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Missions chrétiennes
en Asie (V -XXI siècle)
e e

Jérôme Pace
Missions chrétiennes en Asie
(V -XXI siècle)
e e
Carte • Le royaume de Siam

Introduction De la réalité de la mission


• Une mission entre promesses…
Les premières missions • … et incompréhensions
(Ve-XVIIe siècle)
• Vietnam et Chine
Le christianisme syriaque
• Une Église autocéphale « Siècle missionnaire » et
• Une route, des religions
christianisme en Asie aujourd’hui
(XIXe-XXIe siècle)
• L’Empire mongol
Un monde divisé ? Le « siècle missionnaire »
• Patronato/Padroado • L’encyclique Neminem Profecto
• L’expansion jésuite • La renaissance de l’apostolat
• Avec Alessandro Valignano français
une nouvelle approche missionnaire • Des relais innovants
Une mission en danger ? Quel bilan ?
• Matteo Ricci, un passeur de culture • De la répétition de l’Histoire
• De la réalité du compromis
• D’un siècle à l’autre
• L’heure des comptes
• Histoire d’un échec relatif
La société des Missions
étrangères de Paris Le christianisme en Asie aujourd’hui
(XVIIe-XIXe siècle) • Chine
La naissance • Inde
de la société des MEP • Japon
• Un long processus
Conclusion
• Une mission aux mains de Rome
• Quid de la France ? Glossaire
Les premières missions Bibliographie
de la société des MEP
en Asie
• Une mission…
• … des missionnaires Livre numérique mode d’emploi

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méridionale
Bengale
CAMBODGE PHILIPPINES

SRI LANKA

MALAISIE
OCÉAN INDIEN
SINGAPOUR

0 2 000 km
INDONÉSIE

Pays mentionnés dans le livre. © fond de carte Jean-Pierre Crivellari

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Missions chrétiennes en Asie

Missions
chrétiennes
en Asie
(V -XXI siècle)
e e

Par Jérôme Pace


Journaliste, docteur en histoire des religions
(École Pratique des Hautes Études)

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Missions chrétiennes en Asie

Introduction
Dans un contexte international et religieux aujourd’hui
particulièrement sensible, l’Asie apparaît pour l’Église catho-
lique romaine comme une terre de grande espérance. Les
papes Jean Paul II et Benoît XVI ont récemment rappelé, et à
plusieurs reprises !, l’intérêt du Saint-Siège pour ce continent
habité par environ deux tiers de la population mondiale…
Souvent présentée comme l’apanage des missions euro-
péennes en Asie entre les XVIe et XIXe siècles, l’histoire de la
religion chrétienne dans cette région est pourtant indissociable
de sa propre histoire : après tout, le christianisme n’est-il pas
né en Terre sainte, et donc en Asie de l’Ouest ?
Pour le reste, sa diffusion vers l’est n’attend pas : mises
au jour par l’archéologie, de nombreuses preuves matérielles
attestent de « premiers » contacts, dès les Ve et VIe siècles.
Assurément, les prémices d’une histoire désormais double-
ment millénaire et dont le cours n’a pas encore livré tous
ses mystères.

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Missions chrétiennes en Asie

Les premières missions


(v -xvii siècle)
e e

La diffusion du christianisme vers l’Asie date de la fin de


l’Antiquité. La tradition raconte qu’ayant débarqué en 52 à
Cranganore, au nord de Cochin, l’apôtre Thomas aurait fondé
au Kérala sept églises, dont les fidèles revendiquent encore
aujourd’hui l’origine apostolique. Une première évangélisa-
tion de l’Inde cependant mal connue et dont les historiens et
les archéologues peinent à prouver la véracité : si les Actes de
Thomas (IIIe siècle) évoquent bien le voyage du saint vers le
sous-continent indien, rien en effet ne confirme dans le texte la
fondation de ces églises ou, plus généralement, l’existence de
liens entre le missionnaire et l’Inde du Sud. Au contraire, le seul
élément historique que les Actes de Thomas contiennent est
la mention du nom de Gondopharès, probablement le souve-
rain indo-parthe Gudnaphar, attesté par des monnaies émises
au Ier siècle et frappées à son nom : une information qui sug-
gère que les pérégrinations de l’évangéliste se sont arrêtées à
l’ouest du Pakistan. Cela dit, quels sont les premiers contacts
entre la religion chrétienne et le continent asiatique ?

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Missions chrétiennes en Asie

Le christianisme syriaque

Une Église autocéphale


L’archéologie a récemment conforté l’idée que les « pre-
miers » contacts entre le christianisme et l’Asie remontent aux
Ve et VIe siècles : de nombreuses preuves matérielles (églises,
monastères, pierres tombales…) ont notamment confirmé,
pour ces époques, l’établissement de communautés chré-
tiennes chez les Sogdiens et les Ouïghours. Une expansion de
la religion chrétienne, principalement due à l’Église syriaque
de Perse et dont la portée est très vite considérable : suivant
les voies commerciales établies, qu’elles soient maritimes ou
terrestres, au sud, via le golfe Persique, vers Ceylan (actuel
Sri Lanka) et l’Inde, au nord, via l’Asie centrale et la fameuse
« route de la soie », vers la Chine, la Mongolie et le Tibet, les
missionnaires de la dynamique Église essaiment sur tout le
continent asiatique.
Cette diffusion est d’autant plus remarquable que l’Église
syriaque de Perse n’est pas adossée à un État. Église au-
tocéphale et fidèle à l’enseignement des Pères de l’Église
antiochiens, elle prétend avoir été la première à recevoir la
« Bonne Nouvelle du salut » : sous la direction d’un catholicos,
elle a vocation à accompagner la diffusion d’un christianisme
souvent isolé et coupé de tout soutien politique. Abusivement

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Missions chrétiennes en Asie

dénommée « Église nestorienne » pour n’avoir jamais entériné


la condamnation par le concile d’Éphèse en 431 de l’ancien
patriarche de Constantinople Nestorius (vers 381-451), l’Église
syriaque de Perse n’a en réalité pas non plus adopté l’hérésie
longtemps prêtée à ce dernier. En ce sens, il convient de pré-
férer à cette appellation celle d’Église apostolique de l’Orient,
adoptée dès le synode de Séleucie-Ctésiphon en 410.

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Missions chrétiennes en Asie

Une route, des religions


Les chrétiens de l’Église apostolique de l’Orient sont loin
d’être les seuls à essaimer vers l’est : ils sont notamment en
concurrence avec les manichéens et les zoroastriens, ou en-
core des chrétiens d’Églises différentes (arméniens, géorgiens,
melkites, syro-orthodoxes). De même, leurs rencontres avec
d’autres religions – par exemple, le bouddhisme, le confucia-
nisme, l’islam, le taoïsme – jouent un rôle non négligeable
dans leur expansion. Une expansion en trois temps : Ve-VIe,
VIIIe, enfin XIe siècle. Relais commercial important, la cité de
Merv, actuellement Mary au Turkménistan, devient en 424 un
évêché et le point de départ de nombreuses missions ; sous
l’impulsion du catholicos Mar Aba (540-552), une vingtaine de
diocèses sont créés au VIe siècle, vers la mer Caspienne, le lac
d’Ourmiah et le Tocharestan. L’émergence du pouvoir arabo-
musulman dans les régions du Proche-Orient ne perturbe en
rien la dynamique engagée : bientôt, une centaine de diocèses
sont répartis sur sept provinces ecclésiastiques. Au VIIIe siècle,
le catholicos Thimothée Ier (780-823) consacre un métropolite
pour la région de Ladakh, au Tibet occidental.
En 635, l’arrivée de moines avec des peintures et des livres
à la cour de l’empereur Tang Taizon (626-649) marque la pre-
mière rencontre officielle entre la Chine et l’« Enseignement
illustre ». Chargé de la traduction des ouvrages en chinois, le
Sogdien Aluoben use de termes chinois empruntés au boudd-
hisme et au taoïsme : un travail d’acculturation de la théologie

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Missions chrétiennes en Asie

chrétienne remarquable, pour ne pas dire payant. En 638, le


souverain, ayant accordé son appui à la nouvelle religion, en-
treprend la construction du premier monastère chrétien de
l’empire du Milieu. Érigée en 781, la stèle de Xi’an célèbre
l’arrivée du christianisme dans le pays : inscrite en chinois et en
syriaque, elle est un exposé de la foi chrétienne et un récit de
l’histoire locale de la « religion radieuse ». Elle témoigne proba-
blement de la volonté de l’empereur Tang Dezong (742-805)
de renforcer la position de cette dernière, dans un contexte
d’affirmation du bouddhisme. Son exhumation, en 1625, dé-
contenancera un Occident surpris que le christianisme pût se
répandre dans cette région du monde près d’un millénaire
avant l’arrivée des missionnaires latins. Protégée jusqu’à la
fin du VIIIe siècle, la religion chrétienne disparaît totalement
au IXe siècle suite à l’émission en 845 d’un édit de proscription
interdisant toutes les religions étrangères.

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Missions chrétiennes en Asie

L’Empire mongol
Au XIIIe siècle, le christianisme pénètre cependant de nou-
veau l’empire du Milieu. Le mariage de plusieurs princes de
sang mongols avec des femmes nestoriennes ouvre en effet
une période de grande tolérance. Les récits de voyage des
missionnaires dominicains et franciscains envoyés sur place,
par exemple André de Longjumeau, Jean de Plan Carpin ou
encore Guillaume de Rubrouck, témoignent de ce renouveau.
Tous évoquent, de l’Asie centrale jusqu’en Chine, l’existence
paisible de communautés chrétiennes syro-orientales. Initiées
par Rome et par Louis IX (1214-1270), les premières missions
européennes sont généralement bien accueillies par des sou-
verains mongols particulièrement avides d’échanges intellec-
tuels. Dans le contexte des croisades, la persistance de l’Empire
mongol à se présenter comme le protecteur des chrétiens fait
naître en Occident l’idée d’une alliance à revers contre l’islam et
les pouvoirs musulmans. Une éventualité confirmée par l’envoi,
en 1248, d’une ambassade mongole à Saint Louis : l’informant
que les Mongols souhaitent mettre fin au califat de Bagdad et
restituer Jérusalem aux chrétiens, le grand Khan Güyük (1206-
1248) lui demande de neutraliser le sultan d’Égypte afin que
ce dernier ne puisse venir en aide au calife.
Une proposition d’alliance restée lettre morte, mais renou-
velée à plusieurs reprises le temps passant. La rencontre, en
1287 à la Sainte-Chapelle, à Paris, de Philippe IV (1268-1314)
et du moine nestorien Rabban Șauma (1225-1294) marque, à

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Missions chrétiennes en Asie

cet égard, les esprits. En vain : les échecs répétés des zélateurs
européens à convertir les dirigeants mongols au christianisme
latin inquiètent les rois occidentaux. Lorsqu’en 1313, Philippe
le Bel se décide à soutenir l’ilkhan Öljaitü (1280-1316) dans sa
volonté de conquérir la Syrie-Palestine, il est déjà trop tard :
les Francs ont été éliminés du Levant. En Chine, la mission du
franciscain Jean de Montecorvino (1247-1328) est pourtant un
succès relatif. Installé depuis 1294 à Khanbalik, la capitale de
l’Empire et ancienne Beijing, le missionnaire est soutenu par
les autorités locales, malgré des relations difficiles avec les nes-
toriens : les conversions se multipliant, il est, en 1308, nommé
archevêque de Khanbalik par le nouveau pape Clément V
(vers 1264-1314). À la fin du XIVe siècle, l’arrivée au pouvoir de
la dynastie Ming (1368) conduit cependant à l’expulsion des
évangélistes occidentaux et à la destruction des églises et des
monastères ; elle sonne surtout la fin de communautés chré-
tiennes – syriaques et latines – déjà affaiblies par la grande
peste et l’affirmation ou réaction du bouddhisme et de l’islam.

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Missions chrétiennes en Asie

Un monde divisé ?

Patronato/Padroado
À la fin du XVe siècle, la découverte du Nouveau Monde
bouleverse l’ordre établi. Pour prévenir tout conflit entre les
deux grandes puissances maritimes et coloniales de l’époque,
l’Espagne et le Portugal, le traité de Tordesillas est signé le
7 juin 1494 : établi sous l’égide du pape Alexandre VI (1431-
1503), il vise à partager les récents territoires colonisés en
deux zones d’influence distinctes. La promulgation, au cours
des années suivantes, de plusieurs bulles papales a notam-
ment vocation à asseoir cet équilibre et coordonner, par l’in-
termédiaire de nations catholiques fortes, l’évangélisation de
contrées fraîchement conquises. Un arrangement complexe
de droits et d’obligations à l’origine des systèmes du patronato
espagnol et du padroado portugais : respectivement effectifs
jusqu’aux XIXe et XXe siècles, les mandats offriront plusieurs
siècles durant aux royaumes ibériques, une autorité politique
exceptionnelle sur les affaires religieuses de leurs colonies.
La décision du Saint-Siège de confier l’œuvre d’Évangile
aux mains de l’Espagne et du Portugal se révèle essentielle à
l’heure de la Contre-Réforme, en particulier en Asie : dans le
sillage des puissants navigateurs portugais, établis en Inde,
puis dans la péninsule malaise, la Compagnie de Jésus essaime

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Missions chrétiennes en Asie

rapidement dans toute la région et devient l’ordre religieux ca-


tholique le plus entreprenant et organisé dans la diffusion de la
foi chrétienne dans les provinces orientales. En 1542, François
Xavier (1506-1552), l’un des fondateurs de la Compagnie, crée
le collège Saint-Paul de Goa, en Inde : premier séminaire dirigé
par un jésuite, ce dernier restera longtemps l’établissement
apostolique le plus important du continent asiatique. Plus
généralement, la province de Goa est le point d’arrivée des
missionnaires venant d’Europe (en provenance de Lisbonne)
et le point de départ de toutes les missions vers l’Afrique et le
reste de l’Orient.

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Missions chrétiennes en Asie

L’expansion jésuite
L’envoi jésuite en Asie est organisé en provinces ecclé-
siastiques. Si la province de Goa, en Inde, apparaît très vite
la plus éminente, la structure générale de la mission évolue
cependant au fur et à mesure de l’extension des territoires
ouverts à l’apostolat. L’érection, en Chine, le 23 janvier 1576,
de Macao en diocèse suffragant de Goa, participe de cette
perspective : placé sous la responsabilité de Melchior Carneiro
(1516-1583), le nouvel évêché a notamment juridiction sur la
Chine, la Corée, le Japon, ou encore le Vietnam, autant de ter-
ritoires qui dépendaient jusqu’alors du diocèse de Malacca, en
Malaisie. Quelques années plus tard, le collège Saint-Paul de
Macao deviendra le premier centre d’études jésuite pour les
langues et cultures de l’Extrême-Orient (en particulier chinoise
et japonaise).
En 1549, l’arrivée de François Xavier à Kagoshima, sur l’île
japonaise de Kyūshū, renforce le prestige de la Compagnie
de Jésus. Le futur saint est en effet le premier missionnaire
européen à investir le territoire nippon : amorçant le « siècle
chrétien » japonais, son parcours le mène vers le nord, d’abord
à Hirado, une petite île au nord-ouest de Kyūshū, puis à Kyōto,
la capitale impériale. Dans le même temps, les échanges de
technologie entre Portugais et Japonais bouleversent la so-
ciété nippone : inconnues de l’archipel jusqu’alors, les armes
à feu introduites par les « barbares du Sud » déchaînent les
passions. Étudiées puis reproduites par les artisans locaux,

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Missions chrétiennes en Asie

elles permettent très vite, dans un pays divisé et en proie aux


rivalités féodales, à un pouvoir central d’asseoir son autorité.
Dans ce contexte, le rôle joué par les missionnaires dans le
commerce des armes et le financement de certains seigneurs
locaux convertis au christianisme apparaît payant : en 1569,
le puissant daimyō Oda Nobunaga (1534-1582), le premier
des trois unificateurs du Japon pendant la période Sengoku,
autorise officiellement le prosélytisme chrétien.

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Missions chrétiennes en Asie

Avec Alessandro Valignano


une nouvelle approche missionnaire
Si la reconnaissance officielle de la mission jésuite par Oda
Nobunaga apparaît un succès important, elle ne saurait cepen-
dant cacher la difficulté des zélateurs européens à comprendre
et évangéliser des autochtones certes ouverts, mais surtout
très attachés à leurs religions (le shintoïsme et le bouddhisme)
et leur culture. Les années passant, de nombreux déboires
entachent ainsi un ministère souvent dépassé et déconsidéré
aux yeux des Japonais. L’arrivée sur l’archipel, en 1579, du
jésuite italien Alessandro Valignano (1539-1606) atténue un
temps les tensions : envoyé en Asie en qualité de père visiteur
(padre visitador) du supérieur général de la Compagnie de
Jésus, Éverard Mercurian (1514-1580), le missionnaire a les
pleins pouvoirs pour renouveler la stratégie et la structure des
missions d’Orient.
Le résultat est quasi-immédiat : convaincu que l’Évangile
ne serait être reçu sans un travail important d’inculturation,
le nouveau venu publie en 1581 une série de recommanda-
tions à destination de ses pairs (Il cerimoniale per i missionari
del Giappone. Advertimentos e avisos acerca dos costumes y
catangues de Jappão). L’objectif de l’ouvrage est simple : par
une présentation poussée de la culture et des conventions et
coutumes nippones, rapprocher les missionnaires d’une popu-
lation locale avec laquelle il leur est souvent difficile d’établir
des liens de proximité et de confiance. Une méthode a priori

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Missions chrétiennes en Asie

simple et dans le prolongement de la nécessité pour les évan-


gélistes d’apprendre la langue japonaise, mais révolutionnaire
pour l’époque. En 1582, l’envoi de quatre chrétiens japonais
à Rome marque un second tournant de la nouvelle stratégie
missionnaire jésuite : au-delà de la volonté de faire découvrir
les missions d’Extrême-Orient sur le continent européen, l’idée
également de permettre aux Japonais de mieux connaître la
culture catholique.

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Missions chrétiennes en Asie

Une mission en danger ?

Matteo Ricci, un passeur de culture


1582 est une année importante pour la mission d’Asie.
Parallèlement à l’organisation de la première ambassade japo-
naise en Europe, l’arrivée en Chine de Matteo Ricci (1552-1610)
et de Michele Ruggieri (1543-1607) ouvre, après de longues
années d’interdiction d’entrée des jésuites dans l’« Empire cé-
leste », des perspectives prometteuses. Émule d’Alessandro
Valignano, Matteo Ricci marque particulièrement les esprits lo-
caux : ayant compris très vite l’influence exercée par les milieux
lettrés sur la population, mais également l’importance que ces
milieux attribuaient à la culture et au savoir scientifique des
Occidentaux, le missionnaire (lui-même mathématicien ) cher-
chera, tout au long de sa traversée de la Chine continentale,
le meilleur moyen d’atteindre la culture chinoise.
Un périple parfois tumultueux, dont le salut repose avant
tout sur les échanges intellectuels et scientifiques entre le mis-
sionnaire et les « classes dominantes » de la cour des Ming
(1368-1644). Si elle lui est souvent reprochée, cette vocation
de passeur de culture, plus que d’évangéliste, a cependant
des conséquences inattendues : adopté par les lettrés chinois
comme l’un des leurs, du fait notamment de sa maîtrise excep-
tionnelle de la culture locale et de la publication de nombreux

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Missions chrétiennes en Asie

de ses travaux scientifiques en langue chinoise, il réussit à être


accueilli à la cour impériale. Un privilège inouï qui, à défaut
d’évangéliser la population chinoise en profondeur, confère un
temps au christianisme et à la Compagnie de Jésus une aura
positive sans commune mesure.

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Missions chrétiennes en Asie

De la réalité du compromis
Assurément, la politique d’inculturation d’Alessandro
Valignano et de Matteo Ricci contribue à une meilleure im-
plantation du christianisme en Asie. Cependant, le manque de
moyens économiques et humains empêche l’apostolat jésuite
de se développer et affermir ses positions : une problématique,
dont l’importance et la profondeur vont se révéler, au cours du
XVIIe siècle, la raison de nombreux bouleversements radicaux,
en particulier en Chine, en Inde et au Japon.

Chine : Incapable de faire face à l’augmentation rapide du


nombre de fidèles, la Compagnie de Jésus accepte, au début
du XVIIe siècle, l’aide d’ordres rivaux. Une ouverture source d’un
conflit majeur : en effet, installés dans la région du Fujian, les
dominicain et franciscain espagnols Juan Baptista de Morales
(1597-1664) et Antonio Caballero de Santa Maria (1602-1669),
dénoncent au pape Urbain VIII (1568-1644) l’attitude d’un
prêtre concurrent, Giulio Aleni (1582-1649), envers les cultes
chinois autochtones. Si, comme la plupart des compagnons de
Jésus, ce dernier considère les rites traditionnels des Chinois en
l’honneur de leurs ancêtres et de Confucius comme laïques, et
autorise donc les chrétiens à y participer, les nouveaux venus,
au contraire, les estiment religieux et les leur interdisent. Le
débat, ou « querelle des rites chinois », perturbera l’Église ca-
tholique jusqu’au XXe siècle ; toujours est-il qu’il débouche, en
1645, sur une condamnation des jésuites par le Saint-Siège.

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Missions chrétiennes en Asie

Sur le terrain, la position des ordres mendiants accable


un christianisme tenu pour dangereux et qui n’est désormais
plus le bienvenu : les persécutions, exemplaires, aboutissent au
martyr d’un prêtre. Parallèlement, la chute de la dynastie Ming
(1644) révèle une mission particulièrement fragile : accompa-
gnant l’installation du nouveau pouvoir sino-mandchou, de
nombreux troubles mènent à la disparition de plusieurs com-
munautés chrétiennes. D’autant plus méfiant qu’il est d’origine
étrangère, le jeune régime affirme son emprise par la mise
en place progressive d’un contrôle de la population strict et
sans merci ; une prise de position notamment favorisée par
le soutien orthodoxe de lettrés désormais convaincus que le
dialogue culturel engagé avec les Occidentaux est en partie
responsable de la disparition de la lignée précédente.

Inde : Sur le sous-continent indien, la situation de la mis-


sion catholique est d’autant plus délicate que la rencontre
entre chrétiens syriens et missionnaires européens a d’abord
bouleversé l’implantation d’un christianisme parfaitement in-
tégré à la société de castes. Un christianisme millénaire, très
vite accusé d’« hérésie nestorienne » et sommé de s’inféoder
au Siège apostolique romain (Église catholique de rite syro-
malabar). Si certains jésuites choisissent finalement la voie de
l’inculturation, la « querelle des rites malabares » les rappelle
rapidement à l’ordre : là encore, la position rigide de ceux refu-
sant à toute adaptation de la Mission condamne rapidement
une religion toujours considérée comme étrangère et peinant
à s’imposer face au bouddhisme.

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Missions chrétiennes en Asie

Japon : Sur l’archipel, l’émergence d’un pouvoir central


en la personne du daimyō Toyotomi Hideyoshi (1537-1598),
le second des trois unificateurs du Japon pendant la période
Sengoku, marque également le début d’une période sombre.
En effet, les progrès de l’expansion coloniale européenne en
Asie du Sud-Est inquiètent les autorités japonaises : l’annexion
des Philippines par les Espagnols, à la fin des années 1560,
ne relève plus des seuls commerce et prosélytisme. De même,
qui est donc ce « pape », souverain absolu et auquel tout ca-
tholique est assujetti ? Se méfiant des missionnaires et des
chrétiens en général, le récent dirigeant interdit toute conver-
sion des seigneurs locaux et confisque le port de Nagasaki,
devenu le fief de la Compagnie de Jésus le 9 juin 1580. Si en
1588 l’érection du premier diocèse du Japon apparaît un motif
d’espoir, l’exécution, en 1593, de 9 prêtres européens et 17
chrétiens japonais, puis la crucifixion, quatre ans plus tard, de
26 chrétiens à Nagasaki affirment une tendance malheureuse :
de plus en plus isolés, missionnaires et convertis vivent désor-
mais dans la peur de représailles violentes.
Une situation délétère que n’arrange pas, en 1603, le réta-
blissement officiel du pouvoir central japonais avec l’accès au
titre de shōgun de Tokugawa Ieyasu (1543-1616), le troisième
des trois unificateurs du Japon pendant la période Sengoku.
Toutefois, conscient de l’importance des relations commerciales
avec les Espagnols et les Portugais, le gouvernant garde la
mesure d’une répression définitive. Mais la fondation à Hirado,
le 20 septembre 1609, par les Anglais et les Hollandais, de nou-
veaux comptoirs commerciaux, change la donne : protestants

23
Missions chrétiennes en Asie

et peu soucieux de prosélytisme religieux, les nouveaux venus


le convainquent qu’il n’est pas indispensable de tolérer la reli-
gion catholique pour préserver des liens avec l’Europe. Très
vite accusé de mettre en péril l’unité japonaise, le catholicisme
est officiellement interdit en 1614 : les missionnaires jésuites
et franciscains (ces derniers avaient ouvert une mission sur
l’archipel en 1593) expulsés, les shōgun du clan Tokugawa
obligent tous les Japonais à s’affilier à un temple bouddhiste,
condamnant le moindre refus à la peine de mort. En 1638, près
de 37 000 paysans convertis et révoltés sont ainsi exterminés
à Shimabara. Deux ans plus tard, renonçant à toute relation
diplomatique et à tout contact avec les étrangers, le pays se
ferme totalement. Une période exceptionnelle de repli sur soi
qui ne prendra fin qu’au XIXe siècle.

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Missions chrétiennes en Asie

L’heure des comptes


La première moitié du XVIIe siècle marque un véritable
tournant pour les systèmes du patronato espagnol et du pa-
droado portugais en Asie : un déclin aux allures souvent tra-
giques, et dont l’anéantissement de la chrétienté du Japon, à
partir de 1614, apparaît comme le traumatisme le plus décisif.
Conscient de l’état désastreux des missions, en particulier sur
le continent asiatique, le pape Grégoire XV (1554-1623) crée,
le 22 juin 1622, la Congrégation de la Propagande. La voca-
tion de l’institution est simple : restaurer l’autorité morale et
spirituelle du Saint-Siège sur le clergé missionnaire. Une déci-
sion d’autant plus nécessaire que l’Espagne et le Portugal ne
semblent également plus en mesure d’assurer la protection
de leurs comptoirs face aux attaques extérieures : affirmant
chaque jour davantage leur hégémonie maritime et com-
merciale, l’Angleterre et les Pays-Bas sont désormais une me-
nace constante, pour ne pas dire féroce. En 1641, la prise de
Malacca, en Malaisie, est particulièrement exemplaire : ayant
commencé par restreindre sévèrement la pratique de leur foi,
les protestants hollandais finiront par expulser les catholiques
et détruire ou profaner leurs églises.

25
Missions chrétiennes en Asie

La société des Missions


étrangères de Paris
(xvii -xix siècle)
e e

Véritable traumatisme, l’anéantissement de la chré-


tienté du Japon marque profondément les esprits. Ayant pris
conscience de l’état désastreux des missions, en particulier en
Asie, le pape Grégoire XV a créé, en 1622, la Congrégation de
la Propagande. La vocation de l’institution est simple : restaurer
l’autorité morale et spirituelle du Saint-Siège sur le clergé mis-
sionnaire. Cependant, de nouvelles persécutions de chrétiens
en Cochinchine et au Tonkin (actuel Vietnam) appellent à des
mesures rapides : convaincue de la nécessité de repenser l’acti-
vité apostolique de l’Église, la Congrégation de la Propagande
recommande l’envoi sur place de plusieurs évêques afin de
former un clergé autochtone. L’objectif est double : d’abord,
par sa capacité à se fondre dans la masse, favoriser l’évanouis-
sement – temporaire – de ce dernier, en cas de persécutions ;
ensuite, prévenir la capacité de réaction de l’Église face à une
croissance souvent rapide des fidèles.
Toutefois, la proposition de la Congrégation de la
Propagande se heurte au refus catégorique du Portugal et
de la Compagnie de Jésus. Très attaché à son droit de patro-
nage, le royaume ibérique se refuse en effet à toute action

26
Missions chrétiennes en Asie

qui pourrait entraver sa politique impérialiste. De même, les


missionnaires jésuites, par ailleurs largement majoritaires sur
le continent, répugnent à renoncer aux nombreux privilèges
acquis en terres de mission. Un temps abandonné, le débat est
cependant relancé quelques années plus tard, lorsqu’un mis-
sionnaire français au Vietnam, le jésuite Alexandre de Rhodes
(1591-1660), plaide, à Rome d’abord (1649), à Paris ensuite
(1653), pour la promotion d’un clergé local au Tonkin et en
Cochinchine : expulsé à plusieurs reprises, le prêtre craint pour
la survie d’une communauté de près de 200 000 âmes, tout
en constatant les limites d’une action missionnaire comptant
trop peu d’hommes et de moyens.

27
Missions chrétiennes en Asie

La naissance
de la société des MEP

Un long processus
Encouragée par la Congrégation de la Propagande, la
proposition du jésuite Alexandre de Rhodes (lire page précé-
dente) est cependant négligée par le pape Innocent X (1574-
1655). Une position d’autant plus tranchée que, certes soumis
aux pressions politiques de l’Espagne et du Portugal, le souve-
rain pontife refuse également l’idée d’une France, qu’il craint
et n’apprécie que peu, comme puissance missionnaire. À l’in-
verse, le plaidoyer de l’évangélisateur français trouve à Paris un
écho particulièrement favorable. Des membres éminents de la
Compagnie du Saint-Sacrement se portent rapidement volon-
taires et se préparent à la vie missionnaire. Mais, les tractations
engagées entre le Saint-Siège et la Compagnie sont longues et
difficiles : ce sont ainsi près de cinq ans qui s’écoulent avant la
mise en place d’une action concrète. La décision, le 8 juin 1658,
du pape Alexandre VII (1599-1667) de nommer trois vicaires
apostoliques pour les missions d’Asie – Monseigneur François
Pallu (1626-1684), Monseigneur Pierre Lambert de la Motte

28
Missions chrétiennes en Asie

(1624-1679), Monseigneur Ignace Cotolendi (1630-1662)1 –,


apparaît une étape déterminante. Actant la naissance de la
société des Missions étrangères de Paris (MEP), elle est, pour
le souverain pontife, un moyen d’affirmer la volonté de Rome
de reprendre en main une activité missionnaire dévolue aux
patronats espagnols et portugais depuis le XVIe siècle.

1. Un quatrième, Monseigneur François de Montmorency-Laval


(1623-1708), sera nommé pour le Canada.

29
Missions chrétiennes en Asie

Une mission aux mains de Rome


L’objectif de la société des Missions étrangères de Paris
(MEP) est simple : créer les conditions favorables à l’évangéli-
sation et la promotion rapide de structures ecclésiales locales.
Devant l’état désastreux des missions chrétiennes en Asie, tant
du fait de l’incapacité du Portugal et de l’Espagne à établir
une mission forte, que des persécutions antichrétiennes, les
Instructions aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin
et de la Cochinchine (10 novembre 1659) sont claires quant aux
volontés de la Congrégation de la Propagande : encore d’actua-
lité aujourd’hui, ces dernières non seulement affirment la sou-
mission des nouveaux vicaires apostoliques à l’autorité exclusive
du Saint-Siège, mais appellent à la création également, dans
les plus brefs délais, de séminaires indigènes voués à l’enraci-
nement profond du christianisme sur le continent asiatique.
Sur un plan diplomatique, la création de la société des MEP
suscite de nombreuses tensions. Le Portugal et l’Espagne, qui s’y
opposeront à de nombreuses occasions, voient en effet d’un très
mauvais œil une institution qui pourrait contrarier leur politique
impérialiste. À cet égard, le choix, par la papauté, du terme de
« vicariat apostolique », et non de celui de « diocèse », pour dési-
gner les nouveaux territoires à évangéliser, n’est pas anodin :
en distinguant les missions de la société des MEP et celles, bien
établie, des ordres religieux ibériques, la Congrégation de la
Propagande aspire à éviter une confrontation directe avec les
deux royaumes et les missionnaires du padroado.

30
Missions chrétiennes en Asie

Quid de la France ?
Du côté de la France, la fondation de la société des Missions
étrangères de Paris (MEP) suscite l’effervescence. Participant
du « réveil missionnaire », entamé au début du XVIIe siècle,
d’un pays devenu désormais la première puissance politique
européenne, elle apparaît une opportunité politique majeure.
Très tôt, le roi de France, Louis XIV (1638-1715) – et à travers
lui, l’Église de France –, perçoit l’intérêt de soutenir l’envoi
d’évêques dépendants de la Congrégation de la Propagande
exclusivement. Un soutien apprécié à sa juste valeur, mais qui
interpelle, par son ampleur, le Vatican : craignant une volonté
du jeune monarque d’établir un patronat français, Rome sou-
haite limiter son aide au seul aspect financier. La nomination
des trois vicaires apostoliques, sans présentation des bulles
au souverain et sans l’obtention de lettres patentes, dit bien
le climat de méfiance installé entre les deux parties.
En 1663, la création à Paris, rue du Bac, d’un séminaire
chargé de recruter des volontaires pour la nouvelle mission,
assoit cependant l’autorité du Saint-Siège sur la nouvelle insti-
tution. Devenue « corps d’association de prêtres pour les mis-
sions », la société des MEP n’est, au sens strict, ni un ordre ni
une congrégation : tous prêtres séculiers, ses membres restent
incardinés à leur diocèse d’origine et sont mis à disposition
de la Congrégation de la Propagande. Un lien direct entre la
papauté et les missionnaires, nécessaire à la pérennisation
d’une identité forte : quand l’activité apostolique de l’Église

31
Missions chrétiennes en Asie

avait jusque-là été confiée à des ordres religieux, l’idée de créer


une entité indépendante qui, désengagée de toute influence
politique étrangère, aura vocation à former et accompagner
un clergé local et autonome.

32
Missions chrétiennes en Asie

Les premières missions


de la société des MEP en Asie

Une mission…
Premiers vicaires apostoliques et membres fondateurs de
la société des Missions étrangères de Paris (MEP), Nosseigneurs
François Pallu (1626-1684), Pierre Lambert de la Motte (1624-
1679) et Ignace Cotolendi (1630-1662) sont les pionniers d’une
mission qui marquera le continent asiatique de son empreinte,
en particulier sur le plan diplomatique. Chargés respective-
ment du Tonkin, de la Cochinchine, enfin des provinces méri-
dionales de la Chine et de la Tartarie, ils connaissent cependant
des histoires et fortunes diverses. Particulièrement dangereux,
leur voyage jusqu’en Asie alterne voie de mer et voie de terre
afin d’éviter de passer par les colonies portugaises ; une pre-
mière étape aussi longue que coûteuse, annonciatrice de nom-
breuses difficultés.
Premier à s’expatrier, Lambert de la Motte ouvre la voie.
Accompagné de deux prêtres, Jacques de Bourges (1630-1714)
et François Deydier (1634-1693), il quitte Paris pour Marseille
le 28 juin 1660. Ayant débarqué à Alexandrette (Turquie), les
trois hommes rejoignent Bassorah (Irak) par voie terrestre, puis
Surate (Inde), par voie maritime ; de là, ils traversent l’Inde à

33
Missions chrétiennes en Asie

pied, puis atteignent Mergui (actuel Myanmar) par bateau le


28 avril 1662. Du fait de persécutions en Cochinchine, une
dernière étape est finalement le royaume du Siam (actuelle
Thaïlande), déjà terre de mission jésuite. Malgré l’opposition
des missionnaires du prodoado, le vicaire apostolique réussit à
établir une relation de confiance avec les autorités politiques
et religieuses locales.

34
Missions chrétiennes en Asie

… des missionnaires
Le destin missionnaire d’Ignace de Cotolendi est bien plus
bref. Ayant quitté Marseille le 3 septembre 1661, le vicaire
apostolique n’arrive jamais à destination : il meurt à Palacol,
en Inde, le 16 août 1662. Enfin, accompagné de sept prêtres et
deux laïcs, François Pallu quitte Paris le 3 janvier 1662. Ayant
atteint Mergui le 29 octobre 1663, il rejoint Pierre Lambert de la
Motte à Ayutthaya (en Thaïlande) le 27 janvier 1664. Très vite,
les deux vicaires apostoliques décident d’organiser un synode et
de rédiger leurs propres instructions, les Monita ad Misionarios
(« Instructions aux missionnaires ») : en grande partie issues des
Instructions aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin
et de la Cochinchine, ces dernières, publiées en 1665, posent
les fondements des comportements missionnaires en Asie et se
révèlent une analyse profonde de l’échec de l’implantation du
christianisme sur le continent jusqu’alors.
La même année, François Pallu retourne en Europe pour
faire un rapport précis sur la situation des missions : si le vicaire
apostolique insiste sur les difficultés – matérielles et humaines –
inhérentes à la vie missionnaire, il signale également les intri-
gues nombreuses de la Compagnie de Jésus. Si la pérennisation
de la société des Missions étrangères de Paris (MEP) se joue
certes localement, elle passe aussi par les soutiens de Paris et
de Rome : laissant à Pierre Lambert de la Motte la responsabilité
de l’action sur le terrain, l’homme occupera le reste de sa vie à
des allers-retours incessants entre l’Europe et l’Asie.

35
Missions chrétiennes en Asie

Le royaume de Siam
Le choix de Pierre Lambert de la Motte et de François Pallu
de prendre position au Siam (actuelle Thaïlande) n’est pas
anodin. Si, certes, le royaume n’est pas sous leur juridiction, il
est également facilement abordable : terre d’accueil mission-
naire (dominicains, franciscains, jésuites), ce dernier se trouve
au centre d’un important réseau commercial. Une ouverture
sur l’extérieur qui, dans un contexte international complexe
et parfois troublé, offre à la société des Missions étrangères
de Paris (MEP) une position d’attente appréciable et se révèle,
malgré la présence de missionnaires dépendants du padroado
opposés à sa présence, une base arrière de choix dans la pers-
pective de pénétrer le Tonkin et la Cochinchine d’une part, la
Chine d’autre part. En comparaison, le Tonkin, un temps une
base de repli importante pour les missionnaires jésuites lors
de la fermeture du Japon, n’offre pas les mêmes garanties :
relativement isolé, le pays est davantage préoccupé par la
préservation de son ordre intérieur que par l’établissement de
relations avec l’étranger. En outre, l’interdiction, depuis 1658,
de la « religion portugaise » ajoute à un contexte difficile.

36
Missions chrétiennes en Asie

De la réalité de la mission

Une mission entre promesses…


Accueilli avec bienveillance par les autorités politiques
et religieuses siamoises, Pierre Lambert de la Motte reven-
dique une évangélisation par l’inculturation. Les Monita ad
Misionarios (« Instructions aux missionnaires ») témoignent de
cette sensibilité : rappelant que « le Christ a voulu dompter
le monde non par le fer, mais par le bois », elles affirment un
esprit missionnaire duquel toute idée de violence et/ou de
soumission serait bannie. De même, toute intervention poli-
tique ou civile des missionnaires en faveur de leur gouverne-
ment national ou de celui du pays de mission est proscrite.
La Mission est l’annonce de l’Évangile : elle n’a pas vocation à
promouvoir et imposer une culture.
À cet égard, l’année 1666 consacre les relations privilé-
giées établies entre le vicaire apostolique et le pouvoir : ayant
obtenu du roi Phra Narai un terrain à Ayutthaya, le camp Saint-
Joseph, Pierre Lambert de la Motte fonde un séminaire destiné
à l’accueil et la formation de séminaristes originaires de divers
pays du continent (ainsi notamment de la Chine, du Japon, de
l’Inde, de la Thaïlande, et du Vietnam). Un tournant pour la
société des Missions étrangères de Paris (MEP), qui acquière
ainsi, sur le plan local, une autonomie complète vis-à-vis du

37
Missions chrétiennes en Asie

prodoado : la construction, également, d’une chapelle et d’un


hôpital pour les pauvres renforce l’engagement sur place de
cette dernière. Plus généralement, l’action caritative apparaît
l’une des marques de la société des MEP.
La nomination, en 1673, de Louis Laneau (1637-1696)
comme vicaire apostolique du Siam parachève l’implantation
de la mission dans le royaume. Auteur d’un dialogue rédigé en
siamois, Rencontre avec un sage bouddhiste, le missionnaire
incarne à la perfection l’idéal apologétique prôné par Pierre
Lambert de la Motte : précurseur de la rencontre entre christia-
nisme et bouddhisme, il n’hésite pas, à travers la mise en scène
d’un sage chrétien et d’un moine bouddhiste à la recherche
de la religion parfaite, à présenter la doctrine chrétienne dans
les termes et avec les concepts du bouddhisme.

38
Missions chrétiennes en Asie

… et incompréhensions
Si l’implantation de la mission semble prometteuse, son
bilan apparaît moins flatteur. En effet, engluée dans des que-
relles intestines et ses rapports conflictuels avec la Compagnie
de Jésus, la société des Missions étrangères de Paris (MEP) peine
à trouver sa place dans un pays qu’elle ne considère qu’une
étape de parcours sur le chemin du Tonkin et de la Cochinchine
d’une part et la Chine de l’autre : le choix de nombreux mis-
sionnaires de ne pas entreprendre l’étude de la langue sia-
moise et de se consacrer à celle du vietnamien exclusivement
illustre parfaitement une situation confuse. L’ordination, dès
1668, de deux prêtres vietnamiens, par ailleurs anciens caté-
chistes des jésuites, renforce le sentiment d’une politique apos-
tolique résolument tournée vers la confrontation et l’extérieur.
L’incapacité également des zélateurs français à évangéliser
des autochtones certes ouverts, mais surtout très attachés à
leur religion (le bouddhisme theravâda), et plus largement leur
culture, ajoute au constat d’un idéal de l’inculturation battu
en brèche.
Enfin, l’engagement de la société des Missions étrangères
de Paris (MEP) dans l’établissement de relations privilégiées
entre la France et le Siam met à mal celles établies entre ses
membres et les autorités locales. Une entrave aux Instructions
aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin et de la
Cochinchine et Monita ad Misionarios, dont les missionnaires
paieront le prix fort. Si l’échange d’ambassades, entre 1684 et

39
Missions chrétiennes en Asie

1687, consacre une idylle séduisante, les relations franco-sia-


moises tournent rapidement à la mésentente : une situation de
crise qui a tôt fait de cristalliser les difficultés des évangélistes
français à comprendre la population locale. En 1688, l’éclate-
ment d’une révolution dans le royaume, lors de la succession
du roi Phra Narai, et la mise au jour d’exactions du corps mis-
sionnaire à Bangkok achèvent de fragiliser une position déjà
délicate : malmenés, les missionnaires français et leurs élèves
sont un temps emprisonnés.
Une première estocade aux conséquences plus définitives :
les relations entre la France et le Siam rompues, le pays inter-
dit, en 1731, tout prosélytisme chrétien. Quelques années plus
tard, en 1767, la prise d’Ayutthaya et la destruction du quartier
chrétien par les Birmans scellent pour longtemps le sort de la
mission en terres siamoises.

40
Missions chrétiennes en Asie

Vietnam et Chine
Objectif avoué de Rome et de la société des Missions étran-
gères de Paris (MEP), l’évangélisation du Vietnam et de la Chine
est, à l’instar de celle du Siam, particulièrement délicate. Les
jeux politiques locaux et internationaux favorisent les persécu-
tions et une atmosphère de méfiance entre chrétiens et autori-
tés indigènes. L’exemple du Tonkin et de la Cochinchine illustre
bien cette situation : terres d’ouverture – les dominicains ont
entamé leur évangélisation au XVIe siècle –, puis d’accueil im-
portantes pour les missionnaires jésuites lors de la fermeture
du Japon, les deux royaumes sont désormais en proie à l’insta-
bilité. L’appel d’Alexandre de Rhodes à la formation sur place
d’un clergé autochtone autonome ne disait pas autre chose :
lui-même expulsé à plusieurs reprises, le prêtre craignait pour
la survie de la communauté chrétienne de la région.
Malgré un contexte dangereux, Pierre Lambert de la Motte
effectue plusieurs voyages au Tonkin et en Cochinchine. Les
débuts sont cependant difficiles : devant le fossé culturel qui
le sépare des populations indigènes, l’homme va jusqu’à sou-
haiter quitter son office. Toutefois, la rédaction des Monita ad
Misionarios puis la création du séminaire d’Ayutthaya changent
la donne : l’ordination, en 1668, de deux prêtres vietnamiens
consacre une mission qui remplit désormais son rôle. En 1670,
la création par le vicaire de la congrégation apostolique des
Amantes de la Croix apparaît une autre étape importante :
première congrégation de religieuses autochtones de l’histoire

41
Missions chrétiennes en Asie

de l’Église, la nouvelle institution jouera un rôle majeur dans


l’évangélisation de la région. Très importante, son action so-
ciale marque aujourd’hui encore la société vietnamienne de
son empreinte.
La mort de Pierre Lambert de la Motte bouleverse l’ordre
établi. Figure tutélaire de la mission, le vicaire détenait l’aura et
l’autorité nécessaires à sa survie et son épanouissement. Très vite,
querelles intestines et rapports conflictuels avec la Compagnie
de Jésus, à laquelle la société des MEP est censée se substituer,
révèlent, là encore, l’incapacité des missionnaires français à pré-
server l’idéal de leur prosélytisme, mais également à s’adapter
aux sociétés qui les accueillent. Le refus quasi systématique par
le Saint-Siège de toute promotion d’évêques autochtones (seu-
lement 4 nominations pour 14 demandes)2 ajoute également
à une situation complexe : l’établissement d’un clergé indigène
capable de prendre la direction des Églises asiatiques n’était-il
pas, en effet, la priorité de la société des MEP ?3
Une nouvelle orientation apostolique, née de l’évolution
du catholicisme en Europe vers un plus grand contrôle cléri-
cal, est ainsi mise en place dans les premières décennies du
XVIIIe siècle : rechignant à adapter le christianisme aux struc-
tures sociales et religieuses locales, les missionnaires imposent
désormais, dans le processus de formation des prêtres, l’ap-
prentissage du latin ; une rupture tout aussi importante est

2. Parmi elle, la promotion, en 1685, du premier prêtre chinois : Lo


Wen-Tsao.
3. Loin d’être éphémère, la situation perdurera jusqu’au XXe siècle. À
titre d’exemple, le premier évêque vietnamien est sacré en 1933.

42
Missions chrétiennes en Asie

leur demande aux chrétiens indigènes de rompre avec leur


communauté d’origine. Aussi bien au Vietnam qu’en Chine,
la « querelle des rites » fait rage et confirme la difficulté de la
société des Missions étrangères de Paris (MEP) à contester et
s’imposer face à une présence jésuite qui refuse tout partage
territorial de juridiction : difficile, dans ces conditions, de favori-
ser une conversion de masse et établir un rapport de confiance
et d’échange sur le long terme avec la population. Un chiffre
illustre parfaitement la faillite de la société des MEP : en 1766,
un cinquième seulement des chrétiens tonkinois relève ainsi
de sa juridiction ; la majorité reste, pour sa part, sous tutelle
du padroado.

43
Missions chrétiennes en Asie

« Siècle missionnaire »
et christianisme en Asie
aujourd’hui
(xixe-xxie siècle)
Au début du XVIIIe siècle, une série de crises met en péril la
société des Missions étrangères de Paris (MEP). Incapable de
prendre la mesure de régions d’Asie de l’Est et du Sud-Est certes
ouvertes au dialogue, mais également très attachées à leurs
religions et cultures, l’institution ne répond pas aux attentes.
De même, querelles intestines et rapports conflictuels avec la
Compagnie de Jésus, à laquelle elle est censée se substituer,
interrogent quant à la cohérence et la viabilité de son discours.
Très vite, la querelle des rites fait rage et confirme la difficulté
de la société des MEP à contester et s’imposer face à une pré-
sence jésuite qui refuse tout partage territorial de juridiction. Les
conséquences sont sans appel : en 1717, la fermeté nouvelle du
Siège apostolique romain oblige l’Empereur de Chine à interdire
la prédication chrétienne dans le pays ; une interdiction suivie,
en 1723, par l’expulsion des missionnaires et la persécution
des fidèles. En 1767, la prise d’Ayutthaya et la destruction du
quartier chrétien par les Birmans compromettent définitivement
l’implantation du corps missionnaire dans la région.

44
Missions chrétiennes en Asie

Contraints à l’exil, les zélateurs et leurs élèves trouveront


d’abord refuge à Chanthaburi, en Thaïlande, puis à Hondat,
au Cambodge. Mais de nouvelles persécutions les obligent
à fuir une fois encore. La réouverture, en 1770, du séminaire
d’Ayutthaya en Inde, près de Pondichéry, sera synonyme de
sécurité et d’espérance, malgré une localisation périphérique
et difficile d’accès selon l’origine des futurs séminaristes. En
1773, la dissolution de la Compagnie de Jésus offre à la so-
ciété des MEP une chance inespérée de pouvoir remplacer
les jésuites et s’imposer sur le continent : l’envoi par Rome en
1776 de missionnaires dans le sud-ouest de l’Inde participe
notamment de cette perspective. La création d’un séminaire
en 1778, puis l’ordination d’un premier prêtre tamoul en 1788
marquent deux étapes importantes de leur activité. Toutefois,
la Révolution française annihile un temps tout espoir de réta-
blissement fort et durable : déclaré bien national, le séminaire
de la rue du Bac est fermé et avec lui la formation de nouveaux
prêtres apostoliques.

45
Missions chrétiennes en Asie

Le « siècle missionnaire »

L’encyclique Neminem Profecto


Mal en point, l’apostolat catholique retrouve cependant
un nouveau souffle rapidement. Une renaissance dès les pre-
mières décennies du XIXe siècle, qui touche l’ensemble de
l’Europe et plus particulièrement la France, bien décidée, à
la Restauration, à retrouver sa place de première puissance
missionnaire. Étapes importantes, le rétablissement de la
Compagnie de Jésus, puis la réouverture de la société des
Missions étrangères de Paris (MEP), respectivement en 1814
et 1815, se révèlent les symboles d’une détermination renou-
velée et dont le traumatisme de la Révolution française, mais
également un apostolat protestant de plus en plus actif depuis
la fin du XVIIIe siècle, sont longtemps les premiers moteurs.
L’engouement sera considérable : à la fin du XIXe siècle, 837
missionnaires, 487 prêtres indigènes, mais également 6 652
auxiliaires, autochtones ou européens, composent le corps
apostolique catholique d’Asie. Consacré le « [grand] siècle mis-
sionnaire », le XIXe siècle apparaît une période incontournable
de l’histoire du christianisme en Asie.
Ancien préfet de la Congrégation de la Propagande et
successeur de Pie VIII (1761-1830), le pape Grégoire XVI (1765-
1846) incarne un élan apostolique conquérant et conservateur.

46
Missions chrétiennes en Asie

Deux actes marquent particulièrement l’engagement du sou-


verain pontife : le 24 avril 1838, la bulle Multa praeclare sous-
trait les circonscriptions ecclésiastiques de l’Inde – excepté
celle de Goa – du contrôle du padroado et les érige en vicariats
apostoliques. Une véritable déclaration de guerre à l’origine
d’une rupture sans précédent entre les deux parties en 1843,
mais également entre le Saint-Siège et le Portugal. Tournant
de la restauration de l’autorité morale et spirituelle de Rome
sur le clergé missionnaire, le « schisme de Goa » prendra fin
officiellement en 1886. Enfin, la publication en 1845 de l’en-
cyclique Neminem Perfecto redéfinit les objectifs de la mis-
sion : deuxième texte missionnaire le plus important après les
Instructions aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin
et de la Cochinchine, cette dernière insiste sur la nécessité de
transformer les territoires de mission en diocèse et encourage,
à travers la création de séminaires, la formation d’un clergé
autochtone autonome.

47
Missions chrétiennes en Asie

La renaissance de l’apostolat
français
En France, l’engouement missionnaire dépassera le seul
cadre de la société des Missions étrangères de Paris (MEP). Il
faut dire que la Révolution a laissé des traces : exsangue, le
corps d’association ne compte plus, lors de sa réouverture,
qu’une vingtaine de missionnaires sur le terrain. Toutefois, la
fondation à Lyon, le 3 mai 1822, de l’Œuvre de la propagation
de la foi marque le début d’un renouveau pérenne : comptant
parmi les Œuvres pontificales missionnaires, l’institution a pour
rôle de récolter les fonds nécessaires aux financements des
missions. Un effort collectif et populaire sans précédent, et
dont la diffusion des bulletins de l’Œuvre, les Annales de la pro-
pagation de la foi, va devenir la première caisse de résonance :
à travers la publication de lettres envoyées par les mission-
naires depuis leur lieu d’évangélisation, la revue renseignait
non seulement les donateurs quant à la situation de ces der-
niers, mais également un plus large public sur de nombreuses
cultures jusqu’alors parfaitement inconnues.
Sur le continent asiatique, la société des MEP bénéficie
de relais autochtones ou européens de plus en plus impor-
tants. Transféré sur l’île de Penang, en Malaisie, le séminaire
d’Ayutthaya devient le Collège général : dispensant son ensei-
gnement en latin, l’établissement accueille des élèves de toute
l’Asie du Sud-Est. Plusieurs voies s’offrent aux scolastiques,
une fois leur formation terminée : si la plupart d’entre eux sont

48
Missions chrétiennes en Asie

ordonnés dans leur région d’origine par le vicaire apostolique


local, d’autres s’engagent comme traducteurs (latin-langue
maternelle) ou entrent dans l’administration coloniale. La mise
en place, parallèlement, d’un réseau particulièrement consé-
quent de catéchistes et de congrégations de religieuses au-
tochtones renforce également l’implantation des missions. À
l’instar des Amantes de la Croix pour la société vietnamienne,
ces dernières marqueront souvent profondément, par leur
rôle social d’éducation et de charité, les populations dont elles
avaient la charge.

49
Missions chrétiennes en Asie

Des relais innovants


Une nouveauté du « siècle missionnaire » a cependant
été le secours apporté sur place par les congrégations reli-
gieuses et laïques européennes, et en particulier françaises :
Franciscaines missionnaires de Marie (Chine, Inde), Frères des
écoles chrétiennes (Vietnam), Sœurs de l’Enfant-Jésus (Japon,
Malaisie, Singapour), Sœurs de l’Enfant-Jésus de Chauffailles
(Japon), Sœurs de la Providence de Portieux (Chine, Vietnam),
Sœurs de Saint-Joseph de Cluny (Inde), Sœurs de Saint-Paul
de Chartres (Corée, Japon, Vietnam)… Au contraire des institu-
tions indigènes, ces dernières sont parfaitement autonomes :
appelées par les vicaires apostoliques ou les missionnaires,
elles ont notamment vocation à les aider dans leur travail
d’évangélisation. Plus politique, une autre de leur responsabi-
lité sera toutefois également celle de tenir des écoles ou des
hôpitaux fondés par les gouvernements coloniaux.
Enfin, le livre apparaît désormais un relais crucial dans la
diffusion des idées missionnaires. Si le souvenir de la « que-
relle des rites chinois » hante toujours la Congrégation de la
Propagande et les évangélisateurs européens, ces derniers sont
également conscients de la nécessité d’affiner les méthodes
d’apostolat. À cet égard, la société des Missions étrangères de
Paris (MEP) investira considérablement dans l’installation d’im-
primeries modernes. Destinées non seulement à la conversion
des populations autochtones, mais également au soin des
fidèles, leur rendement est très vite important : au milieu du

50
Missions chrétiennes en Asie

XIXe siècle, ce sont ainsi près de 5 000, 6 000 et 7 000 ouvrages


qui sortent chaque année des presses du « Corps d’associa-
tion… », basées à Séoul, Hong Kong et Pondichéry.

51
Missions chrétiennes en Asie

Quel bilan ?

De la répétition de l’Histoire
Si l’implantation de la mission semble à nouveau promet-
teuse, la situation va néanmoins très vite dégénérer : au-delà
des difficultés inhérentes à l’activité apostolique – ainsi notam-
ment de l’incapacité relative des zélateurs à s’adapter aux
cultures locales ou à communiquer avec les populations au-
tochtones –, de nombreux conflits de juridiction éclatent entre
les différentes congrégations missionnaires (Chine, Inde). Un
contexte délétère, renforcé par l’ingérence de plus en plus forte
des puissances européennes en Asie. À cet égard, la première
guerre de l’opium (1839-1842), qui voit la défaite de l’Empire
Qing face au Royaume-Uni, achève de fragiliser une position
finalement toujours délicate : véritable appel à la violence et
aux persécutions, elle marque un tournant majeur dans le rejet
des « barbares d’Occident ».
Au premier rang des affrontements, la société des Missions
étrangères de Paris (MEP) subit de plein fouet ces agressions. Les
missions de Chine, de Corée, de Malaisie ou encore du Vietnam
sont particulièrement touchées : des pertes nombreuses et à
la portée symbolique telle que l’institution est surnommée
le « Séminaire des martyrs ». Une fois encore, contrevenant
aux Instructions… de la Congrégation de la Propagande, les

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Missions chrétiennes en Asie

relations ambiguës entretenues par les missionnaires et leurs


gouvernements nationaux décrédibilisent des missions par
trop ancrées dans les jeux politiques locaux et internationaux.
S’il est vrai que certains zélateurs ont parfois témoigné contre
les pressions et exactions des membres des corps expédition-
naires (administrateurs, commerçants, militaires…), nombreux
sont également ceux qui, favorables à un interventionnisme
énergique des puissances européennes, ont indéniablement
accompagné le processus de colonisation.

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Missions chrétiennes en Asie

D’un siècle à l’autre


La fin du XIXe siècle est marquée par la volonté de la
Congrégation de la Propagande de reprendre la main sur
les missions. En vain. Renouvelant ses appels à l’établisse-
ment d’un clergé autochtone autonome, le Saint-Siège peine
en effet, faute de connaissance véritable du terrain, à faire
entendre sa position. En Chine, certains missionnaires euro-
péens refusent tout bonnement de répondre à l’exigence de
la papauté d’ériger de nouveaux vicariats apostoliques : étant
donné la situation politique dans le pays, ces derniers craignent
un nationalisme exacerbé, selon eux capable de provoquer un
schisme. En outre, la question des protectorats occidentaux,
en particulier ceux de la France et du Portugal, met à mal la
volonté de Rome d’établir une chrétienté centralisée et indé-
pendante. De même, l’ambiguïté des liens entre les missions
et la colonisation empêche cette dernière de s’affirmer comme
une autorité morale internationale.
L’écrin du XXe siècle n’est pas moins douloureux.
Profondément ancrées dans les jeux politiques locaux et inter-
nationaux, les missions pâtissent d’un contexte général et asia-
tique particulièrement trouble : la Seconde Guerre mondiale
puis l’avènement des régimes communistes sur le continent sont
les théâtres morbides d’événements sanglants. Notamment
expulsée de Birmanie, du Cambodge, de Chine, du Laos, du
Tibet et du Vietnam, la société des Missions étrangères de
Paris (MEP) ne retrouvera jamais l’aura qui fut la sienne : bien

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Missions chrétiennes en Asie

qu’implantée, aujourd’hui encore, dans de nombreux pays de


la région (Chine [Hong Kong], Corée, Inde, Indonésie, Japon,
Malaisie, Taïwan, Thaïlande, Singapour), sa présence est dé-
sormais soumise à l’autorité des évêques locaux. Un dernier
pays fait cependant figure d’exception : le Cambodge, où les
missionnaires français sont revenus progressivement depuis
les années 1990. En effet, le royaume est le dernier pays d’Asie
dont le vicaire apostolique est encore français. La raison en
est très simple : l’anéantissement, entre 1975 et 1979, de tout
le clergé cambodgien par les Khmers rouges.

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Missions chrétiennes en Asie

Histoire d’un échec relatif


Force est de constater aujourd’hui l’échec relatif de la mis-
sion en Asie : à l’exception des Philippines, où il s’est imposé
comme la religion dominante, le christianisme n’occupe en ef-
fet sur le continent qu’une place mineure, voire précaire. Pis, ja-
mais l’Évangile n’a semblé en mesure de s’établir durablement
où que ce soit : si certes les missionnaires européens ont leur
part de responsabilité, l’incapacité surtout de la religion chré-
tienne, alors une religion étrangère, à ébranler les croyances
et religions locales diverses, en particulier le bouddhisme et
l’islam. Une tâche d’autant plus impossible que, souvent liée
à la présence de puissances nationales colonisatrices, elle fut
davantage l’épée que la croix : qui pour réussir à persuader
de l’amour de Jésus-Christ, quand sa réalité a semblé avant
tout celle du pouvoir et du sang ? Enfin, les succès nombreux
du socialisme, à partir de la deuxième moitié du XXe siècle,
contribueront à décrédibiliser davantage une mission et reli-
gion chrétienne à l’image difficile : une image souvent néga-
tive, cependant relativisée par l’existence, aujourd’hui encore,
d’œuvres d’éducation et de charité, et dont le rôle social ne
peut simplement pas être négligé.

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Missions chrétiennes en Asie

Le christianisme en Asie
aujourd’hui
Quels statuts du christianisme en Asie aujourd’hui ? Tour
d’horizon sur une situation plurielle, à travers les exemples de
la Chine, de l’Inde et du Japon.

Chine
Le christianisme chinois contemporain est un christianisme
miraculé. Au bord de la disparition durant la période maoïste
(1949-1976), il apparaît aujourd’hui comme un symbole de
renouveau culturel et de modernité. Une situation étonnante
dont les racines remontent au début du XXe siècle : implacable,
la « révolution culturelle » de Mao Zedong n’est, en effet, pas
seule responsable de la déconstruction culturelle telle que dé-
noncée par les observateurs. Accusées d’obscurantisme féodal,
mais également rendues responsables du retard économique
du pays, les traditions confucéenne et taoïste sont également,
depuis la proclamation de la République de Chine en 1912, la
cible des intellectuels chinois. Assurément, la modernisation
de l’économie domestique ne saurait aboutir sans une culture
de la modernité : une culture de la confrontation, tant de nos
jours le reflet d’une tradition nationale qu’européenne. Un lieu
de rencontre certes difficile et source de tensions – ainsi de

57
Missions chrétiennes en Asie

l’établissement d’églises dites « patriotiques », patronnées par


le régime communiste et refusant tout dialogue avec le Saint-
Siège –, mais un espoir aussi. Celui d’une ouverture sur un
ailleurs ni chinois ni occidental.
La communauté chrétienne de la République populaire de
Chine compte près de 45 millions de fidèles : entre 12 et 14 mil-
lions de catholiques et plus de 30 millions de protestants.

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Missions chrétiennes en Asie

Inde
Constituant une faible proportion de la population in-
dienne (2,3 %, soit environ 24 millions de personnes), les com-
munautés chrétiennes sont en Inde une minorité « protégée ».
Une situation de relative sécurité encore impensable lors de la
naissance en 1947 de l’Union indienne : confronté à l’un des
épisodes les plus sanglants de son histoire, le pays est en effet
traversé de vagues de violences inimaginables entre les hin-
dous et les musulmans. Une série de représailles intolérables
qui ne manqueront pas de toucher également un christianisme
alors dénoncé, notamment du fait de ses liens avec le monde
occidental, comme un élément perturbateur de l’ordre social.
Relativement en retrait des affaires du sous-continent, les
chrétiens jouent cependant dans les domaines de la santé,
de l’aide sociale et de l’éducation un rôle de premier plan. Ce
sont ainsi près de 15 % des Indiens qui transitent par leurs
centres de soins, et 10 à 12 % des élèves et des étudiants qui
fréquentent leurs établissements scolaires.
La communauté chrétienne de l’Inde est majoritairement
catholique (57 %). Ils sont divisés en trois groupes selon leur
rite : rite latin (72 %) ; rite syro-malabar (24 %) ; rite syro-malan-
kara (4 %). Autre statistique importante : les « intouchables »
représentent aujourd’hui entre 60 % et 70 % des chrétiens
indiens.

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Missions chrétiennes en Asie

Japon
Au contraire de ses pendants chinois et indiens, bien vi-
vants et capables de se projeter dans l’avenir, le christianisme
japonais contemporain tend pour sa part à disparaître len-
tement. Il faut dire que le Japon entretient avec l’étranger
des rapports particulièrement ambigus : certes ouvert sur le
monde, l’archipel ressent également de plus en plus le be-
soin d’affirmer une identité qu’il sent menacée par une trop
grande occidentalisation de sa société. Une affirmation sous
la forme souvent d’un nationalisme exacerbé, et dont l’arri-
vée des Occidentaux, lors de la réouverture forcée du pays au
milieu du XIXe siècle, et l’occupation des États-Unis après la
Seconde Guerre mondiale ont posé les solides fondations : un
contexte pesant, qui explique la difficulté pour les Japonais à
se convertir à une religion considérée encore comme tout à fait
étrangère à leur culture. Expression de l’ambivalence nippone,
le christianisme jouit cependant sur l’archipel d’une image po-
pulaire. Les Japonais sont ainsi nombreux à se marier à l’église
ou à célébrer Noël sans être de confession chrétienne.
Les chrétiens ne représentent au Japon que 1 % de la po-
pulation. Une communauté d’environ 650 000 protestants et
440 000 catholiques.

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Missions chrétiennes en Asie

Conclusion
L’histoire du christianisme en Asie est une histoire plu-
rielle. Une histoire, dont il est difficile d’évoquer l’entièreté, tant
la multiplicité des espaces et des temporalités qui l’animent
oblige à des choix et un horizon parfois limité.
Cependant, évoquer les relations entre la religion chré-
tienne et le continent asiatique est aussi l’opportunité de ré-
véler un monde connecté : une invitation au voyage qui, de
l’Antiquité jusqu’à nos jours, esquisse le portrait d’une région
du monde complexe et souvent mal comprise.
Assurément, une occasion unique de relativiser une posi-
tion historique européano-centriste : l’identité du christianisme
asiatique est aussi celle de l’Asie qui l’a vu naître. La com-
prendre, la projeter ne saurait être l’affaire d’une seule culture,
mais celle, bien plus précieuse, de dialogues nombreux. Dans
un contexte contemporain de repli sur soi, une perspective
comme une mosaïque absolument nécessaire.

61
Missions chrétiennes en Asie

Glossaire

Contre-Réforme : l’expression « Contre-Réforme » désigne gé-


néralement le mouvement par lequel l’Église catholique ro-
maine réagit au XVIe siècle face à la « Réforme » ou Réforme
protestante.

Daimyō : titre de noblesse japonais durant la période féodale.


Le daimyō était un vassal direct du shōgun.

Diocèse : le diocèse est une circonscription ecclésiastique ad-


ministrée par un évêque ou un archevêque. Il porte le nom
de la ville où réside l’évêque/l’archevêque et où se trouve la
cathédrale.

Diocèse suffragant : le diocèse suffragant est un diocèse fai-


sant partie d’une province ecclésiastique.

Église autocéphale : une église autocéphale est une église


chrétienne de rite oriental qui ne dépend que d’elle-même et
a sa propre hiérarchie.

Ilkhan : les ilkhan sont les descendants d’Hülegü Khan (1217-


1265), frère du grand Khan mongol Kubilai (1260-1294). Ayant
conquis et réunifié l’Iran dans la seconde partie du XIIIe siècle, ils
s’efforceront, en vain, de conclure une alliance antimusulmane

62
Missions chrétiennes en Asie

avec les princes chrétiens, mais également les croisés et les


Arméniens de Cilicie. Une tentative stratégique, destinée à leur
permettre de vaincre leurs principaux rivaux : les Mamelouk
d’Égypte, auxquels ils disputent la Syrie.

Manichéen : les manichéens sont des sectateurs du mouvement


créé par Mani (216-276), « l’Envoyé de la lumière », un Persan
élevé dans le milieu de langue araméenne des Elkasaïtes, des
judéo-chrétiens de Mésopotamie du Sud, et influencé par le
dualisme iranien et le bouddhisme, un temps soutenu par le
roi perse Shapur I (241-272). L’Église manichéenne se répandit,
vers l’ouest dans l’Empire romain et vers l’est en Asie centrale
et jusqu’en Chine.

Melkite : les melkites sont des chrétiens du patriarcat d’An-


tioche, fidèles à l’empereur Justinien et qui ont accepté la défi-
nition du concile de Chalcédoine (451). Aujourd’hui, le terme
melkite désigne la communauté de rite byzantin qui s’est unie
à Rome au XVIIe siècle.

Métropolite : synonyme d’archevêque dans certaines Églises


d’Orient.

Ministère : le ministère est le service confié par l’évêque à un


membre de l’Église. Généralement, il désigne l’ensemble des
fonctions du prêtre.

63
Missions chrétiennes en Asie

Mission : la mission est l’annonce de l’Évangile dans le monde


entier. Elle recouvre au fil du temps, deux réalités différentes :
jusqu’au XVIe siècle, la mission de l’Église signifiait que l’Église
était envoyée par Dieu. L’Église était ainsi l’objet de la mis-
sion. Depuis le XVIe siècle, elle signifie l’effort d’évangélisa-
tion de cette dernière et est ainsi désormais la charge confiée
par l’Église à certains de ses membres d’annoncer la Bonne
Nouvelle en pays de tradition non chrétienne.

Missionnaire : le missionnaire est celui qui, au nom de Dieu,


annonce l’Évangile. On l’appelle aussi évangélisateur.

Œuvres pontificales missionnaires : les Œuvres pontificales


missionnaires (OPM) ont pour rôle de « promouvoir l’esprit mis-
sionnaire universel au sein du Peuple de Dieu ». Elles récoltent
les fonds nécessaires aux financements des missions.

Ouïghours : Plusieurs groupes tribaux dominèrent la steppe et


les peuples turcs : tout d’abord les deux Empires des Turcs, de
552 à 630, puis de 682 à 742. Les Ouïghours leur succédèrent
à partir de 744 et jusqu’en 840 dans la steppe puis repliés au
sud jusqu’en 1250.

Propagande : créée en 1622 par le pape Grégoire XV, la


Propagande, ou Congrégation pour la Propagation de la foi,
est chargée des œuvres missionnaires de l’Église.

64
Missions chrétiennes en Asie

Province ecclésiastique : une province ecclésiastique est un


regroupement de diocèses. Elle est administrée par un arche-
vêque métropolitain.

Shōgun : titre de noblesse japonais durant l’époque féodale.


Chef militaire et civil, le shōgun assumait l’intégralité des pou-
voirs politiques et administratifs de l’Empire japonais.

Sogdiens : grands commerçants, les Sogdiens connurent leur


apogée au début de l’ère chrétienne et donnèrent leur nom à
la Sogdiane, un vaste territoire qui recouvrirait aujourd’hui en
partie l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et l’Afghanistan.

Vicaire apostolique : prélat chargé par le pape de l’adminis-


tration d’un territoire qui n’a pas encore été érigé en diocèse.
Dépendant du Saint-Siège exclusivement, le vicaire aposto-
lique a les pouvoirs d’un évêque, mais non le titre de ce dernier.

Zoroastrien : du nom du prophète Zoroastre, apparu en Perse


en 618 av. J.-C. et qui y implanta sa religion, devenue, sous les
Sassanides (224-651), religion d’État.

65
Missions chrétiennes en Asie

Bibliographie
Sources

Pier Giorgio (trad.) BORBONE, Un ambassadeur du Khan Argun


en Occident. Histoire de Mar Yahballah III et de Rabban Sauma
(1281-1317), Paris, L’Harmattan, 2008.

Jean DE PLAN CARPIN, Dans l’Empire mongol (textes ras-


semblés, présentés et traduits du latin par Thomas Tanase),
Toulouse, Anacharsis, 2014.

Guillaume DE RUBROUCK, Voyage dans l’empire mongol.


1253-1255 (traduction et commentaire de Claude-Claire et
René Kappler), Paris, Imprimerie nationale, 1993.

Bernard JACQUELINE, Jean GUENNOU, André MARILLIER,


Instructions aux vicaires apostoliques des royaumes du Tonkin
et de la Cochinchine (1659) & Instructions pour ceux qui iront
fonder une mission dans les royaumes du Laos et d’autres
pays (1682), Paris, Archives des Missions étrangères, 2008.

Pierre LAMBERT DE LA MOTTE, François PALLU, Monita


ad Misionarios. Instructions aux Missionnaires de la S.
Congrégation de la Propagande, rédigées en 1665, Paris,
Archives des Missions étrangères, 2000.

Louis LANEAU, Rencontre avec un sage bouddhiste, Genève,


Ad Solem/Paris, Cerf, 1998.

66
Missions chrétiennes en Asie

Ouvrages

Guillaume AROTÇARENA, Paul JOBIN, Jean-François SABOURET


(sous la dir.), Démocratie, modernité et christianisme en Asie,
Paris, Les Indes Savantes, 2009.

Pier Giorgio BORBONE, Pierre MARSONE (éds.), Le christianisme


syriaque en Asie centrale et en Chine, Études syriaques 12,
Paris, Geuthner, 2015.

Françoise BRIQUEL CHATONNET, Muriel DEBIÉ, Le Monde


syriaque. Sur les routes d’un christianisme ignoré, Paris, Les
Belles Lettres, 2017.

Henri CHAPPOULIE, Rome et les missions d’Indochine au


XVIIe siècle, t. 1, Paris, Bloud et Gay, 1943.

Henri CHAPPOULIE, Rome et les missions d’Indochine au


XVIIe siècle, t. 2, Paris, Bloud et Gay, 1948.

Pierre DUNOYER, Histoire du catholicisme au Japon (1543-


1945), Paris, Cerf, 2011.

Pierre DUNOYER, Christianisme et idéologie au Japon (XVIe -


XIXe siècles), Paris, Cerf, 2011.

Françoise FAUCONNET-BUZELIN, Aux sources des Missions


étrangères. Pierre Lambert de la Motte (1624-1679), Paris,
Perrin, 2006.

67
Missions chrétiennes en Asie

Alain FOREST, Les missionnaires français au Tonkin et au Siam.


XVIIe-XVIIIe siècles. Analyse comparée d’un relatif succès et
d’un total échec, 3 vols., Paris, L’Harmattan, 1998.

Alain FOREST, Yoshiharu TSUBOI (éds.), Catholicisme et sociétés


asiatiques, Paris, L’Harmattan/ Tokyo, Sophia University, 1988.

Jean GUENNOU, Les Missions étrangères de Paris, Paris, Le


Sarment/Fayard, 1986.

Nathalie KOUAMÉ, Le christianisme à l’épreuve du Japon mé-


diéval ou les vicissitudes de la première mondialisation. 1549-
1569, Paris, Karthala, 2016.

Marcel LAUNAY, Gérard MOUSSAY (sous la dir.), Les Missions


étrangères. Trois siècles et demi d’histoire et d’aventures en
Asie, Paris, Perrin, 2008.

Philippe LÉCRIVAIN, Les missions jésuites. Pour une plus grande


gloire de Dieu, Paris, Gallimard, 2005.

Gérard MOUSSAY (sous la dir.), Les Missions étrangères en


Asie et dans l’océan Indien, Paris, Les Indes savantes/Missions
étrangères de Paris, 2007.

Gérard MOUSSAY, Bibliographie des Missions étrangères.


Civilisations, religions et langues d’Asie, Paris, Les Indes sa-
vantes/Missions étrangères de Paris, 2008.

Jean RICHARD, Au-delà de la Perse et de l’Arménie. L’Orient


latin et la découverte de l’Asie intérieure, Turnhout, Brepols,
2005.

68
Missions chrétiennes en Asie

Thomas TANASE, « Jusqu’aux limites du monde ». La papauté


et la mission franciscaine, de l’Asie de Marco Polo à l’Amérique
de Christophe Colomb, Rome, École française de Rome, 2013.

Gilles VAN GRASDORFF, À la découverte de l’Asie avec les


Missions Étrangères, Paris, Omnibus, 2008.

Périodiques
Nathalie KOUAMÉ (sous la dir.), « La première évangélisation du
Japon. XVIe-XVIIe s. Perspectives japonaises » (Dossier), Histoire
& Missions Chrétiennes 11, 2009, pp. 5-163.

Catherine MARIN (sous la dir.), « À la rencontre de l’Asie. La


Société des Missions Étrangères de Paris. 1658-2008 » (Dossier),
Histoire & Missions Chrétiennes 7, 2008, pp. 5-120.

Bernadette TRUCHET (sous la dir.), « Matteo Ricci (1552-1610)


une porte toujours ouverte entre Occident et Orient » (Dossier),
Histoire & Missions Chrétiennes 18, 2011, pp. 5-148.

Sites Internet
www.jesuites.com (Compagnie de Jésus)

www.mepasie.org (Missions étrangères de Paris)

www.opm-france.org (Œuvres pontificales missionnaires)


w2.vatican.va/content/vatican/fr.html (Vatican)

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Le missionnaire jésuite italien
Matteo Ricci (1552-1610)
et le lettré Xu Guangqi
(1562-1633), baptisé en 1603.
Shanghai,
cathédrale Saint-Ignatius.
© Selva/Leemage

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