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Physique de la Matière

Université de Lorraine, Polytech Nancy, 4e année EMME

Patrice BACHER

dernière mise à jour : 27 janvier 2024


Sommaire

1 La thermodynamique statistique 1
1.1 Éléments de thermodynamique des équilibres . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1.1 Postulats, principes et équations de base . . . . . . . . . . . . 1
1.1.2 Les potentiels thermodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1.3 Les coefficients de réponse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 La théorie statistique des équilibres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.2.1 Un bref historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.2.2 Du microscopique au macroscopique . . . . . . . . . . . . . . 11
1.2.3 Les résultats du calcul statistique . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3 Les ensembles statistiques usuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.3.1 L’ensemble Tpµ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.3.2 L’ensemble grand canonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.3.3 L’ensemble Tp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.3.4 L’ensemble canonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.3.5 L’ensemble microcanonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4 Équivalence entre ensembles statistiques . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.4.1 Fluctuations au voisinage de l’équilibre . . . . . . . . . . . . . 20
1.4.2 Quelques propriétés des systèmes thermodynamiques . . . . . 21
1.4.3 Le second principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
1.5 Statistiques de réseaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.5.1 Généralités sur les réseaux de sites indépendants . . . . . . . . 24
1.5.2 Cas des réseaux à remplissage binaire . . . . . . . . . . . . . . 25
1.6 Exercices sur les réseaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
1.6.1 Utilisation des facteurs de Boltzmann . . . . . . . . . . . . . . 26
1.6.2 Un système à deux niveaux d’énergie . . . . . . . . . . . . . . 28
1.6.3 L’oscillateur harmonique et le solide d’Einstein . . . . . . . . . 29
1.6.4 Adsorption sur une surface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
1.6.5 Élasticité d’une chaîne polymérique . . . . . . . . . . . . . . . 32

2 Le gaz parfait monoatomique 33


2.1 La théorie cinétique des gaz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.1.1 Distribution de Maxwell-Boltzmann (des énergies) . . . . . . . 34
2.1.2 Distribution de Maxwell (des modules de vitesse) . . . . . . . 35
2.1.3 Les gaz parfaits bi- et uni-dimensionnels . . . . . . . . . . . . 37
2.1.4 Étude statistique des composantes de vitesse . . . . . . . . . . 38
2.1.5 Calcul de la pression cinétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

i
ii (27 janvier 2024) SOMMAIRE

2.2 Le mouvement brownien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41


2.2.1 Les hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.2.2 Libre parcours moyen et fréquence de collisions . . . . . . . . 42
2.3 Aspects quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.3.1 L’indiscernabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.3.2 Gaz parfait de masses ponctuelles à haute température . . . . 45

3 Atomes et molécules 55
3.1 Degrés de liberté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3.1.1 Objet ponctuel, objet composite . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3.1.2 Atomes : degrés de liberté électroniques et nucléaires . . . . . 58
3.1.3 Molécules : degrés de liberté de vibration et de rotation . . . . 60
3.2 Molécules diatomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
3.2.1 Réduction du problème à deux corps . . . . . . . . . . . . . . 62
3.2.2 Vibrations au voisinage de la configuration d’équilibre . . . . . 63
3.2.3 Rotations autour du centre de masse . . . . . . . . . . . . . . 66
3.3 Molécules polyatomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
3.3.1 Rotations autour du centre de masse . . . . . . . . . . . . . . 68
3.3.2 Vibrations au voisinage de la configuration d’équilibre . . . . . 69
3.4 Exercices : vibrations dans les molécules . . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.4.1 Construction du modèle mécanique . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.4.2 Molécule diatomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
3.4.3 Molécule triatomique linéaire symétrique . . . . . . . . . . . . 77
3.4.4 Molécule triangulaire équilatérale . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.4.5 Mouvements transverses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
3.5 Équilibres chimiques entre gaz parfaits . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
3.5.1 Thermodynamique des équilibres chimiques . . . . . . . . . . 83
3.5.2 Statistique des équilibres chimiques entre gaz parfaits . . . . . 84
3.5.3 Exemples d’équilibres chimiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
3.6 Gaz parfait sous champ de force extérieur . . . . . . . . . . . . . . . 89
3.6.1 Conditions d’équilibre sous champ de force extérieur . . . . . . 89
3.6.2 Application aux champs électriques . . . . . . . . . . . . . . . 92

A Théorie des ensembles de Gibbs 97


A.1 Ensemble statistique, énoncé des postulats . . . . . . . . . . . . . . . 97
A.2 Le calcul statistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
A.3 Confrontation avec la thermodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . 102

B Unités SI et constantes physiques 103


Chapitre 1

La thermodynamique statistique

1.1 Éléments de thermodynamique des équilibres


1.1.1 Postulats, principes et équations de base
Système thermodynamique. C’est une partie arbitrairement choisie de l’univers,
isolée par la pensée du milieu extérieur. Son contour peut être physique (parois d’un
récipient), ou pas (élément de volume isolé par la pensée du reste du récipient) ; il
peut même être impossible à matérialiser (l’ensemble des molécules de même nature
disséminées dans un mélange).
Postulat des états d’équilibre. On admet qu’il existe un état d’équilibre macro-
scopique, indépendant de la préparation du système, et défini par la connaissance
d’un nombre v, appelé variance, de données macroscopiques. Ce sont les variables
d’état du système. On peut toujours trouver v variables extensives, c’est-à-dire addi-
tives et à valeurs positives.[ 1]
Échanges avec le milieu extérieur. Les variables extensives peuvent traverser le
contour du système. C’est ce qu’on appelle un échange. Tout flux est compté positi-
vement du milieu extérieur vers le système, et négativement dans l’autre sens. Pour
l’étude d’un équilibre, on n’envisage que des échanges virtuels, uniquement par la
pensée, dans le seul but d’étudier la stabilité de l’équilibre.
Échanges internes, contraintes internes. On peut envisager la circulation des
grandeurs extensives entre deux parties S 0 et S 00 d’un système S. Si une « cloison »
s’oppose à cette circulation, on dit qu’il y a contrainte interne. L’équilibre observé
est alors un équilibre sous contraintes internes. Ce n’est pas réellement l’équilibre
puisque la suppression de la cloison, ou inhibition de la contrainte, déplacera l’équi-
libre. L’équilibre, le vrai, correspond à l’inhibition de toutes les contraintes internes.
Lorsqu’on étudie un équilibre sous contraintes internes, les flux envisagés sont vir-
tuels et compatibles avec les cloisons ou le contour.
Équilibre. Sous contraintes internes ou non, c’est un état où toutes les variables
extensives sont constantes et où tous les flux internes ou externes sont nuls.

1. Une grandeur est additive si sa valeur dans le système S 0 ∪ S 00 , avec S 0 et S 00 disjoints et


initialement en équilibre mutuel, est égale à la somme de ses valeurs dans les systèmes S 0 et S 00 .
2 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

Énergie. L’existence de la variable Énergie est un axiome. C’est une grandeur


extensive qui n’est connue qu’à une constante près, d’où la nécessité de choisir à
notre convenance une énergie de point zéro.
Premier principe de la thermodynamique. Il postule que l’énergie se conserve
globalement passant d’une forme à une autre sans jamais ni se créer ni disparaître.
Si le système gagne de l’énergie, le milieu extérieur en perd la même quantité : il y
a flux d’énergie à travers le contour.
Énergie interne. C’est par définition l’énergie totale du système. On la note en
général E ou U . Dans ce document nous utiliserons la lettre E.
Entropie. Comme pour l’énergie, l’existence de la variable Entropie est un axiome.
C’est une grandeur notée S, extensive, définie exclusivement sur les états d’équilibre,
indéterminée lors de l’évolution du système.
Second principe de la thermodynamique. Il postule que :
• S est additive, fonction positive et sans singularités des variables extensives ;
• S est une fonction croissante de E ;
• S est maximale vis-à-vis des échanges internes, virtuels, infinitésimaux, com-
patibles avec les cloisons, de toutes les variables extensives, y compris E.
Dans un système isolé, la suppression d’une contrainte interne entraîne un déplace-
ment spontané de l’équilibre, toujours accompagné d’un accroissement d’entropie.
Équation fondamentale. Les variables extensives de base sont l’entropie S, l’éner-
gie interne E, le volume V et les nombres ni de moles ou Ni de particules [ 2] de
chacun des constituants. On dit alors qu’un système est :
• adiabatique (diathermique) si son contour est étanche (perméable) à la chaleur ;
• isochore (expansible) si l’on interdit (permet) les variations de volume ;
• fermé (ouvert) si son contour est étanche (perméable) à la matière ;
• isolé lorsque son contour est imperméable à toutes les variables extensives.
La thermodynamique ne se restreint pas à l’étude de tels systèmes. Il est parfois
nécessaire d’introduire d’autres grandeurs comme par exemple un moment électrique
(magnétique) lorsque le système est soumis à un champ électrique (magnétique). Ou
encore, en mécanique du solide, les déformations plutôt que le volume, etc. Quoi qu’il
en soit, ce qui suit concerne les systèmes définis uniquement par les trois variables
E, V , N . La généralisation à des systèmes plus complexes ne pose aucune difficulté.
L’état thermodynamique du système est défini par les trois variables extensives
indépendantes E, V , N . Le fait qu’elles soient indépendantes signifie que les quatre
variables S, E, V , N sont liées : il existe entre elles une relation que l’on appelle
équation fondamentale du système ; on peut l’écrire sous l’une des deux formes [ 3]
S = S(E, V, N ) ou E = E(S, V, N )
Le formalisme énergétique, issu de l’expression E = E(S, V, N ), est celui que l’on
utilise en thermodynamique macroscopique. Le formalisme entropique, issu de l’écri-
ture S = S(E, V, N ), est très utile en thermodynamique statistique.
2. Dans ce cours, il est préférable de travailler avec les nombres Ni de particules plutôt qu’avec
le nombre de moles ; le lien avec la physique statistique en sera plus aisé.
3. S = S(E, V, N ) se lit : la grandeur S vue comme une fonction mathématique de (E, V, N ).
1.1 Éléments de thermodynamique des équilibres (27 janvier 2024) 3

L’équation fondamentale contient toutes les informations nécessaires à la description


thermodynamique du système. Toutes les grandeurs qui y figurent sont additives ;
elles varient toutes proportionnellement à la « quantité » de système.
C’est ce qui caractérise une forme linéaire ou forme homogène de degré 1, c’est-à-dire
qui vérifie, pour tout λ,[ 4]
S(λE, λV, λN ) = λS(E, V, N ) et E(λS, λV, λN ) = λE(S, V, N )
Variables intensives. S et E étant des formes homogènes de degré 1, leurs dérivées
partielles sont des formes homogènes de degré 0.[ 5] Par exemple
∂S ∂S
(λE, λV, λN ) = (E, V, N )
∂E ∂E
Elles sont donc indépendantes de la quantité de système et, à l’équilibre, homogènes
dans tout le système. Elles sont dites intensives. Les dérivées de S sont les variables
intensives entropiques, celles de E sont les variables intensives énergétiques.
Par définition, la température T est la dérivée de E par rapport à S, la pression p
est au signe près la dérivée de E par rapport à V , et le potentiel chimique µ est la
dérivée de E par rapport à N :
  
∂E ∂E ∂E
T = p=− µ=
∂S V,N ∂V S,N ∂N S,V

Équation de Gibbs. C’est l’écriture de dE = ∂E


∂S
dS + ∂E
∂V
dV + ∂E
∂N
dN utilisant
ces définitions :
dE = T dS − p dV + µ dN
De cette expression on extrait dS :
1 p µ
dS = dE + dV − dN
T T T
Étant donné dS = ∂E dE + ∂V
∂S ∂S
dV + ∂S
∂N
dN , on en déduit
  
1 ∂S p ∂S µ ∂S
= = − =
T ∂E V,N T ∂V E,N T ∂N E,V
En thermodynamique statistique, on travaillera plutôt avec la grandeur adimension-
nelle Σ = kSb , où kb est la constante de Boltzmann, et avec les grandeurs
1 p µ
β= ; ξ= ; γ=−
kb T kb T kb T
L’équation de Gibbs devient
S
Σ= → dΣ = β dE + ξ dV + γ dN
kb
Autrement dit
  
∂Σ ∂Σ ∂Σ
β= ξ= γ=
∂E V,N ∂V E,N ∂N E,V

4. Une fonction f : (x1 , ..., xn ) 7→ f (x1 , ..., xn ) est une forme homogène de degré σ si pour tout
λ et pour tout (x1 , ..., xn ) on a f (λx1 , ..., λxn ) = λσ f (x1 , ..., xn ).
5. Les dérivées d’une forme homogène de degré σ sont des formes homogènes de degré σ − 1.
4 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

Théorème de l’énergie interne minimale. C’est une réécriture du second prin-


cipe, justifiée par le fait que la variable intensive entropique T1 associée à E est
l’inverse de la variable intensive énergétique T associée à S. Il s’énonce ainsi :

À l’équilibre, l’énergie interne est minimale vis-à-vis des échanges


internes, virtuels, infinitésimaux, compatibles avec les contraintes
internes, de toutes les variables extensives, y compris S.
Autrement dit, dans un système isolé, la suppression d’une contrainte interne en-
traîne un déplacement spontané de l’équilibre, avec diminution obligatoire de l’éner-
gie interne.
Forces motrices et flux. La variable intensive énergétique Ai associée à une varia-
ble extensive Xi est une force motrice pour le flux virtuel δXi . Ainsi, un écart de
température de part et d’autre d’une paroi adiabatique provoque un flux d’entropie
(ou de chaleur), un écart de pression de part et d’autre d’une paroi mobile provoque
le déplacement de celle-ci, un écart de potentiel chimique de part et d’autre d’une
paroi perméable provoque un flux de matière, etc. À l’équilibre, on peut montrer
que le flux virtuel de Xi se fait dans le sens où sa variable associée Ai décroît. En
particulier, le flux de chaleur se fait dans le sens des températures décroissantes, le
flux de volume dans le sens des pressions croissantes, et le flux de matière dans le
sens des potentiels chimiques décroissants.
Équations d’Euler, théorème de Gibbs-Duhem. E(S, V, N ) et Σ(E, V, N )
étant des formes homogènes de degré 1, on peut leur appliquer le théorème d’Euler [ 6]
E ≡ T S − pV + µN et Σ ≡ βE + ξV + γN
L’équation d’Euler E ≡ T S − pV + µN se différentie en
dE = T dS + S dT − p dV − V dp + µ dN + N dµ
Sachant dE = T dS − p dV + µ dN (équation de Gibbs), on obtient le théorème de
Gibbs-Duhem, rigoureusement équivalent à l’équation de Gibbs,
S dT − V dp + N dµ = 0

À partir de Σ ≡ βE + ξV + γN ⇒ dΣ = β dE + E dβ + ξ dV + V dξ + γ dN + N dγ,
on obtient, sachant dΣ = β dE + ξ dV + γ dN , le résultat équivalent
E dβ + V dξ + N dγ = 0

Équations d’état. On a maintenant sept variables S, E, V , N , T , p, µ, dont trois


sont indépendantes. On peut donc en exprimer quatre en fonction des trois autres.
Les relations de ce type sont appelées équations d’état. Quatre équations d’état indé-
pendantes décrivent entièrement le système, et remplacent avantageusement et sans
équivoque la donnée de l’équation fondamentale. La plus connue est l’équation des
gaz parfaits monoconstituants p(T, V, N ) = N kb T /V . Pour décrire entièrement ce
système, trois autres équations sont nécessaires, par exemple les expressions de µ, S
et E en fonction de (T, V, N ).
n
P ∂f
6. Théorème d’Euler pour une forme homogène de degré σ : xi ∂x i
= σf
i=1
1.1 Éléments de thermodynamique des équilibres (27 janvier 2024) 5

1.1.2 Les potentiels thermodynamiques


Ce sont au signe près les transformées de Legendre (TdL) de E.[ 7]

Les transformées de Legendre de l’énergie interne


• Équations initiales :

E(S, V, N ) ≡ T S − pV + µN ; dE = T dS − p dV + µ dN
  
∂E ∂E ∂E
T = p=− µ= (1.1)
∂S V,N ∂V S,N ∂N S,V

• L’énergie libre F est au signe près la TdL de E pour la variable S :

F (T, V, N ) = E − T S ; dF = −S dT − p dV + µ dN
  
∂F ∂F ∂F
S=− p=− µ= (1.2)
∂T V,N ∂V T,N ∂N T,V

• Le grand potentiel Ψ est au signe près la TdL de E pour les variables S et N :

Ψ(T, V, µ) = E − T S − µN ; dΨ = −S dT − p dV − N dµ
  
∂Ψ ∂Ψ ∂Ψ
S=− p=− N =− (1.3)
∂T V,µ ∂V T,µ ∂µ T,V

• L’enthalpie libre G est au signe près la TdL de E pour les variables S et V :

G(T, p, N ) = E − T S + pV ; dG = −S dT + V dp + µ dN
  
∂G ∂G ∂G
S=− V = µ= (1.4)
∂T p,N ∂p T,N ∂N T,p

• Le potentiel nul Θ est au signe près la TdL de E pour toutes les variables :[ 8]

Θ(T, p, µ) = E − T S + pV − µN ; dΘ = −S dT + V dp − N dµ
  
∂Θ ∂Θ ∂Θ
S=− V = N =− (1.5)
∂T p,µ ∂p T,µ ∂µ T,p
7. La transformée de Legendre de f : (x1 , ..., xn ) 7→ f (x1 , ..., xn ) pour les variables (x1 , ..., xk ),
k ≤ n, est la fonction g définie par
Pk ∂f
g(u1 , ..., uk , xk+1 , ..., xn ) = ui xi −f (x1 , ..., xk , xk+1 , ..., xn ) avec ui = (i = 1 à k)
i=1 ∂xi
Dans cette expression, les (x1 , ..., xk ) doivent disparaître : on les remplace par leurs expressions
en fonction de (u1 , ..., uk , xk+1 , ..., xn ) que l’on extrait des k relations ui = ∂f /∂xi , i = 1 à k.
Principales propriétés :
− dérivation par rapport aux variables transformées : ∂f /∂xi = ui ⇒ ∂g/∂ui = xi (i ≤ k) ;
− dérivation par rapport aux variables non transformées : ∂g/∂xj = −∂f /∂xj (j > k) ;
− Involution : la transformation inverse de g redonne la fonction f de départ.
8. Attention au potentiel nul Θ : il est nul à l’équilibre (équation d’Euler), sa différentielle
également (théorème de Gibbs-Duhem), mais c’est une fonction de (T, p, µ) non identiquement
nulle au voisinage de l’équilibre.
6 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

Ces quatre potentiels thermodynamiques, qui concernent les systèmes isothermes,


sont les plus importants. Le seul cas « non isotherme » utile est le suivant :
• l’enthalpie est au signe près la TdL de E pour la variable V :
H(S, p, N ) = E + pV ; dH = T dS + V dp + µ dN
  
∂H ∂H ∂H
T = V = µ= (1.6)
∂S p,N ∂p S,N ∂N S,p

Théorèmes du potentiel thermodynamique minimal


La relation F = E − T S n’est pas une simple opération arithmétique. Elle sous-
entend un changement de variable S → T : en développé elle s’écrit
F (T, V, N ) = E(S (T,V,N ) , V, N ) − T S (T,V,N )
On passe d’une différentielle totale exacte dE à une autre différentielle totale exacte
dF . Si on écrit F uniquement en fonction de ses variables naturelles (T, V, N ), les
autres variables (S, p, µ) sont accessibles par simple calcul de dérivées partielles.
La transformation de Legendre étant involutive,[ 9] tout potentiel thermodynamique,
exprimé en fonction de ses variables naturelles contient autant d’information que
l’équation fondamentale E = E(S, V, N ).
L’intérêt des potentiels thermodynamiques est de pouvoir exprimer de façon simple
le second principe lorsque le système n’est pas isolé : à chaque environnement cor-
respond un potentiel thermodynamique, rendu minimal à l’équilibre. Les variables
naturelles de ce potentiel sont les grandeurs rendues constantes par l’environnement.
Voici la liste de ces théorèmes (les plus utiles dans ce cours), applicables aux systèmes
où les seules variables extensives sont S, E, V , N . Ils se démontrent très facilement
à partir du second principe et des définitions des potentiels thermodynamiques.
• Un système isolé, c’est-à-dire adiabatique, isochore, fermé (S, V, N fixés) est à
l’équilibre lorsque son énergie interne E est minimale ;
• Un système isotherme, isochore, fermé (T, V, N fixés) est à l’équilibre lorsque
son énergie libre F est minimale ;
• Un système isotherme, isobare, fermé (T, p, N fixés) est à l’équilibre lorsque
son enthalpie libre G est minimale ;
• Un système isotherme, isochore, iso-µ[ 10] (T, V, µ fixés) est à l’équilibre lorsque
son grand potentiel Ψ est minimal ;
• Un système isotherme, isobare, iso-µ (T, p, µ fixés) est à l’équilibre lorsque son
potentiel nul Θ est minimal, c’est-à-dire nul.
À noter que l’utilisation d’un potentiel thermodynamique n’est pas restreinte aux
conditions particulières pour lesquelles le second principe s’écrit de façon simple :
tous les potentiels sont équivalents thermodynamiquement. On peut utiliser n’im-
porte lequel d’entre eux, indépendamment de l’environnement du système. Le choix
des variables indépendantes est arbitraire, non imposé par l’environnement, puisque
un système, même non isolé, possède à l’équilibre une énergie interne constante, un
système, même ouvert, possède à l’équilibre une composition constante, etc.
9. Involutive : la transformée inverse redonne sans ambiguïté la fonction de départ.
10. À ma connaissance, il n’existe pas de terme signifiant « en contact avec un réservoir de
particules qui fixe le potentiel chimique ».
1.1 Éléments de thermodynamique des équilibres (27 janvier 2024) 7

Les transformées de Legendre de l’entropie


Elles sont très importantes en physique statistique. On exprimera les transformées
de Legendre de Σ = S/kb , avec les notations
1 p µ
β= ; ξ= ; γ=−
kb T kb T kb T

• Équations initiales :

Σ(E, V, N ) = βE + ξV + γN ; dΣ = β dE + ξ dV + γ dN
  
∂Σ ∂Σ ∂Σ
β= ξ= γ= (1.7)
∂E V,N ∂V E,N ∂N E,V

• Φβ est la transformée de Legendre de Σ pour la variable E :

Φβ (β, V, N ) = βE − Σ ; dΦβ = E dβ − ξ dV − γ dN
  
∂Φβ ∂Φβ ∂Φβ
E= ξ=− γ=− (1.8)
∂β V,N ∂V β,N ∂N β,V

• Φβγ est la transformée de Legendre de Σ pour les variables E et N :

Φβγ (β, V, γ) = βE + γN − Σ ; dΦβγ = E dβ − ξ dV + N dγ


  
∂Φβγ ∂Φβγ ∂Φβγ
E= ξ=− N= (1.9)
∂β V,γ ∂V β,γ ∂γ β,V

• Φβξ est la transformée de Legendre de Σ pour les variables E et V :

Φβξ (β, ξ, N ) = βE + ξV − Σ ; dΦβξ = E dβ + V dξ − γ dN


  
∂Φβξ ∂Φβξ ∂Φβξ
E= V = γ=− (1.10)
∂β ξ,N ∂ξ β,N ∂N β,ξ

• Φβξγ est la transformée de Legendre de Σ pour toutes les variables :

Φβξγ (β, ξ, γ) = βE + ξV + γN − Σ ; dΦβξγ = E dβ + V dξ + N dγ


  
∂Φβξγ ∂Φβξγ ∂Φβξγ
E= V = N= (1.11)
∂β ξ,γ ∂ξ β,γ ∂γ β,ξ

Le lien avec les potentiels thermadynamiques F , G, Ψ, Θ :

Φβ = βF ; Φβγ = βΨ ; Φβξ = βG ; Φβξγ = βΘ


8 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.1.3 Les coefficients de réponse


Les coefficients thermoélastiques
Les trois coefficients thermoélastiques les plus utilisés sont le coefficient de dilatation
thermique isobare αp , le coefficient de compressibilité isotherme χT et le coefficient
d’augmentation de pression isochore βV . Pour les calculer,
• soit on connaît l’expression de p = p(T, V, N ) et on utilise les relations
 
1 ∂p 1 ∂p
βV = = −V αp = pβV χT
p ∂T V,N χT ∂V T,N
• soit on connaît l’expression de V = V (T, p, N ) et on utilise les relations
 
1 ∂V 1 ∂V 1 αp
αp = χT = − βV =
V ∂T p,N V ∂p T,N p χT
Les formules encadrées sont des définitions, les autres en sont des conséquences. Les
démonstrations sont données page 9. Même chose pour les relations ci-dessous.

Les coefficients calorimétriques


Les deux coefficients calorimétriques les plus utilisés sont la capacité thermique iso-
chore CV et la capacité thermique isobare Cp .
Connaissant les expressions de E en fonction de (T, V, N ) et de H = E + pV en
fonction de (T, p, N ), on utilise les définitions
 
∂E ∂H
CV = et Cp =
∂T V,N ∂T p,N
Deux relations utiles lorsqu’on connaît l’expression de S en fonction de (T, V, N )
pour la première ou en fonction de (T, p, N ) pour la seconde :
 
∂S ∂S
CV = T et Cp = T (démo. page 9)
∂T V,N ∂T p,N
Remarques :
• synonymes de capacité thermique : capacité calorifique, chaleur spécifique ;
• habituellement on parle de chaleur (spécifique) massique (J·K−1·kg−1 ), volu-
mique (J·K−1·m−3 ) ou molaire (J·K−1·mol−1 ), avec les notations cv ou cp ;
ici, la lettre c minuscule sera attribuée à des chaleurs spécifiques par entité
microscopique (molécule, atome, électron, etc.) ; la lettre C majuscule concerne
l’échantillon macroscopique étudié.
1.1 Éléments de thermodynamique des équilibres (27 janvier 2024) 9


1 ∂p
Démonstration de αp = pβV χT et = −V
χT ∂V T,N

• Considérant V comme une fonction de (T, p, N ) on écrit 


∂V ∂V ∂V
V = V (T, p, N ) ⇒ dV = dT + dp + dN
∂T p,N ∂p T,N ∂N T,p
À l’aide des formules encadrées on en
 déduit
∂V
dV = V αp dT − V χT dp + dN
∂N T,p
De cette dernière expression on extrait dp :

αp 1 1 ∂V
dp = dT − dV + dN (1.12)
χT V χT V χT ∂N T,p
• Considérant p comme une fonction de (T, V, N ) on
 écrit 
∂p ∂p ∂p
p = p(T, V, N ) ⇒ dp = dT + dV + dN
∂T V,N ∂V T,N ∂N T,V
À l’aide des formules encadrées on en déduit
 
∂p ∂p
dp = pβV dT + dV + dN (1.13)
∂V T,N ∂N T,V
• Comparant (1.12) et (1.13)
 on obtient bien les formules annoncées :
αp ∂p 1
pβV = et =−
χT ∂V T,N V χT
 
∂S ∂S
Démonstration de CV = T et Cp = T
∂T V,N ∂T p,N

• Dans l’équation de Gibbs dE = T dS − p dV + µ dN , on considère S comme


une fonction de (T, V, N ) : !
  
∂S ∂S ∂S
dE = T dT + dV + dN − p dV + µ dN
∂T V,N ∂V T,N ∂N T,V
 !  !  !
∂S ∂S ∂S
= T dT + T − p dV + T + µ dN
∂T V,N ∂V T,N ∂N T,V
| {z } | {z } | {z }
∂E ∂E
∂E

=C ]
∂V T,N ]
∂N T,V
∂T V,N V

• Dans l’équation dH = T dS +V dp+µ dN , on considère S comme une fonction


de (T, p, N ) : !
  
∂S ∂S ∂S
dH = T dT + dp + dN + V dp + µ dN
∂T p,N ∂p T,N ∂N T,p
 !  !  !
∂S ∂S ∂S
= T dT + T + V dp + T + µ dN
∂T p,N ∂p T,N ∂N T,p
| {z } | {z } | {z }
∂H ∂H
∂H

=C ]
∂p T,N ]
∂N T,p
∂T p,N p
10 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.2 La théorie statistique des équilibres


1.2.1 Un bref historique
Le macroscopique. C’est le monde tel que nous le percevons à notre échelle. Il est
régi par les lois de la thermodynamique – des équilibres ou hors équilibre – et, selon
les cas, par celles de tous les domaines de la physique : la mécanique des fluides ou
des solides, l’électricité, le magnétisme, l’optique, l’électromagnétisme, etc.
Le microscopique. C’est le monde à l’échelle des constituants de la matière. Ces
constituants peuvent être des molécules, des atomes, des électrons, des noyaux, des
nucléons, etc., suivant la nature du système macroscopique étudié et des propriétés
que l’on cherche à atteindre. Même si parfois la mécanique classique peut suffire,
c’est par la mécanique quantique que l’on décrit le comportement de ces entités
microscopiques.
La physique statistique. C’est la discipline qui permet de relier les propriétés d’un
système macroscopique au comportement des entités microscopiques qui le consti-
tuent. On distingue la physique statistique d’équilibre de la physique statistique hors
d’équilibre.

Nous nous intéresseront dans ce cours uniquement


xxxaux systèmes à l’équilibre thermodynamique.

Boltzmann. C’est Ludwig Boltzmann qui, dans la seconde moitié du XIXe siècle,
est le premier à s’intéresser à ce genre de problème. À cette époque c’est la révolution
industrielle et on s’intéresse principalement aux machines permettant de transfor-
mer la chaleur en travail, systèmes thermodynamiques impliquant des fluides. C’est
dans ce contexte qu’il développa la théorie cinétique des gaz, qui fut le point de dé-
part de la mécanique statistique. Il introduisit les fameux facteurs de Boltzmann qui
permettent de calculer les probabilités d’occurrence des différents microétats, nom
que l’on donne aux différentes configurations susceptibles d’être observées à l’échelle
microscopique. L’état thermodynamique, appelé dans ce contexte macroétat, est vu
comme une « moyenne » faite sur tous les microétats accessibles au système.
Gibbs. En 1902, Josiah Willard Gibbs propose une théorie complète et rigou-
reuse de la thermodynamique statistique des équilibres. La méthode des ensembles
de Gibbs consiste à calculer, à partir des microétats accessibles au système, une
fonction de partition de celui-ci. les relations mathématiques qui existent entre fonc-
tions de partition et potentiels thermodynamiques permettent de faire le lien re-
cherché entre le monde microscopique et la thermodynamique macroscopique. La
thermodynamique statistique est née. La physique statistique a immédiatement suivi,
puisque la théorie de Gibbs permet d’introduire dans les modèles les propriétés phy-
siques – électriques, magnétiques, etc. – de la matière.
Les années 20. Entre 1920 et 1930 apparaissent dans la théorie la nature quantique
des particules élémentaires. C’est à cette époque que la notion d’indiscernabilité est
introduite, ainsi que la distinction entre bosons et fermions, ces derniers, contraire-
ment aux premiers, répondant au principe d’exclusion de Pauli.
1.2 La théorie statistique des équilibres (27 janvier 2024) 11

1.2.2 Du microscopique au macroscopique


Le facteur d’échelle entre le monde macroscopique et le monde microscopique, c’est
typiquement le nombre d’Avogadro.
Le nombre d’Avogadro. C’est par définition de la mole, le nombre d’entités conte-
nues dans une mole desdites entités. Il vaut exactement
NA = 6, 022 140 76×1023 mol−1
Dans les calculs d’ordre de grandeur, on assimile souvent NA à 1024 . C’est un
nombre faramineux : un millionième de millionième de mole, quantité inappréciable
à l’échelle macroscopique, contient environ un million de millions de particules, suffi-
samment à l’échelle microscopique pour effectuer sur elles des calculs statistiques.
Pour le chimiste, une quantité de matière s’exprime en moles. Lorsqu’il est amené
à faire du calcul différentiel ou intégral, il écrit sans aucune hésitation dn, où n est
un nombre de moles. En faisant cela, il oublie qu’une quantité de matière ne peut
varier que de manière discrète, molécule par molécule.[ 11] Mais il n’a pas vraiment
tort : la variation d’une molécule par rapport au nombre d’Avogadro peut être
considérée comme infinitésimale. En clair, le « macroscopiste » considère dn, non
pas comme un infiniment petit absolu, mais comme un infiniment petit à l’échelle
macroscopique : la quantité dn est supposée, à l’échelle microscopique, suffisamment
grande pour contenir un grand nombre de molécules. On dit que dn fait partie du
domaine mésoscopique, le domaine intermédiaire entre le domaine macroscopique et
le domaine microscopique.
On peut généraliser cette propriété à toute grandeur X mesurable sur le système. En
mécanique quantique, même si X varie de façon continue à l’échelle macroscopique,
elle varie bien souvent de manière discontinue à l’échelle microscopique. Mais l’écart
entre deux valeurs consécutives sera toujours extrêmement petit face à la valeur
moyenne de cette grandeur : on pourra toujours trouver un intervalle δX à la fois
inappréciable à l’échelle macroscopique pour pouvoir être remplacé par dX, et suf-
fisamment grand pour contenir un très grand nombre de valeurs possibles à l’échelle
microscopique.
En conséquence de l’énormité de NA , il existe une séparation très nette entre le
monde microscopique et le monde macroscopique. Cette différence d’ordres de gran-
deur se fait ressentir sur tout ce qui est mesurable sur un système physique : volume,
masse, énergie, charge électrique, moment magnétique ou électrique, etc.
Le temps à l’échelle microscopique. À l’échelle microscopique, rien n’est figé, la
matière est en perpétuel mouvement. Une transition est une modification élémen-
taire, infinitésimale, du système physique à l’échelle microscopique. Ce peut être
une transition électronique dans un atome ou une molécule (passage pour le sys-
tème d’électrons d’un état quantique à un autre), ou encore une collision entre deux
molécules d’un gaz, modifiant les trajectoires et les vitesses de celles-ci, etc.
Concernant les temps, il existe une vaste gamme allant de la durée d’une transition
à la durée d’une expérience.

11. Nous qui travaillerons avec le nombre N de molécules ferons pire que le chimiste : nous
écrirons dN , alors que N est un entier (NA dn conviendrait mieux, sans rien changer aux résultats).
12 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

Les processus mis en jeu dans une transition sont toujours d’origine quantique ; ils
sont en général inconnus, inaccessibles à l’expérience. Tout ce qu’on peut dire d’une
transition, c’est comment était le système avant la transition, et ce qu’il est devenu
après. On considère que la durée d’une transition, puisqu’elle n’est pas mesurable,
est nulle.
À l’autre extrémité de l’échelle, il y a la durée de l’expérience, de la mesure. Cette
mesure n’est représentative de l’état macroscopique du système que si pendant sa
durée il s’est passé un très grand nombre de transitions. On est ainsi amené à évaluer
ce qu’on appelle le temps de transition, c’est-à-dire le temps moyen qui s’écoule entre
deux transitions.
Dans une mole de gaz ordinaire par exemple, on estime qu’une molécule donnée
subit environ 109 collisions par seconde ; cela donne, pour une mole, environ 1033
collisions par seconde. Le temps de transition est donc extrêmement court.[ 12] Entre
le domaine macroscopique, celui de la mesure, et le domaine microscopique, celui
de la transition, il existe un très large domaine où se situeront dans les calculs
les intervalles de temps δt, à la fois suffisamment petits à l’échelle macroscopique
pour être considérés comme une différentielle dt, et suffisamment grands à l’échelle
microscopique pour y trouver un très grand nombre d’événements microscopiques.
Microétat, macroétat. À l’échelle microscopique, bien que très souvent la mé-
canique classique suffise, c’est la mécanique quantique qui régit le comportement
des particules : les états possibles pour un système donné, dans la mesure où celui-
ci est confiné dans une certaine partie de l’espace, forment un ensemble discret,
dénombrable.[ 13]
L’état macroscopique, ou macroétat, d’un système physique est défini en thermody-
namique par la donnée de quelques grandeurs extensives (E, V, N...).
L’état quantique dans lequel se trouve le système est appelé microétat. Si l’on voulait
connaître le microétat dans lequel se trouve, à un instant donné, un système à N
particules, Il faudrait définir l’état individuel de chaque particule. Il faudrait par
exemple mesurer ou calculer chaque vecteur position et chaque vecteur vitesse, c’est-
à-dire au moins 6N nombres. C’est absolument impossible, et d’ailleurs sans intérêt :
la masse d’information est tellement énorme qu’elle en devient inexploitable. Pour
N = 1024 , il faudrait environ 10 yottaoctets (10 000 milliards de téraoctets) pour
stocker une configuration instantanée.
Il est clair que si on veut faire le lien entre les quelques variables macroscopiques
(E, V, N...) et les 6N variables microscopiques, il faut faire des statistiques : une
mesure dure un certain temps ∆t, au cours duquel le système a changé de microétat
un très grand nombre de fois. Les mesures de (E, V, N...) sont des moyennes faites
sur l’ensemble des microétats visités par le système au cours de ∆t. Les méthodes
probabilistes conduisent habituellement à des résultats plus ou moins approximatifs.
Ici, du fait de l’énormité des nombres utilisés, les prédictions peuvent être considérées
comme certaines, les résultats comme exacts.
12. Prudence toutefois : dans l’espace intersidéral, une particule peut parcourir plusieurs dizaines
de millions de kilomètres sans subir aucune collision, ce qui donne plusieurs années pour le temps
de collision.
13. Ce sera bien commode par la suite : les calculs statistiques se feront non pas avec des
intégrales mais au moyen de sommes discrètes.
1.2 La théorie statistique des équilibres (27 janvier 2024) 13

1.2.3 Les résultats du calcul statistique


La théorie de Gibbs, dont vous trouverez un développement en annexe A et qui ne
sera pas traitée en cours, conduit aux résultats suivants.
1. Facteurs de Boltzmann, probabilités d’occurrence.
Considérons un système dont l’entropie S peut être exprimée en fonction de quelques
variables extensives E, V , N , etc. Ce système est en contact avec le milieu extérieur
qui fixe certaines variables intensives ; les variables extensives associées à ces der-
nières sont libres de fluctuer ; les autres sont maintenues constantes.

De manière générale, si dans l’expression de dΣ apparait un couple de variables


(ϕ, X) associées sous la forme
dΣ = · · · + ϕ dX + · · ·
et que la grandeur X est libre de fluctuer, alors la probabilité Pm d’observer un
microétat m pour lequel la variable X vaut Xm est proportionnelle à e−ϕXm .

Par exemple, partant de l’équation de Gibbs dΣ = β dE + ξ dV + γ dN ,


• si β = 1/kb T est fixé et que l’énergie interne E est libre de fluctuer, alors la
probabilité Pm d’observer un microétat m pour lequel l’énergie interne vaut
Em est proportionnelle au facteur de Boltzmann e−βEm ;
• si ξ = p/kb T est fixé et que le volume V est libre de fluctuer, alors la probabilité
Pm d’observer un microétat m pour lequel le volume vaut Vm est proportion-
nelle au facteur de Boltzmann e−ξVm ;
• si γ = −µ/kb T est fixé et que le nombre N de particules est libre de fluctuer,
alors la probabilité Pm d’observer un microétat m pour lequel le nombre de
particules vaut Nm est proportionnelle au facteur de Boltzmann e−γNm .

2. Fonctions de partition et potentiels thermodynamiques.


Pour faire simple, prenons un exemple. Soit un système thermodynamique dont
l’entropie S est une fonction de (E, V, N ). Son équation de Gibbs s’écrit

dE = T dS − p dV + µ dN ou dΣ = β dE + ξ dV + γ dN

Supposons-le fermé (N est fixé), maintenu à la température T (son énergie interne


E peut fluctuer), et soumis à une pression p (son volume V peut fluctuer). D’après
ce qui précède, la probabilité d’observer un état m pour lequel E vaut Em et pour
lequel V vaut Vm est proportionnelle au facteur de Boltzmann e−βEm e−ξVm .
En conséquence, si on note Ω(E, V, N ) le nombre de microétats pour lesquels, pour
N donné, l’énergie interne et le volume sont mesurés à E et V , la probabilité d’une
telle mesure est proportionnelle à Ω(E, V, N ) e−βE e−ξV .
Autrement dit, cette probabilité que l’on notera PEV (β, ξ, N ) est de la forme

PEV (β, ξ, N ) = λ Ω(E, V, N ) e−βE e−ξV


14 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

On détermine λ en posant PEV (β, ξ, N ) = 1, et on obtient


PP
V E

Ω(E, V, N ) e−βE e−ξV


PEV (β, ξ, N ) =
Zβξ (β, ξ, N )
avec

Ω(E, V, N ) e−βE e−ξV


PP
Zβξ (β, ξ, N ) =
V E
Dérivons ln Zβξ
• par rapport à β :
∂ ln Zβξ 1 PP
(−E)Ω e−βE e−ξV = −
PP
= EPEV = −Ē
∂β Zβξ V E V E

• par rapport à ξ :
∂ ln Zβξ 1 PP
(−V )Ω e−βE e−ξV = −
PP
= V PEV = −V̄
∂ξ Zβξ V E V E

On a donc
 
∂ ln Zβξ ∂ ln Zβξ
Ē = − et V̄ = −
∂β ξ,N ∂ξ β,N
Or, en thermodynamique on a, d’après les équations (1.10),
 
∂Φβξ ∂Φβξ
E= et V =
∂β ξ,N ∂ξ β,N
avec

Φβξ (β, ξ, N ) = βE + ξV − Σ

et

dΦβξ = E dβ + V dξ − γ dN

Les valeurs moyennes Ē et V̄ étant assimilées aux grandeurs E et V de la thermo-


dynamique, on en déduit

Φβξ (β, ξ, N ) = − ln Zβξ (β, ξ, N )

Cette équation fait le lien entre les statistiques et la thermodynamique. Pour l’exemple
choisi on a pour résumer

Φβξ (β, ξ, N ) = βE + ξV − Σ

Ω(E, V, N ) e−βE e−ξV


PP
Zβξ (β, ξ, N ) =
V E

Φβξ (β, ξ, N ) = − ln Zβξ (β, ξ, N )

dΦβξ = − dln Zβξ = E dβ + V dξ − γ dN


1.2 La théorie statistique des équilibres (27 janvier 2024) 15

et donc
∂Φβξ ∂ ln Zβξ
E(β, ξ, N ) = =−
∂β ∂β
∂Φβξ ∂ ln Zβξ
V (β, ξ, N ) = =−
∂ξ ∂ξ
∂Φβξ ∂ ln Zβξ
γ(β, ξ, N ) = − =
∂N ∂N
∂ ln Zβξ ∂ ln Zβξ
Σ(β, ξ, N ) = −Φβξ + βE + ξV = ln Zβξ − β −ξ
∂β ∂ξ

Sachant β = 1/kb T et ξ = p/kb T , on peut également travailler avec les variables


intensives habituelles T et p :
Ω(E, V, N ) e−E/kb T e−pV /kb T
PEV (T, p, N ) =
ZT p (T, p, N )
avec

Ω(E, V, N ) e−E/kb T e−pV /kb T


PP
ZTp (T, p, N ) =
V E
ZTp est une fonction de partition. Ici fonction de T et p (nous en verrons d’autres),
elle est appelée fonction de partition de l’ensemble Tp.
Comme la fonction Zβξ , elle permet de faire le lien avec la thermodynamique. Le
potentiel qui lui est associé est l’enthalpie libre G(T, p, N ). Par un calcul analogue
au précédent, on obtient

G(T, p, N ) = E − T S + pV

Ω(E, V, N ) e−E/kb T e−pV /kb T


PP
ZTp (T, p, N ) =
V E

G(T, p, N ) = −kb T ln ZTp (T, p, N )

dG = − d(kb T ln ZTp ) = −S dT + V dp + µ dN

et donc
∂G ∂ ln ZTp
S(T, p, N ) = − = kb ln ZTp + kb T
∂T ∂T
∂G ∂ ln ZTp
V (T, p, N ) = = −kb T
∂p ∂p
∂G ∂ ln ZTp
µ(T, p, N ) = = −kb T
∂µ ∂N
 
∂ ln ZTp ∂ ln ZTp
E(T, p, N ) = G + T S − pV = kb T T +p
∂T ∂p

2 ∂ ln ZTp ∂H
H(T, p, N ) = E + pV = G + T S = kb T puis Cp =
∂T ∂T p,N
16 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.3 Les ensembles statistiques usuels


Les fonctions de partition qui suivent sont notées Zβξγ , Zβξ , Zβγ , Zβ ou encore ZTpµ ,
ZTp , ZTµ , ZT : en indices, ce sont les variables intensives dont elles sont les fonctions.

1.3.1 L’ensemble Tpµ


L’ensemble Tpµ est construit à partir d’un système en contact avec un réservoir qui
fixe (β, ξ, γ), autrement dit (T, p, µ), qui sont les variables naturelles de la fonction
Φβξγ et du potentiel nul Θ. On pourra travailler, soit avec les variables (β, ξ, γ)
(formalisme entropique), soit avec les variables (T, p, µ) (formalisme énergétique).

Formalisme entropique. (pour Σ, on a utilisé Σ = −Φβξγ + βE + ξV + γN )


Ω(E, V, N ) e−βE e−ξV e−γN
PPP
Zβξγ (β, ξ, γ) =
V N E

Φβξγ (β, ξ, γ) = − ln Zβξγ (β, ξ, γ)

dΦβξγ = E dβ + V dξ + N dγ

∂Φβξγ ∂ ln Zβξγ
E(β, ξ, γ) = =−
∂β ∂β
∂Φβξγ ∂ ln Zβξγ
V (β, ξ, γ) = =−
∂ξ ∂ξ
∂Φβξγ ∂ ln Zβξγ
N (β, ξ, γ) = =−
∂γ ∂γ
∂ ln Zβξγ ∂ ln Zβξγ ∂Zβξγ
Σ(β, ξ, γ) = ln Zβξγ − β −ξ −γ
∂β ∂ξ ∂γ

Formalisme énergétique. (pour E, on a utilisé E = Θ + T S − pV + µN )


Ω(E, V, N ) e−E/kb T e−pV /kb T e µN/kb T
PPP
ZTpµ (T, p, µ) =
V N E

Θ(T, p, µ) = −kb T ln ZTpµ (T, p, µ)

dΘ = −S dT + V dp − N dµ

∂Θ ∂ ln ZTpµ
S(T, p, µ) = − = kb ln ZTpµ + kb T
∂T ∂T
∂Θ ∂ ln ZTpµ
V (T, p, µ) = = −kb T
∂p ∂p
∂Θ ∂ ln ZTpµ
N (T, p, µ) = − = kb T
∂µ ∂µ
 
∂ ln ZTpµ ∂ ln ZTpµ ∂ ln ZTpµ
E(T, p, µ) = kb T T +p +µ
∂T ∂p ∂µ
1.3 Les ensembles statistiques usuels (27 janvier 2024) 17

1.3.2 L’ensemble grand canonique


L’ensemble grand canonique est construit à partir d’un système ouvert en contact
avec un réservoir de particules fixant la température et le potentiel chimique. Les
variables considérées comme fixes sont (β, V, γ) ou (T, V, µ) : ce sont les variables
naturelles de la fonction Φβγ et du grand potentiel Ψ.

Formalisme entropique. (pour Σ, on a utilisé Σ = −Φβγ + βE + γN )

Ω(E, V, N ) e−βE e−γN


PP
Zβγ (β, V, γ) =
N E

Φβγ (β, V, γ) = − ln Zβγ (β, V, γ)

dΦβγ = E dβ − ξ dV + N dγ

∂Φβγ ∂ ln Zβγ
E(β, V, γ) = =−
∂β ∂β
∂Φβγ ∂ ln Zβγ
ξ(β, V, γ) = − =
∂V ∂V
∂Φβγ ∂ ln Zβγ
N (β, V, γ) = =−
∂γ ∂γ
∂ ln Zβγ ∂Zβγ
Σ(β, V, γ) = ln Zβγ − β −γ
∂β ∂γ

Formalisme énergétique. (pour E, on a utilisé E = Ψ + T S + µN )

Ω(E, V, N ) e−E/kb T e µN/kb T


PP
ZTµ (T, V, µ) =
N E

Ψ(T, V, µ) = −kb T ln ZTµ (T, V, µ)

dΨ = −S dT − p dV − N dµ

∂Ψ ∂ ln ZTµ
S(T, V, µ) = − = kb ln ZTµ + kb T
∂T ∂T
∂Ψ ∂ ln ZTµ
p(T, V, µ) = − = kb T
∂V ∂V
∂Ψ ∂ ln ZTµ
N (T, V, µ) = − = kb T
∂µ ∂µ
 
∂ ln ZTµ ∂ ln ZTµ
E(T, V, µ) = kb T T +µ
∂T ∂µ
18 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.3.3 L’ensemble Tp
L’ensemble Tp est construit à partir d’un système isotherme isobare. Les variables
considérées comme fixes sont (β, ξ, N ) ou (T, p, N ) : ce sont les variables naturelles
de la fonction Φβξ et de l’enthalpie libre G.

Formalisme entropique. (pour Σ, on a utilisé Σ = −Φβξ + βE + ξV )

Ω(E, V, N ) e−βE e−ξV


PP
Zβξ (β, ξ, N ) =
V E

Φβξ (β, ξ, N ) = − ln Zβξ (β, ξ, N )

dΦβξ = E dβ + V dξ − γ dN

∂Φβξ ∂ ln Zβξ
E(β, ξ, N ) = =−
∂β ∂β
∂Φβξ ∂ ln Zβξ
V (β, ξ, N ) = =−
∂ξ ∂ξ
∂Φβξ ∂ ln Zβξ
γ(β, ξ, N ) = − =
∂N ∂N
∂ ln Zβξ ∂ ln Zβξ
Σ(β, ξ, N ) = ln Zβξ − β −ξ
∂β ∂ξ

Formalisme énergétique. (pour E, on a utilisé E = G + T S − pV )

Ω(E, V, N ) e−E/kb T e−pV /kb T


PP
ZTp (T, p, N ) =
V E

G(T, p, N ) = −kb T ln ZTp (T, p, N )

dG = −S dT + V dp + µ dN

∂G ∂ ln ZTp
S(T, p, N ) = − = kb ln ZTp + kb T
∂T ∂T
∂G ∂ ln ZTp
V (T, p, N ) = = −kb T
∂p ∂p
∂G ∂ ln ZTp
µ(T, p, N ) = = −kb T
∂N ∂N
 
∂ ln ZTp ∂ ln ZTp
E(T, p, N ) = G + T S − pV = kb T T +p
∂T ∂p
∂ ln ZTp ∂H
H(T, p, N ) = G + T S = E + pV = kb T 2 → Cp =
∂T ∂T
1.3 Les ensembles statistiques usuels (27 janvier 2024) 19

1.3.4 L’ensemble canonique


L’ensemble canonique est construit à partir d’un système isotherme : E est libre
de fluctuer, les valeurs de V et N sont fixées par les conditions expérimentales. Les
variables considérées comme fixes sont (β, V, N ) ou (T, V, N ) : ce sont les variables
naturelles de la fonction Φβ et de l’énergie libre F .

Formalisme entropique Formalisme énergétique


Zβ (β, V, N ) = Ω(E, V, N ) e−βE ZT (T, V, N ) = Ω(E, V, N ) e−E/kb T
P P
E E
Φβ (β, V, N ) = − ln Zβ (β, V, N ) F (T, V, N ) = −kb T ln ZT (T, V, N )
dΦβ = E dβ − ξ dV − γ dN dF = −S dT − p dV + µ dN
∂Φβ ∂ ln Zγ ∂F ∂ ln ZT
E(β, V, N ) = =− S(T, V, N ) = − = kb ln ZT + kb T
∂β ∂β ∂T ∂T
∂Φβ ∂ ln Zβ ∂F ∂ ln ZT
ξ(β, V, N ) = − = p(T, V, N ) = − = kb T
∂V ∂V ∂V ∂V
∂Φβ ∂ ln Zβ ∂F ∂ ln ZT
γ(β, V, N ) = − = µ(T, V, N ) = = −kb T
∂N ∂N ∂N ∂N
∂ ln Zβ ∂ ln Z T ∂E
Σ(β, V, N ) = ln Zβ − β E(T, V, N ) = kb T 2 → CV =
∂β ∂T ∂T
Pour Σ, on a utilisé Σ = −Φβ + βE, et pour E, on a utilisé E = F + T S.

1.3.5 L’ensemble microcanonique


L’ensemble microcanonique est fabriqué à partir d’un système isolé : toutes les va-
riables extensives E, V , N sont fixes. On peut le construire à partir de l’ensemble
canonique : dans Zβ (β, V, N ), il n’y a plus dans la somme sur E qu’un seul terme,
et de ce fait le signe somme disparaît :

Zβ (β, V, N ) = Ω(E, V, N ) e−βE (1.14)

De (1.14) on tire Φβ = − ln Zβ = βE − ln Ω ; et puisque en thermodynamique on a


Φβ = βE − Σ, on en déduit la fameuse équation de Boltzmann qui relie l’entropie
microcanonique au nombre de complexions :

Σ(E, V, N ) = ln Ω(E, V, N ) ⇒ S(E, V, N ) = kb ln Ω(E, V, N ) (1.15)

ainsi que les résultats suivants :

dΣ = d ln Ω = β dE + ξ dV + γ dN
∂ ln Ω
β(E, V, N ) =
∂E
∂ ln Ω
ξ(E, V, N ) =
∂V
∂ ln Ω
γ(E, V, N ) =
∂N
20 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.4 Équivalence entre ensembles statistiques


1.4.1 Fluctuations au voisinage de l’équilibre
Exemple : fluctuations de V autour de V̄ dans l’ensemble Tp

On a vu page 14 que, lorsqu’on mesure simultanément l’énergie interne et le volume


sur un système fermé (N fixé), maintenu à la température T et à la pression p (β et
ξ fixés), la probabilité d’obtenir (E, V ) vaut
e−ξV
PEV (β, ξ, N ) = Ω(E, V, N ) e−βE
Zβξ (β, ξ, N )
Si on somme cette expression sur toutes les valeurs possibles de E, on obtient la
probabilité, lors d’une mesure du volume, d’obtenir V indépendemment de la valeur
prise par l’énergie interne :
e−ξV e−ξV
Ω(E, V, N ) e−βE =
P
PV (β, ξ, N ) = Zβ (β, V, N )
Zβξ (β, ξ, N ) E Zβξ (β, ξ, N )
On en déduit le volume moyen d’un tel système :
1
V e−ξV Zβ (β, V, N )
P P
V̄ (β, ξ, N ) = V PV (β, ξ, N ) =
V Zβξ (β, ξ, N ) V
Avec Zβξ (β, ξ, N ) = Zβ (β, V, N ) e−ξV , on obtient :
P
P V
V̄ (β, ξ, N ) Zβ (β, V, N ) e−ξV = V e−ξV Zβ (β, V, N )
P
V V

On dérive par rapport à ξ et on trouve (χT = module de compressibilité isotherme)


 
∂ V̄ ∂ V̄
2
∆V = V − V̄ = − 2 2
= −kb T = kb T χT V̄ (1.16)
∂ξ β,N ∂p T,N

r
∆V kb T χT
et donc =
V̄ V̄
Le gaz parfait étant l’un des systèmes les plus compressibles qui soient, on peut
l’utiliser pour évaluer une borne supérieure aux fluctuations. Sachant que pour le
gaz parfait on a χT = p1 = N kVb T , on trouve
∆V 1
Gaz parfait : =√
V̄ N
On peut montrer que ce résultat est général : quel que soit le système thermo-
dynamique, quelle que soit la variable fluctuante choisie
√ (X = E, V, N, ...), toute
fluctuation rapportée à la valeur moyenne varie en 1/ N :
∆X 1
∝√ (X = E, V, N, ...)
X̄ N
Conclusion :

Les fluctuations autour des valeurs moyennes sont extrêmement faibles.


1.4 Équivalence entre ensembles statistiques (27 janvier 2024) 21

Équivalence entre ensembles


Les fluctuations sont si faibles qu’on peut les ignorer. C’est un résultat de la ther-
modynamique également : à l’équilibre tous les flux étant nuls, toutes les variables
extensives sont constantes à l’équilibre, même si elles sont autorisées à varier.
Un système possède à l’équilibre une énergie constante même s’il n’est pas isolé,
une composition constante même s’il est ouvert, un volume constant même s’il est
expansible, etc.
Tous les ensembles statistiques sont équivalents thermodynamiquement.
Le choix de l’ensemble statistique est arbitraire, non imposé par l’environnement du
système. Quelles que soient les circonstances, on peut choisir l’ensemble statistique
à notre convenance.

1.4.2 Quelques propriétés des systèmes thermodynamiques


Soit un système thermodynamique constitué de N particules identiques confiné dans
un volume V et maintenu à la température T , et supposons que chacune des parti-
cules dispose d’un certain nombre d’états quantiques distribués sur certains niveaux
d’énergie (... εi ...). On notera ωi la dégénérescence du niveau i, autrement dit le
nombre d’états quantiques possédant l’énergie εi .
C’est une situation canonique : le nombre moyen de particules à l’énergie εi et
l’énergie moyenne d’une particule valent
ωi e−εi /kb T 1 P
et ε̄ = ωi εi e−εi /kb T avec zT = ωi e−εi /kb T
P
n̄i = N
zT zT i i
Propriétés :
1. Lors d’une élévation de température, les niveaux d’énergie supérieure à ε̄ se
peuplent au détriment de ceux d’énergie inférieure.
Ce résultat s’obtient en dérivant n̄i par rapport à T . En remarquant que
∂zT 1 P zT ε̄
= 2
εi ωi e−εi /kb T =
∂T kb T i kb T 2
on trouve

∂ n̄i n̄i (εi − ε̄)
= (1.17)
∂T V,N kb T 2

qui est négatif si εi < ε̄, et positif si εi > ε̄. La proposition est ainsi démontrée.
2. Un apport de chaleur modifie les populations des niveaux d’énergie, et non les
niveaux eux-mêmes : les valeurs des n̄i sont modifiées, mais pas celles des εi .
L’apport de chaleur est obtenu par une élévation de température dT à V et N
constants. C’est CV dT .
Pour calculer CV , on raisonne comme au paragraphe 1.4.1. En étudiant les
fluctuations de l’énergie interne E, on arrive à un résultat similaire à (1.16) :
 
∂ Ē 2 ∂ Ē
2 2
∆E = E − Ē = − 2
= kb T = kb T 2 CV (1.18)
∂β V,N ∂T V,N
22 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

et donc
∆E 2 ∆ε2
CV = pour le système ⇒ cv = pour une particule.
kb T 2 kb T 2
On en déduit
ε2i n̄i − ε̄
P P
2 2
 εi n̄i
N ∆ε N ε2
− ε̄ P n̄i (εi − ε̄)εi
CV = N c v = 2
= = i i
=
kb T kb T 2 kb T 2
i kb T 2
Ce qui donne, en utilisant le résultat (1.17) :

P ∂ n̄i
CV = εi
i ∂T V,N
Ce sont bien les populations qui sont modifiées.
3. La capacité thermique tend vers 0 quand T tend vers 0.
Au zéro absolu, le système est dans son état fondamental : toutes les parti-
cules sont à l’énergie la plus basse ε1 . À température légèrement supérieure, la
plupart sont à l’énergie ε1 , et quelques unes sont à l’énergie ε2 (premier niveau
excité) ; les autres niveaux sont considérés inaccessibles :
P n̄i (εi − ε̄)εi n̄1 (ε1 − ε̄)ε1 n̄2 (ε2 − ε̄)ε2
CV = 2
= +
i kb T kb T 2 kb T 2
N ω1 e−ε1 /kb T N ω2 e−ε2 /kb T
avec n̄1 = et n̄ 2 =
ω1 e−ε1 /kb T +ω2 e−ε2 /kb T ω1 e−ε1 /kb T +ω2 e−ε2 /kb T
On trouve, sachant N ε̄ = n̄1 ε1 + n̄2 ε2 et en posant u = ε2k−ε bT
1
et ω = ωω21 ,
ωu2 e−u
CV = N k b −→ 0
(1 + ω e−u )2 T → 0

1.4.3 Le second principe


En thermodynamique, le second principe s’écrit : dans un système isolé et en équi-
libre sous contraintes, la suppression d’une contrainte entraîne un déplacement spon-
tané de l’équilibre, accompagné obligatoirement d’un accroissement d’entropie.
Dans l’équation S = kb ln Ω de Boltzmann, Ω est le nombre de microétats acces-
sibles au système. Lorsqu’on supprime une contrainte interne, Ω (donc S) ne peut
qu’augmenter : les microétats jusque là accessibles restent accessibles, et un certain
nombre de microétats jusque là inaccessibles deviennent accessibles. L’équation de
Boltzmann est donc bien en accord avec le second principe.
Autre manière de voir les choses : calculons la probabilité d’un processus spontané
à ∆S négatif. Soit un mètre cube de gaz ordinaire d’atomes considérés comme des
masses ponctuelles sans structure interne. Dans les conditions standard, ce mètre
cube contient environ N = 2, 7 × 1025 atomes. D’après l’équation (2.41) plus loin,
son entropie vaut, pour du néon à 300 K, environ 17, 5 N kb . Calculons la probabilité
qu’un petit volume δV , disons un micron cube, se vide spontanément de tous ses
atomes. C’est un processus accompagné d’une perte d’entropie d’environ 10−18 N kb ,
une quantité inappréciable à l’échelle macroscopique. C’est normal : le micron cube,
un milliardième de milliardième du volume initial est lui aussi inappréciable.
1.4 Équivalence entre ensembles statistiques (27 janvier 2024) 23

Puisque 1 m3 contient 1018 µm3 , la probabilité pour qu’un atome donné n’occupe pas
ce micron cube vaut (1 − 10−18 ). La probabilité P pour que aucun atome n’occupe
ce micron cube vaut (1 − 10−18 )N. Cela donne au premier ordre
−18 −18 7
P = (1 − 10−18 )N = e N ln(1−10 ) ≈ e −10 N ≈ e −2,7×10 ≈ 10 −11 725 951
Sans commentaire. Pour n’importe quel ordinateur, ce nombre est rigoureusement
nul. Aucun instrument, aussi précis soit-il, ne peut appréhender un tel nombre.
Conclusion : un processus spontané accompagné d’une diminution d’entropie est
possible en théorie, mais improbable, voire impossible, dans la pratique.

Équivalence entre S maxi et E, F, G, H mini


Cette fois le système n’est plus isolé : les processus envisagés ne sont plus spontanés.
On considère par exemple un système fermé, isotherme, isochore et soumis à une
contrainte interne. Les grandeurs N et V sont fixées, alors que l’énergie interne
fluctue autour d’une certaine valeur d’équilibre.
Le système possède un certain nombre de niveaux accessibles, et sur chaque ni-
veau un certain nombre de microétats. Lorsqu’on retire la contrainte, on peut avoir,
comme pour le système isolé, augmentation niveau par niveau du nombre de micro-
états accessibles, mais aussi apparition de nouveaux niveaux accessibles. Pour les
niveaux initialement accessibles, on note Ω(E, V, N ) et Ω 0 (E, V, N ) les nombres de
microétats du niveau E avant et après suppression de la contrainte. Pour les niveaux
initialement inaccessibles, même notation, avec Ω(E, V, N ) = 0.
Dans les deux cas, on peut écrire : Ω 0 (E, V, N ) > Ω(E, V, N ) pour tout E. Ce qui
donne pour les fonctions de partition canoniques :
ZT0 (T, V, N ) = Ω 0 (E, V, N ) e−E/kb T > ZT (T, V, N ) = Ω(E, V, N ) e−E/kb T
P P
E E
Et pour l’énergie libre : F 0 = −kb T ln ZT0 < F = −kb T ln ZT
La suppression d’une contrainte dans un système isotherme entraîne une diminution
de son énergie libre. De même, on aurait pu montrer que la suppression d’une
contrainte dans un système isotherme et iso-µ entraîne une diminution de son grand
potentiel, que la suppression d’une contrainte dans un système isotherme et isobare
entraîne une diminution de son enthalpie libre, etc. C’est tout à fait cohérent avec
les théorèmes du potentiel thermodynamique minimal vus page 6.
Pour tout processus isotherme on a donc ∆F = ∆E − T ∆S < 0
Deux cas sont à envisager :
• si ∆E > 0, le processus n’est possible que si ∆S > 0 (et même ∆S > T1 ∆E) ;
• si ∆E < 0, on peut avoir ∆S < 0 (à condition qu’il soit supérieur à T1 ∆E).
Aux très basses températures, le terme T ∆S a un poids très faible dans ∆F . C’est
∆E qui domine. Au zéro absolu, le système est dans son état fondamental qui par
définition est l’état de plus basse énergie interne.
Aux très hautes températures, c’est T ∆S qui est prédominant. À température infi-
nie, le système choisit son état d’entropie maximale, indépendamment de la valeur
de l’énergie interne. Cet état d’entropie maximale est caractérisé par l’équiprobabilité
d’observation de tous les états accessibles au système.
Aux températures intermédiaires, les deux termes sont à prendre en compte. L’état
d’équilibre, fonction de T , résulte d’une compétition entre l’énergie interne qui tend
à être la plus faible possible et l’entropie qui tend à être la plus forte possible.
24 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.5 Statistiques de réseaux


1.5.1 Généralités sur les réseaux de sites indépendants
Un réseau en physique statistique est un système où l’espace est découpé en petits
éléments (des « boîtes » qu’on appelle « sites ») disjoints et en équilibre mutuel,
chacun pouvant accueillir un petit sous-système constitué de quelques particules.
On se restreint ici aux réseaux où tous les sites sont identiques et indépendants.
Chaque terme souligné et en italiques ci-dessus a son importance :
• disjoints signifie qu’ils seront toujours considérés comme discernables ; chaque
sous-système évolue dans une portion de l’espace qui lui est propre.[ 14]
• en équilibre mutuel signifie que les grandeurs intensives (température, pression,
potentiel chimique) ont mêmes valeurs dans toutes les boîtes ;
• identiques signifie que l’ensemble des microétats accessibles au contenu d’une
boîte est indépendant du « numéro » de celle-ci ;
• indépendants signifie que les parois séparant les boîtes sont imperméables à
toutes les grandeurs extensives ; les échanges d’énergie, de volume ou de ma-
tière se font avec le milieu exérieur, pas de boîte à boîte ;
L’équilibre avec le milieu extérieur se formule de la même manière que l’équilibre
mutuel : lorsqu’une variable intensive est fixée, cela sous-entend que le système est
en contact avec un réservoir qui fixe la valeur de cette variable intensive.
Il reste à traduire mathématiquement les hypothèses faites. Le nombre de sites, que
l’on notera MS , est fixé ; c’est lui qui fixe la « taille » du système.
Pour rendre des calculs possibles, il faut une fonction de partition. Laquelle ? Celle
que vous voulez ! du moment que vous savez la calculer, l’exprimer en fonction de
MS et d’un jeu de trois[ 15] variables thermodynamiques indépendantes. C’est une
conséquence de ce qui a été vu au paragraphe 1.4.1 : tous les ensembles statistiques
sont équivalents ; ce n’est pas parce que le système étudié est fermé que l’on doit
choisir un ensemble où N est fixé ; ce n’est pas parce que le système étudié est ouvert
que l’on doit choisir un ensemble où µ est fixé ; si les deux sont utilisables, ils doivent
conduire au même résultat.
En pratique, la température est toujours fixée. Les hypothèses permettent d’écrire
ZT ... (MS , T, ...) = [zT ...(T, ...)]MS
où les pointillés sont à remplir en fonction de l’énoncé, et où ZT ... est la fonction de
partition du système entier, alors que zT ... est celle d’un seul site.
Pour justifier cette relation, il suffit d’utiliser la propriété d’additivité des poten-
tiels thermodynamiques : si on note ΦT ... le potentiel thermodynamique associé à la
fonction ZT ... , et φT ... celui associé à zT ... , on a, compte tenu des hypothèses,
ΦT ... (MS , T, ...) = MS φT ...(T, ...)
et donc ZT ... = zTM...S puisque ΦT ... = −kb T ln ZT ... et φT ... = −kb T ln zT ... .

14. La notion d’indiscernabilité sera expliquée ultérieurement, au paragraphe 2.3.1.


15. trois ou plus : c’est le nombre de termes présents dans l’équation de Gibbs ; il n’y en a que
trois ici (dE = T dS − p dV + µ dN ), mais dans certains problèmes il peut y en avoir plus.
1.5 Statistiques de réseaux (27 janvier 2024) 25

1.5.2 Cas des réseaux à remplissage binaire


En statistiques de réseau, les problèmes les plus simples sont ceux où tous les sites
sont identiques et indépendants, et où le remplissage de chaque site est binaire :
chaque site peut être rempli de deux manières différentes, et deux seulement.
Soient z1 (T, ...) et z2 (T, ...) les fonctions de partition correspondant aux deux types
de remplissage. Les points de suspension symbolisent une liste de variables spécifiées
dans l’énoncé (volume du site, nombres de particules par site, etc.).
Pour calculer la fonction de partition ZT ... (Ms , T, ...) du système, il faut envisager
toutes les situations possibles. Voici le raisonnement suivi pour obtenir le résultat :
• pour une configuration possédant m1 sites de type 1 et m2 sites de type 2,
la fonction de partition est le produit de toutes les fonctions de partition,
c’est-à-dire z1m1 z2m2 ;
• pour une distribution (m1 , m2 ) donnée, il y a
(m1 + m2 )!
configurations possibles ;
m1 ! m2 !
• on somme sur les distributions possibles, sachant qu’il y a au total Ms sites.
(m1 +mP2 =Ms ) (m1 + m2 )! m1 m2
 
Ce qui donne ZT ... (Ms , T, ...) = z1 z2
(m1 ,m2 ) m1 ! m2 !
Si on connaît la formule du développement du binôme, on peut poursuivre en écrivant
ZT ... (Ms , T, ...) = (z1 +z2 )Ms , mais il peut arriver que le crochet à l’intérieur du signe
somme constitue une fonction de partition utilisable.
Exemple. On considère un système constitué de N atomes indépendants, distribués
sur un réseau constitué de N sites exactement, tous identiques. On suppose que
chaque atome a accès à deux états uniquement, l’un d’énergie ε0 , l’autre d’énergie ε1 .
Le volume n’intervient pas dans l’étude.
Cet énoncé permet de dire que la fonction de partition d’un site, somme de tous les
facteurs de Boltzmann possibles, est égale à zT (T ) = e−ε0 /kb T + e−ε1 /kb T , et que la
fonction de partition du réseau est égale à ZT (T, N ) = [zT (T )]N .
Cette fonction de partition canonique est utilisable : on écrit F (T, N ) = −kb T ln ZT ,
puis S(T, N ) = − ∂F ∂T
, E(T, N ) = F + T S et CV = ∂E ∂T
.
On peut aussi développer le binôme à la puissance N : si on note n0 le nombre
d’atomes à l’énergie ε0 et n1 le nombre d’atomes à l’énergie ε1 , on a
N (n0 +n P1 =N ) N !  −ε0 /kb T n0  −ε1 /kb T n1
ZT (T, N ) = e−ε0 /kb T + e−ε1 /kb T

= e e
(n0 ,n1 ) n0 ! n1 !
Sachant que l’on a E = n0 ε0 + n1 ε1 , et donc
 −ε /k T n0  −ε /k T n1
e 0 b e 1 b = e−(n0 ε0 +n1 ε1 )/kb T = e−E/kb T
(n0 +n
P1 =N ) N ! −E/kb T
on obtient ZT (T, N ) = e
(n0 ,n1 ) n0 ! n1 !
Et comme on a en toute généralité ZT (T, N ) = Ω(E, N ) e−E/kb T , on en déduit
P
E
N!
Ω(E, N ) =
n0 (E, N )! n1 (E, N )!
avec les fonctions n0 (E, N ) et n1 (E, N ) à extraire des deux relations N = n0 + n1
et E = n0 ε0 + n1 ε1 . L’ensemble microcanonique est donc tout à fait utilisable.
26 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.6 Exercices sur les réseaux


1.6.1 Utilisation des facteurs de Boltzmann
On se propose d’étudier le comportement d’un milieu paramagnétique en fonction
de la température, de la pression et du champ magnétique auxquels on le soumet.
Qu’il soit bien entendu que les hypothèses qui suivent peuvent constituer un modèle
tout à fait plausible physiquement, mais qu’elles ne sont que le fruit de mon imagi-
nation. Savoir si un tel système existe dans la nature est un autre problème. On se
contente de tirer des hypothèses un maximum d’informations sur le système.
Dans cet exercice, il n’est pas nécessaire de calculer une fonction de partition. On
utilise simplement le fait que la probabilité d’observer un état microscopique est
proportionnelle a son facteur de Boltzmann.
Procédons pour bien comprendre en introduisant les ingrédients un par un.

Étape no 1 : effet de la température seule.


Soit un réseau de Ms sites identiques et indépendants, chacun pouvant accueillir 0,
1 ou 2 atomes. Tous ces atomes sont de même nature. Voici les caractéristiques d’un
site en fonction de son remplissage :
• à un site vide on attribue un seul état, d’énergie nulle ;
• un atome seul sur un site dispose de deux états, tous deux d’énergie ε, et notés,
pour des raisons qui apparaîtront plus tard, ↑ (up) et ↓ (down) ;
• pour une paire d’atomes sur un site, un seul état, d’énergie ε2 = 2ε + η.
Dans cette étape, il n’est question que d’énergie : on ne parle ni de volume, ni de
moment magnétique. L’équation de Gibbs ne contient ainsi que deux termes :
1 µ
dE = T dS + µ dN ou dΣ = β dE + γ dN avec β = et γ = −
kb T kb T
Le but est de calculer l’énergie interne E(T, N ) puis la capacité thermique CV (T, N )
du système fermé contenant N = MS atomes exactement.
On atteint ce but en deux temps : à la question 1 on considère le système comme
ouvert et on calcule E et N en fonction de Ms , T et µ, et à la question 2 on se
débarrasse du potentiel chimique µ en posant MS = N .
1. Construire un tableau résumant l’énoncé : une ligne par type de contenu du
site (ici i = 0, ↑, ↓, 2), une colonne par grandeur thermodynamique (ici les
énergies εi et les nombres d’atomes ni ). Ajouter à ce tableau une colonne pour
les facteurs de Boltzmann (ici les e−βεi e−γni ). Sachant qu’elles sont propor-
tionnelles aux facteurs de Boltzmann, calculer les populations m0 , m↑ , m↓ , m2
en fonction de (Ms , T, µ). En déduire E et N en fonction de (Ms , T, µ).
2. Soit MS = N . Calculer λ = e µ/kb T en fonction de T , puis remplacer dans les
expressions de m0 , m↑ , m↓ , m2 . Vérifier les tendances à très basse température
d’une part, et à très haute température d’autre part (envisager les deux cas
η < 0 et η > 0 en utilisant les arguments énoncés au paragraphe 1.4.3, au bas
de la page 23). Terminer en donnant l’expression E(T, N ) et enfin calculer la
capacité thermique CV (T, N ).
1.6 Exercices sur les réseaux (27 janvier 2024) 27

Étape no 2 : effet de la température et de la pression.


Supposons que, aux hypothèses de l’étape no 1, on ajoute : le volume d’un site est v0
qu’il soit vide ou occupé par un atome, et vaut v0 + v si il est occupé par une paire
d’atomes. L’équation de Gibbs contient maintenant trois termes :
dE = T dS − p dV + µ dN ou dΣ = β dE + ξ dV + γ dN
1 p µ
avec β = , ξ= , γ=−
kb T kb T kb T
1. Refaire le tableau résumant l’énoncé ; par rapport au précédent, il faut (i) une
colonne supplémentaire pour les vi , (ii) actualiser les facteurs de Boltzmann
(maintenant les e−βεi e−ξvi e−γni ). Calculer les populations m0 , m↑ , m↓ , m2 en
fonction de (Ms , T, p, µ), et en déduire E, V , N en fonction de (Ms , T, p, µ).
2. Soit Ms = N . Calculer λ = e µ/kb T en fonction de T et p, puis remplacer dans
les expressions de m0 , m↑ , m↓ , m2 . Commenter ces résultats en donnant les
tendances, sachant η < 0 et v > 0 (basse/haute température, basse/haute
pression). Terminer en donnant les expressions E(T, p, N ) et V (T, p, N ), et en
calculant la capacité thermique Cp (T, p, N ) et les coefficients thermoélastiques
αp (T, p) et χT (T, p), avec les approximations suivantes (v  v0 ) :
   
1 ∂V 1 ∂V 1 ∂V 1 ∂V
αp = ≈ et χT = − ≈−
V ∂T p,N N v0 ∂T p,N V ∂p T,N N v0 ∂p T,N

Étape no 3 : application d’un champ magnétique.


On part des conditions décrites dans l’étape no 2, et on suppose maintenant que, sous
l’effet d’un champ magnétique d’induction B, un atome seul sur un site acquiert
l’énergie −αB lorsqu’il choisit l’état ↑ et +αB lorsqu’il choisit l’état ↓.
L’équation de Gibbs contient quatre termes :
dE = T dS − p dV + B dM + µ dN ou dΣ = β dE + ξ dV + φ dM + γ dN
1 p B µ
avec β = , ξ= , φ=− , γ=−
kb T kb T kb T kb T
M est le moment magnétique total de l’échantillon, souvent appelé magnétisation.
C’est ici la somme algébrique de tous les moments magnétiques individuels, sachant
α↑ = α, α↓P = −α et α0 = α2 = 0 :
M= αi mi = α0 m0 + α↑ m↑ + α↓ m↓ + α2 m2 = α(m↑ − m↓ )
i

1. Refaire le tableau résumant l’énoncé ; par rapport au précédent, il faut (i) une
colonne supplémentaire pour les αi , (ii) actualiser les facteurs de Boltzmann
(maintenant les e−βεi e−ξvi e−φαi e−γni ). Calculer m0 , m↑ , m↓ , m2 en fonction
de (Ms , T, p, B, µ). En déduire E, V , N en fonction de (Ms , T, p, B, µ).
2. Soit Ms = N . Calculer λ = e µ/kb T en fonction de T , p et B, puis remplacer
dans les expressions de m0 , m↑ , m↓ , m2 . Donner les expressions E(T, p, B, N ),
V (T, p, B, N ) et M (T, p, B, N ),[ 16] et calculer les coefficients thermoélastiques
 
1 ∂V 1 ∂V
αpB (T, p, B) ≈ et χTB (T, p, B) ≈ −
N v0 ∂T p,B,N N v0 ∂p T,B,N
∂J µ0 ∂M
16. Autre calcul possible : la susceptibilité magnétique est par définition χ = µ0 ∂B = V ∂B ,
M µ0 ∂M
où J = V est l’aimantation ; approximation ici : χ ≈ N v0 ∂B .
28 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.6.2 Un système à deux niveaux d’énergie


C’est la suite de l’exemple du paragraphe 1.5.2, où il était question d’un système
constitué de N atomes, chacun ayant accès à deux états, l’un d’énergie ε0 , l’autre
d’énergie ε1 . On suppose qu’aucun autre état n’est accessible, autrement dit si n0 et
n1 sont les nombres d’atomes respectivement à l’énergie ε0 et à l’énergie ε1 on a
N = n0 + n1 et E = n0 ε0 + n1 ε1 (1)
Pour l’instant le volume n’intervient pas, il sera introduit à l’item 3.
1. Ensemble microcanonique. Le nombre de complexions est le nombre de façons,
pour E et N donnés, de répartir N objets dans deux boîtes, à raison de n0
dans la première, n1 dans la seconde :
(n0 + n1 )!
Ω(n0 , n1 ) =
n0 ! n1 !
À l’aide des équations (1), exprimer n0 et n1 en fonction de E et N , et en
déduire l’expression de Ω en fonction de N et E. Calculer β et en déduire,
sachant β = kb1T , les expressions de n0 , n1 et E en fonction de T et N ; et
enfin, calculer la capacité thermique CV = ∂E . On constatera que chaque

∂T N
nj est trouvé proportionnel à son facteur de Boltzmann e−εj /kb T .
2. Ensemble canonique. La fonction de partition canonique du système s’écrit
N
ZT (T, N ) = e−ε0 /kb T + e−ε1 /kb T


Retrouver à l’aide de ZT (T, N ) l’expression de E en fonction de T et N .


3. Variations de volume. Supposons que les variations de ε0 et ε1 par rapport à
v = V /N sont égales au signe près et posons
dε1 dε0
=− =η>0
dv dv
En travaillant dans l’ensemble microcanonique, calculer ξ en fonction de E et
N . Sachant ξ = kbpT , utiliser les expressions de β et de E trouvées à l’item 1
pour exprimer la pression p en fonction de T . Et pour finir, calculer le coeffi-
cient d’augmentation de pression isochore βV .
1.6 Exercices sur les réseaux (27 janvier 2024) 29

1.6.3 L’oscillateur harmonique et le solide d’Einstein


Dans un solide, une bonne part de l’énergie interne a pour origine les vibrations
des atomes autour de leurs positions d’équilibre. Dans le modèle d’Einstein d’étude
de ces vibrations, on fait l’hypothèse que tous les atomes sont identiques, et qu’ils
vibrent tous à la même fréquence et de façon indépendante les uns des autres, comme
si chaque atome vibrait dans sa propre « boîte », insensible à ce qui se passe dans
les boîtes voisines.
Chaque atome dans ce modèle constitue un oscillateur harmonique tridimensionnel,
que l’on peut décomposer, en choisissant correctement les axes, en trois oscillateurs
harmoniques linéaires indépendants. Si le solide est constitué de N atomes, cela nous
fera 3N oscillateurs linéaires en tout, tous indépendants les uns des autres.
« Indépendants » signifie que l’on peut se contenter d’étudier un seul oscillateur.
Par exemple pour calculer l’énergie interne du solide, il suffira de multiplier par 3N
l’énergie moyenne d’un oscillateur.
Le point de départ, c’est un résultat de mécanique quantique : les niveaux d’énergie,
non dégénérés, d’un oscillateur harmonique linéaire de pulsation ω sont donnés par
εn = ~ω n + 12 avec n entier positif ou nul
 

où ~ est la contante réduite de Plank (prononcer « hache barre »).


« Non dégénéré » signifie qu’il n’y a qu’un seul état par niveau, autrement dit que
dans la fonction de partition canonique

Ωn e−εn /kb T
P
zT (T, v) =
n=0
les dégénérescences Ωn sont toutes égales à 1.
Dans ce qui suit nous aurons à utiliser les formules
∞ 1 ∞ u
un = et nun =
P P
n=0 1−u n=0 (1 − u)2
1. Calculer la fonction de partition canonique zT (T, v) d’un oscillateur.
2. En déduire la probabilité Pn (T, v) de trouver l’oscillateur au niveau n, la va-
leur moyenne n̄(T, v) du nombre quantique n, l’énergie moyenne ε̄(T, v) de
l’oscillateur, sa capacité thermique cv (T, v), son entropie s(T, v).
On quitte le modèle d’Einstein. Ce qui suit est de mon cru, et ne reflète pas forcément
la réalité. C’est juste pour le « plaisir » de faire des calculs.
3. Supposons que la pulsation ω soit fonction du volume de la « boîte » occu-
pée par l’oscillateur. Mathématiquement pour un oscillateur linéaire, ω 2 est
proportionnel au rayon de courbure au voisinage de la position d’équilibre de
la courbe représentant l’énergie potentielle. Intuitivement, on peut dire que,
plus la boîte est petite, plus les variations de l’énergie potentielle au voisinage
de la position d’équilibre vont être grandes. Autrement dit, ω doit augmenter
lorsque le volume v = a3 diminue. Soit donc le modèle simple où l’on a
dω da dv dω ω
=− =− ⇒ =−
ω a 3v dv 3v
Sachant que l’énergie libre du solide vaut F (T, V, N ) = −3N kb T ln zT (T, v)
avec V = N v, calculer la pression p(T, V, N ) puis les coefficients thermo-
élastiques βV , χT , αp .
30 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.6.4 Adsorption sur une surface


On considère la surface d’un solide en contact avec un gaz contenant des atomes X.
Lorsque des atomes X se déposent sur la surface, on parle d’adsorption, et non pas
d’absorption. On dit que les atomes X sont adsorbés sur la surface.
Pour aborder les choses de façon simple, on fait un certain nombre d’hypothèses :
• À l’échelle microscopique, la surface est un réseau plan ordonné d’atomes Y.
Elle constitue pour les atomes X une sorte de « boîte à œufs » : les atomes X
ne peuvent occuper sur la surface que des positions bien particulières appelés
sites d’adsorption ; on appelle ça de l’adsorption localisée.
• L’ensemble de ces positions constitue un réseau de sites, supposés tous iden-
tiques et indépendants : aucune interaction entre atomes X adsorbés n’est
envisagée, la géométrie de la surface n’a donc aucune importance.
• Aucune diffusion n’est envisagée, ni en surface, ni à l’intérieur du solide : un
atome X ne peut quitter la surface que par vaporisation, et ne peut y apparaître
que par condensation ; le fait d’ignorer la diffusion de surface sous-entend que
la température n’est pas trop élevée : on pourra envisager des modèles à un
seul niveau d’énergie accessible.
• Lorsqu’un atome X est adsorbé, il n’est pas question de liaison chimique avec
les atomes Y : l’attraction avec la surface est d’origine purement électrostatique
(on parle alors de physisorption et non de chimisorption) ; en conséquence, les
propriétés du solide ne sont pas affectées par la présence des atomes X sur sa
surface, et la structure électronique d’un atome X n’est pas modifiée lorsqu’il
s’adsorbe sur la surface ; les sites d’adsorption sont des boîtes ayant les mêmes
propriétés qu’elles soient occupées ou non, et les atomes X sont des objets
ayant les mêmes propriétés, qu’ils soient dans le gaz ou sur la surface.
Le système thermodynamique choisi est constitué des atomes X adsorbés. Tout le
reste (gaz et surface), constitue le milieu extérieur, supposé invariant au cours des
mesures. Deux propriétés essentielles de ce système :
• C’est un système bidimensionnel. Si on note A l’aire de la surface et ϕ la ten-
sion de surface, l’équation de Gibbs s’écrit : dE = T dS − ϕ dA + µ dN . Nous
ne calculerons pas la tension de surface, mais notez bien la règle suivante :

Règle : lorsque le système est bidimensionnel, le volume doit être remplacé par
l’aire A du système, et la pression doit être remplacée par la tension de surface ϕ.

• C’est un système ouvert. Il est en contact avec le gaz qui fait office de ther-
mostat et de réservoir de particules qui fixe la température et le potentiel
chimique. Ce récipient est supposé extrêmement grand, de sorte que les pro-
priétés du gaz sont indépendantes du nombre d’atomes adsorbés. On supposera
que le gaz est parfait et uniquement composé d’atomes X. Son potentiel chi-
mique vous est donné en fonction de sa température et de sa pression (m est
la masse d’un atome X et h est la constante de Planck) :
pΛ3 (T ) h
µgaz (T, p) = kb T ln avec Λ(T ) = √
kb T 2πmkb T
1.6 Exercices sur les réseaux (27 janvier 2024) 31

Modèle de Langmuir. Dans le modèle de Langmuir (adsorption monocouche),


chaque site ne peut accueillir qu’un seul atome. On aura donc deux types de site :
des sites occupés, en nombre N , et des sites vides, en nombre Ms − N . L’énergie
d’un site vide est arbitrairement nulle, et on supposera que la fonction de partition
zT (T ) d’un atome adsorbé est réduite à un seul terme : zT (T ) = e−ε/kb T , où ε est
l’énergie d’interaction atome-surface (attraction : ε < 0).
1. Écrire la fonction de partition canonique d’un système de N atomes répartis
sur Ms sites. En déduire par dérivation le potentiel chimique en fonction de
T et du taux de recouvrement θ = N/Ms . Écrire la condition d’équilibre avec
le gaz réservoir et en déduire l’expression de θ en fonction de la température
et de la pression du gaz. Donner l’allure des isothermes d’adsorption θ(p) à
différentes températures.
2. Quelle est la fonction de partition grand canonique du système ? Retrouver à
partir de cette fonction le taux de recouvrement trouvé à la question 1.

Modèle B.E.T. Dans le modèle B.E.T. (Brunauer-Emmett-Teller), chaque site


peut accueillir un nombre quelconque d’atomes empilés les uns sur les autres. Ce
modèle, bien que peu réaliste, décrit bien l’adsorption d’atomes de gaz rare sur les
surfaces métalliques.
On suppose que la fonction de partition zT (T, n) d’une pile de n atomes empilés
s’écrit comme le produit de fonctions de partition individuelles. On suppose ensuite
que dans une pile de n atomes, il y a deux types d’atomes : un directement en
contact avec la surface (fonction de partition z1 ), et les n − 1 autres qui ne le sont
pas (fonction de partition z2 ). Ce qui donne zT (T, n) = z1 (T ) × z2n−1 (T ).
3. Donner l’expression de la fonction de partition grand canonique en tenant
compte de ces hypothèses. En déduire le nombre moyen d’atomes empilés par
site en fonction de z1 et z2 . Utiliser la condition d’équilibre avec le gaz réservoir
pour exprimer ce nombre en fonction T , des fonctions z1 et z2 , et de la pression
p du gaz.
32 (27 janvier 2024) CHAPITRE 1. LA THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE

1.6.5 Élasticité d’une chaîne polymérique


On considère une macromolécule linéaire composée de N monomères tous identiques,
que l’on soumet à une force de traction φ.
Pour un système unidimensionnel de longueur L, l’équation de Gibbs s’écrit
dE = T dS − τ dL + µ dN
Règle : lorsque le système est unidimensionnel, le volume doit être remplacé par la
longueur L du système, et la pression doit être remplacée par la tension de ligne τ .
Pour de tels systèmes, à l’énergie libre F (T, L, N ) = E−T S est associée une fonction
de partition canonique ZT (T, L, N ) qui se calcule de la même manière que celle des
systèmes tridimensionnels, et à l’enthalpie libre G(T, τ, N ) = E−T S+τ L est associée
une fonction de partition Tτ donnée par
ZTτ (T, τ, N ) = ZT (T, L, N ) e−τ L/kb T
P
L
La force de traction φ étant dirigé vers l’extérieur du système, la tension de ligne τ
est égale à −φ : dE = T dS + φ dL + µ dN et
dF = −S dT + φ dL + µ dN ; dG = −S dT − L dφ + µ dN
Voici maintenant le processus d’allongement. La macromolécule est une « chaîne »,
les monomères en sont les « maillons ». Chaque maillon a le choix entre deux confi-
gurations notées « A » et « B », la première de longueur `a et d’énergie εa , la seconde
de longueur `b et d’énergie εb , avec `a < `b et εa < εb .
Soient ma et mb les nombres de maillons A et de maillons B.
1. Calculer la fonction de partition canonique ZT (T, L, N ). En déduire l’expres-
sion de φ en fonction de T et de ` = NL . Éliminer de cette expression εa et εb
au profit de `o = LN0 , où L0 est la longueur de la chaîne au repos.
2. Calculer maintenant la fonction de partition ZTτ , que l’on exprimera en fonc-
tion de (T, φ, N ). Calculer ` en fonction de T , φ et `o et montrer que ce résultat
est équivalent à celui trouvé à la question 1.
On plonge la chaîne dans un mélange gazeux dont les atomes X peuvent s’adsorber
sur ses maillons. On suppose que le gaz est parfait, ce qui permet d’exprimer le
potentiel chimique µx d’un atome X en fonction de sa pression partielle p :
pΛ3 (T ) h
µx (T, p) = kb T ln avec Λ(T ) = √
kb T 2πmkb T
Supposons que l’adsorption n’est possible que sur les maillons B, à raison de un
atome X au plus par maillon B. Soit εx < 0 l’énergie d’un atome X adsorbé.
La fonction de partition calculable ici est une fonction ZTτ µ (T, φ, N, µx ). Pour la
calculer, on s’inspire de la fonction ZTτ (T, φ, N ) trouvée, à la question 2, de la forme
ZTτ (T, φ, N ) = [zTτ
a
(T, φ) + zTτ
b
(T, φ)]N
On ne touche pas à zTτa
(T, φ), et on remplace zTτ
b
(T, φ) par une fonction zTτ
b
µ (T, φ, µx )
qui tient compte de la présence de n = 0 ou 1 atome X.
3. Écrire la fonction de partition ZTτ µ (T, φ, N, µx ) de la chaîne. Calculer L en
fonction de (T, φ, N, µx ), puis ` = NL en fonction de (T, φ, p). Constater que la
chaîne s’allonge même sous force de traction nulle, et que l’allongement peut
être relié à la pression p, autrement dit à la densité du gaz en atomes X (la
chaîne peut ainsi constituer un outil de titration).
Chapitre 2

Le gaz parfait monoatomique

Un gaz parfait est un gaz où les interactions entre molécules sont négligées. En
l’absence de forces d’origine extérieure (pesanteur...), et si l’on considère les molé-
cules comme des objets rigides sans structure interne, chacune d’elles possède une
énergie purement cinétique.
Pour étudier un tel gaz, on procède par étapes.
Dans un premier temps (section 2.1), les molécules sont considérées comme des
masses ponctuelles. C’est le modèle le plus simple qui soit : les molécules ne pos-
sèdent pas de structure interne et ne sont soumises à aucune force ; chacune d’elles
se comporte comme si elle était seule dans le récipient et se déplace en ligne droite.
Ce modèle, appelé théorie cinétique des gaz permet de relier la vitesse quadra-
tique moyenne des molécules à la température (c’est l’origine du terme « agitation
thermique »), et d’établir l’équation d’état des gaz parfaits au moyen d’arguments
mécaniques et statistiques.
À la section 2.2, on envisage les collisions entre molécules. Les lignes droites dont il
est question ci-dessus sont en fait des lignes brisées : lors d’une collision entre deux
molécules, chacune change brusquement de direction et repart en ligne droite.[ 1]
Pour calculer la fréquence de collisions, il est nécessaire de donner une certaine taille
aux molécules : celles-ci sont dans cette section considérées comme des sphères dures,
toujours sans structure interne. Ce modèle permet de calculer un libre parcours
moyen, c’est-à-dire la distance moyenne parcourue par une molécule entre deux
collisions, et fait le lien entre la grandeur macroscopique qu’est le coefficient de
diffusion aux mouvements microscopiques des molécules.
Les aspects quantiques seront abordés à la section 2.3, le juste nécessaire – entre
autres la notion d’indiscernabilité – pour évaluer les conditions de validité du modèle,
et pour calculer certaines propriétés thermodynamiques du gaz, telles que l’entropie
et le potentiel chimique, inaccessibles par la théorie cinétique des gaz. Les degrés de
liberté « internes » des atomes sont toujours ignorés.[ 2]

1. Les interactions sont toujours absentes : il n’y a ni attraction ni répulsion entre les molécules ;
s’il y a collision entre deux molécules, c’est le hasard qui les a mis au même endroit au même instant.
2. La structure interne des atomes et des molécules sera étudiée au chapitre 3.
34 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

2.1 La théorie cinétique des gaz


La théorie cinétique des gaz est une théorie classique, dans le sens où la nature
quantique des molécules constitutives du gaz est ignorée ; la mécanique classique
suffit pour décrire le comportement des molécules au sein du gaz.
Elle fut établie à la fin du XIXe siècle, plusieurs décénies avant la découverte de la
théorie quantique. Les molécules sont réduites à des masses ponctuelles et le gaz est
supposé parfait (pas d’interactions entre molécules).
Mathématiquement, trois hypothèses suffisent à mettre en place le modèle :
• l’énergie d’une molécule de masse m est réduite à l’énergie cinétique de son
centre de masse ; si v est le module de sa vitesse, son énergie vaut ε = 12 mv 2 ;
• selon la statsitique de Boltzmann, la probabilité pour une molécule donnée de
mesurer une énergie ε à la température T est proportionnelle au facteur de
Boltzmann e −ε/kb T ;
• la densité de probabilité dans l’espace des vitesses est uniforme ; autrement dit
la probabilité de trouver, dans l’espace des vecteurs vitesses, l’extrémité de ~v
dans l’élément d 3v = dvx dvy dvz est proportionnelle à d 3v.

2.1.1 Distribution de Maxwell-Boltzmann (des énergies)


Elle donne la fraction de molécules dont l’énergie est comprise entre ε et ε + dε,
autrement dit la probabilité, à la température T , qu’une molécule prise au hasard
ait une énergie comprise entre ε et ε + dε. Soit W3 (ε) dε cette probabilité, l’indice 3
indiquant que le gaz est tridimensionnel. La fonction W3 (ε) est une densité de pro-
babilité exprimée en J−1 .
Dans un gaz parfait, il n’existe aucune interaction entre molécules : si aucune force
extérieure n’agit sur le système, l’énergie potentielle est nulle et une molécule donnée,
de masse m et à la vitesse v, possède une énergie purement cinétique ε = 21 mv 2 .
Dans l’espace des vitesses, les molécules possédant une énergie comprise entre ε et
ε + dε (avec ε = 12 mv 2 et donc dε = mv dv) sont celles dont le vecteur vitesse pointe
sur la sphère de rayon v, d’épaisseur dv, et donc de volume 4πv 2 dv :
r
1 2 2ε dε √
ε = mv ⇒ v= ⇒ dv = √ ⇒ 4πv 2 dv ∝ ε dε
2 m 2mε

Conclusion : W3 (ε) dε est proportionnelle à 4πv 2 dv, donc à ε dε. Sachant de la
théorie statistique que W3 (ε) dε est également proportionnelle à e−ε/kb T , on a

W3 (ε) dε = A3 ε e−ε/kb T dε
R∞ R ∞ √ −u √
A3 est tel que 0 W3 (ε) dε = 1. Sachant 0 u e du = 12 π, on trouve
r
2 1 ε −ε/kb T
W3 (ε) = √ e Distribution de Maxwell-Boltzmann (2.1)
π kb T kb T
On a représenté,
√ à gauche sur la figure 2.1, le graphe de la fonction universelle
kb T W3 = √2π u e−u en fonction de u = ε/kb T . Cette fonction possède un maximum
en u∗ = 12 et prend des valeurs négligeables au delà de u ≈ 5 à 10.
2.1 La théorie cinétique des gaz (27 janvier 2024) 35

Figure 2.1 – Distribution des énergies de Maxwell-Boltzmann : à gauche, la courbe


universelle kb T W3 (ε) en fonction de ε/kb T ; à droite les graphes de W3 (en zJ−1 ) en fonction
de ε (en zJ) à T = 100 K (○ 1 en bleu) et T = 1000 K (○ 2 en rouge) ; courbes noires :
T = 200 K, 300 K, 500 K.

La fonction W3 , représentée à droite à différentes températures, est indépendante


de la nature du gaz. Elle permet de calculer les principales caractéristiques de la
distribution : l’énergie moyenne d’une molécule et la dispersion autour de cette
valeur moyenne.
R∞ √ √ R∞ √ √
Sachant 0 u u e −u du = 43 π et 0 u2 u e −u du = 15 8
π, on trouve
Z ∞ Z ∞
ε̄ = ε W3 (ε) dε = 23 kb T ε2 = ε2 W3 (ε) dε = 15
4
(kb T )2
0 0
∆ε
p q q
∆ε = ε2 − ε̄ 2 = 32 kb T = 23 (2.2)
ε̄

2.1.2 Distribution de Maxwell (des modules de vitesse)


Calculons la fraction G3 (v) dv de molécules dont le module du vecteur vitesse est
compris entre v et v + dv, l’indice 3 indiquant toujours que le gaz étudié est tridi-
mensionnel. C’est tout simplement W3 (ε) dε dans lequel on remplace ε par 12 mv 2 et
dε par mv dv. On trouve
  32
m 2
2
G3 (v) = 4πv × e−mv /2kb T Distribution de Maxwell (2.3)
2πkb T
Cette distribution est représentée figure 2.2 pour différentes valeurs de kb T /m.
Maxwell découvrit cette loi (1860) à partir d’observations expérimentales. Boltz-
mann la démontra ensuite (1872) à partir d’une étude statistique des collisions élas-
tiques entre molécules. À noter que cette distribution est valable pour tout fluide,
que ce soit un gaz parfait, un gaz réel ou un liquide (seules contraintes : homogénéité
et isotropie du milieu).
La fonction G3 présente un maximum en
r
∗ 2kb T
v =
m
Le calcul des valeurs moyennes donne (on remarquera qu’on a bien ε̄ = 12 m v 2 )
Z ∞ r Z ∞
8kb T 3kb T
v̄ = v G3 (v) dv = 6= v et v =
∗ 2 v 2 G3 (v) dv = (2.4)
0 πm 0 m
36 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

Attention aux pièges : de mème que l’on a pour les valeurs moyennes l’inégalité
ε̄ 6= 12 mv̄ 2 , on a pour les valeurs les plus probables ε∗ 6= 12 mv ∗2 .
Voici quelques ordres de grandeur des vitesses moyennes v̄ en m/s :

masse molaire 10 K 30 K 100 K 300 K 1000 K 3000 K


4 g (He) 230 398 728 1260 2301 3985
20 g (Ne) 103 178 325 564 1029 1782
40 g (Ar) 73 126 230 398 728 1260
84 g (Kr) 50 87 159 275 502 870
131 g (Xe) 40 70 127 220 402 696

Figure 2.2 – Distribution des vitesses de Maxwell pour différentes valeurs de kb T /m.
En abscisses, la vitesse en km/s, en ordonnées la fonction G3 en s/km. De la courbe ○ 1
bleue vers la courbe ○ 2 rouge, la température augmente et/ou la masse atomique diminue.
Les conditions sont rassemblées dans le tableau suivant ; par exemple, la courbe ○ 1 bleue
est celle de l’hélium à 9 K, du néon à 46 K, de l’argon à 92 K, etc. ; la courbe ○
2 rouge est
celle de l’hélium à 300 K, du néon à 1500 K, de l’argon à 3000 K, etc.
He (4 g/mol) 9K 14 K 30 K 60 K 300 K
Ne (20 g/mol) 46 K 71 K 150 K 300 K 1500 K
Ar (40 g/mol) 92 K 143 K 300 K 600 K 3000 K
Kr (84 g/mol) 192 K 300 K 630 K 1260 K 6300 K
Xe (131 g/mol) 300 K 468 K 983 K 1965 K 9825 K
2.1 La théorie cinétique des gaz (27 janvier 2024) 37

2.1.3 Les gaz parfaits bi- et uni-dimensionnels


Gaz parfaits bidimensionnels. Il peut arriver que des atomes déposés (on dit
adsorbés) sur la surface d’un solide se comportent comme si cette surface était une
patinoire, faisant ainsi du système d’atomes adsorbés un gaz parfait bidimensionnel.
Le raisonnement est identique, mais cette fois l’espace des vitesses est à deux dimen-
sions : dans l’espace des vitesses, les molécules possédant une énergie comprise entre
ε et ε + dε occupent une airer 2πv dv, avec
1 2ε dε
ε = mv 2 ⇒ v = ⇒ dv = √ ⇒ 2πv dv ∝ dε
2 m 2mε
Conclusion : W2 (ε) dε est proportionnelle à 2πv dv, donc à dε. Sachant de la théorie
statistique que W2 (ε) dε est également proportionnelle à e−ε/kb T , on a
W2 (ε) dε = A2 e−ε/kb T dε
R∞ R∞
A2 est tel que 0 W2 (ε) dε = 1. Sachant 0 e−u du = 1, on trouve

1 −ε/kb T
W2 (ε) = e (2.5)
kb T

G2 (v) dv est égal à W2 (ε) dε pour ε = 12 mv 2 et dε = mv dv. Cela donne


m 2
G2 (v) = 2πv × e−mv /2kb T (2.6)
2πkb T
R∞ R ∞√
Sachant 0 un e −u du = n! et 0 u e −u du = 12 π, les valeurs moyennes sont faciles
à calculer. On trouve
Z ∞ Z ∞
ε̄ = ε W2 (ε) dε = kb T u e −u du = kb T (2.7)
0 0
Z ∞ Z ∞
2
ε = 2
ε W2 (ε) dε = (kb T ) 2
u2 e −u du = 2(kb T )2 (2.8)
0 0
Z ∞ r r
2kb T ∞√ −u
Z
πkb T
v̄ = v G2 (v) dv = u e du = (2.9)
0 m 0 2m
Z ∞
2kb T ∞ −u
Z
2kb T
2
v = 2
v G2 (v) dv = u e du = (2.10)
0 m 0 m

Gaz parfaits unidimensionnels. Ils sont plutôt rares dans la pratique. On les
mentionne ici parce qu’on en aura besoin aux paragraphes 2.1.4 et 2.1.5.
Dans l’espace des vitesses, maintenant à une dimension, les molécules possédant une
énergie comprise entre ε et r ε + dε occupent une longueur 2 dv, avec
1 2ε dε dε
ε = mv 2 ⇒ v = ⇒ dv = √ ⇒ 2 dv ∝ √
2 m 2mε ε
Le facteur 2 vient du fait que si ~v convient, le vecteur −~v convient également.

Conclusion : W1 (ε) dε est proportionnelle à 2 dv, donc à dε/ ε. Sachant de la théorie
statistique que W1 (ε) dε est également proportionnelle à e−ε/kb T , on a
e−ε/kb T
W1 (ε) dε = A1 √ dε
ε
38 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

R∞ R∞ −u √
A1 est tel que 0
W1 (ε) dε = 1. Sachant 0
e√
u
du = π, on trouve

1 1 e−ε/kb T
W1 (ε) = √ p (2.11)
π kb T ε/kb T

G1 (v) dv est égal à W1 (ε) dε pour ε = 12 mv 2 et dε = mv dv. Cela donne


r
m 2
G1 (v) = 2 × e−mv /2kb T (2.12)
2πkb T
On trouve ensuite
Z ∞
kb T ∞√ −u
Z
1
ε̄ = ε W1 (ε) dε = √ u e du = kb T (2.13)
π 0 2
Z0 ∞ Z ∞
1 √ 3
ε2 = ε2 W1 (ε) dε = √ (kb T )2 u u e −u du = (kb T )2 (2.14)
0 π 0 4
Z ∞ r Z ∞ r
2kb T 2kb T
v̄ = v G1 (v) dv = e −u du = (2.15)
πm 0 πm
Z0 ∞ Z ∞
1 2kb T √ −u kb T
v2 = v 2 G1 (v) dv = √ u e du = (2.16)
0 π m 0 m

2.1.4 Étude statistique des composantes de vitesse


Un gaz est non seulement homogène mais également isotrope : ses propriétés sont
indépendantes de la direction le long de laquelle il est étudié.
Conséquence : les trois composantes de vitesse sont distribuées selon la même loi ;
mieux encore, le choix des trois axes étant complètement arbitraire, la projection
du vecteur vitesse sur une droite dirigée dans n’importe quelle direction de l’espace
suivra cette même loi de distribution. On notera x cette direction et G(vx ) dvx la
probabilité de trouver la projection de ~v sur x entre vx et vx + dvx .
Pour trouver cette loi, un modèle à une dimension suffit, et ce modèle a déjà été
étudié au paragraphe 2.1.3. La fonction G recherchée est celle qui est donnée à
l’équation (2.12), à ceci près qu’ici le facteur 2 doit disparaître, puisque pour le
calcul de G1 (v), on avait pris en compte les deux vecteurs ~v et −~v , de même module.
On a donc
r
m 2
G(vx ) = e−mvx /2kb T (2.17)
2πkb T
r
kb T
C’est une gaussienne centrée en vx = 0 et de largeur .
m
Aucun calcul à développer, tout a été fait. Mais attention :
Z +∞
vx = vx G(vx ) dvx = 0
−∞
puisque la fonction intégrée est impaire. Les résultats (2.15) et (2.16) restent valables
ici mais ils concernent la valeur absolue de vx :
r
2kb T kb T
|vx | = et vx2 = (2.18)
πm m
2.1 La théorie cinétique des gaz (27 janvier 2024) 39

On termine par la probalilité de trouver l’extrémité du vecteur vitesse au voisinage


de l’extrémité d’un vecteur ~v donné.
En dimension 3, la probalilité de trouver l’extrémité du vecteur vitesse dans d 3v =
dvx dvy dvz au voisinage de l’extrémité du vecteur ~v (vx , vy , vz ) vaut tout simplement
  32
m 2
3
Γ3 (~v ) d v = G(vx ) dvx G(vy ) dvy G(vz ) dvz = e−mv /2kb T d 3v (2.19)
2πkb T
Le résultat est bien entendu trouvé uniquement fonction de v = k~v k (isotropie) : le
passage aux coordonnées sphériques consistera à remplacer d 3v = dvx dvy dvz par
v 2 sin θ dv dθ dϕ. Tout simplement.
En dimension 2, la probalilité de trouver l’extrémité du vecteur vitesse dans d 2v =
dvx dvy au voisinage de l’extrémité du vecteur ~v (vx , vy ) vaut
m 2
Γ2 (~v ) d 2v = G(vx ) dvx G(vy ) dvy = e−mv /2kb T d 2v
2πkb T
avec possibilité de remplacer d 2v soit par dvx dvy soit par v dv dθ.
En dimension 1, un vecteur ~v n’ayant qu’une seule composante vx , la fonction Γ1
s’identifie à la fonction G donné en (2.17) :
r
m 2
Γ1 (~v ) dvx = G(vx ) dvx = e−mv /2kb T dvx
2πkb T
où v = |vx | est le module de ~v .

2.1.5 Calcul de la pression cinétique


Ce qui a définitivement validé la théorie cinétique des gaz, c’est le calcul qui suit de
la pression cinétique, c’est-à-dire la contribution à la pression de l’énergie cinétique
des molécules.[ 3]
Pour calculer cette pression, on imagine une surface plane, fictive, d’aire ∆S, située
au milieu du récipient. On choisit l’origine O des coordonnées au milieu de ∆S et
l’axe Oz perpendiculaire à ∆S. Le vecteur unitaire porté par Oz sera noté ~u.
Le principe du calcul est d’étudier la force qu’exercent sur ∆S les molécules situées
dans le demi-espace inférieur (z < 0). Si on note F~ cette force, et Fz sa composante
normale à la surface, la pression du gaz s’obtient par la relation
Fz F~ · ~u
p= =
∆S ∆S
Les dimensions de ∆S sont supposées à la fois suffisamment petites pour considérer
qu’elle est placée dans un récipient de taille infinie, et suffisamment grandes pour
recevoir un nombre extrêmement grand de chocs de la part des molécules du gaz au
cours du temps d’observation ∆t considéré. Cet intervalle de temps est donc supposé
très grand par rapport au temps moyen entre deux chocs. Mais on le supposera suf-
fisamment petit, à l’échelle macroscopique, pour pouvoir écrire
dP~ ∆P~
F~ = =
dt ∆t
3. Pour les gaz parfaits, cette pression cinétique est égale à la pression thermodynamique du
système. Pour un gaz réel ou un liquide, il faut, pour obtenir la pression thermodynamique, ajouter
à la pression cinétique une pression dynamique, contribution due aux forces intermoléculaires.
40 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

∆P~ est l’impulsion transmise à ∆S pendant ∆t par les molécules considérées.


Pour calculer ∆P~ , considérons une molécule de vitesse ~v (vx , vy , vz ) percutant ∆S.
Le choc est supposé élastique : la molécule repart avec une vitesse ~v 0 (vx , vy , −vz ).
Sa quantité de mouvement a donc varié de m(~v 0 −~v ) = −2mvz ~u, c’est-à-dire qu’elle
a transféré à ∆S une impulsion
δ P~ = −m(~v 0 − ~v ) = 2mvz ~u = 2mv ~u cos θ (θ est l’angle que fait ~v avec ~u )
Comptons maintenant le nombre de molécules possédant cette vitesse ~v et venant
percuter ∆S pendant ∆t. Ces molécules ont une distance inférieure à v∆t à parcourir
avant le choc. Elles sont donc contenues dans le cylindre oblique de base ∆S, de
longueur v∆t, et de génératrice parallèle à ~v . Le volume de ce cylindre vaut
∆V = v∆t∆S cos θ
Si n est la densité du gaz, en molécules par mètre cube, le nombre total de molécules
contenues dans ∆V vaut
∆N = n∆V = nv∆t∆S cos θ
D’après l’équation 2.19, parmi ces ∆N molécules,
  32
m 2
∆N × e−mv /2kb T d 3v
2πkb T
possèdent un vecteur vitesse dont l’extrémité est dans l’élément d 3v autour de celle
de ~v . Si on note δN (~v ) le nombre de telles molécules, on a en utilisant les coordonnées
sphériques d 3v = v 2 dv sin θ dθ dϕ, et donc
  32
m 2
δN (~v ) = nv∆t∆S cos θ e−mv /2kb T v 2 dv sin θ dθ dϕ
2πkb T
Chacune transfère à ∆S pendant ∆t la quantité de mouvement δ P~ = 2mv ~u cos θ.
Pour obtenir ∆P~ , il suffit d’intégrer δN (~v ) δ P~ sur ϕ de 0 à 2π, sur θ de 0 à π2 (et
non de 0 à π puisqu’on ne prend en compte que les molécules du demi-espace z < 0),
et sur v de 0 à + ∞ :
 3/2Z 2π Z π/2 Z +∞
~ m 2
∆P = 2mn∆t∆S ~u dϕ 2
cos θ sin θ dθ e−mv /2kb T v 4 dv
2πkb T 0 0 0

L’intégrale sur ϕ vaut 2π, celle sur θ vaut 13 ; quant à celle sur v elle vaut
Z +∞ 5 Z 5
1 2kb T 2 +∞ √ −u 3 √ 2kb T 2
 
−mv 2 /2kb T 4
e v dv = u u e du = π
0 2 m 0 8 m
Ce qui donne
∆P~
∆P~ = nkb T ∆t∆S ~u et donc F~ = = nkb T ∆S ~u
∆t
Et le résultat attendu :
F~ · ~u N kb T
p= = nkb T =
∆S V
Pour ce calcul, on a utilisé la récurrence :
Z ∞
√ √
Ip = up u e−u du I0 = 12 π puis Ip = (p + 12 )Ip−1 (2.20)
0
2.2 Le mouvement brownien (27 janvier 2024) 41

2.2 Le mouvement brownien


2.2.1 Les hypothèses
Ce qu’on appelle communément mouvement brownien, c’est le mouvement incessant,
aléatoire et désordonné qu’anime des particules en suspension dans un liquide et
visible au microscope. Mais c’est aussi, et surtout, ce même mouvement, invisible
celui-là, qui anime les molécules du fluide lui-même. Ce mouvement résulte des
innombrables collisions entre molécules, les propulsant de façon aléatoire dans toutes
les directions de l’espace.
Les hypothèses en vrac. Certaines seront utilisées de façon explicite mais pas toutes.
Elles sont là pour bien montrer que derrière un problème simple (dans sa formula-
tion du moins) se cachent un grand nombre de sous-entendus, indispensables à la
validation du modèle.
1. Hypothèses du gaz parfait. Ou plutôt quasi parfait, dans le sens où il faut
maintenant prendre en compte les collisions entre molécules.
• Sauf lors des collisions, chaque molécule se comporte comme si elle était
seule dans le récipient, sans aucune interaction avec les autres. Autrement
dit, la distance moyenne entre molécules est très supérieure à la portée
des interactions, celle-ci valant quelques rayons atomiques ;
• La température est suffisamment élevée pour que les résultats de la théorie
cinétique des gaz puissent être appliqués, mais suffisamment faible pour
ignorer l’excitabilité des nuages électroniques et des noyaux constitutifs
des molécules.
2. Hypothèses sur les collisions. Sans elles, un gaz parfait, lorsqu’il est artificielle-
ment mis dans un état hors d’équilibre, ne pourrait jamais revenir à l’équilibre :
ce sont elles qui permettent la redistribution des vitesses et des énergies.
• Les chocs sont supposés élastiques, autrement dit il y a lors d’un choc
conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement. Pour cela, il
est nécessaire de supposer que les molécules sont sans structure interne
excitable : ce sont des atomes. Le cas des molécules polyatomiques est
plus complexe car une partie de l’énergie peut être absorbée par excitation
des degrés de liberté de rotation ou de vibration des molécules.
• La densité est supposée suffisamment faible pour n’envisager que les col-
lisions binaires, autrement dit ne faisant intervenir que deux atomes. La
probabilité d’observer plus de deux atomes en interaction mutuelle est
considérée comme nulle. On ignore également les chocs contre les parois,
qui concernent une infime partie des atomes présents dans le récipient.
• Les collisions sont considérées comme locales et instantanées. On suppose
que lors d’une collision les paramètres extérieurs n’ont pas varié. Autre-
ment dit, les champs de force d’origine extérieure, s’il y en a, n’ont aucun
effet sur les collisions : on compare dans le calcul l’état du système immé-
diatement après la collision à celui qu’il possédait immédiatement avant
la collision. À ces deux instants infiniment voisins, les deux atomes n’ont
pas changé d’élément de volume, tout se passe dans l’espace des vitesses.
42 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

3. Hypothèse du chaos moléculaire. C’est sans doute la plus importante, et bien


souvent oubliée : les deux atomes entrant en collision ont des vitesses initiales
quelconques, non corrélées. Comme l’a dit Boltzmann, le hasard doit régner
librement pendant la quasi totalité du temps (autrement dit entre deux colli-
sions). L’historique, la trajectoire, de chacun des deux atomes sont oubliés :
c’est le hasard pur qui les a conduits au même instant au même endroit.

2.2.2 Libre parcours moyen et fréquence de collisions


On considère un gaz parfait de sphères dures, autrement dit d’atomes à symétrie
sphérique sans interaction sauf lors de chocs élastiques où ils changent aléatoire-
ment de direction. Les atomes se déplacent en ligne droite, ou plus exactement sur
des lignes brisées constituées de segments rectilignes : chaque fois qu’un atome en
rencontre un autre, il se produit une collision provoquant un changement brusque
de direction. On n’envisage ici que les collisions les plus courantes aux tempéra-
tures habituelles : chaque choc est supposé binaire (ne faisant intervenir que deux
atomes) et élastique (pas de modification des structures internes des atomes, et donc
conservation de la quantité de mouvement et de l’énergie).

Figure 2.3 – Collision : vitesses par rapport au centre de masse

Le libre parcours moyen est la distance moyenne que parcourt un atome entre deux
collisions. Soient deux atomes A et B de masses ma et mb convergeant tous deux
vers un point O à des vitesses ~va et ~vb telles qu’ils vont y arriver en même temps.
Leur centre de masse G converge également vers O. Il est facile de voir sur la figure
2.3 qu’on peut ramener le problème à deux particules convergeant vers G, l’atome
A à la vitesse ~va − ~vg , l’atome B à la vitesse ~vb − ~vg .
Le mouvement du centre de masse n’a aucune influence sur la collision. On est
ainsi conduit à n’étudier que les chocs frontaux : en mouvement relatif, les deux
atomes partagent maintenant la même trajectoire. On a tout simplement séparé le
mouvement de G de celui des atomes par rapport à G :[ 4]
1 1 1 1 1
K = ma~va2 + mb~vb2 = M~vg2 + ma (~va − ~vg )2 + mb (~vb − ~vg )2
2 2 2 2 2
avec M = ma + mb (masse totale) et M~vg = ma~va + mb~vb
4. La lettre T étant prise par la température, l’énergie cinétique est ici notée K, kinetic energy.
2.2 Le mouvement brownien (27 janvier 2024) 43

En remplaçant ~vg par (ma~va + mb~vb )/M dans les deux derniers termes de l’énergie
cinétique, on trouve :
1 1 ma mb
K = M~vg2 + mab (~va − ~vb )2 avec mab = (masse réduite)
2 2 ma + mb
C’est la réduction du problème à deux corps qui permet ici de remplacer les deux
atomes mobiles A et B par un objet fixe, ponctuel et sans masse et un objet mobile
de masse mab , de rayon rab = ra + rb et de vitesse ~vab = ~va − ~vb .

Figure 2.4 – Collision frontale : paramètre d’impact

Il faut maintenant prendre en compte le fait que les atomes ne sont pas ponctuels.
On peut avoir collision frontale si les deux trajectoires, toujours parallèles, sont
séparées par une distance b (appelée paramètre d’impact). Si ra et rb sont les rayons
des deux atomes, il y aura collision si b < ra + rb (figure 2.4).
Pour calculer le nombre moyen de collisions subies par un atome A de la part des
atomes B au cours de l’intervalle de temps δt, il suffit de compter le nombre d’atomes
B présents dans un cylindre de section π rab 2
et de longueur v̄ab δt. En divisant ensuite
par δt, on obtient la fréquence Za de collisions A-B par atome A. On trouve, en
b

utilisant l’un des résultats (2.4) du paragraphe 2.1.2 (nb est le nombre d’atomes B
par unité de volume) :
r
2 8kb T
Zab = nb πrab v̄ab = nb π(ra + rb )2
πmab
Si le gaz est multiconstituant (atomes A, B, C, etc.), on obtient la fréquence de
collisions pour un atome A en ajoutant les différentes contributions :
r
16kb T
Za = Za + Za + Za . . . Attention : maa = 12 ma ⇒ Za = 4πra na
a b c a 2
πma
Et pour son libre parcours moyen il suffit d’écrire :
r
v̄a 1 8kb T 1
`a = = = √
Za Za πma 4πra na 2 + π(ra + rb )2 nb 1 + m
2
p
mb
a
+ ...
Résultat important : le libre parcours moyen est indépendant de la température.
Seules les densités, les rayons atomiques et les rapports de masse interviennent dans
l’expression.
Pour un gaz monoconstituant, on a, pour des atomes de masse m et de rayon r :
r
16kb T 1
Z = 4πr2 n et ` = √ (2.21)
πm 2
4πr n 2
44 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

Quelques valeurs numériques du libre parcours moyen, comparées à la distance


moyenne d entre atomes, pour l’hélium (r = 128 pm), le néon (r = 154 pm), l’argon
(r = 188 pm), le krypton (r = 202 pm) et le xénon (r = 216 pm), en fonction de la
densité (VE : vide extrême, UV : ultravide, VS : vide secondaire, VP : vide primaire,
GO : gaz ordinaire) :[ 5]

n 108 V 1012 U 1016 V 1019 V 1022 G 1027


d 2 mm E 100 µm V 5 µm S 500 nm P 50 nm O 1 nm
He 34, 3 Gm 3434 km 343 m 343 mm 343 µm 3, 43 nm
Ne 23, 7 Gm 2373 km 237 m 237 mm 237 µm 2, 37 nm
Ar 15, 9 Gm 1592 km 159 m 159 mm 159 µm 1, 59 nm
Kr 13, 8 Gm 1379 km 138 m 138 mm 138 µm 1, 38 nm
Xe 12, 1 Gm 1206 km 121 m 121 mm 121 µm 1, 21 nm

On constate que le libre parcours moyen est dans un gaz ordinaire 1, 2 à 8000 fois plus
grand (15 à 40 dans les conditions standard) que la distance moyenne entre atomes,
et qu’il peut atteindre des valeurs considérables en vide extrême (oui, ce sont bien
des gigamètres) : un atome d’hélium du milieu intersidéral peut parcourir plus de
30 millions de kilomètres (un an et demi à 100 K) sans subir aucune collision. Ce
même atome dans les conditions standard subirait environ 300 millions de collisions
par seconde.
Lorsque le libre parcours moyen est supérieur aux dimensions du récipient, ce ne
sont plus les collisions entre atomes qui définissent les propriétés du gaz, mais les
chocs atome-paroi. On parle alors de régime moléculaire et de gaz de Knudsen.
A contrario, lorsque le libre parcours moyen est très inférieur aux dimensions de
l’enceinte, on parle de régime fluide ou de régime de fluide quasi continu.
5. La densité n de l’air habituel (p = 0, 1 MPa, T = 293 K) est d’environ 2, 5×1025 molec/m3 ,
ce qui donne une distance moyenne d entre molécules d’environ 3, 5 nm. En laboratoire ou dans
l’industrie, il existe pour les basses pressions une classification liée à la méthode d’obtention. On ne
parle de vide qu’en dessous du millibar (100 Pa). Dans les différents cas ci-dessous sont indiquées
la pression p et la densité n, toutes deux arrondies à la puissance de 10 la plus proche, ainsi que la
distance intermoléculaire d.
• Les vides moyens ou primaires (p ∼ 0, 1 à 100 Pa, n ∼ 1019 à 1022 molec/m3 , d ∼ 50 à
500 nm) sont obtenus au moyen de pompes volumétriques (pompes à palettes, pompes à
bec, ...) qui évacuent le gaz dans l’atmosphère.
• Les vides poussés ou secondaires (p ∼ 10 µPa à 0, 1 Pa, n ∼ 1016 à 1019 molec/m3 , d ∼ 0, 5 à
5 µm) sont obtenus au moyen de pompes cinétiques (pompes turbomoléculaires, à diffusion
d’huile, etc.) qui évacuent le gaz dans une enceinte elle-même vidée par une pompe primaire.
Pour atteindre les 10 µPa, on équipe une pompe turbomoléculaire d’une pompe dite fermée :
le gaz résiduel est fixé par physisorption (adsorption réversible en dessous de 20 K) sur du
charbon actif ou une zéolite.
• Pour l’ultravide (p ∼ 1 nPa à 10 µPa, n ∼ 1012 à 1016 molec/m3 , d ∼ 5 à 100 µm), la
chimisorption (adsorption irréversible) sur du titane est nécessaire. La pompe ionique de
Penning permet d’atteindre le vide extrême (p ∼ 1 pPa à 10 nPa, n ∼ 109 à 1012 molec/m3 ,
d ∼ 0, 1 à 1 mm).
Le milieu intersidéral est principalement constitué d’hydrogène et d’hélium. Suivant les ré-
gions, la température varie de 10 à 100 K. La densité des régions les plus froides est d’environ
1015 molec/m3 (d ∼ 10 µm, p ∼ 100 nPa). Celle des régions les plus chaudes bat tous les records :
n ∼ 108 molec/m3 , d ∼ 2 mm, p ∼ 100 fPa.
2.3 Aspects quantiques (27 janvier 2024) 45

2.3 Aspects quantiques


2.3.1 L’indiscernabilité
L’indiscernabilité est une notion ne concernant que les systèmes constitués de parti-
cules identiques, c’est-à-dire possédant les mêmes propriétés intrinsèques, en l’occur-
rence ici même masse, même charge électrique et même spin.[ 6] Autrement dit,
aucune expérience ne permet de les distinguer.
Considérons par exemple un récipient constitué de deux compartiments séparés par
une cloison. On place une particule dans chaque compartiment. Dans cette configu-
ration, les deux particules sont dites discernables : en observant une des deux parti-
cules, on sait à laquelle on a affaire. Chacune porte en quelque sorte le numéro de son
compartiment. Lorsqu’on supprime la cloison qui sépare les deux compartiments, les
deux particules mettent en commun l’ensemble du récipient. Elles deviennent alors
indiscernables : si on replace la cloison en faisant en sorte de les séparer à nouveau,
il est impossible de savoir laquelle avait reçu le numéro 1, laquelle le numéro 2.
L’indiscernabilité est une propriété fondamentale des particules quantiques.[ 7]
Si parfois il arrive qu’on les considère comme discernables, c’est parce qu’il est
spécifié que chacune évolue dans une région de l’espace qui lui est propre. Ce n’est
pas par nature mais uniquement pour des raisons géométriques (particules en réseaux
par exemple). Autrement dit :

Deux particules sont indiscernables si elles ont en commun un certain nombre


d’états possibles, autrement dit si elles sont identiques et si leurs probabilités de
présence sont simultanément non nulles dans un même domaine de l’espace.

2.3.2 Gaz parfait de masses ponctuelles à haute température


Dans un gaz parfait, chaque molécule se comporte comme si elle était seule dans le
récipient. C’est une situation qui ressemble à celle de particules en réseau : dans un
réseau, chaque particule occupe une boîte de volume v = N V
, et si on suppose toutes
les boîtes identiques et indépendantes on a
ZTres (T, V, N ) = [zT (T, v)]N
Mais dans un gaz, il faut tenir compte de l’indiscernabilité. Chaque molécule possède
comme en réseau une fonction de partition zT (T, V ), mais il faudra pour le système
entier diviser [zT (T, V )]N par N !, qui est le nombre de permutations possibles sur
l’ensembes des molécules : il ne faut pas compter N ! fois le même état.
Pour un gaz parfait on a donc

1  N
ZT (T, V, N ) = zT (T, V ) (2.22)
N!
6. Pour le spin, voir au 3.1.2.
7. La situation est différente en mécanique classique : si à l’instant initial les particules sont
numérotées, on peut suivre chacune d’elles le long de sa trajectoire qui lui est propre. On sait
à chaque instant reconnaître une particule en fonction de sa position et de sa vitesse : que les
particules soient identiques ou non, elles sont, en mécanique classique, discernables.
46 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

Attention : ce résultat n’est valable qu’à suffisammant haute température ; la division


par N ! sous-entend que toutes les molécules sont dans des états quantiques différents,
ce qui n’est pas forcément le cas à basse température. D’où la condition :

Pour que le résultat (2.22) soit valable, il faut que le nombre d’états
accessibles soit beaucoup plus grand que le nombre de molécules. (2.23)

1. Fonction de partition canonique d’une particule


(a) Résultats de la mécanique quantique.
Dans un gaz parfait, les N particules qui le constituent sont indépen-
dantes (sans interactions). On peut considérer que chacune est seule dans
le récipient. On est ainsi conduit à étudier un système constitué d’une
seule particule. Les propriétés macroscopiques du gaz étant indépendantes
de la forme du récipient, on choisit la forme la plus simple qui soit : un
cube de volume V = L3 , un carré d’aire A = L2 ou un segment de
longueur L suivant la dimensionnalité du système étudié.
La théorie quantique montre qu’une particule de masse m confinée sur
un segment de longueur L a accès à des niveaux d’énergie non dégénérés
définis par :[ 8]
h2
εnx = 2
n2x (nx ∈ Z) (2.24)
2mL
De même, si elle est confinée sur un carré d’aire A = L2 , les niveaux
d’énergie sont définis par deux nombres entiers :
h2
εnx ny = (n2 + n2y ) (nx , ny ∈ Z) (2.25)
2mL2 x
Enfin, si le récipient est un cube de volume V = L3 , trois nombres entiers
sont nécessaires :
h2
εnx ny nz = 2
(n2x + n2y + n3z ) (nx , ny , nz ∈ Z) (2.26)
2mL
La fonction de partition canonique est celle d’une particule à un, deux ou
trois degrés de liberté indépendants :
+∞
sur un segment de longueur L
2 n2 /(2mL2 k T )
e−h
P
zT (T, L) = b

n=−∞
h +∞ i2
sur un carré d’aire A = L2
2 2 2
e−h n /(2mL kb T )
P
zT (T, A) =
n=−∞
h +∞ i3
dans un cube de volume V = L3
2 n2 /(2mL2 k T )
e−h
P
zT (T, V ) = b

n=−∞

Ces fonctions de partition étant impossibles à calculer analytiquement, on


a recours à l’approximation suivante qui, pour des tailles macroscopiques,
peut être considérée comme quasi rigoureuse.
8. h est la constante de Planck h = 6, 626 070 15×10−34 J·s
2.3 Aspects quantiques (27 janvier 2024) 47

(b) L’approximation du continuum et la densité d’états.


L’approximation du continuum consiste à remplacer dans les équations
statistiques les sommes discrètes par des intégrales. Elle est justifiée si
l’écart entre deux niveaux d’énergie successifs est extrêmement faible par
rapport à l’énergie moyenne d’une particule. C’est le cas ici, nous le véri-
fierons a posteriori.
Soit un système quelconque dont les niveaux d’énergie {ε1 . . . εj . . . εn }
sont rangés par ordre croissant. On notera {ω1 . . . ωj . . . ωn } les dégéné-
rescences correspondantes.
L’approximation du continuum consiste à rechercher une fonction g telle
que pour toute fonction f continue on ait :
n
Z εn
(2.27)
P
ωj f (εj ) ≈ g(ε)f (ε) dε
j=1 ε1

La fonction g est par définition la densité d’états : g(ε) dε est le nombre


d’états d’énergie comprise entre ε et ε+dε. Pour calculer g(ε), on calculera
d’abord G(ε), nombre d’états d’énergie inférieure à ε ; on écrit ensuite que
g(ε) dε est par définition le nombre G(ε + dε) d’états d’énergie inférieure
à ε + dε, auquel on soustrait le nombre G(ε) d’états d’énergie inférieure
à ε ; et on tombe sur la définition de la dérivée G0 de G :
g(ε) dε = G(ε + dε) − G(ε) = G0 (ε) dε ⇒ g(ε) = G0 (ε) (2.28)
Pour calculer la fonction G, on travaille dans l’espace des vecteurs ~n, de
composantes (nx , ny , nz ) en 3D, (nx , ny ) en 2D, ou (nx ) en 1D.
Pour les gaz parfaits tridimensionnels, les surfaces d’énergie constante
sont des sphères centrées sur l’origine. G(ε) est le nombre d’états dont le
vecteur ~n de composantes (nx , ny , nz ) pointe dans la boule de rayon et de
volume : s
2  3
2mV 3 ε 4πV 2mε 2
n= et V = 3 πn =
∗ 4 3
h2 3 h2
Chaque état y occupe un volume δV ∗ = 1. On trouve ainsi
 23  32
V∗ √
 
4πV 2mε 2m
G(ε) = ∗
= ⇒ g(ε) = 2πV ε (2.29)
δV 3 h2 h2

Pour les gaz parfaits bidimensionnels, les courbes d’énergie constante sont
des cercles centrés sur l’origine. G(ε) est le nombre d’états dont le vecteur
~n de composantes (nx , ny ) pointe sur le disque de rayon et d’aire :
r
2mA ε 2mε
n= 2
et A∗ = πn2 = πA 2
h h
Chaque état y occupe une aire δA∗ = 1. La densité d’état est trouvée
indépendante de ε :
A∗ 2mε 2m
G(ε) = ∗
= πA 2 ⇒ g(ε) = πA (2.30)
δA h h2
48 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

Pour les gaz parfaits unidimensionnels, à chaque niveau d’énergie corres-


pond deux points opposés. G(ε) est le nombre d’états dont le vecteur ~n
de composante (nx ) pointe sur le segment de longueur :
r r r
2
2mε 2mL ε 2mL2 ε
L∗ = 2L puisque − ≤ nx ≤ +
h2 h2 h2
Chaque état y occupe une longueur δL∗ = 1. On en déduit :
r r
L∗ 2mε 2m 1
G(ε) = = 2L ⇒ g(ε) = L √ (2.31)
δL∗ h2 h2 ε

(c) Fonction de partition dans l’approximation du continuum.


Une fonction de partition canonique s’écrit en toute généralité
zT = ωj e−εj /kb T
P
j
Dans l’approximation du continuum, on utilise (2.27) sachant qu’ici l’éner-
gie ε = 12 mv 2 d’une particule peut varier de zéro à l’infini :
Z ∞
zT (T, V ) ou zT (T, A) ou zT (T, L) ≈ g(ε) e−ε/kb T dε
0
En utilisant les densités d’état (2.29), (2.30) et (2.31) on trouve
R ∞ √ −u √
• pour les systèmes tridimensionnels, sachant 0 u e du = 12 π,

V
zT (T, V ) = (2.32)
Λ3 (T )
R∞
• pour les systèmes bidimensionnels, sachant 0
e−u du = 1,

A
zT (T, A) = (2.33)
Λ2 (T )
R∞ −u √
• pour les systèmes unidimensionnels, sachant 0
e√
u
du = π,

L
zT (T, L) = (2.34)
Λ(T )

où Λ(T ) est la longueur d’onde thermique de de Broglie définie par

h
Λ(T ) = √ (2.35)
2πmkb T
2.3 Aspects quantiques (27 janvier 2024) 49

2. Systèmes à N particules
(a) Le raisonnement suivi jusqu’au début du XXe siècle.
On considère un système constitué de N particules identiques et indépen-
dantes partageant la même partie de l’espace, la même « boîte ». « Indé-
pendantes » signifie que chacune d’elles se comporte comme si elle était
seule dans la boîte. « Identiques » signifie qu’elles se comportent toutes
de la même façon.
Il est donc tout naturel de penser que le système constitué de
« 1 boîte contenant N particules identiques et indépendantes »
est identique au système constitué de
« N boîtes identiques et indépendantes, chacune occupée par 1 particule »
Cette dernière situation correspond à celle d’un réseau constitué de N
sites identiques, disjoints, indépendants, en équilibre mutuel, chacun ayant
un volume V et contenant une particule de fonction de partition zT (T, V ).
Comme au paragraphe 1.5.1 on peut écrire
 N  
ZT (T, V, N ) = zT (T, V ) ⇒ F (T, V, N ) = −N kb T ln zT (T, V )

On remplace zT (T, V ) par V /Λ3 (T ) puis Λ(T ) par h/ 2πmkb T , et on
retrouve les résultats de la théorie cinétique des gaz parfaits :
∂ ln ZT
p = kb T ⇒ pV = N kb T
∂V
∂ ln ZT 3
E = kb T 2 ⇒ E = N kb T
∂T 2
Tout semble aller pour le mieux. Mais il y a un problème, connu sous le
nom de paradoxe de Gibbs, concernant l’entropie et le potentiel chimique.
Entropie et potentiel chimique : le calcul de l’époque.
Les formules se trouvant page 19 conduisent à
 
∂F ∂(T ln zT ) 3 V
S(T, V, N ) = − = N kb = N kb + ln 3
∂T ∂T 2 Λ (T )
∂F ∂ ln zT V
µ(T, V, N ) = = −kb T = −kb T ln 3
∂N ∂N Λ (T )

L’entropie trouvée n’est pas additive ; en effet, si on remplace simultané-


ment V par 2V et N par 2N , on ne trouve pas 2S(T, V, N ) mais
 
3 2V
S(T, 2V, 2N ) = 2N kb + ln 3 = 2S(T, V, N ) + 2N kb ln 2
2 Λ (T )
De même pour le potentiel chimique : celui-ci étant une variable intensive,
on devrait trouver µ(T, 2V, 2N ) = µ(T, V, N ). Or ce n’est pas le cas :
2V
µ(T, 2V, 2N ) = −kb T ln = µ(T, V, N ) − kb T ln 2
Λ3 (T )
50 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

Le paradoxe de Gibbs et comment y remédier.


Ces deux résultats aberrants constituent le paradoxe de Gibbs. Si on ne
parvient pas à éliminer ce paradoxe, tout est à remettre en cause.
La levée du paradoxe commence par une constatation mathématique : si
on remplace ln ΛV3 par ln NVΛ3 dans S(T, V, N ) et µ(T, V, N ), tout rentre
dans l’ordre. Autrement dit, tout rentre dans l’ordre si à µ on ajoute
kb T ln N , qui est pour les grands nombres la dérivée de kb T ln(N !) par
rapport à N .
Autrement dit encore, tout rentre dans l’ordre si on divise ZT (T, V, N )
par (N !). D’où la suggestion de poser
1  N
ZT (T, V, N ) = zT (T, V ) (2.36)
N!
Pour valider cette hypothèse, il faut lui trouver un sens physique. Et on
n’en voit qu’un : N ! est le nombre de permutations possibles sur l’en-
N
semble des particules dans une situation donnée. Diviser zT (T, V ) par


N ! consiste à dire qu’on ne doit compter qu’une fois deux configurations


se déduisant l’une l’autre par permutation de deux particules identiques,
à condition de supposer qu’elles sont toutes dans des états différents.
C’est la naissance du concept d’indiscernabilité : on ne peut pas, même
en imaginant l’expérience la plus utopique qui soit, différencier deux par-
ticules identiques partageant le même domaine des états, concrètement
partageant la même portion de l’espace.
Cette propriété est en accord avec le premier postulat de la mécanique
quantique : l’état du système est défini par la seule donnée de sa fonction
d’onde, qui ne permet de calculer que des probabilités de présence, pas
des trajectoires. Lorsque deux particules cohabitent, elles ont un paquet
d’onde commun, indissociable ; il est impossible même par la pensée de
scinder ce paquet d’onde en deux paquets distincts ; ce scindage n’est
possible qu’en séparant physiquement les deux particules, par exemple
en mettant entre elles une paroi infranchissable, autrement dit en les
rendant discernables.
Mais... il y a encore un mais...
La division par N ! sous-entend que toutes les particules sont dans des
états individuels différents, autrement dit en mécanique quantique à des
impulsions (ou vitesses) différentes. Et pourquoi donc ? Qu’est-ce qui em-
pêche deux particules identiques d’avoir la même vitesse alors que deux
particules différentes y sont autorisées ? La réponse : ce n’est pas interdit,
mais hautement improbable à haute température : le nombre d’états ac-
cessibles à une particule donnée est tellement grand qu’il est improbable
de trouver plusieurs particules dans le même état. C’est la condition (2.23)
citée page 45, et qui sera confirmée en fin de calcul.
2.3 Aspects quantiques (27 janvier 2024) 51

(b) Les gaz parfaits quantiques à haute température.


On se place en situation où on peut écrire
1  N
ZT (T, V, N ) = zT (T, V ) (2.37)
N!
V h
avec zT (T, V ) = 3 et Λ(T ) = √
Λ (T ) 2πmkb T
C’est la limite « température infinie » pour les gaz parfaits.
L’équation d’état des gaz parfaits.
Pour obtenir cette loi, il n’est nul besoin d’expliciter zT (T, V ) en V /Λ3 (T ) ;
le simple fait que zT soit indépendant de N suffit.
Pour y arriver, on calcule la fonction de partition grand canonique, qui
s’écrit, en posant λ = e µ/kb T et en retirant les arguments (T, V ) de la
fonction zT ,
∞ ∞ zN ∞ (λz )N
T T
ZT (T, V, N ) e µN/kb T = (e µ/kb T )N =
P P P
ZTµ (T, V, µ) =
N =0 N =0 N ! N =0 N!
Si la fonction zT ne dépend pas de N , alors ZTµ est la série entière de
l’exponentielle de λzT :
ZTµ (T, V, µ) = e λzT ⇒ ln ZTµ = λzT
On en déduit, d’une part
∂ ln ZTµ ∂ ln ZTµ
N = kb T =λ = λzT (2.38)
∂µ ∂λ
et d’autre part, puisque le grand potentiel vaut Ψ = E−T S−µN = −pV :
pV = −Ψ = kb T ln ZTµ = kb T λzT (2.39)
Comparant les résultats (2.38) et (2.39), on obtient bien pV = N kb T .
Le simple fait que les niveaux d’énergie ne dépendent pas de N (autrement
dit les particules se comportent comme si elles étaient seules dans le
récipient) suffit à établir l’équation d’état des gaz parfaits. À retenir donc :
zT = zT (T, V ) pV = N kb T

(indépendant de N ) (gaz parfait)

Les autres équations d’état.


Pour obtenir E(T, V, N ), S(T, V, N ) et µ(T, V, N ), on revient à la fonction
de partition (2.37). Les formules utilisées se trouvent page 19. On trouve
• les résultats classiques (pour lesquels la mécanique classique suffit) :
3 3
E = N kb T pV = N kb T CV = N kb
2 2 (2.40)
Boyle-Mariotte Dulong et Petit
• les résultats pour lesquels la mécanique quantique est nécessaire :
N Λ3 (T ) N Λ3 (T )
 
5
µ = kb T ln S = N kb − ln
V 2 V (2.41)
Formule de Sackur-Tetrode
52 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE

L’équation pV = N kb T permet d’exprimer µ en fonction de T et p :

pΛ3 (T ) p
µ(T, p) = kb T ln = µ0T + kb T ln (2.42)
kb T p0
3
p0 Λ (T )
avec µ0T = kb T ln
kb T

C’est un résultat de la thermodynamique : µ0T et le potentiel chimique


standard. En thermodynamique, on le mesure en fonction de la tem-
pérature à la pression standard p0 . La physique statistique permet de
l’exprimer en fonction de T et des caractéristiques du gaz.
(c) Conditions de validité du modèle.
• Condition concernant l’approximation du continuum. L’approxima-
h2
tion du continuum est justifiée si l’écart δε = 2mL 2 (voir équa-

tion 2.26) entre deux niveaux d’énergie est très inférieur à l’énergie
moyenne ε̄ = 23 kb T (voir équation 2.40) ; on trouve
h2 3 2 2π h2
 kb T ⇒ L  ⇒ nΛ3 (T )  N
2mL2 2 3 2πmkb T
• Condition concernant le nombre d’états accessibles. Pour l’utilisation
de l’équation (2.36) ZT = zTN /N !, il faut que N soit beaucoup plus
petit que le nombre ω d’états accessibles à une particule. Rigoureu-
sement ce nombre ω est infini, en pratique il correspond aux états
d’énergie inférieure à environ 5kb T (voir figure 2.1 paragraphe 2.1.1).
Ça donne
Z 5kb T
V
ω(T ) ≈ g(ε) dε ≈ 8, 4 3  N ⇒ nΛ3 (T )  1
0 Λ (T )

C’est cette seconde condition qui est la plus restrictive : le modèle


du gaz parfait classique, dit modèle HT (Hautes Températures), est
valable si

nΛ3 (T )  1 (2.43)

La condition (2.43) peut aussi s’écrire d  Λ(T ), où d est la distance


moyenne entre deux particules. C’est ici que l’on voit l’importance de
la longueur thermique Λ(T ) : c’est une longueur caractéristique du gaz
étudié, qui se calcule connaissant la température T et de la masse m des
particules. Connaissant n (donc d ∼ n−1/3 ), T et m, on est capable de
dire si le modèle HT est suffisant pour décrire le gaz : pour une densité
donnée, il faut que la température soit suffisamment élevée, et pour une
température donnée, il faut que la densité soit suffisamment faible. Plus
la particule est légère, plus les conditions sont restrictives.
2.3 Aspects quantiques (27 janvier 2024) 53

Atomes et molécules. Plus la masse molaire est faible, plus les effets quan-
tiques se font sentir. Dans le tableau ci-dessous, indiquant pour chaque
atome ou molécule sa masse molaire M en g/mol, on donne la condi-
tion que l’on doit avoir sur n à l’ambiante (T = 300 K) ; on a ajouté la
molécule H2 à la liste des gaz parfaits typiques que sont les gaz rares :
3 4
H2 He He Ne Ar Kr Xe unité
M 2 3 4 20 40 84 131 g/mol
n 4 600 8 400 13 000 145 000 410 000 1 250 000 2 430 000 mol/L

Conclusion : aucun effet quantique détectable à l’ambiante, quel que soit


le gaz : au delà de n ≈ 25 à 40 mol/L, c’est l’état liquide ou solide.
Voyons ce qu’on obtient à la température θ de liquéfaction :
3 4
H2 He He Ne Ar Kr Xe unité
θ= 20, 4 3, 2 4, 2 27 87 120 165 K
n 81, 4 9, 3 21, 6 3 900 64 000 316 000 992 000 mol/L

Les densités à la liquéfaction sont de l’ordre de 25 à 40 mol/L : on constate


que, pour les plus lourds (Ne, Ar, Kr, Xe), le modèle hautes températures
convient toujours, mais que pour les plus légers (H2 , 3 He, 4 He), on ne peut
pas ignorer les effets quantiques : ils sont indispensables à la compréhen-
sion de leur comportement aux basses températures.
L’électron. C’est la particule la plus légère apparaissant dans les modèles.
Trois situations dans la pratique : les gaz ionisés, les métaux et les semi-
conducteurs.
• Les gaz habituels s’ionisent à haute température. Pour l’hydrogène
par exemple, à 0,04 mol/L, l’ionisation débute à environ 10 000 K et
est quasi complète à 100 000 K. Plus la température augmente, plus
Λ3 diminue et plus la densité n en électrons augmente, de sorte que
nΛ3 passe par un maximum valant environ 0, 0015 aux alentours de
T = 30 000 K ; c’est très inférieur à 1 ; on peut en conclure que dans
les gaz ionisés habituels l’électron se comporte classiquement.
• Dans les métaux, les électrons de conduction forment un « gaz »
plus ou moins parfait. La densité de ce gaz est très élevée (environ
1029 e− /m3 , soit 150 mol/L) et la masse de l’électron est très faible
(environ 10−30 kg), de sorte que, quel que soit le métal, quelle que soit
la température nΛ3 est toujours très supérieur à 1 : nΛ3 passe sous la
barre nΛ3 = 1 au delà de 100 000 K, bien plus que la température de
vaporisation du métal. Le traitement quantique est donc obligatoire ;
on dit de ce gaz qu’il est complètement dégénéré quelle que soit la
température.
• Dans les semi-conducteurs, la densité en électrons de conduction aug-
mente fortement avec la température, rendant nΛ3 fonction crois-
sante de T : pour le silicium par exemple, le modèle des hautes
températures n’est valable qu’à basse température (c’est le monde
à l’envers !) : au delà d’environ 500 K, la densité devient suffisam-
ment élevée pour que le traitement quantique devienne obligatoire.
54 (27 janvier 2024) CHAPITRE 2. LE GAZ PARFAIT MONOATOMIQUE
Chapitre 3

Atomes et molécules

3.1 Degrés de liberté


3.1.1 Objet ponctuel, objet composite
Degrés de liberté d’un objet ponctuel
Un objet ponctuel loin de toute matière et de tout champ de force extérieur, a la
liberté de se déplacer en ligne droite dans n’importe quelle direction de l’espace.
Le déplacement en ligne droite est ce qu’on appelle une translation dans l’espace.
Toute translation peut être décomposée en trois translations indépendantes le long
de trois axe x, y, z choisis au préalable : on dit que l’objet considéré possède trois
degrés de liberté de translation.
Plaçons cet objet, électriquement chargé, dans un champ magnétique uniforme dirigé
selon l’axe z. Il est bien connu que la trajectoire initialement rectiligne se transforme
en une hélice d’axe z ; le mouvement peut être décomposé en une translation le
long de l’axe z et une rotation dans le plan xy. On dit que le degré de liberté de
translation le long de z est conservé, et que, dans le plan xy, les deux degrés de
liberté de translation sont devenus deux degrés de liberté de rotation.
Retirons le champ magnétique et supposons l’objet attiré par une surface plane
perpendiculaire à l’axe z, attiré à tel point qu’il s’y pose. Reste-t-il immobile ? Non :
• si la surface est lisse et polie telle une patinoire, l’objet est toujours libre de
se déplacer dans le plan xy comme il l’aurait fait en l’absence de la surface ;
dans le plan xy, ses deux degrés de liberté de translation sont conservés ;
• le degré de liberté suivant z n’est pas perdu ; si l’objet est attiré par la surface,
c’est que l’énergie potentielle y présente un minimum ; l’objet va vibrer au
voisinage de ce minimum ; le degré de liberté de translation suivant z s’est
transformé en un degré de liberté de vibration.
Les degrés de liberté ne se perdent pas, ils se transforment. Tout objet microscopique,
considéré comme ponctuel, possède toujours trois degrés de liberté. Contrairement
aux objets macroscopiques qui peuvent être bloqués dans telle ou telle direction, les
objets microscopiques se déplacent toujours dans les trois directions de l’espace :
leurs trois degrés de liberté sont toujours utilisés, sous forme, ou de translations, ou
de rotations, ou de vibrations, ou de mouvements plus complexes.
56 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Si une particule possède trois degrés de liberté, cela signifie en mécanique classique
que chacune de ses trois coordonnées de position est libre de prendre telle ou telle
valeur indépendamment des valeurs prises par les deux autres. En mécanique quan-
tique, cela signifie que l’état orbital[ 1] de la particule est défini par trois nombres
quantiques indépendants (exemple : pour la particule libre dans une boîte cubique,
ce sont les trois nombres nx , ny , nz de la formule 2.26).

Degrés de liberté d’un objet composite


Des objets rigoureusement ponctuels, si l’on se restreint aux constituants stables de
la matière, on n’en connait que de deux espèces : les électrons et les quarks.
Les quarks sont les constituants élémentaires des nucléons (neutrons et protons) ;
chaque nucléon est constitué de trois quarks, liés entre eux par une interaction
tripolaire (trois par trois) appelée interaction de couleur, qui met en jeu la charge
de couleur, une autre propriété qui vient s’ajouter à celles que l’on connait (la
masse, la charge électrique et le spin). Neutrons et protons s’assemblent entre eux
par l’intermédiaire de l’interaction nucléaire forte pour former des noyaux.
Le but n’est pas d’étaler mes connaissances (bien pauvres dans ce domaine), mais
de mettre en évidence la chose suivante. En physique de la matière, le noyau est
considéré comme élémentaire et indivisible. Mais en réalité, ce n’est pas une particule
élémentaire. Il est doté d’une structure interne, c’est un assemblage de particules
élémentaires, un assemblage mal connu (du moins de nous). Il possède, comme les
particules élémentaires, une masse, une charge électrique et un spin, mais aussi une
extension spatiale (un rayon), il n’est pas tout à fait ponctuel.
Ce qui se passe à l’intérieur d’un noyau est régi par la mécanique quantique : l’assem-
blage de nucléons a accès à des niveaux d’énergie, plus ou moins dégénérés : un niveau
fondamental que l’on notera (εn , ωn ) et des niveaux excités (ε∗n , ωn∗ ), (ε∗∗
n , ωn ), etc.
∗∗

Autrement dit, on ne sait pas bien ce qui se passe à l’intérieur, mais on saura le
représenter par une fonction de partition « interne » de la forme
∗ ∗∗ /k T
zTnucl (T ) = ωn e−εn /kb T + ωn∗ e−εn /kb T + ωn∗∗ e−εn b
+...
Passons à l’échelle supérieure. L’atome est constitué d’un noyau et d’un cortège ou
nuage d’électrons. Comme pour le noyau, ce qui se passe à l’intérieur du nuage ne
nous intéresse pas. On représentera la structure interne de ce nuage par des niveaux
d’énergie (εe , ωe ), (ε∗e , ωe∗ ), (ε∗∗
e , ωe ), etc., autrement dit par la fonction de partition
∗∗

∗ ∗∗ /k
zTélec (T ) = ωe e−εe /kb T + ωe∗ e−εe /kb T + ωe∗∗ e−εe bT
+...
Le noyau se moque éperdument de ce qui l’entoure ; le fait qu’il soit seul ou entouré
d’électrons ou d’autres noyaux n’a aucune influence sur sa structure interne. Cela
signifie que la structure interne d’un atome sera représentée par une fonction de
partition interne égale au produit des deux fonctions de partition :

zTatom (T ) = zTnucl (T ) × zTélec (T ) (3.1)

1. « orbital » signifie « spatial », autrement dit qui concerne les variables d’espace x, y, z ; pour
décrire un état orbital, on oublie les propriétés purement quantiques telles que le spin.
3.1 Degrés de liberté (27 janvier 2024) 57

Contrairement au noyau, le nuage électronique est sensible à ce qui l’entoure. C’est


le principe même de la liaison chimique : lorsque plusieurs atomes s’associent en une
molécule, les nuages électroniques s’entremêlent pour n’en former plus qu’un. C’est
ce nuage qui assure la cohésion de la molécule : sans lui, les noyaux, tous de charge
électrique positive, se repousseraient. En clair, le nuage d’électrons joue le rôle, pour
les noyaux, d’un champ d’énergie potentielle rendant possible la liaison, autrement
dit présentant un minimum pour la configuration d’équilibre observée.
Toute molécule est ainsi le siège de vibrations internes autour de sa configuration
d’équilibre. Peut-on écrire zTmoléc (T ) = zTnucl (T )×zTélec (T )×zTvib (T ) ? En toute rigueur,
non : le champ d’énergie potentielle vu par les noyaux est dû au nuage électronique ;
l’état vibratoire est donc tributaire de l’état dans lequel se trouve le nuage. Il faut
donc en toute rigueur remplacer zTélec (T ) × zTvib (T ) par quelque chose de la forme
∗ ∗∗
ωe e−εe /kb T zTvib (T ) + ωe∗ e−εe /kb T zT∗vib (T ) + ωe∗∗ e−εe /kb T zT∗∗vib (T ) + . . .
avec une fonction de partition de vibrations propre à chaque niveau électronique.
Pour une molécule, il reste un dernier mouvement à envisager : la rotation des
noyaux autour du centre de masse de la molécule.[ 2] Les niveaux d’énergie relatifs
à ce mouvement sont calculables, connaissant les moments d’inertie de la molécule.
Ceux-ci étant fonction des masses et des distances instantanées au centre de masse,
il y a en toute rigueur couplage entre les vibrations et les rotations : les mouvements
de vibration modifient au cours du temps les distances entre noyaux et centre de
masse, ce qui module dans le temps les valeurs des niveaux d’énergie de rotation.
En toute rigueur donc, tout est couplé ; on ne pourra pas s’en sortir sans approxi-
mations. Mais quoi qu’il en soit, de façon à présenter les choses une à une, on écrira
la fonction de partition « interne » d’une molécule comme un produit de fonctions
de partition ; les éventuels couplages seront discutés au fur et à mesure :
zTmoléc (T ) = zTnucl (T ) × zTélec (T ) × zTvib (T ) × zTrot (T ) (3.2)
Le seul couplage rigoureusement absent, aussi bien en théorie classique qu’en théorie
quantique : le mouvement du centre de masse d’un sytème de masses ponctuelles
est indépendant des mouvements « internes » au sytème. En mécanique classique,
c’est le théorème de Kœnig : « L’énergie cinétique d’un système est égale à l’éner-
gie cinétique qu’aurait la masse totale du système rapportée au centre de masse G
additionnée de l’énergie cinétique du système dans son mouvement autour de G. »
En conséquence, la fonction de partition d’un atome ou d’une molécule sera toujours
le produit de deux fonctions de partition : l’une représentant le mouvement de la
masse ponctuelle qu’est le centre de masse (celle que nous avons calculée jusqu’à
présent), l’autre représentant les mouvements « internes », autrement dit à l’intérieur
de l’atome ou de la molécule. On se placera dans les conditions de gaz parfait à haute
température (paragraphe 2.3.2, équation 2.36) avec ici la prise en compte dans zT
des degrés de liberté internes :
 N
1 V
ZT (T, V, N ) = z (T ) avec zTint (T ) = zTatom (T ) ou zTmoléc (T ) (3.3)
int
N ! Λ3 (T ) T
C’est la limite « température infinie » pour les gaz parfaits d’atomes ou molécules.

2. Un électron étant environ 1837 fois plus léger qu’un nucléon, les noyaux sont considérés
comme les uniques porteurs de masse.
58 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

3.1.2 Atomes : degrés de liberté électroniques et nucléaires


Le spin. L’observable L ~ associée au moment cinétique classique ~r × p~ est appelée,
en théorie quantique, moment cinétique orbital. Ce moment cinétique est qualifié
d’orbital car il en existe un autre : le moment cinétique de spin, que l’on note S, ~
une propriété purement quantique des constituants de la matière, qui n’a pas d’équi-
valent classique.[ 3]
Le moment cinétique orbital a les propriétés suivantes :
• la mesure de L2 ne peut prendre que les valeurs `(` + 1)~2 , avec ` ≥ 0, entier ;
• pour ` donné, et ayant choisi arbitrairement un axe z (dit axe de quantifica-
tion), la mesure de la composante Lz de L ~ ne peut prendre que les 2` + 1
valeurs m` ~, avec m` variant de −` à +` par incréments de 1.
Le moment cinétique de spin possède des propriétés similaires à celles du moment
cinétique orbital, mais il existe deux différences essentielles ici :
• la mesure de S 2 ne peut prendre que LA valeur s(s + 1)~2 ; on dit alors que
la particule est de spin s ; c’est une propriété intrinsèque de la particule, tout
comme sa masse et sa charge électrique.
• ce n’est pas s qui doit être entier, mais 2s ; il existe ainsi dans la nature des
particules de spin entier et des particules de spin demi-entier.
Quant à la mesure de Sz , même chose que pour le moment cinétique orbital : elle ne
peut prendre que les 2s + 1 valeurs ms ~, avec ms variant de −s à +s par incréments
de 1. Lorsqu’une particule de spin s « choisit » une valeur ms donné, on dit qu’elle
est dans l’état de spin ms .
Tout assemblage de particules élémentaires (noyaux, nuages d’électrons, atomes)
possède un spin qui suit les mêmes règles.
Pour un état orbital donné, une particule de spin s, élémentaire ou non, possède
ainsi 2s + 1 états de spin possibles. En l’absence de champ magnétique, tous les
états de spin sont de même énergie, donc équiprobables.[ 4] La prise en compte des
états de spin dans le calcul des fonctions de partition se traduira simplement par
l’apparition du facteur multiplicatif 2s + 1, que l’on appelle dégénérescence de spin.
Les nombres ωn , ωn∗ , ωe , ωe∗ ... dont il est question ici sont tout simplement des
dégénérescences de spin (2sn + 1), (2s∗n + 1), (2se + 1), (2s∗e + 1)...

Les noyaux. Pour estimer ce que l’on doit prendre en compte ou non, on est
conduit à calculer des probabilités. Ici, on s’intéressera à la probabilité d’observer
un noyau donné à son premier niveau excité (ε∗n , ωn∗ ) :
∗ ∗
ω ∗ e−εn /kb T ωn∗ e−εn /kb T
Pn∗ (T ) = n nucl =
zT (T ) ωn e−εn /kb T + ωn∗ e−ε∗n /kb T + ωn∗∗ e−ε∗∗
n /kb T + . . .

3. À l’origine, on pensait que ce moment cinétique était lié à une rotation de la particule sur
elle-même (d’où le terme de spin : to spin = tournoyer en anglais) ; de nombreuses contradictions
permettent de dire que cette analogie avec le mouvement des planètes est fausse.
4. Lorsqu’on applique un champ magnétique, l’équiprobabilité disparaît : au moment cinétique
~ est associé un moment magnétique µ
de spin S ~ la particule
~ s ; sous champ d’induction magnétique B,
emmagasine une énergie −~ ~
µs · B qu’il faudra prendre en compte dans le calcul des fonctions de
partition.
3.1 Degrés de liberté (27 janvier 2024) 59

On peut voir, en factorisant ωn e−εn /kb T au dénominateur, que Pn∗ (T ) n’est fonction
que des rapports (ωn∗ /ωn ), ..., et des écarts ∆ε∗n = (ε∗n − εn ), ... :

(ωn∗ /ωn ) e−∆εn /kb T
Pn∗ (T )
=
1 + (ωn∗ /ωn ) e−∆ε∗n /kb T + (ωn∗∗ /ωn ) e−∆ε∗∗
n /kb T + . . .

S’attendant à des probabilités faibles et ne cherchant que des ordres de grandeur,


on peut assimiler à 1 le dénominateur et ignorer les dégénérescences :
∗ ∗∗ /k T
Pn∗ (T ) ∼ e−∆εn /kb T et de même Pn∗∗ (T ) ∼ e−∆εn b
etc.
En pratique, ∆ε∗n est de l’ordre de 100 fJ. Pour peupler de façon non négligeable
le premier niveau excité nucléaire, il faut atteindre des températures supérieures
à 109 K.[ 5] Dans tous les cas pratiques, seul le niveau fondamental nucléaire est
accessible. Il est en général dégénéré. Si on note ωn sa dégénérescence, et si on place
l’origine des énergies sur le niveau fondamental nucléaire (εn = 0), on a :
zTnucl (T ) = ωn à toute température

Les électrons. Pour les électrons, même chose mais il y a quelques exceptions :
• les gaz rares He, Ne, Ar, Kr, Xe : l’écart ∆ε∗e est de l’ordre de 1 à 3 aJ ; on
devra prendre en compte le premier niveau excité aux températures supérieures
à 10 000 K ;
• les alcalins Li, Na, K, Rb : ∆ε∗e est de l’ordre de 100 à 300 zJ ; il faudra prendre
en compte le premier niveau excité au dessus de 1000 à 3000 K ;
• les halogènes F, Cl, Br, I : ∆ε∗e vaut respectivement 8, 18, 74 et 150 zJ ; le
premier niveau excité est à prendre en compte respectivement au dessus de
80 K, 180 K, 740 K, 1500 K.
On aura donc, suivant que l’on doit prendre en compte ou non le 1er niveau excité :

zTélec (T ) = ωe e −εe /kb T ou zTélec (T ) = ωe e −εe /kb T + ωe∗ e −εe /kb T

Conséquences sur les propriétés thermodynamiques. Dans l’équation (3.3),


on remplace zTint (T ) par zTatom (T ) = zTnucl (T ) × zTélec (T ) = ωn zTélec (T ) :
 N
1 V élec
ZT (T, V, N ) = ωn zT (T )
N ! Λ3 (T )
Deux cas sont à envisager.
1. Si seul le niveau fondamental électronique est à prendre en compte.
Peu de changement par rapport aux résultats du pararaphe 2.3.2 :
• la fonction de partition canonique ZT (T, V, N ) devient
 N
1 V −ε /k T
ZT (T, V, N ) = ωn ωe e e b
N ! Λ3 (T )

5. Un « truc » simple utilisant 10−3 ∼ e−7 et 7kb ∼ 10−22 : une probabilité e−∆ε/kb T devient
non négligeable (> 10−3 ) si T > 1022 ∆ε (T en kelvins, ∆ε en joules).
60 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

• les résultats classiques (pV , E et CV ) ne sont pas affectés par la prise


en compte de la structure interne de l’atome, mis à part l’ajout d’un
terme constant à E qui correspond à un simple changement d’origine
des énergies, celle-ci se trouvant maintenant sur le niveau fondamental
nucléaire :
3 3
p V = N kb T E= N kb T + N εe CV = N kb (3.4)
2 2
• dans S et µ, il faut diviser nΛ3 (T ) par ωn ωe et ajouter εe à µ (changement
de l’origine des énergies) :
nΛ3 (T ) nΛ3 (T )
 
5
S = N kb − ln µ = εe + kb T ln (3.5)
2 ωn ωe ωn ωe

2. Si on doit prendre en compte le premier niveau excité.


On a, en posant ∆ε = ε∗e − εe et ω = ωe∗ /ωe :
 N
 
1 V ∆ε
ZT (T, V, N ) = 3
ωn ωe e −εe /kb T
1+ωe−u
avec u =
N ! Λ (T ) kb T
On trouve que, par rapport aux résultats (3.4) et (3.5), il faut ajouter :
ω e−u ω u e−u
 
à E : N ∆ε à S : N kb ln(1 + ω e ) +
−u
1 + ω e−u 1 + ω e−u
(3.6)
ω u2 e−u
à CV : N k b à µ : −kb T ln(1 + ω e )−u
(1 + ω e−u )2

Les degrés de liberté électroniques créent une « bosse » sur la courbe CV (T )


qui se situe, pour le fluor par exemple, aux alentours de 260 K. La mesure de
cette température permet, connaissant ω, d’accéder à la valeur de ∆ε.

3.1.3 Molécules : degrés de liberté de vibration et de rotation


L’étude d’une molécule se fait par étapes. Les deux approximations qui y sont faites
sont justifiées par le fait que les électrons sont beaucoup plus légers et beaucoup plus
rapides que les noyaux : les électrons réagissent instantanément aux mouvements des
noyaux (c’est ce qu’on appelle l’approximation adiabatique), alors que les noyaux ne
seront sensibles qu’à un état « moyen » du nuage d’électrons.
On commence par l’étude des électrons. On construit un hamiltonien, somme de
l’énergie cinétique des électrons et d’une énergie potentielle tenant compte des inter-
actions entre électrons et des interactions entre électrons et noyaux. Dans ce calcul,
les noyaux sont supposés fixes : les distances inter-nucléaires rij sont des paramètres
fixes.[ 6] On résout l’équation aux valeurs propres de Schrödinger et on trouve dans
les cas les plus simples des niveaux d’énergie dépendant des rij . Dans les cas plus
complexes, on fabrique des potentiels empiriques à partir de données expérimentales
(géométrie d’équilibre, énergie de dissociation, fréquences propres de vibration, etc.).
6. C’est une approximation : rigoureusement, les mouvements des noyaux, principalement les
vibrations, sont à prendre en compte.
3.1 Degrés de liberté (27 janvier 2024) 61

Figure 3.1 – Molécule ab : niveaux Figure 3.2 – Molécule linéaire abc :


d’énergie en fonction de la distance surfaces équipotentielles dans le plan
interatomique r = rab (schématique) (r1 = rab , r2 = rbc ) (schématique)

Dans une molécule diatomique AB, les niveaux d’énergie sont fonctions d’une seule
distance internucléaire (r = rab ). Si on trace les niveaux d’énergie U (r), U ∗ (r),
U ∗∗ (r), etc., on trouve des courbes présentant un minimum en (re , εe ), (re∗ , ε∗e ),
e ), etc. (figure 3.1). En général, seul le niveau fondamental est accessible
(re∗∗ , ε∗∗
aux températures habituelles. Mais il arrive parfois que l’on ait à prendre en compte
le premier niveau excité (jamais le deuxième dans la pratique).
Dans une molécule polyatomique, les niveaux d’énergie U , U ∗ , U ∗∗ , etc., sont fonc-
tions de p distances internucléaires (rj=1...p ). Pour un niveau donné, on représente les
surfaces équipotentielles dans un espace à p dimensions dont les axes portent les rj .
Dans tous les cas pratiques, seul le niveau fondamental U (rj=1...p ) est à prendre en
compte. Celui-ci présente un minimum εe correspondant à la configuration d’équi-
libre. Le cas le plus simple est celui de la molécule triatomique linéaire ABC : deux
distances r1 = rab et r2 = rbc suffisent à la décrire et un graphe à deux dimensions
est possible (figure 3.2).
Pour l’étude du mouvement des noyaux, on construit un hamiltonien, somme de
l’énergie cinétique des noyaux et d’une énergie potentielle égale à U (rj=1...p ), ou
éventuellement U ∗ (rj=1...p ), U ∗∗ (rj=1...p ). Cette approximation est justifiée par le fait
que les noyaux, plus lourds, ne sont pas sensibles aux mouvements instantanés des
électrons mais seulement à leur répartition moyenne dans l’espace. Le nuage d’élec-
trons joue ainsi le rôle de champ d’énergie potentielle pour les noyaux.
Une fois le problème résolu, on trouve en principe des niveaux d’énergie correspon-
dant aux mouvements des noyaux, c’est-à-dire aux mouvements de rotation de la
molécule et de vibration des noyaux au voisinage de leurs positions d’équilibre.
Moyennant ces approximations, dans les cas où seul le niveau fondamental électro-
nique est accessible, les degrés de liberté électroniques sont séparables des autres
degrés de liberté internes (rotation et vibration des noyaux). Si ce n’est pas le cas
(NO et O2 par exemple, où le premier niveau excité est accessible), on fait deux cal-
culs distincts, l’un avec U (r), l’autre avec U ∗ (r), avec pour chaque calcul séparation
entre les degrés de liberté électroniques et les autres degrés de liberté internes.
62 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

3.2 Molécules diatomiques


3.2.1 Réduction du problème à deux corps
La molécule possède dans ce cas deux noyaux de masses m1 et m2 : sa géométrie
est décrite par une seule distance internucléaire, que l’on notera r. On exprimera
donc les coordonnées (x1 , y1 , z1 ) et (x2 , y2 , z2 ) des deux noyaux en fonction de r, et
également en fonction des coordonnées (x, y, z) du centre de masse puisqu’on sait
que ces trois variables sont indépendantes des autres. Pour les deux variables qu’il
nous manque, il est tout naturel de prendre les deux angles θ et ϕ caractérisant
l’orientation de l’axe de la molécule.
Une fois le changement de variables effectué, qui s’écrit
m m m
x1 = x + r sin θ cos ϕ y1 = y + r sin θ sin ϕ z1 = z + r cos θ
m1 m1 m1
m m m
x2 = x − r sin θ cos ϕ y2 = y − r sin θ sin ϕ z2 = z − r cos θ
m2 m2 m2
on trouve un lagrangien L = K − U de la forme[ 7]
n o n o
1 2 2 2 1 2 1 2 2 2 2
L = 2 M (ẋ + ẏ + ż ) + 2 m ṙ + 2 m r (θ̇ + ϕ̇ sin θ) − U (r)
m1 m2
avec M = m1 + m2 (masse totale) et m = (masse réduite)
m1 + m2
La première accolade dans L correspond au mouvement translatoire du centre de
masse affecté de la masse totale. La deuxième représente les mouvements internes
laissant le centre de masse fixe. Ces deux mouvements sont bien entendu indépen-
dants. Le changement de variables effectué est connu sous le nom de « réduction
du problème à deux corps » : puisque le mouvement du centre de masse est sans
intérêt ici (il a déjà été étudié), le problème initial (deux particules en interaction)
est ramené à l’étude d’une particule de masse m dans un potentiel central autour
du centre de masse. À n centre de masse
o fixe
n on a o
L(r, θ, ṙ, θ̇, ϕ̇) = 1
2
m ṙ2 − U (r) + 1
2
m r2 (θ̇2 + ϕ̇2 sin2 θ)
La première accolade est le lagrangien d’un oscillateur dans un champ central U (r).
La deuxième n’est pas tout-à-fait le lagrangien d’un rotateur libre : il prend bien en
compte les variations de θ et ϕ, mais il dépend aussi de la variable r. Les mouvements
de rotation et de vibration ne sont donc pas rigoureusement indépendants.
L’approximation du rotateur rigide consiste à considérer r constant lorsqu’on étudie
le mouvement de rotation. En posant r = re , où re est la distance d’équilibre, dans
le terme correspondant à la rotation, on obtient deux termes indépendants :
L(r, θ, ϕ, ṙ, θ̇, ϕ̇) = Lvib (r, ṙ) + Lrot (θ, θ̇, ϕ̇)

avec Lvib (r, ṙ) = 21 m ṙ2 − U (r) et Lrot (θ, θ̇, ϕ̇) = 21 m re2 (θ̇2 + ϕ̇2 sin2 θ)
La séparation des variables permet d’écrire
zTrot,vib (T ) = zTvib (T )zTrot (T )
7. K pour kinetic energy ; la lettre T est prise par la température.
3.2 Molécules diatomiques (27 janvier 2024) 63

3.2.2 Vibrations au voisinage de la configuration d’équilibre


Développons U (r) au voisinage de la distance d’équilibre re :
U (r) = U (re ) + U 0 (re )(r − re ) + 12 U 00 (re )(r − re )2 + 61 U 000 (re )(r − re )3 . . .
Le premier terme U (re ) est nul : le fond du puits vaut εe et on l’a pris en compte
dans la fonction zTélec (T ). Le deuxième, U 0 (re )(r −re ), est nul également par définition
de re . Dans l’approximation harmonique, on ne conserve que le troisième terme :
r
U 00 (re )
Lvib (r, ṙ) = 21 mṙ2 − 12 mω 2 (r − re )2 avec ω =
m
C’est là le langrangien d’un oscillateur harmonique linéaire de pulsation ω.

L’oscillateur harmonique linéaire quantique. En mécanique quantique, les


niveaux d’énergie (non dégénérés) d’un oscillateur harmonique de pulsation ω sont
donnés par
εn = ~ω n + 12 avec n entier positif ou nul


∞ 1
Sa fonction de partition se calcule sans approximation, sachant xn = :
P
n=0 1−x
e−~ω/2kb T 1
zTvib (T ) = =
1 − e−~ω/kb T 2 sh 2k~ωb T
Cette fonction de partition permet de calculer les propriétés ci-dessous.
• Probabilité d’observer un état n :
e−εn /kb T n
= 1 − e−~ω/kb T e−~ω/kb T (3.7)
 
Pn (T ) = vib
zT (T )
∞ x
• Nombre quantique moyen, sachant n xn = :
P
n=0 (1 − x)2
∞ 1
(3.8)
P
n̄(T ) = n Pn (T ) =
n=0 e ~ω/kb T −1
• Énergie moyenne :
 ~ω ~ω
ε̄(T ) = ~ω n̄(T ) + 21 = (3.9)

coth
2 2kb T
• Capacité thermique :
" ~ω #2
∂ ε̄
c(T ) = = kb 2kb T
(3.10)
∂T sh 2k~ωb T

• Énergie libre :
 

f (T ) = −kb T ln zTvib (T ) = kb T ln 2 sh (3.11)
2kb T
• Entropie :
  
ε̄(T ) − f (T ) ~ω ~ω ~ω
s(T ) = = kb coth − ln 2 sh (3.12)
T 2kb T 2kb T 2kb T
64 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Gaz de molécules diatomiques. On considère un gaz parfait constitué de N


molécules diatomiques. On calcule les contributions des vibrations aux différentes
grandeurs thermodynamiques en considérant que c’est une population de N oscilla-
teurs harmoniques linéaires quantiques. Rien à recalculer, il suffit de multiplier les
résultats (3.9) à (3.12) par N (pour le potentiel chimique, la dérivation de F par
rapport à N est une simple division par N ).
 
θv
− Énergie libre : Fvib (T, N ) = −N kb T ln zT (T ) = N kb T ln 2 sh
vib
2T
 
θv θv θv
− Entropie : Svib (T, N ) = N kb coth − N kb ln 2 sh
2T 2T 2T
 
θv
− Potentiel chimique : µvib (T ) = kb T ln 2 sh
2T
θv θv
− Énergie interne : Evib (T, N ) = Fvib + T Svib = N kb coth
2 2T
h θv i2
− Capacité thermique : CVvib (T, N ) = N kb 2Tθv
sh 2T
On a exprimé les résultats en fonction de la température caractéristique de vibration
de la molécule, notée θv et définie par

θv =
kb
La courbe CVvib (T ) est représentée figure 3.3. On constate :
• qu’au dessus d’environ 2 θv , la capacité thermique est quasi constante. C’est le
domaine dit « classique » où l’approximation sh x ≈ x est possible. Dans cette
gamme de hautes températures, les principales grandeurs thermodynamiques
deviennent :
Evib (T, N ) ≈ N kb T

CVvib (T, N ) ≈ N kb
T
Svib (T, N ) ≈ N kb + N kb ln
θv
• qu’en dessous de 0,1 θv , la capacité thermique est très faible. C’est le domaine
où il est possible de négliger les populations des états excités. Pour les calculs,
il faut tout de même prendre en compte le premier niveau excité. On dira
qu’en dessous de 0,1 θv , tous les oscillateurs sont dans leur état fondamental
sauf quelques uns se trouvant dans leur premier état excité. Par une série
d’approximations du premier ordre, on trouve :
1
Evib (T, N ) ≈ N kb θv + N kb θv e−θv /T
2
 2
θv
vib
CV (T, N ) ≈ N kb e−θv /T
T
 
θv −θv /T
Svib (T, N ) ≈ N kb 1 + e
T
3.2 Molécules diatomiques (27 janvier 2024) 65

Figure 3.3 – Capacité thermique (vibrations) : CVvib /N kb en fonction de T /θv .

Dans le tableau ci-dessous,[ 8] on donne quelques valeurs de θv [ 9] et les fractions α


de molécules dans un état vibrationnel excité à 300 K et à 1 000 K.

moléc θv α(300 K) α(1000 K) moléc θv α(300 K) α(1000 K)


H2 6210 K 10 −9
0, 002 N2 3340 K 10−5 0, 035
HD 5380 K 10−8 0, 005 CO 3070 K 10−5 0, 046
D2 4390 K 10−7 0, 012 NO 2690 K 10−4 0, 068
O2 2230 K 10−4 0, 108
HCl 4140 K 10−6 0, 016 Cl2 810 K 0, 067 0, 445
HBr 3700 K 10−6 0, 025 Br2 470 K 0, 209 0, 625
HI 3200 K 10−5 0, 040 I2 310 K 0, 356 0, 733

Vues les valeurs élevées de θv , le modèle simplifié des hautes températures (traite-
ment classique) est dans tous les cas insuffisant,
le traitement quantique est obligatoire.
Pour le calcul de α(T ), on dit tout simplement que les atomes dans les états excités
ne sont pas dans l’état fondamental d’énergie 12 ~ω = 12 kb θv :

e−θv /2T e−θv /2T


α(T ) = 1 − = 1 − = e−θv /T
zTvib (T ) e−θv /2T /(1 − e−θv /T )

Cette fraction α(T ) est tout à fait négligeable à 300 K (sauf pour les plus lourds
Cl2 , Br2 , I2 ), mais l’est beaucoup moins, et même souvent pas du tout, à 1000 K.

8. D est le deutérium, isotope de l’hydrogène dont le noyau est un deutéron, constitué d’un
proton et d’un neutron ; l’isotope habituel possède quant à lui un noyau réduit à un proton ; c’est
pourquoi on l’appelle parfois le protium.
9. Pour obtenir la fréquence d’oscillation en THz, diviser θv par 1012 h/kb ≈ 50.
66 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

3.2.3 Rotations autour du centre de masse


Le traitement quantique du rotateur rigide libre conduit à des niveaux d’énergie εj
et à des dégénérescences ωj donnés par :
εj = j(j + 1)kb θr et ωj = 2j + 1 avec j entier positif ou nul
h2
et θr = = température caractéristique de rotation de la molécule
8π 2 mre2 kb
Pour calculer la fonction de partition, on somme sur tous les j ≥ 0 :
1 P∞
zTrot (T ) = (2j + 1) e−j(j+1) θr /T (3.13)
σ j=0

Le facteur σ permet de distinguer les molécules symétriques (de type A2 ici) de celles
qui ne le sont pas (de type AB). Pourquoi ? Parce que si la molécule est symétrique,
une rotation d’angle π correspond à la permutation des deux noyaux ; ceux-ci étant
identiques, donc indiscernables, la molécule reste dans le même état après cette
rotation ; il faut donc diviser par 2 le résultat de la somme sur j. On a donc
σ = 2 si la molécule est symétrique (homonucléaire)
σ = 1 si la molécule est asymétrique (hétéronucléaire)
Les résultats ci-dessous sont exprimés en fonction de sommes Σn (n = 0, 1, 2) non
calculables analytiquement :
θr Σ1
Frot (T, N ) = −N kb T ln Σ0 Srot (T, N ) = N kb + N kb ln Σ0
T Σ0
θr2 Σ2 Σ21
 
Σ1 rot
Erot (T, N ) = N kb θr CV (T, N ) = N kb 2 −
Σ0 T Σ0 Σ20

1 P∞
avec Σn = j n (j + 1)n (2j + 1) e−j(j+1)θr /T (n = 0, 1, 2)
σ j=0
On donne figure 3.4 l’allure de la courbe CVrot (T, N ) obtenue.

Figure 3.4 – Capacité thermique (rotation) : CVrot /N kb en fonction de T /θr .


3.2 Molécules diatomiques (27 janvier 2024) 67

À haute température, l’écart moyen entre deux niveaux d’énergie devient extrê-
mement faible par rapport à l’énergie moyenne. On peut alors remplacer l’indice j
par une variable x continue et les sommes discrètes par des intégrales. On trouve :
 n+1
n! T 1 T 1 T2 2 T3
Σn = → Σ0 ≈ ; Σ1 ≈ ; Σ 2 ≈
σ θr σ θr σ θr2 σ θr3
T T
zTrot (T ) ≈ Srot (T, N ) ≈ N kb + N kb ln
σ θr σ θr

Erot (T, N ) ≈ N kb T CVrot (T, N ) ≈ N kb

En utilisant la définition de θr , la fonction zrot (T ) s’écrit à haute température

2πmkb T 4πre2 A 4πre2


zrot (T ) ≈ 2
= 2 avec A = (3.14)
h σ Λ (T ) σ

C’est la fonction de partition d’une particule de masse m (la masse réduite définie au
paragraphe 3.2.1) se déplaçant librement sur une sphère ou demi-sphère de rayon re .
L’analogie avec le gaz parfait bidimensionnel permet d’estimer les vitesses moyennes
de rotation. La vitesse moyenne v̄ est donnée par la relation (2.9), et la vitesse
angulaire ν̄, en tours par seconde, par la relation ν̄ = v̄/(2πre ) :
r
πkb T kb p
v̄ = (en m/s) ν̄ = πθr T (en tr/s ou Hz)
2m h
Dans le tableau ci-dessous, ces vitesses ont été calculées à 300 K. La masse m utilisée
est la masse réduite de la molécule.
moléc θr (K) v̄ (m/s) ν̄ (GHz) moléc θr (K) v̄ (m/s) ν̄ (GHz)
H2 88, 60 2798 6020 N2 2, 89 761 1090
HD 66, 45 2427 5220 CO 2, 78 750 1070
D2 44, 30 2009 4260 NO 2, 46 720 1000
O2 2, 09 703 930
HCl 15, 30 2003 2500 Cl2 0, 172 336 270
HBr 12, 30 1993 2240 Br2 0, 058 214 150
HI 9, 50 2531 1970 I2 0, 027 183 110

Au vu de la courbe CVrot (T, N ), figure 3.4, le traitement classique est correct pour
les températures supérieures à 2 θr . Étant données les valeurs de θr ci-dessus, dans
la plupart des cas
le traitement classique est suffisant.
Mais attention à l’hydrogène : le modèle classique est tout juste valable à l’am-
biante pour H2 ; pour les autres molécules hydrogénées, le traitement quantique est
nécessaire uniquement à basse température.
68 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

3.3 Molécules polyatomiques


3.3.1 Rotations autour du centre de masse
On se place dans l’approximation du rotateur rigide libre, c’est-à-dire que les dis-
tances internucléaires sont supposées fixées à leurs valeurs d’équilibre.
Si la molécule est linéaire (CO2 , C2 H2 , N2 O, etc.), la démarche est identique à
celle utilisée pour la molécule diatomique. Il faut simplement remplacer mre2 par le
moment d’inertie I de la molécule par rapport à son centre de masse G. Les molécules
polyatomiques étant plus lourdes, le modèle classique est ici toujours suffisant :
n h2
mi ri2 et θr = (ri est la distance à G du noyau i) (3.15)
P
I=
i=1 8π 2 Ikb
T σ = 2 (molécule symétrique)
zTrot (T ) = avec (3.16)
σθr σ = 1 (molécule asymétrique)
Si la molécule n’est pas linéaire, le calcul de ses moments d’inertie principaux,
notés (Ia , Ib , Ic ), est nécessaire pour pouvoir remplacer le mouvement de rotation
à trois degrés de liberté par trois mouvements de rotation indépendants à un seul
degré de liberté chacun.
Les moments d’inertie principaux sont définis de la manière suivante.
On construit√l’ellipsoïde√d’inertie en reportant, sur chaque axe ∆ passant par G, les
valeurs +1/ I∆ et −1/ I∆ , avec I∆ = i mi ρ2i où ρi est la distance orthogonale à
P
l’axe ∆ du noyau i.
• Si l’ellipsoïde est une sphère, on dit que la molécule est une toupie sphérique :
aucune direction n’est privilégiée et les trois moments d’inertie recherchés sont égaux.
• Si l’ellipsoïde possède un axe de symétrie de révolution, on dit que la molécule est
une toupie symétrique ; Ic est la valeur de I∆ sur l’axe de symétrie, et Ia = Ib sont
relatifs à deux axes quelconques du plan perpendiculaire à l’axe de révolution.
• Si l’ellipsoïde est quelconque, on dit qu’on a affaire à une toupie asymétrique ;
conventionnellement le plus petit des I∆ trouvés est noté Ia , et le plus grand Ic ;
pour Ib , on relève la valeur dans la direction perpendiculaire aux deux autres.
Le problème quantique est en général trop compliqué pour pouvoir calculer les ni-
veaux d’énergie de rotation. Heureusement, mis à part CH4 en dessous de 80 K, le
traitement classique est suffisant. Il conduit à :
√ r r r
π T T T h2
zrot = avec θa,b,c = 2 (3.17)
σ θa θb θc 8π Ia,b,c kb
Le facteur de symétrie σ tient compte de l’indiscernabilité des noyaux identiques.
Pour calculer σ, on compte le nombre d’orientations de la molécule conduisant,
indiscernablement, à la même configuration. Par exemple :
• CH4 (tétraèdre régulier) → σ = 12,
• C6 H6 (hexagone régulier) → σ = 12,
• C2 H4 (molécule plane ayant toutes les symétries du rectangle) → σ = 4,
• NH3 (pyramide aplatie à base triangulaire équilatérale) → σ = 3,
• H2 O (molécule coudée symétrique) → σ = 2.
3.3 Molécules polyatomiques (27 janvier 2024) 69

Contribution des rotations aux propriétés thermodynamiques


Pour les molécules linéaires, les résultats sont identiques à ceux trouvés au para-
graphe 3.2.3. Il suffit de remplacer dans θr le terme mre2 par le moment d’inertie I.
Pour les molécules non linéaires, on a maintenant, étant donné que le modèle haute
température est toujours valable,
h √ q 3 iN h q i
Zrot (T, N ) = σπ θaTθb θc µrot (T ) = kb T ln √σπ θaTθb3θc
h q i
σ θa θb θc
Frot (T, N ) = N kb T ln π√ 3 Erot (T, N ) = 23 N kb T
hT q i
Srot (T, N ) = 32 N kb + N kb ln √σπ θaTθb3θc CVrot (N ) = 23 N kb

3.3.2 Vibrations au voisinage de la configuration d’équilibre


Modèle mécanique. On construit une énergie potentielle fonction des déplace-
ments des différents noyaux. On notera xαj le déplacement du noyau α dans la
direction j. Cette fonction U (xαj , α = 1 à n , j = 1 à 3) est développée en série de
Taylor au voisinage de la configuration d’équilibre :
∂ 2U
n P 3
 n P 3 n 3

P ∂U 1 P P P
U = Uéq. + xαj + xα0 j 0 xα00 j 00 + · · ·
α=1 j=1 ∂xαj éq. 2 α0 =1 j 0 =1 α00 =1 j 00 =1 ∂xn0 α0 ∂xn00 α00 éq.
L’énergie Uéq. est une constante sans intérêt : on la chosit nulle ; le terme suivant,
du premier ordre, est nul par définition de l’équilibre ; les termes symbolisés par les
points de suspension sont négligés dans l’approximation harmonique ; il ne reste que
les termes du deuxième ordre :
∂ 2U
n P 3 n 3

1 P α00 j 00 α00 j 00
D 0 0 xα0 j 0 xα00 j 00 avec Dα0 j 0 = (3.18)
P P
U=
2 α0 =1 j 0 =1 α00 =1 j 00 =1 α j ∂xα0 j 0 ∂xα00 j 00 éq.
Les équations du mouvement s’écrivent, Mα étant la masse de l’atome α,
α=1àn
n P 3

∂U α0 j 0
(3.19)
P
Mα ẍαj = − =− Dαj xα0 j 0
∂xαj α0 =1 j 0 =1 j=1à3
L’invariance par translation rigide de la molécule dans l’espace permet de dire la
chose suivante : si tous les atomes sont déplacés d’une même distance x0 dans la
direction j, aucune force n’est exercée sur ancun atome ; on a donc
α=1àn
n P 3

P α0 j 0
0=− Dαj x0
α0 =1 j 0 =1 j =1à3
α=1àn
n P 3

α0 j 0
Le déplacement x0 non nul se factorisant, on obtient
P
Dαj = 0
α0 =1 j 0 =1 j=1à3
0
Cette relation permet dans la pratique d’exprimer Dαj
αj
en fonction des autres :
α=1àn

αj 0 P α0 j 0
Dαj =− Dαj (3.20)
α0 6=α j, j 0 = 1 à 3
puis de réécrire (3.19) sous la forme
α=1àn
3

α0 j 0
(3.21)
P P
Mα ẍαj = − Dαj (xα0 j 0 − xαj 0 )
α0 6=α j 0 =1 j=1à3
70 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Ceci montre bien que l’équivalent mécanique de la molécule est un assemblage de


masse reliées entre elles par des ressorts : la force Mα ẍαj exercée sur (α) dans la
α0 j 0
direction j est bien, au signe près, une somme de termes de la forme « raideur Dαj »
fois « allongement (xα0 j 0 − xαj 0 ) ».
Pour le montrer plus précisément, le plus simple est de partir d’un système masses-
ressorts et de remonter à une équation de la forme (3.21).
Soit donc un système de masses Mα reliées entre elles par des ressorts de raideurs
Cαα0 . Soit ~eαα0 le vecteur unitaire porté, à l’équilibre, par le ressort αα0 , et de com-
posantes eαα0 j . On a bien entendu, ~eαα0 étant orienté de α vers α0 ,
Cα0 α = Cαα0 et ~eα0 α = − ~eαα0 (α, α0 = 1 à n , α0 6= α) (3.22)
L’énergie potentielle de ce système masses-ressorts est de la forme
1 P n
Cα0 α00 δ`2α0 α00
P
U=
4 α0 =1 α00 6=α0
où δ`α0 α00 est l’allongement du ressort α0 α00 . Le facteur 14 au lieu de l’habituel 12 vient
du fait que dans la double somme, chaque ressort est pris en compte deux fois.
Au premier ordre, l’allongement du ressort α0 α00 est égal à la projection sur la ligne
du ressort du déplacement relatif ~rα00 − ~rα0 des deux atomes, c’est-à-dire
3
eα0 α00 j 0 (xα00 j 0 − xα0 j 0 ) (α0 , α00 = 1 à n , α00 6= α0 )
P
δ`α0 α00 = ~eα0 α00 ·(~rα00 −~rα0 ) =
j 0 =1
On remplace dans U :
1 P n P P 3 P 3
U= Cα0 α00 eα0 α00 j 0 eα0 α00 j 00 (xα00 j 0 − xα0 j 0 )(xα00 j 00 − xα0 j 00 )
4 α0 =1 α00 6=α0 j 0 =1 j 00 =1
et on dérive par rapport à xαj , sachant que celui-ci apparaît quatre fois : αj = α0 j 0 ,
α0 j 00 , α00 j 0 et α00 j 00 . On trouve, en utilisant les symétries (3.22),
α=1àn
3

∂U
(3.23)
P P
Mα ẍαj = − = Cαα0 eαα0 j eαα0 j 0 (xα0 j 0 − xαj 0 )
∂xαj α0 6=α j 0 =1 j=1à3

Comparant (3.23) à (3.21), on obtient


α, α0 = 1 à n (α0 6= α)

α0 j 0
Dαj = −Cαα0 eαα0 j eαα0 j 0 (3.24)
j, j 0 = 1 à 3
et l’équivalence entre les 0 deux systèmes est établie : connaissant tous les Cαα0 , on
α j0
peut calculer tous les Dαj à l’aide des formules (3.24) puis (3.20).

Recherche de solutions particulières aux équations du mouvement.


On recherche des solutions sinusoïdales de la forme
α=1àn


xαj = xαj e±iωt
(3.25)
j=1à3
On choisit la forme (3.19) des équations du mouvement. On y remplace ẍαj par
−ω 2 xαj et on obtient après simplification un système d’équations linéaires :
α=1àn
n P 3

α0 j 0 ◦ 2 ◦
(3.26)
P
Dαj xα0 j 0 − Mα ω xαj = 0
0 0
α =1 j =1 j=1à3
3.3 Molécules polyatomiques (27 janvier 2024) 71

La solution triviale « tous déplacements nuls » étant sans intérêt, le déterminant de


ce système est nécessairement nul. La résolution de l’équation det = 0 doit conduire
à une équation polynomiale de degré 3n en ω 2 . De façon à bénéficier de certains
théorèmes mathématiques, il est utile de procéder à un changement de variables
conduisant à une matrice symétrique.
Dans cette optique, on range les couples (α, j) dans un ordre quelconque et on les
numérote i = 1, 2, 3, ... 3n. Pour l’indice i correspondant au couple (α, j) on pose
p
qi = x◦αj Mα i = 1 à 3n (3.27)
et pour les indices i et i0 correspondant aux couples (α, j) et (α0 , j 0 ) on pose
αj0 0
Dαj
∆ii0 = √ i, i0 = 1 à 3n (3.28)
Mα Mα0
Moyennant (3.27) et (3.28) le système (3.26) devient, en posant λ = ω 2 ,
3n
i = 1 à 3n (3.29)
P
∆ii0 qi0 − λqi = 0
i0 =1

La solution triviale « tous déplacements nuls » étant sans intérêt, le déterminant de


ce système est nécessairement nul. Si on note ∆ la matrice 3n × 3n construite avec
les ∆ii0 , et I la matrice unité, on doit avoir
det(∆ − λI) = 0 (3.30)
C’est une équation aux valeurs propres : en annulant ce déterminant (un polynôme
de degré 3n en λ), on obtient les 3n valeurs propres λ` (` = 1 à 3n) du système. Les
vecteurs propres ~e` (q1` , q2` , ..., q3n,` ) qui leur sont associés forment un espace vectoriel
E3n de dimension 3n. Chacun peut être calculé à une constante multiplicative près :
on les choisira tous normés.
La matrice ∆ étant symétrique, on peut utiliser les trois propriétés suivantes :
• une matrice symétrique est toujours diagonalisable ;
• ses 3n valeurs propres sont réelles ;[ 10]
• les espaces propres associés aux différentes valeurs propres sont orthogonaux.
On sait que parmi les 3n pulsations propres, cinq ou six doivent être trouvées nulles :
elles correspondent aux déplacements de type translation et rotation ; les p = 3n − 5
ou p = 3n − 6 non nulles ω` (` = 1 à p) définissent les modes propres de vibration.
La théorie matricielle ne dit pas que les valeurs propres non nulle seront toutes
trouvées positives, mais cela doit être le cas ici : si l’une des λ` est trouvée négative,
les deux pulsations ω vérifiant λ` = ω 2 sont des nombres imaginaires purs, et les
mouvements qui leur sont associés ne sont pas des oscillations ; c’est signe, soit d’une
erreur de calcul, soit d’une défaillance du modèle mécanique choisi.
Moyennant toutes ces considérations, on est en possession, une fois le problème
résolu, de 3n pulsations propres ω` , ` = 1 à 3n, et de 3n vecteurs propres associés
~e` (q1` , q2` , ..., q3n,` ), ` = 1 à 3n, formant une base orthonormée de E3n .
10. pas forcément toutes différentes : si l’une d’entre elles apparaît m fois, un espace propre de
dimension m lui est associé, dans lequel on peut toujours définir une base orthonormée.
72 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Cette orthonormalité s’écrit


3n
(`, `0 = 1 à 3n)
P
~e` · ~e`0 = δ``0 ⇒ qi` qi`0 = δ``0
i=1

En termes d’amplitudes d’oscillation, cela donne (voir 3.27)


n P
3
Mα x◦αj` x◦αj`0 = δ``0 (`, `0 = 1 à 3n) (3.31)
P
α=1 j=1

Solutions générales, lagrangien et équations de Lagrange.


Les solutions générales sont des combinaisons linéaires de solutions particulières :

α=1àn
3n

◦ e±iω` t
(3.32)
P
xαj (t) = β` xαj`
`=1 j=1à3

avec des coefficients β` et des signes ± tels que les xαj (t) soient des nombres réels.
Posons
α=1àn
3n

±iω` t
(` = 1 à 3n) ⇒ xαj (t) = ◦
(3.33)
P
Q` (t) = β` e Q` (t)xαj`
`=1 j=1à3

L’énergie cinétique s’écrit


1 Pn P 3 1 Pn P 3 hP3n 3n
ih P i
2 ◦ ◦
K= Mα ẋαj = Mα Q̇` xαj` Q̇`0 xαj`0
2 α=1 j=1 2 α=1 j=1 `=1 `0 =1

On fait passer les sommes sur ` et `0 devant et on utilise l’orthonormalité (3.31) :


1P 3n P3n hPn P 3 i 1P 3n P3n
K= Q̇` Q̇`0 Mα x◦αj` x◦αj`0 = δ``0 Q̇` Q̇`0
2 `=1 `0 =1 α=1 j=1 2 `=1 `0 =1
Résultat :
1P 3n
K= Q̇2 (3.34)
2 `=1 `

Pour l’énergie potentielle on repart de (3.18) :


1 P n P3 P n P 3 1 Pn P 3 P n P 3 h 3n 3n
ih P i
α0 j 0 α0 j 0 P
U= Dαj xαj xα0 j 0 = Dαj Q` x◦αj` Q`0 x◦α0 j 0 `0
2 α=1 j=1 α0 =1 j 0 =1 2 α=1 j=1 α0 =1 j 0 =1 `=1 `0 =1

On fait passer les sommes sur ` et `0 devant, on utilise les équations 3.26, et à
nouveau l’orthonormalité (3.31) :
1P 3n P3n n P 3 h Pn P 3 i
P ◦ α0 j 0 ◦
U= Q` Q` 0 xαj` Dαj xα0 j 0 `0
2 `=1 `0 =1 α=1 j=1 α0 =1 j 0 =1

1P 3n P3n hPn P 3 i 1P 3n P 3n
= ω`20 Q` Q`0 Mα x◦αj` x◦αj`0 = δ``0 ω`20 Q` Q`0
2 `=1 `0 =1 α=1 j=1 2 0
`=1 ` =1

Résultat :
1P 3n
U= ω 2 Q2 (3.35)
2 `=1 ` `
3.3 Molécules polyatomiques (27 janvier 2024) 73

Le lagrangien
1P 3n
L=K −U = (Q̇2 − ω`2 Q2` ) (3.36)
2 `=1 `
permet d’écrire les 3n équations de Lagrange
 
d ∂L ∂L
− = 0 ⇒ Q̈` + ω`2 Q` = 0 (` = 1 à 3n) (3.37)
dt ∂ Q̇` ∂Q`
qui montrent bien que notre oscillateur initial à 3n dimensions est découplé en 3n
oscillateurs harmoniques linéaires indépendants.
Les Q` , ` = 1 à 3n, sont par définition les coordonnées normales du système.
Notez bien que les qi définis en (3.27), que nous appellerons coordonnées généralisées,
ainsi que les Q` , ne s’expriment pas en mètres mais en m·kg1/2 .

Contribution des vibrations aux propriétés thermodynamiques.


Une fois les p pulsations propres connues, on peut écrire la fonction de partition
zTvib (T ) comme le produit de fonctions de partition d’oscillateurs linéaires :
p 1 θ` ~ω`
zTvib (T ) = avec u` = et θ` =
Q
`=1 2 sh u` 2T kb
À partir de cette fonction de partition, on trouve les résultats suivants :
 N p 
ZTvib (T, N ) = zTvib (T )
P
µvib (T ) = kb T ln 2 sh u`
`=1
p
P Pp kb θ`
Fvib (T, N ) = N kb T ln(2 sh u` ) Evib (T, N ) = N coth u`
`=1 `=1 2 2
p p u`
vib
P P
Svib (T, N ) = N kb [u` coth u` − ln(2 sh u` )] CV (T, N ) = N kb
`=1 `=1 sh u`

Quelques valeurs numériques de θ` et de ω` :


CO2 (n = 3, p = 4) θ` (K) 954 954 1890 3360
ω` (THz) 125 125 247 440
N2 O (n = 3, p = 4) θ` (K) 850 850 1840 3200
ω` (THz) 111 111 241 419
BF3 (n = 4, p = 6) θ` (K) 631 631 995 1270 2070 2070
ω` (THz) 83 83 130 166 271 271
Remarque : certaines molécules (hydrocarbures en général) possèdent un ou plusieurs
degrés de liberté appelés modes de torsion. Dans le cas de l’éthane H3 C−CH3 par
exemple, les deux groupes méthyles peuvent tourner l’un par rapport à l’autre, sans
déformation, autour de la liaison C−C. La courbe CV (T ) montre que ce mouvement
correspond à basse température à une oscillation de faible fréquence (θ` ≈ 350 K), et
à haute température à une rotation interne libre. Aux températures intermédiaires,
ce n’est ni une vibration ni une rotation libre : c’est toujours une rotation, mais elle
est entravée par une énergie potentielle fonction d’une coordonnée angulaire décri-
vant l’orientation d’un groupe méthyle par rapport à l’autre. La rotation nécessite
le passage de barrières de potentiels (≈ 21, 5 zJ) pour passer d’une configuration
stable à une autre.
74 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Une dernière chose : Combien, en toute généralité, faut-il mettre de ressorts


pour modéliser une molécule à n noyaux ?
Ce nombre p de ressorts, c’est le nombre de distances inter-nucléaires indépendantes,
c’est-à-dire le nombre nécessaire et suffisant de distances à donner pour caractériser
sans ambiguïté une configuration donné.
Raisonnons par exemple sur l’énergie cinétique
K = 12 M1 (ẋ21 + ẏ12 + ż12 ) + · · · + 12 Mn (ẋ2n + ẏn2 + żn2 )
Elle est fonction de 3n composantes de vitesses, représentant les 3n degrés de liberté
du système. Si on veut faire apparaître les p distances interatomiques dans l’énergie
cinétique, on doit faire un changement de variables, avec exactement 3n nouvelles
variables. Pour calculer p on répertorie les mouvements qui laissent inchangés les
distances interatomiques. Il y en a de deux types : la translation et la rotation de la
molécule dans l’espace, dites toutes deux rigides, sans modification de la structure
interne de la molécule. La translation rigide de la molécule correspond à un dépla-
cement de son centre de masse ; sa rotation rigide sera effectuée autour du centre
de masse. De cette façon, les deux mouvements sont indépendants : ils peuvent être
effectués l’un après l’autre, dans n’importe quel ordre.
Pour définir la position du centre de masse, il faut ses trois coordonnées de position :
ce sont les trois degrés de liberté de translation. Quant à l’orientation de la molécule,
elle est définie en général par trois variables angulaires : il faut deux angles pour
définir l’orientation d’un axe quelconque de la molécule (angles de nutation et de
précession par exemple), et un troisième pour définir l’orientation de la molécule
autour de cet axe (angle de rotation propre). On a donc en général trois degrés de
liberté de rotation. Ce nombre peut descendre à deux si la molécule est linéaire dans
sa configuration d’équilibre (pas de rotation propre).
Bilan : il reste p = 3n − 6 (ou 3n − 5 si la molécule est linéaire) degrés de liberté,
correspondant aux mouvements internes, qui modifient les distances interatomiques :
ce sont les degrés de liberté de vibration.
3n − 5 si la molécule est linéaire

Nombre de ddl de vibration : p =
3n − 6 sinon
Ce nombre p est important : c’est le nombre de pulsations propres non nulles que
l’on doit trouver ; si lors d’un calcul on en trouve plus, c’est forcément dû à une
erreur, et si on en trouve moins, c’est souvent dû à une modélisation mécanique
défectueuse : dans une modélisation de type masses-ressorts, il manque des ressorts,
il faut au minimum p ressorts pour que le système soit stable au repos.
3.4 Exercices : vibrations dans les molécules (27 janvier 2024) 75

3.4 Exercices : vibrations dans les molécules


3.4.1 Construction du modèle mécanique
On considère une molécule constituée de n noyaux, et que l’on désire modéliser
mécaniquement au moyen de ressorts. Les noyaux sont numérotés a, b, c, etc., et les
constantes de raideur des ressorts sont notées Cab , Cac , Cbc , etc. L’énergie potentielle
est de la forme U = 21 Cab δ`2ab + . . . avec δ`ab = ~eab · (~rb − ~ra ), où ~eab est le vecteur
unitaire porté par la droite (ab) (de a vers b), et où ~ra et ~rb sont les déplacements
des noyaux a et b par rapport à leurs positions d’équilibre.
δ`ab est, au premier ordre, l’allongement du ressort ab. La formule δ`ab = ~eab ·(~rb −~ra )
montre que, au premier ordre, les déplacements perpendiculaires à ab n’allongent pas
le ressort. Conclusion :
• dans une molécule linéaire, où tous les vecteurs ~eab , ~eac , ~ebc , etc., sont paral-
lèles à un certain axe x, seuls les mouvements longitudinaux (parallèles à x)
pourront être envisagés dans un modèle masses-ressorts.
Dans un modèle de type masses-ressorts, une molécule linéaire à n noyaux
ne possède que n degrés de liberté ; les 2n restants sont ignorés.
• dans une molécule plane, où tous les vecteurs ~eab , ~eac , ~ebc , etc., sont contenus
dans un certain plan xy, seuls les mouvements plans (dans le plan xy) pourront
être envisagés dans un modèle masses-ressorts.
Dans un modèle de type masses-ressorts, une molécule plane à n noyaux
ne possède que 2n degrés de liberté ; les n restants sont ignorés.
Les autres mouvements, dits transverses, existent bel et bien, et ce peut être des
vibrations, mais ne pourront pas être modélisés au moyen de ressorts ; ils feront
l’objet d’une étude séparée (voir le paragraphe 3.4.5).
La question est : En tenant compte des invariances, combien de ressorts faut-il au
minimum pour décrire correctement la molécule ? Proposer un modèle mécanique
cohérent avec les symétries de la molécule.
1. Molécule linéaire. Elle est constituée de n atomes alignés le long d’un axe x.
C’est le cas le plus simple : n’envisageant que les mouvements suivant l’axe x,
on a en tout n degrés de liberté (n composantes de déplacements), et une inva-
riance : la translation rigide de la molécule le long de l’axe x laisse invariante
l’énergie potentielle, autrement dit n’engendre aucune force. Ça donne (n − 1)
degrés de liberté de vibration, et donc (n − 1) ressorts au minimum à placer.
Comme tout atome doit être au moins deux fois connecté, la solution la plus
simple, et la plus logique, est de mettre un ressort entre tout couple d’atomes
premiers voisins entre eux sur la chaîne. Pour les constantes de raideur, il faut
respecter la symétrie : dans une molécule de type ABBA par exemple, les deux
ressorts AB et BA auront même raideur.
Ce nombre de (n−1) ressorts est un minimum ; il peut arriver d’en mettre plus,
mais c’est uniquement pour affiner les résultats s’ils ne sont pas en accord avec
les mesures expérimentales. Là encore, si vous décider d’en rajouter, respectez
les symétries : dans la molécule ABBA par exemple, si on décide de mettre un
ressort entre les atomes A et B, il faut, pour respecter la symétrie, en mettre
un autre de même raideur entre B et A.
76 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

2. Molécule plane. Elle est constituée de n atomes arrangés sur un plan xy.
Puisqu’on n’envisage que les mouvements dans le plan xy, on a 2n degrés
de liberté en tout, et trois invariances : par translation le long de l’axe x, par
translation le long de l’axe y, et par rotation autour de l’axe z perpendiculaire.
Ça donne (2n − 3) degrés de liberté de vibration, et donc (2n − 3) ressorts au
minimum à placer. Il peut arriver d’en mettre plus, pour affiner, et surtout
pour respecter les symétries. Une molécule carrée A4 par exemple nécessite
5 ressorts : soit 4 côtés + 1 diagonale, soit 3 côtés + 2 diagonales. Comme
il n’y a aucune raison de privilégier un côté par rapport aux trois autres, ou
une diagonale par rapport à l’autre, il est nécessaire de mettre 6 ressorts : 4
de même raideur C sur les côtés, et 2 de même raideur C 0 sur les diagonales ;
le fait que deux ressorts se croisent n’a aucune importance.
3. Molécule tridimensionnelle (ni linéaire, ni plane). C’est le cas général : 3n
degrés de libertés en tout, 3 invariances par translation et 3 invariances par
rotation. Ce qui donne (3n − 6) degrés de liberté de vibration, et donc (3n − 6)
ressorts au minimum. Ou plus pour respecter les symétries.

3.4.2 Molécule diatomique


Dans la molécule diatomique représentée ci-contre, yx
 (a) C (b)
• a et b (en minuscules) sont les numéros des noyaux, − A −∧∨∧− B −→ x

• A et B (en majuscules) sont les espèces chimiques. (mA ) (mB )

1. Établissement des équations du mouvement.


(a) Écrire l’énergie potentielle.
Utiliser la formule U = somme de tous les 12 Cαα0 δ`2αα0
(b) Écrire les équations du mouvement.
Utiliser la formule Mα ẍαj = − ∂x
∂U
αj

(c) Les appliquer à des mouvements sinusoïdaux de pulsation ω.


Poser ẍa = −ω 2 xa , ẍb = −ω 2 xb dans les équations obtenues en (b).
2. Résolution en amplitudes.
(d) Écrire l’équation aux valeurs propres.
Le déterminant du système de l’item (c) doit être nul.
(e) Calculer les pulsations propres ω1 et ω2 du système.
Ce sont les solutions réelles et positives de l’équation trouvée à l’item (d).
(f) Calculer les déplacements associés à chacune des pulsations propres.
Remplacer ω par ω1 dans le système trouvé à l’item (c) et en déduire une
relation liant xa et xb . Recommencer avec ω2 .
3. Résolution en coordonnées généralisées.
Cette technique est particulièrement utile lorsque l’utilisation de la propriété
d’orthogonalité des modes propres est nécessaire. Elle n’est pas utile dans ce
problème simple, on se contentera de calculer le lagrangien en coordonnées
normales et de vérifier qu’il est bien à variables séparables.
3.4 Exercices : vibrations dans les molécules (27 janvier 2024) 77

√ √
(g) Effectuer le changement de variables q1 = xa ma , q2 = xb mb dans le
système trouvé à l’item (c). En posant également λ = ω 2 , vous devez en
principe trouver un système de la forme (3.29) :
(∆11 − λ)q1 + ∆12 q2 = 0
∆21 q1 + (∆22 − λ)q2 = 0
Vérifier la symétrie ∆12 = ∆21 .
(h) Écrire l’équation aux valeurs propres et vérifier que ses solutions λ1 et λ2
sont bien égales aux ω12 et ω22 trouvés à l’item (e).
(i) Calculer le vecteur propre associé à chaque valeur propre.
Remplacer λ par λ1 dans le système trouvé à l’item (g) et en déduire
une relation liant q1 et q2 . Le vecteur ~e1 associé à λ1 est l’un des deux
vecteurs normés dont les composantes q1 et q2 vérifient cette relation.
Recommencer avec λ2 . Vérifier l’orthogonalité ~e1 · ~e2 = 0.
(j) Dans l’énergie cinétique K = 21 (ma ẋ2a + mb ẋ2b ) et l’énergie potentielle U ,
√ √
effectuer le changement de variables xa = q1 / ma et xb = q2 / mb .
Suite à cela, effectuer le second changement de variables
○ ○
    
q1 1 3 Q1
=
q2 ○2 ○4 Q2
où ○,
1 ○ 2 sont les composantes de ~e1 , et où ○, 3 ○ 4 sont celles de ~
e2 .
Cette procédure n’est valable que si ~e1 et ~e2 sont orthogonaux et normés.
Q1 et Q2 sont ce qu’on appelle les coordonnées normales du système.

3.4.3 Molécule triatomique linéaire symétrique


x
C0
Le modèle mécanique est donné ci-contre. Le ressort de y 

−−− −− ∧∨∧−−−−−
raideur C n’est pas indispensable ; le fait d’avoir posé  (a) C (b) C (c)
0 
−− A−∧∨∧− B −∧∨∧−A −→ x
Cab = Cbc rend compte de la symétrie de la molécule.  (m) (M ) (m)
Établissement des équations du mouvement.
(a) Écrire l’énergie potentielle U (xa , xb , xc ).
(b) Écrire les équations du mouvement.
(c) Les appliquer à des mouvements sinusoïdaux de pulsation ω.
Résolution en coordonnées généralisées, recherche des coordonnées normales.
Plutôt que de calculer le déterminant, on utilisera ici les invariances et les symétries
de la molécule, ainsi que la propriété d’orthogonalité des vecteurs propres.
(d) Effectuer le changement de variables (xa , xb , xc ) → (q1 , q2 , q3 ) dans les équa-
tions du mouvement. Vérifier ∆12 = ∆21 , ∆23 = ∆32 , ∆31 = ∆13 .
(e) On sait que l’un des trois modes correspond à la translation de la molécule
parallèlement à son axe. On a donc pour ce mode xa = xb = xc .
Calculer le vecteur propre ~e1 correspondant. On le choisira normé.
78 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

(f) Aux deux autres modes (correspondant aux vibrations), sont associés des vec-
teurs ~e(q1 , q2 , q3 ) orthogonaux à ~e1 . Écrire cette orthogonalité (~e1 · ~e = 0), et
en déduire une expression de q2 en fonction de q1 et q3 .
Remplacer q2 par cette expression dans le système trouvé à l’item (d) et consta-
ter que l’une des 3 équations est redondante. On ne conservera, par exemple,
que la première et la troisième.
(g) On a maintenant un système de deux équations à deux inconnues q1 et q3 .
On pourrait calculer son déterminant, mais pour éviter ce calcul, on utilise la
symétrie de la molécule : on sait que l’un des modes à trouver possède toutes
les symétries de la molécule, en l’occurrence ici un plan de symétrie. Un jeu
de déplacements possédant cette symétrie est tel que xb = 0 et xc = −xa .
On vérifiera que le vecteur propre (normé) associé aux jeux de déplacement
symétriques est
h i
~e2 √12 ; 0; − √12
Poser q3 = −q1 dans le système trouvé à l’item (f). En déduire la valeur propre
λ2 associée à ~e2 .
(h) Au dernier mode à trouver est associé un vecteur ~e3 (que l’on choisira normé)
perpendiculaire à ~e1 et ~e2 .
Calculer ce vecteur ~e3 ainsi que la valeur propre λ3 qui lui est associée.
(i) Effectuer le changement de variables (xa , xb , xc ) → (q1 , q2 , q3 ) → (Q1 , Q2 , Q3 )
dans l’énergie cinétique et dans l’énergie potentielle.
Exemple.
CO2 est une molécule triatomique linéaire symétrique. On trouve expérimentalement
qu’elle possède les deux pulsations propres (440, 0 ± 0, 5) THz et (247, 5 ± 0, 5) THz.
Calculer C, C 0 et leurs fouchettes d’erreur, sachant que c’est du carbone 12 et de
l’oxygène 16 (M ≈ 20, 085 296 530 (9)×10−27 kg, m ≈ 26, 780 395 374 (12)×10−27 kg).
Était-il pertinent de placer le ressort de raideur C 0 ?

3.4.4 Molécule triangulaire équilatérale


Je ne connais qu’un seul cas pratique : le trihydrogène (ou hyzone) H3 , pour lequel
on mesure ωs = 96, 39 THz et ωd = 68, 16 THz (pour les notations ωs et ωd , voir
items 2.d et 2.e à la fin de l’exercice).
1. Étude dans le plan de la molécule.

(a) Énergie potentielle. Placer le centre de masse à l’origine √


et les 3 √noyaux,
indexés (a, b, c), de même masse m aux points A(− 2 , − 21 ), B( 23 , − 21 ),
3

C(0, 1), reliés entre eux par trois ressorts de raideur C ; calculer les trois
vecteurs unitaires ~eab , ~ebc , ~eca puis les trois allongements δ`ab , δ`bc , δ`ca en
fonction de trois déplacements ~ra (xa , ya ), ~rb (xb , yb ), ~rc (xc , yc ) ; en déduire
l’énergie potentielle U (xa , ya , xb , yb , xc , yc ).
(b) Équations du mouvement. Établir les équations du mouvement et les ap-
pliquer à des déplacements sinusoïdaux de pulsation ω.
3.4 Exercices : vibrations dans les molécules (27 janvier 2024) 79

√ √ √
(c) Effectuer
√ le changement
√ de variables
√ q1 = xa m, q2 = xb m, q23 = xc m,
q4 = ya m, q5 = yb m, q6 = yc m, et poser, non pas λ = ω mais
2mω 2
λ=
C
On mettra le résultat sous la forme matricielle [A] − λ[I] ~e.


Et on arrête là ! car des lourdeurs sont à prévoir...


2. Étude dans l’espace.
On recommence avec A(1, 0, 0), B(0, 1, 0), C(0, 0, 1) : le passage en dimension 3
préserve les symétries ; le déterminant sera certes plus gros (9 × 9), mais ses
coefficients seront plus sympathiques.
(a) Énergie potentielle. Calculer les trois vecteurs unitaires ~eab , ~ebc , ~eca puis
les trois allongements δ`ab , δ`bc , δ`ca en fonction des trois déplacements
~ra (xa , ya , za ), ~rb (xb , yb , zb ), ~rc (xc , yc , zc ). En déduire l’énergie potentielle
U (xa , ya , za , xb , yb , zb , xc , yc , zc ).
(b) Équations du mouvement. Établir les équations du mouvement, les appli-
quer à des déplacements sinusoïdaux, et poser

(q1 , q2 , q3 , q4 , q5 , q6 , q7 , q8 , q9 ) = m(xa , yb , zc , zb , xc , ya , yc , za , xb )
2mω 2
Comme pour l’étude dans le plan, on posera λ = C
.
Poser le système des 9 équations du mouvement appliquées à des dépla-
cements sinusoïdaux. Simplifier jusqu’à obtenir un système d’équations
de la forme matricielle [A] − λ[I] ~e ;


Remarque : tous les coefficients de la matrice [A] sont des entiers relatifs.
Pour calculer les valeurs propres, surtout ne pas calculer le déterminant : nous
allons utiliser les six invariances pour ne conserver que trois variables ; j’ai
choisi cet ordre « farfelu » pour qu’il nous reste au final (q1 , q2 , q3 ). Ensuite
nous utiliserons le fait que l’un des modes de vibration recherchés possède les
symétries de la molécule.
Invariances et symétries. Le système possède 6 invariances : 3 par trans-
lation, 3 par rotation. Si on se tapait le calcul du déterminant (9 × 9), on
constaterait que λ se factorise 6 fois.
Il nous faut trois translations indépendantes et trois rotations indépendantes.
Lesquelles ? N’importe ! Les plus simples à écrire.
La translation rigide de la molécule suivant l’axe Ox s’écrit xa = xb = xc et
tous les autres nuls ; dans l’espace des configurations, elle sera représentée par
le vecteur normé ~ext = √13 (100 010 001) ; de même pour les deux autres axes :
~ext = √13 (100 010 001); ~eyt = √13 (010 001 100); ~ezt = √13 (001 100 010)
La rotation rigide de la molécule autour de l’axe Ox s’écrit yc = −zb et tous
les autres nuls ; dans l’espace des configurations, elle sera représentée par le
vecteur normé ~exr = √12 (000 100 1̄00) ; de même pour les deux autres axes :
~exr = √12 (000 100 1̄00); ~eyr = √12 (000 010 01̄0); ~ezr = √12 (000 001 001̄)
J’ai mis les signes (−) au dessus des chiffres, comme en cristallographie :
Notation : 1̄ = −1 .
80 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

(c) Réduction par invariance. Les vecteurs représentatifs des mouvements de


vibration sont orthogonaux aux six vecteurs ~ext , ~eyt , ~ezt , ~exr , ~eyr , ~ezr .
En déduire q4 à q9 en fonction de q1 , q2 , q3 . Vérifier que le centre de masse
est fixe (xa + xb + xc = 0, ya + yb + yc = 0, za + zb + zc = 0), et que les
déplacements sont dans le plan ABC (xa + ya + za = 0, xb + yb + zb = 0,
xc + yc + zc = 0). Réduire le système de 9 équations à un système de 3
équations à 3 inconnues q1 , q2 , q3 (les 6 autres sont redondantes).
(d) Recherche du mode symétrique. On utilise maintenant le fait que l’un des
modes de déplacements respecte les symétries de la molécule : dans ce
mode symétrique, le triangle se dilate et se contracte en conservant sa
forme équilatérale (c’est le breathing vibration mode des anglophones),
autrement dit ~ra ⊥ ~ebc , ~rb ⊥ ~eca , ~rc ⊥ ~eab , tous les trois de même norme
et dirigés par exemple vers l’extérieur. Ça donne
~e s = 3√1 2 (2̄2̄2̄ 111 111)
Pour calculer la pulsation ωs associée à ce mode de déplacements, la seule
information utile à tirer de ce vecteur est q1 = q2 = q3 .
Poser q1 = q2 = q3 dans le système de 3 équations trouvé à l’item (c) et
en déduire ωs .
(e) Les autres modes. Et pour finir, les déplacements NON associés à ωs
seront, dans l’espace des configurations, orthogonaux à ~e s ; on montre
facilement qu’ils sont tels que q1 + q2 + q3 = 0.
Poser q3 = −q1 − q2 dans le système trouvé à l’item (c) et constater que
l’une de ses équations est redondante. Il reste un vulgaire déterminant
2 × 2 à calculer ; constater qu’il possède une racine double ωd : c’est le
degenerate mode des anglophones.

3.4.5 Mouvements transverses


1. Découplage des mouvements transverses.
Le but est de montrer ce qui a été sous-entendu jusqu’ici : on peut étudier les
mouvements plans et les mouvements transverses séparément ; il n’y a aucune
corrélation entre eux.
Dans une molécule plane. Supposons que ces corrélations existent ; l’énergie
potentielle est alors de la forme
○ 1
h z }| {
1 α0 x α0 y α0 y
P
U=2 Dαx xα xα0 + Dαy yα yα0 + Dαx xα yα0
αα0
i
α0 z α0 z α0 z
+ Dαz zα zα0 + Dαx xα zα0 + Dαy yα zα0

| {z } |

{z }
2 3
Les termes ○ 1 sont ceux que l’on utilise pour l’étude dans le plan ; le terme ○ 2
représente les mouvements transverses. Ce sont les deux derniers, les corréla-
tions ○,
3 que l’on cherche à éliminer.

Pour ce faire on utilise une invariance : le plan de la molécule étant plan de


symétrie, si on remplace brusquement et simultanément tout les zα par −zα ,
sans toucher aux xα et aux yα , l’énergie potentielle ne doit pas changer.
3.4 Exercices : vibrations dans les molécules (27 janvier 2024) 81

Par cette opération, les termes ○ 1 et ○2 ne changent pas en effet, mais les
termes ○ 3 changent de signe. Pour que l’énergie potentielle ne soit pas mo-
difiée par l’opération, les termes ○3 sont nécessairement nuls ; il n’y a pas de
corrélation entre mouvements plans et mouvements transverses.
Pour l’étude des mouvements transverses dans une molécule plane, on utilisera
donc une expression de la forme
P α0
U = 12 Dα zα zα0
αα0
Dans une molécule linéaire. L’énergie potentielle est de la même forme initiale
que pour la molécule plane, mais découpée différemment :
○1 ○2
h z 0 }| { z 0 }| {
1 αx αy α0 z
P
U=2 Dαx xα xα0 + Dαx xα yα0 + Dαx xα zα0
αα0
i
α0 y α0 z α0 z
+ Dαy yα yα0 + Dαz zα zα0 + Dαy yα zα0

| {z }
3
Le terme ○ 1 est celui que l’on a utilisé pour l’étude des mouvements longi-
tudinaux, et les termes ○ 2 s’éliminent de la même façon que les termes ○ 3
précédents (voir molécule plane). Il nous reste les trois jeux de coefficients ○. 3

Ici, il suffit de dire que, si on remplace brusquement et simultanément tous les


yα par −zα et tous les zα par +yα (rotation de 90◦ ), U ne doit pas changer.
α0 z α0 z α0 y
Les Dαy sont donc tous nuls, et les Dαz sont égaux aux Dαy :
P α0 x P α0 y 0 P α0 y 0
U = 12 Dαx xα xα0 + 12 Dαy yα yα0 + 12 Dαy zα zα0
αα0 αα0 αα0
En conclusion, les trois types de mouvements selon les trois axes x, y, z ne
sont pas corrélés ; on peut les étudier séparéments ; de plus les deux types de
mouvements selon y et z sont identiques ; une seule étude (selon l’axe y par
exemple) suffit.
Pour l’étude des mouvements transverses dans une molécule linéaire, on utili-
sera donc une expression de la forme
P α0 P α0
U = 21 Dα yα yα0 ou U = 12 Dα zα zα0
αα0 αα0
2. Exemple de molécule plane : molécule carrée centrée.
Placer 4 noyaux (a, b, c, d) de même masse m en (1, 0), (0, 1), (−1, 0), (0, −1),
et un noyau (e) de masse M à l’origine.
On part d’une expression tout à fait quelconque de l’énergie potentielle :
ez 2
U = 21 Dez ze
az 2 bz 2 cz 2 dz 2
+ 12 Daz za + 21 Dbz zb + 21 Dcz zc + 12 Ddz zd
az bz cz dz
+ Dez ze za + Dez ze zb + Dez ze zc + Dez ze zd
bz cz dz az
+ Daz za zb + Dbz zb zc + Dcz zc zd + Ddz zd za
cz dz
+ Daz za zc + Dbz zb zd

Les 15 coefficients dans cette formule ne sont pas indépendants, il existe des
relations entre eux, que l’on peut déduire des symétries de la molécule et des
invariances par translation et rotation.
82 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

(a) Les symétries. La molécule est invariante par rotation de 90◦ autour de
son centre : la permutation circulaire a → b, b → c, c → d, d → a doit
laisser inchangée l’énergie potentielle. On en déduit que, dans l’expression
de U ci-dessus, les 4 coefficients de la deuxième ligne sont égaux, les 4
coefficients de la troisième ligne sont égaux, et les 2 coefficients de la
quatrième ligne sont égaux.
L’énergie potentielle est donc de la forme
U = 12 C0 ze2 + 21 C1 (za2 + zb2 + zc2 + zd2 ) + C2 (za zb + zb zc + zc zd + zd za )
+ C3 (ze za + ze zb + ze zc + ze zd ) + C4 (za zc + zb zd )

(b) Les invariances. Écrire les cinq équations du mouvement. Utiliser les 3
invariances (i) par translation parallèlement à z, (ii) par rotation autour
de x, (iii) par rotation autour de y pour montrer que l’énergie potentielle
est de la forme
U = 21 C(za + zb + zc + zd − 4ze )2 + 12 C 0 (za − zb + zc − zd )2
Coup de pouce : poser C1 = C + C 0 et C2 = C − C 0 .
(c) Résolution. Ne faites pas c’est trop lourd...
3. Exemple de molécule linéaire : molécule triatomique symétrique.
On reprend l’exemple de la molécule A−B−A. Les atomes de l’espèce A sont
de masse ma , ceux de l’espèce B de masse mb , et les trois atomes sont indexés
a, b, c dans l’ordre de la formule chimique.
On étudie les mouvements suivant l’axe y en partant de l’expression
by 2 cy
U = 12 Day ya + 21 Dby
ay 2
yb + 21 Dcy
cy 2 by
yc + Day cy
ya yb + Day ya yc + Dby yb yc

(a) Les invariances. Utiliser la symétrie de la molécule et les deux invariances


(i) par translation parallèlement à y, (ii) par rotation autour de l’axe Bz
pour montrer que U est de la forme
U (ya , yb , yc ) = 21 C(ya − 2yb + yc )2

(b) Résolution. Résoudre selon la procédure utilisée pour les mouvements


longitudinaux (la seule différence est qu’ici l’expression de U ne peut pas
être obtenue à l’aide d’un système mécanique de type masses-ressorts
habituel).
3.5 Équilibres chimiques entre gaz parfaits (27 janvier 2024) 83

3.5 Équilibres chimiques entre gaz parfaits


3.5.1 Thermodynamique des équilibres chimiques
Soit une réaction chimique :
νa A + νb B → νx X + νy Y.
Les molécules A et B sont les réactifs, et les molécules X et Y sont les produits.[ 11]
On dira que la réaction est totale si elle évolue jusqu’à disparition complète de l’un
des réactifs. Si la composition du système correspond à la stœchiométrie, il y a en
fin de réaction disparition complète de tous les réactifs.
Il existe des réactions qui, même après un temps très long, même si la stœchiométrie
est respectée, ne conduisent pas à la disparition complète des réactifs. Il s’établit un
équilibre dont la composition en réactifs et produits est entièrement déterminée par
les conditions d’expérience (la température et la pression). C’est ce qu’on appelle
un équilibre chimique :
νa A + νb B *
) νx X + νy Y
La composition d’équilibre est indépendante de la composition initiale : si on modifie
les conditions expérimentales, le système trouve une nouvelle composition d’équi-
libre ; si on revient aux anciennes conditions expérimentales, le système revient à
l’ancien équilibre.
Soit par exemple un système constitué de M unités formulaires νa A + νb B. Pour ce
système, l’avancement de la réaction est nul. Supposons qu’à un instant donné, m
unités νa A + νb B ce sont transformées en m unités νx X + νy Y.
Pour des conditions expérimentales données, l’état du système, si la stœchiométrie
est respectée, est défini entièrement par M et m. On a en effet
Na = νa (M − m) Nb = νb (M − m) Nx = νx m Ny = νy m
À température et pression constantes par exemple, on peut écrire :
dG = −S dT + V dp + µa dNa + µb dNb + µx dNx + µy dNy
= −S dT + V dp + (νa µa + νb µb ) dM + (νx µx + νy µy − νa µa − νb µb ) dm
et donc entre autres

∂G
= νx µx + νy µy − νa µa − νb µb
∂m T,p,M
Lors d’un processus infinitésimal isotherme, isobare, dans une enceinte fermé (T , p,
M constants), le second principe dit que, à l’équilibre, l’enthalpie libre du système est
minimale vis-à-vis des modifications infinitésimales de la composition, représentée
ici par le nombre m. On doit donc avoir, et c’est la condition d’équilibre,

∂G
=0 ⇒ ∆µ = 0 avec ∆µ = νx µx + νy µy − νa µa − νb µb
∂m T,p,M

11. Les nombres de réactifs et de produits peuvent être supérieurs (ou inférieurs) à 2. La dis-
cussion n’en sera pas modifiée.
84 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

3.5.2 Statistique des équilibres chimiques entre gaz parfaits


Comme au paragraphe 2.3.2 (voir équation 2.42), les potentiels chimiques dans un
mélange de gaz parfaits s’écrivent sous la forme :
pa pb
µa = µ◦a + kb T ln µb = µ◦b + kb T ln
p0 p0
◦ px ◦ py
µx = µx + kb T ln µy = µy + kb T ln
p0 p0
où pa , pb , px , py sont les pressions partielles relatives à chacun des constituants, et
µ◦a , µ◦b , µ◦x , µ◦y leurs potentiels chimiques standard.
En remplaçant dans ∆µ = 0 on trouve la condition d’équilibre dans un gaz parfait :
(px /p0 )νx (py /p0 )νy νa µ◦a + νb µ◦b − νx µ◦x − νy µ◦y
= Kp (T ) avec Kp (T ) = exp
(pa /p0 )νa (pb /p0 )νb kb T
Kp (T ) est la constante d’équilibre du système étudié.
D’autres constantes d’équilibre peuvent être plus pratiques d’emploi. Pour un gaz
parfait par exemple, on peut, en utilisant les relations px = nx kb T , etc., travailler
avec les concentrations volumiques (ici en molécules par unité de volume). On définit
alors la constante d’équilibre :[ 12]
∆ν
nνxx nνyy

p0
Kc (T ) = Kp (T ) Condition d’équilibre : = Kc (T )
kb T nνaa nνbb
où on a posé ∆ν = νx + νy − νa − νb .
L’objectif est de calculer les constantes d’équilibre entre gaz parfaits en fonction de
leurs propriétés microscopiques.
Soit un gaz parfait constitué de Na molécules A, Nb molécules B en équilibre avec
Nx molécules X, Ny molécules Y. Sa fonction de partition canonique peut s’écrire
comme le produit de fonctions de partition :
za (T, V )Na zb (T, V )Nb zx (T, V )Nx zy (T, V )Ny
ZT (T, V, Na , Nb , Nx , Ny ) =
Na ! Nb ! Nx ! Ny !
De l’expression du potentiel chimique µa on exprime na en fonction de za :
∂ ln Z za Na za µa /kb T
µa = −kb T = −kb T ln ⇒ na = = e
∂Na Na V V
De même pour les autres constituants :
za µa /kb T zb µb /kb T zx µx /kb T zy µy /kb T
na = e nb = e nx = e ny = e
V V V V
Et on remplace dans Kc (T ) sachant ∆µ = νx µx + νy µy − νa µa − νb µb = 0 :

nxνx nνyy [zx /V ]νx [zy /V ]νy


= K (T ) avec K (T ) =
naνa nνbb [za /V ]νa [zb /V ]νb
c c

Cette équation, couplée à des conditions de stœchimétrie, permet, connaissant les


fonctions de partition, de prévoir la composition d’équilibre à toute température.
12. Attention : Kp est sans dimension mais pas Kc (c’est un volume à la puissance −∆ν).
3.5 Équilibres chimiques entre gaz parfaits (27 janvier 2024) 85

3.5.3 Exemples d’équilibres chimiques


Exemple 1 : ionisation de l’atome d’hydrogène
On considère ici l’équilibre : H )
* H + + e− .
Le but est de calculer le taux d’ionisation, c’est-à-dire la proportion α de protons
H+ ou d’électrons e− , en fonction de la température.
Soit N0 le nombre d’atomes que l’on aurait s’il n’y avait pas d’ionisation (ce qu’on
observerait au zéro absolu), et N ce même nombre observé à la température de
travail T . Les nombres de particules de chaque espèce valent à cette température
Nh = N et Np = Ne = N0 − N

Le taux d’ionisation vaut


Np Ne N0 − N n0 − n N0 N
α= = = = avec n0 = et n =
N0 N0 N0 n0 V V
Il permet d’écrire les densités volumiques
np = ne = n0 α et nh = n0 (1 − α)

On est amené à résoudre


np ne α2
= Kc ⇒ n0 = K c ⇒ n0 α 2 + K c α − K c = 0
nh 1−α
qui conduit à
r 
Kc (T ) 4n0 (zp /V )(ze /V )
α(T, n0 ) = 1+ −1 avec Kc (T ) =
2n0 Kc (T ) (zh /V )
Il reste à calculer Kc (T ).
Chaque fonction de partition zp , ze , zh apparaissant dans Kc (T ) est le produit de
deux fonctions de partition : l’une tenant compte des degrés de liberté de translation
(de la forme V /Λ3 ), l’autre tenant compte des degrés de liberté internes.
Ci-dessous mp et me sont les masses du proton et de l’électron, ωn est la dégénéres-
cence du niveau fondamental du proton, et ωe celle de l’électron (elles valent 2 toutes
les deux mais c’est sans importances, elles vont disparaître). Pour l’atome H, l’éner-
gie de liaison proton-électron vaut εe ≈ −2, 180 aJ = −kb θ0 avec θ0 = 157 900 K :
 3/2
zh 2π (mp + me )kb T
= 2
ωn ωe e−εe /kb T
V h
 3/2  3/2
zp 2πmp kb T ze 2πme kb T
= ωn et = ωe
V h2 V h2
Ce qui donne finalement
e−θ0 /T h mp me
Kc (T ) = 3 avec Λ(T ) = √ et m = ≈ me
Λ (T ) 2πmkb T mp + me
Ci-dessous les fractions α(T ) d’atomes ionisés calculées à différentes températures
pour une densité n0 = 0, 04 mol/L. L’ionisation est quasiment absente en dessous
de 10 000 K, elle est quasiment complète au-dessus de 100 000 K.

T (K) 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 40 000 50 000 100 000
α ∼ 10−6 0, 0037 0, 0678 0, 2764 0, 5607 0, 7763 0, 9426 0, 9798 0, 9985
86 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Exemple 2 : dissociation de la molécule d’hydrogène


On considère maintenant l’équilibre : H2 *
) 2 H.
Ce phénomène s’observe, on va le voir, aux températures supérieures à 10 000 K.
Dans cette gamme de température, la rotation de la molécule peut être traitée
classiquement (θr = 85, 4 K), mais la vibration doit être traitée quantiquement
(θv = 6210 K). Pour les états électroniques, nous ne prendrons en compte que les
niveaux fondamentaux de l’atome (ε1 = 0, ω1 = 2) et de la molécule (ε2 = −kb θ2 ,
ω2 = 1 avec θ2 = 52200 K).
Soit N0 le nombre de molécules que l’on aurait au zéro absolu (pas de dissociation), et
N ce même nombre observé à la température de travail T . Les nombres de particules
de chaque espèce valent à cette température
Nh2 = N et Nh = 2(N0 − N )

Le taux de dissociation est le nombre de molécules dissociées, rapporté à N0 :


N0 − N n0 − n N0 N
α= = avec n0 = et n =
N0 n0 V V
Il permet d’écrire les densités volumiques
nh = 2n0 α et nh2 = n0 (1 − α)

On est amené à résoudre


n2h 4α2
= K c ⇒ n0 = Kc ⇒ 4n0 α2 + Kc α − Kc
nh 2 1−α
qui conduit à
(zh /V )2
r 
Kc (T ) 16n0
α(T, n0 ) = 1+ −1 avec Kc (T ) =
8n0 Kc (T ) (zh2 /V )
Les fonctions de partition valent :
3/2 3/2
T e θ2 /T
 
zh 2πmh kb T zh2 4πmh kb T
=2 et = θv
V h2 V 2θr 2 sh( 2T ) h2
Ce qui donne
3/2


2πmh kb T θv
Kc (T ) = 2θR 2
2T e−θ2 /T sh
h 2T
Ci-dessous les valeurs de α en fonction de T pour n0 = 0, 04 mol/L. La dissociation
est quasi inexistante en dessous de 2 000 K, et quasi complète au dessus de 10 000 K.

T (K) 1 000 1 500 2 000 3 000 4 000 5 000 10 000 15 000 20 000
−9 −5
α ∼ 10 ∼ 10 0, 0006 0, 0413 0, 2823 0, 6630 0, 9939 0, 9987 0, 9994
3.5 Équilibres chimiques entre gaz parfaits (27 janvier 2024) 87

Exemple 3 : équilibre isotopique


On considère pour terminer l’équilibre : H2 + D2 *
) 2HD.
Pour la plupart des éléments, les effets isotopiques sont très difficiles à mettre en
évidence. L’hydrogène est encore une fois particulier : la présence d’un neutron dans
le deutéron (le noyau du deutérium D) rend sa masse deux fois plus importante que
celle du proton, noyau de l’hydrogène habituel. On notera m la masse commune (à
0,2 % près) du proton et du neutron (m ≈ 1, 674×10−27 kg).
Pour l’hydrogène, les effets isotopiques sont détectables à l’ambiante. De façon à ce
que ni dissociation, ni ionisation ne soient à envisager, on travaillera à des tempé-
ratures inférieures à 2000 K. De même, de façon à traiter la rotation classiquement,
on travaillera à des températures supérieures à 150 K.
Pour le calcul de la constante d’équilibre, on sépare les diverses contributions. On
ignore les degrés de liberté électroniques et nucléaires car ils sont identiques dans
les deux membres de l’équation d’équilibre :
 transl 2  vib 2
rot 2
[zhd /V ]2 zhd /V [zhd ] zhd
Kc (T ) = = transl transl/V ]
× rot z rot
× vib z vib
[zhh /V ] [zdd /V ] [zhh /V ] [zdd zhh dd zhh dd

Contribution des degrés de liberté de translation. C’est la masse totale de la molé-


cule (2m pour H2 , 3m pour HD, 4m pour D2 ) qui intervient dans les Λ3 (T ) :
transl
 3/2 transl  3/2 transl  3/2
zhh 2π(2m)kb T zhd 2π(3m)kb T zdd 2π(4m)kb T
= ; = ; =
V h2 V h2 V h2
 transl 2
transl
z /V 27
→ Kc = translhd transl = √
[zhh /V ][zdd /V ] 16 2
Contribution des degrés de liberté de rotation. C’est maintenant la masse réduite de
la molécule ( 12 m pour H2 , 32 m pour HD, m pour D2 ) qu’il faut utiliser dans les θr ;
noter également les facteurs de symétrie (σ = 2 pour H2 et D2 , σ = 1 pour HD) :
rot
8π 2 ( 21 m)re2 kb T rot
8π 2 ( 32 m)re2 kb T rot 8π 2 (m)re2 kb T
zhh = ; zhd = ; zdd =
2h2 h2 2h2
2
rot
[zhd ] 32
→ Kcrot = rot rot
=
zhh zdd 9
Contribution des degrés de liberté de vibration. On trouvera les formules et valeurs
numériques au paragraphe 3.2.3 :
vib 1 vib 1 vib 1
zhh = 6210 ; zhd = 5380 ; zdd =
2 sh 2T 2 sh 2T 2 sh 4390
2T
 vib 2 3105 2195
z sh sh T
→ Kcvib (T ) = vibhd vib =  T 2
zhh zdd sh 2690
T
Bilan.
√ sh 3105 sh 2195
Kc (T ) = 3 2  T T
2690 2
sh T
88 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Soit α(T ) le taux de molécules HD et ξ le taux de deutérium du mélange. Les taux


de molécules H2 et D2 valent alors respectivement 1 − ξ − 21 α(T ) et ξ − 21 α(T ). On
a donc :
α2 (T )
KC (T ) =
1 − ξ − 12 α(T ) ξ − 12 α(T )
  

On en déduit
q
1 + 2 α∗ Γ(T ) − 1 4 − Kc (T )
α(T, ξ) = avec Γ(T ) = et α∗ = 2ξ(1 − ξ)
Γ(T ) Kc (T )
√ sh 3105 sh 2195
et pour mémoire Kc (T ) = 3 2  T
T
2690 2
sh T

Le facteur α∗ = 2ξ(1 − ξ) est le taux de molécules HD que l’on observerait si les


mariages entre atomes se faisaient de façon aléatoire. On constate que c’est la limite
de α(T, ξ) quand T tend vers l’infini. On constate également que α(T, ξ) est inférieur
à α∗ quelle que soit la température. Un exemple de plus qui montre que la nature a
une prédilection pour la symétrie.
Voici ce que cela donne numériquement pour
(i) ξ = 1
4
⇒ α∗ = 3
8
:

T (K) 0 10 20 50 100 200 500 1000 2000 ∞


% HD 0, 00 1, 60 10, 37 25, 54 31, 91 35, 01 36, 78 37, 31 37, 47 37, 50
% H2 75, 00 74, 20 69, 82 62, 23 59, 05 57, 50 56, 61 56, 34 56, 27 56, 25
% D2 25, 00 24, 20 19, 82 12, 23 9, 05 7, 50 6, 61 6, 34 6, 27 6, 25

(ii) ξ = 1
2
⇒ α∗ = 1
2
:

T (K) 0 10 20 50 100 200 500 1000 2000 ∞


% HD 0, 00 1, 85 12, 23 31, 64 40, 84 45, 75 48, 73 49, 67 49, 94 50, 00
% H2 50, 00 49, 07 43, 88 34, 18 29, 58 27, 13 25, 63 25, 16 25, 03 25, 00
% D2 50, 00 49, 07 43, 88 34, 18 29, 58 27, 13 25, 63 25, 16 25, 03 25, 00

(iii) ξ = 3
4
⇒ α∗ = 3
8
:

T (K) 0 10 20 50 100 200 500 1000 2000 ∞


% HD 0, 00 1, 60 10, 37 25, 54 31, 91 35, 01 36, 78 37, 31 37, 47 37, 50
% H2 25, 00 24, 20 19, 82 12, 23 9, 05 7, 50 6, 61 6, 34 6, 27 6, 25
% D2 75, 00 74, 20 69, 82 62, 23 59, 05 57, 50 56, 61 56, 34 56, 27 56, 25
3.6 Gaz parfait sous champ de force extérieur (27 janvier 2024) 89

3.6 Gaz parfait sous champ de force extérieur


3.6.1 Conditions d’équilibre sous champ de force extérieur
On considère un système S de particules toutes identiques (indépendantes ou non)
que l’on soumet à un champ de force : chaque particule est soumise, non seulement
aux forces d’interactions exercées par ses congénères, mais aussi à une force f~(~r )
dépendant uniquement de sa position dans le système. Elle ne dépend ni explicite-
ment du temps, ni de la position des autres particules (autrement dit, cette force ne
modifie pas les forces d’interaction entre particules). On supposera également que
cette force dérive d’un potentiel Φ(~r ), autrement dit f~(~r ) = −∇Φ(~
~ r ), et que ses va-
riations en fonction de ~r sont inappréciables à l’échelle microscopique : au voisinage
de la position ~r, on pourra toujours définir un élément de volume δV suffisamment
petit à l’échelle macroscopique pour pouvoir considérer que le potentiel y est uni-
forme, et suffisamment grand à l’échelle microscopique pour pouvoir appliquer un
traitement statistique aux particules qu’il contient.
On choisit justement cet élément de volume δV comme système δS, et on note δN
le nombre de particules qu’il contient. Soit j un microétat accessible au système
δS et δEj◦ (δV, δN ) l’énergie correspondant à cet état lorsqu’il n’y a pas de forces
extérieures. Lorsqu’on applique la force extérieure, cette énergie devient :
δEj (δV, δN, ~r ) = δEj◦ (δV, δN ) + Φ(~r ) δN
Φ(~r ) δN étant indépendant de j, la fonction de partition canonique ZT (T, δV, δN, ~r )
de δS s’exprime en fonction de la fonction de partition sans champ ZT◦ (T, δV, δN ) :
ZT (T, δV, δN, ~r ) = e−δEj (δV,δN,~r )/kb T = ZT◦ (T, δV, δN ) e−Φ(~r ) δN/kb T
P
j

avec ZT (T, δV, δN ) = e−δEj (δV,δN )/kb T

P
j
et sa fonction de partition grand canonique s’écrit
∞ ∞
ZT (T, δV, δN, ~r ) e µδN/kb T = ZT◦ (T, δV, δN ) e [ µ−Φ(~r ) ] δN/kb T
P P
ZTµ (T, δV, µ, ~r ) =
δN =0 δN =0
On définit le potentiel chimique local par
µ̃(~r ) = µ − Φ(~r )
Il permet d’écrire le grand potentiel de la manière habituelle :
   
Ψ T, δV, µ̃(~r ) = −kb T ln ZTµ T, δV, µ̃(~r )

avec ZTµ T, δV, µ̃(~r ) = ZT◦ (T, δV, δN ) e µ̃(~r ) δN/kb T
  P
δN =0
Les propriétés locales du système sous champ se calculent de la manière habituelle,
à condition de remplacer le potentiel chimique par le potentiel chimique local :
  
∂Ψ ∂Ψ ∂Ψ
δS(~r ) = − p(~r ) = − δN (~r ) = −
∂T δV, µ̃(~r ) ∂δV T, µ̃(~r ) ∂ µ̃(~r ) T, δV
puis d’exprimer l’équilibre global en écrivant
µ = µ̃(~r ) + Φ(~r ) = cste (indépendant de ~r )
90 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

L’équilibre apparaît comme étant le résultat d’une compétition entre potentiel exté-
rieur et potentiel chimique : le potentiel extérieur tend à concentrer les particules là
où il est minimum, alors que le potentiel chimique tend à homogénéiser le système.

Exemple 1 : gaz parfait dans un champ de pesanteur


Soit une colonne de gaz parfait de hauteur infinie et soumise au champ de pesan-
teur ~g = −g~ez . Le potentiel chimique local se calcule comme le potentiel chimique
habituel :
p(z) p(0)
µ̃(z) = µ0T + kb T ln et µ̃(0) = µ0T + kb T ln
p0 p0
L’équilibre global est assuré si µ̃(z) + mgz = cste = µ̃(0) ; on en déduit
p(z) p(0)
kb T ln + mgz = kb T ln ⇒ p(z) = p(0) e−mgz/kb T
p0 p0
et, puisque p = nkb T ,

n(z) = n(0) e−mgz/kb T

Un résultat qui nécessite en mécanique la résolution d’une équation différentielle.


On peut en déduire l’altitude du centre de masse de la colonne de gaz, autrement
dit l’altitude moyenne des molécules. On trouve, en posant u = mgz/kb T ,
R∞ R ∞ −u
zn(z) dz k T u e du kb T
z̄ = R0 ∞ 0R
b
= ∞ u =
0
n(z) dz mg 0 e du mg

Supposons maintenant que la hauteur de la colonne n’est pas infinie mais vaut h ;
si on place l’origine à mi-hauteur, on doit avoir, connaissant la densité moyenne n̄,
autrement dit la densité homogène que l’on obtiendrait en l’absence du champ de
pesanteur,
Z +h/2
n(z) dz = n̄h
−h/2

Sachant n(z) = n(0) e−mgz/kb T , cette équation permet de calculer n(0) :


Z +h/2
y mgh
n(0) e−mgz/kb T dz = n̄h ⇒ n(0) = n̄ avec y =
−h/2 sh y 2kb T
puis la position du centre de masse par rapport à l’origine située à mi-hauteur :
R +h/2 y
R +h/2 −mgz/k T
zn(z) dz n̄ ze dz
b  
−h/2 sh y −h/2 h 1
z̄ = R +h/2 = = − coth y −
n(z) dz n̄h 2 y
−h/2

Les deux extrêmes : (i) au zéro absolu (y → ∞), on trouve z̄ = − 12 h : les molécules
s’agglutinent là où l’énergie potentielle est minimale ; (ii) aux températures infinies
(y → 0), on trouve z̄ = 0 : cette fois c’est le potentiel chimique qui joue son rôle, et
les molécules sont réparties de façon homogène dans la colonne.
3.6 Gaz parfait sous champ de force extérieur (27 janvier 2024) 91

La fonction
1
L(y) = coth y −
y
est la fonction de Langevin représentée figure 3.5.

1
Figure 3.5 – Fonction de Langevin L(y) = coth y −
y

Exemple 2 : gaz parfait en contact avec une surface attractive


La surface est supposée verticale, perpendiculaire en O à un certain axe horizontal
Ox. Le gaz, situé dans le demi-espace x > 0, est soumis de la part de la surface à
une énergie potentielle U (x) tendant vers 0 quand x tend vers +∞, présentant un
minimum (négatif) à une certaine distance r de la surface (le rayon de l’atome par
exemple), et tendant vers +∞ quand x tend vers 0.
La condition d’équilibre s’écrit ici
p(x) p(r)
µ0T + kb T ln + U (x) = cste (calculée en x = r) = µ0T + kb T ln + U (r)
p0 p0
On en déduit, puisque p = nkb T ,

p(x) = p(r) e U (r)/kb T e −U (x)/kb T ⇒ n(x) = n(r) e U (r)/kb T e −U (x)/kb T

Soit ` la taille de l’enceinte parallèlement à l’axe x, et n0 la densité moyenne du


gaz, autrement dit la densité homogène qu’aurait le gaz en l’absence de la surface
attractive. Connaissant le profil U (x), on calcule n(r) e U (r)/kb T en écrivant :
R` n0 `
0
n(x) dx = n0 ` ⇒ n(r) e U (r)/kb T = R `
0
e−U (x)/kb T dx
et on en déduit
n0 ` e −U (x)/kb T
n(x) = R `
0
e−U (x)/kb T dx
Pour calculer la densité superficielle σ de la phase adsorbée, on considère qu’un
atome est adsorbé si la distance entre cet atome et la surface est inférieure à r ou à
quelque chose d’approchant (disons kr, k > ∼ 1) :
Z kr R kr −U (x)/k T
e b
dx
σ= n(x) dx = n0 ` R0 `
0
0
e−U (x)/kb T dx
92 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

3.6.2 Application aux champs électriques


Thermodynamique des milieux diélectriques
On considère un gaz constitué de deux types de particules, les unes chargées posi-
tivement (des cations de charge +q), les autres négativement (des anions de charge
−q). Le système global est électriquement neutre : il y a autant d’anions que de
cations, N de chaque.
Le récipient est un parallélépipède rectangle inséré entre deux plaques, l’une chargée
positivement et l’autre négativement (figure 3.6 à gauche). On suppose le gaz suffi-
samment dilué pour négliger les interactions électrostatiques entre particules par
rapport aux interactions avec les plaques (le gaz est supposé parfait). La pesanteur
n’intervient pas dans l’étude.

Figure 3.6 – Gaz sous champ électrique : géométrie et répartition des charges fictives

On notera +σ et −σ les densités de charges de chacune des plaques. Pour éviter


les effets de bord, on supposera les deux plaques de dimension infinie. Le champ
électrique uniforme entre les deux plaques est dirigé du bas vers le haut sur la figure
et vaut E = +σ/0 .[ 13] Les cations y sont donc soumis à une force +qE (dirigée vers
le haut), et les anions à une force −qE (dirigée vers le bas). Tout se passe comme si
les particules baignaient dans deux champs d’énergie potentielle opposés :
U + (z) = −qEz pour les cations et U − (z) = +qEz pour les anions
Si on suit le même raisonnement que sous champ de pesanteur, on écrit les densités
n+ (z) et n− (z) (en cations par m3 et en anions par m3 )
n+ (z) = n+ (0) e +qEz/kb T et n− (z) = n− (0) e−qEz/kb T
On détermine ensuite les deux constantes n+ (0) et n− (0) en disant que les densités
moyennes valent n̄ (la densité homogène commune aux cations et aux anions que
l’on observerait en l’absence de champ électrique) :
y qEL
n+ (0) = n− (0) = n̄ avec y =
sh y 2kb T
Les centres de gravité des charges positives et négatives se trouvent respectivement
aux cotes z + et z − données par
   
L 1 L 1
+
z = coth y − et z = − coth y −

2 y 2 y
On peut remarquer que lorsque T tend vers 0, z tend vers + 21 L et z − vers − 12 L, et
+

que par conséquent les charges sont agglutinées sur les parois supérieure et inférieure,
et donc que l’enceinte est entièrement vide.
13. 0 est la permittivité diélectrique du vide : 0 = 8, 854 187 8128 (13)×10−12 F/m.
3.6 Gaz parfait sous champ de force extérieur (27 janvier 2024) 93

Mais ce que nous n’avons pas pris en compte, c’est que la répartition non homogène
des charges crée un champ électrique induit venant se superposer (s’opposer) au
champ appliqué. Ce champ induit est impossible à calculer puisqu’il nécessite la
connaissance de la répartition des charges, c’est-à-dire du résultat. Le milieu est
dit diélectrique : le champ électrique effectif présent dans le milieu est différent du
champ appliqué.
À partir de maintenant, E désignera le champ effectif. Le champ appliqué σ/0 sera
noté D. La constante diélectrique  du milieu est définie par la relation D =  E.
Soit D0 = E − D le champ induit. Tout comme à D est associée une densité de
charge σ, on associe à D0 une charge fictive σ 0 : le champ D0 est égal à celui que
provoquerait la présence de densités de charge +σ 0 et −σ 0 respectivement sur les
parois supérieure et inférieure du récipient (figure 3.6 à droite). On écrira donc,
puisque D0 s’oppose au champ appliqué, D0 = −σ 0 /0 . Le champ électrique total
dans le milieu vaut E = D + D0 = D − σ 0 /0 .
En thermodynamique, D est une variable intensive. Tout comme p et T , il peut
être contrôlé de l’extérieur (par l’intermédiaire de σ). Le champ D0 par contre est
incontrôlable : il dépend de la réaction du milieu à l’action de D.
On cherche la variable extensive associée à D ; c’est celle dont le produit avec D
donne l’énergie emmagasinée par le système sous l’effet de D. On la notera M : c’est
par défintion le moment dipolaire total du système.
Calculons le travail fourni au système lorsque σ passe à σ + dσ. Si A est l’aire
des plaques en regard avec l’enceinte, ce travail est utilisé pour transporter une
charge A dσ de la plaque supérieure (chargée négativement) vers la plaque inférieure
(chargée positivement).
À ce déplacement s’oppose un champ E sur une longueur L, et un champ D sur
une longueur L0 − L. D’où le travail fourni : dW1 = ELA dσ + D(L0 − L)A dσ. Si
l’espace entre les deux plaques était vide, ce travail vaudrait dW0 = DL0 A dσ. La
contribution du système vaut donc dW = dW1 − dW0 .
On trouve, sachant V = LA,
σ0 dσ
dW = (E − D)V dσ = D0 V dσ = − V dσ = −σ 0 V = −σ 0 V dD
0 0
La densité de charge σ 0 est habituellement notée P : c’est la polarisation. La grandeur
extensive M recherchée vaut au signe près P V .
Bilan : une contribution −M dD à tout dΦD , où ΦD est un potentiel thermodyna-
mique fonction de D, et par conséquent une contribution +D dM à tout dΦM , où
ΦM est un potentiel thermodynamique fonction de M :[ 14]

E = E(S, V, M, N ) dE = T dS − p dV + D dM + µ dN
F (T, V, M, N ) = E − T S dF = −S dT − p dV + D dM + µ dN
ΦTD (T, V, D, N ) = E − T S − DM dΦTD = −S dT − p dV − M dD + µ dN
ΦTp (T, p, M, N ) = E − T S + pV dΦTp = −S dT + V dp + D dM + µ dN
G(T, p, D, N ) = E − T S + pV − DM dG = −S dT + V dp − M dD + µ dN
14. N étant ici le nombre de couples anion-cation, µ est le potentiel chimique d’un couple ;
puisqu’on suppose que le système reste électriquement neutre en toutes circonstances, on ne peut
faire varier la quantité de matière que couple par couple.
94 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

Molécules dipolaires dans un champ électrique


La diélectricité à l’échelle microscopique peut avoir différentes origines. Dans tous
les cas, le champ électrique appliqué provoque un déplacement des charges, de sorte
que le centre de gravité des charges positives ne coïncide plus avec celui des charges
négatives. Le système devient porteur d’un moment dipolaire induit porté par la
droite liant les deux centres de gravité. On vient d’en voir un exemple, en voici un
autre.
Dans le système étudié ici, il n’est plus question d’anions et de cations. On considère
un système d’atomes ou de molécules électriquement neutres. Le moment dipolaire
est dû à une déformation des nuages électroniques : les noyaux sont attirés par la
plaque chargée négativement, et les nuages électroniques par la plaque chargée po-
sitivement. Chaque molécule devient porteuse d’un moment dipolaire, et le moment
dipolaire total est la somme vectorielle des moments dipolaires individuels.
Certaines molécules, comme H2 O ou HCl, portent un moment dipolaire permanent.
Même en l’absence de champ, les deux centres de gravité de coïncident pas. Lors-
qu’on applique le champ, d’une part un moment dipolaire induit vient s’ajouter au
permanent (déformation des nuages électroniques), d’autre part le moment dipolaire
résultant (permanent et induit) a tendance à s’aligner à la direction du champ. Il
y a donc perturbation des degrés de liberté de rotation de la molécule. Les degrés
de liberté de vibration sont en toute rigueur également perturbés (modification des
niveaux d’énergie électroniques) mais nous n’en tiendront pas compte dans l’étude.
Les degrés de liberté de translation par contre ne sont pas du tout perturbés par la
présence du champ : les molécules restent électriquement neutres et ne présentent
aucune attirance vers l’une ou l’autre des plaques chargées.
On considère un gaz parfait monoconstituant constitué de N molécules que l’on
plonge dans un champ électrique uniforme D ~ orienté suivant un axe Oz.
Les conditions de travail (T , V , D, N constants) conduisent tout naturellement à
travailler dans l’ensemble statistique de fonction caractéristique ΦTD (T, V, D, N ) :
ΦTD (T, V, D, N ) = E − T S − DM = −kb T ln ZTD (T, V, D, N )
avec ZTD (T, V, D, N ) = ZT (T, V, M, N ) e +DM/kb T
P
M
Que l’on travaille à M ou à D constant, les molécules sont indépendantes :
[zT (T, V, M )]N [zTD (T, V, D)]N
ZT (T, V, M, N ) = ou ZTD (T, V, D, N ) =
N! N!
Travaillant à D constant, le problème revient à calculer la fonction de partition
zTD (T, V, D) relative à une molécule. Deux phénomènes interviennent :
• Le moment dipolaire permanent de la molécule a tendance à s’aligner avec le
champ électrique appliqué D.~ L’énergie emmagasinée par un dipôle de moment
dipolaire µ
~ 0 dans un champ D ~ vaut (θ est l’angle entre µ
~ 0 et D)
~ :
−~µ0 · D~ = −µ0 D cos θ
• Un moment dipolaire induit µ ~ i apparaît. En champ faible, il est proportionnel
à D : µ
~ ~ i = αD. Le coefficient α est une propriété de la molécule appelée
~
polarisabilité. Le travail nécessaire pour créer ce moment induit vaut :
Z D Z D
−µi (D) dD = −αD dD = − 21 αD2
0 0
3.6 Gaz parfait sous champ de force extérieur (27 janvier 2024) 95

La somme des deux contributions est appelée énergie potentielle rotationnelle :


Ur (θ, D) = −µ0 D cos θ − 21 αD2
Pour calculer la fonction zTD , il faut sommer e−Ur /kb T sur tous les états possibles.
Cette somme est ici une intégrale : il faut sommer sur tous les vecteurs µ ~ =µ~0 + µ ~i
possibles, autrement dit intégrer sur toutes les orientations (θ, φ) possibles de µ ~ :
µ0 D cos θ + 12 αD2
Z 2π Z π  
zTD (T, V, D) = K dφ exp sin θ dθ
0 0 kb T
K est un facteur multiplicatif prenant en compte les autres contributions : on le
déterminera en fin de calcul en disant que, à D = 0, zTD doit coïncider avec la
fonction zT habituelle.
αD2
Les calculs ne posent aucune difficulté ; l’intégrale sur φ vaut 2π, exp 2k bT
sort de
l’intégrale sur θ ; dans cette dernière, on pose cos θ = u et donc sin θ dθ = − du :
Z +1
sh y αD2 /2kb T µ0 D
avec y =
2 /2k T
zTD (T, V, D) = 2πK e αD b e yu du = 4πK e
−1 y kb T
Pour que le résultat soit correct à D = 0, on doit poser K = zT /4π :
sh y αD2 /2kb T
zTD (T, V, D) = zT (T, V ) e
y
Résultat du calcul pour N molécules :
N
[zT (T, V )]N sh y

µ0 D
avec y =
2
ZTD (T, V, D, N ) = e N αD /2kb T
N! y kb T

ΦTD (T, V, D, N ) = −kb T ln ZTD (T, V, D, N )


N αD2 sh y
= F (T, V, N ) − − N kb T ln
2 y
[zT (T, V )]N
où F (T, V, N ) = −kb T ln est l’énergie libre habituelle, à D = 0.
N!
On en déduit par dérivations toutes les propriétés thermodynamiques du système.
Nous nous limiterons au calcul du moment dipolaire M et de la capacité thermique
CVD à V et D constants. La fonction F (T, V, N ) sera supposée connue, ainsi que sa
contribution CV à CVD . La fonction L introduite dans les expressions est la fonction
de Langevin définie page 91 et représentée figure 3.5.
Moment dipolaire. De dΦTD = −S dT − p dV − M dD + µ dN on déduit :

∂ΦTD  
M =− = N αD + µ0 L(y)
∂D T,V,N
Étudions les deux cas extrêmes.
• En champ fort ou à basse température, L(y) tend vers 1. Le moment dipolaire
moyen par molécule vaut alors

L(y) ≈ 1 ⇒ µ̄ = αD + µ0 L(y) ≈ αD + µ0

Tous les moments sont alignés à D.


~ La rotation est bloquée.
96 (27 janvier 2024) CHAPITRE 3. ATOMES ET MOLÉCULES

• Sous faible champ ou à haute température, y est petit. On peut dans ces condi-
tions utiliser le développement limité de L :
y y3 µ2 D
L(y) ≈ − ⇒ µ̄ = αD + µ0 L(y) ≈ αD + 0
3 45 3kb T
Le premier terme est le moment dipolaire induit. On peut vérifier que le
deuxième est la moyenne de la composante parallèle à D ~ du moment dipo-
laire permanent µ ~ 0 , autrement dit µ0 cos θ, dans une situation où l’orientation
de celui-ci est aléatoire :
R 2π R π
(µ0 cos θ) e µ0 D cos θ/kb T sin θ dθ dϕ µ2 D
0
R0 2π R π = 0
e µ0 D cos θ/kb T sin θ dθ dϕ 3kb T
0 0

Conclusion : à haute température ou sous faible champ, les rotateurs sont


libres ; les orientations des moments dipolaires permanents sont distribués
aléatoirement.
Capacité thermique. Pour la capacité thermique CVD , il faut exprimer le poten-
tiel ΦD = E − DM en fonction de (T, V, D, N ).[ 15] On trouve
 
ΦD = E − DM = E − N D αD + µ0 L(y)
y2
  
∂ΦD
CVD = = CV + N k b 1 − 2 −→ figure 3.7
∂T V,D,N sh y

CV est la capacité thermique habituelle, c’est-à-dire ici celle que l’on mesure à D = 0.

CVD − CV µ0 D
Figure 3.7 – Milieux diélectriques : en fonction de y =
N kb kb T

15. Pour les calculs de CVM , CpM et CpD , on doit dériver par rapport à T , respectivement
E(T, V, M, N ), Φp (T, p, M, N ) = E + pV et H(T, p, D, N ) = E + pV − DM .
Annexe A

Théorie des ensembles de Gibbs

A.1 Ensemble statistique, énoncé des postulats


Soit un système en équilibre thermodynamique avec le milieu extérieur. À l’échelle
microscopique, cet équilibre n’est pas figé. Les particules sont en perpétuel mou-
vement, et le macroétat observé correspond à un état stationnaire, les microétats
visités fluctuant autour d’un certain état moyen. Les moyennes temporelles étant
impossibles à calculer, on a recours, selon la méthode de Gibbs, à ce qu’on appelle
des moyennes d’ensemble.
Ensemble statistique. Si on photographie le système à un instant donné, on le
trouvera dans tel ou tel microétat qui ne correspondra pas forcément à l’état d’équi-
libre. Un ensemble statistique est un rassemblement, par la pensée, d’un très grand
nombre N de ces photos prises au hasard dans un certain intervalle de temps ∆t.
Cet ensemble statistique constitue un super-système que l’on place dans le même
environnement que le système d’origine.
Principe ergodique. Si ∆t est suffisamment long, on verra passer le système par
tous les microétats compatibles avec le macroétat d’équilibre, avec des temps de
passage, pour ces microétats, proportionnels aux probabilités d’apparition.
De même, si N est suffisamment grand, tous les microétats seront présents dans
l’ensemble statistique, en nombres proportionnels à leurs probabilités d’apparition.
De cette analogie découle le premier postulat appelé principe ergodique :

La moyenne dans le temps sur une durée ∆t d’une variable mécanique


d’un système thermodynamique est égale à la moyenne de cette variable
sur un ensemble statistique construit à partir du système, dans la limite
où ∆t et le nombre N de systèmes constituant l’ensemble statistique sont
suffisamment grands.

Pour faire court, moyenne temporelle et moyenne d’ensemble coïncident.


Autrement dit on ne cherche pas à savoir – car c’est impossible – par quels microétats
est passé le système durant ∆t ; on se contente de répertorier les différents micro-
états accessibles au système et on fabrique un ensemble constitué de N systèmes,
avec l’hypothèse que dans cet ensemble les nombres de systèmes dans les différents
microétats sont proportionnels aux propabilités d’apparition correspondantes.
98 (27 janvier 2024) ANNEXE A. THÉORIE DES ENSEMBLES DE GIBBS

Principe d’équiprobabilité. Le deuxième postulat définit les probabilités d’ap-


parition des différents microétats accessibles à un système isolé. C’est le principe
d’équiprobabilité :
Pour un système isolé à l’équilibre, tous les microétats accessibles sont
équiprobables. Si Ω est le nombre de microétats accessibles, la probabilité
de trouver le système dans un microétat donné vaut Ω1 quel que soit le
microétat considéré.
Autrement dit, à énergie constante, il n’y a aucune raison de favoriser un microétat
par rapport aux autres. Ω est appelé nombre de complexions du système.
Ce principe est à relier au théorème de l’énergie interne minimale : à l’équilibre,
un système isolé se met spontanément à son énergie interne minimale. Si plusieurs
microétats répondent à cette condition, ils sont tous équiprobables.

A.2 Le calcul statistique


Préambule. Envisageons dans un premier temps un système isolé et dont l’état
thermodynamique est entièrement défini par la donnée des trois grandeurs (E, V, N ).
Le système étant isolé, les grandeurs (E, V, N ) sont fixées, et il est en principe pos-
sible de répertorier toutes les complexions, c’est-à-dire tous les microétats compa-
tibles avec le macroétat mesuré. Le nombre de complexions Ω est, pour un système
de taille macroscopique, extrêmement grand. On construit l’ensemble statistique en
rassemblant un très grand nombre N de systèmes, tous macroscopiquement iden-
tiques au système « prototype », c’est-à-dire possédant tous une énergie interne E,
un volume V et un nombre N de particules. Autrement dit chaque système est dans
l’un des Ω microétats accessibles. On suppose N beaucoup plus grand que Ω, de
sorte que les nombres (n1 ... nm ... nΩ ) de systèmes dans chacun des Ω microétats
sont tous extrêmement grands, et en nombres représentatifs de leurs probabilités
d’être observés. On tire au hasard un système de l’ensemble. La probabilité de le
trouver dans l’état m vaut, en vertu du principe d’équiprobabilité,[ 1]
nm 1
Pm = lim =
N →∞ N Ω
Conclusion : lorsque le système est isolé, il n’est pas nécessaire de travailler avec
un nombre extrêmement grand de systèmes (N  Ω). Il suffit de construire un
ensemble constitué de Ω systèmes exactement, à raison de un par microétat.[ 2]
On peut remarquer que cette simplification est possible uniquement parce que l’on
connaît les probabilités Pm . Chacune vaut Ω1 exactement. On pourrait être tenté
d’étendre le raisonnement aux systèmes non isolés, et construire un ensemble où les
microétats seraient représentés en nombres proportionnels à leurs probabiltés d’ap-
parition. Mais le problème est que ces probabilités sont inconnues. C’est justement
ce que l’on cherche à calculer.

1. Supposer N très grand signifie qu’on le fait tendre vers l’infini.


2. Cet ensemble, dans ce cas précis où le système envisagé est isolé, est appelé ensemble micro-
canonique.
A.2 Le calcul statistique (27 janvier 2024) 99

Traitement général. Le traitement qui suit suppose que le système thermodyna-


mique est entièrement décrit par la donnée des trois variables E, V , N . Il se généralise
sans difficulté à une liste de v variables extensives plus quelconques. Les équations
thermodynamiques de base sont donc, en posant Σ = S/kb ,

Équation d’Euler : Σ(E, V, N ) = βE + ξV + γN


Équation de Gibbs : dΣ = β dE + ξ dV + γ dN (A.1)

Le système étudié est supposé être placé dans un bain très grand fixant les gran-
deurs intensives (β, ξ, γ) : les variables extensives associées (E, V, N ) sont libres de
traverser le contour et ainsi de fluctuer. Nous aurons donc besoin également de
la transformée de Legendre de Σ par rapport à toutes les variables, c’est-à-dire la
fonction Φβξγ :

Φβξγ (β, ξ, γ) = βΘ = βE + ξV + γN − Σ
dΦβξγ = E dβ + V dξ + N dγ (A.2)

Le système, supposé de taille macroscopique, a accès à un très grand nombre de


microétats. Ceux-ci, rangés dans un ordre quelconque, sont numérotés (indice m).
On supposera connus les niveaux d’énergie Em sur lesquels se trouvent les différents
microétats m, ainsi que les valeurs Vm de V et Nm de N correspondantes.
L’objectif est de calculer les valeurs moyennes (Ē, V̄ , N̄ ). Ce calcul nécessite la
connaissance des probabilités Pm d’apparition de chacun des états m au cours du
temps de mesure ∆t. Il est nécessaire pour ce calcul d’utiliser le principe d’équipro-
babilité, chose impossible à faire sur le système puisqu’il n’est pas isolé.
Dans le but d’utiliser le principe d’équiprobabilité, on construit un ensemble sta-
tistique constitué de N systèmes séparés par des parois parfaitement perméables
à (E, V, N ). Tous les systèmes sont macroscopiquement identiques au système de
départ : ils ont tous accès aux mêmes microétats. On place l’ensemble dans le bain,
et une fois l’équilibre atteint, on l’isole et on le retire du bain. On obtient ainsi un
super-système isolé, caractérisé par des grandeurs extensives (Etot , Vtot , Ntot ) fixes.
En vertu du principe ergodique, Pm devient la probabilité, lorsqu’on tire au hasard
un système dans l’ensemble, de tomber sur un système dans l’état m.
Il suffit maintenant de reprendre le raisonnement suivi dans le préambule en l’ap-
pliquant au super-système que constitue l’ensemble statistique. Le super-système
est observé pendant un intervalle de temps ∆t. Durant ∆t, les N systèmes qui le
constituent échangent continuellement certaines quantités d’énergie, de volume et de
matière : à chaque instant, le microétat du super-système est défini par la donnée de
N indices m1 (t), . . . mN (t), chacun représentant le microétat de chacun des N sys-
tèmes à l’instant t. Pour calculer les grandeurs instantanées, il suffit de connaître les
nombres nm (t) de systèmes dans chacun des états m à l’instant t. Le super-système
étant isolé, on a à chaque instant t :
P P P P
nm (t) = N ; Em nm (t) = Etot ; Vm nm (t) = Vtot ; Nm nm (t) = Ntot
m m m m
Mais encore une fois ces valeurs instantanées sont impossibles à calculer. Il nous faut
donc construire un ensemble statistique, que l’on appellera super-ensemble, à partir
de ce super-système. Chaque élément de ce super-ensemble est isolé, comme dans
100 (27 janvier 2024) ANNEXE A. THÉORIE DES ENSEMBLES DE GIBBS

le préambule : il suffit, pour construire le super-ensemble, de Ωtot super-systèmes,


un par (super-)microétat accessible au super-système, c’est-à-dire caractérisé par
(Etot , Vtot , Ntot ).
On tire au hasard l’un des super-systèmes du super-ensemble. La probabilité de
tomber sur celui qui est dans le super-microétat ω vaut :
1
P (ω) = ∀ ω = 1 à Ωtot
Ωtot
On tire au hasard un système de ce super-système ω. Si nm (ω) est le nombre de
systèmes dans l’état m qu’il contient, la probabilité de tomber sur un système dans
l’état m vaut, puisque N est très grand :
nm (ω) nm (ω)
pm (ω) = lim = ∀ ω = 1 à Ωtot
N →∞ N N
On en déduit

Ptot 1 ΩP tot
Pm = P (ω) × pm (ω) = nm (ω)
ω=1 N Ωtot ω=1
On peut réécrire cette somme en utilisant la notion de distribution. On classe les
Ωtot super-systèmes et on les range dans différentes « boîtes ». Chaque boîte contient
tous les super-systèmes se déduisant l’un l’autre par permutation sur les systèmes.
En clair, tous les super-systèmes d’une boîte donnée possèdent la même liste de nm .
Cette liste (n1 , . . . , nm , . . .), appelée distribution, sera notée {n}.
Toutes les distributions sont compatibles avec les valeurs (Etot , Vtot , Ntot ) :

(A.3)
P P P P
nm = N ; Em nm = Etot ; Vm nm = Vtot ; Nm nm = Ntot
m m m m

Le nombre de super-systèmes contenus dans la boîte {n} = (n1 , . . . , nm , . . .) est le


nombre de façons d’ordonner n1 objets de type 1, n2 objets de type 2, etc. (avec
n1 + n2 + ... = N ) :
N! N!
Ω{n} = =Q
n1 ! ... nm ! ... nm !
m
Le nombre total de super-systèmes et le nombre de systèmes dans le microétat m
valent respectivement :[ 3]
(A.3) Ω tot (A.3)
Ωtot = Ω{n} et
P P P
nm (ω) = Ω{n} nm
{n} ω=1 {n}
Ce qui donne finalement :
(A.3)
P
Ω{n} nm
1 {n} N!
Pm = avec Ω{n} = Q
N (A.3)
P nm0 !
Ω{n} m0
{n}
On utilise maintenant la méthode du terme maximum : parmi toutes les distribu-
tions {n} possibles, seules quelques unes participent significativement aux sommes
(A.3)
P
3. Notation : = somme sur les distributions vérifiant les contraintes (A.3)
{n}
A.2 Le calcul statistique (27 janvier 2024) 101

en numérateur et dénominateur. Ces distributions sont réparties autour de la distri-


bution la plus probable (n∗1 , . . . , n∗m , . . .) que l’on notera {n∗ }.
La méthode du terme maximum, valable dans la limite des très grands nombres,
permet de retirer les signes sommes et de ne garder que la distribution la plus
probable aussi bien au numérateur qu’au dénominateur :
(A.3)
P
Ω{n} nm
1 {n} 1 Ω{n∗ } n∗m n∗m
Pm = ≈ =
N (A.3)
P N Ω{n∗ } N
Ω{n}
{n}
Cette distribution la plus probable est celle qui rend ln Ω{n} maximum.
C’est un maximum sous contraintes : la distribution {n∗ } recherchée doit vérifier
les quatre conditions (A.3). On introduit donc quatre multiplicateurs de Lagrange
(α0 , α1 , α2 , α3 ) ; les n∗m constitutifs de la distribution {n∗ } doivent vérifier :
 
∂ P P P P
ln Ω{n} − α0 nm0 − α1 Em0 nm0 − α2 Vm0 nm0 − α3 Nm0 nm0 = 0
∂nm m0 m0 m0 m0
Attention : avant de dériver, il faut écrire Ω{n} uniquement en fonction des nm0 ,
c’est-à-dire y remplacer N par la somme des nm0 .
Cette précaution étant prise, le calcul conduit à :

n∗m = N e−α0 e−α1 Em e−α2 Vm e−α3 Nm

puis à
n∗m
Pm = = e−α0 e−α1 Em e−α2 Vm e−α3 Nm
N
Pour déterminer les multiplicateurs, on introduit le résultat obtenu dans les contraintes
(A.3). Une seule (la première) conduit à quelque chose d’utile :[ 4]

e α0 = e−α1 Em e−α2 Vm e−α3 Nm


P
m

C’est ce qu’on appelle une fonction de partition. Elle n’est fonction que de (α1 , α2 , α3 ).
On la notera Z(α1 , α2 , α3 ) :

e−α1 Em e−α2 Vm e−α3 Nm (A.4)


P
Z(α1 , α2 , α3 ) =
m
e−α1 Em e−α2 Vm e−α3 Nm
et Pm (α1 , α2 , α3 ) = (A.5)
Z(α1 , α2 , α3 )
P
4. Les trois autres ne conduisent qu’à des expressions de la forme X̄ = Xm Pm :
m
Etot P e−α1 Em e−α2 Vm e−α3 Nm P
Ē(α1 , α2 , α3 ) = = Em = Em Pm (α1 , α2 , α3 )
N m Z(α1 , α2 , α3 ) m
Vtot P e−α1 Em e−α2 Vm e−α3 Nm P
V̄ (α1 , α2 , α3 ) = = Vm = Vm Pm (α1 , α2 , α3 )
N m Z(α1 , α2 , α3 ) m
−α E −α V
e 1 me 2 me 3 m −α N
Ntot P P
N̄ (α1 , α2 , α3 ) = = Nm = Nm Pm (α1 , α2 , α3 )
N m Z(α1 , α2 , α3 ) m
On tombe sur les définitions même des valeurs moyennes Ē, V̄ , N̄ .
102 (27 janvier 2024) ANNEXE A. THÉORIE DES ENSEMBLES DE GIBBS

A.3 Confrontation avec la thermodynamique


Cette confrontation est nécessaire car l’introduction du résultat dans les contraintes
n’a pas permis de déterminer les trois multiplicateurs de Lagrange (α1 , α2 , α3 ).
De l’expression de Pm (A.5) on tire

− ln Z(α1 , α2 , α3 ) = α1 Em + α2 Vm + α3 Nm + ln Pm

On multiplie les deux membres par Pm et on somme sur m. On obtient :


h P i
− ln Z (α1 , α2 , α3 ) = α1 Ē + α2 V̄ + α3 N̄ − − Pm ln Pm
m
Comparons ce résultat et la relation (A.2) réécrite ci-dessous :

Φβξγ (β, ξ, γ) = βE + ξV + γN − Σ

L’analogie est frappante : on identifie les valeurs moyennes (Ē, V̄ , N̄ ) aux variables
(E, V, N ) de la thermodynamique, on identifie les multiplicateurs (α1 , α2 , α3 ) aux
variables intensives (β, ξ, γ), et on en déduit se qu’on appelle l’entropie statistique :

(A.6)
P
S(β, ξ, γ) = −kb Pm (β, ξ, γ) ln Pm (β, ξ, γ)
m

Et on fait le lien entre le potentiel Φβξγ et la fonction de partition Z :

Φβξγ (β, ξ, γ) = − ln Z(β, ξ, γ) (A.7)

avec, compte tenu des résultats (A.4) et (A.5),

Z(β, ξ, γ) = e−βEm e−ξVm e−γNm (A.8)


P
m
e−βEm e−ξVm e−γNm
et Pm (β, ξ, γ) = (A.9)
Z(β, ξ, γ)

Ce dernier résultat (A.9) est très important ; il permet de résoudre certains problèmes
de physique statistique sans utiliser la notion de fonction de partition. On peut
l’énoncer ainsi :
Pour un système où les variables (E, V, N ) sont libres de fluctuer,
la probabilité d’observer l’état m, caractérisé par une énergie Em , un
volume Vm et un nombre Nm de particules, est proportionnelle au (A.10)
facteur de Boltzmann e−βEm e−ξVm e−γNm
Annexe B

Unités SI et constantes physiques

Les sept unités de base (CGPM = Conférence générale des poids et mesures)
• La seconde, s, est l’unité de temps.
C’est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition
entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133 à une
température absolue T = 0 K (1967, 13e CGPM).
• Le mètre, m, est l’unité de longueur.
C’est la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de
1/299 792 458 seconde (1983, 17e CGPM).
• Le kilogramme, kg, est l’unité de masse.
Sa valeur est définie en fixant la valeur numérique de la constante de Planck à exactement
6, 626 070 15×10−34 s−1 ·m2 ·kg (2018, 26e CGPM).
• L’ampère, A, est l’unité de courant électrique.
Sa valeur est définie en fixant la valeur numérique de la charge élémentaire à exactement
1, 602 176 634×10−19 A·s (2018, 26e CGPM).
• Le kelvin, K, est l’unité de température.
Sa valeur est définie en fixant la valeur numérique de la constante de Boltzmann à
exactement 1, 380 649×10−23 s−2 ·m2 ·kg·K−1 (2018, 26e CGPM).
• La mole, mol, est l’unité de quantité de matière.
La mole est la quantité de matière d’un système contenant exactement NA =
6, 022 140 76 × 1023 entités élémentaires ; ce nombre NA est appelé nombre d’Avogadro,
et la nature des entités élémentaires doit être spécifiée : atomes, molécules, ions, élec-
trons ou autres particules ou groupements spécifiés de particules (2018, 26e CGPM).
• La candela, cd, est l’unité d’intensité lumineuse dans une direction donnée.
Elle est définie en fixant la valeur numérique de l’efficacité lumineuse d’un rayonnement
monochromatique de fréquence 540×1012 Hz à Kcd = 683 cd·sr·kg−1 ·m−2 ·s3 (1979).

Deux autres (inventées en 1870, introduites au SI en 1960 puis retirées en 1995)


• Le radian, rad, est l’unité d’angle plan.
C’est l’angle plan d’un secteur qui, ayant son sommet au centre d’un cercle, découpe sur
ce cercle une longueur égale au rayon du cercle.
• Le stéradian, sr, est l’unité d’angle solide.
C’est l’angle solide d’un cône qui, ayant son sommet au centre d’une sphère, découpe sur
la surface de cette sphère une aire égale à celle d’un carré ayant pour côté une longueur
égale au rayon de la sphère.
104 (27 janvier 2024) ANNEXE B. UNITÉS SI ET CONSTANTES PHYSIQUES

Unités SI dérivées (portant un nom)


• le coulomb, C, unité de quantité d’électricité, de charge électrique : 1 C = 1 A·s ;
• le farad, F, unité de capacité électrique : 1 F = 1 C2 /J ;
• le henry, H, unité d’inductance électrique : 1 H = 1 J/A2 ;
• le hertz, Hz, unité de fréquence : 1 Hz = 1 s−1 ;
• le joule, J, unité d’énergie : 1 J = 1 kg·m2 ·s−2 ;
• le lumen, lm, unité de flux lumineux : 1 lm = 1 cd/sr ;
• le lux, lx, unité d’éclairement : 1 lx = 1 lm/m2 ;
• le newton , N, unité de force : 1 N = 1 J/m ;
• l’ohm, Ω, unité de résistance électrique : 1 Ω = 1 W/A2 ;
• le pascal, Pa, unité de pression : 1 Pa = 1 J/m3 ;
• le siemens, S, anciennement le mho, f, unité de conductance électrique : 1 S = 1 Ω−1 ;
• le tesla, T, unité d’induction magnétique : 1 T = 1 Wb/m2 ;
• le volt, V, unité de potentiel électrique : 1 V = 1 J/C ;
• le watt, W, unité de puissance : 1 W = 1 J/s ;
• le weber, Wb, unité de flux d’induction magnétique : 1 Wb = 1 J/A.

Les préfixes multiplicatifs

préfixe kilo méga giga téra péta exa zetta yotta ronna quetta
symbole k M G T P E Z Y R Q
+3 +6 +9 +12 +15 +18 +21 +24 +27
valeur 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10+30
préfixe milli micro nano pico femto atto zepto yocto ronto quecto
symbole m µ n p f a z y r q
valeur 10−3 10−6 10−9 10−12 10−15 10−18 10−21 10−24 10−27 10−30

Les lettres grecques

alpha bêta gamma delta epsilon zêta êta thêta iota kappa lambda mu

α β γ δ , ε ζ η θ ι κ λ µ
A B Γ ∆ E Z H Θ I K Λ M
nu ksi omicron pi rhô sigma tau upsilon phi khi psi oméga

ν ξ o π ρ σ, ς τ υ φ, ϕ χ ψ ω
N Ξ O Π P Σ T Υ Φ X Ψ Ω
(27 janvier 2024) 105

Constantes universelles
Les valeurs des constantes physiques sont mises à jour tous les quatre ans dans une banque de
données appelée CODATA. En voici quelques unes issues du dernier millésime (2018, 26e CGPM).
Les cinq premières constantes du tableau ci-dessous sont exactes par définition du système d’unités ;
d’autres en découlent directement et sont donc exactes également[ 1] . Les autres sont déduites de
l’expérience : les chiffres entre parenthèses représentent l’incertitude.[ 2]

Célérité de la lumière dans le vide c = 299 792 458 m/s (exact)


Constante de Planck h = 6, 626 070 15×10−34 J·s (exact)
Charge électrique élémentaire e = 1, 602 176 634×10−19 C (exact)
Constante de Boltzmann kb = 1, 380 649×10−23 J/K (exact)
−1
Nombre d’Avogadro NA = 6, 022 140 76×1023 mol (exact)

Constante réduite de Planck ~ = h/2π = 1, 054 571 817...×10−34 J·s (exact)


Constante des gaz parfaits R = NA kb = 8, 314 462 618 153 24 J·K−1 ·mol−1 (exact)
Année lumière 1 al = 9, 460 730 472 5808×1015 m (exact)

Constante gravitationnelle G = 6, 674 30 (15)×10−11 kg−1 ·m3 ·s−2


Perméabilité magnétique du vide µ0 = 1, 256 637 062 12 (19)×10−6 H/m
Permittivité diélectrique du vide 0 = 8, 854 187 8128 (13)×10−12 F/m (µ0 0 = 1/c2 )

Propriétés des particules

Masse de l’électron me = 0, 910 938 370 15 (28)×10−30 kg


Masse du proton mp = 1, 672 621 923 69 (51)×10−27 kg
Masse du neutron mn = 1, 674 927 498 04 (95)×10−27 kg

Charge électrique de l’électron qe = −e = −1, 602 176 634×10−19 C (exact)


Charge électrique du proton qp = +e = +1, 602 176 634×10−19 C (exact)
Charge électrique du neutron qn = 0 (exact)

Moment magnétique de l’électron µe = −9, 284 764 7043 (28) ×10−24 J/T
Moment magnétique du proton µp = 1, 410 606 797 36 (60) ×10−26 J/T
Moment magnétique du neutron µn = −9, 662 3651 (23) ×10−27 J/T

1. L’année lumière est la distance parcourue par la lumière pendant une année julienne ; celle-ci
vaut 365,25 jours solaires exactement ; le jour solaire vaut 24 heures exactement, et l’heure vaut
3 600 secondes exactement ; vous multipliez 365, 25 × 24 × 3600 par 299 792 458 et vous obtenez les
9, 46... petamètres annoncés.
2. par exemple x = 1, 234 56 (78)×10−9 signifie x = (1, 234 56 ± 0, 000 78)×10−9 .

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