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FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES ÉTABLISSEMENTS DE

FORMATION PROFESSIONNELLE
AU
CENTRE D’EXAMEN AGRÉÉ : WORKSHOP PLUS GROUPE
TANGER

Mémoire DE FIN D’ÉTUDES


Licence Professionnelle Internationale

Logistique & Transport

Sujet:

L’IMPACT DE LA GUERRE EN
UKRAINE SUR LA CHAINE
LOGISTIQUE DU GAZ LIQUEFIE
DANS L’UNION EUROPEENE

Réalisé PAR : Sous l’encadrement de :

 RACHID KAIMA  Mr WASIF HAMMACH


 Mr LAZAR ABDELLATIF

Soutenu le : 18/11/2023

Année Universitaire : 2022/2023


Dédicaces

Je dédie ce mémoire,

A ma mère qui m’a soutenu et encouragé durant mes années d’études, depuis l’enfance ;

Qu’elle trouve ici le témoignage de ma profonde reconnaissance.

A mes frères, mes soeurs et Ceux qui ont partagé avec moi tous les moments d’émotion lors

de la réalisation de ce travail. Ils m’ont chaleureusement supporté et encouragé tout au long

de mon parcours.

A ma famille, mes proches et à ceux qui me donnent de l’amour et de la vivacité.

A tous mes amis qui m’ont toujours encouragé, et à qui je souhaite plus de succès.

A tous ceux que j’aime

Hommage à mon père, paix à son âme

Hommage à toutes les victimes des guerres, et des conflits géopolitiques, à cause des

ressources énergétiques ; sujet de ce mémoire.


L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Remerciements

Je souhaite avant tout remercier mon encadrant de mémoire, Mr LAZAR Abdellatif, pour

le temps qu’il a consacré à m’apporter les outils méthodologiques indispensables à la

conduite de cette recherche. Son exigence m’a grandement stimulé.

Je remercie en particulier Mr Wasif HAMMACH, mon deuxième encadrant, pour m’avoir

donné l’occasion extraordinaire de réaliser ce travail, et de sa disponibilité à me conseiller et

orienter mes idées.

L’enseignement de qualité dispensé par le BTL à Workshop a également su nourrir mes

réflexions et a représenté une profonde satisfaction intellectuelle, merci donc à toute l’équipe

de formateurs, Mr Omar AYASSINE, Mr Aziz OUBBAD, Mr Abdellatif LAZAR,

et Mr Wasif HAMMACH

Un grand merci également à Mr Ilyas EL AKKARI, fondateur de l’établissement Workshop,

pour sa disponibilité et ses encouragements aux étudiants pour qu’ils réussissent leurs

carrières professionnelles.

Je tiens à remercier spécialement Imane BLAL, qui fut la première à me faire découvrir

Workshop

Je voudrais exprimer ma reconnaissance envers ma sœur Samira qui m’a toujours encouragé à

poursuivre mes études pour développer mes compétences.

J’adresse mes sincères remerciements à ma mère, et à ma sœur Fatima, qui m’ont, Toujours,

encouragé à aller à l’école, depuis l’enfance ; elles étaient toujours fières

de ma réussite.

Je remercie mon fils Nizar, ma raison d’être, qui me donne beaucoup d’énergie et

d’encouragement.

À tous ces intervenants, je présente mes remerciements, mon respect et ma gratitude.

1
L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Résumé
La logistique joue un rôle essentiel dans la distribution du Gaz de Pétrole Liquéfié (GPL) au

niveau mondial. Cette ressource énergétique occupe une place indispensable dans les activités

industrielles et domestiques ; L’intervention militaire russe en Ukraine, suivie par des

sanctions économiques contre la Russie a engendré un impact direct sur les chaines

d’approvisionnement.

Dépendante du GNL russe, l’Union d’Europe a pris des mesures immédiates, pour lutter

contre une inflation galopante qui a atteint tous les secteurs ; Un long chalenge à parcourir

vis-à-vis cette rivalité géopolitique entre les pays occidentaux et la Russie, réduisant les

attentes de croissance mondiale en raison de l'incertitude quant à l'impact du conflit, en

particulier sur les chaînes d'approvisionnement mondiales. La course au gaz liquéfié, a obligé

les pays européens à chercher de nouveaux partenaires plus fiables, et des fournisseurs

alternatifs.

L’Union européenne (UE) risque de rester exposée à une compétition sévère

d’approvisionnement entre pays importateurs de gaz naturel, voire à des déficits inattendus

sur le marché mondial du Gaz Naturel liquéfié (GNL) à moyen et long termes à cause des

itinéraires mal choisis, pour acheminer le ce produit.

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L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Abstract

Logistics plays an essential role in the distribution of Liquefied Petroleum Gas (LPG) globally.

This energy resource occupies an essential place in industrial and domestic activities; Russian

military intervention in Ukraine, followed by economic sanctions against Russia, has had a

direct impact on supply chains.

Dependent on Russian LNG, the European Union took immediate measures to fight galloping

inflation which has affected all sectors; A long challenge ahead regarding this geopolitical

rivalry between Western countries and Russia, reducing global growth expectations due to

uncertainty over the impact of the conflict, particularly on global supply chains. The race for

liquefied gas has forced European countries to look for new, more reliable partners and

alternative suppliers.

The European Union (EU) risks remaining exposed to severe supply competition between

natural gas importing countries, or even to unexpected deficits on the global liquefied natural

gas (LNG) market in the medium and long term due to routes. poorly chosen, to transport this

product.

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L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Nom et Prénom de l’Etudiant Stagiaire :


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Intitulé du sujet :
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Etablissement d’accueil :
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Encadrant Pédagogique :
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Avant-propos ---------------------------------------------------------------

Encadrant Technique de Stage :


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Période de projet :
Du …… avril ……… au ……… juin ………

Cadre du Stage :
Projet de Fin d’Etudes présenté en vue de
l’obtention d’une Licence en Sciences et
Techniques.

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L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Sigles et abréviations

Sigles Significations
Gaz naturel liquéfié
GNL

U.E Union Européenne

GPL Gaz et pétrole liquéfié

Table 1 : sigles et abréviations

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L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Table des matières


Dédicace

Remerciement……………………………………………………………………………………..….1

Résumé……………………………………………………………………………………………..…2

Abstract…………………………………………………………………………………………….…3

Sigle et abréviation …………………………………………………………………………………..5

Introduction générale………………………………………………………………………….……..7

CHAPITRE 1 : La logistique de distribution……………………………………………………9


1- Définition de la logistique de distribution………………………………………………….9
2- Chaine Logistique du gaz et du pétrole……………………………………………………12
3- De la production à la distribution du gaz et du pétrole…………………………………..13
4- Les défis en matières d’approvisionnement du pétrole et du gaz………………………..15

CHAPITRE 2 : L’approvisionnement de l’Europe en Gaz Russe…………………………...18


1- La stratégie de transport du gaz russe vers l’Europe…………………………………….18
2- L’énergie et les relations Europe-Russie………………………………………………….23

CHAPITRE 3 : L’impact de la guerre russo-ukrainienne sur la chaine logistique…………..40


1- L’invasion de l’Ukraine menace la logistique………………………………..…………..40
2- La logistique internationale face à la guerre en Ukraine……………………….………..42
3- L’inflation frappe toute la chaine logistique……………………………………….……..44

CHAPITRE 4 : Logistique de gestion des risques……….……………………………………..51


1- Vers un nouvel ordre logistique mondial…………………………………………………51
2- Comment minimiser les impacts sur les achats du gaz et du pétrole sur le consommateur
en Europe…………………………………………………………………………………..54
3- Solutions et perspectives stratégiques……………………………………………………..63

Conclusion……………………………………………………………………………………...73

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L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Introduction générale
Le terme logistique recouvre plusieurs réalités :
un secteur d’activité, celui du transport et des prestataires de services logistiques.
une fonction qui perçoit l’entreprise et les relations inter-organisationnelles sous
l’angle des flux (physique, d’information et financiers) qui les traversent et qu’il s’agit
de coordonner pour optimiser les processus; un ensemble d’activités opérationnelles
à réaliser : transporter, manutentionner, emballer, entreposer qui participent à la
création de valeur dont les missions peuvent s’exprimer assez clairement : il s’agit de
faire en sorte que le bon produit soit au bon endroit, au bon moment, dans la bonne
quantité, dans la bonne qualité, au bon coût.
La logistique est souvent mentionnée lorsqu’elle est déficiente : nous ne trouvons
pas dans le rayon de notre magasin la référence souhaitée, nous ne recevons pas
dans les temps prévus la commande passée, la bonne pièce n’est pas en magasin
pour entrer en ligne de production… Et lorsque la presse mentionne la logistique
c’est souvent par référence à une guerre ou à une catastrophe naturelle.
Le dictionnaire de l’Académie française donne au terme « logistique », la définition
suivante :
la science du calcul; la partie de l’art militaire dont l’objet est de fournir aux forces
armées ce qui leur est nécessaire pour subsister, faire mouvement et combattre …

-------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/supply-chain-

7
L’impact de la guerre en Ukraine sur la chaine logistique du gaz liquéfié dans l’Union Européenne

Cette croissance a coïncidé avec une diminution des obstacles au développement du


commerce international (traités commerciaux internationaux,…) de la création de la
CEE à l’Union Européen, et de la naissance des URSS à la fin de la guerre froide et
chute du mur de Berlin en 1989, la libre circulation des marchandises, des personnes,
et des capitaux a participé à l’évolution de la Supply Chain, surtout avec la transition
de la Russie du système communiste à l’économie du marché ; ce qui a permis à
signer des accords de collaboration avec le reste des pays européens, et construite
une infrastructures du Gaz et du pétrole plus sophistiquée.
L’élargissement de l’Union d’Europe vers l’Est ainsi l’adhésion de nouveaux membres
des pays de l’Ex-URSS à la ligue Atlantique a fait réagir la Russie, en intervenant
militairement en Ukraine, quand cette dernière a décidé de se mettre au camp de
l’Occident. La dépendance de l’Europe du Gaz Russe a fait grimper les prix dans tous
les secteurs, suite aux sanctions déclarées contre la Russie.

Quelles sont les mesures prises, pour optimiser les coûts, dans les chaines logistiques
impactées par la flambée des prix de l’énergie ?
Dans ce projet, je propose de nouvelles initiatives permettant garantir
l’acheminement du GNL en toute sécurité, via de nouveaux itinéraires, tout en
respectant un plan à long terme, pour finir avec une chaine logistique plus fiable.

8
Annexes

PARTIE 1
Chapitre1 : LA LOGISTIQUE DE DISTRIBUTION

1. Définition de la logistique de distribution


En logistique, la vente ou la distribution comprend les processus de planification

et de contrôle ainsi que tous les autres processus qui ont une influence sur le flux

de marchandises et d’informations entre les producteurs/entreprises et les

clients/marchés de vente. La logistique de distribution est utilisée pour gérer

l’ensemble des tâches et des processus liés à la planification et à la mise en

œuvre de la distribution des marchandises.

Distribution : définition et explication


La distribution est un élément central de la chaîne de valeur dans l’industrie et le

commerce.

Elle relie la production au marché de vente respectif d’une entreprise. Ils se

caractérisent, outre les processus de stockage et de transport individuels, par des

instruments de gestion, d’information et de contrôle spécifiques.

La tâche principale est de concevoir tous les processus de manière à ce que les

produits fabriqués puissent être livrés de l’entreprise au client le plus rapidement

possible en fonction de la demande.

L’accent est donc mis ici sur l’approvisionnement du marché externe en utilisant

les relations avec les clients existants. Les activités logistiques telles que la

préparation, le transport, la conduite, etc. doivent également être conçues de

manière rentable.

9
Annexes

Objectifs et tâches de la distribution


Les principaux objectifs de la distribution dans le secteur de la logistique sont de

garantir la fiabilité et la flexibilité d’une livraison avec une rentabilité optimale

et d’assurer une satisfaction maximale du client.

En fait, elle s’attaque à quatre problèmes différents :

 Le site de production et le site de demande sont généralement situés à des

endroits différents. Dans ce cas, des moyens et des itinéraires de transport

appropriés doivent être identifiés.

 La production et la demande ne coïncident souvent pas en temps voulu, la

flexibilité de l’entreposage est donc impérative.

 Les lots de production et les quantités demandées ne concordent pas

toujours. La solution consiste ici à livrer des quantités partielles à

différents clients.

 Les assortiments complets sont généralement produits de manière


décentralisée sur

plusieurs sites différents. Les produits individuels qui en résultent doivent


être livrés

à des clients individuels ou multiples à partir des différents sites de

production.

Logistique de distribution – une définition


Le terme de logistique de distribution couvre la planification, la mise en œuvre

et le contrôle des mouvements de marchandises dans l’espace et dans le temps.

Les flux détaillés d’informations pour la distribution et la nécessité qui en

10
Annexes

découle d’assurer la communication et l’échange d’informations entre

fournisseurs et acheteurs revêtent ici un rôle particulier.

C L’une des caractéristiques de la distribution dans le domaine de la logistique

est qu’elle est basée sur un système inter-organisationnel. La distribution et

l’approvisionnement font ici référence aux mêmes faits, une fois du point de vue

du fournisseur et une fois du point de vue de l’acheteur.

Le mouvement des marchandises dans le canal logistique consiste donc

principalement en un flux de marchandises et d’informations. Le flux

d’informations précède, accompagne ou suit généralement le flux de

marchandises.

L’une des tâches essentielles de la distribution est de concevoir de manière

rentable le canal logistique du fournisseur au client et d’atteindre une certaine

performance tout en remplissant des objectifs préalablement définis dans la

prestation convenue.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

https://www.lis.eu/fr/lexikon/distribution/

11
Annexes

Il est également nécessaire de prendre en compte les obligations administratives et

documentaires pour le transport de ces produits. En matière de transport, la logistique de

distribution doit prendre en compte le climat de certaines zones géographiques ainsi que

l’environnement politique qui peut mener à une fermeture de frontières, suite à des conflits

d’intèrèts entres certains pays, et même un possible déclenchement de guerre.

2. Chaîne logistique du pétrole et du gaz


Qu'est-ce que la chaîne logistique du pétrole et en gaz ?

Le fonctionnement de l'industrie pétrolière et gazière repose sur une chaîne


d'approvisionnement mondiale comprenant le transport national et international, le négoce,
l'expédition, la commande, ainsi que la visibilité et le contrôle des stocks. Les autres éléments
de la chaîne d'approvisionnement comprennent la manutention, les installations d'import-
export et la distribution des produits énergétiques raffinés des points d'origine au marché.

En général, la chaîne logistique est divisée en trois segments. Le segment amont trouve et
produit le pétrole brut et le gaz naturel. Le segment intermédiaire s'occupe du traitement, du
stockage et du transport des produits énergétiques de base. Et le segment aval englobe les
raffineries pétrolières, les points de vente au détail et les sociétés de distribution de gaz
naturel.

Quels sont les avantages de la chaîne logistique du pétrole et du gaz ?

Compte tenu des nombreuses étapes liées au traitement, au transport et à la logistique de


l'énergie, la chaîne logistique du pétrole et du gaz est naturellement complexe. Pourtant, avec
une concurrence mondiale en hausse, les professionnels du secteur estiment qu'améliorer leur
chaîne d'approvisionnement est à la fois nécessaire et rentable.

En exploitant le cloud, l'internet des Objets (IoT), la collaboration en équipe et la blockchain,


notamment, les chaînes de valeur améliorées peuvent réduire les coûts et améliorer le
fonctionnement de chaque flux de production de pétrole et de gaz. Les systèmes numériques
peuvent, par exemple, contribuer à atténuer les risques, à optimiser la stratégie d'inventaire
des entrepôts, à surveiller la logistique du transport, à améliorer l'expérience client et à
garantir la mise en place des meilleures stratégies d'approvisionnement

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

https://www.cognizant.com/

12
Annexes

3. De la production à la distribution du gaz naturel


Alimenter une chaîne d'approvisionnement résiliente
La chaîne d'approvisionnement de l'industrie pétrolière et gazière peut être
positionnée en amont et en aval, chacune de ces approches étant complexes. La
chaîne d'approvisionnement est vaste et mondiale, de l'exploration en amont
dans des environnements difficiles et éloignés au transport du pétrole et du gaz
bruts vers les installations de raffinage avant de se diriger vers la chaîne
d'approvisionnement en aval où les produits sont distribués et consommés par
l'industrie et la vente au détail. Les défis de la chaîne d'approvisionnement en
pétrole et en gaz sont à grande échelle avec des produits divers, volumineux et
dangereux qui se déplacent dans le monde entier.

Chaînes d'approvisionnement à distance


De nombreux services liés au pétrole et au gaz sont consommés dans des
endroits très éloignés, ce qui signifie que les systèmes de commande et de
livraison doivent gérer efficacement le transport de ces marchandises. Comme
l'exploration en amont devient de plus en plus éloignée et dans des zones plus
difficiles, cela signifie également que les chaînes d'approvisionnement pour
desservir ces environnements deviennent plus difficiles à gérer et à soutenir.
Places de marché
Les marchés en amont de l'industrie pétrolière et gazière sont dominés par
plusieurs places de marché utilisées par les compagnies pétrolières. Les
fournisseurs doivent donc se connecter à plusieurs places de marché différentes
ainsi que directement, de sorte que la transmission des documents de la chaîne
d'approvisionnement est souvent complexe car les places de marché appliquent
des règles de validation très strictes, notamment pour les factures.
Des marchés en amont fragmentés
Une fois que les produits sont passés dans la chaîne d'approvisionnement en
aval, les choses ne sont pas plus faciles. Il existe de nombreuses utilisations
secondaires du pétrole et du gaz, comme les plastiques, qui ont leur propre
chaîne d'approvisionnement.
Cependant, au sein des marchés amont du pétrole et du gaz, les produits sont
distribués aux fabricants secondaires, à l'industrie et au commerce de détail. La
chaîne d'approvisionnement est vaste, complexe et semble être sans fin étant
donné les utilisations des produits pétroliers et gaziers.
Chaînes d'approvisionnement complexes
Les infrastructures dans les environnements en amont et la chaîne
d'approvisionnement pour les gérer signifient que les biens et les services
doivent parcourir de longues distances. Les problèmes de la chaîne
13
Annexes

d'approvisionnement peuvent donc provoquer des ruptures dans l'exploration, le


forage et le raffinage et les temps d'arrêt sont coûteux dans l'industrie pétrolière
et gazière.
De même, les produits, une fois raffinés, sont distribués dans une vaste chaîne
d'approvisionnement où se produit une fabrication secondaire pour la revente
avant consommation sur une multitude de marchés, ce qui signifie que la trace
écrite peut être énorme.

14
Annexes

Shema de la chaine Logistique du Gaz

https://www.b2be.com/fr/industries/petrole-et-gaz/

4. Les défis en matière d’approvisionnement du pétrole


et du gaz
Le secteur du pétrole et du gaz est solide et résilient. Toutefois, même si les
ressources acheminées par les partenaires sont indispensables à la vie moderne,
le secteur est confronté à de nombreux défis.

15
Annexes

Voici les défis les plus courants en matière d'approvisionnement en pétrole et en


gaz auxquels sont confrontés les professionnels du secteur et les stratégies pour
remédier.

a. Visibilité et flux de la chaîne logistique


Les chaînes logistiques du pétrole et du gaz ne sont pas toujours très
transparentes. La plupart des entreprises s'appuient sur la production de pétrole
et de gaz seulement dans une poignée de pays. Lorsque ces pays connaissent des
pénuries ou des problèmes économiques qui perturbent le flux de la chaîne
logistique, les conséquences se ressentent sur la chaîne logistique du pétrole et
du gaz et sur le processus d'approvisionnement au niveau national.

La meilleure façon de relever ces défis en matière d'approvisionnement des


chaînes logistiques dans le secteur du pétrole et du gaz consiste à accroître la
transparence de la chaîne logistique. Surveillez les risques à l'étranger,
recherchez des partenaires de secours et suivez les prix en vigueur chaque
jour.

Plus vous diviserez le processus de la chaîne logistique en blocs gérables, plus il


sera facile d'identifier les défis, de les relever et de reprendre l'activité
rapidement.

b. De grandes quantités de données à traiter et à interpréter


En cherchant à améliorer l'approvisionnement et la gestion de la chaîne
logistique pour le secteur du pétrole et du gaz, les entreprises se rendront compte
rapidement de la nécessité de traiter et d'interpréter des quantités importantes de
données chaque jour. Elles doivent non seulement déployer une puissance
informatique colossale pour analyser toutes les données, mais également
disposer d'une équipe dédiée pour les suivre et les interpréter.

Autrement, ces entreprises risquent de ne jamais réussir à utiliser les


informations dont elles disposent pour élaborer des stratégies durables
d'approvisionnement en pétrole et en gaz, susceptibles d'améliorer leur
fonctionnement.

Pour relever ce défi, la meilleure approche consiste à s'associer à un expert en


analyse de données afin d'organiser, de traiter et d'interpréter les données reçues
16
Annexes

chaque jour. Une fois mise en œuvre, cette stratégie aidera les entreprises à
éviter les accumulations d'informations qui font perdre du temps et des
ressources, interrompent le flux de vos activités et vous empêchent de vous
développer à un rythme fiable.

c. Des difficultés à attirer des employés qualifiés


Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, les employés et les partenaires
embauchés par les entreprises sont souvent les principales causes des problèmes
d'approvisionnement en pétrole et en gaz. Attirer des talents de qualité peut faire
toute la différence dans la résolution des défis en matière d'approvisionnement
dans le secteur du pétrole et du gaz.

Les bons employés peuvent contribuer à rationaliser le processus


d'approvisionnement, à surveiller la chaîne logistique et à aider à mettre en
œuvre les changements qui améliorent le fonctionnement de l'entreprise. Les
mauvais employés et partenaires peuvent contribuer à aggraver ces problèmes,
obligeant les entreprises à subir davantage de retards et d'interruptions chaque
jour.

Investissez dans votre processus d'embauche et, si nécessaire, élargissez le vivier


de talents à d'autres pays pour trouver de meilleurs talents. En vous concentrant
sur des embauches de qualité, vous serez plus susceptible d'attirer des talents
prêts à rester dans votre entreprise pendant des années, réduisant ainsi le nombre
de formations que vous devrez payer au fil du temps.

N'oubliez pas les partenaires ! Collaborer avec des personnes qualifiées et


vérifiées à chaque étape de votre chaîne logistique peut faire une grande
différence dans l'efficacité et la productivité de votre entreprise.

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https://www.avetta.com/f

17
Annexes

Chapitre 2 :L’approvisionnement de l’Europe en


gaz Russe

1- La stratégie de transport du gaz russe vers l'Europe

L’Ukraine a historiquement constitué une voie de transit privilégiée pour le


transport du gaz russe vers l’Europe de l’Ouest(1). Depuis la chute de l’URSS, les
relations russo-ukrainiennes se sont périodiquement tendues : 2 crises majeures
ont perturbé l’approvisionnement gazier européen en 2006 et 2009 avant même
qu’un nouveau différend sur les prix du gaz n’envenime plus durablement ses
relations en 2014 (avec l’annexion de la Crimée).

Dans cette étude en anglais publiée par le Centre Russie/NEI de l’Ifri, Aurélie
Bros, chercheuse à la Higher School of Economics de Moscou, décrypte la
stratégie de Gazprom pour acheminer son gaz naturel vers l’Europe de l’Ouest et
contourner la voie de transit ukrainienne. Elle détaille la mise en œuvre de cette
stratégie, passant notamment par le projet Nord Stream en mer Baltique. Les
différentes contraintes, notamment réglementaires et financières, qui affaiblissent
le géant gazier, sont enfin présentées en fin d’étude.

Malgré les tensions entre la Russie et l’Union européenne (mises en lumière par
l’arrêt du projet de gazoduc South Stream en décembre 2014), Gazprom entend
maintenir, voire augmenter ses ventes de gaz sur le marché de gros européen. La
libéralisation du marché gazier européen permet en outre au groupe russe de
développer de nouvelles activités (principalement dans le transport et le stockage
de gaz en Europe). Gazprom entend également devenir un acteur important du
trading de gaz, notamment dans le nord de l’Europe.
Aurélie Bros rappelle que Gazprom a de nouveau montré, depuis l’été 2015, sa
détermination à renforcer sa présence sur le marché européen en s’associant à des
partenaires historiques. Début septembre, le groupe a signé avec les énergéticiens
allemands BASF et E.ON, autrichien OMV, néerlandais Shell et français
Engie un accord portant sur la construction d’ici à fin 2019 de deux nouveaux
gazoducs sous la mer Baltique pour renforcer Nord Stream. Le groupe rencontre
dans le même temps des difficultés sur son projet de gazoduc Turkish Stream (mer
Noire) qui doit lui aussi permettre de diversifier les voies de transit du gaz russe.

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https://www.connaissancedesenergies.org/gazprom-la-strategie-

18
Annexes

L’APPROVISIONNEMENT DE L’EUROPE EN GAZ


RUSSE

 Le gazoduc Yamal, dont la construction a commencé en 1994, a atteint


une capacité de 33 Gm3 par an en 2006. Il aboutit en Allemagne après
avoir traversé la Biélorussie et la pologne.

19
Annexes

 Nordstream, entré en service en 2012, posé au fond de la mer Baltique, a


une capacité de 55 Gm3 par an et va de Vyborg, près de la frontière
finlandaise, jusqu’en Allemagne .
 Turkstream, qui fonctionne depuis 2020, part du nord-est de la mer Noire
et arrive en Turquie d’Europe. Il a une capacité de 32 Gm3 / an, dont la
moitié destinée aux Balkans et à l’Europe centrale.
 Bluestream, datant de 2003, part aussi du nord-est de la mer noir sa
capacité de 16 Gm3 / an est destinée à la Turquie, mais aussi à l’Europe
par son branchement au TANAP.
 Quoique ce ne soit pas une réalisation russe, le TANAP (Trans ANAtolian
Pipeline), d’une capacité de 16 Gm3 / an, relie depuis 2018 Bakou à la
frontière occidentale de la Turquie et reçoit aussi du gaz de Bluestream,
comme indiqué ci-dessus.
 Le TAP (Trans Adriatic Pipeline) pro- longe le TANAP via les
Balkans jusqu’au sud de l’Italie.
Tout ce système de gazoducs dépasse la capacité de transit par l’Ukraine. Un
grand projet nommé South Stream, conçu en 2008 et abandonné en 2015, aurait
eu une capacité de 63 Gm3 . Il aurait relié la Russie à l’Autriche en passant par
le fond de la mer Noire et les Balkans. Il a été rejeté par l’UE , qui y voyait un
instrument supplémentaire de dépendance, et parce qu’il aurait concurrencé la
voie alors envisagée pour acheminer le gaz de la mer Caspienne et du
Kazakhstan vers l’Europe. L’UE a prétexté sa non-conformité aux règles du
marché intérieur du gaz, qui prohibent qu’une même organisation, en
l’occurrence Gazprom, détînt la maîtrise de la production, du transport et de la
distribution du gaz. On note pour- tant qu’il a été dérogé à ces mêmes règles
dans le cas de Nordstream I. La Russie a remplacé Southstream par Turkstream,
de plus faible capacité. Céline Bayou pense que la question de la mise en service
de Nordstream II, jumeau de Nordstream I, achevé et dormant pour les raisons
politiques que l’on imagine, pourrait se reposer un jour.
En 2006, après la Révolution Orange, laRussie a demandé à l’Ukraine de payer
le gaz au prix international, alors qu’elle bénéficiait jusque-là d’un prix de
faveur. L’Ukraine a alors appliqué au gaz russe un prix de transit plus élevé : ces
changements, qui ont provoqué des désaccords entre les parties, ont été à
l’origine des crises du gaz de janvier 2006 et janvier 2009. La Russie a
notamment accusé l’Ukraine de prélever une part du gaz destiné à l’Europe.
Désormais (depuis 2015), l’Ukraine n’achète plus de gaz russe mais utilise les
“flux inversés” (achat de gaz en provenance de Slovaquie ou de Pologne
notamment, mais le gaz reste bien d’origine russe). À par- tir de 2006, l’UE a
réalisé qu’elle était devenue trop dépendante du gaz russe, mais y remédier est
difficile :

 Il y a une grande diversité de situations des pays européens concernant le


gaz russe, et aussi le pétrole.
20
Annexes

 Une indépendance totale vis-à-vis de la Russie nécessiterait une grande


sobriété énergétique.
 Le GNL est nettement plus cher que le gaz venant par tuyau de Russie, et
cause plus d’émissions de CO2 que le gaz acheminé par conduite
 Il faut environ deux ans pour construire un terminal de regazéification de
GNL, les petits terminaux flottants, tels que celui dont s’est dotée par
exemple la Lituanie il y a quelques années, ne sont pas à l’échelle du
problème.
 La Russie cherche à diviser les Européens en exigeant le paiement en
roubles ou en vendant du gaz de conduite ou du GNL à des prix différents
en fonction ses clients.

Les notes de bas de page ont été ajoutées par les rédacteurs du compte-rendu.
1-Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, créée au début des
années 1970, dont le siège est à Les États-Unis et les pays d’Asie centrale issus
de l’URSS en sont membres. L’OSCE avait des observateurs dans le Donbass.
2-Par le gazoduc Brotherhood mis en service en 1967 et d’une capacité de 100
Gm3 /

21
Annexes

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https://www.inter-mines.org/fr/

22
Annexes

2- L’énergie dans les relations Europe-Russie


Moteur de coopération ou arme de guerre

L’Europe, qui dépend à 55 % de l’extérieur pour ses approvisionnements énergétiques,


importe les trois quarts de sa consommation totale de gaz naturel et les deux tiers de celle de
pétrole. Un tiers de ces importations (35 % du pétrole, 30 % du charbon, 33 % du gaz)
provient de Russie.

2La Russie, qui était en 2013 le deuxième producteur mondial de gaz et de pétrole, exporte
43 % de sa production totale d’énergie dont 46 % de son pétrole brut et 29 % de son gaz
naturel ce qui, selon l’agence américaine Energy Information Administration, représentait, en
2012, 70 % de ses revenus d’exportations. C’est l’Europe qui absorbe les trois quarts de ses
exportations de pétrole et les quatre cinquièmes de ses exportations de gaz.

3En d’autres termes, l’Europe, qui manque cruellement d’énergie, se fournit majoritairement
en Russie. Laquelle en a fait son principal client selon une tendance qui, loin de s’inverser, ne
cesse de se renforcer (20 % d’augmentation de ses exportations de gaz naturel vers l’Europe
de l’Ouest en 2013 selon l’EIA.)

4Cela s’analyse dans un rapport de dépendance réciproque client-fournisseur qui s’appelle


l’interdépendance. De manière générale, l’Union européenne est le premier partenaire
commercial de la Russie avec plus de 50 % des importations de cette dernière et presque
autant de ses importations.

5Mais ce constat d’évidence serait superficiel et trompeur si on ne précisait pas la


signification qu’il convient de donner, dans ce contexte des échanges, au terme Europe. Il
recouvre, en effet, les deux réalités, sans doute étroitement imbriquées mais néanmoins
profondément distinctes, que sont l’Union européenne d’une part et ses États membres d’autre
part dont les politiques, lorsqu’il s’agit de relations extérieures, ont souvent du mal à aller du
même pas.

Un dialogue ancien mais difficile

6Les États n’ont pas attendu la fin de la guerre froide pour s’engager dans une coopération
avec la Russie économiquement intéressée sans être, pour autant, politiquement neutre.

7La France en a été le pionnier avec l’institutionnalisation des relations initiée par le général
de Gaulle à l’occasion de sa visite à Moscou, historique et scandaleuse, au plus fort de la
guerre froide. Un accord de coopération scientifique, technique et économique avait alors été
conclu et sa mise en œuvre confiée à une Grande Commission mixte permanente secondée par
une Petite Commission, elle-même flanquée de commissions par industries.

8Dès août 1971, un accord « relatif aux questions de livraisons, par l’URSS à la France, de
gaz naturel soviétique et, de la France à l’URSS, d’équipements de tubes et de matériels
destinés à l’exploitation des gisements de gaz et à la construction de gazoducs » intervenait
entre Paris et Moscou. D’emblée était ainsi posé le cadre de la coopération entre les deux pays
sous les deux aspects essentiels dans les échanges énergétiques, celui de la stabilité des

23
Annexes

approvisionnements et celui de leur transport. Elle devait se développer, indépendamment des


vicissitudes de la politique, non seulement dans le domaine de la fourniture d’énergie avec la
signature, en 1975, du premier contrat d’approvisionnement de gaz à long terme (30 ans)
entre GDF et Gazprom mais, également, au travers de la vente d’équipements et licences
(Vallourec, Usinor, Institut français du Pétrole) et des participations à la modernisation des
infrastructures (développement des champs de la Volga et de la Sibérie occidentale) et même,
dans les années quatre-vingt, par le financement franco-allemand du gazoduc Ourengoï-
Oujgorod, en dépit de l’opposition américaine.

9Il s’agissait alors de coopération interétatique, englobant un large domaine d’activités,


centrée sur le secteur crucial, pour les deux pays, de l’énergie et fondée sur des intérêts
réciproques, à la fois économiques et politiques. Son fonctionnement n’a pas été altéré par les
crises internationales qui se sont succédé jusqu’à la chute de l’URSS et on peut y voir un
socle et un exemple sur lesquels pourraient s’appuyer les efforts pour une coopération
substantielle entre l’Union européenne et la Russie du vingt et unième siècle.

10Pour ce qui la concerne, l’Union s’efforce de fixer un cadre général à ses relations avec la
Russie. Il a été établi par un Accord de Partenariat et de Coopération (APC), conclu en 1994
et entré en vigueur – laborieuse ratification par les États membres oblige – en 1997, pour une
période de 10 ans.

11C’est dans cette perspective de rapprochement par la voie de la coopération économique


entendue dans sa dimension la plus large que s’inscrit, bien que timidement, au tournant du
siècle, l’Accord de Partenariat et de Coopération.

12En effet, en dépit de son intitulé ambitieux, cet accord se situe en deçà des accords
d’association qui avaient été précédemment conclus avec les pays d’Europe centrale et
orientale, mais également de ceux dits d’« association partenariale » signés avec les pays
méditerranéens. Les exigences des parties y sont moindres et les engagements, en particulier
sur le plan financier, y sont plus limités. Il s’agit, finalement, d’encadrer les échanges
économiques et commerciaux par des mesures techniques avec, toutefois, un objectif
ambitieux : créer les conditions à terme d’une zone de libre-échange.

13Un dispositif institutionnel est établi qui, outre les sommets bisannuels entre les Présidents
de la Commission et du Conseil européens, d’une part, et le Président russe, d’autre part, met
en place un Conseil permanent de partenariat qui réunit une fois par an les ministres
concernés, organise des réunions de hauts fonctionnaires selon les besoins et prévoit même
une commission parlementaire mixte, Parlement européen-Douma.

14Mais, en dépit de cet appareil, le partenariat voulu en 1994 n’a pas donné les résultats que
pouvaient en attendre ses promoteurs. Et, plus qu’un instrument de rapprochement progressif
entre l’Union et son grand voisin, l’APC est, avant tout, une incitation faite aux États à
coopérer dans les quatre domaines qu’il privilégie et qu’il qualifie d’espaces communs :
l’économie et l’environnement, la liberté, la sécurité et la justice, la sécurité extérieure, la
recherche et l’éducation.

15Cette absence de dynamisme, due essentiellement aux changements du paysage, tant dans
l’Union européenne élargie alors à treize nouveaux membres et désormais dotée d’une
monnaie unique, que dans la Russie de Vladimir Poutine, politiquement stabilisée et
économiquement relancée, qui rendaient nécessaire, au terme de cette première période de 10
ans prévue par l’accord, de mettre en place un cadre nouveau mieux adapté à cette situation.

24
Annexes

16Mais cette évolution, loin de dynamiser la négociation finalement lancée en 2008, l’a, au
contraire, compliquée, d’abord du fait de la réticence de certains nouveaux membres, en
particulier les États Baltes et ceux d’Europe centrale et orientale, devant un rapprochement
avec Moscou et, aussi, en raison des exigences renforcées d’une Russie requinquée. La crise
économique aidant, les discussions n’ont pas cessé de piétiner sans que les différences
fondamentales entre les deux parties sur la nature et l’objectif d’un nouvel accord aient pu être
aplanies. C’est donc l’APC de 1994 qui reste le cadre des relations, conformément à son
article 106 qui en prévoit la prolongation annuelle.

17Et les difficultés surgies depuis un an à propos de la Crimée et de l’Ukraine ne peuvent,


pour l’instant, que bloquer tout progrès dans la recherche d’un consensus. On notera d’ailleurs
que, dans cet actuel contexte de tension, les pourparlers ont été suspendus et la plupart des
programmes de coopération ont été interrompus.

18Il faut maintenant souligner que, dans ce cadre général, les échanges énergétiques, en
raison même de leur importance primordiale, ont fait l’objet de dispositions particulières qui
se sont avérées, du moins jusqu’à ces derniers temps, les plus concrètes.

19Au Sommet de Paris du 30 octobre 2000, la Russie et l’Union européenne ont lancé un
« dialogue énergétique » (pétrole, gaz et électricité). Cette initiative, dite « Plan Prodi »,
procédait du constat de la convergence d’intérêt des deux parties [1][1]Le dialogue énergétique
met l’accent sur les aspects….
20L’UE, pour sa part, jugeait qu’elle avait intérêt à augmenter ses approvisionnements en
provenance d’une Russie fournisseur géographiquement proche et politiquement en voie de
stabilisation. On évoquait alors un doublement des volumes jusqu’à représenter 40 % de la
consommation européenne.

21De son côté, la Russie souhaitait augmenter ses exportations de pétrole et de gaz, source
majeure de devises, exploiter de nouveaux gisements et bénéficier des investissements
nécessaires ainsi que des transferts de technologie indispensables pour la modernisation de ce
secteur.

22Dans l’esprit de ses promoteurs, ce dialogue devait permettre de poursuivre les objectifs
suivants :

 Progresser dans la définition d’un véritable partenariat énergétique entre l’Union


européenne et la Russie ;
 Contribuer à sécuriser aussi bien l’approvisionnement que la demande énergétique ;
 Favoriser la coopération en matière d’efficacité et d’économie d’énergie ;
 Rationaliser les infrastructures de production et de transport et développer les
interconnexions des réseaux d’électricité ;
 Faciliter les investissements ;
 Favoriser les relations entre pays consommateurs et pays producteurs.

23Pour gérer ce dialogue, l’accord mettait en place tout un dispositif institutionnel et,
notamment, un Conseil permanent de partenariat des ministres de l’énergie dont la première
réunion s’est tenue en octobre 2005.

24De manière générale, les premiers temps de ce dialogue ont été jugés satisfaisants par ses
protagonistes, non pas tant d’ailleurs par ses résultats mais par ses promesses. Ainsi, le
Commissaire européen à l’énergie envisageait, en octobre 2000, le doublement des volumes

25
Annexes

exportés par la Russie vers l’UE, l’idée étant d’approvisionner l’UE auprès de la Russie à
hauteur de 40 % de ses besoins énergétiques, tandis que le ministre russe de l’énergie estimait,
de son côté, que son pays pourrait, à l’échéance de 2010, fournir 70 % du gaz importé par les
pays européens.

25Cet optimisme était renforcé par la philosophie de ce dialogue qui, loin de se cantonner aux
seuls échanges, était étendu en amont et en aval à un partenariat dans les domaines de la
technologie, du transport, du financement. Il acquérait ainsi une portée tout autant politique
que commerciale car, en s’inscrivant dans le cadre de l’accord de partenariat et d’association,
il permettait aux parties d’étendre leur dialogue à toutes les questions d’intérêt commun
relevant du secteur énergétique. L’idée était donc de développer des projets communs en
permettant de plus en plus aux entreprises occidentales de prendre des participations dans des
sociétés russes d’extraction de pétrole et de gaz, et à ces dernières d’en acquérir dans les
sociétés de distribution européennes.

26Ainsi se dessinait un projet d’intégration du secteur énergétique russo-européen dans lequel


la manœuvre revenait d’abord aux États et aux industriels du secteur tandis que l’Union
européenne se réservait les fonctions d’impulsion et de régulation faute, en l’absence de
politiques énergétique et extérieure communes dignes de ce nom, de disposer des instruments
d’une action directe. Ainsi en allait-il des accords gaziers entre Gazprom et Gaz de France,
renouvelés en 2003 ou, plus révélateur encore, de l’accord germano-russe conclu le
8 septembre 2005, à la grande fureur des États baltes et de la Pologne, tenus à l’écart de sa
négociation, concernant la création d’un gazoduc dérivant vers la Baltique le transport du gaz
russe, jusque-là assuré via le territoire ukrainien.

27On voit, dès lors, que c’est au niveau des États, en tout cas de ceux disposant de la capacité
de négociation suffisante, que va se situer la réalité des échanges et que les accords bilatéraux
entre les États membres et la Russie vont constituer la véritable armature des relations
énergétiques, l’Union européenne étant cantonnée dans un dialogue formel sans véritable
capacité d’action. On va ainsi se trouver face à un ensemble de tête-à-tête entre la Russie et
des clients, parfois des partenaires, dont les situations géopolitiques et, en conséquence, les
intérêts sont profondément différents et dont la somme ne peut, en aucun cas, constituer une
position de dialogue véritable.

28Deux facteurs sont déterminants dans l’établissement de ces relations bilatérales.

26
Annexes

29Le premier est, essentiellement, économique et même géoéconomique : il relève de la


situation dans laquelle se trouve chaque pays face à la nécessité de ses échanges avec la
Russie, des avantages qu’il peut y trouver ou de son impossibilité de s’y soustraire.

30Le second est d’ordre politique : il est lié à la méfiance et, même, à la crainte historique
que certains éprouvent vis-à-vis d’un puissant voisin dont on souhaite se tenir le plus possible
à distance et auquel on veut éviter de se lier, ne fût-ce que commercialement, par crainte de se
trouver dans sa dépendance. C’est le cas de tous ceux qui, pendant près d’un demi-siècle, ont
connu la domination soviétique, notamment celui de la Pologne dont les relations avec la
Russie n’ont cessé d’être tumultueuses au cours des siècles précédents.

31Ces deux facteurs sont, évidemment, indissociables dans de nombreux cas. Nécessité fait
loi et les exigences de l’économie priment alors sur les considérations politiques. Cela est
particulièrement criant dans le domaine des échanges énergétiques. Ainsi, les pays de l’Union
européenne, anciens membres ou anciens satellites de l’URSS, les plus marqués par quarante
ans d’hégémonie soviétique -

32Pays Baltes, Bulgarie, Roumanie, Slovaquie, Pologne - et les plus hostiles à la Russie, en
sont pourtant les plus tributaires pour leurs approvisionnements énergétiques puisqu’ils
dépendent à 100 % des fournitures de gaz russe (90 % pour la Pologne).

33C’est donc dans un tableau extrêmement complexe que s’inscrivent les échanges entre
l’Europe et la Russie et, en particulier, les relations énergétiques qui en sont le cœur et,
comme on le verra, à la fois le déterminant, le catalyseur et le détonateur, lorsque d’autres
facteurs y interfèrent.

Un dialogue jalonné de crises

34Le cours des flots de pétrole et de gaz qui coulent des gisements russes vers les
consommateurs européens n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Il a connu des
moments critiques et des remous inquiétants mais aucune de ces crises n’a atteint l’ampleur,
la durée et la portée de celle qui a éclaté fin 2013 et s’est développée depuis.

35Les crises précédentes se sont produites, dans la première décennie du siècle, entre la
Russie et ses voisins occidentaux immédiats par le territoire desquels transitait l’essentiel du
gaz fourni à l’Europe centrale et de l’ouest : l’Ukraine en 2006 puis 2009, la Biélorussie en
2003 puis 2010. Leur objet était le prix du gaz consenti à ces deux pays, question qui n’aurait
guère ému les Européens si l’interruption des livraisons russes qui s’en est suivie n’avait pas
menacé leurs approvisionnements. Le président de la Commission européenne, M. José
Manuel Barroso, voulut voir dans celle de 2009 « la plus grave rupture d’approvisionnement
énergétique que l’UE ait jamais connue » même si cet approvisionnement ne semble pas avoir
été durablement affecté par les événements. Mais, en faisant prendre conscience aux
Européens du risque que leur dépendance croissante au fournisseur russe leur faisait courir,
l’incidence politique de cette crise fut autrement importante. De simple différend financier
concernant des pays étrangers à l’Union, on débouchait ainsi sur une altération des relations
entre cette dernière et la Russie et une interrogation sur la légitimité du rapprochement en
cours avec elle.

27
Annexes

36Il faut savoir que, de manière générale, le prix du gaz est indexé sur celui du pétrole et fixé,
parfois pour plusieurs décennies, par des contrats à long terme contenant, le plus souvent, une
clause « take or pay » qui est supposée protéger au mieux les intérêts des parties.

37Mais comme dans tout commerce, il est de bonne pratique de consentir quelques facilités à
des clients dont on veut, pour des raisons diverses et, le plus souvent, politiques s’assurer de
la fidélité ou de la bienveillance. Tel est le cas, pour la Russie, de l’Ukraine et de la
Biélorussie, anciennes républiques soviétiques et possibles membres d’une union plus
resserrée autour de l’ancienne métropole que caresse Moscou. Ces deux États bénéficient
donc d’un prix du gaz nettement plus bas que celui négocié avec les clients européens. Mais,
s’agissant d’économies parmi les plus pauvres, leur tentation est permanente d’obtenir des
tarifs encore plus bas auxquels le fournisseur, en l’occurrence Gazprom, n’est pas
spontanément disposé. Le seul moyen de pression dont dispose alors le quémandeur est de ne
pas payer ses factures, et celui par lequel rétorque inévitablement le fournisseur est de
suspendre les livraisons en attendant le règlement des arriérés.

38Dans cette situation tout à fait banale, l’Europe peut très vite se trouver impliquée car les
livraisons dont son économie dépend transitent également par les tubes qui alimentent
Ukraine et Biélorussie. La crise commerciale devient alors une crise politique et appelle une
solution rapide. Des arrangements ayant été rapidement trouvés, ces premières alertes sont
restées sans conséquences immédiates notables, mais elles ont retenti comme un signal
d’alarme quant à la vulnérabilité des approvisionnements énergétiques de l’Europe par son
fournisseur russe.

39Pour y faire face, on a alors choisi la solution la plus simple consistant à court-circuiter les
maillons faibles qu’étaient les deux territoires principaux de transit et à dérouter le trafic vers
des trajectoires plus sûres.

40C’est ainsi qu’ont été mises en chantier, à côté d’opérations plus modestes mais de la
même inspiration, deux dérivations majeures ayant pour effet premier d’éviter l’Ukraine : les
gazoducs Northstream et Southstream.
Le premier, ouvert en 2012, est destiné à alimenter en priorité l’Allemagne. Il achemine le gaz
russe depuis le nord-ouest du pays en passant sous la Baltique sur plus de 1 200 kilomètres,
jusqu’au port allemand de Greifswald. Il est ensuite connecté sur les réseaux d’Europe
occidentale, vers l’ouest en direction des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne, vers le sud
jusqu’en République Tchèque. Sa capacité pourrait atteindre 55 milliards de mètres cubes par
an, ce qui correspond aux importations allemandes, britanniques et françaises cumulées.

42Le second a été mis en chantier à la fin de l’année 2012. Il a, notamment, le même objectif
de contournement de l’Ukraine et, pour cela, débouche en Bulgarie après un trajet sous la mer
Noire. De là, il pourra desservir, via le réseau européen existant, la Roumanie, la Hongrie, la
Slovaquie et, aussi, l’Italie par un tronçon transadriatique en projet. Avec une capacité de
63 milliards de mètres cubes par an, il dépasserait les besoins d’importation de gaz russe des
pays visés et ce gigantisme n’est peut-être pas étranger aux difficultés qu’il rencontre
actuellement.

43Ces premières crises apparaissent donc comme des crises commerciales qui ont entraîné
des conséquences de nature géopolitique, dont la moindre n’est pas, à terme, l’exclusion de
l’Ukraine des circuits qui alimentent les relations énergétiques de la Russie et de l’Europe.

28
Annexes

Avec, pour corollaire, une aggravation de la précarité du pays qui se trouvera, dès lors, privé
des redevances versées au titre du transit des hydrocarbures russes vers l’Ouest.

44Là, réside certainement l’un des paramètres expliquant l’ampleur prise par les tensions
latentes entre ce pays et son grand voisin qui aboutissent, à la fin de 2013, à la crise majeure
mettant face à face la Russie et l’ensemble du monde occidental dans un affrontement que
certains n’ont pas hésité à comparer à la guerre froide.

45Sans doute la nouvelle crise s’inscrit-elle dans une continuité apparente mais, alors que les
précédentes procédaient de désaccords commerciaux et qui ont eu des effets induits de
caractère indirectement politiques, celle-ci est, d’abord, une crise politique dans les
développements de laquelle les questions énergétiques apparaissent comme des retombées
collatérales, comme des éléments satellites d’une problématique majeure des enjeux de
pouvoir dans les relations internationales.

La crise de 2014… ?

46Information sujette à caution, interprétation tendancieuse des faits, manipulation de


l’événement, dans chaque camp on propose des lectures des origines de cette crise et de son
évolution qui n’ont d’autre but que de légitimer les arrière-pensées et les engagements
idéologiques de leurs auteurs. L’Histoire en donnera sans doute une vision plus objective à
laquelle, aujourd’hui, il serait vain de prétendre. Mais, en prenant du recul, on peut, sans
risquer de se tromper, en prendre la véritable mesure. La crise qui a éclaté au cours de l’hiver
2013-2014 consacre le choc inéluctable de deux volontés hégémoniques : celle de la Russie
de Vladimir Poutine, rétablie dans son ambition missionnaire de redevenir l’acteur majeur de
l’histoire européenne, et donc mondiale, qu’elle a été depuis Pierre le Grand, et celle de
l’Amérique de l’en empêcher pour conforter sa position de puissance dominante de la planète
qu’elle s’est efforcée d’établir, par les armes et par l’économie et la finance, tout au long
du XXe siècle. La puissance de la mer ne peut tolérer de voir se reconstituer contre elle
le Heartland, cher à Mackinder, qu’elle pensait avoir définitivement dominé après un demi-
siècle de guerre froide soldé, non par l’écrasement militaire, mais par l’abjuration
idéologique. L’Ukraine n’apparaît plus alors que comme un prétexte, le champ clos dans
lequel les prétendants se testent, chacun s’abritant derrière ses francs-tireurs et ses affidés.
Comme ils le firent si bien durant la guerre froide, obsédés par le risque d’un affrontement
direct suicidaire.

47Ainsi, poussée par l’un à un arrimage insensé à l’Union européenne et à l’OTAN, elle l’est,
par l’autre, à choisir entre la dislocation et la vassalisation. Dans cette perspective, la question
des relations énergétiques entre la Russie et l’Europe n’est pas la cause, elle est l’effet. Elle
est l’une des touches du clavier sur lequel les protagonistes jouent chacun leur stratégie de la
dissuasion : menaces d’assoiffement par l’interruption de ses approvisionnements
énergétiques pour l’un, menaces d’étranglement économique par les sanctions pour l’autre.

48Mais, même si c’est à tort que la question énergétique est souvent perçue comme l’origine
et le cœur du conflit, elle est un élément incontournable de toute négociation comme de toute
solution.

49Envisagée sous ce seul aspect, la crise n’est alors qu’une récidive du contentieux
énergétique entre la Russie et l’Ukraine ou, mieux, entre Gazprom et Naftogaz, portant sur le
prix du gaz livré et sur son règlement. Après la crise de 2009, l’Ukraine avait bénéficié de la
29
Annexes

part de son fournisseur de rabais qui, fin 2013, lui permettaient de payer son gaz au prix de
268,50 dollars les 1 000 m3 alors que le prix moyen consenti aux autres clients européens
était de 382,50 dollars. Comme dans les scénarios précédents, Gazprom s’est plaint de
l’accumulation des arriérés de paiement et Naftogaz d’un prix jugé encore trop élevé, d’autant
plus qu’après la chute, en février, du président pro russe Victor Ianoukovitch et l’arrivée d’un
gouvernement pro occidental, ce prix avait été pratiquement doublé. Ce n’est qu’au mois de
juin 2014, c’est-à-dire bien après les premières sanctions occidentales contre Moscou, que
Gazprom annonçait appliquer désormais un système de prépaiement pour ses livraisons de
gaz à Naftogaz, ce qui signifiait ipso facto l’arrêt des fournitures. Quatre mois plus tard, un
compromis était trouvé à Bruxelles entre l’Ukraine, la Russie et l’Union européenne qui
réglait la question des impayés et les modalités de paiement des livraisons jusqu’en
mars 2015.

50On serait donc tenté de ne voir dans cette affaire qu’une péripétie des relations
énergétiques traditionnellement difficiles entre un fournisseur et un client qui ont pris
l’habitude de faire monter les enchères avant de régler leurs différends, si les Européens ne se
trouvaient également impliqués dans ces micmacs.

51Force est cependant de constater que leur implication est plus virtuelle qu’effective, ce qui
ne signifie pas cependant qu’elle est imaginaire.

52L’interruption des livraisons à Kiev n’emporte pas, pour autant, l’arrêt de celles destinées
aux autres clients européens même si les expériences antérieures ont montré que de telles
mesures provoquent des remous dans les approvisionnements de certains d’entre eux, en
Europe centrale et orientale en particulier.

53Bien sûr, la moitié du gaz russe destiné à l’Europe (15 % de sa consommation) transite par
l’Ukraine mais, aujourd’hui, existent de nouvelles routes gazières, notamment le Nord
Stream, qui permettent de dériver le flux ukrainien vers des voies plus sûres.

54Le seul véritable danger résiderait alors dans une décision russe de réduire, sinon d’arrêter,
ses fournitures, moyen de pression sur l’économie européenne qui, compte tenu de sa
dépendance, connaîtrait de très sérieuses perturbations. On peut toutefois douter que Moscou
aille au-delà de la simple menace d’un recours à l’arme énergétique tant il est vital pour le
pays de vendre son gaz et son pétrole [2][2]Cela ne vaut, évidemment, que dans la perspective
d’une gestion…. C’est en ce sens qu’il faut interpréter la mise en garde d’Alexeï Miller,
président de Gazprom, à Marcos Sefcovic, nouveau commissaire européen à l’énergie, lors de
leur rencontre à Moscou à la mi-janvier. Déclarant que ce serait désormais par la Turquie que
devraient transiter les 63 milliards de m3 qui passent actuellement par l’Ukraine, il entendait
signifier à son interlocuteur que Gazprom restait maître du jeu et que les Européens devraient
se plier à ses décisions ou se tourner vers d’autres fournisseurs, la Russie se réservant de
trouver d’autres clients.
55De ces épisodes, toujours susceptibles de rebondissements futurs, on peut tirer quelques
conclusions. La première est que le rôle de l’Ukraine comme lieu de transit des livraisons
russes n’est plus de saison. La deuxième est que les retombées de la crise actuelle affectent,
bien au-delà des péripéties énergétiques, la dynamique du partenariat laborieusement engagé
depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Enfin que, même si le rétablissement de la
confiance reste un objectif central, les deux parties se trouvent inéluctablement conduites à
examiner sérieusement d’autres options que celles qui semblaient être devenues prioritaires et
partagées.

30
Annexes

56Les Européens peuvent-ils alors échapper à leur dépendance aux hydrocarbures russes ? La
Russie peut-elle renoncer à la clientèle européenne ? Il n’y a pas de réponses simples et
évidentes à ces questions : pour l’Europe, en l’état actuel des choses, ces réponses
appartiennent d’abord à chaque pays, en fonction de sa situation propre, c’est-à-dire du niveau
de sa dépendance, de ses possibilités alternatives et de sa volonté politique. On ne peut, dès
lors, que proposer des voies alternatives hypothétiques que chacun pourrait emprunter selon
son équation de politique énergétique personnelle. Sans doute, une telle démarche
désordonnée est-elle tempérée par les efforts de l’Union européenne. Celle-ci, face à la
volonté des États de garder les mains libres dans un domaine crucial de leur autonomie,
définit de louables objectifs à long terme [3][3]Cf. par exemple, quel que soit leur mérite, le
Paquet énergie… mais sans, pour autant, parvenir à mettre en place une véritable politique
commune, telle que prévue par le Traité de Lisbonne débouchant, notamment, sur un marché
commun de l’énergie, que, en 2011, la Commission européenne envisageait pour 2014…
57Enfin, il faut encore ajouter que les diverses voies explorées ont toutes en commun de ne
proposer que des solutions à terme plus ou moins éloigné du fait du manque de flexibilité qui
caractérise les structures des systèmes énergétiques et de la lenteur qu’implique leur
transformation. Il n’y a donc pas de réponse immédiate autre que chaotique à
l’interdépendance russo-européenne, ce qui n’exclut nullement une réflexion sur les
alternatives susceptibles de l’alléger.

Quelles alternatives pour l’Europe ?

58La prise de conscience par les Européens de la nécessité de s’affranchir le plus possible de
leur dépendance énergétique n’est évidemment pas nouvelle, même si les résultats obtenus
sont loin d’être probants. Le piétinement de la politique commune de l’énergie en est la
preuve. Mais, pour ce qui concerne la volonté de renverser la tendance d’une sujétion toujours
plus grande aux approvisionnements russes, on en est encore à l’exploration hypothétique

59Pour atteindre ce but, trois voies complémentaires sont envisageables : économiser


l’énergie, développer des ressources domestiques, trouver de nouveaux fournisseurs. Les deux
premières sont, évidemment, susceptibles d’effet sur les importations d’énergie mais, seule, la
troisième concerne principalement la relation avec la Russie.

60Les économies d’énergie, autre nom de la réduction de la demande, sont un passage obligé
dans toute politique visant à réduire la dépendance vis-à-vis des marchés. Elles ont été menées
avec une réelle efficacité pendant les années soixante-dix pour faire face à la crise du pétrole
marquée par une augmentation faramineuse des prix (de 4 dollars le baril en 1972 à 36 dollars
en 1980) assortie bientôt d’une interruption pure et simple des livraisons à la suite de
l’embargo imposé par l’OPEP. Elles ont alors été menées avec une brutalité qu’imposaient les
circonstances mais qu’on a, aujourd’hui, du mal à envisager : baisse drastique du chauffage
dans les lieux publics et administrations, limitation de 50 % de la circulation automobile, par
exemple. Mais, au-delà de ces mesures, la crise eut pour effet de fouetter la recherche en
matière d’efficacité énergétique, notamment dans la réduction de la consommation aussi bien
industrielle que des particuliers. C’est dans les transports que les effets les plus spectaculaires
se sont rapidement manifestés avec l’augmentation du rendement des moteurs dont l’avidité
énergétique a été alors diminuée dans des proportions impressionnantes. Dans cette période
où les pays industrialisés se lançaient à corps perdu dans un effort sans précédent de
prospection de ressources traditionnelles ou nouvelles, les experts de l’AIE pouvaient affirmer

31
Annexes

que les principales réserves d’énergie se trouvaient dans les économies que l’on pouvait en
faire.

61Après le pic de 1981 et la stabilisation, à partir de 1987 et pour une longue période, du prix
du pétrole autour de 20 dollars le baril, cette exigence passa au second plan. Différents
facteurs l’y ont ramenée : l’état supposé des réserves de pétrole et la menace d’un pic
oil annoncé par les tenants de cette analyse à partir de 2010, la hausse vertigineuse du prix du
baril à près de 140 dollars en 2008, enfin et surtout, la montée en puissance de la lutte contre
le réchauffement climatique et l’effet de serre imputé principalement à l’activité industrielle
des hommes et à un usage irraisonné de l’énergie.

62Les institutions européennes, relayant les actions mondiales conduites dans le cadre des
Nations Unies et des conférences sur le climat, se sont, dès lors, délibérément engagées dans
la même voie et c’est ainsi que le paquet climat de 2014 appelle l’UE à réaliser 30 %
d’économies sur l’énergie d’ici
2030 [4][4]http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/07/23/ue-bruxelles-fi….
63La commissaire au climat, Connie Hedegaard, s’est montrée très satisfaite de cette
décision, emportée de haute lutte face au commissaire à l’énergie, Günther Oettinger :

64

« C’est une très bonne nouvelle pour le climat. C’est également une bonne nouvelle pour les
investisseurs et une très bonne nouvelle pour la sécurité énergétique de l’Europe et son
indépendance. Ce qui signifie que ce n’est pas une bonne nouvelle pour Poutine. »
65Comme on le voit la question, maintenant lancinante, de la dépendance vis-à-vis de la
Russie n’est jamais loin.

66Pour atteindre cet objectif lointain, les Européens disposent de l’attirail bien connu des
mesures d’efficacité énergétique : performance énergétique des bâtiments, de l’industrie,
notamment automobile, maîtrise des consommations domestiques, etc.

67Il reste à vérifier si ces intentions pourront aboutir aux résultats espérés alors que, dans le
même temps, le progrès technologique révèle sa gourmandise énergétique comme, par
exemple, dans la prolifération des appareils électroniques [5][5]Un rapport de l’Agence
internationale de l’énergie, publié le… et que l’Agence internationale de l’Énergie prévoit que
l’Union européenne devra trouver, en 2035, 62 milliards de m3 de plus qu’en 2011 pour faire
face à l’augmentation de sa consommation [6][6]La demande énergétique mondiale devrait,
elle, croître de….
68Le deuxième objectif, celui du développement des ressources domestiques, doit être
envisagé dans son double aspect : développement des ressources énergétiques traditionnelles ;
développement des énergies nouvelles.

69Les perspectives dans le domaine des énergies fossiles sont moins que prometteuses.

70La production européenne de pétrole, qui atteignait près de 2,5 milliards de barils au
tournant du siècle, est tombée aujourd’hui à moins de 1 milliard et ne cesse de diminuer du
fait de l’épuisement des principaux gisements du Royaume-Uni, de Norvège et du Danemark.
Comme le rappelle l’Agence internationale de l’Énergie dans son rapport annuel 2014, la
production de pétrole brut au sein de la seule Union européenne a décru de 50 % au cours de
la dernière décennie, à un rythme plus rapide que celui de la baisse de la demande.

32
Annexes

Simultanément, sa dépendance par rapport aux importations de produits pétroliers, notamment


diesel et kérosène, s’est aggravée du fait de la diminution de ses capacités de raffinage.

71Pour ce qui est du gaz naturel, la production de l’ensemble de l’Union européenne a chuté
de 30 % depuis ses pics de la fin de la période 1995-2005. Or l’UE ne possède que 2,2 % des
réserves mondiales de gaz alors qu’elle absorbe environ 18 % de la consommation de la
planète. Dans la dynamique actuelle, l’UE devrait ainsi, selon l’AIE importer 80 % de ses
besoins à l’horizon

722030. Toutefois, si on considère l’Europe dans une acception dépassant les limites des pays
membres de l’UE, les perspectives deviennent alors moins sombres grâce à la Norvège.
Septième producteur et troisième exportateur mondial, ce pays dispose, en effet, de réserves
importantes en mer du Nord et en mer de Barents. Évaluées à 2 000 milliards de m3, elles ne
le situent pourtant qu’au dix-huitième rang mondial, bien loin derrière la Russie avec ses
50 000 milliards de m3 estimés. On comprend mieux pourquoi, sollicité par l’UE face à la
crise ukrainienne afin de remplacer la Russie en cas d’escalade du conflit entre Gazprom et
l’ukrainien Naftogaz, Helge Lund, directeur général de Statoil, principale compagnie du pays,
douchait les attentes de Bruxelles en soulignant que son pays ne serait jamais en mesure de
substituer les fournitures de gaz russe.

73Reste la question, particulièrement controversée en Europe, du gaz de schiste. La première


interrogation à ce sujet porte sur l’étendue des ressources européennes que les géologues
considèrent généralement comme substantielles. Au-delà de cette estimation, pour le moins
générale et approximative, la seule évaluation disponible est celle du département de
l’énergie… américain. Selon cette institution, les six pays les mieux dotés du continent, à
savoir la Pologne, la France, la Roumanie, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni,
disposeraient ensemble de l’équivalent de 70 ans d’importation russe ! Cet enthousiasme
américain doit, toutefois, être tempéré. En effet, la France qui, avec la Pologne, serait la
mieux dotée refuse non seulement d’exploiter ce trésor mais même d’en vérifier l’existence, à
la fois pour des raisons de préservation de l’environnement et des calculs de politique
intérieure. Quant à la Pologne, elle ne serait peut-être pas l’Eldorado escompté car les forages
exploratoires effectués ont été à ce point décevants que la compagnie Total a renoncé à les
poursuivre. L’AIE, plus prudente que l’administration des États-Unis, envisage une
production de 80 milliards de m3 par an… en 2035, ce qui équivaudrait alors à la moitié du
gaz importé de Russie.

33
Annexes

74L’électricité, pour sa part, soulève un problème spécifique. Dans la configuration


traditionnelle de sa production, c’est-à-dire celle des dernières décennies, elle dépend, en
dehors de l’hydraulique, de centrales alimentées au gaz, au charbon ou au fuel, ce qui renvoie
aux problèmes précédents. Il faut y ajouter, bien sûr, le cas de l’électricité nucléaire, question
avant tout politique à laquelle chaque pays apporte sa réponse personnelle. Entre la France
qui, avec une soixantaine de centrales, produit 75 % de sa consommation d’électricité et
l’Italie qui n’en possède aucune, il est difficile d’établir des comparaisons. Entre les pays qui,
comme le Royaume-Uni ou la République Tchèque, prévoient de construire de nouvelles
centrales et ceux, comme l’Allemagne et la Belgique, qui ont décidé de fermer celles qui
existent, il est bien difficile de dégager une tendance européenne concernant les perspectives
d’une nucléarisation énergétique en Europe et ses conséquences sur les importations
d’hydrocarbures.

75Il faut ajouter que les discussions pleines de promesses et les engagements de réduction des
émissions à effet de serre seront d’autant mieux acceptés qu’ils sont renvoyés à des calendes
lointaines, viennent compliquer de préoccupations environnementales supplémentaires les
choix énergétiques nationaux. Faut-il, dès lors, comme l’Allemagne, satisfaire aux
revendications écologistes en renonçant à l’électricité nucléaire et les contrarier en remplaçant
les centrales atomiques par des centrales à charbon ? Pluies acides ou retombées
radioactives ? Cruel dilemme !

76Il apparaît donc évident que l’Europe ne peut espérer développer de façon significative ses
propres ressources traditionnelles et qu’elle ne peut chercher son salut que dans la promotion
des énergies renouvelables, solaire, éolien, biomasse et autres.

77Ce n’est pas ici le lieu d’analyser les mérites respectifs de ces nouvelles voies énergétiques.
On connaît ceux qu’on leur prête : elles sont inépuisables, non polluantes (si on veut bien, du
moins, considérer que les éoliennes et les champs de capteurs solaires ne polluent pas les
paysages, contrairement aux pylônes des lignes à haute tension, objets de luttes écologistes
homériques, précisément pour cette raison). On sait aussi les défauts qu’on leur impute : coûts
prohibitifs des installations (mais les centrales nucléaires nécessitent des investissements

34
Annexes

colossaux) et de leur entretien qui conduisent, pour l’heure, à un subventionnement public


sans lequel l’électricité qu’elles produisent ne serait pas compétitive.

78Qu’il suffise de rappeler que l’IEA estime que la consommation énergétique mondiale
augmentera de 37 % d’ici 2040. Cette croissance sera portée à 60 % par les pays d’Asie, hors
Japon et Corée du Sud. Si les énergies renouvelables connaîtront une forte croissance – la
moitié des nouveaux moyens de production électrique utiliseront des sources renouvelables –
la consommation d’énergies fossiles continuera à augmenter, notamment en raison de
l’abondance et du faible coût du charbon et la faible substituabilité du pétrole pour le transport
et la chimie. Si toutes les sources d’énergies verront leur production augmenter d’ici 2040, la
part du gaz et des énergies bas carbone (renouvelables et nucléaires) dans le mix énergétique
mondial augmentera par rapport au pétrole et au charbon, pour tendre vers une répartition
égale entre ces 4 sources (le charbon et le pétrole représentent aujourd’hui 60 % de la
production d’énergie primaire). À noter que près de 60 % de l’augmentation de la production
de gaz sera issue de gisements non conventionnels et que l’augmentation du nucléaire sera
plus importante que celle des renouvelables.

79Dans cette perspective, très généralement partagée, certains font preuve d’un scepticisme
plus grand encore : « La conclusion est qu’à l’horizon 2050 les énergies renouvelables – hors
grande hydraulique – n’auraient qu’un rôle d’appoint en matière de bouclage des bilans
énergétiques. Même avec un effort important, force est de constater qu’entre 1995 et l’an
2050 la part des énergies renouvelables dans les bilans électriques devrait décroître… et non
pas croître sensiblement comme beaucoup le pensent [7][7]Pierre-René Bauquis - Un point de
vue sur les besoins et les…. »

Diversification des approvisionnements énergétiques ?

80Réduction de la consommation ou développement de la production domestique n’ont, sur


les relations énergétiques avec la Russie qu’une incidence indirecte et, compte tenu des aléas
qui affectent ces deux voies, qu’un effet marginal sur la dépendance de l’Europe vis-à-vis de
ses approvisionnements énergétiques par la Russie.

81Il en va différemment avec la stratégie de diversification de ces approvisionnements qui


vise à acheter ailleurs et à substituer d’autres fournisseurs au pourvoyeur actuellement
principal. Cela exige que soient satisfaites diverses conditions. D’abord, que le marché offre
les disponibilités nécessaires, c’est-à-dire qu’on y trouve les nouveaux fournisseurs
recherchés. Ensuite, que les produits offerts répondent à la demande, notamment en ce qui
concerne les prix. Enfin, que les conditions techniques requises pour le transport et la mise à
disposition des produits soient remplies.

82Vers quels fournisseurs pourraient donc se tourner les pays européens consommateurs pour
remplacer les Russes ?

83En ce qui concerne le pétrole, cette diversification peut être facilitée par l’existence d’un
marché mondialement intégré et liquide qui mutualise le risque d’une rupture
d’approvisionnement. Certes, l’Europe importe une part importante de ses besoins de Russie
et de Norvège (respectivement 31 % et 11 % en 2012) mais elle peut alléger cette dépendance
relative grâce à la fluidité du marché due, notamment, à la prépondérance du transport
maritime (62 %) qui confère aux flux pétroliers une dimension mondiale et interconnectée qui
fait que les ports de départ et d’arrivée ne sont pas physiquement liés. Parmi d’autres, l’Arabie

35
Annexes

saoudite et le Nigeria, troisième et quatrième fournisseurs de l’Europe, sont en mesure


d’augmenter leur production pour répondre à des demandes supplémentaires. Par ailleurs, et
au-delà du pétrole brut, l’offre tend à se diversifier également pour les produits pétroliers,
même si la part de la Russie y est encore plus importante (50 % de ses importations de gaz et
de fioul domestique). Cela est dû à l’arrivée de nouveaux fournisseurs qui se dotent de
capacités de raffinage : tel est le cas de l’Inde et des pays du Moyen-Orient (Koweït, Arabie
Saoudite, Qatar, Émirats Arabes Unis) qui prennent une part croissante dans les importations
de gazole (aux dépens des États-Unis), de carburéacteur ou de condensats.

84Nettement différente est la question de la diversification des approvisionnements de gaz.


Le gaz est, aujourd’hui, abondant dans le monde et les découvertes de nouveaux gisements,
comme en Méditerranée, au Mozambique ou au Moyen-Orient, donnent l’impression d’une
augmentation spectaculaire. Les réserves mondiales de gaz naturel sont actuellement estimées
autour de 200 mille milliards de m3 ce qui, au rythme actuel, correspond à une soixantaine
d’années d’exploitation. À court et moyen termes donc, l’offre, globalement envisagée, pose
d’autant moins de problèmes que, depuis quelques années, les gaz non conventionnels ont pris
une importance spectaculaire dans les spéculations énergétiques et sont appelés à occuper une
place significative dans le mix gazier des années à venir. Cela ne signifie pas, pour autant, que
le marché offre aux Européens un choix ouvert de fournisseurs de remplacement qui,
aisément et rapidement, pourraient les approvisionner en se substituant à Gazprom.
L’abondance apparente est, en effet, considérablement limitée par différents facteurs qui
réduisent les options théoriquement envisageables. On passera sur la rigidité des contrats à
long terme, facteurs de stabilité dans les échanges en période normale mais entraves aux
adaptations dans les situations de crise, pour retenir avant tout les difficultés commerciales et
techniques que fait ressortir un tour d’horizon des options offertes à l’Europe.

85Il faut d’abord rappeler que les réserves de gaz naturel sont concentrées dans certaines
zones géographiques et que la Russie en est le premier dépositaire (24 %), suivie de l’Iran
(16 %) et du Qatar (14 %). Les autres pays disposant chacun de 3 à 4 % des réserves
mondiales sont le Turkménistan, l’Arabie Saoudite, les États-Unis, les Émirats Arabes Unis et
le Venezuela [8][8]La possibilité d’un approvisionnement renforcé auprès de…. Sans doute
pourraient-ils participer à une stratégie de diversification, mais encore faudrait-il satisfaire à
certaines conditions. Les premières sont commerciales : étant supposé qu’ils seraient en
mesure de mobiliser des capacités d’exportation supplémentaires, seraient-ils disposés à en
faire bénéficier les possibles clients européens plutôt que d’autres préférés pour des raisons
politiques, commerciales ou techniques ? Il est bon de rappeler que le commerce de l’énergie
est une activité hautement politique (ce qui, pour le moment, exclut par exemple l’Iran), que
la question des prix n’est pas indifférente et que l’énergie doit être acheminée du producteur
au consommateur. Ce dernier point est déterminant dans toute réflexion sur une réorganisation
des livraisons de gaz.
86Contrairement au pétrole, le gaz ne peut être transporté que par deux procédés qui sont
affectés d’une forte rigidité.

87Le premier est le transport par gazoduc, de loin le plus important puisqu’il représente les
quatre cinquièmes des importations européennes. Pour ce moyen, la proximité vendeur-
acheteur est un atout essentiel qui existe avec la Russie mais non avec les principaux des
hypothétiques fournisseurs de remplacement cités plus haut. Le Turkménistan qui, avec 8 000
milliards de m3 de réserves prouvées, occupe le cinquième rang mondial, constitue l’option la
moins spéculative sans perdre de vue, toutefois, que le réseau de transport de sa production,
marqué par l’héritage soviétique, reste essentiellement orienté vers le nord-ouest, c’est-à-dire
vers la Russie et les autres pays de l’ex-URSS. Pour le reste, c’est vers l’Iran et la Chine que
36
Annexes

le réseau d’acheminement du gaz turkmène est dirigé et, actuellement, c’est donc par la
Russie que transite la contribution turkmène aux approvisionnements de l’Europe. Pour
s’affranchir de ce handicap la construction de canalisations de substitution a été envisagée
déjà depuis des années. Nabucco devait assurer l’importation, via la Turquie, du gaz de la
Caspienne, voire celui du Kurdistan irakien et de l’Iran. Bruxelles et Washington, qui y
voyaient un moyen de contourner Gazprom, soutenaient fortement le projet. Mal conçu, mal
financé, il a été enterré en 2013 avec le retrait des principaux membres du consortium qui
devait le porter. Ne reste, dès lors, comme projet alternatif à la voie russe que le projet turco-
azéri TANAP qui devrait alimenter l’Europe du sud jusqu’en Italie, par la Turquie et la Grèce,
et dont l’ouverture n’est pas envisagée avant 2018 pour son premier tronçon. Sa capacité
initiale prévue est de 16 milliards de m3, soit une part modeste des 125 milliards de m3
fournis en 2013 à l’Europe par la Russie.

88Le second est le transport par méthaniers qui pourraient être adaptés à certains des
fournisseurs potentiels les plus éloignés. Mais cette solution suppose l’existence, au départ,
des installations de liquéfaction nécessaires et, à l’arrivée, de celles de regazéification
indispensables. Or, les infrastructures actuelles dans l’un et l’autre cas doivent être fortement
renforcées, ce qui réclame une capacité d’investissement d’autant plus aléatoire que la
construction de nouveaux pipelines ou usine de liquéfaction a peu de chance d’être engagée si
leur utilisation correcte pour, en moyenne, une trentaine d’années ne peut être
garantie [9][9]Pierre-René Bauquis, op. cit., p. 8. En 2013, on comptait 86 unités de
liquéfaction dans le monde et une vingtaine d’usines de regazéification en
Europe [10][10]Groupe international des Importateurs de Gaz Naturel Liquéfié…. De
nombreux projets sont à l’étude et on peut donc prévoir que ce moyen de transport est appelé
à prendre, dans les années à venir, une part croissante du marché.
89En définitive, l’Europe peut-elle envisager de s’affranchir de sa dépendance énergétique
vis-à-vis de la Russie [11][11]Fabrice Nodé-Langlois « L’Europe peut-elle se passer du gaz… ?
Ainsi formulée cette question, qui a pris aujourd’hui une acuité particulière, ne peut avoir de
réponse que théorique tant sont complexes ses différents paramètres. Évidemment, si
l’Europe, notamment par des politiques performantes d’efficacité énergétique, réduit sa
consommation d’hydrocarbures, si elle s’engage dans une utilisation maximale de ses propres
ressources traditionnelles ou renouvelables, si elle règle les problèmes
politiques, diplomatiques, techniques et économiques qui font obstacle à une diversification
de ses fournisseurs alors, certes, elle peut alléger sa dépendance. Mais de quelle Europe parle-
t-on ? Une telle mobilisation pour une politique concertée, unifiée et volontariste suppose une
vision homogène et une manœuvre fermement orientée et dirigée. Elle suppose un marché
intérieur unifié et des relations extérieures coordonnées, sans lesquelles l’Union européenne
ne peut avoir de politique commune de l’énergie. En son absence, c’est donc des États que
dépendent la volonté et la possibilité de reconsidérer leurs relations avec la Russie dans ce
domaine. On comprend bien, dès lors, qu’il serait vain d’attendre de leur part des actions
coordonnées dans tous les registres en cause tant sont disparates les situations particulières.
Qu’il s’agisse d’économies, de valorisation de ses propres ressources ou de recherche
d’approvisionnements alternatifs, les possibilités d’action autonome diffèrent profondément
de l’un à l’autre : il n’y a pas d’égalité face au défi d’une remise en cause des situations
énergétiques nationales.
90À ce premier obstacle, s’en ajoute un second. Et il est de taille. La partie se joue à deux et
la Russie peut-elle, sans la perdre, renoncer à la clientèle européenne qui représente environ
un tiers des recettes de son commerce extérieur ? Peut-elle s’aliéner ses partenaires européens
qui apportent les trois quarts des investissements étrangers du pays ? La voici donc confrontée
à un défi symétrique de celui de l’Europe : celle-ci pense à réorienter ses importations pour

37
Annexes

réduire les risques de chantage énergétique ; Moscou, pour l’en dissuader, menace de faire de
même avec ses exportations. Avec l’avantage considérable de décider seule de sa stratégie
alors qu’en face, chacun de la trentaine de joueurs qui lui est opposée, prétend avoir la sienne.
A-t-elle alors une alternative à la clientèle européenne ? Peut-elle inverser les flux de gaz de
l’Ouest vers l’Est ? Dans la grande partie d’intoxication en cours sur fond de conflit
ukrainien, la stratégie russe se déploie autour de deux axes : celui d’une interruption des
approvisionnements gaziers en direction des pays de l’Europe centrale et occidentale et celui
d’une inversion vers la clientèle asiatique, principalement chinoise.

91Les coups de semonce se sont multipliés ces dernières années lors des crises qui ont éclaté
avec les pays de transit voisins. La menace atteint d’abord les plus vulnérables, c’est-à-dire
ceux dont la dépendance est la plus forte et la capacité d’adaptation la moindre. Ce sont aussi
ceux qui, en raison du voisinage géographique et des traumatismes historiques, seraient le
moins enclins au compromis. L’arme énergétique est donc brandie avec une insistance
croissante, assortie de mesures d’accompagnement qui rendent son effectivité crédible, c’est-
à-dire qui témoignent de la volonté russe de la mettre en œuvre et de la capacité du pays de
trouver une clientèle se substituant à la clientèle européenne. C’est en ce sens qu’il faut
comprendre l’abandon (provisoire ?) du gazoduc Southstream financé par Gazprom et qui
devait assurer l’approvisionnement européen en court-circuitant l’Ukraine, selon un tracé
reliant la Russie à l’Italie et l’Autriche via la mer Noire, la Bulgarie et la Serbie. Le chantier,
lancé en 2012, était bloqué par la Bulgarie sous la pression de Bruxelles au titre des sanctions
imposées par l’UE. C’est en réponse que le Président Poutine annonçait, début
décembre 2014, l’abandon du projet en même temps que son remplacement par un tube off
shore, d’une capacité de 63 milliards de m3 par an, soit la même que Southstream, reliant la
Russie à la Turquie. Dans le même temps, Alexeï Miller, patron de Gazprom, mettait l’Europe
au pied du mur en indiquant qu’il lui faudrait donc, sans tarder, mettre en place les
infrastructures nécessaires pour aller chercher le gaz russe en Turquie, faute de quoi « ces
volumes de gaz iront vers d’autres pays ». Lesquels ? La réponse était déjà dans l’air depuis
plusieurs mois. Dès le mois de mai 2014, le premier ministre Dmitri Medvedev avait déclaré,
dans un entretien à Bloomberg que « le gaz qui ne serait pas livré en Europe peut être envoyé
[…] en Chine ». Menace confirmée par la signature entre Moscou et Pékin d’un très important
contrat d’approvisionnement en gaz, d’un montant de 300 milliards d’euros, qui prévoit, à
partir de 2018, des livraisons sur une période de trente ans qui devraient rapidement atteindre
38 milliards de m3 par an. En prolongement de cet accord, le Président Poutine lançait, le
1er septembre, le chantier de construction du gazoduc « Force de Sibérie », indispensable à
son exécution. Prévu pour être mis en exploitation en 2017, ce tube, long de 4 000 kilomètres,
aura une capacité de 61 milliards de m3 par an et constitue, selon le président russe « le plus
grand projet de construction du monde. Il n’y en aura pas de plus important dans un futur
proche ». Il faut, toutefois, relativiser l’importance commerciale de cette opération : au plus
fort de son exécution, les livraisons prévues à la Chine ne représenteront que le quart de celles
effectuées actuellement en direction de l’UE. En fait, cette réalisation, s’ajoutant à l’abandon
de Southstream, a surtout valeur de symbole : celui de la possibilité qu’a la Russie de
diversifier ses clients et, ainsi, persuader les Européens que leur position dominante peut être
remise en cause.

92Il apparaît finalement, à l’évidence, que l’interdépendance énergétique de l’Europe et de la


Russie est une donnée fondamentale du paysage économique du continent et que sa remise en
question soulève, pour chacune des parties, des problèmes sans solutions évidentes à terme
prévisible, quelle que soit leur volonté raisonnable de l’alléger. La sagesse plaiderait donc
pour le compromis d’intérêt commun. Mais celui-ci semble s’éloigner toujours davantage tant
les enjeux qui opposent les parties apparaissent de moins en moins du domaine des relations
38
Annexes

énergétiques [12][12]Federica Mogherini, nouvelle haute représentante de la…. Celles-ci se


révèlent bien, désormais, pour ce qu’elles sont : la variable d’une équation dont la solution est
l’établissement d’un nouveau rapport de force, une nouvelle configuration politique dont
l’Europe n’est, elle-même, qu’un des termes. C’est dans le contexte d’une confrontation
énergétique planétaire, dont la stratégie saoudienne d’effondrement des prix mondiaux révèle
une autre facette, que s’insère la crise actuelle des relations énergétiques entre l’Europe et la
Russie. Elle n’est qu’une péripétie de l’émergence d’un nouvel ordre mondial toujours en
gestation. Le contrôle de l’énergie en est un des éléments majeurs et il est au cœur de la
constitution d’un possible pôle eurasiatique de nature à remettre en cause la configuration que
s’efforce, de son côté, d’installer l’Amérique. Dans ce grand mouvement, l’Europe est elle-
même un enjeu, comme elle le fut au temps de la guerre froide, pressée de mettre son poids
dans la balance et de se définir dans l’Europe de l’Atlantique à Vladivostok, ou de se diluer
dans l’Amérique de San Francisco à Kiev. Sans unité politique, elle n’a, sur cette question
vitale, que les opinions divergentes de ses membres et d’autre perspective que d’être objet et
non sujet de l’Histoire qui se fait.

Claude Nigoul

 Dans L'Europe en Formation 2014/4 (n° 374), pages 94 à 115

39
Annexes

PARTIE 2 : Problématique :

Chapitre 3 : L’impact de la guerre russo-


ukrainienne sur la chaine logistique

1. L’invasion de l’Ukraine menace la logistique et les


transports

L’invasion de l’Ukraine, et les sanctions adoptées en réponse contre la


Russie par la communauté internationale menacent les secteurs de la
logistique et des transports, bien au-delà de la zone ukrainienne. En
quelques heures, le déclenchement de la guerre a paralysé les trafics
routier, maritime, aérien et ferroviaire dans toute la région.

L’invasion de l’Ukraine, et les sanctions adoptées en réponse contre la


Russie par la communauté internationale menacent les secteurs de la
logistique et des transports, bien au-delà de la zone ukrainienne. L’Union
européenne (UE) représente un tiers des échanges commerciaux avec la
Russie.
L’Allemagne, qui fournit un tiers des produits achetés par la Russie à
l’UE est particulièrement touchée par la paralysie des échanges depuis
l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’industrie automobile, la machine-
outil, la chimie, la pharmacie et le secteur de l’énergie sont tout
particulièrement touchés. Et par ricochets les transports.

La crainte d'une pénurie accrue de conducteurs

En quelques heures, le déclenchement de la guerre a paralysé les trafics


routier, maritime, aérien et ferroviaire dans toute la région. Les transports
routiers sont doublement affectés par la hausse du prix des carburants
dans le sillage de la crise et par la pénurie accrue en conducteurs. Les
routiers ukrainiens, nombreux sur les routes d’Europe, sont retournés

40
Annexes

auprès de leur famille ou se sont engagés dans la défense de leur pays,


depuis que le gouvernement ukrainien a annoncé la mobilisation de tous
les hommes âgés de 18 à 60 ans.
Les transporteurs allemand Hegelmann Gruppe, danois Freja ou
hongrois Waberer’s, qui emploient de nombreux chauffeurs ukrainiens,
s’attendent à une pénurie accrue en conducteurs. Rien qu’en
Pologne et en Lituanie, les autorités accordent chaque année des
dizaines de milliers de permis de travail à des routiers ukrainiens,
devenus indispensables pour assurer la sécurité des approvisionnements en
Europe centrale. Depuis le déclenchement de la crise, la plupart d’entre eux
sont rentrés chez eux. "On constate que quantité de conducteurs
ukrainiens n’ont pas repris le travail après les fêtes de noël orthodoxes,
début janvier ", affirme la fédération allemande des transporteurs BGL.

-----------------------------------------------------------------------------------------
https://www.actu-transport-logistique.fr/officiel-des-transporteurs/

41
Annexes

2. La logistique internationale face à la guerre en


Ukraine
Les récentes sanctions appliquées par l’Union européenne, le Royaume-Uni, les
Etats-Unis ou encore le Canada, envers la Russie, entraînent un certain nombre
de perturbations à travers le monde et notamment dans la chaîne
d’approvisionnement mondial.

IMPACT DIRECT DANS LE SECTEUR AÉRIEN


La fermeture des espaces aériens européens pour les avions de compagnies
russes, et l’application similaire envers 35 pays européens et le Canada, par la
Russie, ont des conséquences directes sur le trafic de fret aérien. Les
compagnies européennes ont dès lors révisé leur plan de vol à destination de
l’Extrême-Orient étant donné le contournement nécessaire de l’espace aérien
russe.
Les nouveaux couloirs aériens (Route polaire ou Route du Sud) vont entraîner
des temps de vols allongés.
Les délais d’acheminement seront donc plus élevés tout comme les coûts
d’exploitation avec une consommation plus importante de kérosène et un prix du
pétrole qui augmente considérablement, sans oublier l’ajout de charges pour «
risque de guerre ».

LE SECTEUR MARITIME À NOUVEAU PERTURBÉ EN PLEINE


CONGESTION MONDIALE
De nombreux armateurs tels que MSC, Maersk, Hapag Lloyd, ONE ou encore
CMA CGM ont suspendu leurs escales en Ukraine redirigeant leurs navires vers
des ports de pays voisins.
La Russie fait également l’objet de suspensions d’escales par de nombreuses
compagnies maritimes, exception faite pour l’alimentaire, l’humanitaire et le
médical. Cette situation entraîne une désorganisation dans les rotations
maritimes qui risque d’augmenter les délais d’acheminement et, de ce fait, les
retards et accentuer un engorgement portuaire mondial.
A noter que les douanes européennes inspectent tous les navires de et vers la
Russie afin de vérifier la conformité des marchandises en droit de transit. Ceci
allonge les temps d’escale à quai.

SURCOÛT POUR LE TRAFIC ROUTIER ET FERROVIAIRE

42
Annexes

Certains grands opérateurs à l’export ont arrêté pour le moment les réservations
ferroviaires intercontinentales en direction de l’est et de l’ouest entre l’Asie et
l’Europe.
Cependant, le trafic terrestre est pour le moment peu perturbé par la situation sur
l’axe Asie-Europe.
Il est à noter que de nombreux assureurs ont suspendu leurs garanties face
à l’incertitude du conflit sur les territoires russe, biélorusse et ukrainien.

---------------------------------------------------------------------------------------
https://balguerie.com/actualites/logistique-internationale-face-a-la-guerre-ukraine

43
Annexes

3. L’inflation frappe toute la chaine logistique


La guerre en Ukraine accentue l’augmentation des prix de l’énergie et les
perturbations des chaînes logistiques qui ont émergé durant la pandémie.
Deux facteurs qui vont peser sur l’évolution des prix du transport et des
coûts logistiques en général.

Deux ans après le déclenchement de la pandémie, qui a engendré une prise de


conscience européenne sur les questions d’indépendance stratégique,
l’invasion de l’Ukraine par la Russie vient douloureusement confirmer le
diagnostic. Dans l’immédiat, ces deux crises majeures engendrent un
alourdissement sans précédent des coûts logistiques, et en particulier des prix
de transport. À plus long terme, la recomposition économique et géopolitique
accélérée par ces événements sera nécessairement synonyme de restructuration
des supply chains.

AU SOMMAIRE

1. Hausse généralisée des pri x de transport


2. Inflation des coûts de production
3. Un choc violent pour les transporteurs
4. La vulnérabilité des supply chains en question
5. Menaces et opportunités pour la transition énergétique
6. Le risque d’un déclin de la demande

1/ Hausse généralisée des prix de transport

Les chargeurs vivent une crise inédite. Au cours des deux dernières
décennies, les schémas logistiques se sont construits sur le postulat d’un
transport relativement peu cher (avec bien évidemment des disparités selon la
nature des produits). La transition énergétique laissait bien entrevoir quelques
efforts financiers en perspective. Mais les politiques publiques restant à ce stade
assez peu contraignantes, l’impact sur les prix du transport n’était pas de nature
à transformer l’architecture des chaînes logistiques.

La correction sera finalement venue de facteurs exogènes, et avec une


brutalité que personne n’aurait imaginé il y a encore trois ans. Le budget
transport 2022 n’a plus rien à voir avec celui de 2019. La pandémie de Covid-19
a engendré une flambée des prix du transport de marchandises. La guerre en
Ukraine n’est donc pas le facteur déclenchant mais plutôt un facteur
aggravant, qui étend le phénomène et le prolonge dans la durée.

44
Annexes

L’inflation des prix du transport a d’abord touché le transport maritime de


conteneurs et le fret aérien. Elle prend aujourd’hui de l’ampleur dans le transport
routier européen.

 Dans le transport maritime de conteneurs, les compagnies sont entrées


dans cette crise sanitaire avec des trésoreries exsangues. En 2020, elles
sont parvenues à gérer finement leurs capacités pour éviter le naufrage.
Une discipline qu’elles ont conservée en 2021 lorsque la demande a
fortement repris, ce qui leur a permis de d’augmenter les prix sur les
principaux corridors mondiaux, de reprendre la maîtrise de leur
portefeuille de clients et de dégager des profits d’une ampleur inédite. Sur
l’Asie-Europe, le panier moyen a été multiplié par quatre en trois ans
pour atteindre environ 6000 à 7500 USD le conteneur 40’, avec des
pics bien supérieurs sur les taux FAK.

Évolution du taux de fret pour un conteneur 40’ en port à port, surcharges incluses, entre Shanghai et
Rotterdam – Source : Upply.

Alors que l’on s’attendait à une légère accalmie après le Nouvel An chinois, le
contexte géopolitique lié à la guerre en Ukraine soutient les prix, notamment via les
surcharges. Dans un rapport publié le 16 mars, la CNUCED estime cependant que la
pression à la hausse devrait bientôt toucher les prix du transport maritime.

 Dans le transport aérien, la situation est un peu différente. En 2020, la


paralysie des avions passagers, qui acheminent habituellement près de 60% du
fret mondial, a engendré une baisse drastique de l’offre alors que la demande
restait dynamique, notamment pour le transport d’équipements de protection
personnel. Les taux de fret ont alors augmenté très fortement. La tendance

45
Annexes

s’est prolongée en 2021 car la reprise très dynamique de la consommation a


favorisé le recours au fret aérien pour répondre à la demande. Alors que la
recette unitaire moyenne est passée de 1,79 $/kg à 2,71 $ entre 2019 et 2020,
elle culmine à 3 $/kg en 2021 selon les estimations de l’Association du
transport aérien international. Dans ses prévisions publiées en octobre dernier,
l’IATA prévoyait pour 2022 un repli à 2,67 $/kg. Mais le conflit ukrainien
change la donne, en pesant sur les coûts et les capacités. L’IATA n’a pas encore
publié de prévisions actualisées, mais son directeur a d’ores et déjà annoncé une
augmentation des prix, dans des proportions "encore impossibles à mesurer". Le
secteur reste aussi à la merci des restrictions d’activité qui frappent
régulièrement la Chine dans le cadre de sa stratégie "zéro Covid".

 Dans le transport routier, la reprise économique a également favorisé


l’augmentation des prix du transport en Europe en 2021. Mais la hausse était
plus limitée que dans le transport international. La donne devrait changer. Ce
secteur est en effet rattrapé par la nécessité vitale de répercuter les hausses de
coûts.

 Enfin, dans le transport de fret ferroviaire, le conflit en Ukraine


vient perturber les prometteuses Routes de la Soie, en remettant notamment en
cause des projets d’investissement en Ukraine.

2/ Inflation des coûts de production


En 2021, l’augmentation des prix de transport a été portée principalement par le
rebond rapide de la demande, lui-même favorisé par les plans de relance massifs. Cela
a créé un déséquilibre par rapport à l’offre disponible et donc un rapport de force
favorable aux transporteurs.

La hausse des taux de fret a également été nourrie par une répercussion,
cependant partielle, des tensions inflationnistes engendrées en particulier sur les
prix de l’énergie et des matières premières par cette reprise économique en V. Les
banques centrales espéraient que cette surchauffe se régulerait progressivement, quand
l’offre et la demande se rééquilibreraient grâce à une amélioration des phénomènes de
congestion et de pénurie provoqués par la pandémie de Covid-19. Mais le
déclenchement de la guerre en Ukraine bouleverse totalement les perspectives.

 Flambée des prix de l’énergie

Les prix du pétrole, qui avaient déjà commencé à augmenter en 2021, ont fortement grimpé
ces dernières semaines en raison du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le marché est très
volatil, mais globalement, les prix semblent s’installer au-dessus de 100 $ le baril. La situation
est suffisamment critique pour que l’Agence internationale de l’énergie ait publié le 18 mars
un plan d’urgence préconisant 10 mesures pour diminuer la demande mondiale de pétrole de
2,7 millions de barils par jour et réduire ainsi le risque d'une pénurie critique.

46
Annexes

La situation est tout aussi menaçante pour le gaz, l’Europe étant particulièrement
dépendante de la production russe.

 Hausse des prix des matières premières industrielles et alimentaires

En dehors des prix de l’énergie, d’autres facteurs contribuent à la hausse des


coûts de production. "Bien qu'en ralentissement, les prix en euros des matières
premières industrielles augmentent de nouveau nettement en février (+5,1
% après +7,7 % en janvier), en lien avec les prix des matières minérales (+5,8 %
après +7,4 %). Les prix des métaux ferreux ralentissent mais restent dynamiques
(+7,5 % après +12,8 %), tout comme ceux des métaux non ferreux (+5,2 %
après +7,7 %)", souligne l’Insee dans une note publiée le 18 mars.

Les prix des matières premières agro-industrielles et des matières


premières alimentaires importées étaient également majoritairement
orientés à la hausse en février, même si on notait une décélération. Sur ce
dernier point, le conflit en Ukraine devrait avoir un lourd impact. La Fédération
de Russie et l'Ukraine sont des acteurs mondiaux sur les marchés
agroalimentaires. À eux deux, ces pays détiennent une part de 53 % dans le
commerce mondial d'huile et de graines de tournesol, 27 % pour le blé, 23%
pour l’orge, 16% pour les graines de colza et 14% pour le maïs, indique le
rapport de la Cnuced.

 Tensions salariales

L’inflation que les économistes espéraient provisoire et mesurée semble


s’inscrire dans la durée et prendre de l’ampleur. Dans ses prévisions
économiques de l’hiver 2022, la Commission européenne a revu à la hausse les
perspectives en matière d’augmentation des prix. Pour l’ensemble de
l’année, l’inflation est attendue à 3,5% pour la zone Euro, contre une hausse
de seulement 2,2% anticipée lors des prévisions précédentes publiées à
l’automne 2021. Mais ces chiffres semblent d’ores et déjà bien modestes. Le
taux d’inflation annuel de la zone euro s’est établi à 5,9% en février 2022 et
5,1% en janvier, alors qu’un pic à 4,8% était attendu au premier trimestre. 2022
avec le taux record de 4,6 % atteint au quatrième trimestre 2021. Aux États-
Unis, l’inflation s’est élevée à 7,9% en février et à 7,5% en janvier.

Ce contexte favorise la montée des revendications salariales. Le secteur du


transport et de la logistique est un secteur consommateur de main d’œuvre, qui
éprouvait déjà des difficultés de recrutement avant les crises. La pression à la
hausse sur les rémunérations n'en sera que plus importante, et pèsera donc dans
la balance des coûts en 2022.

47
Annexes

3/ Un choc violent pour les transporteurs


Le choc inflationniste est évidemment difficile à absorber pour les transporteurs, avec
toutefois des disparités. Dans le transport maritime de conteneurs, les compagnies
ont redressé leur situation financière durant la pandémie et disposent donc d’une
certaine marge de manœuvre, même si leurs coûts d’exploitation augmentent. Elles
continuent de gérer finement la capacité, et répercutent les hausses de carburant par le
biais des surcharges fuel.

La situation est plus mitigée dans les autres secteurs. Dans le transport aérien, si
quelques compagnies aériennes tout cargo ont pu engendrer des profits
exceptionnels, la situation financière des compagnies classiques, qui fournissent
l’essentiel des capacités, reste pour beaucoup catastrophique après deux ans de
pandémie. Les marges se sont redressées dans l’activité fret, mais cela reste insuffisant
pour assurer la rentabilité du secteur. D’autre part, le transport aérien reste très
vulnérable face aux situations de crise. La flambée du carburant est une très
mauvaise nouvelle pour le secteur, et ce d’autant plus que le conflit Russie-Ukraine
contraint les compagnies à éviter le survol de la Russie et donc à allonger les temps de
vols entre l’Asie et l’Europe.

Enfin dans le transport routier, secteur à très faible marge, la situation se tend
très nettement. L’énergie flambe, qu’il s’agisse du pétrole ou du gaz pour ceux qui
avaient emprunté cette voie de la transition énergétique. La pénurie de conducteurs
ne s’atténue pas, bien au contraire, notamment dans les pays d’Europe de l’Est où la
main d’œuvre ukrainienne constituait une manne significative. Enfin, le prix du
matériel de transport est lui-aussi soumis à de fortes tensions inflationnistes : les
fabricants répercutent, au moins en partie, la hausse des coûts des matières premières
et des composants essentiels comme les semi-conducteurs. Les fédérations
professionnelles sonnent l’alarme un peu partout en Europe. Si les tendances
constatées ces deux derniers mois sur l’énergie se maintiennent, l’augmentation des
coûts globaux des transporteurs français en 2022 pourrait atteindre 12%, a récemment
déclaré Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR, sur le plateau de
FranceInfo. Les entreprises menacent de mettre la clef sous la porte si elles ne
parviennent pas à répercuter une partie significative des coûts additionnels. En France,
le gouvernement vient d’accorder au secteur une aide d’urgence de 400 M€.

4/ Vulnérabilité des supply chains


La situation actuelle est d’autant plus délicate que les chargeurs sont, comme les
transporteurs, frappés de plein fouet par la hausse de leurs coûts de
production. L’augmentation de l’énergie est une très mauvaise nouvelle, en particulier
dans l’industrie. Celle des matières premières aussi. Les négociations avec les
transporteurs s’annoncent donc tendues, avec en ligne de mire la capacité d’absorption
du consommateur final.

48
Annexes

D’autre part, la nouvelle crise mondiale déclenchée par la guerre en Ukraine


intervient alors que la situation sanitaire est loin d’être stabilisée. Les chaînes
logistiques n’ont pas encore récupéré la fluidité opérationnelle de la période
pré-pandémique. Si les phénomènes de congestion diminuent, ils n’ont pas
totalement disparu. Le virus non plus, d’ailleurs, et il est bien trop tôt pour
évoquer un contexte post-pandémique. Dans le cadre de sa stratégie "Zéro
Covid", la Chine continue ainsi à confiner ponctuellement certaines zones,
partiellement ou totalement, au risque de perturber les productions. Foxconn,
principal fournisseur d'Apple, a ainsi annoncé mi-mars qu'il suspendait
temporairement ses activités dans le pôle technologique chinois de Shenzhen en raison
des mesures de restrictions sanitaires.

Pour les chargeurs, la situation est d’autant plus difficile à gérer que les confinements,
qui conduisent aux arrêts temporaires de production, sont souvent mis en place par les
autorités locales dans des délais extrêmement courts, ce qui ne permet pas d’activer
des solutions alternatives. À l’inverse, l’Ukraine et la Russie ne constituent pas des
sources majeures de production pour les produits manufacturés. En revanche, le
conflit constitue une nouvelle source de perturbations, à la fois pour les voies
maritimes, aériennes, ferroviaires et routières.

Le déclenchement de la pandémie de Covid a engendré dans les pays occidentaux une


vraie réflexion sur les questions de souveraineté, et des débuts de réponse très
concrets. Aux États-Unis comme en Europe, on s’efforce d’identifier les domaines
stratégiques dans lesquelles il est nécessaire de réduire la dépendance en
favorisant une certaine régionalisation des supply chains. Dans le secteur des semi-
conducteurs, le géant américain Intel a ainsi annoncé un plan d’investissements de 80
milliards d’euros dans l’Union européenne dans les dix ans qui viennent, et prévoit
dans ce cadre l’implantation d’une usine en Allemagne.

5/ Menaces et opportunités pour la transition énergétique


De la même façon que la pandémie de Covid-19 a un effet d’accélérateur sur la
reconstitution de filières industrielles en Europe ou aux États-Unis dans certains
secteurs stratégiques, la guerre en Ukraine fait brutalement prendre conscience que la
transition énergétique n’est pas tant une question de vertu qu’un gage de
pérennité économique.

Elle met aussi en lumière la nécessité de ne pas aborder la question principalement


sous le prisme de la substitution d’énergie, mais aussi sous l’angle de la
sobriété. À ce titre, Samada, la filiale logistique de Monoprix, a apporté un
témoignage particulièrement éclairant lors de la cérémonie des Rois de la Supply
Chain organisée le 17 mars dernier par Supply Chain Magazine. Dans le cadre d’un
projet de centralisation des activités logistiques pour les produits non-alimentaires,
l’enseigne a travaillé avec Prologis pour mettre en exploitation la première plate-forme
logistique certifiée carbone neutre au monde. Une attention particulière a été portée à
la consommation d’énergie, notamment en matière d’éclairage et de chauffage. Sur ce

49
Annexes

dernier point, le recours à la géothermie a permis de "se déconnecter du gaz".


Une solution dont les responsables de Samada se félicitent doublement
aujourd’hui.

Cet exemple illustre les gains potentiels et les marges de manœuvre des acteurs du
transport et de la logistique. Mais il montre aussi que la transition ne peut se faire
qu’au prix d’investissements lourds qui nécessitent donc un accompagnement
particulier pour les plus petites entreprises.

À court terme, la Cnuced redoute plutôt un retour en arrière. "L'augmentation


significative des prix du pétrole et du gaz pourrait réorienter les investissements vers
les industries extractives et la production d'énergie à partir de combustibles fossiles, au
risque d'inverser la tendance à l'utilisation des énergies renouvelables observée au
cours des 5 à 10 dernières années", déplore le rapport.

6/ Le risque d’un déclin de la demande


La spirale inflationniste actuelle pourrait, si elle se confirme, casser la dynamique de
croissance. Dans ses prévisions de l’hiver 2022, la Commission européenne a déjà
revu à la baisse le rythme d’augmentation du PIB de la zone Euro, passant à 4% contre
4,3% dans les prévisions publiées à l’automne. Si les augmentations des coûts de
production se répercutent sur les prix de vente, des arbitrages vont avoir lieu, en
particulier pour les ménages les plus modestes, au risque d’engendrer un choc de
demande négatif. Les entreprises aussi sont concernées. Le fabricant d'engrais Yara
a annoncé début mars la suspension de la production dans son usine du Havre et dans
celle de Ferrara en Italie, en raison de la hausse des prix du gaz, composant essentiel
des produits azotés.

L’effet de la guerre en Ukraine sur les matières premières alimentaires est aussi
"particulièrement inquiétant", estime la Cnuced. Certains pays sont très dépendants
des produits agroalimentaires en provenance de la Fédération de Russie et de
l'Ukraine. "Par exemple, la part des importations en provenance de la Fédération de
Russie et de l'Ukraine - en pourcentage des importations totales de blé, de maïs, d'orge,
de colza, d'huile et de graines de tournesol - est de 25,9% pour la Turquie, 23% pour la
Chine et 13% pour l'Inde", précise la Cnuced.

Au-delà du drame humain qu’il représente, le conflit en Ukraine constitue un nouveau


choc majeur pour une économie mondiale encore convalescente. Les chaînes
logistiques vont en payer le prix et devoir se réorganiser. Il s’agit de se mettre en ordre
de marche pour répondre à la nouvelle géopolitique des flux, mais aussi à l’avènement
d’un monde où les notions de sobriété énergétique et d’indépendance stratégique
deviennent centrales pour la souveraineté.

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https://market-insights.upply.com/fr/inflation-extension-toute-la-chaine-logistique

50
Annexes

Chapitre 4 : Logistique de gestion des risques

Mesures alternatives qui étaient prises :

1- Vers un nouvel ordre logistique mondial

La guerre en Ukraine constitue une crise géopolitique majeure aux fortes


retombées inflationnistes en Europe. La déstabilisation des approvisionnements
qui en résulte pourrait donner naissance à un modèle alternatif d’organisation
des chaînes logistiques, plus « régional ».

L’invasion de l’Ukraine par les troupes russes constitue un choc économique et


psychologique dont les conséquences humanitaires sont d’ores et déjà visibles.
Très certainement faudra-t-il des années avant d’établir le bilan économique et
humain d’un conflit aux portes de l’Europe, dont les effets collatéraux en
matière de profonde désorganisation des chaînes logistiques sont en revanche
évidents depuis le printemps 2022. En effet, la guerre en Ukraine a durement
touché les systèmes d’approvisionnement, en démultipliant les pénuries de
matières premières et de composants. Pour ceux qui pensaient que la
performance des chaînes logistiques globalisées garantissait l’accès sans limite aux
inputs indispensables à la fabrication des produits de notre quotidien, le réveil est
douloureux : des pénuries structurelles sont de retour.

L’un des exemples les plus intéressants est celui du caoutchouc, finalement assez
peu médiatisé par rapport au fameux gaz russe. Or la Russie est l’un des plus
importants fournisseurs au monde de polybutadiène et de caoutchouc isobutène-
isoprène, des approvisionnements stratégiques pour de nombreuses industries qui
sont bloqués par les sanctions occidentales, tandis que les sources alternatives
provenant des Etats-Unis, de Norvège ou du Qatar ne peuvent s’y substituer que
partiellement. Nul ne peut dire avec certitude le temps qui sera nécessaire pour
sortir de la crise géopolitique, et on peut craindre que les chaînes logistiques
dépendantes du caoutchouc soient durablement affectées, ainsi qu’une large palette
d’autres chaînes logistiques. Un nouvel « ordre » dans l’organisation des échanges
va-t-il rapidement émerger d’une telle disruption ?

51
Annexes

Vers l’émergence d’un nouvel ordre ?


Face au choc brutal que représente l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses
effets sur les chaînes logistiques, la première réaction des entreprises européennes a
été de trouver des alternatives d’approvisionnement et d’acheminement ne
remettant pas fondamentalement en cause la configuration de leurs chaînes de
valeur. Par exemple, dès fin février 2022, l’armateur Hapag-Lloyd a annoncé qu’il
cherchait un nouvel itinéraire pour sa ligne Black Sea Mediterranean Express, qui
relie le port du Pirée, en Grèce, au terminal à conteneurs de Novorossisk, en
Russie. S’appuyant sur leur expérience lors de la pandémie de Covid-19, les
entreprises ont poursuivi leurs approches adaptatives en mettant en œuvre des
pratiques connues de gestion des risques, notamment en augmentant leurs stocks
de produits et de composants critiques, comme l’a fait la France au niveau étatique
pour le gaz depuis l’été 2022. Mais ces mesures prises dans l’urgence dissimulent
de profonds changements à venir, que l’on peine à formaliser pour l’instant.

Les économistes Tobias Korn et Henry Stemmler ont relevé le défi. Ils
proposent pour cela une analyse très stimulante de ce que pourrait être le nouvel «
ordre » dans l’organisation des échanges inter-entreprises. Leur idée de base est de
mettre en perspective les conséquences à long terme de la guerre en Ukraine sur les
approvisionnements des entreprises européennes. Pour ce faire, ils s’appuient sur
l’impact de guerres civiles passées quant à l’organisation et au fonctionnement des
chaînes logistiques. Leur résultat ? Les importateurs réagissent aux perturbations de
l’offre issues d’un conflit en augmentant les importations en provenance d’autres
pays en paix, la substitution de fournisseurs étant la plus évidente pour les produits
agricoles et les minéraux. Pour les produits manufacturés, les changements dans
l’approvisionnement mondial prennent du temps et sont plus susceptibles d’être
mis en œuvre lors de conflits durant plusieurs années. En revanche, ils restent en
place définitivement à l’achèvement du conflit, dans une logique d’effet cliquet.

Des sources d’approvisionnement alternatives


Si l’on suit l’argumentation de Tobias Korn et Henry Stemmler, il est probable que
la reconfiguration des chaînes logistiques à la suite de la guerre en Ukraine, comme
c’est le cas à la fin d’une guerre civile, produise une cartographie des flux fondée
sur de nouveaux nœuds d’échange avec de nouveaux fournisseurs. Au niveau
macro-économique, la nécessité absolue de trouver des fournisseurs alternatifs
pendant une guerre pourrait conduire l’économie mondiale à intégrer des sources
d’approvisionnement qui ne l’auraient peut-être pas été sans ladite guerre. En bref,
la situation connue depuis février 2022 est sans doute propice à une transformation
radicale du fonctionnement des chaînes logistiques. Faut-il en tirer la conclusion
d’un triomphe à venir de chaînes logistiques « régionales », moins
vulnérables, comme on peut le lire ici et là ? La question doit être posée, compte

52
Annexes

tenu de « frémissements », notamment dans les discours de certains dirigeants ou


d’hommes politiques –

L’une des recommandations les plus courantes ‒ mais on pouvait s’y attendre ‒ est
qu’il est indispensable pour les entreprises européennes de développer des sources
d’approvisionnement alternatives et de sécuriser les flux en amont afin de continuer
à approvisionner les marchés en aval, en prévision de la reprise de la consommation
des ménages qui pourrait intervenir rapidement après la crise. C’est explicitement
le choix fait par Boeing et Airbus pour le titane, comme le soulignent Sarah
Schiffling et Nikolaos Valantasis Kanellos dans leur diagnostic sur le marché des
commodités impacté par la guerre en Ukraine. A moyen et long terme, la
création d’un portefeuille de fournisseurs locaux est systématiquement encouragée,
ce qui s’inscrit parfaitement dans le cadre d’une « régionalisation » des chaînes
logistiques. N’hésitons pas à parler ici d’une véritable révolution face aux pratiques
dominantes de « global sourcing » chères aux acheteurs professionnels ‒ parmi
lesquels figurait Carlos Ghosn ‒ dès les années 1990.

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https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts /

53
Annexes

2- Comment minimiser les impacts sur les achats du


gaz et du pétrole sur les consommateurs en Europe
Guerre Russie-Ukraine | Comment minimiser les impacts pour les
achats
Le conflit opposant l’Ukraine et la Russie depuis plusieurs mois n’est pas sans
conséquences pour les achats et les approvisionnements des entreprises au
sein de l’Union européenne. Cette situation géopolitique vient alourdir les
impacts de la pandémie du COVID.
La combinaison de ces évènements amène les entreprises à repenser leurs
stratégies d’achats pour mieux réagir à la situation existante et future. Un
changement profond est actuellement en train d’être effectué en réaction aux
difficultés d’approvisionnement et de gestion des supply chains.
Dans ce mouvement, il est essentiel pour les services achats de connaitre les
impacts d’un tel conflit sur leurs décisions. Mais aussi, de savoir comment leurs
actions peuvent minimiser ses impacts.

Les principaux impacts sur les achats


Les complications ne cessent d’accroitre avec les défis que rencontrent les
chaines d’approvisionnement tel que la congestion des ports, les pénuries de
main-d’œuvre ou encore l’incertitude générale face aux récents évènements.
Mais cette inefficience n’est pas sans conséquences pour les achats qui doivent
faire face à de nombreux impacts.

Augmentation du prix de certaines matières premières


L’Union européenne, en 2020, était la destination de 36,5 % des exportations
totales de l’Ukraine. C’est d’ailleurs le cinquième exportateur mondial de
céréales et l’un des principaux pour le fer et l’acier. Pour la Russie, en 2020,
40,6 % de ses exportations étaient à destination de l’UE avec des produits moins
diversifiés composés principalement d’hydrocarbures et de produits pétroliers
raffinés.

54
Annexes

Représentation graphique :

80

70

60

50

40

30

20

10

Céréales énergie Métaux

Un tel conflit entraine donc des impacts sans précédent sur la disponibilité de
certaines matières premières au sein de l’UE. L’offre diminuant et la
demande augmentant, c’est tout naturellement que les prix flambent. Parmi les
principaux secteurs de matières premières touchés, on retrouve :

L’énergie
Les tensions autour de l’énergie sont liées à la dépendance de l’Europe au
gaz russe. Le prix du baril ne cesse d’augmenter et les spéculations ne limitent
pas ces excès. Le prix du baril, maintenant au-dessus des 100 $, est un bon
indicateur pour illustrer l’inflation des charges externes dont les services achats
doivent faire face. La conjoncture de la situation géopolitique associée au
manque de disponibilités des centrales nucléaires en France entraine
une envolée des prix de l’électricité.
Cette hausse des coûts de l’énergie entraine une forte augmentation des
TCO (Coût total d’acquisitions) avec notamment des coûts induits tels que les
frais de transport qui accroissent. Mais ce n’est pas la seule matière première qui
voit d’ailleurs ses coûts grimper.

55
Annexes

Les métaux
Parmi les différents impacts, celui sur les métaux est très important pour le
secteur de l’industrie. La Russie et l’Ukraine sont deux pays avec de très
grandes ressources en acier, en zinc, en aluminium, en plomb, en nickel et en
cuivre. Ces grandes puissances sidérurgiques alimentent aussi l’Europe en
platine, en titane, en lithium, en bois de construction, en produits plastiques, ou
encore en polyuréthane. Ainsi les cours de ces matières ne cessent d’augmenter,
car les exportations provenant de ces pays ont cessé ou étaient réduites
drastiquement. Ces hausses peuvent être comprises entre 60 % et 70 % pour le
charbon, par exemple. Or, ces matières sont essentielles pour la production de
certaines entreprises.
À titre d’illustration, le lithium qui est essentiel pour la production des batteries
des voitures est indisponible. L’Ukraine ayant la réserve la plus importante n’est
pas en mesure de fournir les autres pays. Ainsi, le virage pris vers des flottes
automobiles électriques est contraint par la disponibilité de la matière. Des
usines Volkswagen en Allemagne ont de cette façon été obligées d’arrêter leurs
activités dues à l’incapacité d’approvisionnement en lithium auprès de leurs
fournisseurs. Cette pénurie n’est donc pas sans conséquences sur les prévisions
établies par les entreprises.

Les céréales
Le prix des céréales a lui aussi explosé lors de l’invasion russe, car ces deux
pays représentent 30 % des exports mondiaux de blé. Ainsi, c’est plus de
100 millions de tonnes qui étaient en jeu. L’Ukraine et la Russie étant le
foyer d’un tiers de la production de blé dans le monde, les cours se sont
envolés jusqu’à 440 € la tonne sur le marché européen à la mi-mai. Cette
envolée impacte directement les coûts des entreprises et des sous-
traitants qui ont augmenté drastiquement. Cependant, la situation semble
commencer à s’arranger avec la reprise des exportations de céréales depuis
l’Ukraine. Le cours du blé est actuellement à 330 € contrairement à celui du
maïs qui lui, n’a pas diminué. Pour cette céréale, la situation est différente, car
les pays sont exposés à de grandes sécheresses qui impactent d’autant plus les
récoltes.
Ainsi, les prix des céréales ont fortement été affectés par la guerre en Ukraine.
Et, même si l’exportation de certaines d’entre elles a repris, la sécheresse est
venue elle aussi impacter la disponibilité de cette matière première. À moyen
terme, la situation n’est pas près de s’améliorer et les prix resteront élevés par
rapport à l’avant-guerre.

Augmentation des délais de livraison et de leurs coûts


Depuis la pandémie du COVID, la chaine logistique internationale est perturbée
et n’arrive pas à retrouver un flux régulier. La guerre vient compliquer
56
Annexes

la situation du transport international. Les flux mondiaux sont saturés et les


prix ont triplé, voir même quadruplé, ces dernières années. Les secteurs aériens,
maritimes, ferroviaires et routiers sont tous impactés.

Transport aérien
La situation actuelle a entrainé la fermeture d’espaces aériens et donc
le rallongement des routes. Les avions ont donc moins de places pour
transporter des marchandises, car ils doivent avoir avec eux assez de stock
d’essence pour leurs nouveaux itinéraires. Ainsi, les tarifs étant déjà plus élevé
dus à l’engorgement des voies maritimes, continuent leurs évolutions, avec à
court terme, une augmentation de 40 % de plus.

Transport maritime
Le transport maritime est souvent le plus choisi pour ses frais moins élevés pour
les longues distances. Malheureusement depuis 2 ans les taux des frets ont
explosé et ont multiplié par 5. Et cette tension n’est pas près de diminuer au vu
de l’engorgement des ports du nord de l’Europe. Les coûts ont donc flambé par
l’augmentation du prix du carburant et la congestion des ports qui mènent les
négociations du prix d’un conteneur autour de 15 000 $ hors BAF (Bunker
Adjustment Factor).

Transport ferroviaire
Le transport ferroviaire subit lui aussi les conséquences de ce conflit. La route
de soie passant par l’Ukraine étant bloquée, c’est plus de 500 000 conteneurs
EVP par an qui ne circulent plus entre la Chine et l’Europe. Cette route est plus
que stratégique, et son arrêt entraine une élongation des délais de transition
des marchandises. Les livraisons sont ainsi plus longues et les coûts
augmentent.

Transport routier
Avec le début de la guerre en Ukraine, c’est près de 30 000 chauffeurs de poids
lourds ukrainiens qui sont rentrés défendre leurs pays. Ainsi une pénurie de
camions se profile par l’insuffisance de chauffeurs. Mais la hausse du prix du
carburant vient aussi augmenter les tarifs et donc les coûts.
Les délais sont aussi rallongés par des contrôles plus importants aux frontières.
De plus, si ce mode de transport est utilisé en alternative aux autres catégories,
les délais sont plus longs.
Ainsi, tous les modes de transports sont impactés. C’est donc sans surprises que
les délais de livraison et les coûts dans le TCO augmentent pour les produits
des services achats. Il est difficile de trouver des alternatives, car la majorité des
solutions sont congestionnées. Il faut donc suivre la situation de près pour
connaitre les évolutions futures.

57
Annexes

Augmentation des risques externes

Les services achats doivent aussi faire face aux différents risques qui accroissent avec ce
conflit. Ils sont arrivés soudainement et ne risquent pas de diminuer à moyen terme.

Le premier que l’on peut mentionner est le risque économique que cette situation
géopolitique a fait augmenter. L’inflation s’est accélérée avec en sous-conséquences
une augmentation des matières premières, une évolution rapide des prix et la volatilité
des taux de change. La situation évolue rapidement et il devient difficile d’avoir une réelle
vision sur les prix courants, car ils ne cessent de changer.
Le second risque important est celui lié aux fournisseurs. Les fortes perturbations des
chaines d’approvisionnements et l’incertitude des demandes clients de ces derniers temps
sont causes des délais et retards de livraison ainsi que l’insuffisance des stocks de sécurité.
Subséquemment, des risques techniques tels que des goulots d’étranglement sont dus au
non-contrôle des chaines de production. La conséquence de l’augmentation de ces risques
externes est l’augmentation des coûts logistiques et l’augmentation des coûts
d’approvisionnements sur des matières premières telles que l’énergie, les métaux et les
céréales.
Les solutions à déployer pour faire face à cette crise
Tous ces bouleversements ne risquent pas de disparaitre immédiatement. Des changements
profonds se dessinent sur le marché. Pour limiter tous les impacts, il est possible de mettre en
place diverses solutions. Celles-ci peuvent être implantées à court, moyen et long terme.
Avoir une vision globale de ses achats
La première action à mettre en place est d’effectuer une cartographie de ses achats afin
d’avoir une vision globale. Pour cela, il faut collecter les données nécessaires pour la réaliser.
Les données doivent être de qualité pour les exploiter par la suite. Celles-ci seront ainsi
segmentées dans diverses catégories au choix.
Une fois les approvisionnements classés, les familles d’achats sont hiérarchisées par l’analyse
ABC. Cette segmentation permet d’effectuer un benchmark interne, de prioriser les
achats, d’anticiper les besoins et de définir la bonne stratégie à adopter.
Les matériaux et composants critiques et soumis à une forte tension sont alors identifiés et il
est possible de piloter et prendre les bonnes décisions au bon moment. La cartographie des

58
Annexes

achats est donc un outil essentiel pour avoir une vision claire de la priorisation des actions à
mener face aux récents évènements.

Une fois la vision globale sur la situation des achats établie, il est possible de venir soutenir ce
pilotage et assurer l’orientation stratégique choisie par la cartographie des risques achats.
Ces risques peuvent être interne ou externe et peuvent être de différentes
natures : économiques, opérationnels, financiers, juridiques, et conformité.
La cartographie va donc permettre d’identifier, de hiérarchiser et d’anticiper l’apparition
de nouveaux risques associés à l’approvisionnement auprès des fournisseurs dans des pays
tiers. Un niveau de préoccupation est ainsi attribué à chaque risque afin d’établir
une priorisation sur les menaces.
Par exemple, un tel panorama sur les risques peut permettre de mener des actions pour réduire
les dépendances à des fournisseurs qui auraient une priorisation élevée face aux risques. Il est
important que cette cartographie soit tenue à jour pour suivre l’évolution des risques dans la
durée et ainsi, ajuster les décisions et la stratégie adoptée.

Prévoir des alternatives

Une première alternative qu’il serait possible d’adopter est d’effectuer des multisourcing sur
les fournisseurs faisant partie des catégories clés. Pour déterminer ses catégories d’achats, il
est possible d’effectuer une cartographie par la matrice de Kraljic afin de hiérarchiser et
classer les achats.

En trouvant plusieurs fournisseurs pour les achats stratégiques, les besoins et les risques
associés sont répartis, tout en assurant le respect des délais de livraison.

Une seconde alternative possible serait l’anticipation des augmentations des prix par
une gestion différente des stocks des matières premières. Par exemple, pour le secteur de
l’industrie, il est possible d’éviter ces fluctuations et de sécuriser l’approvisionnement
par l’achat de la matière première de façon groupée pour le compte de ses fournisseurs.
Le principe repose sur le fait que le client final est propriétaire de la matière première.
Celle-ci sera utilisée par un tiers lors de la production et du traitement pour fabrication du

59
Annexes

produit semi-fini et fini. Ainsi, les impacts sur les coûts peuvent être limités suivant la
capacité de stockage (pouvant lui aussi être déporté chez le fournisseur), mesurés en amont et
être gérés directement par le client final.

Renforcer les relations avec ses fournisseurs


Pour contrer les impacts de la guerre Ukraine-Russie à court terme, il est possible pour les
services achats de signer des contrats de plus longue durée avec les fournisseurs. Cela
permet d’éviter les fluctuations à la hausse en sécurisant les approvisionnements.
Des relations durables avec le fournisseur sont ainsi créées. Ce travail main dans la main
peut déboucher sur des remises sur les volumes d’achats à moyen terme.
Il faut toutefois faire attention à cette solution, car les besoins peuvent rapidement changer et
les solutions des fournisseurs peuvent ne pas évoluer au même rythme que celles du marché.
Ainsi, elle est à utiliser avec parcimonie, et de préférence sur les achats critiques, qui ont un
faible impact pour l’entreprise, mais qui sont complexes à trouver sur le marché.

Se tourner vers le Redesign To Cost


Pour minimiser les impacts de ce conflit, il est aussi possible de simplifier et standardiser
les besoins par le Redesign-To-Cost. L’objectif principal de cette méthode est de réduire les
coûts en faisant une analyse fonctionnelle et une analyse de la valeur de chaque produit et
famille de produits.
Dans un premier temps, l’analyse fonctionnelle va éliminer ce qui est superflu et peu
important pour répondre au besoin du client. Ensuite, l’analyse de la valeur va identifier les
composants qui dépassent les coûts fixés du produit afin de les substituer par des
composants moins chers ou les supprimer. Cette analyse va ainsi identifier les matériaux et
composants critiques pour lesquels il existe une tension sur le marché, et va essayer de
trouver des solutions alternatives.
C’est une méthode qui favorise l’optimisation et la réduction de l’utilisation des matières
premières à risques tout en diminuant les coûts superflus. On cherche à économiser les
produits de base par le recyclage et l’économie circulaire, par exemple.
Ainsi, les coûts et les risques sont réduits et les produits répondent toujours au besoin du
client. Il ne faut pas oublier que cette approche demande une collaboration productive des
diverses fonctions d’une entreprise et notamment de la part des prescripteurs.

60
Annexes

Privilégier des achats responsables

Opter pour des achats responsables apporte aussi des bénéfices concrets. On parle souvent
de l’obtention d’un avantage concurrentiel, et de l’amélioration de l’image auprès des
partenaires et des clients, mais ce ne sont pas les seuls bénéfices dont une entreprise peut
profiter. Favoriser ce type d’achat peut permettre aussi de lutter contre les variations du
marché actuel.

Tout d’abord, relocaliser les achats pour favoriser la production locale est une manière de
repenser ses achats au plus près en évitant l’acquisition de matières premières éloignées.
Ainsi, les approvisionnements se sécurisent, les délais de livraison sont réduits, le savoir-
faire perdu se redéveloppe, l’impact environnemental est diminué, et le coût total
d’acquisition est exempté de taxes et de tarifs chers et compliqués. La démarche TCO met en
avant les bénéfices de l’achat local par rapport à la diminution des coûts de
transports (expédition, frais de douanes, carburant…), ou encore la réduction du coût de
non-qualité. Mais ce qui est aussi important de regarder c’est le prix « réel » qui englobe
plus largement la contribution RSE avec le coût carbone et la participation dans
l’écosystème local.

Deuxièmement pour se tourner vers des achats responsables les entreprises peuvent
aussi acheter mieux et moins par le biais de choix tel que l’économie circulaire qui fait
place au recyclage et au prolongement de la durée de vie des produits. Ce modèle économique
permet de maitriser les coûts par la création d’une alternative à l’indisponibilité de
matières premières, et par la réduction des frais liés à la gestion des déchets. C’est donc

61
Annexes

un système gagnant-gagnant qui rend les entreprises plus compétitives dans des
environnements instables.

Ces choix demandent tout de même une certaine durée pour être instaurés. Ainsi, ces
solutions nécessitent de repenser la stratégie d’achats et d’effectuer de
nombreux changements à moyen et long terme sur la chaine d’approvisionnement. Ce n’est
donc pas la première option que nous vous conseillons de mettre en place pour minimiser les
impacts du marché actuel et réduire son exposition aux risques.

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https://www.visiativ.com/

62
Annexes

Recommandations

3- Solutions et perspectives stratégiques :

Le fait d’appliquer la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo était la base de
construire cette relation de fidélité entre l’Europe et la Russie en ce qui concerne les
approvisionnements en matières énergétique, notamment en Gaz naturel. La Russie grand
producteur du gaz GNL, dont la part mondiale est 18% selon les statistiques de 2022 est
difficile à s’en passer, voir pas possible dans les prochaines années à venir.

63
Annexes

Sous pression des Etats Unis, les pays européens ont pris une décision plutôt politique
qu’économique. Le fait d’être entièrement dépendant du Gaz Russe, avait des conséquences
fâcheuses sur l’économie des deux côtés ; L’Europe qui s’attendait à sanctionner son
adversaire pour l’affaiblir et gagner la guerre, a été victime d’être auto-sanctionnée, suite à
l’échec de sa politique brutale, envers sa population qui souffrent de l’inflation la plus pire
depuis la crise économique de 1929.
La Russie comptait pour 45 % des importations de gaz naturel de l'UE en 2021, un
chiffre tombé à 14 % en septembre 2022.

Les défauts de la solution européenne, c’est le remplacement du gaz russe par le


gaz américain, puis Norvégien, échouer à la compensation du GNL russe, une
nouvelle dépendance énergétique à d’autres pays est créée, voir le shema explicatif :

Malgré les initiatives adoptées des gouvernements, la problématique reste encore


compliquée ; la baisse remarquable du prix du gaz en gros dans le deuxième semestre 2023
64
Annexes

n’est pas un signe positif qui marque la perfection du planning européen, mais, le sur-
stockage des réserves plus une baisse de consommation dû au températures clémentes, des
économies auprès des ménages dans leur consommation, quant à l’industrie, les unités
manufacturières ont baissé à leur tour leur consommation des énergies à cause de la baisse du
pouvoir d’achat chez le consommateur final, qui est directement impacté par l’inflation.
Le retour d’un hiver froid pourra tout changer, et bouleverser les chiffres à tout moment ;
pour cette raison, je propose une résolution à long terme, qu’on peut appliquer et répartir sur
plusieurs années :
Afin d’éviter la crise, L’Europe aurait dû planifier et mettre en oeuvre un plan à exécuter sur
une durée de six ans :

- Lancement d’installation d’une infrastructure adéquate, qui consiste à


construire des terminaux pour recevoir et stocker le gaz.
- Recherche de nouveaux fournisseurs fiables pour s’approvisionner ; sans
oublier cibler des pays qui sont politiquement stables.
- Choisir la bonne Géolocalisation qui permet un itinéraire plus sûr pour garantir
l’acheminement du gaz en toute sécurité.
- Réduction de la quantité totale importée de la Russie à 15% par an dans les 3
premières années, puis à 17, 18 et 20% respectivement dans les années
suivantes.

Etapes prévisionnelles de Remplacement du gaz


Russe par L'U.E
120

100

80

60

40

20

0
2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028

Russie autres pays Colonne1

- Après les 6 ans, l’Union d’Europe peut se décider s’elle peut


continuer à s’approvisionner de la Russie, selon les circonstances
géopolitiques de la période en question, tout en continuant à
s’approvisionner en quantité limitée.
- Diversification des approvisionnements pour compenser la quantité
réduite.
65
Annexes

. La diversification soit un processus long et coûteux qui nécessite des


investissements dans les infrastructures (nouveaux gazoducs, terminaux GNL,
etc.),

Diversification des marchés


d'approvisionnement en GNL
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
GNL

Russie Norvége Algérie Azerbaidjan Qatar Nigéria IRAN EGYPT autres pays

Pays Russie Norvége Algérie Azerbaidjan Qatar Nigéria Iran Egypt Autres
Pays
GNL
Importé 14 18 13 9 16 7 7 6 10
en %

Le diagramme représente les quantités à répartir sur les différents


fournisseurs du gaz, afin de réaliser l’indépendance total de tous les
intervenants sur le marché international du GNL ; avec ces chiffres
mentionnés dans le tableau, on a pris aussi en considération les zones de
conflit politique, les plus risquées, et surtout les zones de guerre, et les pays
oû les coups d’Etats se manifestent le plus souvent.

66
Annexes

Plan d’acheminement du gaz via de nouveaux


gazoducs :
Recommandations :

Le gazoduc transsaharien est-il un projet viable et rentable pour les


pays intervenants ? Une question que les européens à leur tour doivent se poser.
Les deux 3 projets de gazoducs prévus à mettre en œuvre les prochaines années,
empruntent-ils des itinéraires sécurisés ? surtout qu’ils passent tous par des
zones à haut risque.

Prenons l’exemple du gazoduc Maghreb-Europe, La fermeture par l’Algérie du


gazoduc, qui la reliait auparavant à l’Espagne via le Royaume du Maroc, et la
guerre russo-ukrainienne ont poussé l’Espagne à payer pour le gaz algérien
un prix trois fois plus élevé qu’en 2021.
Cela se reflète dans l’augmentation du coût des produits énergétiques. Au
cours des cinq dernières années, 21 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié
sont entrées à Almería, par le gazoduc et le port, pour une valeur de 9
milliards d’euros. L’Espagne paie le gaz algérien 3 fois plus cher qu’en 2021

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https://www.algerie-eco.com/2023/10/29/lespagne-paie-le-gaz-algerien-3-fois-plus-cher-
quen-
2021/#:~:text=Les%20importations%20en%20provenance%20d,plus%20cher%20qu'en%202
021.

67
Annexes

Gazoduc transsaharien dit aussi (NIGAL) : traversant le Nigéria, Niger , et


l’Algérie
Gazoduc transsaharien : Nigéria-Libye

Quoi qu’il en soit, aussi bien pour le projet de gazoduc transsaharien que celui du
projet de gazoduc Nigéria-Libye, ils auront à surmonter tout au long de leur tracé
de multiples défis sécuritaires. Avec la montée en puissance depuis 2006 des
mouvements terroristes tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ainsi que
l’accroissement des violences dans le delta du Niger, ces projets semblent difficile
à réaliser dans le court terme. Ils devront traverser des zones non sécurisées, depuis
le delta du Niger où les installations d’extraction d’hydrocarbures font face à des
opérations de sabotages chroniques, en passant par le Nord du Niger où sévissent
les rebelles touarègues et les organisations terroristes, avant d’atteindre le désert
algérien connu pour être un sanctuaire de groupes criminels et terroristes.
Si on adopte la deuxième option : pomper du gaz au Nigéria et l’acheminer par
l’Océan Atlantique en passant par 13 pays africains jusqu’au Maroc, puis l’Europe
de l’Ouest, c’est aussi un chemin long et plein de risque ; le taux de risque est très
élevé par rapport au nombre de pays traversé par le gazoduc, vu l’instabilité
politique dans ce continent : conflits régional, conflit ethnique, et des coups d’Etat
de temps à autre, qui peuvent déstabiliser la chaine logistique à tout moment.
En conclusion L’Union Européenne ne peut vraiment compter sur le gaz venant du
Nigéria par les gazoducs dans le court terme.

68
Annexes

Gazoduc Azerbaidjan Europe :

La communauté internationale, et les pétro-entreprises concernées, se


concentrent sur le Haut-Karabakh pour les empêcher de détourner l'attention de
l'Azerbaïdjan de la production de pétrole qui les approvisionne et de protéger les
gazoducs et les oléoducs de toute forme de chantage, d'arrêt ou de crise
économique déclenchée par un affrontement guerrier.

L'histoire de l'Azerbaïdjan et du pétrole remonte à loin. Le premier oléoduc a été


construit en 1878 par la Baku Oil Refinery of Balakhani Mines. Aujourd'hui en
Azerbaïdjan, il existe de nombreux pipelines souterrains pour le pétrole et le gaz
naturel liquéfié. Et beaucoup d'entre eux passent près de la République
autoproclamée d'Artsakh.

L'un des plus importants est l'oléoduc du Caucase du Sud qui va de la mer
Caspienne à la Turquie en passant par la Géorgie. Il a été inauguré en 2007 et
fait 970 kilomètres de long. Les tuyaux ont été fournis par la société japonaise
Sumitomo Metal Industries. Et les actionnaires du projet le sont : BP (25,5 %),
Statoil (25,5 %), SOCAR (10 %), Lukoil (10 %), NICO (10 %), Total (10 %) et
TPAO (9 %).

Le deuxième gazoduc le plus connu est le TAP (Trans Adriatic Pipeline), qui
rejoint le gazoduc TANAP. Créé en 2011, il est long de 878 kilomètres et
transporte le gaz naturel azéri à travers la Turquie jusqu'en Europe en passant
par la Grèce, l'Albanie et la mer Adriatique. Les actionnaires du projet sont :
SOCAR (20 %), BP (20 %), Snam (20 %), Fluxus (19 %), Enagás (16 %) et
Axpo (5 %).

69
Annexes

Le gazoduc TANAP (Trasns Anatolian) transporte du gaz naturel de la frontière


orientale de la Turquie vers l'ouest et assurera un transit stable dans le pays. Le
projet rejoindra l'oléoduc du Caucase du Sud élargi de l'Azerbaïdjan à plusieurs
oléoducs de l'Union européenne. Ce projet a été très controversé, surtout en
Italie il y a quelques années, où le gouvernement débattait de l'acceptation ou
non de l'arrivée de l'approvisionnement azéri, bien qu'il ait finalement été
approuvé.

Ce genre d'affaires a fait de l'Azerbaïdjan un État ayant très peu d'influence


internationale, mais il est présent. A ce jour, elle n'a pas d'autres ennemis connus
que les Arméniens. Même la Russie considère Aliyev comme un allié, bien
qu'elle ait vu son marché menacé en 2009, lorsque l'Union européenne cherchait
d'autres sources de financement pour rétablir le chauffage de l'Europe du Nord
qui avait été coupé en raison de la confrontation entre la Russie et l'Ukraine.
Finalement, la Russie a compris qu'il était plus rentable pour l'UE de réduire sa
dépendance de 10 % en la remplaçant par l'Azerbaïdjan et en bloquant l'Ukraine
et ses gazoducs.

-------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.atalayar.com/fr/articulo/politique/pourquoi-conflit-du-haut-karabakh-est-il-
strategique-pour-leurope-russie-et/20200930113423147721.html

70
Annexes

Recommandations:

A cause de cette zone instable, oû la guerre peut se déclencher à tout moment ,


l’U.E ne peut vraiment compter sur le gaz venant de la mer caspienne, c’est
pourquoi, je propose minimiser la quantité importée de l’Azerbaidjan au
maximum possible ; parallèlement, le conseil européen peut inviter les deux
pays à des négociations pacifique pour résoudre l’affaire du Haut-Karabakh ;
afin de construite un nouveau gazoduc traversant l’Arménie, pour que
l’acheminement soit plus court, moins coûteux, et dans les bonnes conditions.

71
Annexes

Projet gazoduc QATAR-EUROPE :

Le projet de gazoduc Qatar-Turquie est un projet lancé en 2000 qui permet de


rallier la production qatarie d’hydrocarbures au marché européen en passant par
la Turquie. Mais ce projet est arrêté en 2009 à cause des différentes tensions
alimentant la région moyen-orientale. Si le projet Qatar-Turquie et plus
généralement les enjeux énergétiques ne sont pas directement responsables des
différents conflits qui secouent le Moyen-Orient aujourd’hui, ils en sont
cependant des catalyseurs importants et contribuent à amplifier les frictions
entre les Etats moyen-orientaux1,2.
Lancé dès 2000, le projet de gazoduc Qatar-Turquie compte acheminer
les hydrocarbures depuis le champ gazier iranien-qatari North Dome (South
Pars), jusqu’en Turquie où il sera rattaché au gazoduc de Nabucco, lui aussi en
projet, afin d’approvisionner le marché européen. Deux tracés sont dessinés. Le
premier transite par l’Arabie saoudite, la Jordanie, la Syrie avant d’arriver
en Turquie. Le second évite la Syrie et passe par l’Irak et le Koweït6. Le premier
trajet est abandonné en 2009 car la Syrie refuse de signer l’accord pour
permettre au gazoduc de traverser son territoire pour protéger les intérêts de son
allié russe7. Par la suite, la guerre civile syrienne a empêché tout projet
de gazoduc de se développer.

-------------------------------------------------------------------------------------------------
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gazoduc_Qatar-Turquie

72
Annexes

Recommandation :
L’idée de construire un gazoduc reliant le Qatar et L’Europe, peut toujours
réussir, mais on adoptant un nouveau itinéraire ; Construire un gazoduc qui relie
le Qatar à l’Europe en traversant l’Arabie Saoudite, la mer rouge et l’Egypt ; cet
itinéraire sera le chemin le plus sûr et le plus garanti, pour acheminer le Gaz en
toute sécurité. Voir la ligne verte tracée sur la mappe.

Conclusion
La situation actuelle de la guerre entre l’Ukraine et la Russie vient compliquer
un environnement qui l’était déjà depuis la pandémie de la Covid-19. Toutes ces
solutions ne sont pas exhaustives. De nombreuses autres pistes peuvent être
étudiées pour répondre aux bouleversements récents, et pour faire preuve
d’anticipation sur l’avenir. Parmi celles mentionnées, certaines peuvent être
perçues comme une prise de risque, mais rappelons qu’elles ne sont pas toutes à
implanter à court terme et dans tous les secteurs d’activité. Il est important de
connaitre les changements de l’environnement actuel, mais aussi les mutations
qui arriveront dans le futur afin de les précéder.

73
Annexes

Références

Webographie
 Page 7 / https://www.cairn.info/supply-chain-
 Page 11/ https://www.lis.eu/fr/lexikon/distribution/
 Page 12/ https://www.cognizant.com/
 Page 15/ https://www.b2be.com/fr/industries/petrole-et-gaz/
 PAGE 17/ https://www.avetta.com/f
 Page 18/ https://www.connaissancedesenergies.org/gazprom-la-strategie-
 Page 22/ https://www.inter-mines.org/fr/
 Page 41/ https://www.actu-transport-logistique.fr/officiel-des-transporteurs/
 Page 43/https://balguerie.com/actualites/logistique-internationale-face-a-la-guerre-
ukraine
 Page 50/ https://market-insights.upply.com/fr/inflation-extension-toute-la-chaine-
logistique
 Page 53/ https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts /
 Page 62/ https://www.visiativ.com/
 Page 67/ https://www.algerie-eco.com/2023/10/29/lespagne-paie-le-gaz-algerien-3-
fois-plus-cher-quen-
2021/#:~:text=Les%20importations%20en%20provenance%20d,plus%20cher%20qu'
en%202021.
 Page 70/ https://www.atalayar.com/fr/articulo/politique/pourquoi-conflit-du-haut-
karabakh-est-il-strategique-pour-leurope-russie-et/20200930113423147721.html
 Page 72/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Gazoduc_Qatar-Turquie

Bibliographie
*
*

74
FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES ÉTABLISSEMENTS DE
FORMATION PROFESSIONNELLE IFPS
CENTRE D’EXAMEN AGRÉÉ : WORKSHOP PLUS GROUPE TANGER

Année Universitaire : 2022/2023

PV de Projet de Fin d’Etude (PFE)


Filière : Logistique & Transport
Note Finale
Nom et prénom de l’étudiant (ou des étudiants) (Individuelle ou du
Groupe)

1. ………………………………………………………………………….…………………….

…../20
2. ……………………………………………………………………………………………….

Sujet du projet :

…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………

Date de la soutenance :……..…/…………/2023

Membres du Jury Signature

Pr…………………………………….……..…. : Président

Pr………………………………..….………. : Examinateur

Pr………………………………….……. : Encadrant Interne

Mr……………………………………. : Encadrant Externe

Appréciations du jury :………………………………………………………………………


…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………

75

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