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Découvrir autrement

Les fous de Dieu du monde antique


Par Marie-Françoise Baslez
• Le fanatisme est-il déjà une réalité • Quels aspects du christianisme
et un problème dans l’Antiquité étaient ainsi visés ?
quand émergent les monothéismes
• Le martyr est-il une représentation
juif et chrétien ?
chrétienne du « fou de Dieu » ?
• Y a-t-il un concept biblique équivalent ?
• N’est-ce pas assimiler le martyre
• Quels sont les premiers cultes visés à un acte d’autodestruction ?
à Rome comme fanatiques ?
• Comment comprendre la formule
• Le fanatisme se définit donc déjà de Tertullien « Sang des martyrs,
comme un excès pathologique semence de chrétiens » ?
de la croyance ?
• Jusqu’où pousser le comparatisme ?
• Outre la question éthique Le martyr chrétien
et civilisationnelle, la relation n’a-t-il rien de spécifique ?
du religieux au politique
• Pourtant le persécuté ne devient-il pas
n’est-elle pas en cause ?
un persécuteur, en passant
• Revenons sur les insurrections juives de la résistance passive à l’activisme
et sur la révolte des Maccabées. quand change le rapport de forces
entre les religions ?
• Le fanatisme ne l’a pas emporté.
Mais n’est-ce pas le début • Il y a quand même des faits
d’une fracture à l’intérieur irréductibles, comme le lynchage
du judaïsme, qui ne cessa de se creuser de la philosophe païenne Hypatie
jusqu’à la guerre contre Rome ? à Alexandrie en 415.
• Les zélotes étaient • Les « fous de Dieu » sont donc
donc des extrémistes. désormais identifiés aux moines.
• Sicaires et zélotes, n’est-ce pas • Il existe pourtant un autre schéma
la même chose ? interprétatif de la christianisation.
• Y a-t-il un lien entre l’antijudaïsme • L’image du moine guerrier s’efface
des Grecs et des Romains devant celle de l’ascète.
et l’accusation de fanatisme ?
• Pour en savoir plus
• Le fanatisme fut-il souvent associé
au prosélytisme ?

• En musique avec Dominique Pierre


• Quiz sur les fous de Dieu du monde antique
• Livre numérique mode d’emploi

2
Par Marie-Françoise Baslez
professeur émérite d’histoire des religions
de l’Antiquité à l’université Paris-Sorbonne

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Depuis le 11 septembre 2001, sont revenus au premier plan
de l’actualité ceux que l’on appelle les « fous de Dieu » parce
qu’ils cherchent à détruire l’ordre établi et n’hésitent pas à se
détruire eux-mêmes au nom d’une certitude de foi. Le terrorisme
contemporain a ainsi porté l’étude du fanatisme à la une des
médias et même ouvert l’un des axes majeurs de la recherche
historique actuelle – surtout en Amérique du Nord, durablement
marquée par l’événement spectaculaire du 11 septembre.
On se préoccupe donc de faire une histoire des fanatismes
afin de déterminer à partir de quand et dans quel contexte
la violence inhérente à toute société s’exprime sur un mode
religieux en instrumentalisant le sacré. Le fanatisme est-il
une invariante anthropologique ? Ou bien son émergence et
ses résurgences sont-elles liées à l’histoire des monothéismes,
religions par définition exclusives ?

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Le fanatisme est-il déjà une réalité
et un problème dans l’Antiquité
quand émergent les monothéismes
juif et chrétien ?
Contrairement à ce que l’on pense souvent, le fanatisme
n’est pas un phénomène qui a été identifié et dénoncé au
XVIe siècle, au moment de la Réforme et des guerres de religion.
Luther et Calvin ont alors appliqué le terme « fanatique » à des
protestants extrémistes qui voulaient détruire la société civile
pour purifier le monde de l’idolâtrie et instaurer immédiatement
le Royaume de Dieu. Mais l’appellation de fanaticus apparaît
bien à l’époque romaine, au Ier siècle avant notre ère dans le
latin classique de Cicéron. Son étymologie est intéressante :
fanaticus est dérivé de fanum, qui désigne en latin un « lieu
consacré », en général un petit sanctuaire qui n’est pas intégré
dans le paysage monumental urbain. On peut donc traduire
fanaticus par « serviteur du temple » et définir le fanatique au
sens premier du terme comme quelqu’un qui s’enferme dans
le sacré, dans un lieu écarté et dans une communauté exclu-
sive. Il se sépare de la cité – disons, de la société civile – alors
que dans le monde antique et tout particulièrement à Rome,
la vie religieuse devait tisser du lien social, à travers des rituels
collectifs qui relevaient de la participation civique. Cette défini-
tion étymologique peut servir de point de départ à une analyse
phénoménologique du fanatisme.
Fanaticus a pu prendre le sens d’« inspiré des dieux »,
concept très ambivalent, et désigner un comportement qui l’est

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également. Le verbe fanare signifie « consacrer », au passif « se
consacrer », ce qui génère dans certains contextes rituels une
gestuelle spécifique : il faut traduire alors par « se démener en
fanatique ». C’est l’équivalent du grec enthousiazein, « être ins-
piré par les dieux » au sens d’« avoir le divin en soi », c’est-à-dire
être animé de transports extatiques. Le concept grec d’« enthou-
siasme » renvoie à un état de possession mystique pour le meil-
leur comme pour le pire. L’Antiquité avait perçu cette ambiguïté
qui caractérise le religieux et que Régis Debray a voulu rendre
par la métaphore du « feu sacré », « foyer ou volcan, domestique
ou sauvage, vivifiant ou mortifère ».

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Y a-t-il un concept biblique
équivalent ?
C’est celui de « zèle pour Dieu », zélos en grec. Il désigne
dans son acception la plus large un sentiment passionné qui
pousse à suivre une personne ou un idéal. Le judaïsme hellénisé
en a tiré l’appellation de « zélote » pour qualifier les membres
d’un groupe religieux entièrement dévoué à la Loi. Dans la
Septante, « zèle » traduit l’hébreu qin’ah, qui signifie souvent
« jalousie ». Le Dieu de la Bible est en effet un Dieu « jaloux » en
ce sens qu’il exige l’exclusivité de la relation. Cette jalousie de
Dieu est affirmée dans le Décalogue et dans tous les textes qui
interdisent les cultes polythéistes. Elle est à la base de l’alliance
de Yahvé avec le peuple d’Israël, qui suppose un choix et un
engagement du croyant. En conséquence, le « zèle » peut dési-
gner une grande ardeur pour le Seigneur, comme celle que
manifeste le prophète Élie quand il constate que l’Alliance est
délaissée. Mais il est surtout dirigé contre les idolâtres, c’est-à-
dire les adeptes des cultes polythéistes. La figure de référence
est alors le grand prêtre Pinhas, petit-fils d’Aaron et petit-neveu
de Moïse, qui tue un Israélite passé au culte de Baal-Péor, ainsi
que la femme étrangère qui l’avait séduit. En récompense de
son « zèle », il reçoit le sacerdoce à perpétuité. Il est abondam-
ment cité comme exemple de « zèle pour la Loi » à l’époque de
la domination grecque (IIIe -IIe siècle) et il inspire directement
l’instigateur de la révolte des Maccabées vers 167 avant notre
ère. Mis en situation de participer à un culte idolâtre, Mattathias
se sent animé d’un véritable « feu sacré », d’une ardeur furieuse :
« [son] zèle s’enflamma et ses reins frémirent », le poussant à

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renverser l’autel et à égorger le fonctionnaire chargé du culte
ainsi que premier juif prêt à sacrifier. La violence religieuse se
trouve dès lors justifiée. Le zèle politique dérive ainsi du zèle
religieux et s’en veut l’héritier.
Une réflexion sur le « zèle pour Dieu » se retrouve dans les
épîtres de Paul, mais avec un déplacement d’accent, puisque
la lutte contre l’idolâtrie n’est plus autant en cause. La notion
garde son ambivalence. En mauvaise part, c’est un facteur de
division et un fauteur de troubles ; en bonne part, c’est l’empres-
sement du converti. Dans tous les cas, celui qui est « animé du
zèle pour Dieu » (zélote) est le contraire d’un tiède !

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Quels sont les premiers cultes visés
à Rome comme fanatiques ?
Il ne s’agit pas du monothéisme juif, ni même seulement
de cultes « barbares », mais des cultes de Cybèle, de Mâ et
de Bellone. Les deux premiers sont venus d’Orient (l’actuelle
Turquie), et le troisième est proprement romain : Bellone, la di-
vinité romaine de la guerre, a été progressivement identifiée
à la déesse Mâ et associée à Cybèle, la Grande Mère d’Asie
Mineure, matronale et nourricière. Ces cultes se caractérisent
par des pratiques rituelles excessives, qui pouvaient aller jusqu’à
l’automutilation. Certains de leurs desservants, vêtus de noir, se
livraient à des danses armées, tournoyant sur eux-mêmes les
cheveux au vent au son des tambourins et des trompettes, en
brandissant des haches à double tranchant. Entrés en transes,
ils se flagellaient avec des fouets garnis d’osselets et ils se tailla-
daient les bras pour asperger la déesse de leur sang, avant de
prédire l’avenir. Ils développaient ainsi un charisme prophétique
dont profitait la communauté religieuse et que sollicitaient à
l’occasion les hommes politiques romains. Les fanatici, « ceux
du temple », n’étaient pas les dévots ordinaires, mais consti-
tuaient une catégorie particulière de desservants, qui s’étaient
entièrement consacrés au service de la divinité et qui s’étaient
libérés des contraintes charnelles en mortifiant leur corps.
Dans le culte de Cybèle et dans celui de la déesse syrienne,
où ils portaient le nom générique (mais indéterminé) de « galles »,
ces desservants se définissaient eux-mêmes comme les « camé-
riers » de la déesse, ce qui équivaut à « serviteur du temple », un

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autre sens de fanaticus. Pour s’assurer de lui rester fidèles, ils
ajoutaient la castration volontaire aux mutilations et aux flagel-
lations, ce qui était un moyen de se séparer définitivement du
monde séculier ; après l’éviration, on les tatouait pour imprimer
dans leur chair leur appartenance à la divinité. Tout cela avait
lieu le Jour du Sang, 24 mars, dans le culte de Cybèle, au cours
d’un cycle liturgique qui célébrait le printemps et le renouveau
de la nature à travers la mort et la résurrection d’un dieu de la
végétation, Attis, associé à la Grande Mère. Mutilations et effu-
sion de sang devaient permettre aux galles de devenir à leur
tour des Attis et d’accéder à l’immortalité des dieux. Le carac-
tère sanglant du culte se renforça encore à partir de la fin du
IIe siècle avec l’institution d’un rituel collectif nouveau, celui du
taurobole (immolation d’un taureau), que les auteurs chrétiens
ont présenté comme un baptême du sang, assurant à l’initié sa
re-naissance à une vie immortelle.

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Le fanatisme se définit
donc déjà comme un excès
pathologique de la croyance ?

Le fanatisme est défini incontestablement comme un ex-


cès, alors que l’éthique et le comportement individuel ou social
du monde gréco-romain avait pour norme la mesure. La plus
grande faute contre les dieux était la « démesure » (hybris), qui
appelait un châtiment divin immédiat. « Rien de trop » était la
maxime proclamée et affichée sur l’un des frontons du temple
de Delphes, lui-même considéré comme le « nombril du monde »
dans un positionnement à la fois géographique et symbolique.
Selon le raisonnement ethnocentrique des Grecs, plus on en
était éloigné, plus on était loin de leur mode de vie et de leurs
valeurs. Ainsi s’était construite l’opposition entre Grecs civilisés
et Barbares.
Dès l’Antiquité, l’accusation de fanatisme participe de cette
opposition, en rejetant les religions incriminées du côté des
cultes étrangers ou étranges, venus de l’Orient. Sous l’Empire
romain, des intellectuels comme Tacite, Pline et Juvénal ont
le sentiment d’appartenir à une civilisation universelle et sont
tentés de taxer de fanatisme les Barbares qui refusent l’hu-
manisme ou les religions nouvelles qui remettent en question
cette conception du monde. Ils font évoluer le terme fanaticus
de son acception première de « serviteur du temple d’une divi-
nité exotique », à celle de « superstitieux ». Pour Cicéron, déjà,
la « superstition », qui s’oppose à la véritable « piété », désigne

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une forme de religion exotique ou excessive, qui ne paraît pas
acceptable pour des hommes de tradition et de modération.
Le soupçon ou le reproche d’être une « superstition » et non
une religion participant du bien commun a quelquefois été fait
aux cultes égyptiens, mais surtout aux pratiques magiques, à
l’astrologie chaldéenne, c’est-à-dire babylonienne, au druidisme,
au judaïsme et pendant longtemps au christianisme.
La dénonciation, circonstancielle ou permanente, du fana-
tisme repose toujours sur des critères d’inhumanité, qui vont
explicitement du culte des animaux (la religion gréco-romaine
étant anthropomorphique) au sacrifice humain ou au canniba-
lisme rituel en passant par la castration. On pouvait aussi se
référer de façon assez vague à des « superstitions cruelles ». La
castration fut interdite par la législation impériale au milieu du
IIe siècle de notre ère, prise dans un sens extensif qui incluait la
circoncision. On exempta assez rapidement les juifs, au motif
que cette pratique était un élément de leur identification eth-
nique et traditionnelle comme descendants d’Abraham, l’an-
cêtre commun du peuple d’Israël. Le législateur estima donc
cette pratique justifiée par son ancienneté, contrairement à
d’autres jugées « immorales ».

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Outre la question éthique
et civilisationnelle, la relation
du religieux au politique
n’est-elle pas en cause ?
Les menées subversives de quelques communautés reli-
gieuses à certaines périodes de leur histoire les ont fait accuser
de fanatisme, chaque fois qu’un peuple de l’Empire romain a
donné une justification religieuse à une rébellion politique. On
pense évidemment aux deux insurrections juives contre Rome
en 66-70 et en 135, déjà précédées par la révolte des Maccabées
contre la domination grecque au IIe siècle avant notre ère, sur
lesquelles on reviendra. Cependant la répression du fanatisme
frappa tout autant le druidisme gaulois que le monothéisme juif,
car il était également jugé mortifère pour Rome. Frappé d’un
interdit légal par Auguste, le druidisme fut sévèrement réprimé
par Tibère, puis par Claude, plus encore après l’incendie du
Capitole en 69 de notre ère, car cette catastrophe était associée
à des oracles qui prophétisaient la ruine de l’Empire romain et
l’avènement d’une domination gauloise. La révolte du chef gau-
lois Marricus au printemps 69 fut présentée comme celle d’un
« inspiré », à la tête d’une « multitude fanatique ». Cependant,
l’accusation de fanatisme restait assez vague : Rome mit en
avant des « superstitions cruelles » – explicitement des sacrifices
humains – et des rites « féminisés ». C’est donc fondamentale-
ment l’inversion du modèle romain qui était en cause, la révolte
de Marricus tendant à l’établissement d’une théocratie où la loi
sacrée primait sur la loi civile.

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Revenons sur les insurrections juives
et sur la révolte des Maccabées.
La révolte des Maccabées, qui éclata en Judée entre 168 et
160, a réintroduit la politique dans le religieux en valorisant l’ac-
tivisme religieux et elle a légitimé le recours à l’action violente.
Mattathias, son instigateur, avait, comme on l’a vu, « tué pour
la Loi » ; d’autres acceptèrent de « mourir pour la Loi », les uns
au combat, d’autres dans des attitudes de résistance passive,
d’autres encore en faisant volontairement le sacrifice de leur vie.
Parmi ces morts volontaires, on retiendra la figure embléma-
tique d’Éléazar (« Dieu aide »), fils de Mattathias et frère de Judas
Maccabée qui dirigea l’insurrection entre 166 et 160. Dans un
récit fondateur, qui présente la bataille de Bethzacharia comme
un affrontement direct entre les juifs et le roi grec persécuteur,
il décide d’abattre l’éléphant royal, qui portait le souverain et
qui était le pivot du dispositif de bataille, en s’avançant sciem-
ment vers une mort certaine. Son sacrifice est vain, l’idéologie
maccabéenne développant l’idée qu’il ne sert à rien de mourir
en martyr et que seuls l’engagement armé et la victoire militaire
peuvent installer la liberté religieuse.
C’est un mouvement que l’on peut qualifier d’intégriste. La
cause lointaine en est la sécularisation que connaît la Judée
après plus d’un siècle d’hellénisation et qui conduit une par-
tie des Judéens à abandonner certains des préceptes et des
interdits de la Torah. L’événement déclencheur fut la tentative
d’un souverain grec pour reprendre en main tous les temples
de son royaume et procéder à une réorganisation centralisée

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de tous les cultes. Les particularismes religieux des juifs – sab-
bat, circoncision, abstinence de porc – furent interdits et les
dieux grecs dynastiques installés dans le Temple de Jérusalem,
qui perdait ses privilèges et ses exemptions. Dans un premier
temps, les Judéens se cachèrent pour pouvoir pratiquer le sab-
bat. Le passage à l’action violente résulte de l’échec de la résis-
tance passive. Il prit la forme d’une guerre de partisans, les
insurgés menant des razzias sur les caravanes de marchands
et sur les grandes propriétés de juifs hellénisés. Ce fut aussi un
mouvement charismatique, dont l’histoire militaire est scandée
par nombre d’interventions divines et d’événements surnaturels :
dans les chroniques juives, l’instrumentalisation du sacré dia-
bolise l’ennemi et légitime les chefs. Le but en est la libération
du Temple et la liberté de culte, non pas l’éradication de l’hellé-
nisme. On parvint assez vite à une solution politique avec l’éta-
blissement d’un État juif de compromis, où l’on pouvait « vivre
en citoyens [c’est-à-dire en Grecs] selon le judaïsme [c’est-à-dire
en observant la Torah] », ce qui nécessitait des exemptions.

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Le fanatisme ne l’a pas emporté.
Mais n’est-ce pas le début
d’une fracture à l’intérieur
du judaïsme, qui ne cessa de se creuser
jusqu’à la guerre contre Rome ?
En effet, des catégories de « séparés » émergent dans le
judaïsme avec la crise maccabéenne. En 168 avant notre ère,
les « pieux » (hassidim) firent le choix de la résistance passive,
quittant Jérusalem pour se retirer au désert et fuir les pratiques
idolâtres introduites dans le Temple. Ils réoccupèrent des caches
qui avaient déjà servi lors de la conquête d’Alexandre. Assiégés
par l’armée royale, leur stricte observance des commande-
ments leur interdit d’agir le jour du sabbat et de se défendre.
Ils avaient rallié dans un premier temps le mouvement de Judas
Maccabée, mais ils s’en séparèrent quand celui-ci commença
de mener des opérations militaires défensives le jour du sab-
bat, en transgressant la Loi. La rupture devint définitive, quand
les frères de Judas Maccabée décidèrent d’assumer la charge
de grand prêtre, pour laquelle ils n’avaient aucune légitimité.
Les esséniens se séparèrent eux aussi pour cette raison même,
refusant de participer au rituel sacrificiel du Temple tant que
n’y officierait pas un grand prêtre de la dynastie sacerdotale. Ils
se retirèrent aux confins du désert. Les documents de Qumrân
ont fait connaître l’histoire et l’organisation très exclusive d’une
communauté religieuse dirigée par un Maître de Justice, qui
se représente en victime du pouvoir sinon en martyr. C’est une

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communauté fermée sur elle-même et intransigeante dans sa
pratique rituelle, qui partage sa vie entre la prière, l’étude et le
travail manuel. Elle eut ses martyrs, qui acceptaient la mort « en
souriant » lors de la rébellion contre Rome en 66-70.
Les pharisiens, enfin, dont le nom dérive étymologiquement
de la racine paras (« séparer »), semblent être issus eux aussi du
mouvement des hassidim et s’être mis à part, comme eux, dès
l’époque maccabéenne ou peut-être seulement en 103, quand
Alexandre Jannée (103-76) cumula le titre et l’autorité du roi avec
celle du grand prêtre, en infraction avec le modèle dyarchique
mis en place par Salomon. Les pharisiens sont animés du « zèle
pour la Loi », dont ils pratiquent assidûment le commentaire. Ils
constituèrent une opposition politique au pouvoir hasmonéen,
puis à Hérode et résistèrent parfois jusqu’à la mort : ils eurent
leurs martyrs sous Alexandre Jannée, qui en fit crucifier plu-
sieurs milliers. Cependant ils n’étaient pas partisans de l’action
violente, même si certains d’entre eux soutinrent le mouvement
zélote. L’historiographie juive insiste sur ce qui rapprochait les
deux courants, mais les distingue aussi par cet « irrépressible
amour pour la liberté » qui animait les zélotes.

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Les zélotes étaient
donc des extrémistes.
Cette quatrième mouvance du judaïsme d’époque romaine,
la plus récente, tire son nom du « zèle » pour Dieu et pour la
Loi, qui animait ses membres au plus haut degré. Sa fondation
résulte d’un contexte politique bien particulier, quand la Judée
passa sous administration romaine directe, en 6 de notre ère,
et qu’il fallut mettre en place un recensement pour établir l’as-
siette de l’impôt. Celui-ci n’apparaissait pas seulement comme
une marque de soumission, mais aussi comme une impiété, car
dans la Bible le dénombrement des personnes avait été imputé
à David comme un péché, inspiré par Satan, qui avait déclenché
la colère de Dieu. Ainsi, le recensement portait atteinte à la sou-
veraineté de Dieu. La révolte devenait une nécessité religieuse.
Le principe de base du mouvement zélote était, en effet,
de ne pas admettre d’autre maître que Dieu, ce qui revenait
à ne concevoir l’État que sous la forme d’une théocratie, tout
pouvoir émanant de Dieu. Cofondé par un partisan, Judas le
Galiléen, et par un pharisien, Sadok, ce groupe religieux ajoutait
un nationalisme militant et souvent violent à l’idéal religieux
des pharisiens. Au lieu d’attendre l’ère messianique, comme le
faisaient les autres groupes de Séparés, ils s’engageaient dans
la lutte contre le pouvoir en place, quel qu’il soit. Reprenant les
pratiques et la tactique de l’époque maccabéenne, ils menèrent
des opérations de guérilla contre l’occupant romain et contre
ceux de leurs coreligionnaires qui étaient jugés trop tièdes. Ils
sont donc considérés comme des « brigands », des hors-la-loi

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fanatiques, par les historiens antiques et dans le Talmud. En
66, les zélotes, en la personne du petit-fils de Judas le Galiléen,
Menahem, prirent l’initiative de la rupture avec Rome en met-
tant fin aux sacrifices pour l’empereur qui étaient célébrés au
Temple. À cette date, les zélotes se recrutaient surtout parmi
les prêtres et les lévites. Menahem aspira à une royauté de type
messianique et sacerdotal après l’assassinat du grand prêtre
en fonction. L’idéologie zélote semble avoir progressivement
acquis une dimension eschatologique, alors que Judas n’avait
aspiré qu’au pouvoir politique.
L’insurrection de Judas le Galiléen avait été rapidement
matée par le gouverneur romain de Syrie. Cependant, l’historio-
graphie juive reconstitue une histoire des zélotes sans solution
de continuité jusqu’à la guerre contre Rome de 66-70, dont ils
portent la responsabilité. C’est peut-être discutable, car on ne
trouve aucune trace d’une quelconque organisation de zélotes
antérieure aux années 50 et ils ne se constituèrent en parti
qu’en 66, au moment de déclarer la guerre à Rome. On sait
seulement qu’en 47, lors d’une famine, les deux fils de Judas le
Galiléen furent condamnés à être crucifiés par le gouverneur
romain. Mais le contexte était alors en train de changer avec le
début des actions terroristes menées par les sicaires.

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Sicaires et zélotes, n’est-ce pas
la même chose ?
Les termes sont interchangeables dans les textes rabbiniques,
mais l’origine romaine de la désignation sicarius – mot latin
signifiant « porteur d’un poignard court » – dénonce clairement
un type d’action terroriste. Tels que les décrit l’historien juif
Flavius Josèphe, les sicaires profitaient des grands rassemble-
ments de pèlerinage sur l’esplanade du Temple pour poignarder
les juifs qui collaboraient avec les autorités romaines, en plein
jour, au milieu de la foule ! Leur première victime fut un ancien
grand prêtre qui avait été à l’origine de la nomination d’un nou-
veau gouverneur romain en 52. Ils se répandaient aussi dans
les villages de Judée.
Ils apparaissent dans les années 50, au moment où l’on
constate un renouveau de l’idéologie zélote. À l’instar des zélotes,
ils incorporent le politique au religieux et conçoivent leur action
comme un préalable et une préparation à l’intervention divine
qui libérerait la terre d’Israël de l’occupation romaine. Pourtant,
leur participation au soulèvement contre Rome ne dura que
quelques mois : dès l’été 66, ils se retirèrent définitivement dans
la forteresse hérodienne de Massada, c’est-à-dire au désert.
Cette retraite s’explique sans doute par leur conviction que le
combat armé était inutile et que Dieu seul était en mesure de
vaincre l’ennemi : les sicaires étaient entrés dans une attente
eschatologique. Une communauté de 960 personnes, femmes
et enfants compris, subsista jusqu’à la prise de la citadelle par
les légions romaines en 73. Les fouilles archéologiques attestent

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de sa piété et d’une stricte observance, avec l’aménagement
d’une synagogue et de bains rituels. Des manuscrits témoignent
de l’étude des Écritures. Ils ne renonçaient pas à l’action parti-
sane, puisque 700 juifs d’Engaddi, suspectés de collaboration
avec l’ennemi, furent exterminés.
La réputation de « fanatiques », qui colle aux sicaires, tient
surtout au suicide collectif des garnisaires de Massada rap-
porté par Flavius Josèphe – un témoignage unique. Ils y sont
incités par un discours-fleuve de leur chef, qui présente cette
mort volontaire comme une mort expiatoire, la défaite et les
malheurs du peuple relevant de la volonté divine. Les historiens
doutent aujourd’hui de la réalité de l’événement, bien que le
suicide collectif soit un mode d’autodestruction érigé en mo-
dèle héroïque dans nombre de sectes, aujourd’hui comme hier.
Josèphe a peut-être extrapolé et surdimensionné un cas de sui-
cide-échappatoire assez courant dans l’Antiquité : le judaïsme
comme l’hellénisme, pourtant réticents au suicide, admettaient
celui-ci pour les vaincus, s’il s’agissait d’éviter un esclavage ou
une mort infamante.

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Y a-t-il un lien entre l’antijudaïsme
des Grecs et des Romains et
l’accusation de fanatisme ?

L’antijudaïsme grec, quand il a trouvé sa formulation à Alexandrie,


ville cosmopolite, au IIe siècle avant notre ère, s’est fondé sur
le grief d’« inhumanité », qui est bien la représentation la plus
répandue du fanatisme dans le monde gréco-romain. Les juifs
sont dénoncés pour leur « haine du genre humain » (littérale-
ment « misanthropie »), concept antinomique de la « philanthro-
pie » ou « amour de l’humanité », qui est la formulation grecque
de l’humanisme. Elle est manifestée par leur refus ou leur diffi-
culté à accepter le vivre ensemble qui faisait fonctionner la cité
antique. Les interdits alimentaires les empêchaient de partici-
per aux fêtes et aux banquets publics. L’observance du sabbat
apparaissait particulièrement choquante, comme une entrave
aux affaires ou comme un signe de fainéantise. La circoncision
était considérée comme la volonté des juifs de se distinguer
entre tous les hommes et, dans la pratique, elle les empêchait
de recevoir l’éducation du gymnase, où l’entraînement athlé-
tique se pratiquait nu, et donc d’accéder à la citoyenneté. De ce
fait, beaucoup de juifs, à Alexandrie, à Jérusalem et sans doute
ailleurs, ont fait réparer leur circoncision pour pouvoir s’intégrer
à la société civile. La circoncision était déjà en débat au sein
des synagogues avant de le devenir dans les premières commu-
nautés chrétiennes. Dans ce contexte particulier, les polémistes
grecs opposent implicitement le juif « fanatique » au juif intégré.

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Dans la mise en accusation du fanatisme juif, telle que l’ont
développée les écrivains de Rome, le monothéisme, assez bien
documenté et décrit, n’est pas en cause. Ils dénoncent plutôt
l’intransigeance, l’attitude asociale et le séparatisme des nou-
veaux convertis. Les prosélytes sont davantage visés comme
fanatiques que les juifs de souche. L’historien Tacite, un séna-
teur romain, leur reproche de renier leur identité romaine en
abandonnant la religion de leurs pères, en refusant les ma-
riages mixtes et en isolant leurs familles, en ne manifestant de
solidarité qu’envers leurs coreligionnaires. Le judaïsme avec ses
pratiques de rupture lui paraît mettre en péril le corps social
romain à travers la dissolution des liens familiaux, religieux et
patrimoniaux qui unissaient les membres entre eux. Ce qu’il
qualifie de « rites nouveaux », au sens de pratiques de rupture,
va selon lui à l’encontre de l’idéal humaniste proposé par Rome.

23
Le fanatisme fut-il souvent associé
au prosélytisme ?
C’est l’une des hypothèses aujourd’hui avancées par les his-
toriens afin d’expliquer pourquoi les chrétiens furent choisis
comme boucs émissaires lors de l’incendie de Rome en 64 de
notre ère sous le règne de Néron. C’était manifestement un
incendie volontaire, très vite dénoncé comme tel et imputé à
l’empereur, car les foyers d’incendie furent nombreux et repar-
tirent à plusieurs reprises. Le quartier du Transtevere, où se
concentrait la plus grande partie de la population juive, fut
épargné, sans que cela ait suscité une vague d’antijudaïsme.
L’empereur parvint à détourner la colère populaire sur les seuls
chrétiens et à les faire condamner comme incendiaires, alors
qu’à cette date ils étaient encore très peu nombreux et très
peu visibles, issus pour la plupart des synagogues et jusque-
là mal distingués des juifs par les autorités impériales. Après
l’incendie, c’est chose faite à Rome. Qu’est-ce qui a alors dis-
tingué visiblement le groupe chrétien au sein des synagogues
de Rome ? Il est vraisemblable que les dévots du Christ, qui
vivaient encore dans l’attente d’une parousie imminente, ont
interprété l’incendie de la capitale comme l’un des signes de
la fin des temps et du jugement dernier, annoncés par Jésus.
La première épître de Pierre, écrite dans le souvenir d’une per-
sécution récente, qui parle d’une « fournaise » et de l’urgence
de convertir les païens, s’en fait peut-être l’écho. Dès lors, on
peut supposer (mais c’est une supposition !) que les chrétiens
de Rome se sont répandus dans les rues en annonçant la fin de

24
l’Empire romain et en appelant à se convertir à la religion du
Christ. Ils pouvaient donc être incriminés pour haute trahison
et pour prosélytisme, puisque, dans la cité antique, la prédica-
tion et la propagande religieuse devaient rester cantonnées à
la sphère du privé, condition du laissez-faire et de la tolérance
des autorités impériales. En 64, l’accusation ou le soupçon de
fanatisme auraient donc été étendus au christianisme émer-
gent. Cela expliquerait qu’il fut considéré au IIe siècle par les
intellectuels romains non pas comme une religion authentique,
mais comme une « superstition » qualifiée de « cruelle », « perni-
cieuse », « déréglée » et empreinte de « démesure ».

25
Quels aspects du christianisme
étaient ainsi visés ?
Bien évidemment, ce que saint Paul avait déjà appelé « la folie
de la croix », folie pour les Grecs et les Romains. Leur rationa-
lisme ne pouvait admettre qu’un dieu – par définition immor-
tel – accepte volontairement de mourir et que le salut passe
par la mort. Certes, différents polythéismes antiques ont déve-
loppé des mythes de mort et de résurrection – autour d’Osiris
en Égypte, de Dionysos ou de Pythagore en Grèce, d’Attis ou
d’Adonis en Orient – mais ces résurrections étaient toujours re-
présentées et perçues comme une re-naissance ou comme une
transmigration de l’âme, et non pas comme la résurrection de
la chair, le relèvement du cadavre et son retour à la vie. Dans la
conception des Grecs, la mort biologique et la décomposition du
corps ne pouvaient pas apparaître comme une voie de passage
dynamique entre la mort et la vie. Au contraire, le final d’une
célèbre tragédie d’Eschyle, toujours représentée sous l’Empire,
assène l’idée-force qu’« un homme, une fois son sang versé et
bu par la poussière, est mort et ne se relèvera plus ». Tel est
l’oracle d’Apollon, le dieu de Delphes.
À la folie de la croix est associé un paradoxe du christia-
nisme, celui du martyre, c’est-à-dire du « mourir pour vivre ».
Le martyr accepte et parfois cherche la mort parce qu’il lui re-
connaît une efficience particulière, soit pour défendre un idéal
ici-bas et acquérir ainsi une immortalité mémorielle dans sa
communauté, soit, s’il est chrétien, pour achever son identifi-
cation au Christ et mériter la vie éternelle dans l’au-delà. Les

26
gens de l’Antiquité sont perplexes devant cette attitude, qu’ils
peuvent respecter, mais assimiler aussi au suicide, désormais
considéré comme une lâcheté. Enfin, la martyrologie chrétienne
développe dès le IIe siècle un nouveau rapport au corps, en pro-
mouvant l’ascétisme comme une préparation et finalement
comme un substitut à l’épreuve du martyre. En Égypte, lors de
la dernière grande persécution (301-311), les liens sont étroits
entre les martyrs, les « ascètes domestiques », qui se livrent en
privé à de dures mortifications, et les premiers anachorètes qui
se retirent au désert. Antoine, le fondateur du monachisme, est
un martyr refoulé.

27
Le martyr est-il une représentation
chrétienne du « fou de Dieu » ?
Les chrétiens ont incontestablement inventé le concept de « mar-
tyr » à la fin du Ier siècle en donnant le sens religieux spécifique
de « témoin de la foi » à un terme grec courant (martus prononcé
martys) qui signifiait originellement « témoin en justice », mais il
n’est pas toujours explicite que le témoignage de foi est porté
jusqu’à la mort. C’est dans la tradition juive que le christianisme
a trouvé une première justification, théologique, du martyre.
Les chrétiens se sont réapproprié un apocryphe juif de la fin du
IIe siècle avant notre ère, le deuxième livre des Maccabées, qui
relate la persécution menée en Judée contre les juifs de stricte
observance entre 168 et 164 avant notre ère, et qui intègre
trois récits de martyre : celui de Razis, qui a déjà souffert « pour
le judaïsme » et se donne la mort pour échapper au supplice ;
celui du vieillard Éléazar, fidèle jusqu’au bout à l’observance
de la Loi ; et celui des sept frères et de leur mère, qui, dans les
mêmes circonstances, s’encouragent mutuellement à la résis-
tance sans céder au compromis proposé par le roi et en provo-
quant le persécuteur. Ce livre est particulier par le lien central
qu’il établit entre mort et résurrection, posant ce qui est devenu
le paradoxe fondamental du martyre : « mourir ici-bas pour vivre
dans l’au-delà ». N’est pas seulement proclamée l’immortalité
de l’âme, mais aussi la revivification du corps, rétabli dans son
intégrité après avoir été mis en pièces par les tortures. Il s’agit
du développement d’une théologie de la rétribution, classique
dans la Bible ; elle est fondée sur une correspondance et une

28
hiérarchie entre les actes méritoires du juste et les marques
de reconnaissance qu’il est en droit d’en attendre. Selon cette
modélisation originelle, l’efficience du martyre n’est pas placée
dans la réussite politique ou idéologique. Les sept frères affir-
ment bien qu’ils meurent pour le peuple, mais le sacrifice de
leur vie n’est pas suivi de l’arrêt des violences et des massacres.
Dans toute la littérature juive de persécution, le salut du peuple
est obtenu soit par l’action politique (livre d’Esther), soit par la
résistance armée (premier livre des Maccabées). Le martyr juif
meurt pour faire individuellement son salut plus que pour faire
triompher une cause collective.
Sur le thème classique de la rétribution, s’est greffé dans la
pensée chrétienne celui de l’imitation du Christ, passé de la mort
à la vie, qu’Ignace d’Antioche fut le premier à développer dans
des lettres de captivité écrites vers 115-117. Ignace souhaitait
la mort et courait au-devant d’elle, interdisant à ses amis de
s’entremettre en sa faveur. Subir le martyre représente pour lui
le témoignage du christianisme par excellence. Non seulement
un disciple doit imiter son maître, mais Jésus, « chair et esprit »,
est la vie même du chrétien, sa « vie éternelle ». Dans cette mys-
tique de l’imitation, le martyre parachève le processus de salut
initié par le baptême et fonctionne comme le moyen de trouver
Dieu à travers son propre anéantissement, « moulu par la dent
des bêtes pour être trouvé un pur pain du Christ ».

29
N’est-ce pas assimiler le martyre
à un acte d’autodestruction ?
C’est bien ainsi que l’ont apprécié les intellectuels romains, ainsi
que les magistrats devant qui comparaissaient les chrétiens et
qui leur proposaient un compromis sous la forme d’une par-
ticipation minimale aux cultes païens. Pour les martyrs d’hier
comme pour ceux d’aujourd’hui, l’historiographie moderne uti-
lise volontiers des catégories bien définies de suicidaires, éla-
borées par la sociologie. Ainsi le cas de Razis, qui se jette dans
le vide, se poignarde et s’étripe pour échapper à une mort infa-
mante, relèverait du suicide-échappatoire, admis par les Grecs
et par les juifs ; il est comparable à l’acte des prêtres juifs qui
se jetèrent dans les flammes ou s’embrochèrent sur les glaives
des soldats romains au moment où ceux-ci entraient dans le
Temple et le profanaient.
L’historiographie récente interprète assez systématique-
ment la martyrologie dans les trois monothéismes comme un
acte de désespoir : selon cette modélisation, le croyant choisit
la mort volontaire dans une projection eschatologique de son
destin, parce qu’il n’attend plus rien du monde et qu’il désespère
de la situation qu’il vit. Il est vrai que, dans le christianisme pri-
mitif comme dans le judaïsme, l’exaltation du martyre est liée
à la sensibilité et aux milieux apocalyptiques, qui s’attendaient
à l’imminence de la fin des temps et du jugement dernier. Les
prototypes juifs de la martyrologie sont fournis par le livre de
Daniel, un livre visionnaire qui date de la révolte des Maccabées,
et par toute une littérature de persécution également visionnaire

30
(Psaumes de Salomon, Ascension d’Isaïe) qui s’est dévelop-
pée dans le contexte de la conquête romaine. Le terme grec
de « martyr » (martys) prend son sens chrétien spécifique de
« témoin de la foi » dans l’Apocalypse johannique qui clôture le
Nouveau Testament. Plus tard, aux IIe et IIIe siècles, un certain
nombre de martyrs appartiennent à des mouvances chrétiennes
radicales que représente Tertullien de Carthage, celui qui écrivit
que « le sang des martyrs [était] la semence de chrétiens ». Il
s’agit de milieux ascétiques, qui font le choix de la chasteté ou
décident de se retirer au désert, à l’écart du monde, de femmes
qui rompent les liens du mariage et abandonnent leurs enfants
pour suivre le Christ jusqu’au bout.

31
Comment comprendre la formule
de Tertullien « Sang des martyrs,
semence de chrétiens » ?

À l’époque romaine, on n’était pas comme aujourd’hui dans


une civilisation de la compassion, mais dans une culture du
spectacle. Or, le martyre pouvait offrir dès ici-bas à ceux qui
désespéraient du monde la consolation et la gloire d’une mort
médiatisée. Dans l’Antiquité, l’exécution d’un condamné à mort
avait toujours été un spectacle, surtout la mort lente sur le bû-
cher ou sur la croix, mais la civilisation romaine poussa à son ex-
trême la mise en spectacle de la mort à travers des jeux de rôles
mythologiques et surtout les combats de gladiateurs, dont les
plus célèbres devenaient des vedettes internationales. L’année
précédant l’exécution des martyrs de Lyon en 177, l’empereur
Marc Aurèle avait autorisé l’utilisation de condamnés de droit
commun à la place des gladiateurs pour des raisons d’écono-
mie. C’est pourquoi, à partir de la fin du IIe siècle, la figure la
plus répandue du martyr chrétien est d’être exposé ad bestias
(« aux bêtes »), au centre de l’amphithéâtre, sous les yeux de mil-
liers de spectateurs. Dans les Actes et les Passions des martyrs,
la littérature chrétienne a prolongé cette médiatisation en en
faisant un instrument d’évangélisation. Au lieu de procéder à
l’autoglorification d’un héros, les récits développent les thèmes
de l’imitation du Christ ou du pardon et de l’amour mutuel,
comme une préfiguration de la nouvelle société chrétienne.
Pour certains historiens, le martyre ne serait donc pas une
« invention » des monothéismes juif et chrétien, mais un produit

32
de la culture romaine. En effet, la tradition romaine aristocra-
tique fournissait un modèle de la mort volontaire : les sénateurs
et les philosophes condamnés à mort, comme Sénèque, antici-
paient leur exécution en se donnant la mort au milieu de leurs
amis et en proclamant ainsi leur liberté à la face de l’empereur.
Indéniablement, le modèle de la mort volontaire s’était géné-
ralisé au début du IIe siècle, quand apparaissent les premières
figures de rabbins martyrs concurremment avec celles des
martyrs chrétiens, alors que la répression impériale éradique
le judaïsme en Égypte (115) et en Judée (135). Cela suggère de
réévaluer l’interprétation structurelle que l’on fait convention-
nellement des « fous de Dieu », comme un lieu commun à tous
les monothéismes, et d’envisager aussi le rôle de la conjoncture.

33
Jusqu’où pousser le comparatisme ?
Le martyr chrétien
n’a-t-il rien de spécifique ?

Au contraire, les Pères de l’Église, dans leurs développements


théologiques, et les évêques, dans leurs préoccupations pasto-
rales, se sont attachés sur ce point comme sur d’autres à mon-
trer la différence chrétienne. Le sens et la validité d’un soi-disant
« baptême du sang » sont récusés. Les apologistes chrétiens ont
ressenti la nécessité de réfuter la soi-disant attirance des chré-
tiens pour la mort, en marquant leur différence avec les Regulus,
Caton et autres Sénèque. Les martyrs du christianisme primi-
tif ne sont pas davantage assimilables aux kamikazes, Tigres
tamouls, human bombers et autres djihadistes, auxquels les
historiens américains voudraient aujourd’hui les comparer.
Dans la littérature chrétienne de persécution jusqu’au
IVe siècle, les exemples de désir de mort sont rares, voire excep-
tionnels. Le martyr exemplaire, ce n’est pas Ignace, dont l’attrait
pour la souffrance et le besoin d’anéantissement confinent à
ce que l’on appellerait aujourd’hui la « martyropathie », mais
Polycarpe, évêque de Smyrne, qui fut exécuté vers 155. Il ac-
cepte la mort sans l’avoir recherchée et même après l’avoir
esquivée le plus longtemps possible pour préserver un pasteur
à sa communauté, mais une fois arrêté, il va jusqu’au bout dans
son refus de participer aux rituels polythéistes. Cyprien, évêque
de Carthage, fit de même en 250 et en 258. Dans la réalité des
faits, les martyrs ont été peu nombreux, même si la tradition
de l’Église leur reconnaît un rôle fondateur. Le besoin de se

34
donner des héros et des saints, qui émergea après l’intégra-
tion du christianisme dans l’Empire romain, a fini par occulter
la signification originelle de la martyrologie chrétienne, où la
mort violente n’apparaît pas comme une fin en soi et n’est pas
présentée comme le témoignage chrétien par excellence ou le
seul possible. Au contraire, un équivalent du martyre est très
tôt trouvé dans l’action charitable et la mort au service des pes-
tiférés. D’ailleurs on ne choisit pas le martyre, on est reconnu
martyr par sa communauté, quand celle-ci estime que la mort
violente scelle le témoignage de toute une vie.
L’expérience du martyre doit donc être vécue en Église et
non pas comme un haut fait individuel. C’est en ce sens que les
martyrs chrétiens se distinguent des héros grecs et des héros
juifs, même s’ils remplissent plus ou moins ce même rôle dans
les premières communautés. Ils ne sont pas davantage assimi-
lables aux philosophes martyrs ou aux résistants nationalistes à
l’Empire, car ils ne s’enfermaient pas dans une attitude autodes-
tructrice de lèse-majesté pour démontrer le caractère irration-
nel et illégitime d’un État romain qu’il fallait abattre. Ils priaient
jusqu’au bout pour les autorités judiciaires et politiques qui les
persécutaient, sans remettre en cause leur légitimité, ainsi que
pour la pérennité de l’Empire, dans l’espoir de sa conversion. La
figure originelle du martyr chrétien n’est pas celle d’un révolté,
ni celle d’un nihiliste. Il restait un loyal sujet de l’Empire et envi-
sageait un avenir commun au-delà de son destin personnel.
Tel est l’aspect spécifique du martyre chrétien, qui prépare les
conditions d’une coexistence au lieu de rejeter le monde gréco-
romain et qui rompt avec la pratique antique généralisée de la
loi du talion et des représailles.

35
Pourtant le persécuté ne devient-il
pas un persécuteur, en passant
de la résistance passive à l’activisme
quand change le rapport de forces
entre les religions ?
C’est en effet ce qu’une certaine historiographie et plus encore
les médias défendent aujourd’hui comme une vérité convenue,
une sorte de loi de l’histoire. Le temps des monothéismes est
alors présenté comme une spirale interrompue de violences reli-
gieuses, alors que les civilisations polythéistes correspondraient
à une ère de tolérance, pour laquelle on affecte aujourd’hui
une certaine nostalgie. Pour se limiter à l’Antiquité, la prédica-
tion de Jésus s’inscrirait dans un contexte de violence initiée
par la représentation biblique d’un Dieu jaloux, développée par
le mouvement zélote et illustrée au Ier siècle de notre ère par
les « prophètes de renouveau », des leaders charismatiques qui
prônaient le renversement de l’ordre établi et rassemblaient
leurs partisans au désert. Plus tard, quand le christianisme est
passé de religion minoritaire et persécutée à religion officielle,
on cherche assez spontanément à établir une symétrie entre les
persécutions dont les chrétiens avaient été victimes au IIIe siècle
et la répression des païens et des juifs au IVe siècle, menée par
un pouvoir impérial devenu favorable à l’Église, en concluant à
une banalisation de la violence.
L’examen comparé de toutes les sources disponibles – chré-
tiennes, juives et païennes – et surtout leur contextualisation

36
conduisent à nuancer ce jugement. Certes, les chrétiens n’ont
pas inventé la non-violence. Dans un récit évangélique de ban-
quet, le Christ ne lance-t-il pas cet appel fameux pour ceux
qui hésitent : « Contrains-les à entrer [compelle intrare] ». Le
relativisme n’est pas une valeur antique et il serait très ana-
chronique de considérer la « tolérance de Constantin », mani-
festée par l’édit de Milan (313), comme l’acceptation définitive
du pluralisme religieux. Les polythéistes et même les juifs sont
dans l’erreur et sont donc destinés à disparaître, mais non pas
par la violence. Nul exemple de conversions forcées, nul témoi-
gnage de violences sur les personnes, ni de condamnations à
mort (sinon ponctuelles pour des pratiques magiques) : il n’y
a donc pas eu de renversement brutal de persécuté à persé-
cuteur. La contrainte religieuse s’est exercée sur les non-chré-
tiens par d’autres moyens, par un arsenal légal, qui interdisait le
prosélytisme ou introduisait des discriminations statutaires, et
surtout par la confiscation des biens et leur transfert aux églises.
Les chrétiens s’attendaient à la mort naturelle des autres com-
munautés religieuses, puisque Dieu avait assuré le triomphe
de la Croix en donnant la victoire à Constantin. Au besoin,
on l’accélérait.

37
Il y a quand même des faits
irréductibles, comme le lynchage
de la philosophe païenne Hypatie
à Alexandrie en 415.
Depuis le Dictionnaire philosophique de Voltaire jusqu’au film
Agora d’Alejandro Amenábar (2009), la figure d’Hypatie est ins-
trumentalisée pour en faire la victime emblématique du fana-
tisme chrétien, lui-même représenté par l’évêque Cyrille en qui
la tradition chrétienne reconnaît un Père de l’Église et un grand
saint. Une telle médiatisation a fait obstacle à la lecture directe
des sources en imposant Hypatie comme le faire-valoir d’un
« méchant » évêque, qui plus est un moine.
Titulaire de la chaire de philosophie à Alexandrie, Hypatie
fut massacrée, en 415, en pleine rue, treize ans après la ferme-
ture officielle des temples païens, pendant le Carême, temps de
pénitence et de religiosité intense. Les études les plus récentes,
nombreuses, ne tranchent pas sur les causes de son lynchage,
qui ne fut peut-être qu’un accident politique – récurrent au de-
meurant dans l’histoire particulière d’Alexandrie, où les émeutes
de rues se sont succédé à l’époque « païenne » avec souvent des
femmes pour victimes. Hypatie ne fut pas un cas unique. On se
demande surtout si elle était visée comme philosophe païenne,
comme femme libérée ou comme femme politique, participant
du triangle infernal Grecs, Juifs et Romains qui troublait la cité
depuis des siècles. Religieux en apparence, son assassinat pour-
rait recouvrir une réalité plus politique, à savoir l’antagonisme

38
entre les deux puissances chrétiennes locales, l’évêque et le
préfet d’Égypte. Hypatie était proche de ce dernier et elle
le conseillait à l’occasion. Son meurtre s’inscrit dans une série
de violences, dont le préfet avait été la première victime, frappé
par une pierre lancée par un moine. L’auteur de l’attentat, mort
sous la torture, fut présenté par l’évêque comme un martyr. On
s’en prit aussi aux juifs qui avaient interféré dans le conflit et
l’on ferma des synagogues. C’était un climat de guerre civile, si
bien que le pouvoir impérial préféra occulter l’affaire et procéder
à une sorte d’amnistie générale, comme il le faisait ordinaire-
ment dans une telle situation. Seule fut réprimée la confrérie
des Parabolani (les « Garçons de bain »), une puissante asso-
ciation charitable, dont des édits impériaux réduisirent alors les
moyens et l’influence. Le film Agora, au prix d’un anachronisme
certain, présente cette confrérie comme une milice épiscopale,
les hommes en noir de l’évêque. Les moines que Cyrille avait
fait venir de son monastère d’origine et qui participèrent à ces
émeutes de rues sont traités de la même manière caricaturale.

39
Les « fous de Dieu » sont donc
désormais identifiés aux moines.
Le IVe siècle voit s’effectuer un autre basculement significatif
dans l’histoire du christianisme : l’ère des martyrs est bien finie,
puisque les persécutions s’arrêtent en 311, et celle des moines
commence. Le monachisme est né en Orient, hors du cadre
régulateur de la cité antique, puisque la première forme qu’il
prit est celle de l’érémitisme, de la retraite au désert. Son fon-
dateur en Égypte, Antoine, qui avait aspiré au martyre et l’avait
même recherché, pose explicitement la vie monastique comme
un substitut au martyre, qui présente la même efficience dans
le processus d’imitation du Christ. Au IVe siècle, le moine est
un personnage marginal, encore peu estimé dans la société.
Cela conduisit les défenseurs du paganisme, comme le rhéteur
Libanios d’Antioche, à imputer aux moines, présentés en bandes
de pillards gyrovagues, toute violence ou destruction : ainsi que
l’a pointé le grand historien Peter Brown, on évitait par là même
de désigner comme responsables des évêques et des hauts
fonctionnaires, qui avaient l’appui impérial.
L’appréciation du rôle des moines dans l’entreprise de chris-
tianisation intense qui marqua le IVe et le Ve siècle est sujette à
débats depuis le XVIIIe siècle. À l’évangélisation pacifique des
milieux urbains au cours des trois premiers siècles, on a voulu
opposer une christianisation des campagnes brutale et destruc-
trice, une fois le christianisme établi comme religion dominante.
Les bandes de moines se seraient livrées à des agressions sys-
tématiques contre les temples et les statues cultuelles en Asie

40
Mineure, en Syrie et en Égypte. Dans les faits, on tourne toujours
autour des mêmes événements : la destruction d’une chapelle
d’hérétiques et d’une synagogue à Callinicon (Syrie) en 388 et
surtout celle du temple de Sarapis à Alexandrie en 392 à l’ins-
tigation de l’évêque Théophile. Les faits sont rares, mais cette
interprétation de l’histoire recourt à un schéma fondé sur l’an-
thropologie religieuse, à savoir que les ascètes, bourreaux d’eux-
mêmes, peuvent devenir assez naturellement les bourreaux des
autres. Dans la tradition du martyre, on passerait facilement de
« mourir pour Dieu » à « tuer pour Dieu ». Les moines destruc-
teurs du IVe siècle ont fourni un prototype durable, encore très
utilisé aujourd’hui, puisqu’est souvent convoquée l’histoire de
ce passé lointain pour rendre compte de certains faits contem-
porains, tels le réveil des moines guerriers dans le bouddhisme,
au Sri Lanka et en Birmanie.

41
Il existe pourtant un autre schéma
interprétatif de la christianisation.
Deux écoles s’opposent. Selon une première tendance historio-
graphique, la violence ne peut qu’accompagner la christianisa-
tion dès que c’est possible, comme une conséquence logique
du monothéisme par nature exclusif et intransigeant. D’autres
historiens – on pense encore à Peter Brown – propose une
vision plus irénique du monde de l’Antiquité tardive, c’est-à-dire
de l’Empire chrétien : on se serait moins affronté sur les ques-
tions religieuses, entre chrétiens et païens, que les sources an-
tiques le prétendent, qu’elles soient païennes et polémiques ou
chrétiennes et apologétiques. Il s’agit donc de relire les textes,
qui ne sont jamais neutres, et de les remettre en situation, en
utilisant, quand on le peut, les données parfois contradictoires
de l’archéologie.
Indéniablement, la figure du moine destructeur est une
construction historiographique. Elle prend sa source dans
l’hagiographie, ainsi que l’illustre en particulier la Vie de saint
Martin, écrite peu avant sa mort en 397. Martin, l’évangéli-
sateur des campagnes gauloises, est un ancien soldat et l’in-
troducteur à Ligugé d’un monachisme érémitique de type
égyptien. Son biographe le présente au fil de ses tournées mis-
sionnaires comme très actif contre les temples, les statues et
les rituels païens : il interrompt brutalement les processions,
il abat les arbres sacrés, il fait tomber les statues… mais c’est
comme thaumaturge qu’il fait des conversions, jamais sous la
contrainte. En Orient comme en Occident, toutes les Vies de

42
saints établissent la destruction des idoles comme une prio-
rité de la christianisation et mettent en scène l’attaque des
lieux de culte et le renversement des statues, mais, à les lire
en situation, on constate qu’elles sont surtout adaptées à un
certain lectorat aristocratique, qui percevait les dangers de la
sécularisation et se tournait vers l’ascèse. Il s’agissait moins
de prôner la violence contre les païens que la rupture avec le
monde. Ce stéréotype fonctionna encore au Moyen Âge, bien
après la complète disparition des temples païens.
L’hagiographie développe un discours de violence, mais le
passage à l’acte est rarement vérifié. On s’enferme dans un rai-
sonnement circulaire quand on induit l’importance de certains
sanctuaires gaulois du fait que leur disparition a été imputée
à saint Martin. En Orient, l’installation du culte chrétien dans
un sanctuaire païen a été bien plus fréquente que les destruc-
tions. Surtout, l’archéologie met parfois clairement en évidence
que l’on attribuait à l’action d’un « fou de Dieu » une dispari-
tion qui relevait d’un séisme ou d’un incendie. La communauté
chrétienne locale avait interprété une catastrophe humaine ou
naturelle comme l’effet de la colère de Dieu et elle avait voulu
s’associer à cette opération providentielle. Cela relève d’une
conception théologique de l’histoire.

43
L’image du moine guerrier s’efface
devant celle de l’ascète.
On pense en particulier aux stylites, dont la présence et l’action
marquèrent le christianisme syriaque au Ve siècle. Les stylites
furent des chrétiens qui pratiquaient une forme particulière et
excessive de l’ascèse monastique. Établis à demeure au som-
met d’une colonne (stylos) ou plutôt d’une plate-forme qui pou-
vait faire 20 mètres de haut, ils appartenaient déjà au monde
angélique et non plus à celui d’ici-bas. Le stylite constitue la face
lumineuse du « fou de Dieu », une figure idéale d’ascète charis-
matique, qui passait sa vie dans le jeûne et la prière, presque
tout le temps debout, pour devenir un pur esprit dégagé des
contingences corporelles. Ainsi s’est propagé un modèle de
sainteté encore très vivant aujourd’hui en Orient.
La rupture est radicale avec les valeurs du vivre ensemble
et de l’humanisme, qui définissaient le monde gréco-romain. Le
stylite méprisait son corps, qu’il mortifiait par des flagellations
répétées. Il vivait dans la saleté et la pourriture en refusant la
civilisation conventionnelle : il ne voulait ni toit, ni vêtement et
n’acceptait pas de cuire sa nourriture. Le mépris de la civilisation
s’étendait à la culture rhétorique grecque : les Pères du désert
s’expriment par apophtegmes ou sentences, transmises ora-
lement. On parle couramment de « saints fous reclus », car les
monastères orientaux restèrent des lieux de retraite, de prière et
d’étude, sans jamais devenir des foyers d’évangélisation comme
en Occident. La finalité des stylites et des Pères du désert n’était

44
pas de remplir le monde en portant l’Évangile jusqu’à ses extré-
mités, mais de le fuir au contraire pour combattre le diable et
faire son salut personnel dans la solitude, le silence et la mortifi-
cation. Pourtant, les moines n’étaient pas totalement coupés du
monde : on visitait les stylites ; ils dispensaient un enseignement,
ils guérissaient les malades et ils étaient associés en définitive à
une communauté pour leurs besoins quotidiens aussi frugaux
qu’ils aient pu être.
Ces « saints fous reclus », en qui ressurgissaient des pra-
tiques de mortification déjà observées dans des cultes orien-
taux que les Romains avaient considérés comme « fanatiques »,
proposaient un modèle alternatif et perturbateur pour l’Église
établie. On mit plus d’un siècle à trouver une voie moyenne
pour donner une place aux moines. Les grands conciles du
IVe et du Ve siècle travaillèrent à éviter les excès dans l’ascèse
et dans le mysticisme. On cautionna un mode de vie, fondé sur
le célibat et le retrait du monde, sous condition d’obéissance à
l’évêque. Surtout on regroupa les ascètes dans un cadre céno-
bitique, déterminé par des règles qui marquaient un retour à
l’humanisme philosophique et qui ouvraient sur le monde par
l’action charitable. Cette réintégration fut facilitée par l’évolu-
tion générale de la société tardo-antique, qui vit s’imposer une
éthique de la maîtrise de soi et des formes d’ascèse domestique.
Quand le monde devint chrétien, des croyants de plus en plus
nombreux voulurent se démarquer des convertis de surface en
vivant leur baptême de manière radicale, en maîtrisant leurs
besoins et en menant une vie simple et dépouillée. Les moines
d’Orient restaient sans doute des « ascètes de l’extrême », mais
ils n’étaient plus des marginaux, suspects de fanatisme.

45
Ce parcours d’histoire dans la longue durée montre qu’il
n’existe pas d’invariant dans les figures des « fous de Dieu » du
monde antique, sinon une constante de fond qui place l’appar-
tenance religieuse et la relation au divin au-dessus de toute
autre. C’était une rupture plus radicale dans l’Antiquité qu’au-
jourd’hui, puisque l’homme antique n’existait pas comme indi-
vidu mais comme membre du corps social et que le religieux
était subordonné au politique, l’affectif au rationnel.
La définition d’un « fou de Dieu », c’est l’histoire qui l’écrit
à un moment donné. Les critères varient : retrait du monde ou
activisme, violence ou sacrifice, destruction ou autodestruction,
intégrisme ou révolution… La rupture peut devenir politique
ou rester sociétale. La notion d’excès est évidemment relative.
Un critère efficient reste la haine de l’autre, qui manifeste une
dérive fanatique.
Tout amalgame s’avère donc inopérant et même dangereux,
étant donné la diversité des situations historiques. Pratiques
jugées aberrantes et recours à la violence ne peuvent être consi-
dérés comme des caractéristiques inhérentes à une religion,
mais doivent être analysés comme des conduites d’acteurs du
religieux placés dans une situation particulière.

46
Pour en savoir plus
• Régis Debray, Le Feu Sacré : fonctions du religieux,
éd. Folio, Paris, 2005.
• René Girard, La violence et le sacré, éd. Fayard, Paris,
2011.
• Jeanne Dion (éd.), Culture antique et fanatisme,
A.D.R.A., Nancy, 1996.
• Christophe Mézange, Les sicaires et les zélotes. La
révolte juive au tournant de notre ère, éd. Geuthner,
Paris, 2003.
• Daniel Boyarin, Mourir pour Dieu. L’invention du
martyre aux origines du judaïsme et du christianisme,
éd. Bayard, Paris, 2004.
• Glen W. Bowersock, Rome et le martyre, éd. Flammarion,
Paris, 2002.
• Marie-Françoise Baslez (dir.), Chrétiens persécuteurs.
Destructions, exclusions, violences religieuses au
IVe siècle, éd. Albin Michel, Paris, 2014.
• Philippe Henne, Le vertige divin : la saga des stylites,
éd. du Cerf, Paris, 2014.

47
Rédacteur en chef des revues
Les cahiers Prions en Église et Chantons en Église (Bayard)

48
L
’art rejoint souvent le sacré, le divin. Comme les prophètes,
ces fous de Dieu qui n’hésitent pas à parler à temps et contre-
temps, il arrive que les artistes soient contraints de s’exprimer
dans des lieux et des conditions totalement improbables qui
donnent à leur création un poids et une authenticité considérables.
L’histoire du Quatuor pour la fin du Temps d’Olivier Messiaen
est de celle-là et mérite d’être racontée.

De Paris à Verdun
En 1939, Olivier Messiaen a 31 ans, il est organiste titulaire de
l’église de la Trinité à Paris, il est aussi enseignant à l’École nor-
male et à la Schola Cantorum, et beaucoup le considèrent déjà
comme l’un des compositeurs les plus prometteurs de son époque.
Malheureusement la guerre éclate et il lui faut quitter l’univers de la
musique pour servir sous les drapeaux. À cause de ses problèmes
de vue, Messiaen est mobilisé comme infirmier auxiliaire à Verdun.
Ce poste va lui permettre de rencontrer d’autres musiciens avec les-
quels il va se lier d’amitié. Tout d’abord, Étienne Pasquier, violoncel-
liste à l’Opéra de Paris, qui est hospitalisé à Verdun. Ensuite, Henri
Akoka, clarinettiste, premier prix du conservatoire de Paris, affecté
à l’orchestre militaire de Verdun. En juin 1940, les trois camarades
sont faits prisonniers et après un passage par Nancy, arrivent fina-
lement au Stalag VIII-A de Görlitz en Silésie.

49
Messiaen - Quatuor pour la fin du Temps
Les grandes œuvres de la musique instrumentale sacrée
par les meilleurs interprètes.
Sorti en septembre 2004 - 8 titres - Durée : 52’12
Bayard Musique 2004
Cliquez pour découvrir et écouter des extraits de l’album
(Connexion internet nécessaire)

La vie au Stalag
Un Stalag est un lieu de détention pour les prisonniers de guerre,
où l’on regroupe les soldats et les sous-officiers (les officiers étaient
détenus dans des Oflags). Même si, avec le Stalag, on n’atteint pas
l’horreur des camps de concentration, les conditions de vie y sont

50
très difficiles : ration quotidienne très limitée et peu appétissante ;
travaux de force ; problèmes de santé (vermine, épidémies). C’est
dans cet univers totalement hostile que le compositeur va concevoir
le Quatuor pour la fin du Temps. Messiaen avait déjà écrit une pièce
pour clarinette seule qu’il avait dédiée à son ami Akoka. L’arrivée
au camp du violoniste Jean Le Boulaire va lui permettre d’imaginer
une œuvre d’envergure qui pourrait rassembler tous ces musiciens :
elle est écrite pour violon, violoncelle, clarinette et piano. Messiaen
est aidé en cela par un officier allemand mélomane qui lui procure
du papier musique et des crayons.
Le compositeur a raconté cette aventure : « Au Stalag se trou-
vaient avec moi un violoniste, un clarinettiste et le violoncelliste
Étienne Pasquier. J’écrivis tout de suite pour eux un petit trio sans
prétention qu’ils me jouèrent aux latrines, car le clarinettiste avait
emporté sa clarinette et on avait fait cadeau à Pasquier d’un violon-
celle à trois cordes. Enhardi par ces premières sonorités, je gardai ce
trio comme intermède et lui ajoutai progressivement les sept pièces
qui l’entourent, portant ainsi à huit le nombre total des parties de
mon Quatuor pour la fin du Temps. »
Ce quatuor s’inspire du chapitre 10 de l’Apocalypse (Ap 10,6-7)
où l’ange proclame : « Il n’y aura plus de temps ; mais au jour de la
trompette du septième ange, le mystère de Dieu se consommera. »
Alors qu’il vit dans des conditions de privation et de contraintes très
fortes, le compositeur fait preuve de grande liberté et d’innovation
et cherche à évoquer par sa musique l’éternité. En parlant de son

51
langage musical dans la préface de l’œuvre, il dira qu’il est « essen-
tiellement immatériel, spirituel, catholique. Des modes, réalisant
mélodiquement et harmoniquement une sorte d’ubiquité tonale,
y rapprochent l’auditeur de l’éternité dans l’espace ou infini. Des
rythmes spéciaux, hors de toute mesure, y contribuent puissamment
à éloigner le temporel. »

Le concert du 15 janvier 1941


Les officiers allemands vont souhaiter que cette œuvre soit jouée
au camp. C’est donc par un froid glacial, dans un bloc du Stalag de
Görlitz, où sont rassemblées quelques centaines de prisonniers, que
la « première » du Quatuor pour la fin du Temps est donnée. On ima-
gine bien que les conditions n’avaient pas grand-chose à voir avec
celles auxquelles les musiciens pouvaient être habitués dans leur
vie professionnelle. Olivier Messiaen évoquera lui-même par la suite
cette représentation en parlant « du piano droit dont les touches
s’abaissaient mais ne se relevaient pas », de la clarinette dont une
des clés « s’était trouvée près d’un poêle et avait fondu », ainsi que
du violoncelle qui « n’avait, hélas, que trois cordes ». Paradoxalement,
cet univers difficile renforçait par contraste la dimension prophétique
de l’œuvre : dans un lieu où l’homme est dégradé et privé de liberté,
où la mort est omniprésente, la musique sonnait comme une hymne
à la vie et à la liberté. Impossible, en écoutant le Quatuor pour la fin
du Temps, de ne pas penser au contexte de ce premier concert.

52
Affiche réalisée par un détenu pour le concert du 15 janvier 1941.

53
L’œuvre
Elle est composée de huit mouvements. Tous les instruments
n’interviennent pas forcément dans chaque pièce : il y a aussi des
solos, des duos, des trios… Voici donc la structure de l’œuvre avec
le commentaire qu’en a donné pour chaque partie le compositeur.
Pour des personnes peu habituées au langage musical d’Olivier
Messiaen, on peut commencer par écouter déjà les deux premiers
mouvements en ayant présent à l’esprit ce qu’en dit le compositeur.

1. Liturgie de cristal
« Entre trois et quatre heures du matin, le réveil des oiseaux : un
merle ou un rossignol soliste improvise, entouré de poussières so-
nores, d’un halo de trilles perdus très haut dans les arbres. Transposez
cela sur le plan religieux, vous aurez le silence harmonieux du ciel. »

Mouvement 1

54
2. Vocalise, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps
« Les première et troisième parties (très courtes) évoquent la
puissance de cet Ange fort, coiffé d’arc-en-ciel et revêtu de nuée,
qui pose un pied sur la mer et un pied sur la terre. Le “milieu”, ce
sont les harmonies impalpables du ciel. Au piano, cascades douces
d’accords bleu-orange, entourant de leur carillon lointain la mélopée
quasi plain-chantesque des violon et violoncelle. »

Mouvement 2

3. Abîme des oiseaux


« L’abîme, c’est le Temps, avec ses tristesses, ses lassitudes. Les
oiseaux, c’est le contraire du Temps ; c’est notre désir de lumière,
d’étoiles, d’arcs-en-ciel et de jubilantes vocalises ! »

4. Intermède
« Scherzo, de caractère plus extérieur que les autres mouve-
ments, mais rattaché à eux, cependant, par quelques “rappels”
mélodiques. »

55
5. Louange à l’Éternité de Jésus
« Jésus est ici considéré en tant que Verbe. Une grande phrase,
infiniment lente, du violoncelle, magnifie avec amour et révérence
l’éternité de ce Verbe puissant et doux […]. Majestueusement, la
mélodie s’étale, en une sorte de lointain tendre et souverain. »

6. Danse de la fureur, pour les sept trompettes


« Les quatre instruments à l’unisson affectent des allures de
gongs et trompettes […]. Musique de pierre, formidable granit
sonore ; irrésistible mouvement d’acier, d’énormes blocs de fureur
pourpre, d’ivresse glacée. »

7. Fouillis d’arcs-en-ciel, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps


« Pendant du deuxième mouvement. »

8. Louange à l’Immortalité de Jésus


« Cette deuxième louange s’adresse plus spécialement au se-
cond aspect de Jésus, à Jésus-Homme, au Verbe fait chair, ressuscité
immortel pour nous communiquer sa vie. Elle est tout amour. Sa
lente montée vers l’extrême aigu, c’est l’ascension de l’homme vers
son Dieu, de l’enfant de Dieu vers son Père, de la créature divinisée
vers le Paradis. »

56
Quiz sur les fous de Dieu du monde antique
pour Le Monde la Bible numérique

1. Quand apparaît le terme de « fanatique » ?


Au Ier siècle avant notre ère
Au Ier siècle après notre ère
Au IIe siècle après notre ère

2. Qui est l’instigateur de la révolte des Maccabées ?


Judas Maccabée
Mattathias
Éléazar
3. Quels documents ont fait connaître les esséniens ?
Les écrits de Flavius Josèphe
Les documents de Qumrân
Les lettres de Pline le jeune

4. Quelle est l’origine du nom de « sicaires » ?


C’est le nom d’une communauté de juifs portant des turbans
C’est le nom d’une communauté spécialisés
dans la construction de synagogues
C’est le nom d’une communauté de juifs dissidents
portant des poignards

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57
5. Quel auteur a rapporté la réputation de « fanatiques »
qui colle aux sicaires ?
Flavius Josèphe
Tacite
Tertullien

6. Comment les chrétiens ont-ils été distingués des juifs


au moment de l’incendie de Rome en 64 ?
Ils ont voulu expérimenter le martyr
Ils ont revendiqué l’incendie de Rome
Ils ont été désignés comme boucs émissaires
car considérés comme fanatiques

7. Quand les chrétiens ont-ils inventé le concept de martyr ?


En 22
À la fin du Ier siècle
Au début du IIIe siècle

8. Qu’y a-t-il de spécifique dans le martyr chrétien ?


Le martyr est une décision personnelle
C’est la communauté qui demande à une personne
de se sacrifier pour elle
C’est la communauté qui reconnaît que l’un des siens est un martyr

Recommencer

58
Explication des réponses :

1. Quand apparaît le terme de « fanatique » ?


L’appellation de « fanatique » (fanaticus) apparaît à l’époque romaine,
au Ier siècle avant notre ère dans le latin classique de Cicéron.
Fanaticus est dérivé de fanum, qui désigne en latin un « lieu consacré »,
en général un petit sanctuaire qui n’est pas intégré dans le paysage
monumental urbain. On peut donc traduire fanaticus par « serviteur
du temple » et définir le fanatique au sens premier du terme comme
quelqu’un qui s’enferme dans le sacré, dans un lieu écarté et dans une
communauté exclusive.

2. Qui est l’instigateur de la révolte des Maccabées ?


La révolte des Maccabées, qui éclata en Judée entre 168 et 160,
a réintroduit la politique dans le religieux en valorisant l’activisme religieux
et légitimé le recours à l’action violente. Mattathias, son instigateur,
avait « tué pour la Loi ».

3. Quels documents ont fait connaître les esséniens ?


Les documents de Qumrân ont fait connaître l’histoire et l’organisation
très exclusive de la communauté des esséniens dirigée par un Maître
de Justice, qui se représente en victime du pouvoir sinon en martyr.

4. Quelle est l’origine du nom de « sicaires » ?


Le terme vient du mot latin sicarius (« porteur d’un poignard court »)
qui dénonce clairement un type d’action terroriste. Tels que les décrit
l’historien juif Flavius Josèphe, les sicaires profitaient des grands
rassemblements de pèlerinage sur l’esplanade du Temple pour poignarder
les juifs qui collaboraient avec les autorités romaines, en plein jour,
au milieu de la foule !

59
5. Quel auteur a rapporté la réputation de « fanatiques »
qui colle aux sicaires ?
La réputation de « fanatiques », qui colle aux sicaires, tient surtout au
suicide collectif des garnisaires de Massada rapporté par Flavius Josèphe.

6. Comment les chrétiens ont-ils été distingués des juifs au moment


de l’incendie de Rome en 64 ?
Ils ont été considérés comme des fanatiques. On suppose (mais c’est une
supposition !) que les chrétiens de Rome se sont répandus dans les rues
en annonçant la fin de l’Empire romain et en appelant à se convertir
à la religion du Christ. Ils pouvaient donc être incriminés pour haute trahison
et pour prosélytisme, puisque, dans la cité antique, la prédication et la
propagande religieuse devaient rester cantonnées à la sphère du privé,
condition du laissez-faire et de la tolérance des autorités impériales.

7. Quand les chrétiens ont-ils inventé le concept de martyr ?


Les chrétiens ont incontestablement inventé le concept de « martyr »
à la fin du Ier siècle en donnant le sens religieux spécifique de « témoin
de la foi » à un terme grec courant (martus) qui signifiait originellement
« témoin en justice ».

8. Qu’y a-t-il de spécifique dans le martyr chrétien ?


Une personne ne choisit pas le martyre, elle est reconnue comme martyr
par sa communauté, quand celle-ci estime que la mort violente scelle
le témoignage de toute une vie.

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63
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Découvrir autrement…
En lançant la collection « Découvrir autrement… », Le Monde de la Bible
veut faciliter la découverte de l’univers biblique et religieux
dans les monothéismes. Le propos est volontairement divisé en
chapitres, puis subdivisé en items ou en questions, dont les réponses
sont courtes et écrites dans un langage accessible au plus grand
nombre. L’ouvrage peut ainsi soit se lire en continu selon la pédagogie
déployée par l’auteur, soit se lire par centre d’intérêt, en sélectionnant
d’emblée l’item privilégié dans le sommaire interactif.

Qu’est-ce qu’un héros ?


Comme bien des termes de notre vocabulaire, « héros » vient du grec
hèrôs et désignait, à l’origine, un maître, un chef, un noble, de là,
un demi-dieu – le terme hèrôinè en étant déjà le féminin. Chez Homère,
le terme désigne un homme illustre, de par sa naissance et ses exploits,
mais c’est Hésiode qui accorde au héros un statut plus religieux et
plus valorisant encore pour en faire un demi-dieu, bien qu’Achille dans
l’Iliade soit déjà le rejeton d’une nymphe…

Les mythes antiques et bibliques


Aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire de l’Humanité,
il semble que toutes les sociétés, qu’elles se soient structurées
en civilisations ou qu’il s’agisse de groupes humains plus restreints,
aient créé des mythes.

Les figures bibliques dans le Coran


Le Coran n’est pas un livre d’histoire, mais il regorge de récits,
qui s’inspirent pour bon nombre d’entre eux de la Bible hébraïque.
Des figures bibliques émergent de chacune des sourates, dans un ordre
qui laisse perplexe les connaisseurs des Écritures juives et chrétiennes
qui croient à chaque verset reconnaître un épisode précis et finalement
n’y voient que confusions et entremêlements.

Les psaumes et les cantiques bibliques


L’Ancien Testament comporte donc en son sein un recueil volumineux
de cent cinquante poèmes, appelés psaumes. Le mot « psaumes »
vient du grec psalmos, qui signifie une musique d’instrument à cordes
accompagnant un chant.

Ces livres numériques disponibles sur www.mondedelabible.com

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