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ISBN : 978-2-8132-2319-7
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À toutes celles et ceux qui pensent
ne pas avoir de volonté.
À propos de l’organisation de ce
livre
Le début de ce livre est le plus difficile, comme d’ailleurs, lorsque l’on
cherche à prendre de bonnes habitudes. Je recommande à celles et ceux qui
désireraient uniquement connaître les trucs et astuces des habitudes de se
rendre directement au chapitre III.
Le chapitre I étudie la question de la volonté. Même si vous souhaitez par-
dessus tout avoir de bonnes habitudes, il se peut que vous baissiez vite les
bras. Surgit alors l’excuse de la volonté. Absence de volonté, volonté de
fer… Mais qu’est-ce que la volonté exactement ?
Qu’est-ce que l’habitude ? Qu’est-ce que la « conscience » ? C’est ce à quoi
nous réfléchissons en détail dans le chapitre II. L’habitude est une action que
l’on accomplit sans presque y penser, sans faire appel à notre conscience.
Le chapitre III présente 50 étapes, pour apprendre pas à pas à se créer de
bonnes habitudes. Ce sont des points auxquels vous pourrez vous référer, que
ce soit pour commencer une bonne habitude ou pour en abandonner une
mauvaise. De nombreux ouvrages sont consacrés au thème des habitudes, j’ai
cherché ici à y résumer l’essentiel.
Le chapitre IV est consacré au sens des mots « talent » et « effort ». Et aux
possibilités offertes par les habitudes dans bien d’autres domaines. Car si les
habitudes sont efficaces pour l’accomplissement d’un objectif, elles semblent
également avoir une signification beaucoup plus profonde.
Sommaire
INTRODUCTION
OUVRAGES DE RÉFÉRENCE
Introduction
Je pensais autrefois n’avoir aucun talent.
Que ce soit dans le sport, les études, ou n’importe quel autre domaine, je
n’arrivais pas à m’impliquer sérieusement et je n’obtenais jamais de résultats
significatifs. Mais avoir des habitudes m’a peu à peu fait changer d’avis.
Aujourd’hui, savoir si j’ai du talent ou non n’est plus vraiment au cœur de
mes préoccupations.
Le talent n’est pas quelque chose qui nous est accordé à la naissance. Le
talent est fabriqué, à la suite d’efforts continus, grâce aux habitudes.
J’admire énormément l’auteur et artiste Kyôhei Sakaguchi. Ses livres sont
faits de combinaisons de mots totalement différents de ceux des écrivains
ordinaires. Il compose des morceaux émouvants à la guitare, et ses peintures
n’ont rien à envier à celles des artistes contemporains. Il fabrique des chaises,
et sait même tricoter. Kyôhei Sakaguchi, à bien des égards, est un homme
pétri de talents.
Or, au début de sa carrière, son père lui aurait conseillé d’abandonner ses
rêves d’artiste puisque, selon lui, il était dépourvu d’un quelconque talent. Et
son petit frère de renchérir : « Même une horloge cassée donne l’heure juste
deux fois par jour »… Mais Sakaguchi aime à répéter que ce n’est pas le
talent qui compte, c’est la constance. Que ce soit Ichiro, la légende du
baseball, ou Haruki Murakami, écrivain à la renommée mondiale, aucun des
plus grands prodiges de ce monde ne dit de lui-même qu’il est un génie.
D’un autre côté, ce qui nous fascine depuis toujours sont les histoires de
superhommes – ou femmes. La colère qui réveille le pouvoir dans Dragon
Ball. Le personnage principal du manga Slam Dunk, voyou bagarreur qui se
découvre un don incroyable pour le basket. Les films hollywoodiens, comme
Matrix, dans lequel un élu prend tout à coup conscience de ses capacités
hors-norme…
Mais lorsque l’on vit les deux pieds bien ancrés dans la réalité, on
comprend que le talent est légèrement différent de cela. Les plus grands
génies ne ménagent aucun effort. Comme l’a si bien dit Elbert Hubbard, « le
génie est seulement le pouvoir de faire des efforts continus ».
Ainsi donc, le génie, ce serait d’être capable de continuer, sans jamais
abandonner, à faire des efforts ? ai-je d’abord pensé. Mais, et si je ne
possédais pas cette capacité ? me suis-je ensuite demandé.
De nos jours, je pense que les mots « talent » et « effort » sont employés à
tort et à travers. Le talent n’est pas accordé par le ciel, et faire des efforts ne
signifie pas obligatoirement souffrir en serrant les dents. Ce sont ces points
que j’ai eu envie d’éclaircir à travers le grand thème des habitudes. Afin que
le talent et les efforts ne soient plus uniquement réservés aux êtres hors du
commun, ne soient plus limités à un cercle restreint. Ils peuvent être acquis
au fur et à mesure. Voici un résumé du contenu de ce livre :
• Le talent n’est pas quelque chose qui nous est donné, mais est fabriqué à
la suite d’efforts constants.
• Ces efforts peuvent être maintenus si vous en faites des habitudes.
• Il existe une méthodologie pour apprendre à avoir des habitudes.
J’ai été libéré du complexe de l’argent et des biens lors de l’écriture de mon
livre précédent, L’Essentiel et rien d’autre. En écrivant ce livre-ci, j’essaie de
me libérer de celui des efforts et du talent. Ce livre sera probablement le
dernier ouvrage de développement personnel pour moi.
Alors, commençons.
L’habitude nous fait comme une seconde nature.
CICÉRON
Le filet de sécurité
qu’a été le minimalisme
La mise en pratique d’un mode de vie minimaliste m’a sauvé. Les objets se
sont faits rares autour de moi, et ranger, faire le tri et le ménage sont devenus
des habitudes. L’état de mon appartement influençait mon état d’esprit : voir
mon chez-moi toujours propre et bien rangé agissait comme un filet de
sécurité et m’empêchait de me laisser emporter par la dépression.
Heureusement que j’avais décidé de diminuer mes possessions !
Et heureusement que j’avais arrêté l’alcool. Si tel n’avait pas été le cas,
j’aurais sûrement cherché à me changer les idées en buvant dès l’heure du
déjeuner. Ce qui me manquait alors était les petits défis du quotidien. Et
sentir que je faisais des progrès. Mais j’aurais dû m’en douter. Quand
j’arrivais à rater l’école en faisant semblant d’être malade, j’étais content au
moment où ma ruse réussissait, mais plus la journée passait et moins je
m’amusais. Et quand, peu d’humeur à travailler, je notais quelques tâches à
faire sur le tableau blanc et me donnais l’autorisation de rentrer chez moi,
j’étais toujours pris de remords sur le chemin du retour.
Prendre les « habitudes » pour thème après le minimalisme me fait ressentir
toute la force du destin. Car sans les habitudes, j’aurais peut-être à nouveau
été accablé par les tourments que je connaissais avant ma découverte du
minimalisme.
Bien sûr, ma situation de célibataire et free-lance m’a permis d’adopter les
habitudes que sont les miennes. Mais si, par exemple, vous avez un enfant en
bas âge, elles ne vous conviendront peut-être pas. Il ne suffit pas d’avoir du
temps et de l’énergie pour prendre des habitudes. Au contraire, cela peut
parfois même devenir un obstacle. Avoir de bonnes habitudes a été un
combat de tous les jours et je pense que les enseignements que j’en ai tirés
pourront être utiles, d’une manière ou d’une autre, à ceux trop occupés par
leur travail ou par l’éducation des enfants.
Récompense et pénalité
La récompense et la pénalité sont deux concepts indispensables quand on
parle d’habitudes. Prenons quelques exemples de récompenses :
• Manger quelque chose de délicieux.
• Dormir tout son saoul.
• Gagner de l’argent.
• Passer du temps avec la personne aimée ou des amis.
• Obtenir des like sur les réseaux sociaux.
Les récompenses sont, pour le dire autrement, tout ce qui nous est agréable.
Toutes les actions entreprises par l’être humain peuvent être envisagées
comme une recherche de récompenses. Le problème réside dans le fait que
cela peut s’avérer contradictoire.
Manger des sucreries est une récompense, mais résister à cette tentation,
pour garder un corps mince et en pleine santé en est également une. Les
conséquences d’un excès de nourriture, comme la prise de poids ou la
maladie, sont des pénalités. Chercher à ne profiter que des récompenses
immédiates ne nous permet pas d’obtenir de récompenses différées. Et un
jour ou l’autre, on finit par en payer le prix en subissant les pénalités.
Nous savons tous les comportements à adopter :
• Contrôler ce que l’on mange peut nous faire perdre du poids.
• Ne pas rester désœuvré et faire du sport.
• Ne pas veiller tard pour pouvoir se lever tôt.
• Ne pas se laisser distraire par son smartphone ou les jeux vidéo, pour se
consacrer un peu plus à son travail ou ses études.
Or, nous éprouvons beaucoup de mal à le faire. Se lever plus tôt pour
pouvoir se préparer tranquillement et éviter l’heure de pointe (récompense
différée) ne fait pas le poids face aux 5 minutes de sommeil en plus
(récompense immédiate). Résultat ? Nous finissons par nous acharner sur le
bouton « rappel » du réveil du téléphone. Même si nous savons pertinemment
que c’est la gueule de bois assurée (pénalité), nous ne reposons pas le verre
d’alcool (récompense immédiate) que nous avons entre les mains. Repousser
au lendemain le travail à accomplir risque de nous causer des problèmes
(pénalité), mais rien ne vaut une bonne partie de jeux vidéo (récompense),
n’est-ce pas ?
La raison pour laquelle nous avons du mal à acquérir de bonnes habitudes
est que nous cédons face à la tentation de la récompense immédiate. Et nous
disons de ceux qui refusent la récompense immédiate juste sous leur nez (en
vue d’obtenir une récompense différée ou d’éviter une pénalité) qu’ils ont
« une volonté de fer ».
Question 1
A. Attendre un an pour avoir une pomme.
Ici, la plupart d’entre nous choisiront la réponse B. Puisque nous avons déjà
attendu un an, un jour de plus ne fera pas de grande différence et nous
permettra ainsi de recevoir deux pommes. Or :
Question 2
A. Recevoir une pomme aujourd’hui.
Question 2
A. Recevoir une pomme aujourd’hui. B. Attendre demain et en avoir deux.
Comme vous devez être détendu, tranquillement installé chez vous, vous
aurez sûrement tendance à choisir la réponse B. Mais demandez-vous ce que
vous feriez si le billet voltigeait juste devant vos yeux ?
Nous avons du mal à nous représenter la pomme que nous allons recevoir
dans un an, nous pouvons même avoir l’impression que cela ne nous
concerne en rien. Il est plus facile de décider d’attendre un jour de plus. Les
récompenses différées, qui se situent loin dans le futur, sont considérées
comme ayant moins de valeur que celles qui arrivent plus tôt. Cela ne
s’applique pas qu’à la récompense, mais aussi à la pénalité. Si vous ne faites
pas assidûment vos devoirs d’été, vous risquez d’avoir des problèmes à la fin
du mois d’août, mais votre moi actuel, qui vient à peine d’être en vacances, a
du mal à se les représenter. Fumer peut provoquer un cancer du poumon,
manger beaucoup de sucre peut causer du diabète, mais les pénalités de ce
lointain futur ne sont prises qu’à la légère. Car la cigarette ou le bonbon qui
se trouvent juste devant nos yeux ont beaucoup plus de valeur.
Ainsi, pour pouvoir résister au marshmallow, il faut avant tout ne pas être
tenté. C’est là qu’entre en jeu la force du raisonnement du système froid, et la
manière dont il saisit la réalité qui se trouve devant nos yeux. Quand on a
conseillé aux sujets de se représenter le marshmallow comme un gros nuage
blanc, le temps d’attente a été multiplié par 2. Quand on leur a recommandé
de penser que la friandise était fausse, ils ont pu patienter 18 minutes en
moyenne.
Les enfants ont été capables de patienter en changeant tout simplement leur
manière d’appréhender le marshmallow, car la fonction motivationnelle de la
dopamine avait été affaiblie, et le nombre de tentations réduit.
Les enfants qui ont réussi l’expérience initiale ont eu de l’intuition en
cherchant à détourner leur attention de la friandise. Le raisonnement opéré
par leur système froid avait peut-être déjà atteint un niveau plus élevé que les
autres.
Mais, offrir des conseils aux sujets leur a permis de mettre en pratique ce
raisonnement. Cela veut donc dire que le raisonnement opéré par le système
froid est une compétence que l’on peut développer tout au long de sa vie.
Résumé du chapitre I
• Surestimer la valeur de la récompense immédiate et sous-estimer celle de
la récompense ou de la pénalité futures est un phénomène appelé
« actualisation hyperbolique » en économie comportementale. C’est pour
cette raison qu’il est si difficile de prendre de bonnes habitudes.
• Les enfants qui ont réussi à attendre pour avoir deux marshmallows, une
fois adultes, obtiennent de meilleurs résultats et ont une meilleure vie
sociale.
• La volonté ne diminue pas simplement parce qu’on l’utilise.
• La volonté est influencée par les émotions, et elle est perdue à cause de
l’anxiété et de la dépréciation de soi. Si vous prenez des mesures qui
nécessitent de la volonté, celle-ci ne diminuera pas, et ce, grâce aux
sentiments positifs que vous ressentirez.
• Les deux systèmes, dans notre cerveau : le système froid, rationnel, et le
système chaud, lié aux émotions, sont complémentaires et interagissent
en permanence.
• Ce marshmallow est un nuage : le système chaud peut être inhibé lorsque
l’on porte un regard différent sur ce qui se trouve devant nos yeux.
• Les émotions ne peuvent être supprimées : nous ne pouvons donc pas
toujours compter sur notre volonté. Le système froid est utilisé
intentionnellement pour fabriquer des mensonges et de bonnes excuses.
• Les individus que l’on dit avec une forte volonté n’ont pas « conscience »
d’être tentés.
• Solliciter sa conscience pour savoir quelle récompense a la plus grande
valeur sème le trouble.
• Une habitude est une action que l’on accomplit sans presque y penser.
Pour prendre une habitude, il est indispensable de réduire le nombre
d’entrées en scène de la conscience.
1. Du très populaire manga et dessin-animé Sazae-san.
2. Role Playing Game : jeu de rôle.
Chapitre II
Qu’est-ce que l’habitude ?
L’habitude est une action que l’on accomplit sans
presque y penser
Il n’y a pas plus pauvre hère qu’un homme chez qui
l’indécision seule est devenue habitude, et qui doit
délibérer et vouloir pour allumer un cigare, boire un
verre, se lever le matin et se coucher le soir, et pour
entreprendre le moindre travail. La bonne moitié de sa
vie se passe à prendre et à regretter des décisions qui
devraient lui être naturelles jusqu’à n’exister plus
pour sa conscience.
WILLIAM JAMES
L’habitude est donc une action que l’on accomplit sans presque y penser.
La situation dans laquelle une action est devenue une habitude est, à mon
avis, une situation dans laquelle on ne sollicite plus ou peu sa conscience, et
où elle devient « inconsciente ». Ainsi, la prise de décision, mais aussi le
souci engendré par l’hésitation entre faire ceci ou plutôt cela, ou encore le
choix qui consiste à savoir de quelle manière le faire, ne sont plus. Les tracas,
les choix, la prise de décision sont des sujets de l’ordre de la conscience.
Selon une étude menée par l’université de Duke, 45 % de nos actions
quotidiennes seraient des habitudes et non des décisions. Des questions nous
assaillent constamment. Que manger au déjeuner ? Quel film regarder ce
soir ? Nous devons choisir et décider des actions que nous allons faire de
manière consciente. Et si l’habitude est une action que l’on accomplit sans
presque y penser, alors ce pourcentage ne vous paraît-il pas excessif ?
Cependant, lorsque l’on est ennuyé parce qu’on ne sait pas quel restaurant
choisir pour déjeuner, que l’on finit par entrer dans un établissement
quelconque et, qu’à peine assis, on commande une bière ou un soda : cette
décision nous a-t-elle sérieusement causé du souci avant qu’on la prenne ?
Et le libre arbitre ?
Les hommes se croient libres pour cette seule cause
qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des
causes par où ils sont déterminés.
SPINOZA
Le Parlement
On a pu dire que la démocratie était la pire forme
de gouvernement, à l’exception de toutes celles
qui ont été essayées au fil du temps.
WINSTON CHURCHILL
Les actions que nous accomplissons ne sont pas décidées uniquement par
nous-mêmes, comme peut le faire le roi d’une monarchie absolue. Le système
de prise de décision se rapprocherait plutôt du régime parlementaire, après
vote au Parlement.
Prenons l’exemple du jour où j’ai décidé de prendre l’habitude de me lever
tôt. Je suis résolu à me réveiller à une heure précise et à l’heure dite, la
sonnerie du réveil retentit. C’est le signal de la tenue d’une session au
Parlement. Les politiciens issus de toutes les régions de mon corps se
rassemblent, et ouvrent la séance. J’ouvre les yeux, mais mon dos me fait un
peu souffrir. Alors, les politiciens élus à la tête de la région « dos » font
entendre leur voix et demandent à dormir encore un peu. J’ai trop mangé et
bu la veille, lors d’une soirée. Un politicien du département des « intestins »
exige à ce qu’on me laisse digérer tranquillement. Les élus de tous bords ont
procédé à un vote et « continuer à dormir » a été approuvé à une large
majorité. J’appuie sur le bouton « rappel » de mon réveil et dors cinq minutes
de plus. Un nouveau vote se tiendra ensuite toutes les cinq minutes. Puis des
pensées arrivent de front et gagnent peu à peu en puissance : « tu devrais te
réveiller bientôt sinon… tu vas encore le regretter », « tu veux vraiment
continuer à te sentir minable ? »… Alors, tout en grommelant, je finis par
quitter mon lit.
Résumé du chapitre II
• 45 % de nos actions quotidiennes seraient des habitudes.
• Se brosser les dents, boutonner un manteau, lacer ses chaussures : ces
actions que l’on trouve difficiles à faire étant enfant, à force d’être
répétées, sont réalisées inconsciemment une fois adulte.
• Des actions complexes comme faire la cuisine ou conduire une voiture
peuvent être effectuées sans solliciter la conscience.
• La conscience est sollicitée seulement quand il y a un problème. En temps
normal, nos actions se font en mode pilote automatique.
• Quand il y a un point qui pose un problème, comme se réveiller à l’heure
prévue, des débats ont lieu dans la conscience, un peu comme dans un
Parlement. Proposition rejetée ou acceptée ? On ne sait jamais de quel
côté va pencher la balance.
• Le rat réfléchissait de moins en moins à mesure qu’il répétait
l’expérience.
• L’habitude est un comportement « routine » déclenché par un « signal »,
que l’on effectue en vue d’une « récompense ».
• On peut réécrire la récompense d’une habitude. On peut obtenir de
grandes récompenses comme un fort sentiment de satisfaction ou de
l’euphorie après une activité même douloureuse, mais on ne peut les
ressentir qu’après avoir répété l’action à plusieurs reprises. C’est un peu
comme le goût de la bière pour les enfants.
• Prendre une habitude, c’est comme passer le test du marshmallow de
nombreuses fois. Quand on obtient plusieurs fois les deux friandises, on
accorde beaucoup plus de valeur à la récompense future.
• L’astuce pour réussir à prendre une bonne habitude est de continuer à
détourner les yeux du marshmallow, avec tous les moyens possibles.
Chapitre III
50 étapes pour se créer de bonnes
habitudes
ÉTAPE 1 : SORTIR DU CERCLE VICIEUX
Pour teindre proprement un tissu sale,
il faut d’abord le laver.
ENSEIGNEMENT AYURVÉDIQUE
Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, nous finissons par perdre
notre volonté à cause des sentiments négatifs. Le cerveau prend des mesures
instinctives et nous sautons sur la récompense immédiate. Avec pour résultat
un excès de nourriture, d’alcool, ou une perte de la motivation qui nous
pousse à ne rien faire de la journée et à la passer à jouer sur notre téléphone.
Nous regrettons ensuite ces actions, et ces regrets suscitent du stress, qui
suscite une perte de la volonté, et ainsi de suite.
Pire encore, une exposition à long terme à un tel stress diminue la capacité
de raisonnement du système froid, censé tempérer les décisions instinctives.
Ce que l’on n’utilise pas finit par rouiller. Et une capacité de raisonnement
affaiblie nous empêche de voir le réel sous un angle différent, comme
appréhender le marshmallow comme un nuage ou comme une fausse
friandise. Notre propension à s’emparer de la récompense immédiate se
renforce alors. Et un beau jour, on finit par se retrouver piégé dans un état dit
« d’impuissance apprise ». Les chiens à qui l’on a fait subir un choc
électrique, même si on leur donne ensuite la possibilité d’y échapper
facilement en sautant un muret, n’essaient même pas. Parce qu’ils ont appris
à être impuissants. Il faut, à un moment ou à un autre, rompre ce cercle
vicieux pour pouvoir se construire de bonnes habitudes.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : les comportements
qui servent à évacuer le stress
L’erreur la plus fréquente est de penser que des mauvaises habitudes, ou
des habitudes défavorables, manger par exemple, nous sont indispensables
pour évacuer le stress. Rappelez-vous que si vous adoptez ce comportement,
ce n’est pas parce que vous en avez réellement besoin, mais parce que les
sentiments négatifs et le stress vous poussent à choisir la récompense
immédiate. Certes, nous sommes constamment stressés par notre travail ou
notre vie de famille, et nous ne pouvons y échapper. Mais l’important est
d’apprendre à distinguer le stress en lui-même du stress engendré par les
actions entreprises dans le but de l’évacuer.
Prenons pour exemple un extrait du Petit Prince :
— Que fais-tu là ? dit-il au buveur, qu’il trouva installé en silence devant
une collection de bouteilles vides et une collection de bouteilles pleines.
— Je bois, répondit le buveur d’un air lugubre.
— Pourquoi bois-tu ? lui demanda le petit prince.
— Pour oublier, répondit le buveur.
— Pour oublier quoi ? s’enquit le petit prince qui déjà le plaignait.
— Pour oublier que j’ai honte, avoua le buveur en baissant la tête.
— Honte de quoi ? s’informa le petit prince qui désirait le secourir.
— Honte de boire ! acheva le buveur qui s’enferma définitivement dans le
silence.
C’est une scène terriblement triste, mais terriblement vraie. Lorsque nous
sommes rongés par l’inquiétude à cause de problèmes d’argent par exemple,
on peut très bien se retrouver à faire les boutiques pour pouvoir y échapper.
L’inquiétude nous pousse à opter pour une action qui engendre encore plus
d’inquiétude. Gretchen Rubin explique simplement que ce qui nous permet
de nous changer les idées ne doit pas nous faire encore plus nous détester.
Peu importe l’état léthargique dans lequel vous passez une journée, la
journée finit tout de même par s’écouler. Certains auront « paressé » au
programme du jour et c’est ce qu’ils feront depuis le matin où ils se lèvent
jusqu’au soir où ils se couchent.
Nos journées sont remplies d’habitudes, qu’elles soient bonnes ou
mauvaises. Lorsque l’on envisage d’avoir une nouvelle habitude, il faut faire
sortir de scène une mauvaise. La première chose à faire est de décider
d’arrêter.
Mais quelle habitude exclure ? Quel épineux problème ! Puisque, comme
nous l’avons abordé un peu plus tôt, nous avons tendance à croire qu’une
habitude peut être indispensable à l’évacuation du stress.
Ni stoïcisme ni patience
Promettre de ne pas faire une chose est le plus sûr
moyen au monde pour avoir envie de la faire.
MARK TWAIN
La récompense du tweet
Si je ne prends aucune mesure, je me retrouve souvent à errer sur Twitter.
J’ai l’impression que l’envie de voir les réactions à mes tweets est plus forte
que moi. Au moment où je rédige ce livre également, les idées fusent dans
ma tête et j’ai envie de les poster sur Twitter. Mais si je venais à le faire, je
passerais tout mon temps à guetter et à lire les réactions, et ne pourrais
avancer sur ce projet.
J’ai créé une note dans mon smartphone intitulée « Twitter ». Quand j’ai
une idée précise de tweet, je la « poste » dedans. L’effet est immédiat. Je
pensais que la récompense que j’obtenais en utilisant ce réseau social était les
like et les retweets de mes abonnés, mais en réalité, il s’agissait de
« conserver mes idées ». En les notant, et même si personne d’autre que moi
ne peut les lire, j’éprouve un grand sentiment de satisfaction.
Il est difficile d’éliminer une envie ou une récompense. Mais le contenu de
la routine peut être transformé. Et l’application pour smartphone appelée
« +1 » m’y a aidé. « +1 » est une application ultra-simplifiée pour compter : il
suffit d’appuyer sur le bouton « + ». Par exemple, quand je suis titillé par
l’envie de me rendre sur Twitter, je lance l’appli et j’appuie sur le bouton. Ce
simple geste permet d’éprouver une sorte de sensation d’accomplissement et
de stopper le désir. Que ce soit croiser les jambes ou pour n’importe quel
autre tic, on peut le corriger en le remplaçant par la routine qui consiste à
appuyer sur ce « + ». Et à la fin de la journée, quand le compteur affiche
« 10 » ou « 20 », on éprouve alors un sentiment de satisfaction.
La distorsion de la réalité
Si vous ne consignez pas la réalité, alors vous pourrez ensuite la distordre à
votre convenance. Il existe un phénomène psychologique appelé
« raisonnement motivé », qui consiste en la recherche de raisons et de
justifications à nos croyances. Nous choisissons d’abord de « faire ou non »,
et nous en fabriquons les raisons qui nous ont conduits à le faire – ou non –
ensuite.
Je vais illustrer mes propos avec un exemple tiré de ma propre expérience.
Lorsque j’essayais de ne plus consommer de sucre, j’ai très vite eu du mal à
le supporter. En relisant mon journal, voici ce que j’y ai découvert :
« J’ai entendu dire qu’il ne fallait pas se priver de sucre tout le temps, qu’il
était plus efficace d’instaurer des cheat day (jours de relâche) et de s’autoriser
à en manger de temps en temps. » Résultat ? Je me suis fabriqué tout un tas
de prétendus « jours de relâche ».
Lorsque j’examine mes notes sur l’alcool : « Oh ! Oh ! Le vin rouge aurait
un effet brûle-graisse ! », ou encore « Nous avons lancé la réimpression d’un
ouvrage : j’ai fêté l’événement. » En réalité, je ne voulais pas vraiment fêter
cela, j’avais tout simplement envie de boire.
Et quand je mettais au point une excuse plus que crédible, alors il était
impossible de m’arrêter. Si je n’avais écrit pour mémoire ces faits, mes
souvenirs concernant les moments où j’avais bricolé des raisons auraient été
revisités, et j’aurais fini par répéter indéfiniment les mêmes erreurs. Ces notes
sont sans pitié. Combien de fois ai-je lu la même histoire dans mon journal ?
Celle qui racontait qu’alors que je ne pensais boire qu’un verre, je n’ai pas su
m’arrêter. Boire un seul verre pour moi était un rêve qui ne s’est jamais
réalisé.
L’exemple d’Amazon
Amazon est, à mon humble avis, l’entreprise qui pratique de manière la plus
consciente la suppression des obstacles qui entravent l’action. On peut non
seulement acheter en un clic sur le site, mais acheter un produit qui se prête à
des commandes régulières comme des têtes de brosse à dents électrique ou de
la lessive crée « physiquement » un bouton appelé « Dash Button ». Vous
n’avez plus à chercher, il suffit de cliquer dessus pour recommander. Depuis
peu, nous pouvons également passer commande uniquement avec notre voix,
grâce à une enceinte connectée : « Alexa, commande-moi… »
Quand une catastrophe naturelle de grande ampleur survient quelque part,
on peut être tenté de faire un don en ligne. Or, il faut créer un identifiant,
imaginer un mot de passe, enregistrer son numéro de carte de crédit, autant
d’informations qu’Amazon, lui, connaît déjà. Ce processus laborieux peut
donner envie de baisser les bras. C’est en supprimant au maximum les
obstacles à l’achat qu’Amazon est devenu le roi du e-commerce et de
l’habitude d’achat.
Les trois catégories d’obstacles à supprimer
Les obstacles à supprimer ou à abaisser sont divers et variés. Nous allons
examiner en détail les suivants : la distance et le temps, la marche à suivre, la
psychologie.
Prenons tout d’abord l’obstacle de la distance et du temps. Par exemple,
aller faire un footing dans les jardins du palais impérial est très plaisant, mais
il me faut une heure de train pour m’y rendre, c’est donc une habitude
difficile à prendre. Il est plus facile de prendre l’habitude d’aller courir dans
un parcours à proximité de chez moi. Tout comme il vaut mieux choisir une
salle proche de chez vous pour prendre l’habitude de faire du sport. Car
quand on veut garder une habitude, il est préférable que le lieu pour
l’accomplir se trouve à une distance raisonnable.
Vient l’obstacle de la marche à suivre. Lorsque je cherchais à faire du sport
une habitude, j’ai réduit le nombre d’étapes nécessaires à sa réalisation. Un
jour, comme je traînais à la maison en me demandant pour la énième fois si je
devais aller à la salle ou non, j’ai pris la décision de coucher sur papier toutes
les étapes nécessaires à cette action. J’ai ainsi pu mettre en lumière et
réfléchir à ce qui « bloquait ».
La salle de sport est à proximité de chez moi, et ne demande qu’un court
trajet en voiture. Ce n’était donc pas la distance. En revanche, j’ai remarqué
qu’enfiler et retirer mon legging de sport était des moments pénibles pour
moi. C’est un minuscule détail, mais c’est justement l’accumulation de ces
broutilles qui peut nous faire revenir sur notre décision. Même si je pensais
que le legging était plus tendance, j’ai fini par opter pour un pantalon de
survêtement classique, moins contraignant. J’ai remplacé les boissons
énergisantes que je devais préparer par de l’eau. J’ai également adopté un sac
pratique, qui me permettait de ranger facilement ma tenue et mes chaussures.
Comme je l’ai dit, ce sont des détails qui vous paraîtront peut-être
insignifiants, mais les mesures prises pour les modifier se sont révélées
efficaces et m’ont beaucoup aidé à maintenir cette habitude.
Mari Tanigawa, grande coureuse de marathon, voulait prendre l’habitude de
courir le matin en hiver. Et elle a décidé de sortir courir en pyjama.
Effectivement, changer de tenue dans le froid du matin, à peine sorti du lit,
peut être un obstacle insurmontable. La solution trouvée a été la bonne
puisqu’elle a pu en prendre l’habitude.
La barrière psychologique
Les barrières psychologiques ne doivent pas être ignorées. J’ai senti des
barrières psychologiques s’élever la première fois que j’ai assisté à un cours
de yoga. Je me disais que mon manque de souplesse allait probablement être
objet de moqueries. Et si jamais j’étais le seul homme dans la salle ? Ce sont
des pensées qui surviennent à l’esprit de tous les débutants. Ce seraient
sûrement les questions les plus fréquemment posées s’il existait une FAQ du
yoga. La souplesse du corps se travaille, et ce, à tout âge. Les moins souples
d’entre nous éprouvent plus de plaisir en constatant le chemin parcouru et les
progrès accomplis. Réussir n’importe quelle posture n’est pas le but suprême
de cette discipline. Et lorsque l’on est habitué à être le seul homme du cours,
on peut finalement apprécier cette situation.
Se créer des obstacles signifie simplement que l’on ne fait pas confiance à
sa propre volonté. Si l’on part du principe qu’il nous est impossible de
résister à la tentation, on peut sereinement faire face à ses faiblesses.
L’exemple le plus drastique qui me vient à l’esprit se trouve dans
L’Odyssée. Le chant des sirènes, créatures mi-femme mi-poisson, peut attirer
et provoquer la mort des marins en les faisant s’échouer sur les rochers. Voici
ce que Circé déclara à Ulysse : « Je te laisse le droit de les écouter, mais à
une seule condition : tu devras être attaché au mât de ton bateau et quand tu
supplieras tes compagnons de te détacher, ils devront resserrer tes liens. »
Dans le manga culte Ashita no Joe, Toru Rikiishi, adversaire principal du
personnage principal, a demandé qu’on l’enferme à clef dans une pièce afin
qu’il puisse perdre du poids. Or, dès qu’il a entendu la clef tourner dans la
serrure, il a hurlé qu’on lui ouvre immédiatement la porte. Il savait que le
« lui » du futur allait réagir différemment du « lui » du présent.
ÉTAPE 16 : DÉPENSER DE L’ARGENT
DANS UN INVESTISSEMENT INITIAL
J’ai commencé à apprendre la guitare classique il y a un an de cela. Une
guitare pour les débutants coûte généralement entre 150 et 250 euros, mais
les prix peuvent grimper très vite. Bien sûr, tout dépend des budgets, mais
pour ma part, j’ai choisi d’en acheter une de qualité un peu supérieure, qui
m’a coûté environ 480 euros.
Certains pensent que lorsqu’on débute une activité, il vaut mieux se
familiariser avec un objet « bon marché ». Je ne prétends pas que c’est faux.
Cependant, quand on investit une certaine somme d’argent, abandonner
l’objet en question pourra être considéré, par vous-même, comme une
« pénalité ». Car c’est le montant payé qui vous viendra immédiatement à
l’esprit. En optant pour un objet de niveau supérieur, d’une part, le design et
les matériaux sont de meilleures qualités et, d’autre part, cela vous incitera à
l’utiliser.
L’esthétique d’un objet peut aider à l’habituation. Lorsque l’on cherche à
faire du sport une habitude, trouver des baskets et une tenue qui vous plaisent
vraiment et dans lesquels vous vous sentez bien permet de mieux braver la
peine et la souffrance des débuts. Échanger son balai décrépit contre un
magnifique balai fait main par exemple, vous incitera à vous en emparer plus
facilement pour affronter la tâche fastidieuse qu’est le ménage. Un joli
parapluie (ou même un parapluie rigolo) égayera les tristes journées de pluie.
Il ne faut ni négliger ni sous-estimer ces petits effets.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : je ne peux pas le
faire sans…
On raconte qu’Osamu Tezuka, mangaka de légende, avait parfois besoin
d’un modèle pour dessiner. Par exemple, il disait ne pas pouvoir dessiner de
melon s’il n’en avait pas un en face de lui. Il aurait même demandé qu’on lui
trouve un renard roux particulier à une région. Ces demandes lui étaient peut-
être indispensables pour l’aider à abattre une grosse quantité de travail.
C’est à un niveau complètement différent, mais, avant de commencer à
gravir une montagne, il m’est déjà arrivé de ronchonner, car je ne disposais
pas de tout l’équipement dont j’avais besoin. Avoir sous la main des objets
susceptibles d’améliorer l’humeur est une méthode valide pour aider à
accomplir ce que l’on a à accomplir, mais il est parfois nécessaire de tout
simplement se lancer.
Laissez-moi vous raconter une petite histoire que j’ai autrefois entendue.
Quand on lui a demandé quels étaient les plus grands regrets de sa vie, une
grand-mère âgée de 90 ans a répondu : « Quand j’ai eu 60 ans, j’ai eu envie
d’apprendre le violon. Mais j’ai pensé qu’il était trop tard pour cela, alors j’ai
abandonné cette idée. » Si elle avait appris le violon à 60 ans, elle aurait pu
en jouer pendant trente longues années. Voilà quel était son plus grand regret.
Raisons des difficultés à prendre une habitude : penser qu’il est trop tard
pour commencer
J’ai commencé à apprendre la guitare à l’âge de 37 ans. Il m’arrive parfois
de me demander pourquoi ne pas l’avoir fait à 15 ans. J’ai également
commencé à courir des marathons à 37 ans, mais si j’avais débuté à 20 ans,
jamais je n’aurais pu battre le record que j’aurais établi à cet âge.
Cependant, le sentiment de satisfaction pour moi se trouve ailleurs que dans
les progrès que je fais à la guitare ou que dans mes performances aux
marathons. Que l’on soit débutant ou expert, que l’action soit simple ou
compliquée, le niveau de satisfaction ressenti est quasiment identique. La joie
ne naît pas du résultat. Donc, lancez-vous sans plus d’hésitations. Le plus tôt,
pour commencer, est maintenant. Je pense aussi me mettre au piano. Si je le
pratique pendant 30 ans, je pourrai sûrement réussir à jouer un morceau,
non ?
J’avais beau rêver de faire du yoga, je n’arrivais pas à me jeter à l’eau. Je
prenais mon manque de souplesse comme prétexte. Mais ce sont les moins
souples d’entre nous qui prennent le plus de plaisir dans cette discipline. Je
m’explique. Les danseurs par exemple, peuvent immédiatement maîtriser
n’importe quelle posture. Or, le yoga vise avant tout à une harmonie corps-
esprit : les postures n’en sont pas la finalité. Les moins souples concentrent
leur attention sur leur corps, et découvrent la voix qui en émane. Rien n’est
plus gratifiant ni plus plaisant que de constater que notre corps est en train de
changer. Le yoga est une discipline qui peut être appréciée par tous, souples
ou moins souples. J’envie le plaisir des personnes qui débutent dans cette
pratique ; tout comme j’envie ceux qui lisent le manga Slam Dunk pour la
première fois.
Le temps est un des signaux les plus représentatifs. La plupart d’entre nous
programment un réveil avant de se coucher, le son de l’alarme étant le signal
du « lever ».
À l’école, les élèves suivent un emploi du temps. La sonnerie est le signal
du début des cours. L’emploi du temps peut s’avérer très utile pour les
adultes également. Pour ma part, je programme mon réveil deux fois dans la
journée : une alarme pour le matin, et une pour l’heure du coucher. Car si je
ne dors pas suffisamment, j’éprouve toutes les peines du monde à ouvrir les
yeux. Nous aimons bien nous divertir avant de nous mettre au lit. Or, si ces
activités prennent de l’ampleur ou nous excitent trop, l’heure du coucher est
de plus en plus retardée. C’est pourquoi nous avons besoin de quelqu’un qui
nous tape sur l’épaule.
Mes journées se déroulent en fonction d’un emploi du temps précis. Je me
rends à la bibliothèque à 9 h 30. Je déjeune à 11 h 30. Le réveil sonne à
21 h 30, heure du coucher, et à 5 h, heure du lever.
B. F. Skinner, un des plus éminents psychologues du XXe siècle, avait réglé
son propre quotidien, à titre d’expérience. Il commençait et terminait ses
travaux d’écriture au son d’une alarme. Il mesurait le temps passé assis
devant son bureau et toutes les douze heures, notait sur un diagramme le
nombre de mots écrits, essayant ainsi de saisir avec la plus grande précision
sa productivité horaire. Un jour, après avoir remarqué qu’il lui arrivait
souvent de se réveiller la nuit, il a décidé d’aller jusqu’à contrôler ses réveils
nocturnes avec une alarme et de consacrer ce temps à l’écriture.
ÉTAPE 25 : LE MYTHE
DE LA CONCENTRATION
Pendant l’écriture de ce livre, il m’est arrivé de mesurer mon temps de
concentration. Je jetais un œil sur l’horloge dès que mes mains quittaient le
clavier. J’ai atteint une moyenne de 20 minutes, ce que je considérais comme
peu. Or, ce n’est pas du tout le cas.
La durée des conférences TED n’excède jamais 18 minutes. Il s’agirait du
temps maximal durant lequel le cerveau pourrait rester concentré, et ce,
quelle que soit la qualité du discours.
La technique de concentration dite Pomodoro est d’une durée plus ou moins
équivalente : on règle la minuterie sur 25 minutes, laps de temps durant
lequel on se concentre uniquement sur la tâche que l’on est en train
d’accomplir. Puis on prend 5 minutes de pause et on répète cette opération à
4 reprises. Au bout de deux heures, on prend une pause plus longue.
Au cours de la méditation, même si on fait en sorte de ne pas laisser ses
pensées divaguer, la conscience part en promenade et commence à réfléchir
par elle-même. Puisque c’est le propre de la conscience, il est très difficile de
l’orienter vers la concentration sur un laps de temps très long.
Travailler en fonction d’un emploi du temps est aussi efficace en matière de
problème de concentration. Charles Duhigg, auteur du Pouvoir des habitudes
passe entre huit et dix heures par jour devant son bureau. Que le travail soit
plaisant ou non, si on reste assis longtemps devant son bureau, c’est
naturellement que l’on se met à la tâche. Il faut donc d’abord décider du
nombre d’heures passées à travailler. Rester assis à son bureau permet de
toujours y revenir, et ce, même si on perd sa concentration ou que l’on se met
à bâiller.
J’ai donc décidé de ne pas relever le défi insensé qui consiste à augmenter
la capacité de concentration. Il est probablement possible de le faire, car la
concentration varie en fonction des personnes. Cependant, j’aime à penser
qu’il est plus utile de créer un système basé sur le principe selon lequel
« personne n’a de concentration ».
L’écrivain Raymond Chandler lui-même attachait de l’importance à avant
tout s’asseoir face à son bureau, même s’il n’arrivait pas à écrire. Le fil de la
concentration a beau être coupé à de nombreuses reprises, à la fin de la
journée, si on en rassemble les morceaux, il en ressort tout de même un
résultat, un petit quelque chose.
Il est capital de faire ce que l’on a envie, sans se préoccuper du regard des
autres. Mais mes réflexions sur le sujet des habitudes m’ont amené à la
constatation suivante : s’il ne faut pas se préoccuper du regard des autres, il
faut apprendre à l’utiliser à bon escient. C’est l’une des étapes les plus utiles
à l’habituation.
Nous avons tendance à préférer la récompense immédiate à la récompense
différée. Or, savoir utiliser le regard des autres peut nous aider à faire
obstacle à ce comportement, que l’on pourrait même qualifier d’instinct.
Hemingway aussi…
Hemingway aussi s’arrêtait en chemin. Lors d’un long entretien avec un
magazine, il a déclaré relire d’abord la partie écrite. Et comme il s’arrêtait
toujours à un moment où il savait ce qui allait se passer, il lui était plus facile
de reprendre et de continuer. Avant de s’arrêter à nouveau à un moment où il
savait ce qui allait se passer. Et ainsi de suite.
Hemingway savait la difficulté de se lancer. Cette méthode lui permettait de
le faire sans hésitation aucune. Et une fois l’action commencée, le cerveau
commence à se concentrer.
Cette technique peut tout aussi bien être appliquée dans le monde du travail
en général. Il est vrai que rentrer chez soi après avoir abattu tout le travail que
l’on avait à faire est tentant. Or, si c’est le cas, le lendemain il faudra
« commencer sans savoir par où commencer ». Il vaut mieux par exemple,
s’arrêter en plein milieu d’un dossier ou d’un rapport pour réussir plus
facilement à s’y remettre le lendemain matin.
Le flou de la mémoire
Ne pas noter ou enregistrer les faits nous fait courir le risque de voir notre
mémoire les réécrire à sa convenance. Les machines de la salle de sport que
je fréquente sont équipées d’un compteur qui indique le nombre de
répétitions déjà effectuées. Il m’est arrivé à de nombreuses reprises de penser
avoir fait dix mouvements avant de découvrir avec stupéfaction le chiffre 8
s’y afficher. Pour éviter un maximum de souffrance, j’ai fini, quelque part en
chemin, par « saboter » mon comptage. Ce constat ne cessera jamais de me
surprendre. « Je ne m’en sors pas trop mal », « Je me suis bien débrouillé » :
il arrive parfois que l’on soit trop indulgent avec nous-mêmes, notamment
quand on pense à une habitude accomplie. C’est pourquoi prendre des notes
nous permet de vérifier la véracité de ces pensées.
Assurez-vous de prendre note de vos habitudes au quotidien. Une habitude
réalisée peut ne pas être consignée, mais ce à quoi il faut vraiment prêter
attention sont les moments où vous n’avez pas pu le faire.
Il y a quelques années de cela, quand je cherchais à maigrir, il m’est arrivé
de sauter l’étape « monter sur la balance » les matins où je savais que le
résultat allait être mauvais à cause d’un excès de nourriture et de boisson la
veille. Ne plus me peser était devenu mon astuce pour me faciliter la vie. Cet
exemple est bien évidemment à ne pas suivre : se peser tous les jours est
indispensable, et ce, même si vous avez fait un écart la veille. Car le
sentiment de regret (= pénalité) vous incitera à vous améliorer.
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : disons que pour
aujourd’hui…
Parfois, nous sommes tentés de penser : « Bon, disons que, juste pour
aujourd’hui, cette habitude n’existe pas. » Parce que je suis en voyage, parce
que je ne me sens pas bien, parce qu’il y a eu un événement un peu
particulier. Les raisons pour lesquelles on finit par « effacer » l’habitude
augmenteront progressivement. L’application Way of life propose la fonction
« skip » ou « passer », pour indiquer que le jour en question est une
exception. En abuser rendra exceptionnels tous les jours de votre semaine…
Il vaut mieux enregistrer uniquement les cas où l’habitude a été réalisée ou
non.
Le coping ou l’adaptation
Nous avons beau nous sentir totalement satisfaits, nous ne sommes jamais à
l’abri d’un petit coup de blues. Je vous conseille de dresser une liste de
choses à faire susceptibles de vous aider à affronter les situations stressantes
ou difficiles et à vous remonter le moral. Il s’agit donc de parer au stress de
manière intentionnelle. C’est ce qu’on appelle une liste de coping ou
« stratégies d’adaptation ».
Sur ma liste figurent faire une promenade, être en contact avec la nature.
Faire un feu en plein air. Conduire. Voir un film au cinéma. Et ainsi de suite.
Même si, sur le moment, vous ne vous sentez pas le cœur à le faire,
accomplir une des actions inscrites sur votre liste améliorera votre humeur ou
vous apaisera. C’est un peu comme consoler un bébé en lui tendant son jouet
préféré.
Dans son ouvrage Les régimes ne marchent pas, Bob Schwartz explique
que sur 200 personnes, seules 10 réussiront à faire un régime, et qu’une seule
d’entre elles parviendra à maintenir son poids. On peut très bien atteindre son
objectif, en employant une technique ou une autre, sans toutefois réussir à le
maintenir.
Il ne suffit pas de déployer des efforts pendant une durée déterminée pour
atteindre son poids d’objectif. Car une fois atteint, nous sommes satisfaits et
avons tendance à relâcher un peu la pression. Pour, un jour ou l’autre,
finalement retomber à notre poids initial. Faire un régime, ce n’est pas
comme le permis de pratiquer la médecine ou l’examen du barreau, qui une
fois obtenus, sont acquis pour toujours. Le but du régime est de trouver un
mode de vie que l’on peut adopter sans avoir à le subir.
Une des astuces, au bowling, n’est pas de viser directement les quilles, mais
de lancer en direction des flèches dessinées sur la piste. Il est bon de garder
cela à l’esprit lorsque l’on cherche à s’approprier une habitude. Pourquoi ?
Raisons des difficultés à prendre une bonne habitude : la somme totale
d’efforts
Penser à la somme totale d’efforts à fournir pour parvenir à un but risque de
vous faire baisser les bras. Pour avoir 10 000 euros sur son compte en
banque, il est important de faire preuve de patience et de collecter des billets
de 10 ou 100 euros. Mais lorsque l’on rencontre quelqu’un qui les possède
déjà, l’idée de commencer par mettre 10 ou 100 euros de côté nous paraît
ridicule. Parler avec une personne bilingue en anglais nous pousse à maudire
notre environnement et apprendre un mot de plus peut nous paraître alors
totalement insignifiant. De nombreuses start-up évoquent leurs projets sur les
réseaux sociaux, et l’écart entre celui qui vient de monter son affaire et le
niveau d’avancement des autres peut sembler insurmontable.
Penser à la somme totale d’efforts nécessaires pour parvenir à votre but fera
s’envoler votre détermination dans l’instant.
Le plus important, donc, est de ne pas se laisser démoraliser par les échecs.
Rappelez-vous le test du marshmallow : on ne peut réussir à patienter quand
on est triste. Il est plus difficile d’attendre la récompense différée lorsque l’on
a le moral à zéro. Ne tombez pas dans ce piège qui vous entraînera
immanquablement dans un cercle vicieux.
On appelle biais de négativité le phénomène qui consiste à accorder plus de
valeur, à surestimer, à prendre davantage en compte ce qui est négatif. C’est
pourquoi nous avons parfois tendance à nous focaliser sur les échecs. Dans le
cas des habitudes, il est important de regarder celles que vous avez déjà
réussi à acquérir.
Seiko Yamaguchi, adepte du minimalisme, recommande de penser, lorsque
l’on voit sa maison en désordre, qu’il s’agit là du signe que l’on travaille
tellement dur que le ménage en pâtit. Souvenez-vous : c’est la méthode
employée, la responsable de votre échec, et non vous-même.
Le sevrage du sucre
Cela faisait trois semaines que je n’avais pas mangé de sucreries quand, en
voyant les petits pains moelleux et fourrés à la crème ou les choux à la
Chantilly exposés dans la vitrine d’une boulangerie… je n’ai rien pensé.
J’avais faim, mais cette démonstration de sucre à l’excès m’a, au contraire,
un peu écœuré. Les pâtisseries japonaises sont peu sucrées, et réputées à
l’étranger pour cette raison : la sensation qui m’a alors envahi se rapprochait
probablement de celle que peut avoir un Japonais qui goûte pour la première
fois une pâtisserie occidentale.
Autrefois, j’aurais eu besoin de toute la force de ma volonté pour résister à
mon envie de les dévorer. Comme les circuits neuronaux avides de sucreries
semblent désormais endormis, je ne suis plus tenté. Ça a été la preuve que
j’avais complètement « décroché ».
« Qui vivra verra », et c’est exactement cela. On ne peut établir le nombre
de jours nécessaires pour prendre une habitude. Mais le moment où on
découvre la réponse à cette question, l’habitude est déjà en place.
L’entraînement intentionnel
On raconte qu’Ichiro fixait un thème pour chacune des balles qu’il frappait.
Et même s’il réussissait son coup, si l’objectif qu’il avait décidé n’était pas
atteint, il n’était pas satisfait.
Daigo Umehara, affirme que l’on ne peut faire de progrès sans réfléchir, et
ce, même si on s’entraîne longtemps. Augmenter aveuglément le temps
d’entraînement ne donne aucun résultat. Pour bien tirer au basket-ball, il ne
suffit pas de simplement faire plus de lancers, mais de prendre conscience de
la distance, du décalage à droite ou à gauche, du mouvement du poignet et
d’ajuster le tir en fonction des constatations. Émettre une hypothèse et
apporter des corrections : on appelle cette méthode l’entraînement
intentionnel.
Une fois l’habitude prise, et devenue facile, on peut rester au même niveau
de difficulté et la poursuivre distraitement. Or, la dopamine est sécrétée
quand nous nous retrouvons confrontés à la « nouveauté », et sortir de sa
zone de confort forme de nouvelles connexions neuronales.
C’est pourquoi rester au même niveau de difficulté ne nous permet pas de
recevoir les stimuli nécessaires à la progression. Ouvrir un peu plus les
jambes au yoga et sentir la douleur, résister à l’envie d’arrêter son travail et
faire un dernier petit effort, tous ces petits riens nous ouvrent un peu plus la
voie du progrès. Chaque petit pas hors de sa zone de confort est un pas de
plus vers la progression.
Progrès et motivation
La première récompense du devoir accompli,
c’est de l’avoir fait.
ALBERT IER
Il paraît que les hommes attentionnés ont plus de succès auprès des
femmes. Probablement que les compliments et les mots d’amour sont perçus
comme une récompense par certaines femmes (et détestés par d’autres : à
vous d’agir en conséquence et de ne pas en faire trop).
Vous pouvez continuer de rester en contact avec une personne qui vous
agace, mais pour qui vous éprouvez en même temps un peu de pitié. Or, si
vous réagissez à ses sollicitations (récompense), l’interlocuteur détesté pourra
en prendre l’habitude. Il est donc parfois préférable de couper tout lien
(absence de récompense).
Méditer, c’est faire revenir dans le droit chemin sa conscience volatile grâce
à la respiration. Mais nous avons beau le faire encore et encore, elle finit
toujours par s’envoler quelque part. Le moine Koike Ryûnosuke a déclaré à
ce propos que c’était comme essayer de remonter sur le dos d’un cheval
sauvage qui nous faisait tomber à chaque fois. Cette comparaison s’applique
à l’ensemble des habitudes. Peu importe le nombre de fois où on accomplit
une habitude, on ne cesse d’être jeté à terre. Les habitudes s’effondrent un
jour. Le plus important est de continuer à les rebâtir.
Même s’il n’y a pas de défis à relever, notre esprit en trouve toujours de
nouveaux.
Notre vie a beau être paisible sous tous les aspects, nous nous créons
insatisfactions et défis les uns à la suite des autres et notre existence consiste
à devoir les surmonter. Cependant, il y a des récompenses à obtenir à venir à
bout de ces obstacles. Ces défis sont sans fin. Mais ne devrait-on pas s’en
réjouir ? Prendre une bonne habitude est différent d’achever une habitude.
Une habitude n’est jamais achevée. Car l’habitude consiste à continuer
d’essayer d’avoir des habitudes.
Chapitre IV
Nous sommes faits d’habitudes
La nature véritable des efforts du point de vue des
habitudes
Je me souviens de mon père qui ne cessait de répéter à son chat :
« Vraiment ! Quel petit veinard tu es ! » Il peut effectivement nous arriver de
jalouser la vie tranquille de ces petits félins, qui passent le plus clair de leur
temps à dormir. Un oiseau sait chanter et même effectuer des parades
nuptiales dès sa naissance, sans avoir besoin de cours pour cela, tandis que
nous, humains, devons fournir de gros efforts pour apprendre à jouer d’un
instrument de musique ou à danser. Pourquoi sommes-nous les seuls à devoir
faire des efforts ?
Autrefois, j’envisageais la vie comme « un grand championnat d’endurance
face à la souffrance ». Où seuls les individus capables d’endurer la souffrance
que sont les efforts pouvaient triompher, et ramasser les lauriers de la gloire.
Or, à la lumière de ce que nous avons abordé ensemble jusqu’à présent à
propos des habitudes, la nature même des efforts semble, en réalité, quelque
peu différente.
Le premier chapitre est consacré à la volonté, et la manière dont celle-ci
apparaît ou disparaît. Dans le deuxième chapitre, nous avons examiné les
récompenses, notamment celles que l’on trouve en accomplissant des actions
qui ne sont que souffrance aux yeux des autres ; et enfin, dans le troisième
chapitre, nous avons vu en détail les méthodes et le système de pensée qui
nous conduisent à faire d’une action une habitude.
Toutes ces réflexions nous ont, semble-t-il, permis de glaner quelques
indices pour nous aider à explorer la nature véritable des efforts, ou même du
talent. Bien évidemment, tout ne peut pas être expliqué. Je pense, cependant,
que nous pouvons en esquisser les grandes lignes, qui semblent bien
différentes de ce que nous avons tendance à imaginer.
Ichiro
Le mot effort nous fait invariablement penser à la souffrance à endurer,
comme dans l’expression « suer sang et eau ». Mais est-ce vraiment le cas ?
Ichiro, par exemple, s’entraîne plus que quiconque, et ce, depuis son enfance.
Il avait écrit, dans une de ses rédactions d’école primaire, qu’il s’entraînait
« très dur 360 jours sur 365 ». Quand il faisait partie de l’équipe des Orix,
tandis que ses coéquipiers frappaient la balle pendant 30 minutes, Ichiro le
faisait pendant deux ou trois heures. Son manager disait qu’un tel rythme
était impossible pour quelqu’un d’autre que lui. Et encore aujourd’hui, alors
qu’il évolue en ligue majeure, il passe des heures à s’entraîner seul sur le
terrain, tandis que ses camarades sont en repos. À première vue, les efforts
fournis par Ichiro semblent s’approcher du sacrifice, or, l’intéressé déclare ne
pas en faire du tout. Pourquoi ?
Haruki Murakami
Haruki Murakami écrit dix feuillets par jour, et ne manque jamais sa séance
de course ou de natation quotidienne. Dans une longue interview, l’auteur a
déclaré qu’il ne faisait que ce qu’il aimait, que ce soit dans le travail ou en
dehors du travail, qu’il n’était pas particulièrement stoïque, qu’il s’agissait en
réalité de faire le moins possible ce qu’il n’aimait pas. Car ce n’est pas bien
difficile de faire des efforts, quand on aime ce qu’on fait.
Les individus qui nous donnent l’impression de fournir de gros efforts
répondent souvent qu’ils n’en font pas, ou qu’ils ne sont pas si importants.
J’ai longtemps cru que cette réponse n’était rien d’autre que de la modestie.
Bien sûr, je ne peux pas imaginer si facilement les efforts qu’ils déploient,
mais j’ai maintenant l’impression de comprendre un peu ce qu’ils veulent
dire.
L’origine de la confusion engendrée par le mot « effort » est qu’il existe en
réalité deux définitions bien distinctes.
Tomber malade
Je désirais moi aussi connaître mes limites et apprendre à en être
profondément satisfait. Je vais prendre l’image de la maladie. Aujourd’hui, je
dors bien, je cuisine mes trois repas quotidiens, je mange du riz complet et
des légumes, je fais du sport tous les jours. J’ai arrêté l’alcool et le tabac. Que
des bonnes réponses pour les questionnaires à remplir avant les examens
médicaux. On peut donc dire que je prends grand soin de ma santé. Mais un
jour, peut-être, je tomberai malade. À ce moment-là, je pense pouvoir
accepter la nouvelle sans trop de difficulté. Car j’aurais fait tout ce qui était
possible pour l’éviter. La maladie était une de mes limites, la connaître m’a
permis de lâcher prise.
La volonté infinie
Snoopy a dit : « On ne peut jouer qu’avec les cartes qui ont été
distribuées. » Parmi ces cartes figurent entre autres celles de la sensibilité et
de l’influence des gènes. Mais grâce aux habitudes, vous pouvez échanger
certaines cartes que vous avez en main, un peu comme au poker.
La psychologue Carol Dweck a relevé un point important : lors d’un test de
volonté, les individus persuadés que la volonté est infinie ont obtenu de
meilleurs résultats que ceux qui pensaient qu’elle diminuait à mesure qu’on
l’utilise. Ainsi, partir du principe que la volonté ne diminue jamais – en
laissant de côté le fait de savoir si elle diminue réellement ou non – est un
moyen efficace pour obtenir de meilleurs résultats.
Il en va de même pour le talent et les gènes. Il est fort probable que les
individus convaincus qu’une marge de progression, de changements est
toujours possible peuvent aller beaucoup plus loin que ceux pour qui les
facteurs génétiques sont plus importants.
« J’ai pu être capable de m’aimer après avoir fait de mon mieux. » Ces mots
prononcés par une jeune actrice m’ont marqué. Les récompenses que l’on
peut obtenir en accomplissant une habitude sont nombreuses, mais la plus
grande de toutes est l’amour de soi, de devenir capable de s’aimer soi-même.
Un jour, alors que je consultais mes réseaux sociaux, ce tweet m’a sauté
aux yeux : « L’objectif efficace, pour la plupart d’entre nous, est d’être
toujours de bonne humeur. »
Je pense être quelqu’un d’assez flegmatique, mais après avoir réussi toutes
mes habitudes quotidiennes, le soir venu, je sens en moi des élans
d’enthousiasme (d’après mes critères). Penser que j’ai fait ce que j’avais à
faire me met de bonne humeur. Quand tout se déroule bien et que l’on est en
bonne disposition, on se sent capable d’encourager les autres. Or, quand ce
n’est pas le cas, les autres deviennent la cible de nos critiques. Nous n’avons
pas le temps de nous soucier de ce que font les autres quand nous faisons ce
dont nous avons envie. Mais la contrariété qui émerge quand on ne peut
réaliser ce que l’on veut, ainsi que la mauvaise estime de soi, nous poussent à
minimiser le fruit des efforts des autres. Quand on ne peut pas faire d’efforts,
on cherche à détruire ceux des autres. Je pense qu’il s’agit là d’une réaction
de défense naturelle de l’esprit.
Les critiques non constructives sont une des conséquences de la
dépréciation de soi. Les larmes nous brouillent la vue, la réalité nous apparaît
déformée. Cherchons à rester de bonne humeur, ne serait-ce que pour pouvoir
être gentil avec les autres.
Mes habitudes, finalement, ne sont, que des actions simples. Selon John
Ratey, le meilleur conseil que l’on puisse donner est de suivre la routine de
nos ancêtres qui se levaient et se couchaient en même temps que le soleil, se
déplaçaient pour pêcher ou récolter de la nourriture (travail, sport), recevaient
les enseignements de la nature ou des anciens (études, apprentissage),
chantaient et dansaient (loisirs, arts).
Le corps humain est équipé de mécanismes optimisés pour effectuer de
telles actions. Faire de l’exercice facilite le développement des neurones et la
peine endurée libère une hormone du stress, qui peut nous rendre
euphoriques.
Or, à l’heure actuelle, on peut se passer de faire de l’exercice grâce aux
transports en commun, et les repas que nous prenons nous font perdre en
agilité. Ainsi, le bonheur inhérent aux hommes devient difficile à ressentir.
Acheter une voiture, partir en voyage, manger dans de délicieux restaurants,
l’éducation des enfants… Le coût de la vie d’un être humain est maintenant
colossal. Travailler jusqu’à empiéter sur notre précieux temps de sommeil,
pour gagner de l’argent, coûte que coûte. On dirait bien que nous avons fini
par perdre le sens des priorités.
Les plaisirs autrefois ressentis grâce au simple fait d’être en vie me sont
aujourd’hui délivrés grâce aux habitudes.
Vie et progrès
La vie d’autrefois ne débordait-elle pas de la joie de faire des progrès ? Car
la division du travail n’existait pas encore.
Les connaissances à absolument acquérir ne se limitaient pas à traquer le
gibier et aux techniques pour l’abattre. Savoir décrypter le ciel et son
environnement, chercher de l’eau. Tresser une corde, fabriquer de la
vaisselle. Se montrer ingénieux dans l’utilisation des matériaux à disposition
pour construire un toit au-dessus de sa tête. Dessiner, peindre, pratiquer la
divination. Il y avait tellement de choses inconnues sur lesquelles
s’émerveiller qu’une vie entière ne devait pas suffire pour les apprendre
toutes.
Sans avoir besoin de remonter jusqu’aux chasseurs-cueilleurs, il en était
ainsi jusqu’à la période d’avant-guerre, avant que la plupart d’entre nous ne
travaillent dans des entreprises. Plus longtemps on vivait, plus on apprenait :
les anciens étaient alors naturellement respectés. Jusque-là, vivre était
directement et étroitement lié au fait de faire des progrès.
Évoluer, faire des progrès nous est indispensable pour bien d’autres raisons.
Je pense que le bonheur, contrairement à l’argent, ne peut être capitalisé pour
le futur. Il y a un énorme trou dans le porte-monnaie du bonheur.
Je vous ai parlé un peu plus tôt des athlètes frappés par une dépression
après les Jeux olympiques, ou encore des membres des missions Apollo qui
ont broyé du noir après leur retour sur Terre.
J’ai vécu une expérience similaire, à une échelle différente, bien entendu.
Mon livre précédent, L’Essentiel et rien d’autre, s’est très bien vendu et a
même été traduit dans une vingtaine de langues. Les médias, tant japonais
qu’étrangers, se sont emparés du « phénomène » qu’il était devenu. Je reçois
aujourd’hui encore des mails de remerciements depuis l’étranger.
D’un point de vue extérieur, ça a été un grand succès et ça l’est encore. Le
résultat est plus que satisfaisant pour un livre écrit par un parfait inconnu. Or,
ce livre écrit par un parfait inconnu est très vite devenu une référence.
J’avais l’impression de devenir vide, à force de raconter toujours les mêmes
histoires lors des interviews. Les notes de mon journal, juste après le succès,
m’ont révélé à quel point j’étais tourmenté. J’étais souvent démoralisé pour
avoir trop bu, ou je n’éprouvais pas de satisfaction au travail…
Le bonheur, ce n’est pas comme l’argent. On peut toujours piocher dans ses
économies quand le besoin s’en fait sentir. Or, on ne peut puiser dans le
« livret d’épargne » du bonheur mis de côté par le passé pour alimenter la
bonne estime de soi du temps présent.
La dernière action exécutée exerce une influence sur notre volonté. Une
bonne estime de soi vient juste après un accomplissement. C’est pourquoi
nous avons besoin au quotidien du sentiment de satisfaction, mais aussi des
effets provoqués par le sentiment de progresser. Car être fier d’une de nos
réussites passées ne nous permet pas de nous affirmer.
Les effets de mes habitudes se font ressentir chaque jour et je crois être
désormais capable de bien gérer l’inquiétude, compagne de toujours des free-
lances. « Vais-je trouver un contrat après celui-ci ? » « Combien me reste-t-il
d’argent ? »… Mais, aujourd’hui, je ne ressens plus vraiment ce genre
d’angoisses.
L’angoisse m’assaillait non pas quand je regardais mon compte en banque,
mais quand je n’avais pas pu entamer ou finir un travail, parce que j’avais
finalement passé la journée à paresser. En général, l’origine de mes tourments
n’était pas un problème objectif, comme le solde de mon compte en banque,
par exemple. Non, l’inquiétude me rendait visite quand je commençais à
éprouver des regrets.
C’est également vrai pour un sujet tel que celui du poids. Je mène une vie
saine, je fais du sport, mais il m’arrive certains jours de prendre du poids. Or,
cela ne me déprime pas du tout : quand les résultats ne sont pas au rendez-
vous, mais que l’on a fait ce qu’on avait à faire, il n’y a pas d’angoisse. En
revanche, le doute s’installe quand on sait que l’on n’a pas fait ce qu’on était
censé faire.
L’inquiétude, le souci sont également liés à « l’humeur ». Ce n’est pas le
problème en soi qui provoque de l’angoisse, mais la manière dont nous
l’appréhendons. Quand mon humeur est sombre, je cours. La circulation
sanguine dans mon cerveau s’améliore, j’obtiens de l’aide du cortisol et de la
dopamine. Mon humeur s’améliore et je sens que je peux venir à bout de
n’importe quel problème.
L’habitude de la pensée
Je pensais ne pas être doué pour parler. Mais j’ai tout de même décidé
d’accepter de passer à la radio pour parler du minimalisme. À ma grande
surprise, les mots jaillissaient naturellement de ma bouche.
Car j’ai longuement réfléchi sur le sujet lorsque j’écrivais mon premier
livre. Je pensais aux questions que l’on pourrait se poser, je m’interrogeais
moi-même. Une question était en fait devenue pour moi un « signal » et la
réponse une « routine » déjà familière.
Quand on a du mal à s’exprimer, cela ne vient pas forcément du fait de
parler lui-même. Interroger tout à coup quelqu’un sur un sujet auquel il n’a
jamais pensé, et même si cette personne est très intelligente, le fera très
certainement bafouiller.
Ainsi, on pourrait presque dire que les pensées d’une personne qui
jaillissent spontanément ont été façonnées par les habitudes. À force de
réfléchir à propos du minimalisme, certaines de mes pensées sont devenues
des habitudes. L’idée selon laquelle plus on possède, plus on est riche
prédomine dans nos sociétés. Or, j’ai appris qu’il y a aussi de la richesse à
posséder peu. Et j’ai pris l’habitude de réfléchir sur les valeurs en vigueur
dans notre monde.
J’ai compris que lorsque l’on obtient une chose, on en perd une autre, et
lorsque l’on perd une chose, on en obtient une autre. Je m’interroge donc
également sur la valeur de ce que j’obtiens grâce à ce que je ne possède pas.
Par exemple, je suis parfois ébloui par les parents et les enfants à l’air
heureux qui font un pique-nique dans un parc. L’instant d’après, les grandes
valeurs que j’ai gagnées comme vivre ma vie comme je l’entends ou la liberté
qui est la mienne me viennent aussitôt à l’esprit. Arriver à automatiquement
se rendre compte de quelque chose sans avoir besoin à chaque fois de faire un
inventaire de ce qui nous paraît important, mettre tout simplement quelque
chose en pratique tous les jours sans oublier ce qui est important : ce sont là
nos habitudes de pensées.
Les valeurs auxquelles on a décidé d’adhérer à plusieurs reprises
deviennent un jour une habitude. Nous arrivons alors à choisir sans presque
faire appel à la conscience. Quand on a demandé à Tsuyoshi Takashiro (DJ,
cinéaste et auteur) s’il souhaitait voir ses œuvres être proposées dans Kindle
Unlimited, il a répondu : « Privilégiez la nouveauté. » Quand il a un choix à
faire, Tsuyoshi Takashiro opte toujours pour ce qui est nouveau, sans
chercher à en savoir plus. Le choix de Taro Ôkamoto, grand artiste japonais,
était invariable : il optait pour « ce qui risquait d’échouer ». Ôkamato a
toujours fait le choix de relever les défis les plus difficiles, qui auraient pu
ruiner sa réussite.
Non pas hésiter avec sa conscience, mais décider immédiatement avec
l’habitude. Nous n’avons pas la capacité d’étudier en détail toutes les options
avant de choisir la meilleure possible. Lorsqu’on fait un choix en fonction des
valeurs auxquelles on croit, on peut en accepter le résultat, quel qu’il soit. La
seule chose que l’on puisse faire est d’être convaincu que la décision que l’on
a prise nous paraîtra la meilleure quand on y repensera ultérieurement. Ceux
qui ont conscience de cela peuvent prendre des décisions toujours plus
rapidement.
J’ai passé la moitié d’une année à ne rien faire. Il y a eu certes des moments
plaisants, mais je ne ressentais ni sentiment de satisfaction ni plaisir de faire
des progrès : c’était une souffrance.
Quand on voit certaines personnes qui ne peuvent pas bouger ou travailler,
il arrive parfois qu’on les accuse d’être paresseux. Et quand elles se
retrouvent dans une impasse, on estime que c’est leur faute. Mais j’ai appris
qu’une situation dans laquelle on passe son temps à s’amuser ou à paresser ne
procure aucune joie. On ne peut pas obtenir de sentiment d’auto-efficacité, ni
consolider l’estime de soi : c’est une situation vraiment douloureuse.
D’un autre côté, ceux qui sont actifs souffrent également. Les récompenses
obtenues (les compliments, le salaire…) sont nombreuses, mais les efforts
déployés sont souvent accompagnés de la douleur, et la pression exercée par
la communauté par exemple peut être énorme.
« Jamais de la vie » : voilà ce qu’a répondu Ichiro quand on lui a demandé
s’il choisirait d’emprunter le même chemin s’il venait à naître à nouveau. Ce
qui suit n’est que suppositions, mais voici ce que je pense : quand on est du
niveau d’Ichiro, les autres s’attendent à ce que l’on ait toujours d’excellents
résultats, et finissent même par trouver cela normal. C’est normal, qu’il ne
rouille pas, même s’il vieillit. Puisque c’est Ichiro, il peut le faire. Or, quand
quelqu’un intègre le Temple de la renommée, ses récompenses ne risquent-
elles pas de diminuer ?