercle vicieux.
On appelle biais de négativité le phénomène qui consiste à accorder plus de
valeur, à surestimer, à prendre davantage en compte ce qui est négatif. C’est
pourquoi nous avons parfois tendance à nous focaliser sur les échecs. Dans le
cas des habitudes, il est important de regarder celles que vous avez déjà
réussi à acquérir.
Seiko Yamaguchi, adepte du minimalisme, recommande de penser, lorsque
l’on voit sa maison en désordre, qu’il s’agit là du signe que l’on travaille
tellement dur que le ménage en pâtit. Souvenez-vous : c’est la méthode
employée, la responsable de votre échec, et non vous-même.

ÉTAPE 41 : COMBIEN DE TEMPS FAUT-IL


POUR PRENDRE UNE HABITUDE ?
La réponse la plus connue à cette question que tout le monde se pose est
vingt et un jours. Il semblerait que cela soit bel et bien un mythe, tiré de
l’histoire selon laquelle il aurait fallu vingt et un jours à un patient amputé
des bras et des jambes pour s’habituer à son état.
Lorsqu’une action devient une habitude, un changement effectif s’opère
dans les circuits neuronaux du cerveau, qui décide de ce qui est ressenti
comme récompense ou non. Ainsi, il paraît absurde de vouloir définir un
nombre de jours précis pour un mécanisme si complexe.
Selon une étude scientifique, il faudrait en moyenne soixante-six jours pour
qu’un comportement devienne une habitude, comme boire de l’eau plus
souvent ou faire des squats. Mais il s’agit là d’une moyenne de résultats
allant de 18 jours à 254 : l’écart est beaucoup trop grand, et on peut se poser
la question de savoir s’il faut réellement en tenir compte.
Il vaut mieux, donc, ne pas réfléchir en jours lorsque l’on cherche à prendre
une bonne habitude. Mais s’imposer un nombre de jours pour un challenge
(comme le fameux « 30 Days Squat Challenge ») a du sens. L’essentiel, ici,
n’est pas l’objectif en lui-même, mais de voir si nous sommes capables de
continuer à le faire même après la fin du défi. Autre point important : subir le
challenge ne permet pas de continuer à le relever.

Vous le comprendrez naturellement


Cette question n’appelle donc pas une réponse exclusive. Simplement, vous
le percevrez naturellement par vous-même.
Cela faisait près de dix ans que je fréquentais une salle de sport : j’y allais
une fois par semaine en règle générale, une fois par mois lorsque j’étais
vraiment débordé de travail. Cinq jours après avoir commencé à faire de
l’exercice au quotidien, j’ai trouvé porte close quand je m’y suis rendu.
« Tant pis ! Ce n’est pas grave », aurais-je pensé auparavant. Or, je me
souviens avoir ressenti de la déception, ce qui m’a surpris moi-même. Un
changement était intervenu dans mon cerveau : le sport n’était plus assimilé à
un moment pénible, à surmonter de temps en temps, mais à un moment
agréable, qui me procurait un sentiment d’accomplissement.

Le sevrage du sucre
Cela faisait trois semaines que je n’avais pas mangé de sucreries quand, en
voyant les petits pains moelleux et fourrés à la crème ou les choux à la
Chantilly exposés dans la vitrine d’une boulangerie… je n’ai rien pensé.
J’avais faim, mais cette démonstration de sucre à l’excès m’a, au contraire,
un peu écœuré. Les pâtisseries japonaises sont peu sucrées, et réputées à
l’étranger pour cette raison : la sensation qui m’a alors envahi se rapprochait
probablement de celle que peut avoir un Japonais qui goûte pour la première
fois une pâtisserie occidentale.
Autrefois, j’aurais eu besoin de toute la force de ma volonté pour résister à
mon envie de les dévorer. Comme les circuits neuronaux avides de sucreries
semblent désormais endormis, je ne suis plus tenté. Ça a été la preuve que
j’avais complètement « décroché ».
« Qui vivra verra », et c’est exactement cela. On ne peut établir le nombre
de jours nécessaires pour prendre une habitude. Mais le moment où on
découvre la réponse à cette question, l’habitude est déjà en place.

Quand l’action devient inconsciente


La ligne d’arrivée du minimalisme est franchie une fois que l’on a plus
conscience de le « pratiquer », quand il y a du minimalisme dans les actions
accomplies inconsciemment.
De la même manière, c’est quand on ne pense plus de manière consciente à
l’habitude qu’elle en est une. Après cinq jours de pratique quotidienne du
sport, des effets commençaient à se faire sentir, mais je pensais encore qu’il
fallait que je persévère. Désormais, je ne réfléchis plus à des astuces pour
continuer ni ne pense consciemment que je dois le faire. J’ai simplement la
sensation que « ça continue ».
Je n’éprouve plus le besoin de parler de mes habitudes sur les réseaux
sociaux. Car aujourd’hui, courir 10 km est devenu une évidence. Bien sûr, il
m’arrive parfois de ne pas avoir envie d’aller à la salle de sport, mais je finis
par m’y rendre automatiquement.
La peur de perdre une habitude signifie qu’elle n’est pas tout à fait acquise.
Maîtriser une habitude, c’est se dire qu’on ne risque pas de l’arrêter pour si
peu, quand on ne peut pas l’accomplir sur une courte période. C’est ne pas se
sentir bien quand on ne peut pas la réaliser. C’est pouvoir la continuer sans
plus en avoir conscience.

ÉTAPE 42 : IL EST PRÉFÉRABLE DE FAIRE


PLUTÔT QUE DE NE PAS FAIRE
Dans Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Murakami raconte
l’anecdote suivante :
« Une fois, j’ai interviewé Toshihiko Seko, le coureur olympique, juste
après sa décision d’arrêter, quand il était devenu manager de l’équipe S & B.
Je lui ai demandé : “Est-ce qu’un coureur de votre niveau a déjà éprouvé le
sentiment qu’il n’avait pas envie de courir, qu’il ne voulait pas courir et qu’il
préférait rester dormir ?” Il m’a regardé fixement et puis, d’une voix qui
manifestait clairement à quel point ma question était stupide, il m’a répondu :
“Bien sûr ! Tout le temps !” »
Et d’ajouter :
« Je suppose que, même à cette époque, je savais que je proférais une
stupidité, mais j’imagine que je voulais entendre la réponse directement de
quelqu’un du niveau de Seko. Je voulais savoir si, malgré l’énorme distance
qui nous séparait, en termes de force, de quantité d’exercices, de motivation,
lorsque nous nouions les lacets de nos chaussures, tôt le matin, nous
ressentions exactement la même chose. La réponse de Seko à ce moment-là
m’a procuré un immense soulagement. Finalement, en dernière analyse, nous
sommes tous les mêmes, ai-je pensé. »
Même après vingt années passées à courir tous les jours, Murakami éprouve
encore à certains moments le sentiment de ne pas avoir envie de le faire. De
la même manière que Murakami a été soulagé par la réponse de Toshihiko
Seko, j’ai été soulagé par ce qu’a dit Murakami. L’habitude est un acte que
l’on accomplit sans presque y penser, mais cela ne signifie pas pour autant
que nous sommes capables de toujours choisir sans réfléchir, que nous ne
vivons plus de dilemmes. Il peut arriver de ne pas avoir envie, d’y être
réticent : nous ne sommes que des humains après tout.
Garder une habitude peut parfois être une souffrance. Cependant, il me
paraît préférable de faire, plutôt que d’être rongé par les remords de ne pas
l’avoir fait. La récompense de l’habitude finit un jour par dépasser le tas
d’échecs accumulés. Décider de « ne pas faire » engendre des regrets, qui
engendrent à leur tour la dépréciation de soi. Alors, il vaut mieux choisir le
moins mauvais des deux, non ?

ÉTAPE 43 : AUGMENTER PROGRESSIVEMENT


LE NIVEAU DE DIFFICULTÉ
Il peut arriver d’être gagné par la lassitude au fil du temps. Se lever tôt,
faire du yoga, se rendre à la salle de sport… Le sentiment d’accomplissement
s’estompe lorsque l’on accomplit une action au quotidien.
Quand on place la barre trop haut, le cerveau associe l’action à la
souffrance, nous empêchant ainsi de la continuer. Si c’est trop facile, la
satisfaction n’est pas au rendez-vous et on court le risque de se lasser. C’est
quand il y a une certaine charge ressentie qu’une quantité appropriée de
cortisol est sécrétée, donnant lieu au contentement. Sans stress, il n’y a pas de
plaisir.
Un coach de ma salle de sport m’a recommandé d’augmenter les poids
quand je réussissais à les soulever facilement. On peut un jour réussir à
conduire sans même y penser, et en chantonnant en même temps. Courir en
rêvassant, sans avoir à porter son attention sur son souffle. L’absence de
résistance indique qu’il est temps d’augmenter le niveau de difficulté.
Le psychologue hongrois Mihály Csíkszentmihályi a élaboré le concept de
« flow », pour qualifier l’état dans lequel un individu est tellement absorbé
par sa tâche qu’il en oublie le temps qui passe. Pour vivre une expérience de
flow, il faut que les compétences soient parfaitement adaptées au niveau de
difficulté de l’action. Quand le challenge à relever n’est ni trop difficile ni
trop aisé, avec un niveau de difficulté approprié à soi. Quand je rédigeais les
parties ou passages complexes puisque techniques de ce livre, ma
concentration s’envolait très rapidement. En revanche, quand il s’agissait de
raconter mes expériences, j’ai pu écrire avec la plus grande attention, en
oubliant tout ce qu’il y avait autour de moi.

Une augmentation légère, à peine perceptible


Bien sûr, il ne s’agit pas d’augmenter brutalement le niveau de difficulté. Il
vaut mieux que l’augmentation soit progressive.
Si vous cherchez à vous réveiller une heure avant l’heure habituelle, réglez
votre réveil chaque jour 5 minutes plus tôt. Se lever une heure plus tôt que la
veille peut être rude, tandis que cinq minutes, ce n’est vraiment rien.
L’objectif sera atteint en douze jours. Par exemple, quand je cours sur un
tapis de course, j’augmente le temps d’une minute ou la vitesse de 0,1 km/h à
chaque fois. Augmenter petit à petit permet de progresser sans se décourager.

L’entraînement intentionnel
On raconte qu’Ichiro fixait un thème pour chacune des balles qu’il frappait.
Et même s’il réussissait son coup, si l’objectif qu’il avait décidé n’était pas
atteint, il n’était pas satisfait.
Daigo Umehara, affirme que l’on ne peut faire de progrès sans réfléchir, et
ce, même si on s’entraîne longtemps. Augmenter aveuglément le temps
d’entraînement ne donne aucun résultat. Pour bien tirer au basket-ball, il ne
suffit pas de simplement faire plus de lancers, mais de prendre conscience de
la distance, du décalage à droite ou à gauche, du mouvement du poignet et
d’ajuster le tir en fonction des constatations. Émettre une hypothèse et
apporter des corrections : on appelle cette méthode l’entraînement
intentionnel.
Une fois l’habitude prise, et devenue facile, on peut rester au même niveau
de difficulté et la poursuivre distraitement. Or, la dopamine est sécrétée
quand nous nous retrouvons confrontés à la « nouveauté », et sortir de sa
zone de confort forme de nouvelles connexions neuronales.
C’est pourquoi rester au même niveau de difficulté ne nous permet pas de
recevoir les stimuli nécessaires à la progression. Ouvrir un peu plus les
jambes au yoga et sentir la douleur, résister à l’envie d’arrêter son travail et
faire un dernier petit effort, tous ces petits riens nous ouvrent un peu plus la
voie du progrès. Chaque petit pas hors de sa zone de confort est un pas de
plus vers la progression.

ÉTAPE 44 : TRIOMPHER DE L’ÉPREUVE DE LA


VALLÉE
Rien n’y fait, il arrive de temps à autre que l’on ne soit vraiment pas
d’humeur. Dans ce cas, la contremesure à adopter consiste à ne « conserver
que la forme ». Dans Les mini-habitudes : petites habitudes, grands
résultats !, Stephen Guise recommande, même une fois l’habitude totalement
prise, de ne pas viser trop haut. Même si vous êtes capables de faire
cent pompes, n’en faire qu’une peut suffire. Si vous avez pris l’habitude
d’écrire votre journal ou de tenir votre blog au quotidien, et que rédiger
mille mots ne vous fait pas peur, fixez l’objectif à cent. De cette manière, il
vous sera impossible de ne pas tenir ces objectifs quand vous n’êtes vraiment
pas motivé.
La dépréciation de soi nuit à la volonté. Ce sentiment négatif, qui apparaît
lorsqu’on ne réalise pas l’objectif du jour, complique la réalisation de
l’habitude suivante. C’est pour cette raison qu’il est crucial de maintenir ne
serait-ce que la « forme ». Même si vous ne pouvez faire que peu
aujourd’hui, la continuité de l’habitude vous permettra de faire mieux
demain.

Progrès et motivation
La première récompense du devoir accompli,
c’est de l’avoir fait.
ALBERT IER

Ressentir effectivement que l’on fait des progrès n’arrive


qu’occasionnellement. Donc, considérer le progrès comme une récompense,
ou s’en servir comme motivation ne nous permet pas de garder une habitude.
Par exemple, le yoga. J’ai senti mon corps devenir beaucoup plus souple au
cours des deux premières semaines de pratique, ce qui m’a, bien entendu,
encouragé à continuer. Or, au fil du temps, et même si j’en fais tous les jours,
mes progrès sont beaucoup moins flagrants : ce ne sont que de modestes
constatations, comme mes chevilles qui tournent légèrement plus. Cela fait
maintenant six mois que je relève le challenge du « grand écart en un mois »,
et j’en suis encore loin. Rechercher une récompense dans le progrès n’incite
pas à persévérer. Car si on considère que le progrès est une récompense,
perdre de la souplesse après quelques jours sans pratiquer rend la chose
encore plus cruelle.
Il en va de même pour l’anglais. Parfois, je comprends tout ce qui est dit,
mais en règle générale, je n’ai pas le sentiment de faire de progrès et j’ai
l’impression de me retrouver sur un long, un très long palier. Progresser est
une alternance de périodes de stagnation et de percées. Ce n’est pas comme
rouler à toute vitesse sur une grande ligne droite. Faire des progrès, ce serait
plutôt comme monter et descendre, remonter et redescendre des escaliers. Le
parcours ainsi tracé est cahoteux et peu gracieux. Ainsi, considérer le progrès
comme une récompense vous donnera envie de baisser les bras lorsque vous
traverserez une période de régression.
La récompense doit se trouver non pas dans le progrès, mais dans l’action
elle-même. « Aujourd’hui encore, j’ai pu continuer » : c’est ce sentiment
positif, qui consolide l’estime de soi, qui doit être envisagé comme une
récompense. C’est très important.
Quand vous avez le sentiment de ne pas faire de progrès, imaginez-vous
être une chrysalide. D’un point de vue extérieur, elle paraît ne jamais
changer. Or, à l’intérieur, de minutieux préparatifs battent leur plein. Le
plaisir du progrès est à envisager comme une prime donnée par une entreprise
à l’avenir incertain. Quand on en reçoit une de temps en temps, il faut savoir
apprécier sa chance.

ÉTAPE 45 : LE SENTIMENT D’AUTO-


EFFICACITÉ
Tout ce dont nous avons besoin pour réussir dans la
vie est l’ignorance et la confiance.
MARK TWAIN

À l’étape 17, je vous ai présenté la méthode progressive destinée à vaincre


la phobie des serpents. Il y a une suite à cette histoire. Les individus ayant
réussi à surmonter leur peur panique ont également pu avoir raison d’autres
inquiétudes. Ils sont devenus capables de s’investir pleinement et de ne pas
perdre le moral face à un échec. Bandura a nommé ce phénomène l’auto-
efficacité.
L’auto-efficacité, pour le dire simplement, c’est croire que l’on peut. Croire
que l’on peut changer, évoluer, apprendre, et venir à bout de nouvelles
difficultés.
Après avoir arrêté de boire, j’ai arrêté les sucreries. J’étais convaincu que,
si j’avais été capable de ne plus toucher à une goutte d’alcool, une habitude
qui prenait tellement de place dans ma vie, je pouvais très bien arrêter le
sucre !
Une première victoire nous donne l’impression que la suivante n’est pas si
difficile à remporter. Les enfants qui ont pu obtenir deux marshmallows lors
du test avaient certainement déjà dû relever des petits défis et être félicités
pour cela.
« Je n’y arriverai pas, je rate tout ce que j’entreprends… » Ce type de
pensées nous pousse à croire qu’abandonner le plus tôt possible est la
décision la plus rationnelle à prendre. Exit les conflits internes : on ne
cherche même plus à essayer de savoir s’il vaut mieux attendre encore un peu
avant de manger le marshmallow : on juge préférable de le faire dès qu’il
nous est présenté.
Selon Walter Mischel, les enfants qui avaient de plus grandes attentes en
matière de réussite abordaient les tâches demandées avec une plus grande
confiance, exactement comme s’ils les avaient déjà réussies. Ils ne pensaient
pas qu’ils allaient échouer, voulaient y faire face, et couraient volontairement
le risque d’essuyer un échec.
Je pense que le plus important est de se lancer. Cependant, les individus qui
réussissent à le faire sont ceux qui ont déjà vécu des expériences similaires, et
dont la démarche a été fructueuse. Moins vous serez effrayé par l’échec, et
plus vous réussirez, plus il vous sera facile de relever de nouveaux défis.

Tri et sentiment d’auto-efficacité


Les enfants qui ont pu attendre lors du test du marshmallow ont, par la
suite, obtenu de meilleurs résultats tant sur le plan scolaire que sur le plan de
la santé. Je pense qu’il s’agit là de la conséquence du sentiment d’auto-
efficacité, la croyance selon laquelle « Je peux le faire ! », qui s’est étendue à
d’autres domaines.
J’ai vécu une expérience similaire. J’ai débuté par le tri et le rangement de
mon appartement, mais cela ne me suffisait plus : j’avais envie d’améliorer
ma vie de nombreuses autres manières. J’ai réussi à prendre l’habitude de me
lever tôt, et de faire du sport : à l’époque, le sentiment d’accomplissement
était si énorme que, par la suite, même si je paressais un peu, je continuais à
éprouver de la satisfaction. Quand me réveiller à l’aube et faire du sport sont
devenus des actions faciles à accomplir, j’ai eu envie d’ajouter un peu plus de
charges.
Réussir à prendre une bonne habitude nous incite à vouloir en avoir
d’autres. Accomplir une habitude accentue le sentiment d’auto-efficacité,
facilitant ainsi l’obtention d’une autre. Et cela a exercé une influence positive
dans bien des aspects de ma vie.

ÉTAPE 46 : PROVOQUER UNE RÉACTION EN


CHAÎNE
Après avoir déménagé à la campagne, je me déplaçais soit en voiture, soit à
pied. Un jour, alors que je parcourais une grande distance à pied pour la
première fois depuis longtemps, je me suis tout à coup rendu compte, à ma
grande surprise, que je pouvais marcher très vite. Je sentais la robustesse de
mes jambes. Mon corps était aussi léger que celui de Son Goku et Krilin,
dans Dragon Ball, quand ils enlèvent les lourdes carapaces qu’ils portent
pour l’entraînement.
On dit que les risques de dépression et de déclin des fonctions physiques et
cognitives sont plus élevés chez les individus qui marchent lentement, mais
peut-être est-ce l’inverse ? Peut-être est-ce cette sensation de corps léger et
l’ardeur qui nous motive qui nous permettent de marcher d’un pas vif. Forger
son corps facilite le quotidien. On peut aisément bouger, grimper les escaliers
quatre à quatre, nul besoin d’hésiter à prendre un escalator bondé. Le déclin
du corps est enrayé.

Une habitude qui devient une petite récompense


Certaines habitudes, au niveau de difficulté déjà adapté, nous procurent du
plaisir. Pour ma part, il s’agit de celle du journal. Je n’ai aucun effort à
fournir. Il me suffit d’écrire un sentiment négatif dans mon journal pour qu’il
se dissipe instantanément. Tenir mon journal est à la fois une distraction et
une petite récompense.
Tout comme la course à pied. Autrefois, je m’encourageais à aller courir en
me promettant un bon dîner ensuite. Mais un beau jour, j’ai remarqué que je
me promettais d’aller courir si je réussissais à terminer un travail. L’habitude
qui autrefois était un problème s’est transformée, sans que je m’en rende
compte, en un élément indispensable à mon quotidien, soit une
petite récompense.

Les mauvaises habitudes devenues superflues


Écrire dans mon journal que je me sens stressé m’aide à me sentir plus
léger. Quand il m’arrive quelque chose de déplaisant, si je sors courir, mon
humeur s’améliore à coup sûr. Ainsi, l’excès d’alcool et de nourriture, les
achats compulsifs, toutes ces actions que je pensais indispensables à
l’évacuation du stress sont peu à peu devenues inutiles. Et le cercle vertueux
de l’habitude se perpétue, tandis qu’aux yeux des autres, je parais simplement
être quelqu’un de stoïque ou avec une volonté de fer.

ÉTAPE 47 : LE POUVOIR D’APPLICATION DE


L’HABITUDE
Toute notre vie n’est qu’une accumulation d’habitudes.
WILLIAM JAMES

Le système de pensée dédié à la prise d’habitudes abordé dans ce livre est


utile dans bien des situations de la vie quotidienne. Par exemple, j’avais la
fâcheuse manie de manger trop vite. Rien n’y faisait, je n’arrivais pas à me
corriger. Quand je mangeais en compagnie d’une femme, si je ne faisais pas
attention, je finissais mon repas bien avant elle.
Il est primordial de manger lentement pour contrôler l’appétit – et c’est
meilleur pour la digestion. Je savais tout cela, or je n’arrivais pas à le mettre
en pratique. Quand enfin, j’ai décidé d’appliquer le principe de récompense-
pénalité essentiel aux habitudes. J’ai mis en place une règle : mon temps de
repos du midi équivaudrait au temps passé à déjeuner. Si je mangeais vite,
mon temps de repos était très court (pénalité). Manger doucement me
permettait de me reposer tranquillement (récompense). Les résultats ne furent
pas spectaculaires, mais largement suffisants.
Selon une enquête réalisée aux États-Unis, près de 55 % des adultes ne
prendraient pas les médicaments qui leur ont été prescrits. L’effet du
médicament (= récompense) est difficilement perceptible par les personnes
concernées. C’est pour cette raison que l’on a tendance à oublier de le
prendre et du mal à en faire une habitude. Dans ce cas, la solution serait de se
servir d’une action quotidienne comme signal. Poser le médicament à côté du
sèche-cheveux ou de la brosse à dents, par exemple, peut-être une solution
efficace.

L’habitude des repas, l’habitude de l’argent


Pour ma part, les repas sont aussi des habitudes. Les menus des repas que je
cuisine trois fois par jour ne changent quasiment jamais. Une fois tous les
trois ou quatre jours, je me rends au supermarché, où j’achète toujours les
mêmes produits, que je cuisine ensuite toujours de la même manière. C’est
une routine. Ainsi, la quantité d’aliments que j’ingère ne varie presque pas. Je
ne m’oblige pas à finir ce que j’ai cuisiné en trop, puisque cela n’arrive pas.
J’adore déguster de délicieux repas dans les restaurants. Or, l’avantage d’un
mode de vie alimentaire aussi stable est que je ne peux pas grossir.
On peut également appliquer les principes des habitudes dans le domaine de
l’argent, souvent source de problèmes. Le taux d’épargne des Américains,
comparé à celui des Japonais, est extrêmement bas. Selon une enquête menée
auprès de 7 000 sujets, 69 % d’entre eux auraient moins de 1 000 dollars sur
leur compte épargne.
Nombre d’Américains, à 65 ans, seraient choqués par le peu d’argent qu’ils
ont réussi à mettre de côté. Probablement que certains ont privilégié les
plaisirs immédiats au détriment de la tranquillité de leurs vieux jours.
Dans cette situation, l’idée de contrôler l’action en augmentant-diminuant
les obstacles pourrait être bénéfique. Une étude a démontré que, quand
l’inscription au Plan 401 (k) (système américain d’épargne retraite par
capitalisation) est optionnelle (il faut prendre la peine de choisir) lors de
l’intégration des employés dans une grosse structure, le taux d’adhésion était
d’environ 40 % après un an passé dans l’entreprise. Or, lorsque l’inscription
est automatique, ou qu’une procédure pour rompre l’engagement est
nécessaire, le taux d’adhésion bondit à 90 %. Le simple fait d’abaisser
l’obstacle de l’inscription et de hausser celui de la procédure de retrait du
programme peut permettre de résoudre un problème aussi grave que celui de
l’épargne en vue de la retraite.

Appliquer les principes des habitudes dans les


relations humaines
Quand on voit un rouleau de papier toilette presque vide (signal), on le
remplace, au lieu de le laisser faire par la personne suivante (routine), et on
ressent ainsi les bienfaits d’avoir accompli correctement une tâche ménagère
(récompense). Adopter cette habitude peut ainsi nous éviter bien des disputes.

L’astuce qui consiste à effectuer une action en fonction de la date se révèle


efficace dans d’autres situations. Si les réunions des anciens élèves de mon
collège perdurent depuis plus de quinze ans, c’est parce que la date de ces
retrouvailles est fixée au 30 décembre. Savoir au préalable quand elle aura
lieu permet d’organiser son planning en fonction. Comme chacun est averti,
le taux de participation est chaque année très élevé.
Cette méthode a également fait ses preuves dans les relations amicales. Je
fais partie d’un groupe de trois amis, et comme nous avons décidé de nous
voir les jours de nos anniversaires, il est plus facile pour nous de nous
organiser et de perpétuer cette tradition.

Il paraît que les hommes attentionnés ont plus de succès auprès des
femmes. Probablement que les compliments et les mots d’amour sont perçus
comme une récompense par certaines femmes (et détestés par d’autres : à
vous d’agir en conséquence et de ne pas en faire trop).

Vous pouvez continuer de rester en contact avec une personne qui vous
agace, mais pour qui vous éprouvez en même temps un peu de pitié. Or, si
vous réagissez à ses sollicitations (récompense), l’interlocuteur détesté pourra
en prendre l’habitude. Il est donc parfois préférable de couper tout lien
(absence de récompense).

ÉTAPE 48 : CRÉER SES PROPRES


HABITUDES
C’est la différence d’opinion qui fait les courses
de chevaux.
MARK TWAIN

« Lorsque j’étais jeune, et que je dormais dans les dortoirs réservés à


l’équipe, je m’entraînais à frapper plusieurs centaines de balles chaque soir,
jusqu’à 2 ou 3 h du matin. Quand j’y repense, ce n’était pas un entraînement
rationnel. Mais si quelqu’un m’avait dit cela à l’époque, et si j’avais
abandonné, est-ce que j’aurais cette philosophie qui me caractérise
aujourd’hui ? », a un jour déclaré Ichiro, la légende du baseball.
Le message que j’aimerais faire passer est le même. Si j’ai arrêté de boire,
ce n’est pas parce qu’on m’a appris les inconvénients de l’alcool, et que j’ai
retenu la leçon, mais parce que j’ai accumulé bon nombre d’expériences
amères liées à la boisson. Si je n’avais jamais éprouvé de regrets, l’idée
d’arrêter ne m’aurait certainement pas effleuré l’esprit. Expérimenter un
mode de vie relâché et comprendre que celui-ci n’engendrait que
souffrances : voilà ce qui m’a poussé à vouloir prendre de meilleures
habitudes.
Ce que j’ai écrit dans ce livre ne sera pas transmis tel quel. J’aimerais
simplement que les lecteurs mettent en pratique et connaissent des échecs,
connaissent des échecs et mettent en pratique, pour trouver, au cours de ce
processus, leur propre méthodologie.
Apprendre avec un livre, c’est chercher à connaître au préalable la
localisation des pièges dans lesquels on pourrait tomber, avant de se lancer
concrètement. Or, la théorie ne suffit pas : on ne peut savoir la douleur
ressentie à tomber dans un piège avant de la vivre. C’est l’expérience de la
douleur qui nous pousse ensuite à faire en sorte de ne plus y tomber. Je ne
cherche pas à vous indiquer l’emplacement et la nature de tous les pièges que
vous pourrez rencontrer. Je veux simplement vous mettre en garde contre les
pièges sournois dans lesquels on peut s’enferrer à plusieurs reprises, même en
faisant attention.

Créer ses propres habitudes


Je me considérais autrefois comme un être nocturne, mais j’ai réussi à
devenir un lève-tôt, et à commencer mes journées du bon pied. Prendre
l’habitude de se lever tôt est, à mon avis, une envie assez universelle, c’est
pourquoi je la recommande à ceux que ça intéresse.
Mais, par exemple, prenons le cas du choix de vie de Masashi Ueda.
Masashi Ueda, auteur d’un manga de quatre cases, publié dans un journal
appelé Kobo-chan, se couche à 3 h 30 et se réveille à 10 h 30. Comme un
coursier vient récupérer ses dessins chaque jour à 15 h 30 précises, un calcul
à rebours en partant de cette heure limite lui a permis de déterminer que se
réveiller à 10 h 30 était pour lui le plus approprié.
Le plus important est de comprendre ce qui est le meilleur pour soi. Je
serais ravi si quelqu’un venait à imiter les habitudes que j’ai adoptées.
Cependant, nous évoluons tous dans des environnements différents, nous
n’avons peut-être pas le même âge, ni le même sexe. Cela ne sert à rien de
recommander à un sumo de faire un régime. La situation varie d’une
personne à l’autre. Voilà pourquoi j’aimerais que vous trouviez et
personnalisiez votre méthode, celle qui conviendra à la perfection.
Bien que les situations varient, certains points demeurent tout de même
essentiels. Le fait de prendre des notes, par exemple. De consigner les
conditions (humeur, conditions physiques, saison, degré d’occupation) dans
lesquelles vous vous trouviez lorsque vous avez pu, ou non, continuer une
habitude. Ces notes vous permettront de savoir quelles mesures adopter
quand vous ferez face aux mêmes situations, aux mêmes difficultés. J’espère
sincèrement que ce livre pourra vous aider. Mais rappelez-vous : il n’y a pas
d’habitudes « modèles ». L’essentiel est de découvrir par vous-même le
meilleur pour vous-même.

ÉTAPE 49 : TOUTE HABITUDE S’EFFONDRE


UN JOUR
Le paradoxe des habitudes : elles sont étonnamment
solides et elles sont étonnamment fragiles.
GRETCHEN RUBIN

Méditer, c’est faire revenir dans le droit chemin sa conscience volatile grâce
à la respiration. Mais nous avons beau le faire encore et encore, elle finit
toujours par s’envoler quelque part. Le moine Koike Ryûnosuke a déclaré à
ce propos que c’était comme essayer de remonter sur le dos d’un cheval
sauvage qui nous faisait tomber à chaque fois. Cette comparaison s’applique
à l’ensemble des habitudes. Peu importe le nombre de fois où on accomplit
une habitude, on ne cesse d’être jeté à terre. Les habitudes s’effondrent un
jour. Le plus important est de continuer à les rebâtir.

Garder une trace


Partir en vacances, se blesser… en quelques jours ou en quelques semaines,
les habitudes que vous vous êtes courageusement bâties peuvent s’effondrer.
En prévision de cela, il faut détailler minutieusement le contexte dans
lequel l’habitude établie se déroulait à la perfection. Pour ma part, c’est
l’emploi du temps qui remplit ce rôle. Garder une trace de la méthode qui a
fonctionné permet d’avoir confiance de pouvoir un jour ou l’autre la
retrouver.
On finit même par oublier des choses sur nous-mêmes, mais les écrire nous
permet de nous les remémorer. Écrire nous donne le pouvoir de
« recommencer à un moment précis ». C’est un peu comme noter sur un bout
de papier le précieux sortilège de résurrection que l’on utilisait dans Dragon
Quest avant l’accès à la sauvegarde automatique.
Mais il peut parfois arriver que le sortilège de résurrection ne fonctionne
pas. Déménagement, mariage, naissance d’un enfant… Il n’y a alors pas
d’autre choix que de changer les habitudes bâties avec l’ancien
environnement. Le système de pensée reste valide et utile pour apprendre à se
lever tôt pour les enfants ou aller les chercher à l’école, ou même promener
son chien.
Il n’y a pas que notre environnement qui peut subir des changements :
nous-mêmes, nous évoluons petit à petit. On prend de l’âge. Nul besoin
d’ouvrir un livre de biologie pour comprendre que le soi d’hier, le soi
d’aujourd’hui et celui de demain sont légèrement différents. Il faut
simplement continuer d’ajuster, d’adapter ses habitudes, afin qu’elles
puissent correspondre au soi du moment.
Préserver la fraîcheur
L’écrivain Nicholson Baker a des habitudes de travail, mais dès qu’il
s’attelle à l’écriture d’un nouveau roman, il essaie des manières de procéder
légèrement différentes. Par exemple, écrire en sandales, installé sur la
véranda arrière à partir de 16 h. Ainsi, il préserve la « fraîcheur » de ses
habitudes. Cette méthode – procéder à de petits ajustements –, je l’ai
également adoptée pour éviter toute lassitude.
Selon Daigo Umehara, l’astuce, quand on veut changer, est de ne pas se
demander si le changement sera bénéfique ou non. Si cela tourne mal, il suffit
de changer à nouveau.
Changez, et si cela ne vous convient pas, changez à nouveau.

ÉTAPE 50 : UNE HABITUDE N’EST JAMAIS


ACHEVÉE
Il faut apprendre l’art de vivre aussi longtemps
que dure la vie.
SÉNÈQUE

Une des croyances que j’avais autrefois à propos du minimalisme, et qui


s’est révélée fausse par la suite, est que ma pratique serait, un jour ou l’autre
achevée. À l’époque où je me débarrassais du superflu, j’étais convaincu que
me libérer de mes possessions allait me libérer des problèmes qu’elles
induisent.
Je pensais alors qu’il serait vraiment pratique de trouver LE vêtement que
j’aimerais porter toute ma vie, à la manière de Steve Jobs. J’ai même une fois
envisagé de ne mettre que des chemises blanches. Mais puisque j’avais
déménagé à la campagne, l’occasion d’en porter une ne s’est jamais vraiment
présentée.
Par la suite, j’ai remarqué que de nouvelles possessions s’avéraient
nécessaires en fonction de mes intérêts du moment. Alors, j’en ai à nouveau
laissé partir. C’est justement parce que la pratique du minimalisme n’est
jamais achevée que l’on peut à nouveau ressentir la joie de se libérer de ses
possessions.
Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de nouvelles habitudes qui me font envie.
Cependant, cela ne signifie pas pour autant que mes habitudes sont achevées.
Car nous sommes constamment en quête de défis
toujours plus difficiles à relever.

L’habitude consiste à continuer d’essayer d’avoir


des habitudes
Le but s’éloigne sans cesse de nous.
GANDHI

Même s’il n’y a pas de défis à relever, notre esprit en trouve toujours de
nouveaux.
Notre vie a beau être paisible sous tous les aspects, nous nous créons
insatisfactions et défis les uns à la suite des autres et notre existence consiste
à devoir les surmonter. Cependant, il y a des récompenses à obtenir à venir à
bout de ces obstacles. Ces défis sont sans fin. Mais ne devrait-on pas s’en
réjouir ? Prendre une bonne habitude est différent d’achever une habitude.
Une habitude n’est jamais achevée. Car l’habitude consiste à continuer
d’essayer d’avoir des habitudes.
Chapitre IV
Nous sommes faits d’habitudes
La nature véritable des efforts du point de vue des
habitudes
Je me souviens de mon père qui ne cessait de répéter à son chat :
« Vraiment ! Quel petit veinard tu es ! » Il peut effectivement nous arriver de
jalouser la vie tranquille de ces petits félins, qui passent le plus clair de leur
temps à dormir. Un oiseau sait chanter et même effectuer des parades
nuptiales dès sa naissance, sans avoir besoin de cours pour cela, tandis que
nous, humains, devons fournir de gros efforts pour apprendre à jouer d’un
instrument de musique ou à danser. Pourquoi sommes-nous les seuls à devoir
faire des efforts ?
Autrefois, j’envisageais la vie comme « un grand championnat d’endurance
face à la souffrance ». Où seuls les individus capables d’endurer la souffrance
que sont les efforts pouvaient triompher, et ramasser les lauriers de la gloire.
Or, à la lumière de ce que nous avons abordé ensemble jusqu’à présent à
propos des habitudes, la nature même des efforts semble, en réalité, quelque
peu différente.
Le premier chapitre est consacré à la volonté, et la manière dont celle-ci
apparaît ou disparaît. Dans le deuxième chapitre, nous avons examiné les
récompenses, notamment celles que l’on trouve en accomplissant des actions
qui ne sont que souffrance aux yeux des autres ; et enfin, dans le troisième
chapitre, nous avons vu en détail les méthodes et le système de pensée qui
nous conduisent à faire d’une action une habitude.
Toutes ces réflexions nous ont, semble-t-il, permis de glaner quelques
indices pour nous aider à explorer la nature véritable des efforts, ou même du
talent. Bien évidemment, tout ne peut pas être expliqué. Je pense, cependant,
que nous pouvons en esquisser les grandes lignes, qui semblent bien
différentes de ce que nous avons tendance à imaginer.

Ichiro
Le mot effort nous fait invariablement penser à la souffrance à endurer,
comme dans l’expression « suer sang et eau ». Mais est-ce vraiment le cas ?
Ichiro, par exemple, s’entraîne plus que quiconque, et ce, depuis son enfance.
Il avait écrit, dans une de ses rédactions d’école primaire, qu’il s’entraînait
« très dur 360 jours sur 365 ». Quand il faisait partie de l’équipe des Orix,
tandis que ses coéquipiers frappaient la balle pendant 30 minutes, Ichiro le
faisait pendant deux ou trois heures. Son manager disait qu’un tel rythme
était impossible pour quelqu’un d’autre que lui. Et encore aujourd’hui, alors
qu’il évolue en ligue majeure, il passe des heures à s’entraîner seul sur le
terrain, tandis que ses camarades sont en repos. À première vue, les efforts
fournis par Ichiro semblent s’approcher du sacrifice, or, l’intéressé déclare ne
pas en faire du tout. Pourquoi ?

Haruki Murakami
Haruki Murakami écrit dix feuillets par jour, et ne manque jamais sa séance
de course ou de natation quotidienne. Dans une longue interview, l’auteur a
déclaré qu’il ne faisait que ce qu’il aimait, que ce soit dans le travail ou en
dehors du travail, qu’il n’était pas particulièrement stoïque, qu’il s’agissait en
réalité de faire le moins possible ce qu’il n’aimait pas. Car ce n’est pas bien
difficile de faire des efforts, quand on aime ce qu’on fait.
Les individus qui nous donnent l’impression de fournir de gros efforts
répondent souvent qu’ils n’en font pas, ou qu’ils ne sont pas si importants.
J’ai longtemps cru que cette réponse n’était rien d’autre que de la modestie.
Bien sûr, je ne peux pas imaginer si facilement les efforts qu’ils déploient,
mais j’ai maintenant l’impression de comprendre un peu ce qu’ils veulent
dire.
L’origine de la confusion engendrée par le mot « effort » est qu’il existe en
réalité deux définitions bien distinctes.

Distinguer « faire des efforts » de « endurer »


Il est préférable, à mon sens, de distinguer les deux sens du mot « effort » :
il y a tout d’abord l’effort véritable, puis la notion de « endurer ».
• Faire des efforts signifie qu’il y a une récompense équivalente au prix
payé.
• Endurer : la récompense reçue n’est pas juste par rapport au prix payé.
Au Japon en particulier, faire des efforts dans le sens de « endurer » a
tendance à être imposé. Par exemple, quand on travaille dans une entreprise,
on reçoit une récompense sous forme de salaire. Or, pour obtenir cette
récompense, l’employé doit payer toutes sortes de prix. La première
contrepartie est le temps. Et encore :
• Ne pas pouvoir décider soi-même de l’heure d’arrivée ou de départ de
l’entreprise.
• Ne pas pouvoir ignorer un patron/collègue/client qui nous insupporte.
• Ne pas toujours pouvoir prendre les jours de repos au moment voulu,
malgré la fatigue ou l’envie de s’occuper de ses enfants.
• Ne pas pouvoir décider seul des mesures à prendre ; devoir faire
uniquement ce qui est ordonné.
Les contreparties, aussi diverses que variées, diffèrent en fonction des
entreprises.
En plus du salaire, un employé reçoit tout de même d’autres récompenses :
• les compliments, les félicitations d’un collège ou d’un supérieur,
• le sentiment d’unité ressenti après un travail en équipe,
• avoir été utile à quelqu’un, être venu en aide aux autres grâce à son
travail.
Si tous les matins, vous n’avez aucune envie d’aller au travail, mais que
vous vous y rendez malgré tout, alors, les efforts que vous faites sont plutôt
de l’ordre d’« endurer ». Quand la récompense reçue est proportionnelle aux
prix payés, on peut continuer à aller de l’avant. C’est lorsque les contreparties
sont supérieures à la récompense que naît le découragement, l’envie de ne
plus le faire.
Décider par soi-même
Distinguer « endurer » de « faire des efforts » consiste à non seulement
savoir si la récompense obtenue est équivalente au prix payé, mais si c’est
nous-mêmes qui avons choisi de le faire ou non.
D’après le test du radis, les étudiants qui n’avaient pu manger que les radis
ont eu une baisse de volonté. Il faut tout de même garder à l’esprit qu’on leur
avait interdit de toucher aux délicieux cookies aux pépites de chocolat posés
sur la table. Je pense, pour ma part, que s’ils avaient CHOISI de manger les
radis, il n’y aurait pas eu d’impact sur leur volonté.
En premier lieu, interdire ceci à un individu, ou lui ordonner de faire cela
(soit ne pas lui laisser le choix) occasionne du stress.
Deux pauvres rats, dans des cages séparées, reçoivent des décharges
électriques. Un seul a la possibilité de pousser un levier qui permet aux deux
rongeurs d’échapper à la décharge. Le résultat de cette expérience est
éloquent : le rat qui n’avait pas de levier à sa disposition a perdu du poids,
montré des signes de stress chronique et avait un risque plus élevé de
développer un cancer ou un ulcère. La décharge reçue était la même pour les
deux rongeurs, mais celui qui avait la possibilité de pousser le levier ne
ressentait que peu de stress puisqu’il savait avoir le pouvoir d’y échapper.
La persévérance nécessaire pour faire ce dont on a envie ou choisi de faire
est à ranger dans la catégorie « effort ». Celle qui me permet de faire ce que
je n’ai pas choisi ou ce dont je n’ai pas envie est à assimiler à une souffrance
à « endurer ».
La raison pour laquelle nous sommes capables de garder une habitude est
qu’il s’agit d’une action décidée par nous-mêmes. « Puisque j’aime ça, je
continue » : peu importe la souffrance, nous pouvons continuer, car nous
avons choisi de le faire.

Endurer, dans l’habitude


Endurer, c’est comme être obligé de grimper continuellement une montagne
qui n’aurait ni plat ni sommet, et ne serait qu’une montée. Faire des efforts
est très différent de cela. Bien sûr, il y aura des côtes pénibles à escalader par
endroits. Mais se tenir au sommet procure un fort sentiment
d’accomplissement, et la descente est vivifiante. Car la récompense obtenue
est équivalente au travail fourni.
Les premiers temps, quand je cherchais à prendre de bonnes habitudes, il y
a eu des périodes où je n’ai fait qu’endurer. Au début, les prix à payer sont
plus importants, et ne sont que souffrance ou douleurs physiques. C’est
pourquoi on peut être tenté de baisser les bras très vite.
Les contremesures à adopter, pour vous aider à surmonter ces périodes
difficiles, sont à retrouver dans le chapitre 3. Une fois cette étape franchie,
nous entrons dans la « zone des efforts ». Ici, l’habitude n’est plus une action
qui ne comporte que souffrance, et on y obtient de multiples récompenses.
ENDURER ET FAIRE DES EFFORTS
À chacun ses critères
Les efforts déployés par les autres peuvent parfois nous paraître
éblouissants. Voir un homme, les dents serrées, soulever 100 kg à la salle de
sport peut nous amener à croire que nos propres efforts ne sont pas suffisants.
Or, quelqu’un qui fait de la musculation pour la première fois et qui, sans
vraiment trop savoir comment faire, soulève 20 kg, alors les efforts fournis à
ce moment-là, sont, à mon avis, supérieurs à ceux de l’habitué qui en soulève
100. La fréquence cardiaque est un bon moyen d’évaluer la quantité d’efforts
fournis.
J’aimerais rapporter ici une anecdote racontée dans le livre Spark: The
Revolutionary New Science of Exercise and The Brain (La nouvelle science
révolutionnaire de l’exercice et du cerveau), de John Ratey. Phil Lawler,
professeur d’éducation physique, avait décidé d’utiliser la fréquence
cardiaque comme critère d’évaluation des efforts physiques individuels de ses
élèves. Un jour, il a demandé à une jeune fille de 11 ans, mince, mais peu
athlétique, de porter un cardiofréquencemètre pendant qu’elle courait.
Comme elle n’était pas très douée, le chronomètre n’était pas bon, mais
quand le professeur a téléchargé ses données, il n’en a pas cru ses yeux. La
fréquence maximale théorique d’un enfant de 11 ans est de 209. Le
cardiofréquencemètre indiquait une fréquence cardiaque moyenne de 187. Et
de 207 au moment où elle a franchi la ligne d’arrivée. En d’autres termes, elle
s’est donnée à fond tout le long de la course. Et Lawler, de déclarer :
« Normalement, je serais allé voir cette jeune fille et lui aurais demandé de se
bouger un peu plus les fesses. L’utilisation du cardiofréquencemètre a
totalement transformé nos cours de gym. J’ai repensé à tous les enfants qui
avaient fini par détester les cours de sport parce que leur professeur ne leur
avait accordé aucun crédit… Je n’ai jamais eu un athlète en classe qui savait
comment travailler aussi dur que cette petite fille. »
Courir vite et donner le meilleur de soi sont deux choses différentes. Cette
anecdote me met toujours les larmes aux yeux. Cette petite fille que l’on
considérait comme peu douée en sport était en réalité, celle qui déployait le
plus d’efforts.

Le talent et les habitudes


Un écrivain professionnel est un amateur
qui n’a pas renoncé.
RICHARD BACH

Grâce aux habitudes, j’ai également changé ma manière de voir le


« talent ». Autrefois, j’étais convaincu que le « talent » était décidé d’avance.
Étroitement lié aux gènes, le talent pour moi était de naissance : certains en
possédaient, d’autres non. J’avais l’impression d’être un être « sans », et
vivais cette situation comme une véritable injustice. Alors, pourquoi dit-on de
certains individus, dotés de quelques talents, qu’ils n’en ont pas ? Et parfois
même, pourquoi ces personnes affirment ne pas en avoir ?

Les génies n’ont pas de talent ?


L’entraîneur de Naoko Takahashi, double médaillée d’or au marathon lors
des Jeux olympiques, disait d’elle qu’elle n’avait aucune des aptitudes
nécessaires à un coureur, et que, pour cette raison, elle devait avoir la
meilleure formation possible.
On dit qu’il faut être un génie, qu’il faut forcément avoir un don pour être
numéro 1 mondial ou médaillé d’or. Mais est-ce vraiment le cas ? L’artiste
Kyohei Sakaguchi raconte la chose suivante : « On m’affirme que j’ai du
talent, que je suis différent des autres, or il y a dix ans de cela, certains me
poussaient à arrêter, puisque, selon eux, j’en étais dépourvu. Finalement,
persévérer est ce qu’il y a de plus important, non ? » Même Haruki
Murakami, jusqu’à l’âge de 29 ans, pensait passer le reste de sa vie à se
contenter de ses passe-temps. Que lire, écouter de la musique et avoir un chat
était bien suffisant. Il a même une fois avoué qu’il n’aurait jamais imaginé
être capable de créativité, persuadé qu’il était de ne pas avoir de talent.

Einstein et Darwin étaient


des êtres quelconques ?
« Je suis une personne tout à fait ordinaire », voilà ce que s’accordent à dire
certains génies. Charles Darwin, dans son autobiographie, déplore de n’avoir
ni intuition ni mémoire. Et Einstein, de déclarer : « Ce n’est pas que je suis si
intelligent, c’est que je reste plus longtemps avec les problèmes. » Si Einstein
et Darwin n’étaient pas des génies, alors qui peut être considéré comme tel ?
Le point sur lequel Darwin reconnaissait surpasser les gens ordinaires,
c’était concernant « sa passion sans fin à propos des sciences naturelles ».
Einstein, quant à lui, affirmait : « Je n’ai pas de talents particuliers, je suis
juste passionnément curieux. »
Tous deux ne se considéraient pas comme particulièrement brillants ou
supérieurs. Ils étaient simplement mus par une passion inépuisable. C’est
pourquoi ils pouvaient se pencher longtemps sur des problèmes jugés
difficiles. En somme : la persévérance plutôt que l’excellence.
Alors, si le talent ne nous est pas offert à la naissance, serait-ce une aptitude
qui, absente originellement, pourrait être développée par la suite ?
Le talent n’est pas si inhabituel
Selon Anson Dorrance, l’entraîneur le plus titré de l’histoire du football
féminin aux États-Unis, avec vingt-deux championnats remportés en l’espace
de trente-et-un ans, le talent ne serait pas si inhabituel.
Devenir un grand joueur ou non dépend tout simplement des efforts
déployés pour faire grandir ce talent. Les brillants résultats de ces sportives
seraient dus, non pas à sa capacité à dénicher les talents et à les recruter, mais
au bon entraînement des joueuses qui ont intégré l’équipe.

La vérité à propos des talents discrets


La vision d’un champion est pliée, trempée de sueur,
au point d’épuisement, quand personne ne regarde.
ANSON DORRANCE

Selon le sociologue Daniel Chambliss, qui a travaillé avec des nageurs


olympiques pendant plusieurs années :
• Une performance exceptionnelle est le fruit d’une accumulation
d’innombrables petites compétences et actions.
• Il n’y a rien d’extraordinaire ou de surhumain dans chacune des actions
des sportifs prises isolément.
• Réalisées correctement, avec régularité, et toutes ensemble, ces actions
produisent l’excellence.
Ce qui est dit dans cet article est extrêmement ordinaire : les sportifs
gagnent parce qu’ils ont travaillé dur. La conclusion de Daniel Chambliss
était tellement banale qu’elle en fut raillée par certains.
Peut-être s’attendait-on à des découvertes terriblement plus excitantes ?
« Tout n’est qu’une histoire de gènes ! » ou même « devenir un génie dépend
de l’éducation reçue par l’enfant jusqu’à ses 3 ans ! ». Cependant, la réalité
est beaucoup plus simple, plus discrète : il suffirait de continuer à travailler
d’arrache-pied ses habitudes. La continuité des habitudes fabriquerait le
talent.
Si les génies affirment ne pas avoir de talent, c’est probablement parce que
le processus qui les a conduits à le devenir est peu spectaculaire.

Des êtres hors du commun


« Le “talent” est un mot bien pratique, n’est-ce pas ? Car parler de talent
signifie que nous sommes simplement nés avec, que nous nous trouvons là où
nous en sommes sans avoir fait le moindre effort », a déclaré Ai Fukuhara,
médaillée olympique de tennis de table.
Ce sont les histoires de prodiges qui, de tout temps, ont fait rêver les
hommes. Les performances réalisées par les patineurs artistiques ou les
gymnastes aux Jeux olympiques nous font les considérer comme des êtres
hors du commun, venus tout droit d’une autre dimension. Leur excellence
nous exalte, et l’euphorie nous pousse à vouloir ressentir un sentiment
d’unité.
Angela Duckworth cite les mots de Nietzsche à ce propos : « Notre vanité,
notre amour-propre, encourage le culte du génie. Tant qu’on y songe comme
à quelque chose de magique, on n’est pas obligé de s’y comparer ni de
relever ses propres lacunes. […] Dire de quelqu’un qu’il nous “transcende”
signifie qu’il serait vain de se mesurer à lui. »
Ainsi, dire de quelqu’un qu’il a du talent ou qu’il est un génie ne serait pas
uniquement l’encenser, mais pour justement, créer une distance entre lui et
soi. Car il est plus rassurant de penser qu’une capacité face à laquelle on ne
peut rivaliser a été « générée » hors de notre portée, plutôt que d’accepter
l’existence d’un chemin qui, à force d’efforts, peut aboutir à du talent.

Talent addition, talent multiplication


Je ne pense pas non plus qu’il faille affirmer qu’il n’existe aucune
différence entre les individus et que continuer à faire des efforts permettrait à
n’importe lequel d’entre nous de devenir un génie.
De la même manière que nous avons fait la distinction entre faire des
efforts et endurer, j’aimerais que nous comprenions la nuance entre le talent
et « avoir une certaine sensibilité, un certain sens de ».
La poétesse Machi Tawara parle de « talent addition » et « talent
multiplication ». Même si deux individus vivent les mêmes expériences, l’un
ne pourra que cumuler, à la manière d’une addition, tandis que l’autre
parviendra immédiatement au résultat, comme une multiplication. Pour ma
part, je nomme cette différence « la sensibilité, le sens de ».
En voici les définitions :
Sens/sensibilité : en relation avec la vitesse d’apprentissage, d’acquisition.
Talent : résultat obtenu en continuant de répéter compétences et capacités
déjà acquises.
Par exemple, on peut dire d’un individu qui arrive à maîtriser une langue
très vite qu’il possède une certaine sensibilité à cette langue, qu’il en a un
certain sens. C’est cette sensibilité qui lui permet de faire des progrès que
l’on peut qualifier de fulgurants, par rapport aux efforts qu’il a fournis.
Cependant, même si on ne dispose pas de cette sensibilité, on peut très bien
parvenir, si on persévère sans jamais baisser les bras, si on continue de
cumuler, à la manière d’une addition, aux mêmes compétences et capacités,
soit au talent.

Ce n’est pas que vous n’avez pas de talent : vous


vous êtes simplement arrêté
Eh bien, je sais que beaucoup d’hommes
moins talentueux que moi ont acquis une certaine
renommée grâce à leur étude humble des œuvres
et par leur application dévouée.
ATSUSHI NAKAJIMA

Introduisons une petite variation au sein même de la sensibilité.


Supposons que, lors d’un cours de dessin, un enfant arrive à immédiatement
saisir le truc, et qu’il se débrouille plutôt bien. Les adultes vont alors le
complimenter, lui dire qu’il est vraiment doué.
Le compliment, perçu comme une récompense, le pousse à dessiner à
nouveau. Il va gribouiller sur ses cahiers en classe, à la maison. Un sentiment
d’auto-efficacité est en train de naître en lui (« j’y arrive ! »), il ira même
jusqu’à montrer à ses petits camarades la mini-bande dessinée qu’il a créée. Il
sera félicité à nouveau, et continuera de dessiner. Comme les occasions de
dessiner seront de plus en plus nombreuses, il deviendra de plus en plus doué.
Plus tard, il envisagera peut-être d’intégrer une école d’art. Or, là-bas, il
recevra probablement un choc en constatant que le monde est rempli de gens
comme lui, capables de bien dessiner. Il recevra moins de compliments, donc
moins de récompenses. Et les occasions de dessiner se feront plus rares. Il
quittera l’école, persuadé qu’il n’avait aucun talent en réalité.
Persévérer, même lorsqu’on possède une sensibilité qui ne peut
qu’additionner, fait s’accumuler le talent. Or, en rencontrant des individus qui
ont une sensibilité plus grande que la nôtre, ce que l’on fait peut nous paraître
absurde, vide de sens, et nous inciter à baisser les bras. Plutôt que d’affirmer
que cet enfant devenu grand n’avait pas de talent, peut-être pourrait-on dire
que son talent s’est arrêté net dès l’instant où lui-même a arrêté de continuer.

Renoncer, c’est être éclairé


Dieu, donne-nous la grâce
d’accepter avec sérénité
les choses qui ne peuvent être changées,
le courage de changer celles qui devraient l’être,
et la sagesse de les distinguer l’une de l’autre.
REINHOLD NIEBUHR

Nous ne pouvons pas tous devenir des professionnels ou des artistes de


génie. Nous avons tous nos propres limites. William James dit que les
« arbres ne poussent pas jusqu’au ciel ».
Dai Tamesue, athlète spécialiste du 400 mètres haies, voulait décrocher une
médaille pour le 100 mètres, mais compte tenu de ses conditions physiques, a
décidé de changer de catégorie et de passer au 400 mètres haies. Être né en
Jamaïque, mesurer 1 m 90… Certaines choses ne peuvent évidemment pas
être changées. D’autres si. C’est pourquoi, bien conscient de ce dont il était
capable et incapable, Tamesue a renoncé à son ambition du 100 mètres. Mais
l’athlète a déclaré que renoncer l’avait éclairé. Car abandonner n’a pas été
pour lui simplement laisser tomber, mais comprendre où se trouvaient
ses limites.

Tomber malade
Je désirais moi aussi connaître mes limites et apprendre à en être
profondément satisfait. Je vais prendre l’image de la maladie. Aujourd’hui, je
dors bien, je cuisine mes trois repas quotidiens, je mange du riz complet et
des légumes, je fais du sport tous les jours. J’ai arrêté l’alcool et le tabac. Que
des bonnes réponses pour les questionnaires à remplir avant les examens
médicaux. On peut donc dire que je prends grand soin de ma santé. Mais un
jour, peut-être, je tomberai malade. À ce moment-là, je pense pouvoir
accepter la nouvelle sans trop de difficulté. Car j’aurais fait tout ce qui était
possible pour l’éviter. La maladie était une de mes limites, la connaître m’a
permis de lâcher prise.

Oubliez le mot « talent »


Sô Takei a déclaré qu’il ne fallait pas dire de quelqu’un qu’il avait du talent
avant d’avoir fait plus d’efforts que lui. Imaginons qu’un enfant essaie de
boutonner seul son manteau. Or, après plusieurs jours d’essais, il n’y arrive
toujours pas. Et s’il venait alors à dire qu’il n’avait aucun talent pour fermer
ses boutons, qu’en penseriez-vous ? Et que penseriez-vous si, en voyant un
adulte accomplir sa série d’actions rituelles du matin sans peine aucune, il
venait à s’exclamer que celui-ci était un génie ?
C’est exactement ce que nous faisons. Nous brandissons le mot « talent »
comme excuse pour abandonner un défi, bien avant d’avoir atteint nos
limites. Je n’ai pas de talent, alors je baisse les bras.
Les sensibilités et les limites de chacun sont différentes. Cependant, il faut
avant tout continuer ses habitudes avant de penser au talent. Car le talent ne
mérite pas, en temps normal, d’être au cœur du débat.

Qu’en est-il des gènes ?


Le talent ne nous est pas donné à la naissance, il est fabriqué à la suite
d’une continuité d’efforts. Mais alors, qu’en est-il des gènes hérités de nos
parents ? Bien sûr, ils exercent une influence. La famille du grand musicien
Kenji Ozawa (lui-même diplômé de la prestigieuse université de Tokyo) est
incroyable. Son père est spécialiste de la littérature allemande, sa mère est
psychologue, son oncle est l’éminent chef d’orchestre Seiji Ozawa, pour ne
citer qu’eux. Cet exemple pourrait bien confirmer l’idée selon laquelle le
talent est bel et bien accordé à la naissance, hors de notre portée. C’est peut-
être le cas, en partie. Car, si des membres de votre famille sont des
professionnels de la voie que vous désirez emprunter, il y a de grandes
chances à ce qu’ils s’opposent moins à votre choix que les membres d’une
famille, disons, ordinaire. Et pensons au sentiment d’auto-efficacité : puisque
mon père/oncle/mère l’a fait, je peux réussir moi aussi ! Or, comment
pourrait-on mesurer l’étendue de ces influences par des tests génétiques ?
Génétique ? Environnement ?
Au fond, j’aurai eu une belle vie.
Les personnes handicapées devraient se concentrer
sur les choses que leur handicap ne les empêche pas
de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables.
STEPHEN HAWKING

Le comportement de l’homme est-il déterminé par son ADN ou par son


environnement ? On commence peu à peu à entrevoir les réponses à cette
épineuse question depuis longtemps débattue.
Selon le psychologue canadien Donald Hebb, s’interroger sur la
contribution des gènes et de l’environnement dans un comportement, c’est
comme se demander si la longueur est plus importante que la largeur lors du
calcul de l’aire d’un rectangle. Mon expression favorite reste celle de Walter
Mischel : « Inéluctablement, la conclusion s’impose : qui nous sommes
émerge d’une danse associant intimement notre environnement et nos gènes,
et nous ne pouvons tout simplement pas réduire ce processus à un seul des
participants à cette danse. » La beauté d’une danse effectuée par deux êtres :
cela n’a aucun sens de se demander lequel des deux en est à l’origine.

La volonté infinie
Snoopy a dit : « On ne peut jouer qu’avec les cartes qui ont été
distribuées. » Parmi ces cartes figurent entre autres celles de la sensibilité et
de l’influence des gènes. Mais grâce aux habitudes, vous pouvez échanger
certaines cartes que vous avez en main, un peu comme au poker.
La psychologue Carol Dweck a relevé un point important : lors d’un test de
volonté, les individus persuadés que la volonté est infinie ont obtenu de
meilleurs résultats que ceux qui pensaient qu’elle diminuait à mesure qu’on
l’utilise. Ainsi, partir du principe que la volonté ne diminue jamais – en
laissant de côté le fait de savoir si elle diminue réellement ou non – est un
moyen efficace pour obtenir de meilleurs résultats.
Il en va de même pour le talent et les gènes. Il est fort probable que les
individus convaincus qu’une marge de progression, de changements est
toujours possible peuvent aller beaucoup plus loin que ceux pour qui les
facteurs génétiques sont plus importants.

Suis-je trop pointilleux ?


Quand j’accomplis mes habitudes, il m’arrive parfois de me demander si je
ne suis tout simplement pas trop pointilleux. Certains de mes amis, qui m’ont
vu arrêter l’alcool et le sucre, admirent mon mode de vie, mais… n’en
veulent pas.
Selon le psychologue Barry Schwartz, il existe deux types d’individus, les
maximizer, soit « perfectionnistes », qui cherchent toujours plus et mieux, et
les satisficer, les « satisfaits », qui sont heureux de ce qu’ils ont. Il y a celui
qui est satisfait de la station de radio qu’il est en train d’écouter, et celui qui
zappe d’une station à l’autre, dans l’attente de celle qui lui apportera
satisfaction.
Quand un « satisfait » fait du shopping, dénicher un vêtement qui lui
correspond et à sa taille lui convient très bien. Le perfectionniste, lui, peine à
acheter des vêtements, à la recherche de LA pièce qui lui paraîtra la
meilleure.
J’appartiens, pour ma part, au second type. Un perfectionniste ressent
beaucoup de joie quand il trouve ce qui le satisfait, mais le prix à payer en
contrepartie, tant sur le plan psychologique que physique, est élevé. Car la
poursuite de l’objectif se fait au détriment de son propre bonheur.
Le fait d’être démoralisé dès que je ne peux réaliser une de mes habitudes
est peut-être en lien avec cette caractéristique. Probablement que les
individus qui, tout comme moi, ont très vite le moral à zéro attendent
beaucoup d’eux-mêmes.
Certains ont l’air heureux, même si, aux yeux des autres, ils n’excellent en
rien de particulier. Ils respirent la joie de vivre, le bonheur. Je pense que le
talent et le bonheur sont deux sujets bien distincts. Ce n’est pas la peine de
recommander à ces personnes de prendre de bonnes habitudes ou de faire des
efforts.

La plus grande des récompenses : être capable


de s’aimer
Ne vous demandez pas de quoi le monde a besoin.
Cherchez ce qui vous fait vibrer. Parce que ce dont
le monde a besoin, c’est de personnes qui vibrent
avec la vie.
HAROLD WHITMAN

« J’ai pu être capable de m’aimer après avoir fait de mon mieux. » Ces mots
prononcés par une jeune actrice m’ont marqué. Les récompenses que l’on
peut obtenir en accomplissant une habitude sont nombreuses, mais la plus
grande de toutes est l’amour de soi, de devenir capable de s’aimer soi-même.
Un jour, alors que je consultais mes réseaux sociaux, ce tweet m’a sauté
aux yeux : « L’objectif efficace, pour la plupart d’entre nous, est d’être
toujours de bonne humeur. »
Je pense être quelqu’un d’assez flegmatique, mais après avoir réussi toutes
mes habitudes quotidiennes, le soir venu, je sens en moi des élans
d’enthousiasme (d’après mes critères). Penser que j’ai fait ce que j’avais à
faire me met de bonne humeur. Quand tout se déroule bien et que l’on est en
bonne disposition, on se sent capable d’encourager les autres. Or, quand ce
n’est pas le cas, les autres deviennent la cible de nos critiques. Nous n’avons
pas le temps de nous soucier de ce que font les autres quand nous faisons ce
dont nous avons envie. Mais la contrariété qui émerge quand on ne peut
réaliser ce que l’on veut, ainsi que la mauvaise estime de soi, nous poussent à
minimiser le fruit des efforts des autres. Quand on ne peut pas faire d’efforts,
on cherche à détruire ceux des autres. Je pense qu’il s’agit là d’une réaction
de défense naturelle de l’esprit.
Les critiques non constructives sont une des conséquences de la
dépréciation de soi. Les larmes nous brouillent la vue, la réalité nous apparaît
déformée. Cherchons à rester de bonne humeur, ne serait-ce que pour pouvoir
être gentil avec les autres.

Tout le monde ne vise pas à être le meilleur


Après avoir mené des études sur des athlètes, des musiciens, des savants ou
autres grands acteurs de ce monde, K. Anders Ericsson a révélé que pas un
seul d’entre eux n’avait déclaré aimer s’entraîner.
Par exemple, dans le milieu du marathon, des engagements sont pris pour
essayer de battre le record établi. Relever un tel défi est une entreprise
difficile, qui nécessite des efforts titanesques. Car il faut chercher à devenir
celui ou celle qui courra plus vite que n’importe qui.
L’entraînement – s’ajouter des charges pour dépasser ses propres limites et
sortir de sa zone de confort – n’est jamais facile. Mais nous pouvons tout
aussi bien aspirer à autre chose. Car il y a un juge en chacun de nous.
Comme je me sens déprimé quand je n’arrive pas à accomplir mes
habitudes, je peux affirmer que le juge en moi est très sévère. J’aimerais
parfois pouvoir penser que ce n’est pas bien grave de ne pas réussir à se
réveiller tôt ou à faire du sport, et ainsi rester de bonne humeur.
Il y a peu, j’ai croisé une de mes vieilles connaissances du lycée que je
n’avais pas vu depuis longtemps. Il avait pris énormément de poids. Or, il a
éclaté de rire en me disant : « J’ai fini par me dire que, bon, eh bien, c’est
comme ça et puis c’est tout ! » Il a pu renoncer (être éclairé) et lâcher prise.
Viser à la même « acceptation de soi » que mon ami me paraît être important.

Habitudes = une existence primitive ?


Je me moque comme d’une guigne d’avoir la simplicité
de ce côté-ci de la complexité, en revanche,
je donnerais ma vie pour avoir la simplicité de l’autre
côté de la complexité.
OLIVER WENDELL HOLMES

Mes habitudes, finalement, ne sont, que des actions simples. Selon John
Ratey, le meilleur conseil que l’on puisse donner est de suivre la routine de
nos ancêtres qui se levaient et se couchaient en même temps que le soleil, se
déplaçaient pour pêcher ou récolter de la nourriture (travail, sport), recevaient
les enseignements de la nature ou des anciens (études, apprentissage),
chantaient et dansaient (loisirs, arts).
Le corps humain est équipé de mécanismes optimisés pour effectuer de
telles actions. Faire de l’exercice facilite le développement des neurones et la
peine endurée libère une hormone du stress, qui peut nous rendre
euphoriques.
Or, à l’heure actuelle, on peut se passer de faire de l’exercice grâce aux
transports en commun, et les repas que nous prenons nous font perdre en
agilité. Ainsi, le bonheur inhérent aux hommes devient difficile à ressentir.
Acheter une voiture, partir en voyage, manger dans de délicieux restaurants,
l’éducation des enfants… Le coût de la vie d’un être humain est maintenant
colossal. Travailler jusqu’à empiéter sur notre précieux temps de sommeil,
pour gagner de l’argent, coûte que coûte. On dirait bien que nous avons fini
par perdre le sens des priorités.
Les plaisirs autrefois ressentis grâce au simple fait d’être en vie me sont
aujourd’hui délivrés grâce aux habitudes.

Vie et progrès
La vie d’autrefois ne débordait-elle pas de la joie de faire des progrès ? Car
la division du travail n’existait pas encore.
Les connaissances à absolument acquérir ne se limitaient pas à traquer le
gibier et aux techniques pour l’abattre. Savoir décrypter le ciel et son
environnement, chercher de l’eau. Tresser une corde, fabriquer de la
vaisselle. Se montrer ingénieux dans l’utilisation des matériaux à disposition
pour construire un toit au-dessus de sa tête. Dessiner, peindre, pratiquer la
divination. Il y avait tellement de choses inconnues sur lesquelles
s’émerveiller qu’une vie entière ne devait pas suffire pour les apprendre
toutes.
Sans avoir besoin de remonter jusqu’aux chasseurs-cueilleurs, il en était
ainsi jusqu’à la période d’avant-guerre, avant que la plupart d’entre nous ne
travaillent dans des entreprises. Plus longtemps on vivait, plus on apprenait :
les anciens étaient alors naturellement respectés. Jusque-là, vivre était
directement et étroitement lié au fait de faire des progrès.

Pourquoi cherche-t-on à faire des progrès ?


Selon Gregory Berns, la dopamine est sécrétée en grande quantité lorsque
l’on fait face à une chose inattendue, ou que l’on accomplit une action jamais
réalisée auparavant. En d’autres termes, de la dopamine serait sécrétée
lorsque l’on se retrouve confronté à la « nouveauté ». Gregory Berns s’est
alors interrogé : obtenir de nouvelles informations sur le monde serait-ce ce
qu’il y a de plus utile à notre survie ?
Selon le psychologue R. White, les individus rassemblent des informations
sur leur environnement, et s’attachent à augmenter leur capacité à interagir
avec lui. Nous posséderions également un instinct qui chercherait à vérifier
nos compétences en nous demandant comment nous pourrions contrôler,
maîtriser notre environnement.
Ceux d’entre nous qui ont déjà ressenti de l’excitation en regardant des
émissions de survie dans des contrées sauvages ou des films de naufragés sur
une île inconnue comme Seul au monde comprennent sûrement de quoi il
s’agit. White parle de concept de compétence (la capacité d’un individu à
interagir de manière efficace avec son environnement). Et la « motivation
d’effectance » est cette recherche constante d’échanges avec notre
environnement.
Ceux qui vivaient une vie de nomade il y a dix mille ans de cela ont
certainement ressenti à foison ce besoin de « compétence » et le sentiment de
satisfaction procuré par la dopamine sécrétée. Changer constamment de lieu
de campement devait renouveler le plaisir d’explorer son environnement et
celui de réussir à le maîtriser. La recherche de progrès et la curiosité des
individus ont probablement été générées par ce type d’instinct.

Chercher à progresser de manière intentionnelle


Je pense que, pour l’être humain actuel et à la différence de nos ancêtres,
les occasions de faire des progrès doivent être recherchées
intentionnellement.
Je prends mon cas pour exemple. Quand je me suis intéressé aux plantes
sauvages comestibles, je ne voyais plus le paysage de la même manière et
examinais avec le plus grand soin les herbes qui poussaient le long de la
route. Lorsque je participais à des workshops de maçonnerie ou de
revêtement du sol, je me suis intéressé aux techniques de rénovation des
boutiques et grands magasins. Lorsque j’étudiais un peu l’architecture à
l’époque où j’avais pour projet de construire une maison mobile, je ne portais
plus le même regard sur la structure des temples. J’ai descendu une rivière en
bateau pneumatique, et depuis, je m’interroge sur la manière dont on pourrait
descendre celle que j’aperçois depuis ma fenêtre.
Plus on développe ses centres d’intérêt, plus on en retire de connaissances
et un monde différent de celui d’autrefois commence à s’ériger tout autour de
nous.
Mais reconnaître les herbes comestibles, construire une maison, ou
descendre une rivière étaient des savoirs auxquels on avait autrefois accès
simplement en vivant, non ? Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est
pourquoi il vaut mieux chercher de manière intentionnelle les occasions de
progresser.
Faire du yoga me permet d’être plus à l’écoute de mon corps, et courir
d’être plus intime avec lui. Si vous ne cherchez et n’exploitez pas les
occasions de progresser, de vous développer, vous ne pourrez que jouir des
plaisirs en « libre accès » proposés par nos sociétés. On prend du plaisir à
aller dans un parc d’attractions ou à jouer sur son smartphone, puisqu’ils ont
été conçus afin que n’importe qui puisse en profiter. Mais ces plaisirs qui
décident à l’avance la manière dont nous devons nous amuser finissent un
jour ou l’autre par nous lasser. Et un jour ou l’autre, c’est de nous-mêmes que
nous devenons las.
Faisons de cette quête de progrès une habitude. Pour pouvoir se considérer
soi-même comme une « nouveauté » et satisfaire par là même notre instinct.

Un trou dans le porte-monnaie du bonheur


Ne soyons pas prisonniers du succès, soyons
prisonniers des progrès.
KEISUKE HONDA (FOOTBALLEUR PROFESSIONNEL)

Évoluer, faire des progrès nous est indispensable pour bien d’autres raisons.
Je pense que le bonheur, contrairement à l’argent, ne peut être capitalisé pour
le futur. Il y a un énorme trou dans le porte-monnaie du bonheur.
Je vous ai parlé un peu plus tôt des athlètes frappés par une dépression
après les Jeux olympiques, ou encore des membres des missions Apollo qui
ont broyé du noir après leur retour sur Terre.
J’ai vécu une expérience similaire, à une échelle différente, bien entendu.
Mon livre précédent, L’Essentiel et rien d’autre, s’est très bien vendu et a
même été traduit dans une vingtaine de langues. Les médias, tant japonais
qu’étrangers, se sont emparés du « phénomène » qu’il était devenu. Je reçois
aujourd’hui encore des mails de remerciements depuis l’étranger.
D’un point de vue extérieur, ça a été un grand succès et ça l’est encore. Le
résultat est plus que satisfaisant pour un livre écrit par un parfait inconnu. Or,
ce livre écrit par un parfait inconnu est très vite devenu une référence.
J’avais l’impression de devenir vide, à force de raconter toujours les mêmes
histoires lors des interviews. Les notes de mon journal, juste après le succès,
m’ont révélé à quel point j’étais tourmenté. J’étais souvent démoralisé pour
avoir trop bu, ou je n’éprouvais pas de satisfaction au travail…
Le bonheur, ce n’est pas comme l’argent. On peut toujours piocher dans ses
économies quand le besoin s’en fait sentir. Or, on ne peut puiser dans le
« livret d’épargne » du bonheur mis de côté par le passé pour alimenter la
bonne estime de soi du temps présent.
La dernière action exécutée exerce une influence sur notre volonté. Une
bonne estime de soi vient juste après un accomplissement. C’est pourquoi
nous avons besoin au quotidien du sentiment de satisfaction, mais aussi des
effets provoqués par le sentiment de progresser. Car être fier d’une de nos
réussites passées ne nous permet pas de nous affirmer.

L’inquiétude ne disparaît jamais : savoir y faire


face
Peu importe l’expérience. L’inquiétude
ne disparaît jamais. Je n’ai pas d’autre choix
que de faire avec.
REN OSUGI (ACTEUR)

Les effets de mes habitudes se font ressentir chaque jour et je crois être
désormais capable de bien gérer l’inquiétude, compagne de toujours des free-
lances. « Vais-je trouver un contrat après celui-ci ? » « Combien me reste-t-il
d’argent ? »… Mais, aujourd’hui, je ne ressens plus vraiment ce genre
d’angoisses.
L’angoisse m’assaillait non pas quand je regardais mon compte en banque,
mais quand je n’avais pas pu entamer ou finir un travail, parce que j’avais
finalement passé la journée à paresser. En général, l’origine de mes tourments
n’était pas un problème objectif, comme le solde de mon compte en banque,
par exemple. Non, l’inquiétude me rendait visite quand je commençais à
éprouver des regrets.
C’est également vrai pour un sujet tel que celui du poids. Je mène une vie
saine, je fais du sport, mais il m’arrive certains jours de prendre du poids. Or,
cela ne me déprime pas du tout : quand les résultats ne sont pas au rendez-
vous, mais que l’on a fait ce qu’on avait à faire, il n’y a pas d’angoisse. En
revanche, le doute s’installe quand on sait que l’on n’a pas fait ce qu’on était
censé faire.
L’inquiétude, le souci sont également liés à « l’humeur ». Ce n’est pas le
problème en soi qui provoque de l’angoisse, mais la manière dont nous
l’appréhendons. Quand mon humeur est sombre, je cours. La circulation
sanguine dans mon cerveau s’améliore, j’obtiens de l’aide du cortisol et de la
dopamine. Mon humeur s’améliore et je sens que je peux venir à bout de
n’importe quel problème.

L’inquiétude est essentielle


La douleur est déplaisante, mais elle est un indicateur indispensable. Si je
me casse la jambe, mais que je ne ressens aucune douleur, je vais forcément
aggraver l’état de la zone touchée. La fatigue, également, est le signe que
notre journée a été bien remplie, que nous avons accompli quelque chose.
Il en va de même pour l’inquiétude. Sans inquiétude, nous commettrions
des actes inconsidérés. C’est justement parce que nous en éprouvons que
nous élaborons des plans, des projets. Elle est néfaste quand présente en
excès, mais en quantité modérée, elle est le signe que nous sommes en
mesure de faire des progrès.
Avoir des habitudes diminue le temps passé à hésiter ou à s’inquiéter.
Ressentir les effets des habitudes jour après jour permet de nous réconcilier,
de mieux nous entendre avec l’inquiétude qui, de toute manière, ne
disparaîtra jamais.
L’inquiétude est ce que nous éprouvons quand nous pensons à l’avenir.
L’avenir est au-delà du présent dont nous prenons soin. Alors comment
l’avenir pourrait-il nous inquiéter, s’il est le fruit d’une accumulation de
satisfactions ressenties au quotidien ?

L’esprit est fait d’habitudes


Changer votre esprit change votre attitude,
Si l’attitude change, le comportement change,
Si le comportement change, les habitudes changent,
Si les habitudes changent, la personnalité change,
Si la personnalité change, le destin change,
Si le destin change, la vie change.
ENSEIGNEMENT HINDOUISTE

Le mécanisme des habitudes n’est pas uniquement effectif pour des


pratiques telles que se lever tôt ou faire du sport, que l’on aime par exemple à
inscrire sur notre liste de bonnes résolutions de début d’année.
Notre esprit aussi est fait d’habitudes. Les mots que nous avons tendance à
souvent employer sont également des habitudes, dans le sens où on les utilise
sans vraiment réfléchir.
J’ai envie de sourire quand je vois des groupes d’enfants descendre du bus
en criant « Merci beaucoup ! » à pleine voix. Une fois adultes, nous finissons
parfois par oublier les mots de remerciement. S’il n’y a pas de chauffeur de
bus, on ne peut arriver à destination. Le remercier ne fera pas grimper le prix
du ticket. Montrer sa reconnaissance signifie que ce métier vaut la peine
d’être fait. J’ai donc décidé de dire merci dès que je descends du bus. Au
début, je me sentais un peu gêné parce que la plupart des gens ne le font pas.
Après m’y être forcé à de nombreuses reprises, les mots de remerciement
sortent maintenant naturellement de ma bouche quand j’arrive à mon arrêt.
Remercier est devenu une habitude.

L’habitude du sourire et de la gentillesse


Ramasser un objet que quelqu’un fait tomber est une habitude de
gentillesse. Ce n’est pas une action que l’on accomplit en réfléchissant. Ce
qui m’a marqué, quand j’étais à New York, est de voir tout le monde se
précipiter pour aider une maman à porter sa poussette. Comme un réflexe, la
gentillesse envers les autres est devenue une habitude. Les Japonais, même
s’ils pensent vouloir aider, hésitent toujours un peu.
Si la volonté diminue à mesure que nous dépensons de l’énergie ou faisons
des efforts, elle peut être également restaurée grâce aux émotions. Une petite
gentillesse fait plaisir aux deux parties. Après la gentillesse, nous sommes
plus à même de relever les défis à venir.
Certaines personnes ont des sourires communicatifs. Je ne suis pas « bon »
pour sourire, j’ai l’impression que les muscles autour de ma bouche sont très
tendus. J’ai pris l’habitude de sourire dès que je me croise dans le miroir chez
moi. C’est une anecdote un peu étrange, mais à force de répétitions, un
sourire naît automatiquement sur mes lèvres dès que je croise mon reflet. J’ai
toujours du mal à montrer mon sourire aux autres. Mais comme j’en ai fait
une habitude, quand on me prend en photo, il est un peu mieux, comparé à
avant. Ce que je pensais être dû à mon caractère a pu être un peu changé
grâce aux habitudes.

L’habitude de la pensée
Je pensais ne pas être doué pour parler. Mais j’ai tout de même décidé
d’accepter de passer à la radio pour parler du minimalisme. À ma grande
surprise, les mots jaillissaient naturellement de ma bouche.
Car j’ai longuement réfléchi sur le sujet lorsque j’écrivais mon premier
livre. Je pensais aux questions que l’on pourrait se poser, je m’interrogeais
moi-même. Une question était en fait devenue pour moi un « signal » et la
réponse une « routine » déjà familière.
Quand on a du mal à s’exprimer, cela ne vient pas forcément du fait de
parler lui-même. Interroger tout à coup quelqu’un sur un sujet auquel il n’a
jamais pensé, et même si cette personne est très intelligente, le fera très
certainement bafouiller.
Ainsi, on pourrait presque dire que les pensées d’une personne qui
jaillissent spontanément ont été façonnées par les habitudes. À force de
réfléchir à propos du minimalisme, certaines de mes pensées sont devenues
des habitudes. L’idée selon laquelle plus on possède, plus on est riche
prédomine dans nos sociétés. Or, j’ai appris qu’il y a aussi de la richesse à
posséder peu. Et j’ai pris l’habitude de réfléchir sur les valeurs en vigueur
dans notre monde.
J’ai compris que lorsque l’on obtient une chose, on en perd une autre, et
lorsque l’on perd une chose, on en obtient une autre. Je m’interroge donc
également sur la valeur de ce que j’obtiens grâce à ce que je ne possède pas.
Par exemple, je suis parfois ébloui par les parents et les enfants à l’air
heureux qui font un pique-nique dans un parc. L’instant d’après, les grandes
valeurs que j’ai gagnées comme vivre ma vie comme je l’entends ou la liberté
qui est la mienne me viennent aussitôt à l’esprit. Arriver à automatiquement
se rendre compte de quelque chose sans avoir besoin à chaque fois de faire un
inventaire de ce qui nous paraît important, mettre tout simplement quelque
chose en pratique tous les jours sans oublier ce qui est important : ce sont là
nos habitudes de pensées.
Les valeurs auxquelles on a décidé d’adhérer à plusieurs reprises
deviennent un jour une habitude. Nous arrivons alors à choisir sans presque
faire appel à la conscience. Quand on a demandé à Tsuyoshi Takashiro (DJ,
cinéaste et auteur) s’il souhaitait voir ses œuvres être proposées dans Kindle
Unlimited, il a répondu : « Privilégiez la nouveauté. » Quand il a un choix à
faire, Tsuyoshi Takashiro opte toujours pour ce qui est nouveau, sans
chercher à en savoir plus. Le choix de Taro Ôkamoto, grand artiste japonais,
était invariable : il optait pour « ce qui risquait d’échouer ». Ôkamato a
toujours fait le choix de relever les défis les plus difficiles, qui auraient pu
ruiner sa réussite.
Non pas hésiter avec sa conscience, mais décider immédiatement avec
l’habitude. Nous n’avons pas la capacité d’étudier en détail toutes les options
avant de choisir la meilleure possible. Lorsqu’on fait un choix en fonction des
valeurs auxquelles on croit, on peut en accepter le résultat, quel qu’il soit. La
seule chose que l’on puisse faire est d’être convaincu que la décision que l’on
a prise nous paraîtra la meilleure quand on y repensera ultérieurement. Ceux
qui ont conscience de cela peuvent prendre des décisions toujours plus
rapidement.

Les habitudes se construisent à l’instant présent


L’habitude est comme l’eau, dit William James, elle « creuse en elle un
canal, qui s’élargit et s’approfondit et, après avoir cessé de couler, quand elle
coule à nouveau, elle reprend le cheminement qu’elle a tracé auparavant ».
Quand l’eau s’écoule pour la première fois sur une surface plane, comme il
n’y a aucun chemin tracé, son flux se disperse et se répand un peu partout.
Mais un passage se crée au fur et à mesure. Il en va de même pour les circuits
neuronaux : en réponse aux stimuli, des signaux électriques traversent les
neurones et renforcent chaque fois les connexions neuronales.
Il paraît que l’on devient ce que l’on pense. Cette maxime me semble tout à
fait exacte. Nous avons environ 70 000 pensées par jour, qui se répercutent et
exercent peu à peu une influence sur nous. Les réflexions qu’un individu
ressasse façonnent sa personnalité. Les dieux sont si occupés qu’ils n’ont
sûrement pas le temps de regarder ce que nous sommes en train de faire. Mais
notre cerveau, à ce moment même, est influencé par ce à quoi nous pensons,
ce que nous voyons, et continue de créer des habitudes.
La souffrance de la paresse, la souffrance d’être
actif
Si tu découvres quelque chose, tu n’utilises pas ton
cerveau pour l’empêcher d’y entrer.
Tu l’utilises pour l’accepter.
NEXT STOP. GREENWICH VILLAGE

J’ai passé la moitié d’une année à ne rien faire. Il y a eu certes des moments
plaisants, mais je ne ressentais ni sentiment de satisfaction ni plaisir de faire
des progrès : c’était une souffrance.
Quand on voit certaines personnes qui ne peuvent pas bouger ou travailler,
il arrive parfois qu’on les accuse d’être paresseux. Et quand elles se
retrouvent dans une impasse, on estime que c’est leur faute. Mais j’ai appris
qu’une situation dans laquelle on passe son temps à s’amuser ou à paresser ne
procure aucune joie. On ne peut pas obtenir de sentiment d’auto-efficacité, ni
consolider l’estime de soi : c’est une situation vraiment douloureuse.
D’un autre côté, ceux qui sont actifs souffrent également. Les récompenses
obtenues (les compliments, le salaire…) sont nombreuses, mais les efforts
déployés sont souvent accompagnés de la douleur, et la pression exercée par
la communauté par exemple peut être énorme.
« Jamais de la vie » : voilà ce qu’a répondu Ichiro quand on lui a demandé
s’il choisirait d’emprunter le même chemin s’il venait à naître à nouveau. Ce
qui suit n’est que suppositions, mais voici ce que je pense : quand on est du
niveau d’Ichiro, les autres s’attendent à ce que l’on ait toujours d’excellents
résultats, et finissent même par trouver cela normal. C’est normal, qu’il ne
rouille pas, même s’il vieillit. Puisque c’est Ichiro, il peut le faire. Or, quand
quelqu’un intègre le Temple de la renommée, ses récompenses ne risquent-
elles pas de diminuer ?

Le bonheur du point de vue des émotions


La volonté ne peut être fortifiée puisqu’elle est éphémère et étroitement liée
aux émotions. On peut en trouver la preuve dans le comportement de
certaines personnalités publiques.
Des sportifs professionnels qui n’ont pas pu résister à la tentation de la
drogue, du sexe, du dopage. Des hommes politiques aux producteurs de
cinéma, nombreux sont ceux à avoir été éclaboussés par les scandales. Eric
Clapton et Brad Pitt ont été alcooliques, Zidane a donné un coup de boule en
plein milieu d’un match de foot. Bruno Mars, qui a remporté sept Grammy
Awards, est venu faire une tournée au Japon après quatre années d’absence.
Mais, au cours d’un concert, il a jeté une serviette sur un spectateur qui faisait
un selfie au premier rang. Bruno Mars, à cet instant précis, était beaucoup
moins heureux qu’un individu lambda qui sourit dans la rue.
Nous avons beau connaître gloire et succès, nous sommes et restons avant
tout des êtres humains. Or, nous nous attendons à ce que les célébrités ou
toute autre personnalité publique utilisent leur volonté 24 h/24, 7 jours sur 7.
Nul n’en est capable sur cette Terre. Car la volonté est liée aux émotions et
aux sentiments, auxquels personne ne peut échapper. Alors, il vaut mieux les
considérer comme n’importe quel autre être humain. C’est étrange de
dénigrer le travail d’un individu juste parce qu’il a commis une erreur.
L’homme est parfois stupide, et c’est justement pour cette raison qu’il peut
être aimé.

À peu près heureux, à peu près malheureux


C’est lorsqu’on est absent, mais inspiré,
qu’on communique, qu’on découvre, qu’on cherche,
qu’on danse pourquoi pas, qu’on peut éprouver
du bonheur en tant que sous-produit ou effet
secondaire… Oh non, on ne devrait pas être préoccupé
à un tel point par la recherche de notre bonheur.
Mais bien par le bonheur dans la recherche.
LE VOYAGE D’HECTOR OU LA RECHERCHE DU BONHEUR

On ne peut pas profiter pour toujours de la joie d’une réussite ou d’un


accomplissement passé. Selon Daniel Nettle, psychologue évolutionniste,
l’être humain aime bien le champ de fraises auquel il a facilement accès, mais
cherchera à trouver un bon coin pour pêcher le saumon dans une rivière
éloignée.
Le champ de fraises est suffisant et lui permettrait de se passer de relever de
nouveaux défis, mais l’être humain est ainsi fait : il ne peut s’en contenter.
L’explication, d’un point de vue biologique, est la suivante : surestimer ce
que l’on possède (champ de fraises) ne nous permettra pas de survivre si
l’environnement vient à changer, alors on part en quête d’une autre source de
nourriture. C’est pourquoi l’être humain recherche toujours la nouveauté,
avant de passer à la nouveauté suivante et ainsi de suite.
On pourrait être heureux si on arrivait à se contenter de ce que l’on a. Mais
notre instinct nous pousse à nous en lasser et à constamment rechercher la
nouveauté.
Peu importe où nous sommes, qui nous sommes, ce que nous avons
accompli, l’inquiétude et l’hésitation finissent toujours par surgir. Puisque
nous sommes des génies pour les trouver. On s’habitue à notre
environnement et on s’en lasse : c’est grâce à cette « fonction » que les
hommes ont pu prospérer.
Inquiétude et hésitation. Il ne faut non pas les considérer comme des
problèmes personnels, mais comme des mécanismes innés. Et quitte à vivre
avec pour toujours, autant être amis.
J’ai connu le succès. Puis, l’objectif suivant m’est apparu, et j’ai pensé
vouloir bien faire cette fois encore. Et ainsi de suite. Je n’ai sûrement pas
d’autres choix que d’amonceler les sentiments de satisfaction.
Désormais, je ne réfléchis plus vraiment à ce qu’est le bonheur. Dormir
paisiblement, manger à sa faim, avoir des amis, aimer et être aimé. Ceux qui
remplissent ces critères sont à peu près heureux, à peu près malheureux.

Le partenaire appelé douleur


La douleur ne disparaîtra pas.
Mais elle ne sera plus douleur.
MOINE SÔCHOKU NAGAI

Au tout début, quand je cherchais à prendre de bonnes habitudes,


j’envisageais la douleur et le plaisir de la manière suivante :
• Souffrir pour ensuite prendre du plaisir = efforts
• S’amuser puis souffrir ensuite = oisiveté
Puisque seul l’ordre dans lequel le plaisir et la douleur se manifestent est
différent, je me suis demandé s’ils n’étaient pas en réalité la même action.
Plus je continue mes habitudes, plus je perds la notion de douleur et de
plaisir. Il y a la douleur bien sûr dans l’effort : quand je cours, je souffre ;
quand je soulève des poids, mes muscles se crispent. Mais une fois ces
actions accomplies, la satisfaction me rend visite. J’ai compris que c’est
justement parce que j’éprouve de la douleur maintenant que la satisfaction
viendra après.
J’en viens à ne plus savoir clairement si ce que je ressens est douleur ou
plaisir. J’ai comme l’impression que l’axe temporel du plaisir et celui de la
souffrance se rapprochent fortement, jusqu’à presque se superposer. Comme
si dans la douleur que j’éprouve en ce moment même, la joie fait son
apparition. Comme si plaisir et douleur étaient ressentis simultanément.
La souffrance ne disparaît pas, même une fois l’habitude prise. On
s’habitue simplement à sa présence, et on en vient à la considérer comme un
vieux compagnon de route.
Je croyais qu’il était préférable de l’atténuer le plus possible, ce qui,
apparemment, n’est pas le cas. Le moine Sôchoku Nagai explique que le
ménage, qui fait partie de l’apprentissage du bouddhisme, est le moment
durant lequel un jeune moine apprend à totalement exclure certaines pensées
du type « je n’ai pas à nettoyer ici puisque c’est propre ». Fais ci, fais ça,
frotte ici, et là : ses mains s’activent tellement qu’il n’a pas le temps de
réfléchir, et peut se concentrer sur ce qui doit être fait dans l’instant. Perte ou
gain ? Douleur ou plaisir ? On juge de moins en moins par soi-même. Ainsi,
on appelle Illumination cet état dans lequel l’écart entre perte et gain, douleur
et plaisir est supprimé.
Jusqu’il y a peu, j’étais persuadé que gagner le match contre la douleur me
permettrait d’obtenir un plaisir qui surpasserait de loin la souffrance
ressentie. Mais, je commence à la regarder d’un œil différent. Le mot
« compete », en anglais (rivaliser), vient du latin competere, qui signifie viser
le même but. Comme lors des scènes de fusillades dans les films policiers, je
fais désormais une entière confiance à mon partenaire qu’est la douleur pour
protéger mes arrières.
La douleur n’est pas l’ennemi. C’est le partenaire qui combat à nos côtés.

Réfléchir en courant, courir en réfléchissant


Voici une scène tirée de mon imagination : J’avais toujours rêvé de courir
un marathon, or, lorsque je comparais mon niveau à celui des autres
participants, j’estimais plus sage de m’asseoir parmi les spectateurs pour les
encourager. Pendant longtemps, je suis resté assis sur le siège du spectateur.
Au lieu de me mettre à courir vraiment, je me plongeais dans l’étude de
manuels : « Comment terminer un marathon », et bien d’autres encore.
J’avais peur de participer, de me sentir humilié à cause de ma silhouette si
différente de celles des autres… Mais un beau jour, j’ai pris mon courage à
deux mains et décidé de m’y inscrire. Je me suis à nouveau minutieusement
préparé. Le grand jour, même si le signal de départ avait déjà retenti, à cause
du stress, j’ai relacé mes baskets à plusieurs reprises et répété des étirements
soigneux. Ce faisant, les autres participants étaient déjà sur la piste et
entamaient leur premier tour. Et alors qu’ils étaient sur le point de franchir la
ligne d’arrivée, j’ai enfin commencé à courir. J’avais pris beaucoup de retard.
Peut-être que tout le monde serait parti avant même que je ne termine ? Mais
j’ai alors eu conscience que même si j’étais en retard de plusieurs tours, et
même si je ne pouvais pas arriver dans les temps, j’éprouvais une immense
satisfaction, et c’était là le plus important. Je n’étais plus assis devant ma
télévision, je n’étais plus assis du côté des spectateurs. Je courais sur le même
terrain que les autres participants.
— Ça va se corser ! Pourquoi ne pas arrêter maintenant ? me demanda la
douleur.
— Eh oh ! À qui crois-tu parler là ?! lui répondis-je.
Allez, puisque vous avez lacé vos baskets, pourquoi ne pas commencer à
courir ?
Remerciements
Écrire ce livre n’a pas été de tout repos. Loin de naviguer sur une mer
calme, je me suis échoué sur les rochers tous les jours. Car je n’avais pas
encore pris l’habitude « écriture du manuscrit au quotidien ». Ça a été la
dernière que j’ai acquise.
« Le prochain sujet de mon livre sera les habitudes ! » J’ai écrit cette note
dans mon journal le 7 janvier 2016, une illumination reçue dans le train en
direction d’Ochanomizu. Deux ans et demi se sont écoulés depuis. Pourquoi
avoir mis si longtemps à l’écrire ? J’en ai maintenant compris la raison.
L’écrivain John Updike a déclaré que les plaisirs à ne pas écrire sont si
grands que si vous commencez à en profiter, vous n’écrirez plus jamais. Je
m’étais effectivement habitué à ne pas écrire, et « ne pas écrire » était
finalement devenu une habitude.
Je n’aurais pas pu écrire ce livre sans les connaissances sur les habitudes
que j’ai apprises en l’écrivant. Dit comme ça, c’est un peu étrange. Je
progressais dans l’écriture en apprenant du contenu que j’écrivais. Les
conditions étant celles qu’elles étaient, j’ai demandé à plusieurs reprises de
repousser la date de publication. J’ai, chaque fois, largement dépassé la date
butoir, mais j’ai finalement réussi à accomplir ce grand exploit (!).
Comme la date de rendu coïncidait avec le mariage et le voyage de noces de
mon éditrice Mai Yashiro, je me suis convaincu de lui rendre le manuscrit
avant afin qu’elle puisse partir l’esprit tranquille. Ce que je n’ai pas fait. La
sérénité de Mai Yashiro a été d’un grand secours dans une situation aussi
stressante. Je vous présente, du fond du cœur, mes excuses les plus sincères.
Et… félicitations pour votre mariage ! Même si Katsuya Uchida n’était pas
mon éditeur, il a pris la peine de relire ce manuscrit et m’a fourni de précieux
conseils. Merci de m’avoir rappelé que la présence d’un éditeur, qui est là
pour vous faire part de ses commentaires, est indispensable à un écrivain. Je
remercie également Yuki Aoyagi, pour toutes ses marques d’attention, alors
que je ne suis qu’un débutant. J’ai été heureux de revoir toute l’équipe de
Wani Books avec qui je collaborais avant. Je tiens également à remercier
Toshiyuki Otsuka ainsi que Tokuji Sakurai. Merci à Seiko Yamaguchi pour
ses magnifiques illustrations et à Atsushi Nishitarumi pour les nombreuses
couvertures qu’il a proposées et d’avoir répondu à mes demandes si
détaillées. J’ai perturbé tout le monde en matière de PAO, de correction
d’épreuves et d’impression. J’en suis profondément désolé. Merci également
à tous les membres de la distribution, des agences et des librairies.
Chers chercheurs, créateurs, athlètes mentionnés dans le présent ouvrage,
j’ai assimilé tous vos propos, que j’ai librement compilés ici. J’éprouve la
plus grande admiration et le plus grand respect pour tous vos efforts. Merci.
Étrangement, les remerciements adressés à mes parents sont les mêmes que
ceux du livre précédent. Selon Walter Mischel, les enfants dont les choix et
l’autonomie ont été respectés ont acquis les compétences les plus efficaces
pour réussir le test du marshmallow, contrairement à ceux contrôlés à l’excès
par leurs parents.
Je pensais être quelqu’un de peu de volonté, mais l’éducation reçue de mes
parents n’est pas étrangère aux habitudes que j’ai pu prendre. J’ai commencé
à faire du sport à l’âge de 29 ans. Et récemment, j’ai pris conscience que
c’était sous l’influence de mon père décédé cette année-là. C’était comme s’il
me disait de faire correctement de l’exercice et de prendre soin de moi. Oh !
Et si je cours des marathons… c’est grâce à ma mère, ancienne
marathonienne. Merci, Maman !
L’un des secrets des habitudes est, comme je l’ai présenté dans le
chapitre 3, de « déclarer au préalable » (c’est aussi un bon moyen de se
mettre la pression). C’est pourquoi je vais présenter ici les sujets de mes
prochains travaux. Je compte d’abord écrire plus en détail sur l’arrêt de
l’alcool, évoqué dans ce livre. Le titre sera Désintox fun. Car c’est amusant de
boire de l’alcool, mais ça l’est aussi d’arrêter. Ne vous inquiétez pas, je ne
compte pas le recommander à ceux qui ne veulent pas arrêter
d’en consommer. Ensuite, j’aimerais écrire sur les émotions, thème très
important pour les habitudes, mais en relation avec l’argent, quelque chose
comme Théorie monétaire et émotions. Enfin, j’aimerais m’intéresser au
pouvoir du raisonnement, celui qui nous rend capables d’imaginer qu’un
marshmallow est un nuage. Le titre pourrait bien être Réécrire la réalité à sa
guise. J’aimerais tester différentes méthodes, et écrire plusieurs manuscrits en
parallèle. Tout comme Anthony Trollope, le dieu des habitudes que je
respecte et admire énormément (même si je n’ai lu aucun de ses livres), une
fois ce livre fini, j’attaque le suivant.
Mon précédent livre a été traduit dans de nombreuses langues, et les
éditeurs étrangers m’assuraient vouloir faire traduire le « prochain livre de
Fumio Sasaki ». Je pensais que c’était la pression qui m’avait poussé à finir
ce manuscrit, mais j’ai finalement pris conscience que c’était l’attente, qu’elle
vienne des éditeurs ou des lecteurs qui me disent avoir précommandé mon
livre avant sa publication, qui m’a permis de le faire. Sans eux, je n’aurais
pas pu écrire.
Je suis un célibataire qui vit reclus à la campagne. Peut-être mènerai-je
cette vie pour toujours ? Cependant, et malgré ma nature, je ne peux pas
écrire si ce n’est pas pour les autres. Car oui, j’ai découvert que nous vivons
pour les autres après tout.
Le 27 mai 2018.
Liste des 50 étapes pour se créer
de bonnes habitudes
ÉTAPE 1 : Sortir du cercle vicieux
ÉTAPE 2 : D’abord, décider d’arrêter
ÉTAPE 3 : Savoir saisir l’occasion
ÉTAPE 4 : Arrêter totalement
ÉTAPE 5 : Le prix à payer
ÉTAPE 6 : Dégager le signal de l’habitude et la véritable récompense
ÉTAPE 7 : Traquer le vrai coupable à la manière d’un détective
ÉTAPE 8 : Ne pas se servir de l’identité comme prétexte
ÉTAPE 9 : Les habitudes lefs
ÉTAPE 10 : Tenir un journal de bord
ÉTAPE 11 : Entraîner le raisonnement grâce à la méditation
ÉTAPE 12 : La motivation ne vient pas avant de commencer
ÉTAPE 13 : Abattre les obstacles
ÉTAPE 14 : Les obstacles qui battent le contenu
ÉTAPE 15 : Élever le nombre d’obstacles pour arrêter une habitude
ÉTAPE 16 : Dépenser de l’argent dans un investissement initial
ÉTAPE 17 : Chunk down (découpage de l’information vers le bas) : du
global vers le détail
ÉTAPE 18 : Commencer petit et viser des objectifs ridicules
ÉTAPE 19 : Je commence aujourd’hui
ÉTAPE 20 : Le faire au quotidien
ÉTAPE 21 : Ne pas improviser une exception
ÉTAPE 22 : Profiter de ne pas être doué
ÉTAPE 23 : Établir des signaux
ÉTAPE 24 : Se créer un emploi du temps
ÉTAPE 25 : Le mythe de la concentration
ÉTAPE 26 : Agir en fonction d’un jour précis
ÉTAPE 27 : S’octroyer une petite récompense temporaire
ÉTAPE 28 : Exploiter le regard des autres
ÉTAPE 29 : La déclaration préalable
ÉTAPE 30 : Penser depuis le point de vue d’un tiers
ÉTAPE 31 : S’arrêter en chemin
ÉTAPE 32 : Ne jamais arrêter complètement
ÉTAPE 33 : Enregistrer ses habitudes
ÉTAPE 34 : Prendre tout le repos nécessaire
ÉTAPE 35 : La power nap ou sieste éclair
ÉTAPE 36 : Se reposer en étant actif
ÉTAPE 37 : Accorder de l’importance à ce qui n’est pas dans nos habitudes
ÉTAPE 38 : Ne pas confondre le but et l’objectif
ÉTAPE 39 : Ne voir que l’objectif immédiat
ÉTAPE 40 : La nécessité des échecs
ÉTAPE 41 : Combien de temps faut-il pour prendre une habitude ?
ÉTAPE 42 : Il est préférable de faire plutôt que de ne pas faire
ÉTAPE 43 : Augmenter progressivement le niveau de difficulté
ÉTAPE 44 : Triompher de l’épreuve de la vallée
ÉTAPE 45 : Le sentiment d’auto-efficacité
ÉTAPE 46 : Provoquer une réaction en chaîne
ÉTAPE 47 : Le pouvoir d’application de l’habitude
ÉTAPE 48 : Créer ses propres habitudes
ÉTAPE 49 : Toute habitude s’effondre un jour
ÉTAPE 50 : Une habitude n’est jamais achevée
Ouvrages de référence
Walter Mischel, Le Test du marshmallow, JC Lattès, 2015.
David Eagleman, Incognito – Les vies secrètes du cerveau, Robert Laffont,
2013.
Jonathan Haidt, Hypothèse du bonheur. La redécouverte de la sagesse
ancienne dans la science contemporaine, Mardaga, 2010.
Mason Curey, Tics et tocs des grands génies, 100 rituels farfelus à l’origine
des plus grandes créations, d’Albert Einstein à Woody Allen, Autrement,
2015.
Daniel Todd Gilbert, Et si le bonheur vous tombait dessus, Robert Laffont,
2007.
Roy F. Baumeister, Le Pouvoir de la volonté, Flammarion, 2017.
Angela Duckworth, L’Art de la niaque. Comment la passion et la
persévérance forgent les destins, JC Lattès, 2017.
Kelly Mcgonigal, L’Instinct de volonté. Comment renforcer votre
persévérance et mettre fin à la procrastination pour atteindre enfin tous vos
objectifs, Guy Trédaniel, 2017.
Charles Duhigg, Le Pouvoir des habitudes. Changer un rien pour tout
changer, Flammarion, 2016.
Stephen Guise, Les Mini-Habitudes. Petites habitudes, grands résultats !,
Trésor caché, 2017.
Robin Sharma, Le moine qui vendit sa Ferrari, J’ai Lu, 2005.
William James, Précis de psychologie, Marcel Riviere, 1912.
Tom Jackson, Le Cerveau. Les 100 plus grandes découvertes qui ont
changé l’histoire des neurosciences, Éditions Contre-Dires, 2016.
Stephen King, Écriture. Mémoires d’un métier, Albin Michel, 2001.
Haruki Murakami, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Place des
éditeurs, 2011.
Jirô Taniguchi, Le Sommet des dieux, Kana.
Hiroki Endô, All Rounder Meguru, Panini Manga.

Uniquement disponibles en anglais :


Bob Schwartz, Diet Don’t Work.
Gregory Berns, Satisfaction: The Science of Finding True Fulfillment.
Daniel Nettle, Happiness: The Science Behind your Smile.
Ian Ayres, Carrots and sticks: Unlock the Power of Incentives to Get
Things Done.
John Ratey, Spark: The Revolutionary New Science of Exercise and the
Brain.

Uniquement disponibles en japonais :


Yûji Ikeda, Mécanismes du cerveau et de l’esprit.
Yûji Ikeda, L’homme est-il fait pour être heureux ?
Yûji Ikeda, Cerveau simple, un « je » complexe.
Yûji Ikeda, Le cerveau a d’étranges habitudes.
Yûji Ikeda, Hippocampe – le cerveau n’est jamais fatigué
Jûkô Ando, La Vérité à propos des gènes.
Yoshio Koide, On ne peut finir un marathon même en s’entraînant tous les
jours.
Mitsuyo Kakuta, Pourquoi faire de l’exercice ?
Daigo Umehara, La Volonté de toujours gagner.
Keizô Konishi, Le Style Ichiro.
Masanobu Fukuoka, La Révolution de l’agriculture naturelle.

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