150 Idées Reçues Sur École Éducation FR Problèmes Du Secteur

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DES MÊMES AUTEURS

150 idées reçues sur le corps humain, First, 2012


150 idées reçues sur la science, First, 2011
Pourquoi les vampires ne sont pas végétariens ?… et autres mystères de la science, First, 2010
Pourquoi les marmottes ne fêtent pas le Nouvel An ?, Ellipses, 2009
La Science contre le crime, Fleurus, « Voir les sciences », 2009
Peut-on jouer au Frisbee avec une tong ?, Ellipses, 2009
Comment fabrique-t-on une poule ?, Ellipses, 2008
CHRISTIAN CAMARA

CLAUDINE GASTON

150 IDÉES REÇUES


SUR L’ÉCOLE
© Éditions First-Gründ, Paris, 2012

60, rue Mazarine


75006 Paris – France
Tél. : 0145496000
Fax : 0145496001
Courriel : firstinfo@efirst.com
Internet : www.editionsfirst.fr

ISBN : 978-2-7540-4370-0

Dépôt légal : août 2012


Ouvrage dirigé par Benjamin Arranger
Secrétariat d’édition : Capucine Panissal
Correction : Ségolène Estrangin
Mise en page : RESKATOЯ

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre
gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du
Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions
civiles ou pénales. »

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo


Avant-propos
Sur les plateaux télé, dans les colonnes de journaux, au café du
Commerce et bien sûr à la sortie des classes, l’école est un sujet de
discussion passionné. Baisse de niveau, intrusion d’Internet, utilité des
devoirs à la maison ou du baccalauréat, sans oublier le collège unique et
bien sûr les profs qui ne fichent rien… la liste est sans fin.
Souvent vif, laissant rarement indifférent, le débat sur l’école n’est pas
près de se clore, chaque famille sait bien que l’avenir des enfants en
dépend. Mais il est aussi éminemment politique, voire idéologique.
L’avènement de l’école publique, lié à celui de la IIIe République,
représente la victoire du camp républicain et laïc contre celui de la
monarchie et de l’Église. Les deux écoles, publique et confessionnelle, ont
chacune pendant longtemps incarné un des deux camps, associé à la gauche
ou à la droite.
Mais depuis plusieurs décennies ce clivage s’est estompé, du moins en
apparence, remplacé par un autre, opposant les défenseurs de la
transmission des savoirs à ceux des savoir-faire et des « savoir-être ».
Chaque camp recrute à droite et à gauche de l’échiquier politique, chacun
dénonce les défaillances du système, les uns pour demander que l’on arrête
la casse, les autres pour réclamer toujours plus de réformes. Ce remake de
la querelle des Anciens et des Modernes donne lieu à des polémiques sur le
niveau, en baisse ou en hausse, sur les élèves, apathiques ou créatifs, sur les
méthodes, archaïques ou ravageuses selon son camp.
Mais derrière la bataille d’idées se cache celle du coût de l’éducation.
Premier budget de la nation, il est à 94 % consacré aux dépenses de
personnel. Alors, l’idée (reçue ?) d’enseignants ne faisant rien ou d’un
système inefficace en arrange plus d’un lorsqu’il faut mener de vastes
réformes de structure. D’où l’utilisation partisane des indicateurs que
chacun tourne à sa sauce, présente tronqués et transforme finalement en
idées reçues. Les fameux tests Pisa, dont tous les médias parlent sans jamais
dire ce qui est mesuré, en sont un exemple.
Démêler le vrai du faux, débusquer les demi ou contrevérités, voire les
mythes et les manipulations, tel est l’objectif de ce livre. Car le discours
officiel, en contradiction avec la réalité des classes et des élèves, se heurte
aux constats faits par les enseignants et les parents qui bien souvent
convergent. Sans catastrophisme ni déni de la réalité, chacun doit pouvoir
s’emparer du sujet pour éviter que la prochaine réforme ne vienne encore
aggraver les problèmes.
Chapitre 1
L’élève au centre

Suppression du redoublement, modification des rythmes scolaires,


lutte contre l’ennui… autant de mesures proposées dans l’intérêt
de l’élève… Et si le remède était pire que le mal ?
Redoubler ne sert à rien

Redoubler, c’est perdre un an. D’ailleurs, les études ont montré


que ça ne servait à rien. FAUX

« Redoublement ! » : comme le couperet de la guillotine, le verdict


tombe. Mieux vaudrait dire « tombait », car redoubler n’est plus si fréquent.
En 2010, un élève sur sept a déjà redoublé à l’entrée en sixième (contre un
sur quatre en 1990) et près d’un sur deux est en retard en terminale (contre
deux sur trois en 1990). Plus d’un fait remarquer qu’il s’agit d’une
particularité française : en 2006, tandis que 14,4 % des élèves de seconde
ont redoublé cette classe, ils n’étaient que 8 % en Europe. Une différence de
taille sur laquelle s’appuient les adversaires du redoublement pour dénoncer
son prétendu non-sens, sans se demander néanmoins pourquoi 8 % des
élèves redoublent tout de même.
Si en France les élèves redoublent de moins en moins, les enquêtes
montrent qu’ils sont plus nombreux à quitter le primaire sans maîtriser
correctement la lecture. Et au collège et au lycée, les indicateurs de niveau
ne sont pas meilleurs.
L’explication de ce paradoxe est simple : le nombre de redoublements
diminue, car l’institution scolaire, aidée, il faut bien le dire, par les sciences
de l’éducation, incite à forcer le passage, et cela de plusieurs façons.
L’organisation de l’enseignement non plus en années mais en cycles
évite bon nombre de redoublements, en particulier en primaire, puisque les
lacunes pourront, dit-on, être comblées dans la suite du parcours. Sauf que
l’année suivante, l’enseignant ne reprendra pas pour un élève ce qui a été
assimilé par le reste de la classe. Au collège et au lycée, la décision du
passage en troisième et en terminale est laissée aux familles et, pour les
autres niveaux, les arrangements avec le chef d’établissement ou les
commissions d’appel annulent bon nombre d’avis de redoublement émis par
le conseil de classe. Pourquoi cette politique, qui non seulement génère de
l’échec scolaire mais en plus l’encourage ? Pour l’État, chaque
redoublement est un élève de plus dans le système scolaire pendant un an,
et pour l’ensemble des élèves, la note commence à chiffrer. Le ministère des
Finances évalue lui-même le coût à 2 milliards d’euros par an et s’est
d’ailleurs livré à une conversion : celle de la disparition du redoublement en
nombre de suppressions de postes d’enseignants – 25 000. À vrai dire,
l’éducation a un coût, son budget n’est pas indéfiniment extensible, et
l’argument selon lequel l’argent récupéré serait mieux utilisé autrement peut
se défendre. Pourquoi pas ? le rôle des politiques est de faire des choix, à
condition de les assumer. Or, on fait croire aux parents que redoubler ne sert
à rien en incitant, de façon assez cynique, à un passage dont on sait
d’avance qu’il condamne plus d’un élève. Avec un alibi pour la bonne
conscience… les sciences de l’éducation et leurs fameuses études qui
« prouvent que ».
Il en existe de deux types sur la question. Les unes comparent le devenir
d’élèves qui, de niveau équivalent à un moment de leur scolarité, ont
redoublé ou non. On voit combien les approximations doivent être grandes
(peut-on être sûr que leur niveau était semblable si les uns sont passés et les
autres non ?). D’autres comparent les acquis d’élèves d’une même classe
ayant auparavant redoublé ou non. Elles aboutissent toutes au même
résultat : les élèves qui dans le passé ont redoublé sont moins bons que les
autres !
Pourtant, les enseignants le constatent, redoubler peut être utile pour ces
élèves pas très rapides qui, dépassés à un moment de leur parcours par les
lacunes accumulées, n’arrivent plus à faire face malgré leur travail. Une
seconde année peut leur permettre d’acquérir les bases qui manquaient et de
suivre, sans perdre pied à nouveau. Redoubler agit aussi sur le « mental »,
donne le sentiment de réussir quand l’échec collait autrefois à la peau.
Certes, il y a aussi les redoublements ratés, avec plusieurs profils.
Premier d’entre eux, le redoublement inutile, car le niveau de l’élève reste
le même, très faible, sans doute faute des ressources nécessaires ou tout
simplement de motivation. Autre cas de figure, le redoublement qui, après
un démarrage sur les chapeaux de roue, fait rapidement « pschitt », souvent
dès le deuxième trimestre. Après un fort investissement en début d’année
(sans doute la pression), les vieux démons refont surface, l’élève se laisse
vivre sur ses acquis (maigres) et les résultats déclinent par la suite.
Interrogez les enseignants, ils ont observé au cours de leur carrière tous
ces cas de figure, les redoublements qui tiennent presque du miracle comme
ceux qui s’apparentent à un gâchis. Aussi décréter de façon péremptoire que
redoubler ne sert à rien tient-il plus de l’a priori idéologique que de la
conclusion avérée. Redoubler est toujours un risque, mais c’est souvent une
chance.
Il faut instaurer le port de l’uniforme à
l’école

Face aux problèmes de violence et d’indiscipline, l’uniforme


permettrait de rétablir une ambiance de travail. VRAI et FAUX

Sur la chaîne M6, en 2004, l’émission « Le pensionnat de Chavagnes »


se tailla un franc succès en suivant les tribulations d’une vingtaine
d’adolescents replongés dans l’école des années 1950, récitant conjugaisons
et tables de multiplication tout en s’appliquant à résoudre des problèmes
comme celui où un « brave paysan veut partager son troupeau
de 17 génisses »… Tous vêtus d’une blouse grise furieusement vintage, ils
inspirèrent la nostalgie et firent un tabac… Depuis, l’uniforme à l’école est
devenu tendance et régulièrement des hommes politiques s’emparent du
sujet, comme en 2011 où quelques-uns à l’UMP ont proposé de restaurer le
port de l’uniforme (ou de la blouse) à l’école. Déjà, Xavier Darcos, alors
ministre, s’était en 2003 déclaré favorable à la mesure, qui d’après lui
aiderait à lutter contre la violence scolaire.
Principal argument avancé, celui de la lutte contre le racket et la
violence. Dans certains établissements, la tyrannie des marques suscite la
convoitise au point d’engendrer des comportements violents. C’est vrai,
mais les portables et autres appareils électroniques que possèdent tous les
élèves peuvent provoquer les mêmes réactions.
Cette fascination pour les vêtements empêche aussi les élèves de se
concentrer en cours, tout accaparés qu’ils sont à se comparer. On peut
objecter que si les élèves n’ont pas envie de se concentrer, ils trouveront
mille autres raisons de se disperser, même avec une blouse sur le dos. Quant
aux différences sociales exacerbées par la tenue vestimentaire, il faudrait
plus que quelques bouts de chiffon pour les faire disparaître. D’ailleurs,
elles concernent principalement les élèves d’établissements différents, la
mixité sociale étant plus réduite à l’intérieur d’un même établissement.
Mais les partisans de la mesure renchérissent que l’uniforme favoriserait le
sentiment d’appartenance à une communauté, renforçant ainsi la motivation
des élèves. Faut-il vraiment encourager à l’école cet esprit de territoire qui
mine les relations entre adolescents et favorise les conflits entre cités ?
Face au désarroi de parents déboussolés par certaines méthodes
pédagogiques, par les résultats de leur enfant, voire leur manque d’intérêt,
la solution du port de la blouse devrait tout changer ! Sortir des tiroirs les
vieilles recettes sentant la naphtaline a quelque chose de démagogique, car
sans rapport avec la crise de l’école. C’est une solution cosmétique qui ne
résoudra rien sur le fond.
Peut-on d’ailleurs imaginer un instant des élèves, surtout adolescents,
admettre de troquer leurs vêtements pour un uniforme ? Évidemment non,
ils seraient d’ailleurs soutenus par la plupart des parents. Si la mesure est
acceptée en Angleterre, par exemple, c’est parce qu’elle constitue une
tradition. En France, il en va tout autrement, et l’école n’a-t-elle pas
d’autres batailles plus importantes à mener ?
Séparer filles et garçons favorise leur
réussite scolaire

Avec la mixité, les garçons sont déconcentrés et les filles


intimidées. Si chacun travaillait séparément, ses résultats
scolaires seraient meilleurs. FAUX

En 1975, la loi Haby entérinait une pratique datant des années 1960 : la
mixité dans les établissements primaires et secondaires. Mais ce qu’une loi
fait, une autre peut le défaire, comme cela se produisit en 2008… au nom
de la lutte anti-discrimination !
Il s’agissait en fait de retranscrire dans le droit français une directive
européenne, selon laquelle la séparation des garçons et des filles à l’école
n’est pas discriminatoire, et au passage de satisfaire une revendication de
quelques groupes féministes minoritaires, avec l’approbation discrète de
fondamentalistes religieux.
Mais au nom de quoi séparer filles et garçons ? Pour corriger une
inégalité, prétendent certains : les filles obtiennent de meilleurs résultats au
lycée… et les garçons aux concours d’entrée aux grandes écoles. Chaque
année, 70 % des filles ont le bac, contre 59 % des garçons, et la différence
se creuse si l’on s’intéresse au bac général, puisque dans ce cas ce
sont 41 % des filles, contre 28,5 % des garçons. Il ne s’agit pas d’une
spécificité française, 81 % des Européennes détiennent en effet un diplôme
du second cycle, contre 71 % de leurs homologues masculins. Néanmoins,
les résultats s’inversent en ce qui concerne les études supérieures, puisque
l’on compte 41 % de femmes parmi les docteurs et 24 % parmi les
ingénieurs.
Avec la mixité, l’orientation des filles est moins ambitieuse… alors
supprimons la mixité. C’est du moins le raisonnement des partisans de la
mesure, qui voient dans la mixité la cause de cet échec relatif, resservant
l’argument selon lequel l’école ne produisant pas d’égalité, il faudrait
supprimer le principe d’égalité à l’école, en l’occurrence la même éducation
pour les filles et les garçons.
Si l’orientation des filles, moins ambitieuse que celle des garçons, est
bien une réalité, elle s’explique par plusieurs facteurs, notamment une
moindre pression familiale, des représentations imputables aux familles
elles-mêmes, l’influence de la télé… mais pas celle de l’école et encore
moins de la composition des classes. Quant aux résultats scolaires, une
étude (Aebischer, 1998) a montré qu’une tâche, un travail de géométrie, par
exemple, était accompli avec plus de succès par des garçons à l’intérieur
d’un groupe mixte tandis que les performances des filles étaient identiques
quel que soit leur entourage. Les enseignants quant à eux, prétendent
certaines études, auraient tendance à encourager les garçons, sur lesquels ils
misent davantage. Si cela était vrai, ce comportement – même inconscient –
ne serait-il pas exacerbé dans une classe non mixte ?
On cite aussi la différence de maturité, donc de rythme
d’apprentissage – mais ne concerne-t-elle pas aussi des enfants du même
sexe ? –, et la violence dont les filles sont victimes – les garçons ne sont-ils
pas violents entre eux ? Enfin les filles n’oseraient pas s’exprimer devant
les garçons – quand oseront-elles alors si elles ne sont pas confrontées à
cette réalité dès l’école ?
Il n’en fallait pas plus pour déclencher une réaction symétrique, celle de
la victimisation des garçons, avec pour revendication identique… la
disparition de la mixité. Le mouvement, surnommé « masculiniste »,
particulièrement bien implanté au Québec, où le décrochage scolaire des
garçons est plus préoccupant qu’en France, dénonce des conditions de
scolarisation plus favorables aux filles qu’aux garçons.
En cause, la féminisation du personnel enseignant, qui empêcherait les
garçons de s’identifier au maître, l’esprit de compétition – supposé plus
masculin – banni de la classe tout comme les jeux physiques voire violents,
courus des garçons toujours prompts à cet âge à vouloir affirmer leur
virilité. D’où la revendication par ces « masculinistes » d’une séparation
des filles et des garçons à l’école, jugée réactionnaire par les féministes…
dont quelques groupes avaient pourtant ouvert la brèche.
Au-delà de l’orientation scolaire, les méthodes pédagogiques sont aussi
pointées du doigt. Filles et garçons n’apprendraient pas de la même façon et
la non-mixité permettrait d’adapter les méthodes ou les exemples à chaque
groupe. Comme le rapporte une enseignante d’une classe de garçons, dans
Le Soleil, un journal du Québec, là où la non-mixité a été expérimentée :
« Je leur ai demandé de me décrire leur voiture de rêve, raconte Nancy. J’ai
eu des textes merveilleux. Et dans les cahiers, les autocollants
d’encouragement prennent la forme de ballons de basket-ball ou de
soccer. » Voiture et petits soldats pour les uns, poupées et dînettes pour les
autres : à vouloir séparer les uns des autres, l’école ne risquerait-elle pas de
les enfermer dans ces fameux stéréotypes tant dénoncés pourtant par les
défenseurs de la non-mixité ? Encore une contradiction qu’ils auront à
résoudre.
L’élève doit être au centre du système

En mettant l’élève au centre du système, on lui donne toutes les


chances de réussir. FAUX

« Mettre l’élève au centre » est le genre de formule qui spontanément


suscite l’adhésion, car elle semble signifier – et c’est toute l’habileté de ses
concepteurs – que dans le cas contraire l’élève, repoussé à la marge, compte
pour quantité négligeable.
La formule, officialisée par la loi Jospin de 1989, a en réalité une
origine bien plus ancienne, comme l’indique le titre de l’ouvrage The Child-
Centered School, de l’américain Harold Rugg, paru en 1926. L’école
traditionnelle était décrite par Rugg comme celle de la « peur », de la
« retenue » et des « longues heures d’ennui ». Curieusement, les mêmes
expressions sont aujourd’hui employées pour décrire l’école de 2012, bien
que la philosophie de l’« élève au centre » domine, y compris dans les
instances officielles.
Après Rugg, la formule sera régulièrement reprise ; John Dewey, par
exemple, un des fondateurs de l’Éducation nouvelle, ne disait rien d’autre
en écrivant : « L’enfant est le point de départ, le centre, le but », tout comme
Jean Zay, ministre de l’Éducation sous le Front populaire, qui reprenait la
formule dans une de ses principales circulaires.
Dans l’école de Harold Rugg, les mots-clés sont « créativité » et
« liberté d’expression », une école dans laquelle les élèves se rendent avec
enthousiasme parce qu’ils « modèlent de l’argile, dessinent et peignent,
écrivent des histoires qu’ils jouent ensuite, font du jardinage »… Pour
Rugg, l’école n’est pas le domaine des seules activités intellectuelles, les
exercices physiques ou faisant appel aux émotions y ont toute leur place.
Placer l’élève au centre du système, c’est partir de ce qu’il a spontanément
envie de faire et non pas, comme on l’imagine, lui accorder toute
l’importance, faire fonctionner le système pour lui.
Reprise aujourd’hui par l’Éducation nationale, la formule a été adaptée
à l’époque et aux différents niveaux du cursus scolaire, mais la philosophie
reste la même. Avec les travaux du sociologue Pierre Bourdieu, la thèse
selon laquelle l’école traditionnelle, en transmettant des savoirs
académiques, en tout cas de la façon dont elle le faisait, dressait des
obstacles infranchissables pour les élèves de milieux défavorisés a justifié
la nécessité de mettre l’élève au centre. Il s’agit dès lors de faire sauter ces
barrières, de partir des pôles d’intérêt de l’élève pour l’amener vers des
connaissances plus académiques.
Placer l’élève au centre a profondément modifié l’acte pédagogique.
L’objectif n’est plus d’amener l’élève vers les connaissances, mais plutôt de
partir de ses attentes supposées, ses intérêts, comme le préconisait d’ailleurs
Harold Rugg. Lorsqu’en 2003, Luc Ferry, ministre de l’Éducation nationale,
déclara qu’il souhaitait revenir sur ce principe « démagogique » (il avait
pourtant participé à sa mise en place en tant que président du Conseil
national des programmes de 1994 à 2002), il affronta une levée de
boucliers, de la part de fédérations de parents d’élèves et de syndicats
d’enseignants qui avaient défendu la loi. Une fois engagées, certaines
réformes ont la peau dure.
Le conseil de classe s’apparente à un
tribunal

Nombreux sont les élèves qui redoutent le conseil de classe.


Jugés comme au tribunal, il leur faudra se soumettre au verdict
final. FAUX

Au collège et au lycée, un rite obligatoire marque la fin de chaque


trimestre : le conseil de classe. Pour certains élèves l’enjeu est de taille, car
le conseil émet un avis, passage ou redoublement, et attribue aussi des
récompenses, félicitations ou autres compliments. Quant à ceux dont le
comportement ou le travail laisse à désirer, ils risquent l’avertissement.
Angoissant pour un bon nombre d’élèves, pas forcément les moins
studieux, le cérémonial du conseil de classe cristallise les inquiétudes. Et
chacun s’empresse une fois la séance terminée d’en recueillir des échos
auprès des participants.
Car le conseil de classe se tient en présence de deux représentants des
parents d’élèves et deux délégués élèves de la classe. Ceux-ci, chargés de
rendre compte des débats, sont aussi invités à exprimer leur point de vue.
Ambiance dans la classe, difficultés rencontrées, voire critique des
méthodes des enseignants, c’est l’occasion de faire entendre la voix des
élèves et de leurs familles. Certains n’hésitent pas à contester les remarques
ou les appréciations des professeurs et même les notes. En tout cas, si le
conseil de classe est vécu comme un tribunal, les élèves y disposent
d’avocats !
Lorsque commence l’examen des cas individuels, il s’agit pour
l’assemblée d’établir une appréciation générale, parfois de délivrer un avis
de passage et dans tous les cas de juger du travail de l’élève. Même le
médecin scolaire ou l’infirmière peuvent être mis à contribution, du moins
s’ils disposent d’informations sur son cas personnel.
Ce qui se joue, croit-on, c’est l’avenir de chaque élève. Sauf qu’il ne
dépend pas du conseil, mais plutôt de ses résultats et surtout de son travail.
Le conseil se contente de statuer, avec un pouvoir décisionnel de plus en
plus faible. Et même quand il délivre un avertissement à un élève
particulièrement rétif, c’est sous forme d’une simple lettre aux parents, la
sanction ne figurant ni dans le dossier de l’élève ni sur son bulletin. Autant
dire que certains ne se laissent pas impressionner !
Première inquiétude, le passage dans la classe supérieure. En fin de
seconde comme en fin de troisième, la décision du conseil a encore un peu
d’importance puisqu’il prononce un avis d’orientation… qui peut être
modifié ensuite par le chef d’établissement. En sixième et en quatrième, le
conseil peut imposer le redoublement. Dans les autres niveaux, il délivre un
simple avis, libre aux familles de le suivre ou non !
Mais, en cas de redoublement ou de réorientation, plusieurs recours
existent néanmoins. Première option pour les familles, discuter de la
décision avec le chef d’établissement, en privé dans son bureau. Certains
directeurs se laissent parfois convaincre, des redoublements trop nombreux
n’améliorant pas l’image d’un lycée, car les chiffres sont publiés et
commentés. De plus, les consignes rectorales sont claires : limiter le
redoublement !
En cas d’échec, il reste la commission d’appel. Un bon argumentaire et,
malgré les mauvaises notes, tout est possible, avec un peu d’habileté on
trouve toujours quelques points positifs à valoriser. On a vu des familles
s’offrir pour l’occasion les services d’un avocat !
Finalement, la plupart font le choix de tenter leur chance et de passer
dans la classe supérieure. Le système, apparemment bienveillant, leur en
laisse la possibilité. Mais est-ce réellement une chance d’avancer vers un
but qui au final se révèle souvent hors d’atteinte ?
On ne peut rien faire contre le portable en
classe

Le portable à l’école et en particulier en classe est devenu un


fléau si répandu qu’il faut s’y résigner. FAUX

Les enseignants en parlent peu parce qu’ils se sentent dépassés,


pourtant le problème a pris en quelques années une ampleur que l’on
imagine mal : SMS, jeux, surf, photos, les élèves n’hésitent pas à se servir
de leur téléphone, qui parfois sonne en classe. Même les professeurs les
plus craints des élèves ne passent pas un cours sans entrevoir un élève, tête
baissée, le regard dirigé sur ses genoux ou sa trousse, qui consulte son
portable.
Il faut dire que le problème est suffisamment préoccupant pour que
l’Unaf (Union nationale des associations familiales) ait commandé
en 2009 une enquête TNS Sofres sur le sujet. Celle-ci révélait que 84 % des
jeunes de 12 à 17 ans utilisent un mobile et 95 % des 16-17 ans en
possèdent un personnellement. Près de la moitié (47 %) reconnaissent
l’avoir utilisé en classe (29 % des collégiens, 58 % des lycéens) et 54 %
avoir déjà reçu un appel ou un message qui a fait sonner l’appareil (42 %
des collégiens, 61 % des lycéens). On peut affirmer, sans grand risque de se
tromper, que depuis le phénomène s’est aggravé.
L’usage du téléphone est pourtant idéal pour décrocher, perdre le fil et
finalement devoir reprendre le cours chez soi et y passer bien plus de temps.
D’autant plus que chez certains élèves, cet usage presque compulsif et
répété avec tant d’insistance, malgré les menaces de sanction, donne à
penser qu’il s’agit d’une addiction, comme le reconnaît maintenant plus
d’une étude.
Comment réagir ? La persuasion tout d’abord : utiliser son portable,
c’est se porter préjudice, mais par expérience on sait que l’impact, sans
doute parce que beaucoup d’élèves n’ont pas le sentiment de faire quelque
chose de mal (ils ne gênent personne), est limité voire nul… Autre
méthode, à la mode : faire appel à des associations spécialisées qui, contre
monnaie sonnante et trébuchante, viennent dans les établissements scolaires
porter la bonne parole aux élèves en leur expliquant les règles d’une
« utilisation citoyenne » du portable. Estampillées « Éducation nationale »,
elles facturent leur happening entre 300 et 400 euros les deux heures,
payées par le contribuable. Avec une efficacité nulle, d’après les
témoignages, qui convergent. Autre solution : la contrainte, c’est-à-dire la
confiscation – provisoire bien sûr – du portable. Attention, la mesure
demande du courage et de l’investissement, face aux élèves qui ne sont pas
prêts à lâcher leur objet d’addiction si facilement, mais aussi face à
l’administration de l’établissement guère enthousiaste à l’idée d’être
impliquée dans l’histoire. Un cabinet d’avocats, « spécialisé en droit de
l’éducation » va même jusqu’à faire valoir que la confiscation « est une
atteinte au droit de propriété », suggérant peut-être le recours à ses services,
alors que la mesure est parfaitement légale à condition d’être temporaire.
À lui seul, le portable résume bien des maux de l’école : difficultés de
concentration pour des élèves soumis à de multiples sollicitations, avec face
à eux des enseignants soit laxistes ou fatigués, préférant avoir la paix en
faisant semblant de ne pas voir, soit fermes, mais le plus souvent au prix de
difficultés. Laquelle de ces deux réponses protège l’élève ?
Un gros QI est un handicap pour réussir à
l’école

Des difficultés scolaires ? Ne cherchez plus, c’est le signe d’une


précocité intellectuelle, voire d’un QI hors norme. FAUX
(pensez d’abord à vérifier que votre enfant travaille ou ne fait
pas semblant)

Le nombre de surdoués explose ! À tel point qu’une collection de DVD


éducatifs leur est destinée ou du moins est censée réveiller le petit génie qui
sommeille en chacun. Des parents, de plus en plus nombreux, consultent
pour savoir si leur enfant appartient à cette catégorie et, au passage,
cherchent à expliquer un éventuel échec scolaire. Les surdoués existent,
l’Éducation nationale reconnaît d’ailleurs le phénomène puisqu’elle a créé
une dizaine d’établissements pour les accueillir.
La précocité intellectuelle se caractérise par la capacité à réaliser des
choses exceptionnelles, une définition assez vague pour le moins, aussi
préfère-t-on faire appel au quotient intellectuel, supérieur à 130 dans ce cas.
Une certitude néanmoins, le QI est indépendant du niveau socio-
économique des parents et la proportion d’individus à QI élevé, 2,3 % de la
population, soit moins d’un élève par classe, reste à peu près stable. L’échec
scolaire concerne aussi les surdoués, mais d’après le psychiatre Ladislas
Kiss, autant que les autres élèves. Chez eux, l’affectif semble tenir une plus
grande place, leur hypersensibilité et leur réactivité émotionnelle peuvent
les pousser à s’isoler si leur questionnement ne trouve pas de réponse. Leur
pensée, plus complexe, s’organise différemment, et leur rapidité peut
engendrer un désintérêt pour ce qui est étudié en classe. Avec leur curiosité
inextinguible et leurs interrogations jamais satisfaites, pour eux tout doit
être démontré. D’où parfois une déception et un isolement dans un autre
monde, plus satisfaisant à leurs yeux… avec des difficultés scolaires à la
clé.
Pour autant, il serait abusif de voir en tout élève qui ne réussit pas un
surdoué, un travers néanmoins de plus en plus constaté. Pour des élèves qui
ne travaillent pas ou à l’esprit insuffisamment structuré, la précocité
intellectuelle est de plus en plus souvent invoquée par des parents qui se
désolent que l’institution scolaire ne reconnaisse pas cette qualité – et leur
enfant. Quoi de plus étonnant, émissions et articles de presse sur le sujet se
multiplient, comme si les surdoués étaient partout. Mais, d’après l’unité de
psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent à Paris (Sainte-Anne),
seuls 29 % des consultants sont en effet doués d’une précocité intellectuelle.
Sachant qu’avant d’arriver dans ce service un sérieux écrémage a été
réalisé, la proportion des prétendants est en réalité bien supérieure. Un
véritable business s’est instauré pour détecter les surdoués : malgré le prix
du test, compris entre 200 et 300 euros, plus d’un parent se presse chez le
psy en découvrant que son enfant sait compter jusqu’à 100 à l’âge de 4 ans
ou lire à 5 ans. Parallèlement, les établissements privés « spécial surdoués »
fleurissent, sans que l’on sache vraiment quelle est leur expertise en la
matière. Une chose est sûre, en cas de difficultés scolaires, mieux vaut
envisager toutes les causes possibles avant celle de la précocité
intellectuelle. Cela permet le plus souvent d’économiser une somme non
négligeable.
Mon enfant a de mauvais résultats parce que
son prof ne l’aime pas

Pour qu’un élève réussisse, des liens affectifs doivent s’établir


avec le maître. FAUX

Contrairement à un plombier ou un informaticien, l’enseignant travaille


sur l’humain, jeune qui plus est. Mais à l’image d’une soudure qui lâche ou
d’un disque dur qui plante, son travail ne donne pas toujours les résultats
escomptés. « C’est normal, le prof ne m’aime pas », pensera parfois la
victime présumée. Ce constat peut en réalité recouvrir différentes
situations : un enseignant sans arrêt sur le dos d’un élève ou qui au contraire
l’ignore, ou, autre cas de figure classique, accusé de saquer.
Tout d’abord, il ne faut jamais oublier que l’enfant doit des comptes à
son enseignant, mais aussi à ses parents, à travers les notes et appréciations
du premier. Aussi arrive-t-il que le « il ne m’aime pas » soit une tentative de
se soustraire à ses responsabilités… et aux reproches qui s’annoncent. Mais
ce sentiment peut néanmoins être réel.
Par son travail, le professeur est censé transformer l’élève, qui, loin de
se comporter comme un matériau malléable, réagit et parfois se dérobe.
Alors, pour arriver à ses fins, il use de tous les stratagèmes, la persuasion, la
séduction, la contrainte, panachant les unes et les autres jusqu’à trouver le
bon dosage. Car l’enseignant en général n’aime pas l’échec, de par la haute
idée qu’il se fait de sa fonction, la conscience de ses responsabilités, par
amour-propre (lui aussi est humain !) ou tout autre sentiment susceptible
d’affecter un individu dans l’accomplissement de sa mission. Bref, il y met
du sien sans toujours obtenir satisfaction, au point qu’il lui arrive à son tour
de penser « il ne m’aime pas ».
Cette dimension personnelle entre l’élève et le maître a toujours existé,
même dans l’enseignement façon IIIe République où le maître s’étranglait
de colère en interrogeant le cancre. Elle s’est renforcée avec l’évolution de
la pédagogie quand la proximité entre les deux protagonistes s’est accrue.
Et si justement le problème était là, un manque de distance rendu quasi
obligatoire avec la nécessité d’une interaction étroite entre le maître et
l’élève. Rapprochez des individus n’ayant pas forcément d’atomes crochus
et vous prenez le risque d’exacerber les conflits. Tenez-les trop éloignés et
le courant ne passe plus, le savoir non plus. Enseigner, c’est trouver un
équilibre, autrement dit la bonne distance. D’un enseignant à l’autre, elle
n’est pas la même, d’ailleurs elle change aussi d’une classe à l’autre. C’est
tout l’art du métier, créer la distance nécessaire et suffisante pour
enseigner… et non pas pour « aimer les élèves ». Les parents sont faits pour
ça, ils le font très bien d’ailleurs, et dans les rares cas où ils manquent à leur
rôle, il serait illusoire de compter sur le maître pour les remplacer.
L’échec scolaire dépend du mois de
naissance

Les élèves nés en fin d’année sont désavantagés par rapport


aux autres, il faut compenser cette discrimination. VRAI et
FAUX

En 2008, Julien Grenet, chercheur en économie au CNRS, affirmait que


le mois de naissance d’un élève avait une influence sur sa réussite scolaire.
Il ne s’agissait pas là du coup d’éclat d’un membre plus ou moins illuminé
d’une secte d’astrologie, mais des résultats d’une étude des plus sérieuses
(« Le mois de naissance influence-t-il les trajectoires scolaires et
professionnelles ? Une évaluation sur données françaises »). Ils révélaient
que naître en décembre, c’est-à-dire onze mois plus tard qu’un élève de la
même classe né en janvier, accroissait les risques de difficultés scolaires et
avait des répercussions sur la carrière professionnelle. Pour ce qui concerne
l’évaluation scolaire, les élèves de CP nés en fin d’année obtiennent en
moyenne des scores inférieurs de 60 à 70 % d’un écart type à ceux nés en
janvier, les différences persistant ensuite mais dans une moindre mesure :
les « décembristes » perdent trois à quatre places dans un classement
général en sixième et deux places en troisième, tandis que les différences au
brevet des collèges sont de 10 à 15 % d’un écart type. L’auteur, dans le
résumé de son article, relativisait la portée du paramètre étudié sur la
réussite professionnelle, l’écart de rémunération des salariés toujours entre
les deux groupes cités précédemment étant compris entre 1,5 et 3 %.
L’écart, tant pour la réussite scolaire que professionnelle, variait
progressivement en fonction de la différence d’âge, ce qui confirmait la
pertinence de cette interprétation. Reste la carrière professionnelle : la
probabilité de quitter l’école avec un diplôme de l’enseignement
professionnel plutôt qu’avec un diplôme de l’enseignement général,
supérieure de 3 points chez les natifs de fin d’année, engendre forcément
des différences de salaire – 1,5 % en moyenne (2,3 % pour les hommes
et 0,7 % pour les femmes) – ce qui se traduirait par un manque à gagner
de 12 000 euros sur la totalité des 42 années de travail pour un salaire
médian mensuel de 1 580 euros net. Bien évidemment, il s’agit là de
moyennes : les élèves de décembre réussissant brillamment existent !
Le retard constaté peut s’expliquer de différentes façons, qui ne
s’excluent pas d’ailleurs : maturité intellectuelle moins développée (au
moment de chaque test), durée d’études inférieure, sentiment d’infériorité
de se retrouver « le plus petit », plus fort taux de redoublement qui
amènerait, selon l’auteur, à un sentiment d’échec (à 15 ans, 51 % d’entre
eux, contre seulement 35 % de ceux nés en janvier, ont redoublé). Pour
Julien Grenet, l’école porte une responsabilité, celle de ne pas tenir compte
du mois de naissance qui handicape l’élève. Bien qu’il reconnaisse dans la
conclusion de son article que « le mois de naissance des individus n’exerce
pas une influence déterminante sur leur destin professionnel », il ne propose
rien de moins que de pondérer les notes par « l’application d’un coefficient
compensateur pour redresser les résultats scolaires des élèves en fonction de
leur mois de naissance ». Ainsi, ce qui n’est rien d’autre qu’une donnée
statistique est propulsé au rang de nouvelle discrimination à corriger
d’urgence par des mesures compensatoires. On se demande d’ailleurs
pourquoi elles ne s’appliqueraient pas à d’autres discriminations, la
catégorie socioculturelle, par exemple, dont les effets sont bien plus
déterminants sur le long terme. Mais au-delà, on imagine, la classe non plus
constituée d’un groupe d’élèves, tous égaux en droits (même si l’on sait
bien que chacun a une histoire qui le distingue de ses camarades et
l’avantage ou non), mais d’individus, chacun affublé de son coefficient
pondérateur (plus d’un criera alors à la stigmatisation) qu’il traînerait
derrière lui. À vouloir l’égalité parfaite à l’école, on dénature l’idée même
d’égalité.
Exiger des efforts c’est décourager les élèves

À l’école, les enfants sont soumis à rude épreuve. Et les


exigences sont telles qu’ils finissent par baisser les bras. FAUX

Les médias l’affirment, des associations de parents d’élèves le


confirment : la pression scolaire est difficile à supporter. Liées à l’angoisse
de la performance, de nouvelles pathologies, comme la phobie scolaire,
commencent même à faire des ravages. Preuves à l’appui, les résultats d’un
sondage réalisé par l’Afev (l’Association de la fondation étudiante pour la
ville) en 2011 auprès de jeunes issus de quartiers populaires, et repris par le
site internet Le café pédagogique dans un article intitulé « Comment lutter
contre la pression scolaire ? » : 43 % des enfants ont mal au ventre avant
d’aller à l’école, un tiers ne se sentent pas respectés à l’école, 70 %
connaissent des difficultés de compréhension, mais seulement 46 % osent
lever le doigt…
Pour y remédier, l’Afev préconise « un rapport plus détendu, plus
positif aux apprentissages » qui permettrait aux élèves de s’intégrer plus
rapidement et d’avoir plus confiance en eux. Passons sur la présentation des
résultats du sondage, dans laquelle on remplace : « 70 % ne comprennent
pas certaines fois ce qu’on leur demande de faire » par « 70 % connaissent
des difficultés de compréhension ». Qui plus est l’article associe la
« souffrance scolaire » aux exigences des enseignants, sans tenir compte des
autres problèmes cités par les élèves eux-mêmes, les conflits entre élèves, le
chahut dans la classe. Il n’en faut pas davantage pour que Thibault
Renaudin, le président de l’Afev, situe la pression scolaire en France
« comme la plus importante du monde, après celles de Corée du Sud et du
Japon », et lance un appel au « désarmement scolaire » ! Rien de moins.
Il faut, nous dit-on, pour lutter contre l’échec scolaire, ne plus
décourager les élèves, leur redonner confiance. Traduction : ne plus les
noter, ne plus leur donner d’exercice trop difficile, et mettre plutôt l’accent
sur ce qu’ils réussissent. Mais la méthode n’est pas nouvelle, elle a
d’ailleurs déjà produit ses effets : des élèves découragés à la moindre
difficulté, incapables de surmonter le plus petit problème. Ils sont de plus en
plus nombreux. Souffriront-ils moins, seront-ils plus épanouis ? Pas sûr,
surtout si l’on considère que l’épanouissement d’un individu dépend aussi
de ses capacités à aller de l’avant, à dépasser les obstacles, autrement dit à
se réaliser. Certes il ne s’agit pas de demander l’impossible aux élèves, mais
de les habituer à quelques exigences et surtout de ne pas les tromper
indéfiniment sur leur niveau. N’est-ce pas aussi une forme d’humiliation de
leur éviter toute difficulté et finalement les considérer comme
irrémédiablement faibles ? Au contraire lorsque l’on pousse un élève, qu’on
l’encourage à se dépasser et qu’au bout du compte il progresse, quelle
satisfaction !
On dénonce sans cesse la « pression scolaire » et ce de façon souvent
fantasmée. Il suffit de pénétrer dans certaines classes pour découvrir le
joyeux laisser-aller ou l’indolence qui y règne. Et pour quelques élèves (et
leurs parents), la vraie raison de leur angoisse, c’est leur incapacité à
travailler et à se battre. L’école ne leur en a pas donné les moyens et ils
savent qu’ils le paieront cher. Faut-il continuer à « désarmer » les élèves
face à la pression qu’ils subiront tôt ou tard dans leur vie ?
Il faut lutter contre l’ennui à l’école

L’ennui fait des ravages à l’école. Il faut rendre les cours plus
divertissants pour intéresser les élèves. FAUX

Échec scolaire, violence, ces maux ont un responsable désigné


d’avance : l’ennui. Consignés des heures durant sans bouger dans une salle
de classe, les élèves se résignent de moins en moins facilement à subir
l’épreuve. Résultat, ils décrochent, bavardent et parfois même le chahut
s’installe. Aussi pour remédier à leur ennui voit-on fleurir toutes sortes
d’animations, d’activités diverses et variées. Il faut, nous dit-on, rendre le
cours attrayant et ludique. De cette façon, l’élève dont on aura capté
l’intérêt découvrira le plaisir d’apprendre. Or celui-ci n’est pas immédiat, et
de l’apprentissage de la difficulté finit par émerger la satisfaction de
comprendre, de maîtriser les connaissances acquises. D’ailleurs, on ne
s’intéresse véritablement qu’à ce que l’on connaît déjà un peu.
Quelle réponse apporter alors à l’ennui des élèves, doit-on en tenir
compte ou le balayer d’un revers de main ? L’ennui en soi ne veut rien dire,
car tous les élèves ne s’ennuient pas pour les mêmes raisons ni avec la
même fréquence. Notons d’ailleurs que selon une étude menée
sur 751 enfants de quartiers populaires au primaire et au collège
en 2011 (Afev), souvent brandie pour dénoncer l’ennui à l’école, 17 %
disent s’ennuyer « souvent » ou « tout le temps » et 40 % s’ennuyer
« quelquefois ». Un résultat généralement traduit par « plus de la moitié des
enfants (57 %) déclarent s’ennuyer à l’école ».
Si l’ennui naît du désintérêt, les causes de celui-ci sont diverses. L’élève
qui a compris tout de suite s’ennuie d’écouter plusieurs fois la même
explication destinée aux plus lents.
Mais pour certains l’école n’est plus le seul moyen d’accès à la
connaissance et l’élève s’y ennuie, car il a tout appris ailleurs. Une bonne
raison pour ne pas imiter la télévision ! Lors d’une consultation organisée
en 1998 par l’Éducation nationale, 61 % des élèves jugeaient les cours
rébarbatifs lorsqu’ils s’éloignaient de leurs préoccupations immédiates et de
leur mode de vie. Une contradiction difficile à résoudre, ne rien leur
enseigner sinon ce qui les préoccupe, tout en évitant ces sujets, car ils les
connaissent déjà grâce à la télé ou à Internet. Doit-on conclure que pour
supprimer l’ennui il faut supprimer l’école ?
Plus sérieusement, l’enfant doit faire un minimum l’expérience de
l’ennui à l’école. Certes, il est des enseignants plus ennuyeux que d’autres,
capables de réciter un cours de façon monocorde. Mais la récréation
permanente, les débats, les sorties, la surenchère d’activités vides de
contenu finissent aussi par ennuyer ! Avec un effet plus pervers encore,
celui de rendre l’élève inapte au moindre effort, assigné à vie au
divertissement immédiat. De bons clients pour la télé-réalité !
La phobie scolaire est la conséquence du
stress à l’école

Les mauvaises notes, le stress et la peur de l’échec engendrent


la phobie scolaire. FAUX

Entre l’école buissonnière et la phobie scolaire, il n’y a pas grand-chose


de commun sinon l’absentéisme que les deux situations génèrent. Dans un
cas, il s’agit d’une partie de plaisir que l’on savoure par avance, dans l’autre
d’un trouble qui se manifeste par des angoisses, une perte d’appétit, des
nausées, des maux de tête, des douleurs abdominales le matin avant de
partir en classe, de l’anxiété et même des crises de panique si l’enfant est
contraint de rester à l’école. Quelque 4 % des élèves seraient victimes de
ces symptômes, 1 % souffrirait de la forme la plus grave, c’est-à-dire de
phobie scolaire.
Le phénomène n’est pas nouveau, il date sans doute de l’invention de
l’école ! En effet, dès 1913, le psychiatre et psychanalyste Carl Gustav Jung
identifie le « refus névrotique » d’aller à l’école, puis Broadwin décrit pour
la première fois en 1932, chez un groupe d’enfants, le tableau clinique
correspondant. Il constate par ailleurs que leur absentéisme ne favorise pas
le vagabondage mais les incite au contraire à rester chez eux ou, une fois
sur le chemin de l’école, à faire demi-tour pour rentrer. Enfin, c’est Johnson
qui, en 1941, crée l’expression « phobie scolaire ».
Est-ce d’ailleurs un trouble à part entière, comme le considère la
classification française de pédopsychiatrie, une complication du trouble
d’anxiété ou encore un trouble phobique, comme d’autres le définissent ? Il
n’y a pas unanimité sur la question, ce qui ne remet pas en cause pour
autant la réalité du phénomène. Bien qu’ancien, il est difficile de juger
l’évolution de son ampleur en l’absence de statistiques fiables, même si l’on
observe aujourd’hui une augmentation des consultations pour ce motif.
Trois pics de fréquence correspondant à trois périodes de l’enfance ont
été décrits. Selon Donata Marra, psychiatre et auteur de Phobie scolaire et
troubles de l’anxiété en milieu scolaire, les deux premiers pics surviennent
de 5 à 7 ans, puis à 11 ans, périodes qui correspondent à l’entrée en premier
puis en second cycle, mais aussi à « une réactivation de l’angoisse de
séparation vis-à-vis des figures parentales », ce qui explique le besoin de
rester chez soi. Un troisième pic est observé au moment de l’adolescence, à
partir de 14 ans.
Quelle est la part de responsabilité de l’école ? Les avis divergent sur la
question, en particulier quant à l’importance relative des facteurs externes et
internes. Selon le Pr Marie-Christine Mouren, pédopsychiatre à l’hôpital
Robert-Debré à Paris, « si l’accent a d’abord été mis sur des facteurs
intrapsychiques, comme la dépendance psychologique à la mère, les
facteurs externes entrent maintenant en ligne de compte. Changement
d’établissement, incidents (harcèlement, racket…) peuvent être des
“facteurs précipitants” », écrit-elle. Pour D. Marra, « le plus souvent et tout
spécialement chez le jeune enfant, le refus scolaire anxieux est l’un des
symptômes contribuant au diagnostic d’anxiété de séparation […] ».
D’ailleurs, ce refus peut être traité par l’hospitalisation, comme l’explique
Hélène Denis, pédopsychiatre au CHU Peyre-Plantade de Montpellier :
« Classiquement, le traitement mis en place pour le refus scolaire était le
suivant : hospitalisation à plein-temps, sur une période de temps
suffisamment longue pour permettre de travailler la séparation parentale et
surtout le retour progressif dans le lieu de scolarité […]. » On est loin d’une
simple aversion pour l’école. La phobie scolaire est un phénomène trop
douloureux pour être l’objet de quelque récupération que ce soit.
L’école doit aussi s’occuper du bien-être des
enfants

Le bien-être des enfants à l’école est essentiel pour leur réussite


scolaire, aussi l’école doit-elle le prendre en charge. FAUX

Comment un enfant ou un jeune en souffrance psychologique pourrait-il


suivre normalement sa scolarité, d’autant plus que ses troubles risquent de
le faire basculer dans la violence, la toxicomanie ou pire encore, le suicide ?
Des méthodes censées les prévenir, voire les guérir, font irruption à l’école.
Arrivées sur la pointe des pieds en France, elles se sont bien implantées
chez certains de nos voisins européens qui, moins prudents, ont finalement
dû faire machine arrière devant le tollé des parents. En Suisse, les cantons
du Jura, du Valais et de Neuchâtel ont ainsi expérimenté à la fin des
années 1990 la mallette « Objectif grandir ». Qualifiée de « fast-food
psychologique » par ses opposants, elle se propose de faire de l’école un
rempart protecteur dressé entre l’enfant et le monde extérieur, famille
comprise, considérée comme une source de domination et de violence. Au
cours des séances qu’elle propose, un enfant est d’abord invité à dévoiler
des sujets intimes devant ses camarades de classe puis, avec le maître et les
autres, il forme un « cercle magique » à l’abri duquel il se confiera. Le
maître l’incite alors à raconter dans une histoire comment il ressent
l’hostilité du monde extérieur afin, d’après la méthode, d’extérioriser ses
angoisses. Ce programme entre dans le cadre d’une nouvelle discipline,
l’EGS (éducation générale et sociale), dont le coordinateur pour le canton
du Jura explique qu’il va toucher « l’enfant et son savoir intuitif, spontané,
ses pensées, ses émotions, ses capacités, ses expériences vécues ; l’enfant
en relation avec autrui, ses proches, ses amis, les adultes et les autorités
qu’il rencontre dans sa vie quotidienne […] ».
Pratiques exotiques liées à quelques illuminés ? L’affaire aurait pu aussi
se dérouler dans nos écoles, comme le relate le rapport parlementaire
no 1687 de juin 1999 sur l’activité des sectes en France : « L’Éducation
nationale est continuellement l’objet de sollicitations de la part de méthodes
dites de pédagogie nouvelle, domaine particulièrement prolifique. À
plusieurs reprises, des mouvements sectaires ont essayé de pénétrer par
cette voie, au surplus lucrative, le monde de l’enseignement […]. Neuf ans
plus tard, apparaissait une nouvelle méthode, extrêmement proche de la
précédente, dénommée “Objectif grandir”, facturée 1 500 francs la mallette.
Trois rectorats avaient commencé à négocier un achat groupé, pour un total
d’environ 500 000 francs. Son introduction se faisait par l’intermédiaire de
médecins scolaires qui eux-mêmes l’auraient connue par des médecins de
l’action sanitaire et sociale. »
On le voit, la tentation de transformer les systèmes éducatifs, avec
l’aval de parents, d’enseignants et d’autres personnels prêts à jouer les
gourous, en une sorte de service médico-social, est bien réelle. Elle ouvre
pourtant la porte à toutes les dérives.
Si la mallette « Objectif grandir » a pu s’imposer en Suisse et a failli
réussir en France, malgré ses aspects effrayants, c’est qu’elle était présentée
comme un moyen de régler des problèmes concernant enfants et
adolescents qui inquiètent à juste titre les parents. Pourtant, les solutions
simplistes, même proposées par l’école, ne résolvent rien. N’empruntons-
nous pas la même pente dangereuse en France, lorsqu’il est demandé à
l’enseignant si l’élève est capable d’évaluer « les conséquences de ses
actes : savoir reconnaître et nommer ses émotions, ses impressions, pouvoir
s’affirmer de manière constructive ».
Cette prétention grotesque, vouloir juger des émotions et des
impressions, pourrait faire sourire, comme c’est le cas avec la mallette
« Objectif grandir ». D’ailleurs, dans les deux cas, on retrouve la même
volonté de s’occuper de « ses pensées, ses émotions, ses capacités, ses
expériences vécues ». Mais il n’y a pas de quoi en réalité, car, comme dans
un projet totalitaire, c’est le comportement global que l’on tente d’évaluer
et donc de normaliser. Outre que cela n’apporte strictement rien à l’élève,
cela autorise l’école à s’immiscer dans ce qui appartient au domaine du
privé, et pour lequel les familles auraient tort de se laisser déposséder.
La classe permet l’apprentissage de la
démocratie

À l’école, la démocratie s’apprend dans la classe, sinon les


élèves ne deviendront jamais des citoyens. FAUX

L’élection des délégués de classe, toujours un bon moment de détente


pour les élèves, est devenue un rituel dont le formalisme surprend parfois.
Discours des candidats, isoloirs dressés dans le hall de l’école, urnes
achetées ou empruntées à la mairie (une boîte à chaussures conviendrait,
non ?), l’exercice mobilise toutes les énergies, dans les écoles primaires
comme dans les lycées. Loin d’être des initiatives isolées, ces débauches de
moyens sont officiellement encouragées, comme l’indique le site des
personnels d’encadrement de l’Éducation nationale
(www.esen.education.fr), sur lequel on peut lire : « En effet, la préparation
et la sensibilisation à l’élection des délégués sont primordiales, d’autant
qu’il s’agit d’offrir aux élèves une première expérience de démocratie
directe […]. L’utilisation de matériel “officiel” (urnes, isoloirs…) et la
rédaction de profession de foi sont conseillées. »
Une telle frénésie pour un exercice sans enjeux réels étonne. Quelle
signification en effet peut bien avoir une profession de foi quand il n’y a pas
d’idées à défendre, où est la démocratie lorsque l’on vote avant tout pour le
plus « sympa » ? À force de vouloir se mêler de tout, l’école fait perdre son
sens aux idées les plus nobles.
Comme si cela ne suffisait pas, dans plus d’une classe en primaire a
aussi été instauré le vote du règlement. Décidées par les élèves, les règles
communes seront mieux respectées nous dit-on, un apprentissage à la vie de
citoyen en quelque sorte. Remarquons d’emblée que les adultes sont censés
eux aussi respecter les lois… qu’ils ne votent pas eux-mêmes. Mais là n’est
pas le principal, les élèves élisent des représentants qui siègent maintenant
dans diverses instances où ils s’expriment et votent. Dans le primaire se
sont mis en place à titre expérimental depuis deux décennies (sans parler
des expérimentations plus anciennes des écoles Freinet) des conseils
élaborant le règlement de l’école, toujours avec le même leitmotiv :
« donner corps à une éducation active de la citoyenneté », « développer le
sentiment de citoyenneté de l’enfant », « responsabiliser davantage les
enfants, les impliquer totalement dans les problèmes et dans l’élaboration
de leur solution ». Le règlement est conçu « au cours de séances qui varient
entre 1/2 h et 2 h et se déroulent durant des temps de récréation, des temps
d’étude ou de classe », comme le relate un article au sujet de cette
expérience menée dans des écoles publiques de Nantes (« La participation
démocratique à l’école », Jean Le Gal). Quelques exemples de règlements y
figurent, dignes des systèmes bureaucratiques les plus effrayants, où des
actes anodins, autorisés ou interdits, sont répertoriés. Celui de l’école
George-Sand précise sur trois colonnes, pour chaque situation (ex. : « Je
vais dans la cour »), l’attitude attendue (« Alors je dois respecter les
arbres ») et la sanction en cas de non-respect (« À la prochaine récréation,
je copie la règle »). Pour les huit situations retenues, pas moins de trente-six
comportements sont envisagés et une douzaine de sanctions prévues.
Faut-il avoir oublié la leçon donnée par William Golding dans son
magnifique roman, Sa Majesté des mouches, où des enfants, livrés à eux-
mêmes sur une île déserte, tentent de s’organiser avant que finalement la
tyrannie et la violence extrême ne l’emportent. Pour gagner leur autonomie
et être plus tard des citoyens, les enfants, êtres en devenir, ont besoin d’être
instruits par des adultes qui assument leurs responsabilités.
L’école humilie les élèves

À l’école, les élèves hésitent à s’exprimer de peur d’être


humiliés par le professeur. FAUX

Un étonnant article, « L’humiliation des élèves, reflet des carences


pédagogiques françaises », dans l’édition du 14 septembre 2005 du journal
Le Monde, s’érigeait en défenseur des enfants face à leurs enseignants et
aux multiples humiliations subies. Le journal citait une enquête de 2001 du
sociologue Pierre Merle, selon laquelle près de 20 % des collégiens de
sixième et de troisième interrogés déclaraient avoir ressenti « souvent » ou
« assez souvent » de l’humiliation en classe, 23 % « rarement » et 58 %
« jamais ». Parmi quelques exemples de ces humiliations, le journal
indiquait le « rabaissement scolaire », l’« injure » et les menaces telles que
« finir en BEP » ou, plus rarement, la lecture de sa copie à haute voix
comme illustration de ce qu’il ne faut pas faire. Des injures peuvent aussi
être proférées, toujours selon le journal : « nul », « avorton » et même
« vache imbécile ». Ambiance, ambiance…
Le côté surprenant de cette enquête est plutôt que 100 % des élèves ne
se soient pas déjà sentis humiliés à l’école. Dans la vie de tous les jours en
effet, quel enfant n’a jamais ressenti d’humiliation : un adulte qui le
rabroue, un parent qui le punit injustement et évidemment les moqueries
des autres enfants ? On ne voit pas pourquoi il en irait différemment à
l’école. D’ailleurs, les 700 individus interrogés ne donnaient certainement
pas le même sens au terme « humilié ».
Pour autant on ne peut pas nier l’existence de véritables cas
d’humiliation, c’est-à-dire la volonté de quelques enseignants de rabaisser
et d’en tirer un plaisir pervers. Cela existe dans toutes les professions, dès
l’instant où un individu en domine un autre. C’est d’autant plus grave dans
l’enseignement, de la part d’adultes envers des enfants ou des adolescents.
Mais il s’agit de cas particuliers, d’ailleurs l’article mentionne que le
défenseur des enfants a reçu une soixantaine de plaintes (sur 12 millions
d’élèves) qui ont déclenché une enquête de l’inspection générale de
l’Éducation nationale. Or, ici, le titre de l’article, « L’humiliation des élèves,
reflet des carences pédagogiques françaises », donne au problème un
caractère d’ordre général. Une démarche mensongère, grave à plus d’un
titre. Tout d’abord, en inquiétant les parents, elle mine la confiance qu’ils
devraient avoir dans les enseignants, ce qui forcément se répercute sur le
travail et/ou le comportement des élèves. Ensuite, elle incite à contester
l’autorité de l’institution scolaire, qui pourtant sert à protéger les élèves,
aussi bien des autres, et on sait qu’ils sont capables entre eux d’humiliations
cruelles, que d’eux-mêmes et des éventuels débordements dont ils devraient
ensuite répondre. D’ailleurs, dans un sondage Ipsos du 24 janvier 2012,
94 % des parents interrogés trouvaient « très préoccupant » ou « plutôt
préoccupant » le harcèlement scolaire mais en même temps faisaient
confiance aux enseignants à 76 % pour lutter efficacement contre (après les
personnels médicaux mais avant les chefs d’établissement). Que les
habituelles campagnes de dénigrement de l’école restent sans effet, voilà
qui incite à l’optimisme.
L’installation de portiques résoudra les
problèmes d’insécurité à l’école

La sécurité à l’école est un vrai problème que l’installation de


portiques aiderait à résoudre. FAUX

Régulièrement, des histoires d’agression, à l’arme blanche ou à feu,


défraient la chronique et relancent l’idée d’installer des portiques de
sécurité dans les établissements scolaires. Quelques-uns ont déjà franchi le
pas, mais aucun texte réglementaire n’autorise la fouille des cartables, sauf
accord de l’élève concerné. Et paradoxalement, le débat a été relancé par
l’intrusion – en force – de bandes à l’intérieur d’établissements, comme
en 2010 au lycée Adolphe-Chérioux à Vitry-sur-Seine (94), pourtant déjà
pourvus de tels portiques. Depuis, à la suite d’une expertise sur la violence
dans les établissements scolaires, 2 % d’entre eux ont été équipés de tels
dispositifs sans que cela consiste pour autant à détecter les objets en métal.
En réalité, ces portiques se contentent de vérifier l’identité des élèves à
partir d’un badge électronique. Avec quelle efficacité quand rien n’empêche
de passer par-dessus le mur ou la clôture, en général pas très hauts, qui, en
particulier en banlieue, isolent l’établissement de l’extérieur ? Même
problème avec les portiques détecteurs de métaux : ciseaux, règles et autres
trousseaux de clés déclencheraient leur sonnerie à chaque passage et
rendraient leur utilisation impossible. En outre, la vérification de l’identité
est la plupart du temps très lourde à gérer. Les établissements les plus
sensibles, souvent de grande taille, accueillent parfois plus de 2 000 élèves.
Impensable de tous les contrôler à la même heure, sauf à vouloir les faire
arriver en retard. D’ailleurs, ces fameux portiques, contrairement à une idée
reçue, sont très peu nombreux aux États-Unis, et ne fonctionnent en
permanence que dans 1,1 % des établissements seulement.
Et la vidéosurveillance ? Elle existe aussi, mais son installation est
soumise à l’autorisation de la Cnil, qui refuse en général qu’élèves et
enseignants soient filmés en permanence, sauf pour les situations d’actes de
malveillance fréquents. On peut d’ailleurs douter de son efficacité en cas
d’intrusion puisqu’il suffit de se cacher le visage avec une capuche.
Alors que faire contre la violence ? Les dispositifs lourds sont sans
doute nécessaires dans les cas de tension extrêmes ou de violences répétées.
Mais en amont, le maintien dans le système d’élèves manifestement
dépassés, ayant décroché, sans qu’on leur propose d’autres possibilités, est
une cause profonde au problème. Néanmoins, l’échec scolaire n’explique
pas tout. L’école importe bien évidemment la violence de l’extérieur, mais
l’absence de réponse à des actes répréhensibles, chahut organisé et répété,
injures et autres, donne certainement un sentiment d’impunité qui aggrave
la situation. Les chefs d’établissement, peu enclins à faire des vagues,
rechignent à convoquer les conseils de discipline, pour éviter le risque
d’être désavoués par une assemblée où siègent représentants d’élèves et de
parents, qui parfois préfèrent (avec l’assentiment de certains enseignants)
défendre un élève plutôt que l’intérêt général.
L’école est responsable de la violence des
élèves

Les élèves violents sont des victimes de l’institution scolaire,


qui trop souvent les humilie. FAUX

Mesurer l’ampleur de la violence à l’école est toujours difficile en


raison de la fiabilité plus ou moins discutée des indicateurs, de la rétention
des faits par les établissements, pas toujours enthousiastes pour faire
remonter les problèmes. Le ministère lui-même n’a jamais envie de mettre
en avant ce qui signe un échec. Autant ne pas se lancer dans une avalanche
de chiffres mais se contenter de faits communément admis.
Sur une ou deux décennies, les actes de violence ont augmenté, le
ministère a d’ailleurs mis au point plusieurs dispositifs censés mesurer leur
ampleur et leur évolution. Évidemment, l’actualité braque ses projecteurs
sur les violences « graves » (vols, rackets, agressions armées, viols,
destructions de biens), mais les faits les moins graves, les plus courants,
sont passés sous silence. Or ce sont eux qui, par leur caractère répété,
minent la vie des établissements. Insultes, menaces, harcèlement, ces
incidents dénommés « incivilités », afin de les minimiser, constituent
néanmoins des infractions bien réelles.
D’où vient leur augmentation ? Les causes sont multiples, de la
violence de la société qui s’immisce dans les établissements, mais aussi
l’échec scolaire. Un élève perdu, à qui l’école renvoie une image négative,
peut être tenté par des manifestations diverses pour exister autrement.
Les opinions divergent quant aux remèdes à apporter et finalement aux
causes premières de cet échec. Pour Pierre Merle, sociologue et enseignant
à l’IUFM de Bretagne, l’humiliation des élèves à l’école aurait pour
conséquence l’échec scolaire qui engendre la violence. Il déclare ainsi dans
une interview du 16 novembre 2005 au journal Ouest-France :
« L’humiliation des élèves a aussi sa source dans la valorisation des
meilleurs au détriment des plus faibles qui sont les plus humiliés en
classe. »
On connaissait la tendance d’une certaine sociologie à retourner les
situations, mais voir dans les causes de la violence la responsabilité des
enseignants en raison des encouragements adressés aux bons élèves, c’est
perdre le sens des réalités. Cette idéologie folle, qui règne dans les IUFM,
se prolonge hélas dans les classes puisque le système s’organise autour de
cette idée. Ainsi, Philippe Guittet, secrétaire général du SNPDEN, le
principal syndicat des chefs d’établissement, dénonçait dans Le Monde
du 14 septembre 2005 les carences des enseignants, en déclarant : « Le droit
doit être respecté. Mais l’omerta règne souvent dans les classes. »
Lorsqu’un représentant des chefs d’établissement emploie des termes
évoquant les pratiques mafieuses, on se demande si l’on ne marche pas sur
la tête. Il poursuit en mettant en cause « les pratiques d’évaluation par
l’échec » pour expliquer ce sentiment d’humiliation. Curieux renversement
là encore que de voir dans la cause de la violence des élèves les méthodes
des enseignants.
Cette prétendue humiliation est d’ailleurs peu compatible avec les droits
bien réels acquis par les élèves, droits d’expression individuelle et
collective, d’association, d’affichage, de réunion et de publication, reconnus
et exercés à l’intérieur des lycées. D’ailleurs parler d’omerta fait sourire
alors qu’ont été instaurées des heures de vie scolaire, au cours desquelles
les élèves sont incités à aborder les problèmes avec leur professeur
principal. On est loin de la chape de plomb que l’on veut bien nous décrire.
Le harcèlement scolaire est exagéré

De plus en plus d’élèves se déclarent harcelés, et leurs parents


s’inquiètent, mais le phénomène est en réalité monté en épingle.
FAUX

Le harcèlement à l’école existe, mais il est difficile de mesurer son


ampleur. Des cas dramatiques sont recensés, comme celui de cette jeune
fille de 12 ans, Pauline, élève d’un collège aux alentours de Lens et qui en
janvier 2012 se donna la mort en raison du harcèlement dont elle était
victime. Quelques jours après, le ministre annonçait une campagne « de
lutte contre le harcèlement à l’école », déjà prévue aux assises de
l’éducation en mai 2011. Selon un sondage Ifop de janvier 2012, près d’un
parent d’élève sur quatre pense que son enfant a déjà été victime de
harcèlement scolaire. Ces résultats dépassent ceux d’une enquête menée en
2011 par le chercheur Éric Debarbieux et qui faisait état d’environ 10 %
d’élèves se disant « harcelés », dont 6 % « sévèrement ou très sévèrement ».
Et quand l’enquête Ifop interrogeait sur la gravité du phénomène, une très
large majorité des sondés (83 %) déclarait avoir le sentiment que le
harcèlement était un phénomène en augmentation.
Tout aussi troublant, pour plus de neuf Français sur dix, le harcèlement
scolaire est un sujet préoccupant (94 %), et même « très préoccupant » pour
une majorité d’entre eux (51 %). Une chose semble sûre, l’école ne rassure
plus, ne donne plus le sentiment de protéger, quelle que soit par ailleurs la
réalité. Pour certains, l’explication est simple, les suppressions de postes, de
surveillants comme d’enseignants, réduisent la présence des adultes dans
les établissements avec pour conséquence une violence qui peut s’exprimer
plus facilement. Peut-être, mais n’y a-t-il rien d’autre ?
On le sait, n’en déplaise aux rousseauistes, un « petit tyran » sommeille
en chaque enfant et c’est d’abord l’autorité de l’adulte et l’éducation qui
l’empêchent de s’exprimer. L’effet de groupe favorise l’expression de ce
« petit tyran » et le passage à l’acte : verbal avec le harcèlement, ou
physique, par exemple avec le « jeu de la canette » (on cogne sur celui près
duquel retombe une canette lancée au hasard) et autre « petit pont
massacreur » (on cogne toujours, mais cette fois sur celui entre les jambes
duquel est passé un ballon). Quelle est la réponse du ministère ? Une
campagne de sensibilisation et de lutte contre le harcèlement à l’école, avec
création d’un site internet et questionnaire interactif à l’appui. La version
destinée aux enseignants leur pose des questions du type : « Vous
remarquez que les résultats d’un élève sont en chute depuis peu : a. Il ne
travaille pas assez, c’est tout ! b. Ses relations avec les autres élèves se sont
dégradées, il y a peut-être un lien. c. Il doit y avoir une raison qui
m’échappe. Que puis-je faire ? » Après un bilan de leurs réponses, il leur
est conseillé soit de prendre conscience du phénomène, soit d’approfondir
leurs connaissances au sujet de l’élève. Peut-être faudrait-il plutôt conseiller
aux enseignants de retrouver leur autorité, à condition de leur en donner les
moyens, et aussi leur demander d’assumer leurs responsabilités. Comme le
révèle le sondage CSA de mai 2010 réalisé à la demande de l’association de
parents d’élèves Apel, les parents y sont favorables à 66 % et les élèves à
79 %, ces derniers plus que les autres, car ils savent bien qu’ils sont les
premières victimes de cette violence.
Les rythmes scolaires doivent respecter les
rythmes biologiques

Si la chronobiologie ne perce pas encore les secrets de l’esprit,


elle sait déceler les moments où il flanche. Il faut calquer la
journée scolaire sur ce rythme. FAUX

Tous les chronobiologistes le reconnaissent, l’attention des enfants


fluctue au cours de la journée, même avec un sommeil suffisant la nuit
précédente. D’après une étude (Patrice Koch et al., 1987),68 % des enfants
de cours préparatoire bâillent ou s’affalent sur la table entre 9 h et 9 h
30 puis entre 14 h 30 et 15 h, contre seulement 36 % entre 9 h 30 et 11 h,
pour repasser à 59 % entre 11 h et 11 h 30. Pour les élèves de CM1 et CM2,
le pic de fatigue de l’après-midi est observé entre 13 h 30 et 14 h 30.
Adapter une journée de travail sur ce rythme, semble plutôt difficile… ce
qui n’empêche pas l’idée de faire son chemin. Cela revient à considérer que
l’enfant serait incapable de travailler pendant les périodes de moindre
vigilance. Pourtant, ces mesures ne sont que relatives : une attention plus
faible entre 8 h 30 et 9 h 30 ne veut pas dire insuffisante. Est-il d’ailleurs
acceptable de faire cours entre 9 h 30 et 11 h, quand un tiers des enfants
bâillent ? Néanmoins, c’est le moment le plus favorable !
De plus, les résultats des tests de vigilance sont présentés partiellement.
Oui, il y a bien fluctuation de la vigilance au cours de la journée, mais dans
quelle mesure ? Dans une étude de François Testu (en 1994), les taux de
performance (donnés en pourcentage du total journalier) minimal et
maximal d’un moment à l’autre de la journée passaient de 23 % à 26 %
pour l’épreuve d’opérations, de 21,5 % à 27 % pour celle de structuration
spatiale et de 22 % à 28,5 % pour l’épreuve verbale. Des différences aussi
modestes correspondent peu à la description d’élèves incapables de
travailler aux heures les moins favorables. Quoi qu’il en soit, elles ne
méritent certainement pas le grand chambardement annoncé et la réduction
du temps scolaire qui va avec. D’autant plus, comme l’écrit le
chronobiologiste Hubert Montagner dans son livre Les Rythmes de l’enfant
et de l’adolescent : ces jeunes en mal de temps et d’espace qui rassemble
les travaux de deux colloques tenus devant des enseignants, que « les
rythmes sont très variables d’un enfant à l’autre ».
Dans un article datant de 1995, François Testu fait le même constat :
« Il a également été constaté que les variations périodiques dépendent de
l’âge, de la nature et des conditions d’exécution de tâche, de l’heure et du
jour des apprentissages, des emplois du temps, de l’habitude, de la charge
mnémonique, des mécanismes cognitifs sollicités… et de facteurs plus
personnels tels que le stade d’apprentissage, le niveau scolaire, le style
cognitif. » Tout est dit ou presque quant au caractère manifestement vain de
vouloir adapter les rythmes de l’école à ceux de l’enfant.
D’ailleurs, il faudrait pousser l’application de ces travaux très loin,
puisque le moment de la journée n’est pas le seul facteur déterminant, le
jour de la semaine a aussi son importance, tout comme la combinaison des
deux. François Testu a montré en effet dans une étude effectuée
en 1982 que chez des enfants de 9 ans et demi, sur une liste de 14 noms
mémorisés, le lundi dans un groupe, le jeudi dans un autre groupe,
à 11 heures dans les deux cas, le taux de restitution était supérieur de 52 %
dans le second groupe. Une différence non négligeable, alors faut-il
renoncer au travail le lundi ? Comme toute science, la chronobiologie
présente un intérêt en soi mais quant à vouloir en tirer des applications dans
l’organisation de l’école ou même de l’enseignement, est-ce bien
raisonnable ?
Il faut modifier le calendrier scolaire

L’année scolaire est mal organisée et les élèves souffrent. Il faut


changer le calendrier scolaire. FAUX (le calendrier a sans
cesse été changé, et les élèves ne souffrent ni plus ni moins !)

La rentrée 2011 a été marquée par une agitation lycéenne :


établissements bloqués, manifestations accompagnées de dégradation de
voitures, interpellations policières… avec un mot d’ordre : « Touche pas à
mes vacances d’été. » Aucune réforme annoncée pourtant, mais une simple
rumeur lancée sur les réseaux sociaux avait mis le feu aux poudres. L’UNL,
principal syndicat lycéen, en profitait pour envoyer « un avertissement au
gouvernement de ne pas toucher du tout » aux deux mois de congés d’été.
L’affaire est partie d’un rapport concernant les rythmes scolaires, remis au
ministre en juillet 2011, et dans lequel la réduction de quinze jours des
vacances d’été était effectivement proposée.
Tout le monde s’accorde à peu près sur le principe d’une alternance
de 7 semaines de cours avec 2 semaines de vacances, un objectif accessible
à condition d’allonger les vacances de la Toussaint de 10 à 14 jours. Le
premier trimestre, particulièrement long et qui s’accompagne, comme le dit
le rapport, d’une « montée des incivilités et de la violence », serait ainsi
raccourci. On peut se demander si les 4 jours ajoutés suffiront à compenser
les 2 semaines de vacances d’été supprimées. Mais la difficulté de cet
équilibre des petites vacances réside dans l’existence de trois zones pour
celles d’hiver et de printemps, ce qui oblige à des décalages (les vacances
de Noël doivent forcément englober Noël et le Jour de l’an).
Le primaire et la fameuse semaine des quatre jours, lorsque le samedi
matin a été supprimé, ont fait couler beaucoup d’encre. Si le constat d’une
semaine trop concentrée était à peu près unanime, revenir en arrière ne sera
pas si simple puisque les écoles primaires qui avaient la possibilité de
travailler le mercredi matin ont été peu nombreuses à le faire. Une solution
qui, pourtant défendue par les spécialistes des rythmes biologiques, déplaît
aux parents.
Reste la durée de la journée de travail pour les élèves, du primaire en
particulier. Plus d’un appelle à la réduire, ce qui ne modifiera pas celle des
parents. D’où le problème des gardes… et des enfants de toute façon
obligés de rester à l’école même si ce n’est plus pour y travailler. Y
gagneront-ils vraiment au change ?
Et si tout ce tintamarre n’était qu’un faux problème ? Depuis un siècle,
les dates et durées des vacances ont été profondément modifiées en France,
et, d’un pays à l’autre, elles sont bien différentes. En France, en 1939,
l’année scolaire en primaire comportait 1 128 heures, en 1968 1 088 heures
et 840 heures en 2011, avec des journées de 6 heures. Qui peut dire si les
uns ou les autres s’en portent mieux ou au contraire plus mal ? Les rythmes
scolaires que l’on voudrait adapter aux rythmes biologiques ont bon dos
pour expliquer tous les maux : violence, baisse des résultats dans les
enquêtes Pisa, désintérêt des élèves. Travailler fatigue, la règle est valable
pour les enfants comme pour les adultes, mais c’est aussi une source de
satisfaction. Voir l’école comme un lieu de souffrance est symptomatique.
Cours le matin et sport l’après-midi, c’est la
formule idéale

En remplaçant une partie des cours l’après-midi par des


activités sportives, les élèves iront à l’école avec plaisir. FAUX

Luc Chatel, alors ministre de l’Éducation nationale, pensait avoir trouvé


la formule, celle censée régler tous les problèmes : des cours le matin, du
sport l’après-midi. Une expérimentation est lancée en mai 2010, dans une
centaine d’établissements, collèges et lycées volontaires, pour tester ce
nouveau rythme scolaire. On apprend sur le site officiel Eduscol qu’il s’agit
de « contribuer à la réussite des élèves », « d’améliorer leur bien-être et leur
santé et de valoriser les compétences et connaissances acquises dans le
domaine des activités physiques ».
La presse allemande a fait ses choux gras de cette mesure, étonnée que
son voisin français, avec son école réputée pour sa qualité, du moins
jusqu’à un passé encore proche, copie un modèle qui marche si mal ! Et que
l’on s’empresse outre-Rhin d’abandonner aujourd’hui : 39 % des écoles
publiques y ont déjà renoncé. Il suscite en effet des inégalités, les activités
de l’après-midi n’étant pas prises en charge par le système scolaire. D’autre
part, le « manque à apprendre » de ce dispositif explique peut-être la place
de ce pays au classement Pisa. Alors, quand le journal La Croix, dans son
édition du 25 mai 2010, décrit la situation ainsi : « Voile, VTT, tir sportif,
lutte… Les après-midi ont changé de visage pour 26 élèves de seconde du
lycée Jean-Vilar de Meaux (Seine-et-Marne) depuis qu’ils participent, cette
année, à une expérimentation sur les rythmes scolaires », ne va-t-il pas un
peu vite en besogne ? Et pourquoi pas golf pour tout le monde ? Un peu
plus loin, le journaliste précise que la moyenne de la classe a grimpé
de 11 à 12,9 entre le premier et le troisième trimestre, le reste de l’article
étant à l’avenant. Sans doute un miracle de l’école publique.
Le traitement médiatique de ce dispositif illustre bien la façon dont les
mesures novatrices sont présentées : enthousiasme obligatoire, adhésion de
rigueur et absence de tout sens critique. Pire encore, en relayant le discours
des politiques, il conforte l’idée qu’il faut toujours moins d’école,
suffisamment ennuyeuse pour ne pas en plus être obligé d’y revenir l’après-
midi. Comment redonner le goût d’apprendre dans ces conditions ?
Par ailleurs, la question de la cohérence est posée lorsque Luc Chatel
installe un comité sur les rythmes scolaires qui rappelle qu’un des deux pics
quotidiens de vigilance a lieu dans l’après-midi, au moment où justement
on envoie les élèves faire du sport. Et personne ne semble se poser une
question : combien, parmi les élèves, que la mesure est censée épanouir, ont
envie de faire du sport tous les après-midi ? Car il s’agit bien avant tout de
sport, le texte officiel précisant que « des activités artistiques et culturelles
peuvent venir compléter et enrichir le dispositif expérimental », avec ce que
l’on veut bien mettre d’ailleurs dans ces dénominations.
Dans le même article de La Croix, la psychiatre et chronobiologiste
Sylvie Royant-Parola précise que « le sport est ce qui régule le mieux les
horloges internes des individus après l’exposition à la lumière ». Réguler
les horloges internes, une nouvelle mission pour l’école ?
Il faut dépister les enfants à risque dès la
maternelle

Incivilités plus nombreuses, délinquance juvénile en hausse, il


faut débusquer les comportements à risque dès le plus jeune
âge. FAUX

En octobre 2011, le ministre Luc Chatel proposait d’évaluer dès l’âge


de 5 ans les élèves de grande section de maternelle afin de repérer
d’éventuels troubles du comportement et de mettre en place un suivi à des
fins préventives. Face à la désapprobation massive des syndicats
d’enseignants et d’une fédération de parents d’élèves, la FCPE, tous
s’insurgeant contre le « fichage » d’élèves de 5 ans, le ministre rendait
finalement la mesure facultative, une façon comme une autre de botter en
touche.
Dans ces tests, qui concernaient plus le comportement que les acquis
scolaires, figuraient des rubriques comme « Respecte les autres »,
« Contrôle ses émotions » et d’autres encore habituellement utilisées dans
les bilans médicaux – et confidentiels – menés par les médecins. Il était
prévu de classer les élèves en trois groupes, « RAS », « À risque » et « À
haut risque », et un livret intitulé « Aide à l’évaluation des acquis en fin
d’école maternelle » aurait permis de suivre l’élève à l’école primaire.
Pour ses partisans le dispositif se justifiait, car l’expérience montrait,
chez ceux qui plus tard devenaient délinquants multiré-cidivistes, des
problèmes de comportement dès le plus jeune âge. Un dépistage précoce
permettrait de les prendre en charge dans un but préventif. Ce projet
s’appuyait sur un rapport controversé de 2005, publié par l’Inserm,
« Troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent », qui préconisait le
repérage des perturbations du comportement dès la crèche et l’école
maternelle. Par « troubles de comportement », les experts entendaient aussi
bien les « crises de colère et de désobéissance répétées », la « froideur
affective », la « tendance à la manipulation », le « cynisme »,
l’« agressivité », l’« indocilité », l’« impulsivité », l’« indice de moralité
bas ». Pas moins, et cela dès la crèche ! S’il est possible qu’un spécialiste
évalue ces critères chez un enfant, on imagine mal l’instituteur, même en
troquant sa blouse grise contre une blanche, être capable de noter sur une
échelle de 1 à 10 – à moins qu’il ne s’agisse de cocher une case – le degré
de cynisme de chacun de ses élèves.
De plus, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) mettait en
cause le rapport de l’Inserm en lui reprochant de « confondre facteur de
risque et causalité ». En effet, même s’il existe une relation entre un
comportement dès le plus jeune âge et une conduite délinquante à
l’adolescence, elle est de l’ordre du risque, autrement dit un enfant
« agressif » ou « impulsif » aura plus de risques de commettre des actes de
délinquance mais ne passera pas forcément à l’acte, loin s’en faut.
D’ailleurs, en l’absence de critère quantitatif, cette relation ne veut pas dire
grand-chose. Un risque multiplié par deux semble notable, mais si cela le
fait passer de 0,1 % à 0,2 %, en quoi est-ce significatif ?
Par ailleurs, donner à penser qu’il existe un lien de causalité, c’est
croire, comme le faisait remarquer le CCNE, que ces troubles sont de
l’ordre de l’inné (facteurs génétiques…), sans que l’environnement social
ou éducatif ait d’impact, ce qui n’est pas montré.
Mais beaucoup de ceux qui ont poussé de hauts cris face à cette mesure
ne se sont pas rendu compte de leurs propres contradictions. En effet, parmi
les opposants au projet, on retrouvait les organisations qui ne cessent de
répéter que le rôle de l’école est de socialiser les enfants, de développer des
« savoir-être », et souhaitent que l’on évalue des compétences comme le
« respect des autres » ou la « volonté de résoudre pacifiquement les
conflits ». Dans le livret d’évaluation destiné à la maternelle, on pouvait
lire : « L’enfant devenu élève agit de manière à respecter l’intégrité de
toutes les personnes et de son environnement ; il ne les agresse pas, il a
recours à la parole en cas de désaccord ou de conflit. » On cherche encore
la différence.
Chapitre 2
Tout un programme :
contenu et méthodes

Qu’apprendre à l’école ? Pédagogie de l’éveil ou enseignement


disciplinaire, le régime n’est pas le même. Et avec le light,
carences garanties pour l’élève !
L’école doit donner envie d’apprendre

Il faut susciter le désir d’apprendre en s’appuyant sur les


représentations des élèves. FAUX

Qui ne se souvient pas de ces longs et « douloureux » moments passés à


écrire ses premières lignes, le corps tendu, l’esprit entièrement consacré à
ce qui constituait un véritable effort mais permettait d’accéder à un monde
jusqu’alors étranger, celui de l’écrit. Personne n’a jamais donné à un enfant
l’envie d’apprendre à écrire ou à lire, il a cette curiosité d’esprit, sans doute
stimulée par la récompense entrevue, celle de la découverte, et finalement a
le sentiment de franchir une étape. L’envie d’apprendre est là, en tout cas
chez les plus jeunes à l’école primaire, puis se maintient chez les uns, se
dilue chez les autres. Pour ces derniers, une des raisons est le sentiment
d’échec, avec les mauvaises notes qui se répètent.
Plus que donner envie d’apprendre, l’école doit d’abord donner les
outils pour apprendre. Or, elle privilégie une démarche inverse, déployant
une batterie d’« évaluations diagnostiques » afin de connaître les
représentations du patient – pardon, de l’élève – et qu’il puisse les exposer
de différentes façons, par un dessin ou un débat, duquel émergera un
« conflit sociocognitif » prétendu nécessaire à tout apprentissage. Dans ce
schéma, l’élève est au centre, plus le maître, mais au bénéfice de qui ? Car
avec cette méthode, il y a « abandon pédagogique » des élèves, en
particulier des plus faibles et cela pour plusieurs raisons. D’abord pour une
question de temps : les séquences pédagogiques fondées sur ce principe
sont en effet précédées d’une multitude d’activités, description des
représentations par le texte ou le dessin, débat, recherche en groupe et
autocorrection, synthèse des différents avis, tous chronophages, qui ne
laissent plus à l’enseignant la possibilité d’expliquer et d’illustrer. Plus
grave encore, puisque ce n’est pas lui qui transmet, il n’y a plus la
nécessaire structuration des connaissances que seul le maître est capable de
réaliser. D’ailleurs, là n’est pas la question puisque « apprendre à
apprendre » est devenu plus important.
L’école doit permettre à chaque enfant de satisfaire son envie
d’apprendre en lui rendant le savoir accessible. Dans le cas contraire, les
lacunes s’installent et devant les difficultés qui apparaissent, l’élève perd le
goût d’apprendre. Chercher, discuter, confronter des points de vue : cela
peut être très stimulant pour les enfants, mais à condition qu’ils aient déjà
acquis la matière sans laquelle l’exercice, peu formateur, s’apparente à une
coquille vide. Ce qui s’appelle aussi « ne pas mettre la charrue avant les
bœufs ».
L’élève doit être acteur de son savoir

Un élève ne retiendra que ce qu’il découvre par lui-même. Il


doit construire son savoir de manière autonome. FAUX

« L’élève, acteur de son savoir », la formule est tant rabâchée qu’elle


passe pour l’alpha et l’oméga de la pédagogie, une méthode sans laquelle il
n’y aurait point de salut. Mais il faut toujours se méfier des formules a
priori incontestables.
L’élève acteur construit lui-même ses savoirs et l’enseignant doit bien
se garder de transmettre quoi que ce soit. Certes, son intervention permet de
faire émerger un questionnement, à partir du vécu de l’élève. Tout part à
vrai dire d’une situation-problème, une contradiction apparente entre ce que
l’élève sait et ce qui lui est présenté, le tout se bousculant dans son esprit et
créant finalement un conflit entre ses conceptions et ce qu’il découvre
maintenant, le « conflit sociocognitif ». Si cette démarche a l’intérêt de
stimuler la curiosité des élèves, elle peut vite s’avérer lourde et
chronophage. Mais, principal inconvénient, à partir d’observations
complexes, elle aboutit à des explications simplistes qui ne répondent pas à
la complexité du problème. Contrairement à un enseignement dit
« explicite », qui, en allant du simple vers le complexe, dispense un savoir
de façon structurée, la démarche inverse risque de semer la confusion. À
vrai dire, ce n’est pas un problème, car pour ses partisans il est plus
important d’apprendre à apprendre que de construire véritablement ses
savoirs.
La théorie socioconstructiviste, une variante, ajoute une dimension
relationnelle, le conflit sociocognitif étant élaboré à partir d’interactions
entre maître et élèves. D’où l’importance de débats où se confrontent les
opinions des uns et des autres. L’aspect affectif devient alors un élément
majeur, l’enseignant recherche ce qui va plaire à l’élève, du moins pour ce
qu’il peut en deviner, veille à lui présenter des activités attrayantes.
L’adhésion de l’élève se fait d’autant mieux que le maître lui apparaît sous
un jour sympathique. Au risque de créer une dépendance affective, et de
faire « aimer » ou « détester » une matière selon la personnalité du maître.
D’ailleurs, la confrontation d’idées au cours du conflit sociocognitif a vite
fait, chez des enfants à l’ego fragile ou des adolescents mal dans leur peau,
de prendre une dimension personnelle… sauf à croire qu’au pays des
Bisounours les rivalités entre élèves sont absentes. À ces méthodes
s’oppose celle de la transmission, qui contrairement aux autres s’appuie sur
la discipline enseignée. Ce sont les connaissances et l’expérience du
professeur qui lui permettent de rendre le savoir accessible aux élèves, le
plus clairement et le plus précisément possible. L’élève n’est plus au centre,
puisque le cours qu’il retrouvera sur son cahier est celui dispensé par
l’enseignant. Un modèle considéré comme trop directif et fortement décrié
par les sciences de l’éducation. « Les enfants ne doivent pas prendre la
parole de l’enseignant pour argent comptant » : ces propos d’une formatrice
IUFM, rapportés par Rachel Boutonnet dans son livre Journal d’une
institutrice clandestine, résument assez bien comment se conçoit
aujourd’hui la formation des maîtres. Et pourquoi serait-il interdit de
stimuler la curiosité des élèves, de les inciter à découvrir par eux-mêmes
tout en leur transmettant aussi des connaissances et en leur donnant les
explications qu’ils ne trouveront pas eux-mêmes, du moins pour la majorité
d’entre eux ?
Les méthodes actives ont fait leurs preuves

Les élèves comprennent mieux ce qu’ils découvrent par eux-


mêmes, c’est scientifiquement prouvé. FAUX

Le débat concernant les méthodes pédagogiques fait rage, il commence


même à sortir du petit monde de l’enseignement, et c’est tant mieux. En
existe-t-il de plus efficaces que d’autres et si oui lesquelles ? Il faut dire que
certaines, avec une dénomination habile, voire flatteuse, ont su s’attirer la
sympathie. Qui s’opposerait, a priori, à l’idée de mettre l’élève au centre du
système ? Comment ne pas entendre dans « enseignement frontal », comme
les pédagogistes désignent la situation où le professeur se trouve face à ses
élèves, une opposition, voire une confrontation ?
Le projet américain Follow through, mené aux États-Unis sur plusieurs
dizaines de milliers d’élèves, entre 1968 et 1995, a permis de régler la
question en comparant l’efficacité de différentes méthodes pédagogiques.
Dans une publication, « Quelles sont les pédagogies efficaces ? », Clermont
Gauthier, de l’université de Laval (Québec), et ses collègues passent au
crible cette étude qui compare les deux grandes familles de méthodes :
celles centrées sur l’enseignement et celles centrées sur l’élève. Les
premières, rapportent les auteurs, étaient orientées vers un enseignement
systématique des apprentissages de base (disciplinaires), contrairement aux
secondes, cognitivistes (« apprendre à apprendre ») ou sociocognitivistes
(« respect du rythme, des besoins et des intérêts des élèves »). L’étude
concernait pas moins de 70 000 élèves, de la maternelle et des trois
premières années du primaire, issus de 180 écoles différentes. À la fin de la
troisième année, l’évaluation portait sur trois domaines : les habiletés de
base (langues, maths…), les habiletés intellectuelles (raisonnement…), les
habiletés affectives (estime de soi…). La conclusion des auteurs est la
suivante : « pour cinq des six modèles mettant en avant une approche
pédagogique centrée sur l’élève, les résultats ont été nettement plus faibles
que ceux obtenus avec un enseignement typiquement traditionnel. » Mieux
encore, parmi ces dernières, celle considérée comme la plus structurée
(« Direct Instruction ») et tournée vers l’acquisition des savoirs obtenait les
meilleurs résultats dans les trois volets étudiés, une preuve que la
transmission des connaissances ne s’oppose pas au développement de la
réflexion ou de l’épanouissement des élèves, comme le rabâchent les
partisans du « centrage sur l’élève ».
Devant ces résultats, d’autres études ont voulu tester la fiabilité du
projet Follow through et finalement l’ont renforcée. Ainsi, celle du suivi
d’élèves (par Gersten et Keating) a montré que les enfants ayant bénéficié
d’une méthode d’enseignement structuré obtenaient pour la suite de leur
scolarité un taux de diplômes plus élevé que les autres. Dans un autre
article, « Écoles efficaces et réussite scolaire des élèves à risque. Un état de
la recherche », Clermont Gauthier et ses collègues passent au crible plus
d’une vingtaine d’études (métaanalyse) s’étalant sur trente-cinq années pour
aboutir aux mêmes conclusions. L’« élève au centre » est-il vraiment
avantagé ?
Les méthodes pédagogiques sont évaluées

Les élèves ne sont pas des cobayes, on n’emploierait pas avec


eux des méthodes dont l’inefficacité est avérée. FAUX

On pourrait penser qu’avant d’être appliquées, les méthodes


pédagogiques sont soigneusement testées, de façon strictement encadrée
pour en limiter les dégâts. À vrai dire, il n’en est rien et l’avant-garde
pédagogiste, toujours friande d’innovations, impose sans cesse de nouvelles
méthodes, même quand elles ont lamentablement échoué ailleurs. Ainsi en
est-il des « tâches complexes » dont la définition, estampillée « Éducation
nationale », est : « Une tâche complexe met l’élève en situation de prendre
des initiatives, de choisir parmi les outils dont il dispose, de mettre en
œuvre un raisonnement, sans se trouver seulement réduit à effectuer une
suite d’applications. » Un exercice apparemment ordinaire sauf s’il est
utilisé – qui plus est systématiquement – comme point de départ, pour faire
découvrir, comprendre et assimiler une notion. Ainsi, l’élève est censé
découvrir par lui-même, à partir d’informations multiples, après
tâtonnements et erreurs, les connaissances attendues. Autrement dit, au lieu
d’aller du simple vers le complexe, on lui propose le chemin inverse,
évidemment sans l’aide de l’enseignant, où serait la complexité sinon ?
Avec cette forme d’« abandon pédagogique », seuls les bons élèves s’en
sortent, les autres, sans bagage suffisant, piétinent et finissent par renoncer.
Dérive anecdotique et isolée de quelques docteurs Folamour du
pédagogisme ? Pas du tout, une méthode chaudement recommandée qui fait
même partie du préambule du socle de compétences : « Maîtriser le socle
commun de connaissances et de compétences, c’est être capable de
mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l’école
puis dans sa vie. »
Mais finalement, ces « tâches complexes » méritent-elles tant
d’acrimonie ? Oui, car on nous les présente depuis peu en France alors
qu’elles sont devenues un pilier de l’enseignement au Québec en raison des
réformes successives débutées au milieu des années 1990, qui ont
finalement rendu obligatoires les méthodes constructivistes… avec à la clé
de gros dégâts. L’enquête internationale sur les mathématiques et les
sciences (TEIMS 2005) a abouti au résultat suivant : en mathématiques, les
élèves du primaire sont passés, entre 1995 et 2007, du 5e au 14e rang et en
sciences du 9e au 19e rang.
Et cela est confirmé par les études de terrain. Ainsi, Clermont Gauthier,
de l’université de Laval (Québec), en s’appuyant sur de nombreuses études,
explique dans « Écoles efficaces et réussite scolaire des élèves à risque » :
« L’enseignement exclusif à l’aide de tâches complexes risque d’augmenter
l’échec scolaire puisque, d’une part, ce type de moyens didactiques présente
trop d’informations simultanément, ce qui surcharge indûment la mémoire
de travail des élèves. D’autre part, cette démarche pédagogique ne fournit
pas suffisamment de temps aux élèves pour leur permettre de comprendre,
maîtriser et automatiser les connaissances de base. » L’auteur cite ensuite
plusieurs études dont l’une (par Klahr et Nigam) montre que « 77 % des
élèves ayant expérimenté l’“enseignement dirigé” ont atteint le seuil de
maîtrise prévu comparativement à seulement 22 % des élèves du groupe
“pédagogie de la découverte” ». Effectivement, les résultats sont meilleurs
« en allant du facile vers le difficile et du simple vers le complexe ». On
s’en serait douté : les pédagogistes ne devraient-ils pas de temps à autre
lever le pied pour réfléchir ?
Il faut apprendre à apprendre

Pour soulager les difficultés d’un élève en classe, il faut


d’abord lui apprendre à apprendre. FAUX

Apprendre à apprendre, a priori l’idée semble bonne. On imagine une


méthode, voire une série de trucs et astuces facilitant l’appropriation de
connaissances : se replonger le soir même dans les cours de la journée,
établir des liens, hiérarchiser ses connaissances, utiliser judicieusement sa
mémoire, visuelle ou auditive… Or, il n’en est rien, apprendre à apprendre a
un tout autre sens, la formule a d’ailleurs occasionné une multitude de
colloques, d’articles, de livres et autres… tous annonçant avec tambours et
trompettes qu’enfin la solution était trouvée. Pas un IUFM sans son module
« Apprendre à apprendre », pas un séminaire de formateurs de formateurs
sans son concept A2A (on peut aussi l’appeler ainsi). Toutefois, en vogue
depuis une quinzaine d’années, la méthode aurait eu le temps de faire ses
preuves et le niveau de nos bambins de grimper en flèche. En rentrant de
l’école, votre enfant ne manquerait pas de se précipiter sur ses devoirs avant
de dévorer son encyclopédie préférée, papier ou en ligne, pour étancher sa
soif d’apprendre. Mais, malgré ses nombreuses séquences d’« apprendre à
apprendre », censées lui avoir ouvert de nouveaux horizons, il préfère
toujours sa console Wii sur laquelle tourne en boucle son jeu favori.
D’ailleurs, d’emblée, l’expression laisse sceptique, elle recèle une faille,
ses prédicateurs ont en effet oublié de nous expliquer une chose : si ne pas
avoir appris à apprendre empêche d’apprendre, comment peut-on apprendre
à apprendre sans avoir au préalable appris à apprendre à apprendre ?
Évidemment, tout cela peut mener loin !
Interrogeons la méthode pour comprendre les raisons de son
inefficacité. S’il faut apprendre à apprendre la table de multiplication par 9,
la règle du COD placé avant ou après le verbe « avoir » ou encore le
théorème de Pythagore, comment a-t-on pu apprendre à faire du vélo sans
jamais avoir appris à apprendre à pédaler ?! Pourtant, on y est arrivé !
Pour le vélo comme pour Pythagore, l’apprentissage est un saut vers
l’inconnu, un chemin à parcourir en équilibre instable, inquiétant peut-être
(« Vais-je y arriver ? »), intriguant sûrement (« Ah oui, je ne connaissais
pas »), stimulant sans aucun doute (« Ça y est ! »), car il ouvre de nouveaux
horizons.
Penser qu’il faut d’abord apprendre à apprendre, c’est faire croire qu’il
existe une méthode pour rendre le savoir immédiatement accessible alors
qu’il demande un effort. C’est aussi faire croire que l’apprentissage est un
acte technique, un geste déconnecté du contenu. Or, apprendre a une
finalité : accéder à un savoir qui paraît d’abord abscons puis prend du sens
au fur et à mesure qu’il est maîtrisé. Là où il y a supercherie, c’est
qu’apprendre à apprendre n’est pas une méthode pour apprendre, c’est
même tout l’inverse, une doctrine qui prétend qu’apprendre est devenu
inutile ! Car d’après ses adeptes, à l’heure des encyclopédies en ligne,
apprendre n’est plus qu’une perte de temps, revient à encombrer sa
mémoire d’objets hétéroclites et vite désuets. En revanche, il faudrait savoir
accéder vite et facilement à la connaissance. Tout cela est bien pauvre, rien
d’étonnant à vrai dire, « apprendre à apprendre » n’est rien d’autre qu’une
de ces fameuses « compétences ».
Et pour se convaincre que cela ne tient pas la route, il suffit de penser à
la relative facilité que nous avons à assimiler des connaissances nouvelles
dans un domaine que nous connaissons et les difficultés dans le cas
contraire. Une preuve qu’apprendre dépend du savoir déjà acquis et non pas
de recettes miracles.
Les devoirs à la maison sont source
d’inégalité

Les élèves travaillent suffisamment en classe, ils n’ont pas


besoin de devoirs à la maison. En plus, c’est interdit. FAUX

« Les devoirs à la maison sont interdits, vous enfreignez la loi ! » Plus


d’un instituteur s’est déjà vu prendre à partie par un parent passablement
remonté, car son enfant rentrait le soir à la maison avec des devoirs. Et pour
arguer de son bon droit, le monsieur ou la dame ne manquait évidemment
pas de citer ses sources, un décret de 1956. Le parent mécontent se trompe
d’ailleurs, la première interdiction date de 1912, la dernière de 1994,
d’autres textes encore plus récents venant la préciser.
Tout débute en 1912 lorsque M. Blanguernon, inspecteur d’académie de
la Haute-Marne, commet la première circulaire interdisant les devoirs à la
maison, en prenant soin de justifier son choix par trois raisons : « l’intérêt
des élèves qui sont exposés à un surmenage », « l’intérêt des études : les
enfants ne peuvent que travailler mal dans des conditions défectueuses » et
« l’intérêt des maîtres : vous avez mieux à faire que mettre du rouge sur des
cahiers ». Quoi qu’il en soit, le sieur Blanguernon a allumé la mèche…
toujours pas éteinte depuis. En 1938, puis en 1956, des textes viennent
rappeler l’interdiction. Celui de 1956 précise : « En conséquence, aucun
devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors
de la classe. Cette prescription a un caractère impératif et les inspecteurs
départementaux de l’enseignement du premier degré sont invités à veiller à
son application stricte. » Sur les sites internet « anti-devoirs à la maison »,
la circulaire s’arrête là, oubliant de préciser la suite : « Libérés des devoirs
du soir, les enfants de 7 à 11 ans pourront consacrer plus aisément le temps
nécessaire à l’étude des leçons. » Autrement dit, le fameux décret n’interdit
pas le travail à la maison, du moins l’étude des leçons ! Pendant longtemps,
les instituteurs prétendront qu’ils ne donnent pas de devoirs… mais des
exercices écrits. Raison pour laquelle les circulaires suivantes interdisent
tous « écrits à exécuter hors de la classe » (1964), réaffirmé en 1971, 1986,
1990 et 1994.
Plutôt que de pinailler sur les termes, examinons les avantages et
inconvénients des devoirs à la maison. Régulièrement, rapports ou études
prétendent qu’ils creusent les inégalités puisque seuls les enfants de milieu
favorisé reçoivent une aide. C’est vrai sur ce point, mais sans conséquence
sur les résultats de l’enfant puisque le plus souvent les notes des devoirs
maison ne sont pas prises en compte ou alors symboliquement. D’autre part,
les inégalités seraient effectivement creusées si le travail demandé
nécessitait un matériel documentaire, encyclopédies et autres ouvrages,
mais est-ce le cas de figure le plus courant ? Quant à l’aide apportée, si les
devoirs donnés sont une révision ou un entraînement, voire un
prolongement, ils restent théoriquement à la portée de l’enfant. Certes, sans
aide, celui qui n’aura pas compris se trouvera démuni, mais pas davantage
qu’il ne le serait en classe sans ce travail. Et même moins, car il aura
cherché.
Néanmoins, pour y voir plus clair, le problème peut être pris dans
l’autre sens : que se passerait-il sans travail à la maison ? D’abord, le lien
entre l’école et les familles se distendrait, avec le risque de désintéresser les
parents ! Et pour ce qui concerne les inégalités, est-ce moins ou plus de
travail qui tend à les réduire ? En tout cas, il est à peu près certain que dans
plus d’une famille on en donnerait à l’aide de cahiers d’exercices déjà
proposés par les éditeurs, de cours particuliers ou même par l’intermédiaire
des parents.
Ce supplément fait après la classe est aussi un moyen pour l’élève de
renforcer les acquis de la journée, surtout quand ceux-ci sont fragiles.
D’ailleurs, personne ne conteste le travail du soir pour les élèves du collège
et pourtant l’argument des inégalités renforcées est encore plus valable. Il
faudra une bonne fois pour toutes comprendre que le travail n’est pas
l’ennemi de l’élève (pas plus que les enseignants qui en donnent).
L’école doit évoluer avec la société

L’école prend du retard sur la société, elle doit s’adapter, au


risque sinon de disparaître. FAUX

L’école doit refléter la société, affirment les cassandres, qui prédisent


sans cela sa disparition… tout en la souhaitant ardemment. Or,
contrairement à une idée reçue, l’école n’a jamais été le reflet de la société,
mais, en France en tout cas, celui de la République. L’école républicaine,
instituée avec la IIIe République, selon ses principes et non pas à l’image de
la société d’alors, est d’abord laïque (article 1 de la Constitution). Pourtant,
à cette époque, la France compte une majorité de catholiques pratiquants, ce
qui n’empêche pas l’école publique de se constituer en rupture avec cette
caractéristique majeure de la société. Au-delà de l’Église, la laïcité protège
l’école contre les intérêts particuliers, politiques, économiques,
marchands… tous ceux qui forment la société. L’école publique ne peut
garder sa neutralité qu’en restant en retrait de la société. C’est l’inverse qui
est mis en œuvre depuis quelques décennies, l’école est sommée de s’ouvrir
sans que jamais les politiques aient lancé de débat sur le sujet. Plutôt
contradictoire d’appeler à l’ouverture sur la société sans même demander
son avis à celle-ci !
La neutralité de l’école donne à chaque élève une précieuse liberté. Il
n’est à l’école ni un fils de cadre ou d’ouvrier ni Français de souche ou
enfant d’immigré, il est un élève indifférencié et c’est pour l’enseignant un
devoir de s’adresser à chacun de la même façon et d’apporter la même
chose à tous. Dans la société, enfants et adolescents se distinguent, et les
inégalités de fait qui les séparent sont bien plus grandes à l’extérieur qu’à
l’intérieur de l’école. Ouvrir l’école sur la société, c’est y faire entrer ces
inégalités.
Le caractère social de la République française se retrouve aussi dans
l’école. La Constitution de la IIe République (1848) affirme dans son
préambule que « la République doit, par une assistance fraternelle, assurer
l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans
les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des
secours à ceux qui sont hors d’état de travailler ». Sociale, la société, quant
à elle, ne l’est pas toujours ! Or, donner à chacun, selon ses moyens, la
possibilité d’accéder aux plus hautes responsabilités pour passer de l’égalité
de droit à l’égalité de fait, c’est aussi le devoir d’une République sociale,
notamment par l’instruction qu’offre l’école. Cela n’a jamais été le souci de
la société, où chaque individu tente de s’en sortir comme il peut, la
compétition étant la règle.
L’école républicaine est le produit du siècle des Lumières, qui prône
l’émancipation de chaque individu. Tout change avec l’école sommée de
s’adapter à la société, chargée de former des élèves en fonction de ses
besoins. Pourquoi pas après tout, mais le choix doit être fait en
connaissance de cause. Sans doute les défenseurs de ce modèle n’y ont-ils
pas intérêt, car les dés sont pipés. L’école pourrait-elle en effet changer ses
méthodes, ses outils et ce qu’elle enseigne aussi vite que la révolution
technologique que nous vivons ?
Il faut faire entrer l’ordinateur dans les
classes

L’ordinateur doit faire son entrée en classe, c’est un bon moyen


de dépoussiérer l’enseignement. FAUX (car il y est déjà depuis
longtemps)

Le professeur remplacé par l’ordinateur, utopie pour les uns, cauchemar


pour les autres, la question à vrai dire est de savoir quelle place l’ordinateur
peut prendre à l’école.
Son usage s’est imposé vers la fin des années 1990, souvent justifié par
des formules plus incantatoires que réfléchies : il s’agissait d’« un
changement profond de civilisation et de pédagogie », déclarait à l’époque
le ministre Claude Allègre. De « civilisation », rien de moins !
L’ordinateur allait en tout cas révolutionner les pratiques pédagogiques.
Or, dès le début, il est apparu comme un outil, du moins les logiciels qu’il
faisait tourner, extrêmement limité, renvoyant à des exercices sans intérêt,
du domaine de la simple application et de la répétition plutôt que de la
réflexion. En français, par exemple, il s’agissait de compléter des phrases à
trous, en maths le résultat, en SVT les légendes d’un dessin d’anatomie.
Des exercices ayant leur utilité mais faisant peu intervenir le raisonnement,
avec un choix binaire de réponse – vrai/faux – et une solution automatique
sans explication de l’éventuelle erreur. Certes, il y avait un avantage,
chaque élève avançait à son rythme, les plus lents continuant à chercher la
réponse tandis que les autres passaient à la suite, sans avoir peur non plus
de faire des erreurs. Avec un paradoxe néanmoins, cette utilisation ramenait
à des exercices « à l’ancienne », dont se plaignaient tant les pourfendeurs de
l’école traditionnelle ! Ils le savaient bien, mais l’ordinateur était pour eux
un moyen d’en finir avec l’omnipotence de l’enseignant, quitte à sacrifier le
contenu de l’enseignement. Une chose est sûre, l’intrusion de la machine
n’enraya pas la baisse du niveau, constatée par Pisa ou d’autres indicateurs.
La généralisation de l’ordinateur en classe s’est poursuivie, en même
temps que les logiciels devenaient plus performants, capables de placer
l’élève devant des problèmes mathématiques plus complexes, de simuler
des expériences en physique ou en SVT. Dans ces disciplines scientifiques,
rares sont les enseignants qui aujourd’hui n’en reconnaissent pas l’intérêt…
mais nombreux aussi sont ceux qui font de son utilisation une fin en soi,
une dérive à laquelle poussent d’ailleurs les instructions officielles,
intégrant même dans chaque discipline l’ineffable B2i.
À l’opposé, les enseignants se sont inquiétés, voire ont fantasmé sur
leur remplacement par des ordinateurs. On en est loin, mais est-ce si
absurde que cela ? Dans Une société sans école (1971), Ivan Illitch plaide
pour la fin de l’école, en raison de sa prétendue inefficacité, notamment par
rapport à son coût, de sa prétention à se penser seule capable d’éduquer.
Pour Illitch, les enseignants sont des imposteurs qui s’arrogent le monopole
d’enseigner alors que cette possibilité doit être offerte à chacun. À l’époque,
les ordinateurs sont peu répandus et Internet n’existe pas, et on voit mal
comment les propositions d’Illitch pourraient s’appliquer. Mais aujourd’hui,
la banalisation de l’ordinateur ne favorise-t-elle pas cette prise de distance
avec l’école ?
Avec le B2i, les élèves maîtrisent les
nouvelles technologies

Internet, multimédia, les nouvelles technologies utilisées en


classe permettent aux élèves de découvrir l’informatique, et
leurs connaissances seront validées par le B2i. FAUX

Ça ne rigole pas avec le B2i, surtout lorsqu’on lit les objectifs officiels à
son sujet : « À l’école, au collège et au lycée, le brevet informatique et
internet (B2i) affirme la nécessité de dispenser à chaque futur citoyen la
formation qui, à terme, lui permettra de faire une utilisation raisonnée des
technologies de l’information et de la communication, de percevoir les
possibilités et les limites des traitements informatisés, de faire preuve
d’esprit critique face aux résultats de ces traitements, et d’identifier les
contraintes juridiques et sociales dans lesquelles s’inscrivent ces
utilisations. » Arrivé au bout de cette phrase, il faut reprendre son souffle, et
pourtant la traduction de ce jargon pompeux frise le ridicule. Au collège,
par exemple, l’élève doit être « capable d’imprimer en choisissant dans les
options d’impression les plus adaptées à son besoin ou les plus
économiques », ce qui signifie qu’il n’aura pas son B2i en tentant
d’imprimer un arc-en-ciel en noir et blanc. Il doit aussi savoir « rechercher
et sélectionner un logiciel ou service approprié au traitement d’un fichier
donné », autrement dit ne pas tenter de lire un film avec un traitement de
texte. Tout est du même niveau dans ce B2i, citons encore la compétence où
l’élève « identifie les situations de cyber-harcèlement et demande de l’aide
à un adulte » et encore celle où « il sait ouvrir et fermer une session ».
Comme le B2i fait beaucoup ricaner les élèves de collège, il a été décidé par
souci d’équité de lancer une version lycée, avec, par exemple, la
compétence « Je sais paramétrer un logiciel de messagerie pour récupérer
mon courrier électronique » (alors qu’avec les dernières versions des
logiciels, il suffit d’entrer son adresse e-mail et la recherche des paramètres
se fait de façon automatique).
L’introduction des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de
la communication), comme d’autres « innovations », visait un double
objectif. Le premier était de stimuler l’intérêt des élèves. Or miser sur la
technique, c’était confondre le contenant et le contenu, car une fois l’effet
de nouveauté passé, un traitement de texte ne donne pas envie d’écrire ou
de lire, un tableur et ses colonnes de chiffres n’incitent pas à résoudre un
problème scientifique. Autre argument, sans doute encore plus faible que le
précédent, celui de la « guerre économique » que la France pourrait gagner
grâce à la maîtrise de ces technologies. Une dizaine d’années après, on peut
juger de l’efficacité de cette politique ! Tout d’abord, le constat de
l’utilisation de ces technologies par chacun, sans avoir eu besoin de suivre
une formation à l’école, est facile à faire. N’importe quel possesseur d’un
ordinateur, y compris les seniors qui ont découvert ces machines tard dans
leur vie, réussirait à valider les fameuses compétences du B2i, version
collège ou lycée. Quant aux machines et logiciels d’aujourd’hui, quel
rapport auront-ils avec ceux qui suivront dans une ou deux décennies ?
Dans ce domaine, c’est l’usage qui fait la connaissance, pas l’inverse. Alors
faut-il chasser les ordinateurs des classes ? Certainement pas lorsqu’ils sont
des outils efficaces pour accéder à la connaissance, pour la recherche
documentaire, la simulation, le calcul ou tout autre. Mais lorsque l’outil
devient une fin en soi, au service de l’idéologie du vide, les ordinateurs
ennuient tout le monde, élèves comme professeurs.
À l’école, les élèves apprennent
l’informatique

Depuis longtemps, l’ordinateur s’est installé dans les classes,


aussi les élèves sont-ils maintenant formés à l’informatique.
FAUX

Pour beaucoup, informatique et ordinateur se confondent,


l’informatique relevant de l’ensemble des activités consistant à utiliser un
ordinateur. En réalité, on peut passer des heures devant un ordinateur, à
l’école par exemple, sans faire du tout d’informatique. L’informatique est la
science du traitement rationnel de l’information, notamment par des
machines automatiques, et écrire un e-mail ou consulter les résultats du
championnat de football sur un site web n’a évidemment rien à voir.
L’histoire de l’informatique à l’école n’est pas récente, les ordinateurs
sont introduits expérimentalement dans les années 1970 mais font
véritablement leur entrée dans les établissements à partir de 1980. Le plan
« Informatique pour tous », en 1986, prévoit l’installation
de 120 000 appareils et la formation des enseignants. L’objectif principal est
la programmation à partir de langages comme le Basic, le Logo et le LSE
(langage scientifique pour l’enseignement). Le Premier ministre de
l’époque, Laurent Fabius, déclare : « L’informatique va devenir de plus en
plus une véritable seconde langue. » Une langue qui bégaie jusqu’à sa
disparition, à la fin des années 1990, où l’apprentissage de la
programmation, jugé trop élitiste, est remplacé par l’utilisation des
technologies de l’information. À la rentrée 2012, un nouvel enseignement
« Informatique et sciences du numérique » naît, sous forme optionnelle en
terminale S. Mais l’EPI (Association Enseignement public et informatique)
milite pour que l’informatique devienne une matière à part entière, en
première et terminale scientifiques. Avec quels arguments ? Celui de
l’omniprésence de l’informatique qui nécessite de maîtriser des bases de
programmation. De plus, la connaissance des algorithmes, formatrice pour
l’esprit, développe une rigueur, aussi bien dans la logique que dans la
syntaxe, bénéfique au-delà de l’informatique. L’ordinateur, du moins
lorsqu’il s’agit de programmation, peut être considéré comme une machine
à penser et à faire penser, disent ses défenseurs. Certes, mais les
mathématiques ont au moins les mêmes qualités. Justement, l’apprentissage
de l’informatique pourrait faciliter l’enseignement des maths, par son côté
plus concret, son résultat observable (est-ce que mon programme
fonctionne ou non ?). Soit, mais la connaissance d’un code informatique,
ardue, commence à être utilisable sérieusement seulement après une longue
initiation.
Autre argument, l’image négative de l’informatique auprès des jeunes
entraîne une diminution d’inscriptions après le bac alors que le secteur, du
moins pour les formations de haut niveau, manque de candidats. Un
argument qui pourrait entraîner loin s’il fallait introduire au lycée les
matières qui ne trouvent pas suffisamment preneurs à la fac. D’ailleurs,
avec quelles heures enseigner cette matière, et en remplacement de quoi ?
La tendance est plutôt à leur diminution, aussi voit-on mal des heures
d’informatique ajoutées ou bien remplaçant celles d’autres disciplines déjà
« amaigries ». Mais en dehors de ce problème de contingence, la question
du retour de l’informatique (la vraie !) à l’école reste ouverte.
Le contenu du socle commun va élever le
niveau

Avec l’instauration du socle commun, tous les élèves quittent le


collège muni d’un solide bagage culturel. FAUX

La loi de 2005 introduisait le « socle commun de connaissances et de


compétences », une liste de points que l’élève était censé connaître à la fin
de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire à 16 ans. Plus d’un se félicitait qu’un
minimum de connaissances soit ainsi garanti, un argument étonnant, car les
arrêtés ministériels rendent les programmes disciplinaires déjà obligatoires.
Mais la comparaison avec les programmes s’arrête là. Première raison,
le socle commun ne concerne plus des disciplines, mais des sortes de troncs
regroupant plusieurs matières : mathématiques, SVT, physique-chimie et
technologie, par exemple, ou la culture humaniste, mêlant la littérature,
l’histoire-géographie, les arts et même le développement durable ! Sept
piliers au total constituent ce socle, chacun divisé en trois rubriques :
connaissances, capacités et attitudes. Pour chacun, les connaissances
tiennent grosso modo sur une page et leur lecture laisse pantois quant au
niveau attendu de fin de scolarité obligatoire (c’est-à-dire de fin de
troisième). Pour en donner un avant-goût au lecteur, qui pourra néanmoins
consulter en intégralité le contenu sur Internet, citons ici quelques
connaissances exigibles. Dans le pilier mathématiques-sciences : « Les
quatre opérations et leur sens », « Les techniques élémentaires du calcul
mental », « Savoir que l’Univers est structuré : du niveau microscopique
(atomes, molécules, cellules du vivant), au niveau macroscopique (planètes,
étoiles, galaxies) » ; dans le pilier culture humaniste : « Avoir des repères
géographiques : les grands ensembles physiques (océans, continents, reliefs,
fleuves, grands domaines climatiques et biogéographiques) », tout étant du
même niveau.
Ce qui ressortait autrefois du domaine des savoirs élémentaires et donc
de l’école du même nom est maintenant attendu en fin de collège. De plus,
les formulations sont si floues que l’on peut y mettre ce que l’on veut. Par
exemple, exiger une « connaissance d’œuvres littéraires, picturales,
théâtrales, musicales, architecturales ou cinématographiques majeures du
patrimoine français, européen et mondial (ancien, moderne ou
contemporain) » est louable mais, sans plus de précisions, s’apparente à un
leurre, rien d’autre qu’une coquille vide qui sera remplie de façon bien
différente selon les établissements, ce que des programmes aux exigences
précises ne permettraient pas. C’est bien là le problème de ce socle, il est si
creux qu’il ne peut rien dispenser de commun ! Autre particularité, le
caractère disparate des connaissances d’un même pilier, sans lien entre
elles, interdit de ce fait un enseignement structuré.
Deux piliers méritent une mention particulière, celui intitulé « Les
compétences sociales et civiques », avec lequel l’élève est censé apprendre
à « vivre en société », « savoir ce qui est interdit et ce qui est permis » et un
autre nommé « L’autonomie et l’initiative », dans lequel il est question de
« savoir s’autoévaluer » ou encore de « développer sa persévérance ».
Bienvenue dans l’école du futur ! On peut légitimement se demander
comment un élève pourrait bien se construire à partir de ce micmac.
Le socle commun garantit les connaissances
indispensables

L’objectif du socle commun est de fournir aux élèves une


culture commune. FAUX

Le socle commun de connaissances et de compétences, instauré par la


loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, du 23 avril 2005,
désigne un ensemble de connaissances et de compétences que les élèves
doivent maîtriser à l’issue de la scolarité obligatoire. Que chacun puisse
disposer d’un certain bagage culturel à sa sortie de l’école, rien n’est moins
critiquable. En revanche, si l’on s’interroge sur les objectifs fixés quant au
contenu de ce socle commun, la réponse est claire. Ces connaissances et
compétences, une fois validées, doivent permettre aux élèves, selon les
mots du ministère de l’Éducation nationale, de « poursuivre leur formation,
construire leur avenir professionnel et réussir leur vie en société ».
Ainsi tout est dit, l’école a discrètement changé d’objectifs. Il s’agit de
socialiser plutôt que de transmettre les savoirs qui en favorisant l’activité de
l’esprit assurent l’émancipation des individus. Les compétences validées
garantissent une bonne insertion dans la société, au risque que l’élève
« compétent » ne soit qu’un individu formaté selon un moule bien défini.
La preuve, son « savoir-être » et ses « savoir-faire » sont évalués au même
titre que ses connaissances. Ainsi le socle commun comporte sept piliers
(doit-on y voir une signification biblique ?), parmi lesquels figurent « les
compétences sociales et civiques ». On découvre parmi les compétences
requises « la volonté de résoudre pacifiquement les conflits » ou encore
« de communiquer et de travailler en équipe, ce qui suppose savoir écouter,
faire valoir son point de vue, négocier, rechercher un consensus, accomplir
sa tâche selon les règles établies en groupe ». Est-ce là réellement le rôle de
l’école ? Doit-elle régir les attitudes, s’insinuer dans les comportements ?
Elle s’en défend, d’ailleurs parmi les compétences évaluées figurent aussi
« savoir évaluer la part de subjectivité ou de partialité d’un discours, d’un
récit, d’un reportage » et « savoir distinguer un argument rationnel d’un
argument d’autorité », mais les élèves ne sont pas moins guidés pour autant.
Pris en charge dans leur éducation sexuelle ou pour l’éducation au
développement durable, seront-ils vraiment à même de se constituer un
jugement personnel ?
Quant aux connaissances, la liste inclut aussi bien celle de « la
Convention internationale des droits de l’enfant » que « quelques notions
juridiques de base, et notamment : l’identité de la personne ; la nationalité ;
le principe de responsabilité et la notion de contrat, en référence à des
situations courantes (signer un contrat de location, de travail, acquérir un
bien, se marier, déclarer une naissance, etc.) », une conception pour le
moins utilitariste de l’école !
Finalement, l’école ne voit plus en chaque élève une personnalité
unique et complexe, mais un empilement de capacités à évaluer les unes
après les autres. Ce faisant, elle modèle les caractères plus qu’elle ne forme
les esprits, un choix qui s’est opéré sans être clairement énoncé et dans un
silence bien coupable de la part des enseignants.
Il faut mettre les maths à la portée de tous

Impossible pour la plupart des élèves de réussir en maths sans


cours particuliers. Aussi faut-il rendre la discipline accessible à
tous. FAUX

Réussir en maths serait possible à condition d’être doué, d’avoir la


« bosse des maths », affirme plus d’un, et le caractère trop sélectif de la
matière expliquerait l’échec des élèves.
Aussi prétend-on qu’il faut mettre les maths à la portée de tous, en
adaptant méthodes et contenu, ce que l’on fit avec l’introduction des
mathématiques modernes. La discipline subit en effet une révolution dans
les années 1970, selon les mêmes arguments que ceux de la modernisation
pédagogique actuelle : suivre l’évolution d’un monde « qui change » ou
« qui bouge ». Si l’école aujourd’hui doit se conformer à l’« économie de la
connaissance », il y avait à l’époque la prétendue nécessité d’adapter
l’enseignement à la guerre technologique, celle pour la conquête de
l’espace. Les Soviétiques avaient une longueur d’avance avec la lancée de
Spoutnik 1, et le slogan « À bas Euclide ! » du mathématicien renommé
Jean Dieudonné sommait d’en finir avec l’enseignement traditionnel des
mathématiques dans lequel triangles et cercles avaient la part belle. Comme
aujourd’hui, il fallait s’appuyer sur la parole des experts et tenir compte de
leurs travaux, en l’occurrence ceux du psychologue Jean Piaget, pour
justifier des méthodes adaptées à l’élève, notamment pour le rendre « acteur
de son savoir ». On aimait aussi invoquer le futur, et l’introduction du
« système binaire » dans les programmes se justifiait alors par ses
applications pour « l’informatique de l’an 2000 ». Pourtant souhaitée par un
grand nombre de mathématiciens, cette réforme aboutit à une catastrophe
(le mot n’est pas trop fort), ses partisans finissant même par s’en
désolidariser, expliquant qu’elle avait été appliquée à la va-vite. Accusée de
sombrer dans le formalisme et de priver de sens les mathématiques, elle
mettait celles-ci hors de portée de beaucoup d’élèves. On constata d’ailleurs
qu’après le bac ils se détournaient des mathématiques.
Les réformes suivantes prendront le contre-pied et essaieront de rendre
la discipline plus accessible. Mais les exercices, trop stéréotypés pour
certains, amènent à des réponses mécaniques où le sens est absent. Ainsi,
des chercheurs de l’Irem de Grenoble ont tenté une (vilaine) expérience
avec des élèves de l’école élémentaire en leur posant les trois problèmes
suivants :
Dans une classe, il y a 4 rangées de 8 places, quel âge a la maîtresse ?
Dans une classe, il y a 15 garçons et 14 filles, quel est l’âge de la
maîtresse ?
Un berger a trois chiens et 120 moutons, quel est l’âge du berger ?
La majorité des élèves s’appliqua à chercher une réponse et en trouva
une pour chacun des problèmes : 32 ans pour le premier (car 8x4 = 32),
29 ans pour le second (car 15 + 14 = 29) et 40 ans pour le berger (car 120 :
3 = 40).
Quoi de plus concret que cet exercice, apparemment à la portée des
élèves ?
Plus besoin des maths, les machines font les
calculs

Avec les calculatrices et les ordinateurs, on peut tout faire,


alors inutile d’apprendre à compter et calculer. FAUX

En son temps, la formule fit mouche : « Les maths sont en train de se


dévaluer de manière quasi inéluctable. Désormais, il y a des machines pour
faire les calculs », déclara Claude Allègre, ministre de l’Éducation, au
journal France-Soir, en novembre 1999. Dans un de ses ouvrages, il avait
déjà lancé sa diatribe contre le calcul (« Va-t-on continuer à recourir aux
mathématiques pour calculer ? », La Défaite de Platon, 1995) et les maths
plus généralement (« L’ordinateur va nous conduire à considérer les
mathématiques comme un auxiliaire de la science »).
On peut, pour démontrer l’inanité du propos, imaginer une file d’attente
à la boulangerie, chaque client avec sa calculatrice à la main, prêt à vérifier
la monnaie rendue par la boulangère. Par ailleurs, si la calculatrice fournit
le (bon) résultat, c’est parce qu’un informaticien a réalisé un programme à
l’aide d’un algorithme s’appuyant sur une théorie mathématique. Les maths
servent encore à quelque chose !
Mais l’important est-il là ? Nous avons précédemment évoqué les
réponses étonnantes au problème : « Dans une classe, il y a 15 garçons
et 14 filles, quel est l’âge de la maîtresse ? », auquel une majorité d’élèves
de l’école primaire répondait « 29 », résultat de l’addition du nombre de
filles et de garçons… pour donner l’âge de la maîtresse. Rien de plus facile
que d’obtenir ce résultat avec une calculatrice qui incite justement à
additionner sans comprendre, y compris ce qui ne s’additionne pas ! Faire
calculer, disent les spécialistes, ce n’est pas seulement apprendre à
manipuler les nombres, les additionner, les soustraire, les multiplier ou les
diviser, c’est avant tout comprendre comment les manipuler, c’est-à-dire
donner un sens aux opérations.
Il faut d’ailleurs distinguer calcul écrit et mental. Dans ce second cas, le
but n’est plus d’intégrer les principes opératoires, mais d’appliquer
quelques astuces qui font gagner du temps et libèrent l’esprit pour le
raisonnement. Or, bon nombre d’instituteurs déplorent le formalisme
pédagogique des programmes voulant que l’élève pose mentalement
l’opération comme il le ferait à l’écrit. Ajouter un zéro à droite pour la
multiplication par 10 ou diviser 2 fois par 2 pour la division par 4. Sans ces
trucs, l’élève bloque vite et le résultat est en général faux. Autre problème,
celui des tables de multiplication. Leur méconnaissance par les enfants est
un problème récurrent dont les parents se plaignent. On peut s’étonner de la
profusion de jeux et autres activités inventés pour faire connaître les tables
alors qu’on les imagine plutôt pour vérifier qu’elles sont connues. Au vu de
leur efficacité, ne vaudrait-il pas mieux apprendre ces tables ?
Finalement, la fascination pour la machine inverse l’effet attendu.
Contraint d’utiliser sa calculatrice pour la moindre opération, même la plus
simple, l’élève en devient prisonnier et perd le sens de ce qu’il fait. Le
problème dépasse le cadre du calcul et se pose au collège et au lycée avec
l’utilisation de calculatrices graphiques de plus en plus performantes. Que
celles-ci puissent réaliser l’étude d’une fonction est certainement utile, à
condition que l’élève en soit lui-même capable. La machine doit libérer et
non pas aliéner.
On fait du français dans toutes les matières

On peut réduire le nombre d’heures de français puisque l’on en


fait forcément dans tous les cours. FAUX

Les instructions fournies par la circulaire du 20 septembre 2004


précisaient que, à l’école primaire, la maîtrise du langage et de la langue
française devait se faire dans l’ensemble des domaines disciplinaires,
pendant le cours d’EPS, de géographie ou tout autre. Dit plus trivialement,
« on fait du français partout ». Certes, mais cela permet-il la maîtrise des
subtilités de la langue ?
Cela était au moins en parfaite cohérence avec les programmes de 2002,
qui réduisaient d’une part le volume d’heures de français et d’autre part
préféraient à l’acquisition méthodique « l’observation réfléchie de la langue
française [qui] doit être un moment de découverte visant à développer la
curiosité des élèves et leur maîtrise du langage et non une série d’exercices
répétitifs ».
Avec quels résultats ? Le constat est unanime : de plus en plus d’élèves
arrivent au collège sans maîtriser correctement la langue. C’est si vrai
d’ailleurs que les enseignants du secondaire, quelle que soit leur discipline,
sont incités à poursuivre l’apprentissage du français… avec les mêmes
méthodes qui en primaire ont échoué.
L’instituteur faisait du français pendant les leçons de maths, le
professeur de physique fera de même tout en expliquant les lois de la
gravité. Avec une différence essentielle, le premier est qualifié pour
enseigner le français. Qu’à cela ne tienne, un stage de formation permettra
de résoudre les problèmes, comme celui intitulé « Maîtrise de la langue et
SVT », dont le résumé est accessible sur le site de l’académie de Bordeaux.
Grâce à trois jours de stage, des enseignants de formation scientifique
pourront « prendre conscience de l’existence d’outils d’évaluation et
d’analyse » pour pallier les déficits des élèves en ce qui concerne la maîtrise
de la langue. Sollicités avant le début du stage pour faire connaître leurs
attentes, les enseignants indiquaient par exemple : « Apprendre aux élèves à
se passer du prof pour décomposer la tâche complexe qu’est la production
d’un texte explicatif ou argumentatif [lycée] », « Les élèves lisent sans
comprendre, que faire ? », « Que peut-on mettre en place pour les élèves
souffrant de dyslexie ? »… La question « Quels outils facilement
accessibles et utilisables pour remédier aux difficultés d’expression des
élèves ? » révèle combien les enseignants eux-mêmes peuvent croire à
l’existence de recettes miracles (appelées aussi « méthodologie »). Un autre
demandait : « Comment leur apporter du vocabulaire ? », comme si chaque
enseignant, quelle que soit sa discipline, ne le faisait pas dans chacun de ses
cours, jour après jour, tout simplement en s’adressant à ses élèves et en
abordant des notions nouvelles.
Ce type de stage en dit long sur le désarroi qui règne dans la profession
mais ne résoudra pas le problème pour autant. Des difficultés d’expression
se règlent par un travail sur l’année, avec un professeur de français, lui seul
connaissant suffisamment la structure de la langue pour être capable de
l’expliquer. L’« utilisation d’outils » ne remplace pas une qualification, elle
risque en revanche d’amener au bricolage.
L’orthographe, c’est dépassé

Avec les correcteurs automatiques, inutile de connaître les


règles d’orthographe. D’ailleurs, autant supprimer la dictée.
FAUX

Il n’est pas question ici de trancher sur l’utilité d’une réforme de


l’orthographe mais plus modestement d’abord de témoigner du constat
régulier de copies, y compris celles du bac, à l’orthographe désastreuse,
avec par exemple un « -ent » pour le pluriel des adjectifs et un « -s » pour
celui des verbes. Lorsque, intrigué, on demande à l’élève s’il a conscience
de ses fautes, il arrive qu’il réponde par l’affirmative en montrant d’ailleurs
qu’il connaît les règles. En d’autres termes, il fait tant de fautes parce que
l’orthographe, il s’en fiche. Il y a bien sûr l’autre cas de figure, plus
fréquent, celui des élèves dont les lacunes en orthographe rendent
impossible la lecture de textes complexes. De plus, l’orthographe
aujourd’hui reste un marqueur social et l’incapacité à corriger ses erreurs
handicape lourdement, en particulier dans la recherche d’un emploi.
Pourquoi le problème de l’orthographe a-t-il pris ces proportions ? La
lecture moins fréquente, dès le plus jeune âge, a sans doute sa part de
responsabilité, le « langage texto » aussi, mais n’est-ce pas néanmoins la
faute de l’école ? Sur ce sujet comme d’autres, il a fallu placer l’élève « au
centre », de l’orthographe cette fois, mais avec le résultat que l’on sait. La
même rhétorique est à l’œuvre, comme lorsque sur le site d’émissions
pédagogiques, Curiosphère.tv, on peut lire : « La plupart des enseignants
estiment donc indispensable de passer d’un enseignement “passif” de
l’orthographe, reposant sur la mémorisation des règles et sur la dictée, à un
enseignement “actif” qui saisit toutes les occasions de réfléchir sur les
difficultés rencontrées, considérées plus comme des erreurs que comme des
fautes à sanctionner. » Discours habituel avec ses phrases toutes faites, ses
assertions jamais démontrées et ses oppositions caricaturales : actif/passif,
mémorisation/réflexion, auquel on souscrit forcément puisque « la plupart
des enseignants » y adhèrent. Alors, ce n’est même pas la peine de discuter
ni même de s’interroger (on se demande bien d’ailleurs quel sondage a
permis d’obtenir ce résultat). Si les élèves ont une orthographe désastreuse,
c’est aussi parce qu’on ne leur a pas suffisamment fait ressentir
l’importance d’une graphie correcte. Les dictées, sans avoir forcément
disparu, se sont transformées et ne ressemblent plus à grand-chose, surtout
pas à un exercice exigeant.
Il faut dire qu’avec l’apprentissage de l’orthographe l’imagination est
au pouvoir et les fiches pédagogiques sur les sites académiques (donc
reconnues par l’institution scolaire) ne manquent pas. Sur celui de
l’académie de Poitiers, l’une d’elles, intitulée « Dictées sans fautes »
(encore heureux !), donne un florilège de ces dictées « new look », chacune
accompagnée de sa compétence : « Dictées frigo : acquérir l’aptitude à
l’autocorrection », « Dictée panneaux : mémoriser à très court terme
l’orthographe d’un ou plusieurs mots », « Dictée caviardée : prendre
conscience de ses connaissances et de ses limites en orthographe », « Dictée
à l’aide ! : être capable de pratiquer le brouillon mental », ou encore « La
minute de dictée : être capable de mémoriser durablement une phrase
contenant une difficulté orthographique majeure ». Plus grave, la plupart de
ces fiches recommandent d’écrire au tableau les phrases contenant des
erreurs, une façon comme une autre de mieux les mémoriser.
La méthode globale est définitivement
enterrée

Rien à craindre pour les enfants qui apprennent à lire, plus


personne n’utilise la méthode globale. FAUX

Ovide Decroly, en inventant au début du XXe siècle sa méthode de


lecture globale, n’imaginait sans doute pas qu’il serait à l’origine d’une
polémique perdurant jusqu’au siècle suivant… sans compter qu’elle n’est
pas terminée. Elle devrait l’être pourtant puisque la circulaire de Robien
de 2006 interdit l’utilisation de cette méthode. Dès 2002, les programmes
semblaient déjà la pousser sous le tapis, mais sans jamais le dire
ouvertement, et surtout sans la nommer : « On sait aujourd’hui que le
lecteur ne s’appuie pas sur la silhouette du mot pour l’identifier, mais sur la
perception très rapide des lettres qui le composent. » Manifestement cela
n’a pas suffi, la méthode étant toujours appliquée, soit ouvertement par les
uns qui revendiquent haut et fort son utilisation, soit sous le pupitre par les
autres qui parlent de méthode « naturelle » ou encore de « semi-globale ».
D’ailleurs, les programmes précisaient : « Il appartient aux enseignants de
choisir la voie qui conduit le plus efficacement tous les élèves […]. »
Pourquoi une telle controverse à propos d’une méthode de lecture ? La
« globale » consiste à faire reconnaître à l’enfant l’image (la silhouette) de
mots ou de phrases entières qui lui permettront dans un second temps de
comprendre comment les lettres sont combinées puis de déchiffrer la
correspondance avec les sons. La « syllabique », au contraire, apprend à
reconnaître les lettres, puis leur combinaison et le son qui leur correspond
(d’où la dénomination de « b.a.-ba »). Dyslexie, dysorthographie,
illettrisme, la méthode globale est accusée de tous les maux et cela dans
tous les pays où elle a été utilisée. On ne compte plus le nombre d’ouvrages
écrits pour dénoncer ses méfaits, par des enseignants bien sûr, mais aussi
des orthophonistes, des linguistes voire des neuropsychiatres, sans parler
des parents qui se ruent sur les livres d’apprentissage de la lecture par la
syllabique (80 000 exemplaires de la Méthode Boscher vendus chaque
année).
Il ne nous appartient pas ici de trancher, d’ailleurs les études semblent
montrer qu’il est surtout important de commencer par la syllabique, quitte à
passer ensuite à la globale, mais de comprendre pourquoi, malgré des effets
négatifs dénoncés par des professionnels d’horizons divers, cette méthode a
perduré si longtemps. Inventée par Decroly, transformée en méthode
« naturelle » par Célestin Freinet, puis en méthode « idéovisuelle » dans les
années 1980 par Jean Foucambert, inspecteur et farouche partisan du
constructivisme, la « globale » s’inscrit avant tout dans le courant
pédagogiste de l’Éducation nouvelle. Censée donner du sens à la lecture en
permettant de reconnaître les mots sans avoir besoin d’ânonner, elle se veut
d’emblée motivante, en partant des centres d’intérêt de l’élève, lequel
reconnaît son prénom, le sens d’une phrase qui l’interpelle alors, autant de
situations suscitant une émotion et favorisant la mémorisation. Comme les
autres méthodes constructivistes, elle part du complexe pour aboutir au
simple. Ce qui est en jeu dépasse largement la méthode d’apprentissage :
reconnaître l’échec d’une méthode centrée sur l’élève, c’est ébranler
l’édifice, remettre en cause le dogme qui prévaut depuis plusieurs
décennies, propagé dans les IUFM et par les inspecteurs. L’enjeu est de
taille.
Commencer une langue au primaire facilite
son apprentissage

Les Français sont mauvais en langues, un apprentissage plus


précoce élèverait leur niveau. FAUX

En 1989 était lancée une expérimentation consistant à initier les élèves


du primaire (10 % des élèves de CM) à une langue vivante, la mesure
devant être généralisée progressivement par la suite. Avec la mondialisation
et le développement des échanges, avançaient les partisans de la méthode,
la maîtrise d’une langue est très importante, aussi mieux vaut-il commencer
son apprentissage le plus tôt possible, à l’exemple des pays nordiques.
Il faut dire que plus d’un groupe de pression pousse dans cette
direction. La Commission européenne, pour la mettre en avant, avait
d’ailleurs lancé en 1997 le programme « Evlang » (Éveil aux langues dans
l’enseignement primaire). Les parents aussi étaient demandeurs, avec la
conviction que la maîtrise d’une langue étrangère deviendrait un atout pour
accéder à l’emploi, les politiques enfin qui tenaient là une belle innovation,
toujours utile pour masquer un bilan éducatif pas forcément glorieux.
Mais d’emblée se posa le problème des modalités de cet enseignement,
avec une question : par qui ? Par les instituteurs, ne maîtrisant pas
forcément une langue étrangère, par des professeurs du secondaire ne
connaissant pas ce public, par des locuteurs natifs pas formés pour
enseigner… ou par des cassettes audio, comme le suggéra François Bayrou,
en s’attirant un flot de protestations ? Finalement, tous y participèrent.
Une étude menée par Sophie Genelot (Irédu), tentant d’évaluer les
effets de cet apprentissage, a mis en évidence plusieurs points. Tout
d’abord, celui-ci profite aux bons élèves et à ceux socialement favorisés.
Par ailleurs, dit-elle, « les analyses montrent que plus l’initiation à l’anglais
a été longue, meilleur est le niveau obtenu », une conclusion qui donne à
réfléchir quant aux allégements des programmes, censés être sans
conséquence sur le niveau. Mais le point le plus important est sans doute
que cette initiation laisse « des traces pour le moins minimes dans les
acquisitions des élèves ». Plus grave encore, « la recherche a montré, en
effet, que l’introduction de l’enseignement de l’anglais à l’école primaire
est significativement liée à une moindre réussite des élèves en français à la
fin de ce cursus », ce que l’auteur explique par un transfert d’heures.
Même enthousiasme mitigé au cours d’une conférence donnée par
Michel Candelier, professeur à l’université du Maine (Centre international
d’études françaises), retranscrite sur le site ministériel Eduscol. Il reconnaît
l’échec relatif de cet enseignement en citant un rapport, cette fois mené à
l’échelle européenne, « Les langues étrangères dès l’école primaire ou
maternelle : quels résultats, à quelles conditions ? » (Blondin et al., 1998).
On y lit : « Un des traits dominants de ces réponses semble être le caractère
passager de l’avantage dont bénéficient les initiés par rapport aux non-
initiés, un autre trait étant que ces avantages ont tendance à apparaître plus
chez les “bons élèves” que chez leurs condisciples aux résultats scolaires
généraux moins brillants. » L’article poursuit : « Parmi les facteurs qui
influent sur les résultats, on notera d’abord ceux qui se rapportent aux
maîtres : un lien clair peut être établi entre le niveau de compétence du
professeur dans la langue cible et les compétences acquises par ses élèves »,
car cet enseignement achoppe justement sur la non-maîtrise d’une langue
étrangère pour bon nombre d’instituteurs. Il ne suffit pas de posséder des
rudiments de langue, même pour en enseigner des rudiments. Quant à une
simple initiation, elle peut avoir un intérêt sur une courte période, à titre de
démonstration, mais elle perd son sens sur deux années. L’élève, qui voit
bien qu’il ne « parle pas anglais » (contrairement à ce qu’on lui avait fait
miroiter), se lasse et décroche.
Alors, comment expliquer que la méthode marche dans les pays
nordiques ? Tout d’abord, dans un pays dont la langue nationale n’est parlée
nulle part ailleurs, connaître une ou plusieurs langues étrangères est
essentiel. Ensuite, les cours de langue débutent tôt (souvent à 7 ans) et il
s’agit d’un enseignement structuré, non d’une initiation. Enfin, bon nombre
de programmes télévisés et films sont diffusés en anglais, là encore en
raison du petit nombre de productions culturelles nationales.
Inutile de s’encombrer de la chronologie en
histoire

La chronologie n’a plus d’intérêt en cours d’histoire, un


enseignement par thèmes est plus pédagogique. FAUX

Les nouveaux programmes d’histoire associés à la réforme du lycée


de 2009 ont déclenché une fronde, en partie éclipsée par le problème de la
disparition de cette discipline en terminale scientifique. Pourtant, d’après
bon nombre de professeurs, ces programmes portent le coup de grâce à une
discipline déjà malmenée (elle n’est pas la seule, mais cela ne les consolera
pas), la transformant en un ersatz d’enseignement de sciences politiques au
rabais ou d’ECJS. Sans surprise, les critiques sont de même nature que pour
les autres disciplines : programmes toujours plus vastes et nombre d’heures
allégé, avec pour conséquence un enseignement superficiel, tout en donnant
le sentiment de programmes surchargés… préambule aux suppressions à
venir.
Dans leur ouvrage L’Enseignement de l’histoire-géographie de l’école
élémentaire au lycée : vecteur de propagande ou fondement de l’esprit
critique ? (Odile Dauphin, Rémy Janneau et Nicole Perron), les auteurs
pointent les dérives de ces nouveaux programmes. Premier reproche, la
disparition de la chronologie au profit d’un enseignement thématique dont
les auteurs font ressortir les conséquences : l’impossibilité de montrer
l’enchaînement des faits, d’en déduire des causes et des conséquences, par
exemple la crise de 1929 suivie de la dépression des années 1930, l’arrivée
de Hitler au pouvoir et le nazisme, puis la marche à la guerre et la Seconde
Guerre mondiale. Aux faits, le programme préfère les concepts, par
exemple « Les totalitarismes ». Si cette approche peut se justifier dans le
supérieur, une entrée par le concept ne permet pas une étude rigoureuse des
faits, expliquent les auteurs. Avec tous les risques de manipulations ou de
présentation tronquée. Ainsi, étudier dans un même bloc la fin des
totalitarismes amène à traiter la dénazification de l’Allemagne et le procès
de Nuremberg, et en parallèle la sortie progressive du totalitarisme en
URSS, de Khrouchtchev à Gorbatchev. Sans être un spécialiste, on peut
effectivement se rendre compte du peu de cohérence de l’ensemble.
Finalement, en dépossédant les élèves de faits solidement établis, on les
prive, faute de point de départ, du cheminement intellectuel qui consiste à
tenter de relier les événements, à s’interroger sur les causes et les
conséquences, et finalement à analyser une situation en faisant preuve
d’esprit critique. Au contraire, ces thèmes fournissent un « prêt-à-penser »
dans lequel, sous prétexte de « donner du sens », formule maintes fois
rabâchée, on mélange des situations qui, derrière leurs points communs,
présentent des différences notables risquant d’échapper à l’élève. On
retrouve en histoire comme ailleurs la prétention d’un type d’enseignement
partant du complexe pour aller vers le simple. Autre travers constaté
ailleurs, sous prétexte de lutter contre l’inflation des programmes :
l’enseignement par flashs ou par spots, celui de notions disparates, sans lien
entre elles. Pourquoi priver les élèves des classes de première des méthodes
désastreuses qu’ils subissent depuis le primaire ?
Quoi qu’il en soit, remplacer l’enseignement des faits par des
thématiques sans réel contenu rend l’élève incapable de se faire un
jugement, un problème de taille lorsqu’il s’agit d’une discipline comme
l’histoire.
L’instruction civique a retrouvé sa place au
lycée

L’ECJS, c’est la forme moderne de l’instruction civique. Une


occasion pour les élèves de comprendre le fonctionnement des
institutions et de devenir citoyens. FAUX

Au lycée, l’ECJS (éducation civique juridique et sociale) fait office


d’instruction civique mais, si elle en a la couleur et le goût… ce n’est
qu’une pâle imitation, voire une version frelatée. Introduite en 1999, cette
non-matière a des objectifs ambitieux, faire « s’épanouir à terme un citoyen
adulte, libre, autonome, exerçant sa raison critique dans une cité à laquelle
il participe activement », comme l’annonce sur un ton enthousiaste le
Bulletin officiel du ministère de l’Éducation nationale du 31 août 2000. Les
enseignants d’histoire et de sciences économiques et sociales s’en chargent
prioritairement, mais dans toutes les disciplines, y compris scientifiques, on
y participe.
L’activité phare de l’ECJS est le débat, dont les instructions précisent
qu’il doit faire « apparaître l’exigence et donc la pratique de
l’argumentation » sans se poser trop la question du comment… surtout sans
connaissances. Certes, il est bien spécifié que ces débats sont préparés à
partir des dossiers élaborés au préalable par les élèves, mais on imagine
facilement quelle peut être le plus souvent leur implication pour une matière
sans programme.
Tous les thèmes sont abordés, y compris ceux avec dérapages
incontrôlés garantis. Ainsi, on est surpris de lire parmi les sujets de débats
proposés par les auteurs d’un livre sur la question, Enseigner l’ECJS au
lycée, celui intitulé « L’usage des drogues est-il une menace pour la
société ? ». On attend bien sûr des arguments contradictoires (ou alors tout
le monde dit la même chose) et qu’ici notamment soit défendue l’idée de
l’innocuité des drogues, en particulier celles que l’on a qualifiées de
« douces ». Les effets peuvent être redoutables avec des élèves
influençables ou fragiles, encore immatures comme dans une classe de
seconde. Si l’ECJS a l’ambition de rendre les élèves responsables, les
propagandistes de ce type de sujet le sont-ils quant à eux ?
Plus étonnant encore, les élèves peuvent être notés pour leur
participation au débat et cela de différentes façons. Le site de l’IUFM
d’Aix-Marseille suggère d’« inviter chaque participant à une
autoévaluation », donnant quelques pistes, comme se demander : « Ai-je
bien débattu ? », ou « Ce qui a changé pour chacun à la suite du débat »,
sans oublier de noter sa « prise de risque ». Quant à celui de l’académie de
Toulouse, on y trouve parmi les critères proposés rien de moins que
« Maîtriser la gestuelle », « Éviter l’invective », « S’appuyer sur le vécu
personnel (employer le “je”…) ». Ne plus rien apprendre mais tout évaluer,
est-ce le nouveau credo de ces non-disciplines ?
On oublie de se demander si les élèves ont envie de ces débats non-
stop. Quand s’exprimer devient une obligation, il ne s’agit plus d’une
liberté. D’ailleurs, très vite, la coupe est pleine et l’ennui s’installe, parfois
le chahut, voire le pugilat, plus encore lorsqu’il s’agit de sujets sensibles.
Beaucoup de professeurs ont aujourd’hui transformé cette ECJS en
prolongement du cours d’histoire-géographie – avec préparation et copies
supplémentaires –, une façon de compenser les heures perdues.
Le fait religieux doit être enseigné à l’école

L’enseignement du fait religieux a sa place à l’école pour


garantir une culture commune. FAUX

En 2002, à la demande du ministre de l’Éducation, Jack Lang, Régis


Debray publiait un rapport intitulé « L’enseignement du fait religieux dans
l’école laïque », dans lequel il recommandait la mise en place d’un tel
enseignement à l’école. Il justifiait cette proposition en expliquant qu’en
matière de religion la transmission rationnelle et publiquement contrôlée
des connaissances évitait de laisser le champ libre aux obscurantismes et
intégrismes de toutes sortes. Pour lui, l’important était de distinguer la
connaissance d’une réalité (les faits liés à la religion) et la promotion d’une
norme, ce qui pouvait être établi seulement dans le cadre d’un
enseignement. Parallèlement, la transmission des faits religieux, disait-il,
garantissait la sauvegarde des humanités. En effet, comment comprendre la
signification d’un tableau représentant une madone ou un texte évoquant la
tour de Babel sans cet enseignement ?
La religion a déjà sa place dans les programmes, en particulier ceux
d’histoire. En sixième, par exemple, on y traite des « débuts du judaïsme et
du christianisme », des « empires chrétiens du Haut Moyen-Âge (empire
byzantin et religion orthodoxe) », en cinquième des « débuts de l’islam »,
de « la place de l’Église dans l’Occident féodal » et encore des « débuts de
la religion protestante ». On peut néanmoins se demander si l’enseignement
du fait religieux pour lui-même, hors du contexte historique ou littéraire,
apporte des connaissances ou s’il délivre plutôt un message. Répondre à
cette question suppose de revenir aux origines de cet enseignement, en
réalité répandu en Europe et dont le Conseil de l’Europe lui-même fait la
promotion. Dès 1998, il adoptait une recommandation intitulée « Religion
et démocratie », puis en 2005 la recommandation no 1720, « pour
encourager l’enseignement du fait religieux, pour promouvoir le dialogue
avec et entre les religions, et pour favoriser l’expression culturelle et sociale
des religions » (article 6). Plus récemment, en février 2010, une quarantaine
de députés ont déposé une proposition de loi visant à « renforcer les cours
d’instruction civique et à instituer un enseignement du fait religieux », un
curieux mélange, mais moins tout de même que dans l’exposé des motifs,
qui commence par : « La présente loi vise à renforcer l’apprentissage à
l’école et dans l’enseignement supérieur d’un socle de valeurs
communes » ; et un peu plus loin : « Notre société ne doit pas se résigner à
voir ses enfants régler leurs différends à coups de couteaux. » On est bien
loin de l’objectif de l’enseignement d’une culture humaniste !
En dehors des questions de principe, cet enseignement provoquerait
inévitablement des tensions, soit parce que, selon les points de vue, trop de
place serait accordée à une religion au détriment d’une autre, soit parce que
le propos de l’enseignant ne correspondrait pas à ce qu’a appris l’élève au
cours de son éducation religieuse. D’ailleurs, si valeurs communes il doit y
avoir, ce sont seulement les valeurs civiques et universelles, qui peuvent
l’être parce qu’elles sont les seules acceptables par tous.
Et si dans l’ensemble les milieux religieux ont soutenu cette
proposition, plus d’une voix s’est élevée pour dénoncer cet enseignement
froid et objectif (si tant est qu’il le soit !), à l’exemple de Paul Valadier,
jésuite et philosophe, qui écrivait en 2004 dans Le Monde des religions :
« Par rapport aux religions, plus qu’en tout autre domaine, personne ne se
situe dans un hypothétique point de vue neutre. Chacun a déjà rencontré la
religion, ne serait-ce que dans sa tradition culturelle, et soit qu’il en accepte
les croyances, soit qu’il les repousse, soit qu’il ait à leur endroit un rapport
serein ou entretienne une relation conflictuelle, il n’a pas le point de vue de
Sirius. »
À l’école, il faut enseigner la théorie du
genre

L’école doit être en prise avec l’actualité, par exemple en


enseignant la théorie du genre. FAUX

La théorie du genre, voilà le nouvel axiome qu’il incomberait


d’enseigner en cours de SVT, dans les classes de 1re L et ES. Cette théorie,
qui s’est développée aux États-Unis dans les années 1990, prétend que le
genre, masculin ou féminin, est une construction sociale et culturelle, au
service d’ailleurs de la domination masculine. Autrement dit, le biologique
n’est pas le seul ou du moins le principal déterminisme qui fait d’un
individu un homme, une femme… ou autre puisque justement le biologique
ne fait pas tout. Selon sa conceptrice, Judith Butler, la théorie du genre en
appelle à opposer nature et culture au point que chaque individu crée son
identité sexuelle au-delà de son sexe, masculin ou féminin.
On voit bien ici que cette théorie, sociologique ou anthropologique,
n’entre pas dans le champ de la biologie, mais, si elle ne figure pas dans les
programmes de SVT en tant que telle, elle y est suggérée et apparaît
néanmoins dans les manuels scolaires. Ainsi, on peut lire dans le Hachette
que « le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle, mais ce n’est pas
pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin »,
et chez Bordas que « l’identité sexuelle est le fait de se sentir totalement
homme ou femme. Cette identité dépend, d’une part, du genre conféré à la
naissance, d’autre part, du conditionnement social », et d’autres phrases du
même acabit chez les autres éditeurs.
On ne peut qu’être frappé du caractère péremptoire de ces propos,
nullement expliqués, que l’élève est sommé de prendre pour argent
comptant. Rien d’étonnant à cela, et pour deux raisons. D’une part parce
qu’un enseignant de SVT ne connaît rien ou presque à cette théorie du
genre, qu’on lui demande pourtant d’expliciter. Alors, il ira chercher une ou
deux phrases sur le sujet, ressassé en boucle dans les médias, ce qui est bien
sûr insuffisant pour une discussion argumentée. D’autre part, par sa
dimension philosophique ou sociologique, on voit mal comment ce sujet
pourrait entrer dans un manuel de SVT, coincé entre un schéma de
l’appareil reproducteur et un graphique sur l’évolution des taux d’hormones
sexuelles. Au-delà du caractère avéré ou non de cette théorie, il ne reste
plus aux ensei académiques sur la santé (en sciences de la vie et de la Terre,
en éducation physique et sportive), il lui faut développer chez les élèves des
compétences, des capacités, des attitudes susceptibles de préserver la santé
dans le respect de soi, des autres et de l’environnement. » On se demande
bien ce que peut signifier « préserver sa santé dans le respect de
l’environnement », mais, plus important, si les informations n’ont plus de
caractères scientifiques, quelle est alors leur légitimité et de quel droit les
enseigne-t-on ? Une démarche utilitariste, dangereuse pour le libre arbitre
de chacun, s’empare de l’école, et, tout aussi grave, trompe les élèves et
leurs parents en leur faisant croire que l’on se préoccupe d’eux alors qu’on
les laisse dans l’ignorance.
L’école doit s’ouvrir sur la vie

On ne peut pas obliger un élève à rester assis pendant sept


heures alors que dehors ont lieu plein de choses
passionnantes : il faut ouvrir l’école sur la vie. FAUX

Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik déclarait au cours d’une interview


donnée le 10 septembre 2010 sur le site en ligne Vousnousils : « L’école ne
doit pas se replier sur elle-même. » Autrement dit il faut, selon la fameuse
formule, « ouvrir l’école sur la vie ».
Cette conception, portée par le mouvement de l’Éducation nouvelle de
Célestin Freinet, John Dewey et d’autres encore, privilégie ce qu’ils pensent
être l’épanouissement de l’enfant, sa place dans son environnement et ses
relations sociales, ce qui incite naturellement à le sortir de l’école,
physiquement, mais aussi par des activités considérées comme ouvertes sur
la vie (les élèves de Freinet, par exemple, imprimaient en classe un journal
grâce auquel ils correspondaient avec d’autres écoles).
S’inquiéter du repli de l’école sur elle-même revient à penser qu’elle se
considère comme une fin en soi, que « l’école enseigne l’école », une
production de son cru. Or, les disciplines scolaires, l’étude du français, des
mathématiques et des sciences, de l’histoire, de la géographie et d’autres
encore, sont constituées par des savoirs construits en dehors de l’école,
celle-ci se contentant d’en « prendre » le meilleur et de le rendre accessible
aux élèves. Balzac et La Comédie humaine, Pasteur et la vaccination, le
Mont-Blanc et ses glaciers, la façon dont vivaient les hommes au Moyen-
Âge, n’est-ce pas l’école ouverte sur la vie ? Qu’il s’agisse d’œuvres de
l’esprit, de découvertes scientifiques, de l’environnement proche ou
lointain, de l’histoire des hommes, rien de tout cela n’existe ou ne s’est
déroulé entre les murs d’une école. Ce n’est que l’irruption du monde
extérieur, mis à portée des élèves.
Alors de quoi s’agit-il lorsqu’il est recommandé d’ouvrir l’école sur la
vie ? Il n’est pas ici question de visite d’un musée en lien avec le cours de
français, de découverte d’un château en lien avec celui d’histoire ou d’une
sortie en forêt en SVT, qui complètent le cours, mais de replacer l’élève
dans son environnement, le quartier, la cité, le centre commercial, avec
l’intention qu’il apprenne. Mais quoi ? Il ne s’agit pas seulement
d’apprendre autrement, mais surtout autre chose. La découverte de la rue ou
de la grande surface, immédiatement accessible, ne requiert ni l’intelligence
de quelques grands savants ni la médiation du professeur. La connaissance
qui se limite au vécu perd alors son caractère fondamental et ne débouche
sur rien d’autre. Il s’agit en fait d’une désintellectualisation de l’école, une
stratégie qui prive les élèves du savoir qu’elle seule peut leur offrir, du
moins pour ceux qui ne viennent pas d’une famille privilégiée.
Avec « La main à la pâte », les sciences sont
plus faciles

Grâce à « La main à la pâte », les enfants comprennent mieux


les sciences. FAUX

Le programme « La main à la pâte » a eu son heure de gloire dans les


écoles. Comment aurait-il pu en être autrement avec les nombreux articles
de presse qui lui ont été consacrés ? Ainsi, en 1996 déjà, le magazine
L’Express envoyait un de ses reporters enquêter dans une école des
quartiers déshérités de Chicago, là où le programme était né pour tenter de
remotiver des élèves décrocheurs. Dans l’édition du 22 février 1996, le
journaliste rapportait : « Des gamins de CM2 se congratulent joyeusement à
la fin d’un cours d’algèbre ; d’autres débattent d’un problème de géométrie
dans la cour de récréation, comme s’ils discutaient d’une série télévisée
[…]. Des cancres invétérés se passionnent maintenant pour la classe !
s’exclame Gladys Jones, la directrice. Certains d’entre eux me réclament
même des cours supplémentaires. Ce n’est plus une innovation
pédagogique, c’est un miracle ! » On n’en attendait pas tant ! C’est bien le
problème avec les « innovations » pédagogiques, l’enthousiasme est de
rigueur.
La méthode de « La main à la pâte » consiste à démarrer par les
questions des élèves, relatives à leur environnement (ce qui limite
évidemment le domaine d’étude) : pourquoi, par exemple, les flaques ont-
elles disparu de la cour de l’école ? Viennent alors les hypothèses puis des
expériences pour tenter de les confirmer ou non et finalement de répondre
au problème posé. En somme, un exemple de démarche scientifique
impulsée par la curiosité, qui devrait à la fois donner le goût des sciences,
faire acquérir des connaissances (différents états de l’eau, conditions
permettant le passage de l’un à l’autre) et former l’esprit à la rigueur. Rien à
redire sauf que la méthode, souvent présentée en opposition aux savoirs
académiques, mise tout sur les expériences réalisées par l’élève, en dehors
desquelles il n’y a point de salut. Pourtant, les sciences n’ont jamais été
pratiquées pour manipuler ou expérimenter, mais bien pour produire des
connaissances. Or avec « La main à la pâte », celles-ci sont souvent
considérées comme secondaires, jugées trop arides surtout lorsqu’elles
obligent l’enseignant à dire « stop, maintenant c’est à moi de vous
expliquer ». Presque un crime ! Remarquons au passage que jamais aucune
étude n’a montré la supériorité du « faire avec les mains » et, si ce type de
méthodes suscitait réellement les réactions décrites par l’article, qui date
déjà de 1996, cela se saurait et les sciences ne s’enseigneraient plus
autrement.
À décréter que l’élève n’assimile que ce qu’il découvre par lui-même,
que tout doit passer par les mains et que l’enseignant parle une langue
morte, on risque de tomber dans le superficiel, une forme d’enseignement
paillettes dans lequel la forme prime sur le fond. Tout n’est pas à jeter dans
« La main à la pâte », mais si l’école veut raccrocher les plus faibles au
reste du train, l’enseignant doit leur apporter, à eux encore plus qu’aux
autres, son expérience et ses connaissances. Quant à l’élève, il doit passer
par une phase où, après les joies de la découverte, vient le temps de
l’assimilation, qui forcément demande un effort.
Les TPE préparent aux études supérieures

En travaillant sur leur TPE, les élèves s’initient au travail de


recherche. Un avantage certain pour leurs études ultérieures.
FAUX

Lancés en 1999, les TPE (travaux personnels encadrés) se présentaient


comme une innovation majeure. Il s’agissait pour les élèves de travailler en
équipe afin d’élaborer un mémoire transdisciplinaire, soutenu par la suite
devant un jury. Un travail a priori peu critiquable ! L’exercice, qui demande
à la fois autonomie, méthode, réflexion et recherches, mobilise toutes les
qualités requises pendant les études supérieures. C’est donc l’occasion de
les consolider, sinon les acquérir, mais aussi de sortir du « cadre étroit » de
la discipline. Chacun sait que les chercheurs eux-mêmes s’en affranchissent
régulièrement et que la connaissance progresse du fait d’interactions entre
domaines de recherche différents. Autre avantage, ces travaux personnels se
mènent au lycée, sous la direction attentive des professeurs, censés aiguiller
les élèves en suivant régulièrement leurs interrogations et leurs hésitations,
toutes consignées sur un « carnet de bord ». C’est une façon, annoncent
fièrement les directives officielles, de modifier les rapports entre élèves et
enseignants, forcément plus libres et plus confiants. Au passage, cette
nouvelle activité consolidera les liens au sein des équipes éducatives.
Pourtant, ce qui se voulait une bonne idée a vite été rattrapé par la
réalité. Le premier inconvénient des TPE, c’est leur instauration au
détriment d’heures disciplinaires, principalement en langues. Défaut
mineur, objecteront certains, si le jeu en vaut la chandelle.
Malheureusement, les TPE atteignent rarement leur objectif. Certes, des
élèves s’y consacrent avec sérieux, s’attellent aux recherches et élaborent
une synthèse, avec toutes les difficultés inhérentes à ce type de travail.
Ceux-là en auront profité, mais combien d’autres perdent leur temps, faute
de bases suffisantes pour se lancer dans un tel travail, se noient dans des
notions qu’ils sont incapables de dominer et à plus forte raison d’utiliser
pour construire quoi que ce soit ? Leur travail au final se résumera à
quelques « copier-coller » sur Internet, mal digérés et mal assemblés. Ils n’y
sont pour rien, car c’est bien la supercherie de cette épreuve, faire croire
qu’elle s’apparente à un mémoire universitaire dont la rédaction
évidemment suppose la maîtrise des notions abordées.
Et pour aggraver leur cas, les TPE se sont orientés en quelques années
vers une pratique privilégiant la forme au fond : pièce de théâtre, site
internet ou autres innovations récréatives sont vivement appréciés lors de la
présentation. C’est aussi une façon de permettre au jury de noter, car il
arrive qu’il ne connaisse rien au sujet présenté. Peut-on d’ailleurs le lui
reprocher lorsqu’il s’agit de « Pourquoi Venise s’enfonce ? », « La
fabrication du chocolat » ou encore « Les effets du déodorant sur
l’environnement et la peau » Et la transdisciplinarité de l’épreuve accentue
d’autant le problème.
Néanmoins, les TPE, à présent institués, sont devenus indélogeables.
Les élèves ont beau les avoir baptisés « Temps perdu ensemble » (d’après
Wikipédia !), les TPE leur rapportent assez facilement des points au bac.
Que du bonus ! Seuls ceux au-dessus de 10 sont comptabilisés,
coefficient 2, autant, par exemple, que l’écrit de français. Quant aux
professeurs, certains ont vite compris que les heures de TPE étaient moins
fatigantes à assurer que des cours. Pas de copies à corriger ni de cours à
préparer. Un rôle d’animateur, pas forcément à leur avantage.
Un enseignement à la carte éviterait l’ennui
des élèves

En choisissant leurs matières, les élèves, plus motivés, auraient


de meilleurs résultats. VRAI et FAUX

L’enseignement à la carte faillit faire son entrée au lycée en 2008 avec


le projet de réforme Darcos, mais, face à la fronde lycéenne, il tomba à
l’eau. Adopté en Finlande, il autorise les élèves du lycée, supposés avoir
acquis des bases suffisantes, à choisir un certain nombre de matières, une
source de motivation certaine selon les défenseurs du système.
Dans ce pays, un lycéen doit suivre 75 cours de 27 heures durant
ses 3 années d’études. Chaque enseignement dure sept semaines,
et 45 d’entre eux (en réalité plusieurs peuvent appartenir à une même
matière) sont obligatoires et constituent un tronc commun (finlandais,
deuxième langue, mathématiques, physique, biologie, géographie, histoire,
sport), les autres, optionnels, étant soit des matières différentes (dessin,
nouvelles technologies, musique, langues étrangères), soit des
renforcements des premières. En réalité, le choix autorisé par le système à
la carte reste relatif et la motivation des élèves n’intervient qu’en partie.
Des choix sont néanmoins possibles, reste à savoir lesquels. Évidemment,
les élèves auront tendance à se diriger vers les matières qui constituent leurs
points forts, mais cela leur sera-t-il forcément plus profitable ? Autre
problème, la multitude d’options fait du système un dédale et mieux vaut
être bien informé.
On peut aussi craindre la tentation démagogique : mis en concurrence
pour « recruter » des élèves, les enseignements garderont-ils les mêmes
exigences ? Ou peut-être voudront-ils se distinguer, au bénéfice des élèves ?
La situation existe déjà en France, les élèves de terminale choisissent à la
fin de la première une spécialité de deux heures, parmi les trois matières
scientifiques, par exemple, dans la voie scientifique. L’expérience montre
clairement que, pour un certain nombre d’entre eux, la décision ne se prend
pas toujours de façon rationnelle : un professeur souhaité ou redouté, un
copain avec lequel on veut rester, une matière supposée rapporter plus de
points qu’une autre. Ces dérives ne suffisent sans doute pas à condamner un
système mais donnent à réfléchir.
Les filières, littéraires, scientifiques… disparaîtraient elles aussi, ce qui
en théorie éviterait à l’élève de s’orienter de façon irréversible. Là encore, il
faut nuancer. Si les enseignements optionnels sont suffisamment solides, on
imagine mal un élève ayant suivi en seconde et première ceux de la voix
littéraire choisir en terminale ceux à vocation scientifique. Néanmoins,
l’enseignement à la carte peut permettre d’avancer de façon personnalisée,
en consacrant plus de temps aux matières qui posent des problèmes, au prix
d’une organisation très lourde à gérer. Mais combien d’élèves feront le
choix de modules où ils réussissent moins bien et y consacreront plus de
temps ?
Avec l’enseignement à la carte, les classes en tant que telles n’existent
plus, remplacées par des groupes d’élèves qui se font et se défont d’une
heure à l’autre. Certains s’en réjouiront, d’autres s’en plaindront. Enfin, la
mesure entraînerait la disparition du bac, en tout cas sous la forme d’un
examen national, le même pour tous. En effet, avec les parcours diversifiés
des élèves, impossible d’organiser des épreuves qui regrouperaient toutes
les combinaisons d’enseignements, sauf à interroger sur ce que les élèves
ont suivi en commun, c’est-à-dire ce qu’ils n’ont pas choisi. Un comble
pour un système à la carte ! Comme en Finlande, l’examen de fin d’études
secondaires serait délivré par l’établissement. On pourra continuer à
l’appeler « bac » ou plutôt « bac maison ». Dans ce cas, difficile de croire,
avec l’hétérogénéité des établissements, qu’il permettra encore d’accéder à
l’université. Alors, un examen d’entrée sera nécessaire. Comme en
Finlande.
Les élèves ont trop d’heures de cours

En France, les élèves ont des semaines surchargées. Il faut


alléger leur emploi du temps. VRAI et FAUX (tout dépend de ce
que l’on supprime !)

Rythmes scolaires, programmes surchargés, horaires démentiels, tout


doit être réformé ! Et quand les chronobiologistes s’en mêlent, l’affirmation
ne mérite plus d’être discutée. Les élèves français sont-ils tant à plaindre ?
Selon l’enquête OCDE-Ines de 2010 sur les enseignants et les
programmes de l’année scolaire 2008-2009, le nombre annuel moyen
d’heures d’instruction obligatoires serait de 971 heures pour un élève de
collège en France, de 1 042 au lycée, tandis que la moyenne des pays de
l’OCDE serait pour des élèves d’âges équivalents respectivement
de 871 et 902 heures. Une moyenne sous laquelle se situe notamment la
Finlande, avec 777 et 856 heures, mais aussi la Hongrie, la Pologne. En
revanche d’autres pays comme l’Espagne, le Mexique et l’Italie, avec pour
cette dernière, 1 089 heures au lycée, la dépassent. Mais ces chiffres en eux-
mêmes n’ont pas de signification absolue. En effet, il est difficile de
comparer les temps scolaires français, qui correspondent à des volumes
d’heures nationaux, avec les statistiques finlandaises qui n’indiquent que le
nombre minimal d’heures obligatoires. D’ailleurs, les valeurs données pour
la France sont une moyenne qui prend en compte pour le lycée toutes les
filières, générales et professionnelles. Enfin, selon les pays, le contexte
d’autonomie est plus ou moins marqué, ce qui rend difficile une
appréhension globale des heures.
Néanmoins, le nombre d’heures en France a évolué, comme le montre
une comparaison avec celui de 1972 au collège. En sixième, un élève
bénéficiait alors de 27 h 30 de cours par semaine, il en a actuellement 24 h
30, auxquelles il faut ajouter 2 heures d’aide aux devoirs. Les élèves de
troisième, en 1972, suivent 29 heures de cours, hors option comme le grec
ou le latin (9 heures au maximum). En 2012, le volume d’heures global (28
h 30) est finalement peu différent. S’y ajoutent éventuellement 3 heures
d’enseignements facultatifs, langue régionale, étrangère ou langue
ancienne, ou encore de 3 à 6 heures de découverte professionnelle.
Au lycée aussi, les réformes successives ont allégé le volume d’heures,
mais est-ce pour autant que les emplois du temps sont moins surchargés ?
Bien au contraire ! La multiplicité des options, dont certaines obligatoires,
et l’apparition de non-matières à prétentions pluridisciplinaires – TPE
(travaux personnels encadrés), ECJS (éducation civique, juridique et
sociale) – sans contenu vraiment défini, alourdit considérablement le
contenu de l’emploi du temps hebdomadaire. Même constat pour les
enseignements d’exploration, ces gadgets pédagogiques destinés à laisser
s’épanouir la créativité et l’autonomie ou à stimuler l’intérêt des élèves, qui
atteignent rarement leur but. Élèves et enseignants partagent souvent la
même impression, celle de perdre leur temps !
La situation, finalement, est la suivante : une réduction des heures
disciplinaires au profit de pseudo-activités, avec un risque réel, celui de voir
se développer comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays, notamment
en Asie, le recours de plus en plus massif à des cours extrascolaires. Après
une journée d’école où les élèves ont participé à des débats et suivi des
animations, ils vont prendre des cours ailleurs !
Internet dispense d’apprendre

Internet offre tout, les connaissances les plus vastes et les plus
pointues. Aussi n’y a-t-il plus besoin d’apprendre. FAUX

Avec Internet, à l’école rien ne sera plus comme avant ! Le propos,


maintes fois rabâché, est pour autant en partie juste, mais il ne dispense pas
de se demander pourquoi et comment utiliser Internet, et surtout avec
quelles limites.
Pour les « webophiles » béats, l’essentiel se résume à dire qu’« Internet
va tout révolutionner », qu’apprendre ne sert plus à rien alors qu’il suffit
d’un clic pour accéder à la « plus grande bibliothèque du monde ».
D’ailleurs, la quantité de connaissances augmente si vite que, à peine
produites, elles sont déjà dépassées. Et surtout, nous disent-ils, les élèves
apprennent davantage par Internet qu’à l’école. Ne soyons pas naïfs ! La
plupart des élèves vont d’eux-mêmes sur Internet pour chatter, accéder aux
réseaux sociaux, regarder un match de foot ou un film en streaming.
L’école peut néanmoins les inciter à découvrir l’autre face d’Internet,
celle de la formidable source de connaissances disponibles, mais le risque
néanmoins est de confondre l’accès au savoir et son assimilation. Avec
Internet, le premier est instantané, la seconde demande du temps et des
efforts, un travail de tri d’abord, de synthèse ensuite et surtout ne dispense
pas d’apprendre. Or si un élève a l’habitude d’apprendre sur un livre ou un
cahier, Internet, qui favorise l’accès et la découverte, se prête moins à
apprendre, d’ailleurs plus d’un tombe dans la facilité de l’« apprendre à
apprendre ». Une expérience simple permet de se convaincre de la faiblesse
de ce type d’argument : il suffit en effet de se fixer une recherche d’une part
dans un domaine que l’on connaît, d’autre part dans un autre que l’on
maîtrise peu. Dans le second cas, on tourne très vite en rond, avec le
sentiment de s’embrouiller et de se noyer, car on tombe sans arrêt sur des
notions inconnues qui rendent impossibles la progression. Deux solutions
s’offrent alors : continuer en les ignorant et très vite ne plus rien
comprendre ou, au contraire, tenter d’appréhender chaque nouvelle notion
et perdre le fil de sa recherche. Une conclusion s’impose : pour chercher, il
faut déjà connaître.
Prenons maintenant le cas de l’étudiant en médecine : toutes les notions
nécessaires à la maîtrise de son art sont disponibles sur Internet, et une fois
devenu médecin avec des appareils mobiles de connexion, il pourra y
accéder instantanément, même en visite chez un patient. Cela peut-il
remplacer l’assimilation de ces connaissances ? Évidemment, non. On
pourrait ainsi multiplier les exemples, tel que celui du droit, qui impose la
connaissance précise de chaque article de loi pour être capable de les
utiliser tous efficacement. D’ailleurs, personne n’a jamais prétendu que le
Dalloz dispensait d’apprendre, pourquoi en serait-il autrement avec
Internet ? Certes, ces deux exemples sont pris dans le monde professionnel,
mais cela est encore plus vrai pour le collège et le lycée, là où les savoirs de
base sont transmis puis approfondis. Que pourrait connaître de l’histoire
celui qui n’a aucun repère solide faute d’avoir jamais appris les faits et les
dates ? C’est seulement lorsque ceux-ci sont bien présents à l’esprit que
l’on est capable de les analyser et d’établir des liens. Une compétence hors
de portée d’Internet.
Comme Science-Po, l’école doit renoncer à
la culture générale

La culture générale n’a plus sa place à l’école, car elle renforce


les inégalités ! FAUX

Pour son concours 2013, Sciences-Po a annoncé la suppression de sa


fameuse épreuve de culture générale, l’écrit se limitera dorénavant à celle
d’histoire, de langue et une option. La raison invoquée : diversifier le
recrutement en éliminant une épreuve jugée trop élitiste et la « moins utile »
de toutes. Sciences-Po préfère miser sur le « recrutement d’étudiants à forte
personnalité » et précise aussi qu’il sera tenu compte de l’« engagement
dans la vie associative, sportive, culturelle, politique ou syndicale ».
D’aucuns font remarquer qu’il est plus facile pour les élèves de milieu
modeste d’étudier La Boétie, Max Weber ou Hannah Arendt que
d’apprendre l’anglais à Londres ou l’espagnol à Barcelone.
Mais la question est avant tout de savoir si l’école doit suivre cet
exemple, renoncer à la culture générale, stigmatisante. D’autant plus,
comme l’annonçait en 2008 André Santini, ministre de la Fonction
publique, que l’épreuve de culture générale sera supprimée de bon nombre
de concours administratifs des catégories B et C, toujours pour les mêmes
raisons.
À vrai dire, la culture générale n’est pas une matière enseignée en tant
que telle au lycée, elle se constitue avec les connaissances acquises dans les
différentes disciplines, littéraires bien sûr, mais aussi l’histoire et même les
sciences. Peut-on en effet ignorer comment la compréhension du système
solaire par Copernic puis Galilée a modifié la place de l’homme, tout
comme la théorie de Darwin sur l’évolution ?
Cette culture générale n’est pas une fin en soi. Pas directement en prise
avec l’actualité, elle permet de développer une pensée et d’argumenter en
prenant du recul, en évitant les opinions toutes faites. La culture générale
s’enrichit tout au long de la vie, selon les goûts de chacun, aussi certains
prétendent-ils qu’il est artificiel de vouloir enseigner les classiques pendant
le secondaire. Mais justement, combien, sans avoir jamais ou trop peu
étudié un texte du XVIIe ou du XVIIIe siècle en classe, auraient
simplement l’idée une fois adulte d’aller vers ces œuvres ? Et quand bien
même ils le feraient, combien seraient armés pour en comprendre le sens ?
Quel avenir pour la culture générale à l’école ? Certes, d’après un
sondage Ipsos de 2011 réalisé pour un hors-série Marianne-L’Histoire, sa
transmission figure en bonne position parmi les rôles importants octroyés à
l’école, mais noyée dans un méli-mélo où tout semble se valoir :
l’enseignement des savoirs de base (« très important » et « plutôt
important » : 88 + 9 = 97 %), donner le goût d’apprendre (61 + 35 = 96 %),
développer une bonne culture générale (55 + 41 = 96 %), l’apprentissage de
la vie avec les autres (53 + 41 = 94 %) et préparer à la vie professionnelle
(51 + 42 = 93 %). La culture générale a-t-elle une utilité dans la vie
professionnelle ? Dans un article du magazine Causeur de février 2012,
« Homère et Balzac chez les junior-managers », la journaliste Natacha
Polony raconte son expérience de professeur de culture générale devant des
étudiants de filières marketing ou management, peu convaincus du bien-
fondé d’un tel enseignement à l’heure d’Internet, « incapables de situer
l’époque de Jeanne d’Arc ou de Picasso, de comprendre l’expression
“franchir le Rubicon”. […] Chaque société, poursuit-elle, invente ses
modèles et ses valeurs ; ne pas le comprendre c’est se condamner à prendre
pour absolu les valeurs de son temps. » Une raison parmi d’autres de ne pas
abandonner la culture générale.
L’école bride la créativité des élèves

L’école met les élèves dans un moule, les formate et leur fait
perdre leur créativité. FAUX

L’école en France serait incapable de produire un Bill Gates ou un


Steve Jobs. Mille fois entendu, le propos est une façon parmi d’autres de
prétendre que l’école bride la créativité, empêchant les futurs petits génies
de se révéler. Or ni Gate ni Jobs n’ont réussi grâce à l’école, c’est souvent le
cas des entrepreneurs de talent qu’une scolarité médiocre n’empêche pas de
percer. À vrai dire, que pourrait apporter l’école pour ce type d’activité ?
Mais sans le minimum qu’elle leur a fourni, ces deux personnages auraient
probablement échoué, en raison d’une ignorance crasse.
Mais pourquoi convoquer Bill Gates ou Steve Jobs ? Justement parce
que, selon un supplément « Éducation » du Monde, daté du
16 septembre 2009, la créativité nous permettra de nous en sortir dans la
fameuse « société de la connaissance » où la compétition sera rude.
La question est tout d’abord de savoir ce que l’on entend par
« créativité » et si elle se travaille, du moins à l’école. En tout cas, c’est une
idée aussi vieille que l’école, ou presque. En 1969, Alain Beaudot, dans son
ouvrage La Créativité à l’école, définissait cette notion comme « la
productivité en ce qui concerne les idées, l’invention, la fécondité
intellectuelle et l’imagination ». Une créativité digne d’un couteau suisse
qui permet de faire une démonstration de maths, une dissertation de
philosophie, un récit d’invention, de concevoir une expérience ou de
réaliser une production artistique, le quotidien à l’école depuis des lustres.
Si la créativité s’exprime à l’école, elle ne peut pas s’enseigner : on
imagine mal une heure de créativité dans l’emploi du temps d’une classe, en
tout cas personne n’a encore eu cette idée lumineuse, sans doute faute de
savoir comment l’occuper. Même remarque pour une rubrique
« Créativité » dans le bulletin scolaire ou dans les fameuses grilles de
compétence : selon quel critère juger qu’un élève est créatif ?
Cette difficulté est au contraire une occasion pour ses partisans de
mettre en avant l’interdisciplinaire, le transversal et autres gadgets
pédagogiques, censés favoriser la créativité par leur côté innovant. Mais
qu’en sera-t-il une fois ces méthodes devenues la norme ?
Une chose est sûre, depuis au moins vingt ans les méthodes tendant à
développer la créativité sont entrées par la grande porte à l’école : les
activités, préférées aux cours magistraux, tout comme les travaux de
recherche, seul ou en groupe, notamment les travaux personnels encadrés
(TPE), les itinéraires de découverte (IDD), l’option « Enseignement
scientifique » en première S, les projets d’action éducative, les tâches
complexes… Après les départs massifs à la retraite des années 2000, la
moitié des enseignants actuellement en activité a été formée dans les IUFM,
ardents défenseurs du développement de la créativité des élèves. Avec quel
résultat ? Des élèves, devenus plus créatifs, cela se serait remarqué, mais
comme toujours, pour les uns il n’y a eu que des demi-mesures, pour les
autres l’échec est déjà bien suffisant.
Finalement, l’idée de développer la créativité chez les élèves n’est-elle
pas une énième version du cliché opposant une tête bien faite à une tête
bien pleine ? Pour être bien faite, une tête doit être correctement remplie au
risque sinon de sonner creux. Quant à penser qu’en chaque enfant
sommeille un artiste, un petit écrivain ou scientifique en herbe ne
demandant qu’à éclore si l’école ne le bride pas, cela revient alors à
sommer l’école de s’effacer. Faut-il rappeler que nés la tête vide, nous
avons besoin des autres, de ce qu’ils nous transmettent, pour former notre
esprit et notre intelligence ? Les paléontologues le confirment, entre le
cerveau de l’homme de Cro-Magnon et le nôtre, il n’y a pas un iota de
différence, mais nous sommes plus inventifs, car nous avons accumulé une
quantité de connaissances bien supérieures à lui.
Les cours de méthodologie font progresser

Des séances de méthodologie sont le meilleur moyen pour


résoudre les difficultés des élèves et leur apprendre à travailler.
FAUX

Votre enfant a des difficultés ? Plus de souci, quelques séances de


méthodologie ou de remédiation régleront le problème. Des « trucs et
astuces » pour remettre un enfant sur la voie de la réussite, on aimerait y
croire. Néanmoins, comment ne pas douter de l’efficacité d’une recette un
peu trop miraculeuse ? Certes, la méthodologie est devenue tendance,
réclamée par les parents, rendue quasi obligatoire par les réformes,
plébiscitée par les formateurs et autres coachs en tout genre. Même les
enseignants s’y mettent, trop contents de pouvoir être enfin modernes. Pour
se faire une réputation, rien de tel que d’être bombardé spécialiste en
méthodologie, celui qui se fait fort de soigner les cas les plus graves, voire
désespérés. Quant aux élèves, il y a les addicts, gavés de méthodologie
depuis le plus jeune âge, à coups de bilan de motivation, d’évaluation
diagnostique, de remédiation par le jeu et d’apprentissage à l’autonomie,
qui ne peuvent plus rien apprendre ni comprendre sans l’aide de leur
« coach métho ». Pour les autres, si la méthodologie est le moyen de réussir
sans trop d’efforts, ils sont preneurs. Car ils imaginent que pour résoudre un
exercice de maths, rédiger un devoir de français ou de philo, il suffit
d’appliquer des recettes toutes faites. Alors autant se les procurer ! Et les
prescripteurs de méthodologie, loin de les détromper, inventent toutes sortes
de scénarios pour les assommer de séances interminables, d’un ennui
absolu, car dépourvues de contenu.
Car c’est là tout l’absurde de ce que l’on prétend être la méthodologie,
l’art de couper les cheveux en quatre à propos de rien, de rabâcher des
évidences en prétendant s’affranchir du contenu disciplinaire. Qu’apprend-
on dans ces séances ? On découvre qu’avant de commenter un texte il faut
le lire, tout comme l’énoncé d’un exercice. La bonne idée ! Mieux, on
explique comment apprendre une leçon ou prendre des notes en cours
comme un professionnel avec « repérage des éléments essentiels et de leur
articulation, titrage, commentaire, reformulation, organisation de la page et
hiérarchisation (idées, exemples, arguments…) ». Vu le temps passé à
l’élaboration de telles séances, chacune nécessitant, cela va sans dire, de
définir des compétences documentaires et informationnelles, des prérequis,
des objectifs et autres gadgets pédagogiques, on se demande si leurs
concepteurs pensent réellement qu’un élève ne prend pas de notes et
bavarde avec son voisin, par manque de compétences.
Pour autant les projets fleurissent, chaque établissement devant se
distinguer, comme ce lycée de l’académie de Poitiers qui après avoir mené
une action de soutien méthodologique conclut tristement dans un rapport :
« C’est tout un ensemble de compétences que l’on est en droit d’attendre
d’un élève de seconde mais qui ne sont pas acquises : avoir ses affaires,
savoir tenir son classeur, apprendre ses leçons. » Bilan globalement positif
tout de même ?
La méthodologie au collège comme au lycée n’est pas seulement une
fausse bonne idée, c’est une supercherie. Les problèmes de compréhension
en maths ou français se régleront plus sûrement avec des heures
supplémentaires de maths ou de français. Mais il faut savoir faire le tri, car
avant que les Diafoirus des sciences de l’éducation n’inventent ce terme de
méthodologie, il existait la méthode, c’est-à-dire une façon rationnelle de
travailler qui permet d’aller au bout de l’exercice. Contrairement à la
méthodologie, la méthode est modeste, elle ne dispense pas de travailler, ne
promet aucun miracle et se met au service de la discipline étudiée. Elle
demande aussi plus de temps à certains, car tous n’ont pas les mêmes
facilités. Les méthodes, le professeur de maths en donne lorsqu’il corrige un
exercice, tout comme celui de français lorsqu’il étudie un texte. Apprendre
à lire un graphique ou à construire un tableau, sans que cela s’inscrive dans
une démarche de compréhension autrement dit un contenu disciplinaire,
perd son sens. Finalement, sous prétexte d’aider les élèves, on leur inflige
des séances sans intérêt. Une perte de temps, et certainement pas le meilleur
moyen de leur donner envie d’apprendre !
L’accompagnement personnalisé remplace
les cours particuliers

Seules les familles aisées pouvaient offrir des cours particuliers


à leurs enfants, mais à présent l’accompagnement personnalisé
remédie à cette injustice. FAUX

Pour vendre leurs cours particuliers, les officines privées promettaient


un accompagnement personnalisé, mais l’Éducation nationale peut
dorénavant rivaliser avec les coachs en tous genres. Depuis la mise en place
de la réforme Chatel, en 2009, chaque lycéen bénéficie de deux heures
hebdomadaires d’accompagnement personnalisé. Une mesure novatrice
selon le ministère, car elle permet « un soutien aux élèves qui rencontrent
des difficultés, un approfondissement des connaissances »… On le sait, les
élèves qui ont du mal à suivre sont de plus en plus nombreux et ces deux
heures de soutien leur apporteront une aide.
Premier constat : elles sont prises sur les heures des disciplines. Peu
importe qu’un élève de première S perde quatre heures et demie en sciences
et mathématiques… il sera accompagné ! Passons cette incohérence – car
c’en est bien une, sauf à croire que l’on deviendrait meilleur en maths avec
moins d’heures de cours. Que les points mal compris soient repris en petits
groupes, qui s’en plaindrait ? Cette forme plus encadrée du travail de
l’élève, centrée sur ses faiblesses, s’oppose tout de même au fameux dogme
pédagogiste de l’acquisition de l’autonomie de l’élève et peut redonner
confiance à l’élève.
Deuxième constat : il y a tromperie en parlant de « personnalisé ». La
taille des groupes, entre 20 et 30 élèves, soit pour chacun
entre 1 et 2 minutes sur une heure, soit de 2 à 4 minutes hebdomadaires.
Divisez par deux la taille des groupes, cela accorderait de 4 à 8 minutes à
chaque élève pour un coût sans doute exorbitant. L’école fonctionne depuis
toujours par classes, avant tout pour des raisons de coût, et ce modèle
semble difficilement dépassable. Ne crachons pas dans la soupe pour autant,
on peut recevoir du soutien même en groupe… sauf si l’objectif n’est pas de
soutenir les élèves. Car l’accompagnement personnalisé réserve bien des
surprises. Tout d’abord, il est fortement suggéré de mélanger les élèves
issus de classes différentes, avec une conséquence inéluctable : se retrouver
dans un même groupe sans être au même endroit dans le programme ! Une
situation ubuesque qui empêche d’apporter un soutien efficace.
Les instructions officielles précisent que l’accompagnement consiste
aussi en « une autre approche des disciplines étudiées, une aide à
l’orientation, qui s’appuie sur le parcours de découverte des métiers et des
formations », et surtout que « ses modalités sont laissées à l’initiative des
équipes pédagogiques ». Ainsi, lorsqu’il s’agit comme recommandé de
consolider les « compétences interdisciplinaires », outre les habituelles
séances consacrées à la prise de notes, la recherche documentaire,
l’utilisation efficace du brouillon (on se demande comment un élève
normalement constitué peut supporter ces pensums, infligés régulièrement
depuis le collège et apparemment sans résultat), l’académie de Poitiers, par
exemple, propose de travailler la compétence transversale « S’adapter aux
événements pouvant être perçus comme des menaces et engendrant une
réaction physiologique ou psychologique : le stress ». Elle propose pour
cela des activités ludiques telles que « Où me situer dans un état de stress ?
Lequel de ces profils me correspond le plus ? », activités organisées autour
de tests dignes de magazines télé, l’élève devant choisir entre : « La
pression ne domine pas mon existence, j’aime les défis mais je mène une
vie équilibrée », « Je fuis les rapports de force. Je prends toujours mon
temps. Je suis détendue », « J’ai besoin d’action et d’énergie. Je cherche à
diriger ma vie et les événements qui m’entourent ». On conclut la séance
sur quelques conseils utiles : « Créer un décor reposant en évitant les bruits
excessifs, avoir un vase avec des fleurs fraîches et odorantes, ce qui
provoque la bonne humeur » ; ou encore : « Quelques techniques de
relaxation. » Quant aux séances consacrées à « connaître son
fonctionnement cognitif pour apprendre », elles aideront l’élève à
s’identifier comme « verbo/linguistique » ou « visuel/spatial ».
Tout cela est malheureusement vrai, consultable sur la Toile, et si
quelques enseignants se muent en gourous, c’est avec la bénédiction de leur
hiérarchie, si soucieuse d’éviter l’étroitesse du cadre disciplinaire. Évaluer
la personnalité et le comportement des élèves semble moins problématique
que de leur infliger des exercices de maths, comble de l’horreur, dans leur
propre classe avec leur professeur.
En attendant, la plupart des élèves, pas si dupes, boudent ces séances où
ils perdent leur temps et n’apprennent rien. Néanmoins, quelques lycées
coupables ont eu vite fait de détourner la mesure, utilisant ces heures
d’accompagnement pour rétablir les horaires disciplinaires ou les
dédoublements escamotés par la réforme (en toute illégalité) ! Un choix
dont tireront sans doute parti leurs élèves lorsqu’ils se retrouveront en
concurrence avec d’autres après le bac.
Les manuels scolaires sont trop lourds

Trop lourds, les manuels scolaires plombent les cartables. À


moins qu’ils ne soient trop légers ? VRAI et FAUX

Toute école a déjà connu à la sortie des classes le joyeux happening


avec pesée publique de cartables et homologation du record. En cause, les
manuels scolaires accusés de tous les maux, au risque d’oublier la trousse
de billes et autres babioles qui font grimper l’addition. Mais les livres sont
toujours les premiers incriminés, au point que les éditeurs ont sorti des
« versions micro », petit format et couverture souple, avec des feuilles
légères, mais pas forcément aussi pratiques à lire.
L’acrimonie contre les manuels scolaires concerne aussi leur contenu,
sans doute parce qu’ils ne répondent pas aux attentes des parents… et ne
leur permettent pas d’aider leurs enfants comme ils le souhaiteraient.
Premier point, un manuel scolaire n’est pas destiné aux parents mais conçu
pour un travail en classe, sous le contrôle de l’enseignant. N’exagérons rien
tout de même, on peut s’y plonger sans être forcément passé par la case
IUFM. Mais ce qui désarçonne plus d’un parent, c’est la profusion des
questions… et la brièveté des réponses (quand elles sont présentes). Rien
d’étonnant, le livre est un outil de travail, une source d’activités et de
questions portant sur des documents, adapté à une façon d’enseigner. Aussi
les réponses ne sont-elles pas données explicitement, au mieux
apparaissent-elles incorporées dans le cours, sous une forme synthétique, et
les trouver n’est pas évident. Dans le cas contraire, plus d’un élève, au lieu
de chercher, lirait directement la réponse. Autre grief, le cours, succinct et
même inconsistant, mais qui ne fait que suivre les programmes scolaires.
Ultime reproche : la prédominance des images par rapport au texte,
disproportionnée dans certaines matières, comme en géographie ou en SVT,
à tel point que l’on se demande ce que ces ouvrages peuvent apporter aux
élèves. Là encore, les manuels s’adaptent à l’air du temps, collant autant
que possible aux méthodes d’enseignement par activités. Les éditeurs ont
tout de même une part de responsabilité : vouloir compenser les creux du
programme par une profusion de rubriques, « Savoirs », « Méthode »,
« Vocabulaire », « L’essentiel par le texte », « L’essentiel par l’image »…
dans lesquelles l’élève est censé trouver son bonheur… ou se perdre.
Pourtant, l’expression fétiche de tous les éditeurs c’est la « clarté de la
maquette », c’est-à-dire la mise en pages, l’organisation des différentes
rubriques qui donnera à l’élève – et au professeur qui choisit le livre –
l’envie de s’y plonger.
Et le livre numérique dans tout ça ? Comme l’Arlésienne, on en parle
beaucoup, mais il n’a fait qu’une timide apparition. Une innovation qui
résoudrait pourtant le problème du poids des cartables, mais aussi celui du
conflit entre cours et activités en offrant plus de place qu’un ouvrage papier.
Et puis, le livre numérique, moins coûteux à fabriquer et surtout dispensant
de la distribution de spécimens gratuits, permettra à de nouveaux éditeurs
de se lancer sur le marché pour apporter un souffle nouveau.
L’école doit préparer à la société de la
connaissance

Le monde bouge, aussi faut-il adapter l’école aux nouveaux


enjeux. FAUX

En mars 2000, le Conseil européen, réuni à Lisbonne, se fixait un


objectif stratégique, baptisé « stratégie de Lisbonne », celui de remplacer
les emplois non qualifiés, majoritaires dans l’Union européenne, par
d’autres plus qualifiés avec un horizon, 2020, date à laquelle 40 % de la
population âgée de 30 à 34 ans posséderait un diplôme de l’enseignement
supérieur. Les pays de l’Union européenne devaient devenir l’économie de
la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Chacun
se voyait affublé d’un objectif propre, par exemple 50 % de diplômés de
l’enseignement supérieur en France, le taux le plus fort après l’Irlande
(60 %), et devant l’Allemagne (42 %), les Pays-Bas (45 %), ou l’Italie (26-
27 %). Évidemment, cette stratégie devait bouleverser le paysage
économique, avec le remplacement d’une économie fondée sur l’industrie
« traditionnelle » par une autre plus innovante (celle dans les domaines des
technologies de l’information et de la communication d’une part, des
biotechnologies d’autre part) et bien sûr par le développement massif des
sociétés de service.
L’école était la première mobilisée dans cette stratégie de Lisbonne,
pour former de futurs étudiants dont 50 % décrocheraient un diplôme
universitaire. L’autre versant de cette stratégie était de réduire le taux de
décrochage scolaire à moins de 10 % (9,5 % pour la France, idem pour
l’Allemagne, 15 % pour l’Espagne, 8 % pour la Finlande – ce qui d’ailleurs
tempère l’idée selon laquelle ce dernier pays ne laisserait aucun élève sur le
carreau !). Bilan à moitié réussi : de nombreuses industries ont fermé, car
hélas les industries innovantes n’ont pas été créées en nombre suffisant pour
compenser les emplois perdus par les premières.
Quoi qu’il en soit, cette stratégie de Lisbonne a modifié le paysage
éducatif français et européen. Il faut dire que ces transformations étaient
déjà amorcées auparavant, et si la notion d’économie de la connaissance
apparaît dans les années 1960, elle prend toute son importance dans les
années 1990-2000, en même temps que se développent les technologies de
l’information, sans lesquelles elle ne resterait qu’un concept.
Mais, cinq ans après le lancement de la stratégie de Lisbonne, face au
bilan mitigé des résultats selon les propos de la Commission européenne,
celle-ci recommande d’« investir davantage dans le capital humain par
l’amélioration de l’éducation et des compétences ». Le Conseil européen de
mars 2005 a adopté 24 lignes directrices, la no 24 étant : « Adapter les
systèmes d’éducation et de formation aux nouveaux besoins en matière de
compétences. » Pour quel résultat ? Des jeunes plus nombreux sortent du
système éducatif avec un diplôme dévalorisé, correspondant à des
« connaissances light » puisque considérées comme dépassées.
Évidemment, les désillusions guettent, car ces diplômes offriront au mieux
un emploi sous-qualifié, et que vaudront-ils face à ceux délivrés par les
universités indiennes, chinoises ou coréennes, dont les systèmes éducatifs
ont conservé les méthodes « à l’ancienne », tant décriées par les tenants de
la modernisation, dont l’échec patent est de plus en plus visible ?
La leçon de morale a sa place à l’école

Avec un cours de morale chaque matin, les élèves se


comporteront mieux. FAUX

Comme toute rentrée digne de ce nom, celle de 2011 était accompagnée


de son innovation pédagogique, de son « gadget », diront les éternels
grincheux, à savoir l’instauration d’une leçon de morale à l’école primaire.
« Le maître va maintenant consacrer quelques minutes à un petit débat
philosophique, à un échange sur la morale », déclarait le ministre. Et de
donner quelques exemples, « le vrai/le faux, le respect des règles, le
courage, la franchise, le droit à l’intimité ». Une liste à laquelle s’ajoutait,
selon la circulaire du 28 août 2011 : la protection de soi, la dignité, la liberté
individuelle et ses limites, la solidarité, l’excuse… Que ces notions soient
abordées par le maître, pourquoi pas, mais la forme proposée laissait
perplexe. La circulaire précisait en effet : « Le début de la journée est
particulièrement approprié à cet exercice, car il permet de placer le travail
qui va suivre sous le signe des principes qui auront été dégagés. » Plus dur à
avaler le matin (comme la cuillère d’huile de foie de morue à jeun), elle
garantissait néanmoins une journée… pleine de franchise, de liberté, de
dignité (ou encore d’excuses ?). Évidemment, la morale en début de journée
avait un côté « à l’ancienne », comme lorsque le maître écrivait sa phrase de
morale au tableau. Bref, on nous refaisait le coup du « pensionnat de
Chavagnes ».
Le ministre, pourtant, semblait bien mal connaître les programmes en
vigueur, ceux de 2008, dans lesquels on pouvait lire : « L’instruction
civique et morale doit permettre à l’enfant de découvrir progressivement les
valeurs, les principes et les règles qui régissent l’organisation des relations
sociales, depuis l’observation des règles élémentaires de civilité jusqu’aux
règles d’organisation de la vie démocratique. » La mesure phare 2011 avait
un goût de déjà-vu.
Mais tout le monde semble l’avoir oublié, si l’école ne dispense plus de
leçons de morale en tant que telles, elle reste une des rares à affirmer encore
des valeurs, considérées partout ailleurs comme ringardes. L’effort,
l’approfondissement, le désintéressement, l’entraide… où seraient-ils mieux
mis en avant qu’à l’école ? Pas à la télé ni sur les réseaux sociaux ou dans
les jeux vidéo en tout cas.
Alors, pourquoi cette effervescence autour de la morale à l’école ?
Lorsque le ministre Luc Chatel fait l’annonce de la réintroduction de ces
leçons de morale au cours de sa conférence de presse de rentrée, les
journalistes sont ravis de tenir là un angle original pour traiter le marronnier
de ce début d’année scolaire. Résultat, comme le souligne la dépêche AFP
qui en fait le compte rendu : « Il [le ministre] est en revanche peu interrogé
sur la principale controverse de la rentrée, portant sur la suppression
annoncée de 16 000 postes, touchant particulièrement les écoles maternelles
et élémentaires. »
Chapitre 3
Salle des profs

Absents, en grève et toujours en vacances, les profs sont accusés


de tous les maux. Avec 18 heures de cours par semaine, aucun
doute, c’est un métier de privilégié… que personne ne veut faire.
Il faut mettre les meilleurs profs dans les
établissements difficiles

Dans les établissements difficiles, la situation se dégrade, les


profs craquent, il est urgent d’y mettre les meilleurs d’entre eux.
FAUX

Envoyer les meilleurs profs dans les établissements difficiles, l’idée fait
généralement consensus. Inévitablement, les autres, les moins bons ou les
moins motivés, se retrouveraient dans les meilleurs établissements. Logique
mais curieux !
Mais, rétorquera-t-on, la situation inverse a lieu aujourd’hui, les
meilleurs profs sont en poste dans les centres-villes, les plus mauvais en
banlieue. C’est faux. Au cours des mutations, les postes sont attribués selon
un barème dans lequel la note du chef d’établissement et celle de
l’inspecteur jouent un rôle mineur. Le critère principal est l’ancienneté,
dans l’Éducation nationale d’une part, dans le poste occupé d’autre part.
Interviennent également le grade (agrégé ou certifié) ainsi que les points
accumulés pour un long séjour dans un établissement difficile. Autrement
dit, en centre-ville, les enseignants sont plus âgés et les agrégés plus
nombreux, sans compter ceux qui ont choisi la bonne stratégie, attendre
suffisamment longtemps dans un poste pour engranger un maximum de
points. Le jeune âge des professeurs en ZEP (ancienne terminologie des
établissements difficiles) est d’ailleurs plus une idée reçue qu’une réalité :
d’après l’avis no 69 du Sénat relatif au projet de loi de finances pour
l’enseignement scolaire (2002-2003), l’âge moyen de l’ensemble des
enseignants titulaires du second degré en 2002 est de 42 ans et 6 mois en
ZEP contre 45 ans et 6 mois sur l’ensemble des établissements. Autre idée
fausse, une majorité de jeunes titulaires seraient affectés en ZEP : ils sont en
réalité moins du tiers, 28,8 %, tandis que pour les stagiaires la part descend
à 23,3 % (2001-2002). Le turnover enseignant est incontestablement
important. Toujours d’après la même source, 40 % des effectifs ont une
durée moyenne d’affectation comprise entre 1 et 3 ans, 40 %
entre 4 et 15 ans et 20 % supérieure à 15 ans. La durée moyenne
d’affectation des enseignants titulaires du second degré en ZEP est de 8 ans
et 7 mois, contre 9 ans et 10 mois pour l’ensemble des enseignants.
Néanmoins, l’évolution de la situation semble se dégrader. À Paris, dans les
collèges RAR (Réseaux Ambition réussite), nouvelle appellation des ZEP,
le taux de demandes de mutation est passé de 27,7 % en 2006 à 47 %
en 2009, contre 19 % pour l’ensemble des enseignants parisiens.
Alors, face à ces difficultés, faut-il mettre les meilleurs profs dans ces
établissements difficiles pour stabiliser puis améliorer la situation ? De cette
façon, les enseignants commenceraient leur carrière dans des conditions
idéales avec pour perspective des conditions de plus en plus pénibles, alors
qu’ils vieillissent et se fatiguent plus vite… Mais cela seulement pour les
meilleurs, une façon toute particulière de récompenser le mérite ! On
imagine le professeur inspecté, redoutant le verdict de l’inspecteur :
« Excellent, votre travail, je vous envoie en ZEP. » N’a-t-on pas de
meilleure solution à proposer pour sortir la ZEP de ses problèmes ? La
question reste posée : qui doit enseigner en ZEP ? Les enseignants,
fonctionnaires d’État, ont l’obligation d’accepter leur affectation, ce qu’ils
font, ou dans le cas contraire sont démissionnaires. Tous ne fuient pas ces
établissements, comme le montre la moyenne d’âge de plus de 42 ans, et ce
n’est pas en transformant ces établissements en vastes garderies, où
enseigner n’est plus la mission première (alors que l’on voudrait mettre les
meilleurs enseignants !), que l’on incitera les bons profs à y rester.
Les élèves devraient pouvoir noter leurs
profs

Les professeurs notent leurs élèves, et pourquoi pas l’inverse ?


Cela équilibrerait les relations et améliorerait le système.
FAUX

En 2008, un site internet avait trouvé un credo détonnant : inciter les


élèves à noter en ligne leurs professeurs. La formule, originale en France
mais déjà testée à l’étranger, a suscité la polémique, l’affaire étant même
portée devant les tribunaux par des syndicats enseignants et finalement le
site dut fermer, jugé illégitime par la Commission nationale de
l’informatique et des libertés (Cnil).
À vrai dire, nul besoin d’internet, on pourrait demander aux élèves de
noter leurs professeurs à l’intérieur de l’établissement, de la façon la plus
officielle qui soit. Premiers concernés, ils seraient aussi les plus aptes à
juger le travail des enseignants et leurs critiques permettraient d’améliorer
l’enseignement. Pour les partisans de ce système, les élèves auraient à
remplir une grille avec quelques critères, sans même forcément donner une
note, une façon pour eux de sortir de leur simple rôle d’élève. C’est bien là
le problème ! Entre eux, les élèves ont toujours eu la dent dure à l’égard des
enseignants et tant que cela reste dans la conversation privée, il n’y a pas
grand-chose à dire. Mais tout change si ces jugements sont sollicités par
l’institution scolaire.
Primo, les professeurs notent déjà leurs élèves et un système dans
lequel deux parties s’évaluent mutuellement n’existe pas. On connaît la
règle du jeu : quand chacun se tient par la barbichette, la principale
préoccupation est de ne pas prendre de claque. De ce petit arrangement
entre amis, les élèves seraient les principales victimes : pourquoi
l’enseignant en effet maintiendrait-il ses exigences ? Remarquons au
passage que personne dans le monde du travail ne demande qu’un supérieur
soit noté par ses subordonnés, que lui-même évalue par ailleurs. Pourquoi
alors imaginer un tel système, a fortiori entre adultes et enfants ou
adolescents ? Car le deuxième problème est bien là, celui de donner un
pouvoir à des enfants ou adolescents – qui d’ailleurs ne demandent rien ! –
sur des adultes.
La méthode existe déjà en Angleterre, pas seulement d’ailleurs pour la
notation des cours, mais aussi pour le recrutement des enseignants, obligés
de passer devant un comité où siègent des élèves. Le journal The Telegraph,
dans son édition du 3 avril 2010, rapporte des témoignages d’enseignants à
ce sujet, l’un par exemple se plaignant d’avoir été humilié au cours d’un
entretien d’embauche par les élèves qui lui ont demandé de chanter sa
chanson préférée, un autre a vu sa candidature rejetée parce qu’il
ressemblait à un personnage d’une célèbre comptine ! Le journal poursuit
en racontant que la note d’un enseignant déjà en place a été abaissée par les
élèves en raison de ses exigences trop strictes ou celle d’un autre parce qu’il
parlait trop en français… pendant le cours de français. En définitive, ces
méthodes posent le problème de l’autorité des enseignants : peut-elle encore
s’affirmer si l’on attribue un pouvoir de jugement équivalent au maître et à
l’élève ?
L’autorité d’un enseignant se mérite

Bavardage, chahut, bazar organisé, les enseignants se laissent


trop souvent déborder, ils n’ont plus assez d’autorité. VRAI et
FAUX

« Monsieur, vous vous habillez chez Emmaüs ? » C’est ainsi, raconte-t-


on, qu’un jeune professeur stagiaire a été accueilli par un de ses élèves. À
l’évidence, l’enseignant manquait d’autorité, mais en était-il seul
responsable ?
L’histoire, entendue à plusieurs reprises, se colporte d’établissement en
établissement, une anecdote parmi d’autres, maintes fois entendue dans les
salles de professeurs. Son succès tient sans doute de la morale, à géométrie
variable, que les uns ou les autres peuvent – ou veulent – en tirer.
Voilà un jeune professeur, tout juste sorti de l’université, Capes ou
agrégation en poche, connaissances encore fraîches, vivacité d’esprit et
finesse d’analyse en sus, embrassant le métier avec enthousiasme et
passion – tout le monde en a, au moins au début – et qui se prend un retour
de manivelle sur… son look. En une phrase, l’arrogance et la superficialité
terrassaient celui qui, par sa fonction, était censé incarner l’esprit. Sans
vouloir chercher des excuses à cet élève – inutile, il ne sera même pas
jugé ! –, il ne faisait qu’exprimer un sentiment courant, le manque d’estime
pour les enseignants. Certes, 65 % des parents (sondage CSA-AEL 2005)
reprochent aux enseignants leur manque d’autorité, mais le discours que
tient la société – et donc bon nombre de parents, y compris devant leurs
enfants – dévalorise en permanence la profession : contestation des notes,
des décisions du conseil de classe, du contenu des cours, sans parler des
agressions ne serait-ce que verbales. Un téléphone portable confisqué –
provisoirement – parce qu’il sonne pour la troisième fois depuis le début de
l’heure vaudra au mieux des menaces, au pire un dépôt de plainte pour vol
sur mineur.
A contrario, il est incontestable que si, dans une même classe, le cours
se déroule normalement avec un professeur, tout peut déraper avec un autre,
il suffit de passer devant sa classe pour comprendre le drame en trois actes
qui se joue à l’intérieur. Et alors ? Oui, des enseignants ont plus d’autorité
que d’autres, oui, avec eux, les choses se passeront sans doute toujours
mieux. Que l’on appelle cela « charisme », « rayonnement », « capacité à
s’imposer », peu importe, pourquoi ces qualités seraient plus fréquentes
chez les enseignants que chez les médecins, les employés, les techniciens
ou n’importe quel autre groupe dans la population ? Ou alors, il faudra
expliquer comment trouver parmi les bac + 5 un million d’enseignants
charismatiques capables de s’imposer en toutes circonstances, de niveau
suffisant pour passer les concours et, cerise sur le gâteau, attirés par ce
métier, avec le salaire que l’on sait. La pénurie guette !
Dans les IUFM, on apprend aux stagiaires que leur statut ne confère pas
une autorité naturelle mais que celle-ci est à conquérir, qu’elle se mérite.
Rien de tel pour déstabiliser un jeune professeur, qui entrera dans sa classe
avec le sentiment d’être dépourvu d’autorité. Bon courage !
Si l’autorité s’entretient, elle doit d’abord être reconnue comme
intrinsèque à la position de l’enseignant, non pas au nom d’on ne sait quel
droit mais simplement parce qu’elle est la condition nécessaire au travail
des élèves.
Les profs font ce qu’ils veulent dans leur
classe

Comme le capitaine sur son navire, le prof est maître dans sa


classe. VRAI (à condition de ne pas la faire couler)

S’il y a un principe qui fait l’unanimité ou presque chez les enseignants,


c’est celui de « liberté pédagogique », ce que les mauvaises langues
traduisent par « ils font ce qu’ils veulent ». Elles ont tort… au moins
à 90 %.
Fort de son indépendance pédagogique, l’enseignant utilise les
méthodes et les moyens qu’il juge les plus appropriés pour atteindre ses
objectifs. Une liberté encadrée à plus d’un titre. Tout d’abord, les objectifs
sont fixés, au sein de l’Éducation nationale (et du privé sous contrat), par
l’État, souvent par une loi ou un décret. Si l’enseignant a une liberté de
moyens, il a une obligation d’objectifs, les mêmes en ZEP ou en centre-
ville, inscrits d’ailleurs clairement dans les programmes officiels. Pourquoi
cette liberté, un privilège accordé à peu d’autres professions de salariés en
tout cas, et encore moins chez les fonctionnaires ? Un privilège d’ailleurs
ancien, qui date des fondements de l’école publique. Gabriel Compayré
(1843-1913), un des fondateurs de l’instruction publique, en donne une
première raison dans un de ses ouvrages en 1895 : « Les programmes
officiels restent nécessairement un peu vagues dans leur généralité : ils ne
développent pas le détail des divers enseignements et se bornent à des
indications sommaires. Ici commence pour l’instituteur une responsabilité
plus effective […] pourvu qu’il arrive à son but dans le délai voulu, il est
libre de ses mouvements. » Mais une seconde tient à la fonction même
d’enseigner : l’exercice est plus un art qu’une science, faisant appel à la
sensibilité et à la personnalité de l’enseignant, à son histoire, à son
expérience. Et croire que l’on peut imposer une méthode sans prendre en
compte cette réalité est illusoire, même si cela déplaît aux partisans des
réformes perpétuelles pour qui elle est un frein aux transformations, y
compris les pires. Historiquement, l’indépendance pédagogique permettait
aussi aux hussards noirs de la République d’échapper à l’emprise des
pouvoirs locaux, celui du maire et du curé.
Et aujourd’hui, comment se porte cette liberté pédagogique ? Mal !
L’idéologie dominante qui règne dans les hautes sphères de l’Éducation
nationale a gagné du terrain, d’abord en s’imposant de force par des
directives de plus en plus insistantes. L’exemple de la méthode de lecture
globale, imposée par les inspecteurs, même quand la méthode syllabique
réussissait, illustre le phénomène.
Ces directives ont fini par influencer les esprits et, de plus en plus, les
méthodes se sont imposées, indépendamment de leur efficacité. La
redoutable machine IUFM, si peu respectueuse de la pluralité des méthodes
mais si efficace à inculquer la doxa à de jeunes professeurs, a apporté sa
pierre à l’édifice. Et la venue d’un inspecteur dans une classe est plus
souvent l’occasion de donner une multitude de consignes – quasiment des
injonctions – que d’évaluer le niveau des élèves et le travail accompli. Le
propos d’une inspectrice, « Je veux que mes enseignants marchent du même
pas pédagogique », rapporté dans l’ouvrage L’Enseignement de l’histoire-
géographie de l’école élémentaire au lycée : vecteur de propagande ou
fondement de l’esprit critique ?, en dit long. Les directives officielles se
sont aussi attaquées à la liberté pédagogique, faisant de plus en plus glisser
les instructions officielles vers des objectifs de méthode, la forme primant
sur le fond. Sans compter ceux des enseignants qui, par carriérisme ou goût
du « bougisme », s’y sont ralliés sans trop d’états d’âme.
Les profs changent leurs méthodes le jour
d’une inspection

Rien ne sert d’inspecter les enseignants, le jour J, ils se


comportent différemment et passent entre les mailles du filet.
FAUX

« L’inspecteur vient vous voir dans trois jours. » L’annonce d’une


inspection déclenche parfois des sueurs froides, voire un vent de panique :
trous béants du cahier de textes à boucher d’urgence, Bulletin officiel à
relire, histoire d’être incollable sur le nouveau programme, et minutage
serré du cours à préparer.
Non, évidemment, les profs ne préparent pas leur inspection de la même
façon qu’un cours ordinaire. À situation exceptionnelle, réponse du même
ordre. D’ailleurs, la réaction inverse ne témoignerait-elle pas d’une certaine
désinvolture ? À vrai dire, dans le monde de l’entreprise, la venue d’un
responsable depuis la lointaine direction générale du groupe provoque une
mobilisation semblable.
Pour la préparation du cours, tout est revu dans les moindres détails,
chaque paragraphe soigneusement minuté… ce qui ne sert à rien. D’abord
parce que l’inspecteur, en grande conversation avec le chef d’établissement,
peut arriver dix minutes en retard, et qu’ensuite le minutage prévu est
souvent intenable… et donc pas tenu.
Autre tentation, refaire son cours de fond en comble. On connaît les
marottes de tel ou tel et surtout la doxa, la ligne officielle du moment,
estampillée « IUFM », en dehors de laquelle point de salut. Justement, le
piège est là, et plus d’un prof s’y fait prendre en voulant s’aligner. Harceler
de questions les élèves alors qu’habituellement on les laisse somnoler,
utiliser les outils multimédias alors que l’on ne sait même pas allumer
l’appareil… autant de situations risquées. Mais la question qui intrigue est
de savoir si tel professeur, jugé mauvais, voire fumiste, peut réussir à
échapper aux foudres de l’inspecteur. Tout d’abord, l’inspecteur est
cornaqué par le chef d’établissement, lequel ne manquera pas de renvoyer
la monnaie de sa pièce à celui qui lui vaut des coups de fil incessants et des
délégations de parents furieux. Ensuite, l’inspecteur regarde les traces,
cahier de textes, cahiers des élèves, leur comportement aussi : 100 %
d’élèves avachis ou apathiques le jour de l’inspection, cela doit assez bien
refléter la situation d’un jour ordinaire.
Néanmoins, la part de l’enseignement prend de moins en moins
d’importance. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter quelques
protocoles d’inspection publiés sur les sites internet académiques pour
découvrir les points susceptibles d’être abordés : « Gestion du groupe
classe », « Implication dans la promotion de la discipline », « Implications
dans des actions à caractère transversal » ou encore « Implication dans les
différentes instances de l’établissement tels que conseils pédagogique,
d’administration ou d’enseignement »… Le contenu du cours, la
compréhension des élèves, leur intérêt, tout cela devient finalement
anecdotique, l’institution scolaire valorise surtout les tâches secondaires,
participation au conseil d’administration ou voyages scolaires, au détriment
de la principale, enseigner.
On devrait recruter les profs sur leur
pédagogie plutôt que leur savoir

Les concours de recrutement des enseignants sont trop


théoriques, on n’évalue pas leurs capacités pédagogiques.
FAUX

Le recrutement des enseignants, dans le primaire comme dans le


secondaire, qu’il s’agisse des concours d’entrée à l’école normale puis dans
les IUFM pour les professeurs des écoles, du Capes ou de l’agrégation pour
ceux du secondaire, a toujours porté sur les contenus disciplinaires. Peut-on
concevoir une orthographe approximative pour un instituteur ou une
maîtrise insuffisante de sa discipline par un professeur ?
Néanmoins, une idée reçue voudrait, surtout pour le secondaire et en
particulier l’agrégation, que soient jugées uniquement les connaissances
disciplinaires. C’est faux, chaque concours possède en effet son lot
d’épreuves orales, où évidemment sont attendues du candidat des qualités
autres que celles déjà jugées à l’écrit. Ces « leçons », qui demandent trois à
six heures de préparation par le candidat avant la présentation pendant une
heure environ devant un jury, permettent de juger non seulement ses
connaissances, mais aussi son esprit de synthèse à travers la construction de
son exposé, sa capacité à présenter son travail à un auditoire, la clarté de
l’explication, l’aptitude à suivre un fil directeur et des aspects plus
techniques, voire terre à terre, comme la tenue du tableau, l’éloquence, la
capacité à se détacher de ses notes…
Le succès de l’épreuve repose sur la maîtrise d’un savoir par le candidat
et ses capacités à le transmettre. Il existe plusieurs types d’épreuves orales,
différentes selon les matières, mais généralement il s’agit de construire un
exposé de niveau universitaire. Selon un reproche souvent entendu, on ne se
préoccuperait pas suffisamment des qualités pédagogiques du candidat.
Pourtant, mieux les connaissances sont maîtrisées, plus il est facile de
prendre de la distance, de voir large en quelque sorte et de manipuler
aisément les notions pour construire un ensemble cohérent et accessible aux
élèves. Faux, répondent les tenants du pédagogisme débridé, avec en
particulier l’agrégation dans leur ligne de mire, trop en savoir coupe
l’enseignant de la réalité et l’empêche de se mettre à portée des élèves.
Retournons l’argument, en connaître peu rapproche-t-il des élèves et rend-il
plus compréhensible ? D’ailleurs, dans cette logique du « pas trop de
connaissances », une fois en exercice, l’enseignant devrait cesser de se
cultiver, d’enrichir son savoir universitaire, au risque sinon de devenir
incompréhensible pour ses élèves. L’argument serait risible s’il n’était pas
dangereux.
Une chose est sûre, l’esprit des concours de recrutement s’est
progressivement modifié, la part de l’oral et l’évaluation des capacités
pédagogiques des candidats se sont accrues. Or enseigner suppose de
préparer un cours, construit autour d’un fil directeur selon un ensemble
organisé de connaissances, intelligibles par les élèves. Sans une maîtrise du
contenu, l’exercice est vain. Cette capacité à organiser est non seulement
jugée à l’oral mais tout autant à l’écrit, surtout quand l’épreuve dure six
heures comme celles de l’agrégation. Si ces qualités d’organisation perdent
une part de leur intérêt pour un enseignant qui sait mal les faire passer, c’est
encore plus lourd de conséquences avec des connaissances insuffisantes.
Quant à attacher trop d’importance à la prestation orale d’un candidat,
on peut s’interroger. Imaginons la scène d’un jeune candidat, 23-26 ans
environ, encore chez papa-maman, se retrouvant devant une brochette de
cinq ou six universitaires et inspecteurs généraux, dont la décision met en
jeu la réussite d’une année et peut-être d’une vie : que révèle une éventuelle
aisance – certains candidats en font preuve – sur les éventuelles qualités
d’un futur enseignant ? Qu’il sait dominer son stress devant un jury, mais
cela préjuge-t-il de son attitude devant des élèves ?
Les chefs d’établissement doivent recruter
leurs enseignants

Le recrutement par les chefs d’établissement permettra


d’adapter le profil des enseignants aux postes correspondants.
FAUX

Comme pour les footballeurs, on pourrait imaginer l’Éducation


nationale se transformer à l’approche des vacances d’été en un vaste marché
sur lequel se vendraient et/ou s’échangeraient les enseignants… avec son
lot de transferts surprises, mais aussi de ratés. Le parallèle est osé, surtout
pour les salaires. Néanmoins, dans 297 collèges et 28 lycées sensibles, les
chefs d’établissement peuvent désormais choisir eux-mêmes les
enseignants, une mesure destinée à contourner le manque d’attraction de ces
postes. Selon un programme initié en 2010 et baptisé « Éclair » (sans doute
un terme de communicant censé opposer la rapidité de ce dispositif à la
lourdeur de l’administration), l’obtention d’un poste donne droit à une
prime individuelle de 1 156 euros annuels, auxquels s’ajoute une part
des 2 400 euros que le chef d’établissement distribue à sa guise entre les
enseignants (la sienne est par ailleurs de 2 600 euros annuels). Bilan du
programme Éclair : un flop magistral ! À la rentrée 2011, seuls 65 % de ces
postes ont été pourvus par des titulaires, pour le reste il a fallu improviser
au dernier moment pour ne pas laisser ces établissements difficiles trop
longtemps sans profs.
Hormis l’appât de la prime, pourquoi les enseignants choisiraient-ils les
postes les plus difficiles ? Par contre, ils sont tenus d’occuper le poste,
difficile ou non, que l’administration leur désigne. Le projet ne tient pas la
route, sauf à le considérer comme un ballon d’essai lancé pour préparer
cette mesure.
Quels avantages aurait le recrutement des enseignants par le chef
d’établissement ? Contourner la lourdeur du système est l’argument
généralement avancé alors que ces postes sont pourvus sans problème,
quels que soient les états d’âme de ceux qui y sont affectés. Autre
argument, celui d’y nommer des enseignants au profil adéquat… sans
jamais dire à quoi correspond ce fameux profil. Car les professeurs sont
sélectionnés par concours et on se demande bien, entre deux certifiés, en
quoi l’un aurait plutôt un profil ZEP, l’autre un profil centre-ville ? Ce
mode de recrutement ne peut pas coexister avec celui des concours et si l’on
veut la suppression de ces derniers, alors il faut ouvrir le débat, expliquer
pourquoi un étudiant avec master ferait un meilleur enseignant qu’un autre
avec master plus concours, comme aujourd’hui. Or rien de cela n’est abordé
par le ministère.
Ce qui guette avec un recrutement de type local, c’est effectivement des
enseignants de niveaux différents selon les établissements. Le bilan du
programme Éclair annonce la suite : il y aura de nombreux candidats pour
les lycées et collèges attractifs, lesquels pourront sélectionner les meilleurs,
avec les diplômes adéquats, tandis que les autres établissements
récupéreront ceux dont on n’a pas voulu ailleurs. Quant aux parents, en
dehors des contraintes de transport, tous voudront mettre leurs enfants en
établissements de première catégorie… mais il n’y aura pas de place pour
tout le monde.
C’est le système de recrutement des professeurs dans l’enseignement
privé, rétorqueront les partisans de la méthode. C’est vrai, et cela constitue
un argument à notre démonstration. L’enseignement privé a quelques
établissements scolaires en zones difficiles : qui peut sérieusement
prétendre que les candidats enseignants s’y bousculent autant que dans ceux
de centre-ville ?
Un professeur doit enseigner plusieurs
matières

On demande aux élèves d’être bons partout, alors pourquoi les


enseignants ne seraient-ils pas pluridisciplinaires ? Les élèves
en profiteraient. FAUX

Du primaire au supérieur, la règle est simple, plus l’enseignant monte


dans le cursus, plus il se spécialise : instituteur pluridisciplinaire, prof de
fac spécialisé dans un seul domaine d’une discipline, domaine plus restreint
d’ailleurs devant ses étudiants de master que de première année. Les
enseignants du secondaire ne dérogent pas à la règle… à une nuance près,
ils sont déjà bidisciplinaires : histoire-géographie, physique-chimie,
biologie-géologie, français-latin ou grec… Cette bidisciplinarité n’est pas
une qualité autoproclamée mais validée par les épreuves des concours de
recrutement dans les deux disciplines. Alors, pourquoi ne pas en rajouter
deux autres ? Il s’agit d’un serpent de mer qui régulièrement refait surface.
La dernière tentative remonte en effet à 2006, quand Gilles de Robien,
alors ministre, tenta de l’imposer au collège. Un échec finalement, mais
l’idée fait son chemin avec l’instauration au Capes d’une « mention
complémentaire », que les candidats d’une discipline peuvent tenter
d’obtenir pour en enseigner une autre en complément. Une fois celle-ci
obtenue, un professeur d’anglais, par exemple, pourra enseigner le français
(les deux se ressemblent, non ?), tout comme celui d’histoire (deux matières
tournées vers le passé), quant à celui de sciences de la vie et de la Terre ou
de physique, il sera devenu compétent pour donner des cours de maths (ça
tombe bien, la matière est déficitaire). Depuis, la liste s’est allongée.
Disons-le d’emblée, le niveau de la certification n’a rien à voir avec celui
du Capes dans la discipline principale puisque les étudiants n’ont même pas
besoin d’un diplôme universitaire. Pourtant, ce sont les mêmes élèves, les
mêmes exigences de niveau aussi ! Il n’y a que deux explications à ce
paradoxe : soit le niveau du Capes est trop élevé et il faut le baisser, soit on
envoie devant des élèves des professeurs sous-qualifiés.
Pour le Capes actuel, sur une formation de 5 ans, un professeur de
physique-chimie, par exemple, qui passe en moyenne 2,5 ans à l’étude de
chacune de ces matières, n’y consacrerait plus que 1,25 année s’il en avait
quatre. C’est peu, dans cette hypothèse, il maîtriserait deux fois moins bien
qu’aujourd’hui ses connaissances. Demandons aux parents quelle situation
ils choisiraient pour leur enfant.
Pourquoi cette volonté de multiplier les matières enseignées par un seul
professeur ? Dans l’intérêt des élèves déroutés, selon certains, par la
multiplicité des enseignants. Une expérience – qui n’a rien de scientifique –
consistant à interroger des élèves de son entourage n’aboutit pas du tout à
ce résultat, ils se disent en général satisfaits de passer du monde des
« petits » à celui des « grands ». Pour des raisons comptables alors ? Dans
un établissement, plus un professeur enseigne de matières, plus il sera facile
d’organiser son service, sans aucune heure perdue faute d’élèves dans sa
discipline. Quant au casse-tête des remplacements, avec des enseignants
polyvalents, il se résout de lui-même. Invention d’enseignants un peu
paranoïaques ? L’idée n’est pas nouvelle. Déjà, en 1999, Christian Sautter,
alors secrétaire d’État au Budget, auditionné par une commission du Sénat,
déclarait : « Enfin, la mise en œuvre de la réforme pédagogique devrait
permettre de rationaliser le système éducatif : la multiplication des filières
et des options, ainsi que la faible polyvalence des enseignants dans
l’enseignement secondaire ont en effet un coût. » Qui a dit « intérêt des
élèves » ?
Le niveau baisse chez les profs

Les étudiants se détournent des concours de recrutement et


inévitablement le niveau des enseignants baisse. VRAI et
FAUX… mais de plus en plus vrai

Le niveau baisse… pour les profs aussi ! À vrai dire, à force de l’avoir
clamé (à tort ou à raison, peu importe), il fallait s’attendre à un retour de
bâton ! Ces dernières années, la presse a régulièrement sorti des « papiers »
sur la baisse de niveau des concours de recrutement d’enseignants… et ses
conséquences sur celui des élèves.
Évaluer le niveau des candidats d’une session à l’autre n’est pas facile.
On peut toujours regarder la moyenne du dernier admis, peu significative
puisqu’elle dépend de la notation des jurys. On peut aussi comparer les
moyennes d’une année à l’autre, mais là encore la composition des jurys
change (en partie seulement, il est vrai), tout comme les sujets posés. Un
critère un peu plus fiable est celui du rapport entre le nombre de candidats
et celui de postes offerts. Première difficulté, faut-il prendre en compte les
candidats inscrits ou ceux présents aux épreuves, et parmi ces derniers, ceux
ayant composé pour toutes les épreuves ou seulement une ?
À en croire les chiffres du ministère (« Repères et références
statistiques 2011 »), il n’y a pas péril en la demeure : les taux de réussite
s’étalent entre 15,1 % dans les disciplines scientifiques, 10,8 % en lettres et
sciences humaines et 12,9 % en langues. Mais cette façon de présenter les
chiffres, en confondant tous les postes, Capes et agrégation, concours
internes (très peu nombreux) et externes, tend à masquer l’érosion du
nombre de candidats au Capes externe, le concours par lequel sont recrutés
la majorité des enseignants du secondaire. Le tableau ci-dessous en donne
un aperçu en comparant les années 2004 et 2011.

* Le taux de réussite est le rapport entre le nombre de postes pourvus (en général identique aux
postes proposés) et le nombre de candidats présents.

Que nous disent les chiffres ? Les taux de réussite s’élèvent, atteignant
des valeurs comme jamais ou presque en lettres modernes et mathématiques
malgré une diminution du nombre de postes. Désaffection des candidats ?
Vrai, mais provoquée par la baisse du nombre de postes aux concours.
Amorcée aux environs de 2004, elle s’est accompagnée d’une diminution
régulière du nombre de candidats, lesquels, anticipant des débouchés de
plus en plus restreints, se détournaient de cette voie.
Dans les années antérieures, le phénomène symétrique s’est d’ailleurs
observé, l’accroissement régulier du nombre de postes entrainaît celui des
candidats et finalement le taux de réussite baissait. Alors, baisse de niveau ?
Il faut tout d’abord savoir qu’il s’agit de concours de fin d’études, passés
avec un bac + 5 et qui mettent donc en concurrence des étudiants d’un
niveau déjà confirmé. Il n’empêche, la réputation d’exigence de ces
concours, généralement reconnue, en prend un coup. Comment ne pas y
voir aussi un effet de la baisse de prestige du métier, du salaire peu attractif
et de conditions d’exercice de plus en plus difficiles ? Cela fait beaucoup
pour des postes de moins en moins nombreux.
Il y a des bons et des mauvais profs

Les bons profs existent, nous en avons rencontré, ils intéressent


leurs élèves et leur transmettent un enseignement solide. VRAI

Dans la grande famille de l’éducation, Sam Calavitta, prof de maths en


Californie, fait sans doute des envieux : surnommé « meilleur prof de maths
du monde », il a été récompensé par la société Siemens d’un prix pour
l’« excellence de son travail », et les résultats de ses élèves le confirment :
4,79 sur 5, contre 3,03 de moyenne aux tests d’évaluation en 2008. Son prix
lui a valu une certaine aura médiatique, et plus d’un journal
(d’investigation) a envoyé un reporter dans sa classe afin de percer ses
secrets. Comme le rapporte Le Monde dans son édition du 3 mai 2009, Sam
Calavitta, « Mister Cal » pour ses élèves, débute son cours par un « c’est
bon d’être champion du monde » que ses élèves reprennent en chœur, une
façon de motiver les troupes, explique-t-il. La première heure du cours,
consacrée à une sorte de jeu mathématique où les élèves s’affrontent –
façon « Questions pour un champion » en version américaine – leur permet
de gagner des Cal bucks, sortes de faux dollars avec lesquels ils rachètent,
le cas échéant, une mauvaise note. La deuxième heure du cours, plus
conventionnelle, est consacrée à une leçon de mathématiques pour laquelle
Mister Cal utilise tout de même – sans doute son sens du concret – pain de
mie, fromage et salami. Une seule fois Sam a fait cours assis, certes sa
chaise sur le bureau, précise-t-il. En quittant la classe, les élèves entonnent
d’une seule voix : « Quelle merveilleuse journée, monsieur Cal ! » et jettent
une dernière fois un œil aux slogans bienveillants sur les murs de la classe
(« Ne jamais, jamais abandonner ») accrochés à côté d’une lettre du
président George Bush, qui a écrit à Cal pour le féliciter.
Les bons profs existent, Cal en est sûrement un exemple. Pour autant
que l’on puisse en juger à travers les vidéos en ligne (il suffit de taper son
nom sur YouTube ou Dailymotion pour le voir officier), il transmet à ses
élèves un enseignement solide, lesquels l’écoutent sans broncher, le
contraire serait un comble dans un établissement à 13 000 euros l’année !
Selon Cal, le truc est de ne pas les ennuyer, de capter sans cesse leur
attention. Rien à voir effectivement entre Cal et l’archétype du mauvais prof
tel qu’on le décrit, n’intéressant pas ses élèves et/ou se faisant
« bordéliser », celui qui vous fera perdre une année ou vous dégoûtera
d’une matière.
Mais, en repassant la vidéo au ralenti, on peut tout de même se
demander si Cal n’en fait pas un peu trop. Certes, il y a une dimension
personnelle dans la transmission du savoir mais, comme dans toutes les
bonnes pièces, l’acteur doit savoir s’effacer derrière son texte. Or, sous
prétexte d’intéresser, voire de passionner les élèves, le « public » semble
attendre que les enseignants « surjouent »… au détriment de leur texte.
C’est le danger qui, à tout moment, guette l’ami Cal. Trop préoccupé par
son jeu, il n’écrit presque rien au tableau. Pas de démonstration dans ses
cours, ni d’exercices d’application, ni même semble-t-il de cours structuré,
mais plutôt un joyeux happening. Une dérive qui guette lorsque le prof est
sommé d’intéresser coûte que coûte ses élèves.
Quoi que l’on pense des méthodes de Cal, il existerait un « effet
enseignant » selon lequel les progrès des élèves varieraient de 10 % à 15 %
selon le professeur. On peut rester sceptique quant à ce genre de mesure. La
relation entre un professeur et ses élèves tient bien souvent de l’alchimie et,
pour transformer le plomb en or, une des conditions nécessaires – mais pas
suffisante – est avant tout une histoire de contenu.
Les profs ne se tuent pas au travail

Avec leurs vacances et leur petit nombre d’heures de cours, les


profs sont privilégiés. La souffrance au travail ne les concerne
pas. FAUX

Un professeur qui s’immole par le feu dans la cour de son lycée,


l’horrible tragédie marque forcément les esprits. La même semaine, un
autre enseignant se jette par la fenêtre de son établissement devant ses
élèves. Ces drames font rapidement émerger une réalité brutale : la
souffrance des enseignants et leur solitude face à une administration qui,
sans les soutenir, interprète le plus souvent leurs difficultés comme une
forme d’incompétence.
Contrairement à l’opinion la plus répandue, loin d’être une sinécure, le
métier d’enseignant est devenu de plus en plus difficile, comme en
témoigne une étude du « Carrefour santé social », qui réunit la MGEN
(Mutuelle générale de l’Éducation nationale) et différents syndicats
d’enseignants. Selon celle-ci, un agent de l’Éducation nationale sur sept
(14 %) se dit en situation d’épuisement professionnel et près d’un sur quatre
(24 %) en état de tension au travail. L’étude se fonde sur le questionnaire dit
« de Karasek », un outil utilisé pour évaluer la situation des salariés du
privé lors de l’enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions aux
risques professionnels) en 2003. Quelque 12 % de « tendus » au travail chez
les cadres, 23 % sur l’ensemble des salariés, ce sont les résultats répertoriés
par cette enquête, qui, comparés à ceux obtenus chez les enseignants, n’en
font pas vraiment des privilégiés.
Souffrir de tension au travail, c’est la conjugaison d’une faible latitude
décisionnelle et d’une forte demande psychologique, autrement dit un
manque de liberté et de marges de manœuvre associé à une dépendance, un
manque de temps et une quantité de travail importante. Un état d’autant
plus aggravé par un manque de soutien social. Quant à l’épuisement, il
mène tout droit à la dépression, ou, pire, au suicide.
En somme, l’environnement de travail des enseignants s’est détérioré.
Autrefois respecté et admiré, le professeur est aujourd’hui dévalorisé,
critiqué, voire devenu le bouc émissaire d’un système qui ne fonctionne
plus. Problèmes de discipline, violences de la part des élèves, décalage
entre les attentes des parents et réalités des résultats scolaires de leurs
enfants, l’enseignant est rapidement désigné comme le principal
responsable. Certes, les conditions sont plus difficiles dans certains
établissements que d’autres, mais globalement la mise en cause du
professeur est la même. Pire, la moindre difficulté ou fragilité déclenche
plutôt la critique, la culpabilisation que le soutien. Ainsi, cette jeune
enseignante qui après une première année de stage mit fin à ses jours avait
reçu, selon le recteur de l’académie de Grenoble, « un soutien
exceptionnel » avec « un nombre de visites dans sa classe bien supérieur à
celui des autres stagiaires ». L’enseignante elle-même se désolait qu’à
chaque visite on lui trouve quelque chose qui n’allait pas.
Se suicide-t-on davantage dans l’Éducation nationale ? Aucune
statistique n’existe à ce sujet, même si le ministère admet que 54 suicides
« dans les murs » ont été recensés officiellement en
2009 sur 850 000 enseignants. Quant à la MGEN, elle reconnaît
« accompagner » 15 000 personnels de l’Éducation nationale par an. Parmi
eux, « 6 000 bénéficient d’un tête-à-tête avec un psychologue ».
D’ailleurs, les enseignants disposent d’une clinique psychiatrique
particulière (l’Institut Marcel-Rivière, créé en 1959), bien connue de tous
sous la dénomination « La Verrière », un signe que la maladie mentale ou
du moins la dépression guette plus particulièrement la profession !
Pourtant, selon une étude de la MGEN « la morbidité psychiatrique de
cette profession n’est pas plus élevée alors que la détresse professionnelle y
est très élevée ». Comment l’expliquer ? Les enseignants seraient capables
de mettre leur environnement professionnel à distance, notamment durant
leurs vacances !
Mais pour autant le métier suscite de moins en moins de vocations : en
neuf ans, le nombre de candidats présents au concours de recrutement a
chuté de 70 %…
Les profs ne travaillent que de 15 à 18 heures
par semaine

Avec leurs 18 heures de cours par semaine, les profs travaillent


bien moins que la majorité des salariés. FAUX

Le temps de travail des enseignants en fait fantasmer plus d’un. Avec


leur semaine réduite à 15 ou 18 heures de présence, autrement dit pas mal
de temps libre, les profs font des envieux quand ils ne suscitent pas la
critique. Certes, ils sont mal payés, mais ce n’est que justice, ils travaillent
moins que les autres ! En fait, chacun sait bien que le métier comporte
d’autres charges, des copies à corriger, des cours à préparer, mais cela
prend-il vraiment tant de temps ? Difficile de répondre précisément compte
tenu des disparités individuelles. Les uns, plus efficaces (ou moins
consciencieux) que d’autres, se débarrassent d’un paquet de copies en deux
temps trois mouvements, d’autres resservent le même cours pendant dix
ans, sans compter que copies et préparations ne demandent pas le même
investissement au collège et au lycée.
Toutefois, en 2002, une enquête très sérieuse du ministère de
l’Éducation a tenté de répondre à l’épineuse question. Réalisée sur un panel
de 806 enseignants du second degré, dont 601 à temps complet, elle évalue
leur temps de travail hebdomadaire à 39 h 47 en moyenne, dont 20 h
27 hors enseignement. Si en moyenne ils effectuent 19 h 20 de cours, le
reste est essentiellement effectué à leur domicile. Il faut néanmoins prendre
aussi en compte des heures passées dans leur établissement en réunions
diverses, d’autres consacrées au suivi des élèves ou encore aux parents
d’élèves. Le temps de travail diffère légèrement selon que les enseignants
travaillent au collège, au lycée général ou professionnel ; ainsi dans les
lycées, ils déclarent 40 h 40 de travail effectif par semaine. Ils consacrent
environ 8 heures à la préparation, 7 heures aux corrections et 2 heures par
semaine à la documentation. Quant aux vacances, ils en occupent une partie
à préparer des cours, à se documenter, soit sur l’année un total
de 19 à 20 jours. Et les agrégés, avec leurs 15 heures hebdomadaires
d’obligation de service, déclarent travailler plus que la moyenne, soit 41 h
02.

* EPS, arts, musique, etc.


Temps de travail des enseignants selon leur discipline, « Repères et références statistiques 2011 »
(MEN)

Finalement, les enseignants ne chôment pas, ils travailleraient bien au-


delà des 35 heures. D’ailleurs, le rapport de la mission interministérielle sur
le temps de travail dans l’ensemble de la fonction publique en 1999 (rapport
Roché) avait donné des résultats comparables. Il indique même que la durée
hebdomadaire de travail des professeurs de lycée peut aller de 41 heures
à 47 heures pour les disciplines littéraires.
Évidemment, on peut douter de la validité de résultats établis selon les
réponses des principaux intéressés à un questionnaire, mais les différentes
enquêtes donnent des résultats similaires.
Quoi qu’il en soit, le temps de travail d’un enseignant ne se réduit pas à
ses heures de cours et lorsqu’en 1950 un décret fixe un temps de service
de 18 heures hebdomadaires pour les certifiés, il prévoit que pour assurer
une heure de cours le professeur travaille chez lui environ 1,5 heure ce qui
fait un total de 45 heures hebdomadaires (18 fois 2,5 heures). Pourquoi plus
que les 42 heures hebdomadaires alors dues par les autres salariés à
l’époque ? Pour compenser les vacances, du moins les petites.
À l’heure actuelle, plus d’un se propose de lever courageusement le
« tabou » du temps de travail des enseignants, dans l’intérêt des élèves,
ajoutent-ils en général. Pas si sûr que ceux-ci y gagnent avec des
professeurs obligés de réduire leur temps de correction et préparation. Sans
compter qu’à dégrader encore un peu plus leurs conditions d’exercice, les
enseignants vont devenir de plus en plus difficiles à recruter.
Les IUFM formatent les jeunes professeurs

Dans les IUFM, on prêche la bonne parole : les enseignants


reçoivent une formation dogmatique, centrée sur une seule
façon d’enseigner. VRAI (et c’est bien dommage)

Les IUFM ont la peau dure ! Ils résistent à tout, même à leur absorption
par l’université. Loin d’avoir disparu, ils continuent à former des
générations et d’appliquer les méthodes qui leur ont valu tant de critiques.
Première d’entre elles, le formatage. Selon une enquête réalisée par la
Société des agrégés en 2006-2007 auprès de stagiaires, le terme
« dogmatisme » revient sans cesse lorsqu’on les interroge sur leur année de
formation. Troublant de la part de stagiaires qui n’ont jamais enseigné et
qui, à en croire les reportages leur donnant la parole à chaque rentrée
scolaire, sont avides de conseils en tout genre pour « affronter » leur classe.
Pourtant, 64,5 % pensent que la formation en IUFM n’est pas utile
(22,6 %), ou peu (41,9 %). En revanche, la plupart plébiscitent leurs tuteurs,
les enseignants qui les suivent en tant que maîtres de stage (80,6 %
apprécient chez eux « une grande maîtrise de leur discipline » et 83,9 % les
trouvent « bons pédagogues ».)
Certains témoignages sont même édifiants. Celui de Rachel Boutonnet,
dans son livre Journal d’une institutrice clandestine, rapporte jour après
jour comment les IUFM imposent leur conception de l’enseignement :
dogme de la construction des savoirs par l’élève, savoirs disciplinaires
relégués au second plan derrière les savoir-faire et « savoir-être », lourdeur
du formalisme pédagogique – chaque séquence doit être accompagnée
d’une fiche sur laquelle figurent une vingtaine d’items à remplir : objectifs
généraux, spécifiques, tâche de l’élève, du maître, démarche adoptée,
compétences attendues, compétences à travailler… un pensum plus long à
préparer que le cours destiné aux élèves. Pas de liberté pédagogique, pas
même la confrontation de différentes pratiques ou conceptions de l’école.
Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les mémoires professionnels
réalisés par les stagiaires et mis en ligne sur les divers sites des IUFM. Les
sujets sont très majoritairement choisis parmi les thèmes des sciences de
l’éducation, rarement dans la discipline du candidat. Quant à leur contenu,
il reflète la pensée unique qui sévit, pas un ne met en avant une façon
d’enseigner fondée sur la transmission des connaissances. Une unanimité
qui contraste avec la diversité des conceptions et les nombreuses critiques
adressées aux méthodes constructivistes, révélatrices de l’état d’esprit qui
règne dans les IUFM.
Malgré ses inconvénients, cette pensée unique à la sauce IUFM n’est-
elle pas un gage d’efficacité ? Avant la « mastérisation », alors que le
passage par l’IUFM n’était pas obligatoire, Pedro Cordoba, codirecteur du
département de langues romanes de l’université de Reims, s’était livré à un
exercice instructif en répertoriant l’origine des candidats réussissant le
Capes, pour quatre années consécutives (de 1995 à 1998). Alors que le
nombre d’admis avait baissé de 17,67 % pendant cette période, la
proportion des reçus après une année de formation en IUFM diminuait
de 24,36 %, tandis que celle des candidats libres augmentait de 0,26 %.
Pour réussir, mieux valait ne pas passer entre les mains des IUFM ! Ceux-là
mêmes qui se targuent de professionnaliser le métier d’enseignant devraient
commencer par professionnaliser leur pratique.
Les IUFM infantilisent les jeunes professeurs

Infantiliser est une vieille technique pour mieux manipuler, les


IUFM l’ont bien compris. VRAI

Historiquement, le métier d’enseignant se concevait comme une


profession intellectuelle, une façon de considérer que la réussite à des
concours sélectifs organisés par des jurys d’universitaires donnait une
crédibilité dans un des domaines du savoir. L’enseignant incarnait le modèle
de l’« homme cultivé » et à ce titre était censé transmettre cette culture à ses
élèves. Évidemment, ce modèle entraînait une certaine distance entre le
maître et l’élève, tous les deux séparés par le « mur de la culture ». Mais
face à des enseignants passionnés, plus d’un avait envie de le franchir.
Le passage des futurs enseignants par les IUFM, créés en 1991, a
fortement changé la donne. « Infantilisation » est avec « dogmatique » un
des reproches le plus souvent formulé au cours de l’enquête menée par la
société des agrégés déjà citée. Les IUFM ne s’adressent plus à de jeunes
professeurs stagiaires sortis de l’université après quatre à cinq ans d’études,
mais à des individus dont le bagage intellectuel, considéré comme une
charge, s’oppose à la finalité des IUFM : la professionnalisation. Ce terme
donne a priori envie d’adhérer : qui ne voudrait pour ses enfants des
enseignants « professionnels », c’est-à-dire, du moins le croit-on,
compétents et sérieux ? Mais « professionnalisation » signifie tout autre
chose : une somme de règles et de comportements inculqués dans les IUFM
et que le futur enseignant est sommé d’adopter, d’une part s’il veut faire
réussir ses élèves, du moins le prétend-on, d’autre part s’il veut obtenir sa
titularisation.
Pour bien signifier que la formation universitaire n’a plus aucune
importance, bon nombre de cours sont regroupés indépendamment de la
discipline enseignée (mais prof de maths et de français, est-ce si différent ?)
ou du niveau enseigné (mais faire cours en CP ou en classe de terminale,
c’est le même métier, non ?).
Quelques exemples de modules dispensés dans les IUFM en disent
long. Facilement accessibles sur leurs sites internet, on peut par exemple
trouver sur celui de Créteil « Corps et voix » (« Ce travail permet un pas de
côté constructif, et à condition de ne pas brûler les étapes et d’en respecter
les rythmes, il constitue un outil performant de professionnalisation pour les
enseignants ») ou « Maîtrise de la langue en situation de communication »
(il ne s’agit pas de la langue de l’élève, mais bien de celle du professeur
puisqu’il est précisé : « Maîtriser la langue française pour enseigner et
communiquer »). Plusieurs livres témoignent de ces dérives, le plus connu
est celui de Rachel Boutonnet, mais on peut aussi citer La Ferme aux
professeurs de François Vermorel, dont le titre dit tout, sans parler de la
multitude de sites, blogs ou témoignages sur les forums, dont cet exemple à
propos du stage « Corps et voix » : « Eh bien, les formateurs (car ils étaient
deux) nous ont fait faire la ronde trois fois dans la même journée, nous ont
fait nous masser le ventre les uns les autres (je ne vous raconte pas le
malaise de certaines filles… et je peux les comprendre), nous ont passé des
vidéos qui n’avaient rien à voir avec le sujet, etc. » Combien d’heures
passées à écouter, selon les témoignages de multiples enseignants, des
bavardages coupés de la pratique et totalement inutiles ? De deux choses
l’une, ou ces « séances de rééducation » sont efficaces et que l’on ne
s’étonne plus de la perte d’autorité des enseignants, ou elles restent sans
effet et risquent de susciter un sentiment désabusé.
On jargonne dans les IUFM

Pour être prises au sérieux, les sciences de l’éducation utilisent


un vocabulaire abscons que les IUFM imposent aux futurs
enseignants. VRAI

Apprenant (élève), médiateur des apprentissages (professeur),


évaluation sommative (notes de devoirs), évaluation formative (s’oppose à
l’évaluation normative), évaluation normative (résultat individuel comparé
aux résultats du groupe), évaluation diagnostique (pour savoir ce que savent
les élèves), répertoire cognitif (ensemble des cognitions), cognition (qui
constitue le répertoire cognitif), éducabilité (principe selon lequel on fait
l’hypothèse qu’un individu est susceptible de progresser), conflit
sociocognitif, inappétence scolaire, métacognition… la liste des termes
employés par les sciences de l’éducation est un puits sans fond.
Aucun doute, les IUFM, usines à jargon, produisent un novlangue dont
aurait pu s’inspirer Orwell. L’ex-ministre Claude Allègre avait popularisé la
notion de « référentiel bondissant », désignant un ballon, une expression
grotesque s’il en est. Dans un livre-interview mené par Laurent Joffrin, il
expliquait : « Dans une leçon de pédagogie, on a pu écrire qu’il faut
toujours garder en cohérence le système de coordonnées personnelles avec
le référentiel bondissant. Ça veut dire : en foot ou en basket, il faut savoir
où est le ballon. » Expert en double langage, l’ex-ministre oubliait un peu
vite qu’il avait œuvré à la propagation de ce sabir ridicule, d’abord
en 1991 en participant à la création des IUFM et, avec eux, à l’entrée en
force des sciences de l’éducation. Convaincu de leur importance, à peine
nommé ministre, en 1997, il s’empressait de confier à Philippe Meirieu la
direction d’une commission chargée de préparer la réforme des lycées puis
le nommait à la tête de l’INRP (Institut national de la recherche
pédagogique), en 1998. Aurait pu mieux faire pour combattre le novlangue
dans l’Éducation nationale ! Précisons au passage qu’après la sortie du
livre, Luc Cédelle, journaliste au Monde de l’éducation, enquêta pour
trouver l’origine de cette expression… le « référentiel bondissant »… et
n’en trouva pas. Également interrogés, Gilles Klein, maître de conférences à
l’université Paul-Sabatier de Toulouse et ancien président du groupe de
travail disciplinaire (à l’origine des programmes) d’éducation physique et
sportive, et Alain Hébrard, doyen de l’inspection générale d’EPS, ex-
conseiller de Claude Allègre pour le sport, n’en avaient jamais entendu
parler, ni d’autres spécialistes de la discipline d’ailleurs. Bref, pourquoi
sortir d’on ne sait où une expression nulle part employée alors que les
documents des IUFM en regorgent ?
Le sens de ce langage, Orwell nous l’explique dans son roman 1984,
lorsqu’il fait dire à Syme, collègue de Winston, et chargé du dictionnaire de
novlangue : « Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de
restreindre les limites de la pensée ? À la fin nous rendrons littéralement
impossible le crime par la pensée, car il n’y aura plus de mots pour
l’exprimer. » Le langage des sciences de l’éducation repose sur les mêmes
ressorts. Il est moins facile de sanctionner le travail d’un apprenant (qui
apprend !) que celui d’un élève, tout comme le professeur tente moins de
transmettre des savoirs une fois devenu « médiateur des apprentissages ».
Mais l’effet est sans doute encore plus redoutable sur les professeurs
stagiaires, tétanisés par ce verbiage. Ils n’y comprennent rien mais savent
que son usage est une condition pour leur titularisation de fin d’année. Si
plus d’un s’en amuse et reproduit les perles sur les innombrables blogs qui
les collectionnent, d’autres, déstabilisés en raison des enjeux, avalent
docilement et assimilent. Pour eux, « la pompe est amorcée », ils répandront
avec un zèle sans égal, en petits soldats bien serviles, la prose apprise en
IUFM et les idées qui vont avec.
Les profs sont mal payés

Le salaire des enseignants, inférieur aux salaires du privé, s’est


dégradé depuis plusieurs décennies. VRAI

Personne n’ose dire sérieusement que les profs sont bien payés, alors
d’aucuns ajoutent « par rapport à ce qu’ils font ». Une comparaison du
salaire des enseignants entre pays différents ou encore avec celui d’autres
professions de même niveau de qualification réserve quelques surprises.
Dans « Regards sur l’éducation 2011 », l’OCDE indique d’emblée que
« le salaire des enseignants varie fortement entre les pays ». Une règle à peu
près commune est qu’il augmente avec le niveau d’enseignement, du
primaire au secondaire, + 30 % en Belgique, + 50 % au Luxembourg…
mais pas en France, depuis la loi Jospin de 1989 qui a aligné salaire des
instituteurs et celui des professeurs certifiés. Néanmoins, d’autres pays se
trouvent dans le même cas de figure que la France : Chili, Corée, Japon,
Turquie…
Dans les pays de l’OCDE, à niveaux identiques de formation, le salaire
des enseignants du primaire correspond à 77 % de celui du privé, ce
pourcentage passant à 81 % pour le premier cycle de l’enseignement
secondaire et à 85 % pour le second cycle.
En France, le rapport prend comme référence celui des professeurs
agrégés, pourtant minoritaires au collège, ce qui surévalue les salaires dans
la profession. Néanmoins, même dans ces conditions, le salaire correspond
à 80 % de ceux du privé à diplôme équivalent, mais l’écart serait plus
important avec un certifié. Aujourd’hui, les professeurs certifiés finissent
leur carrière (en dehors des échelons de hors-classe, pas atteints par tous)
à 3 047 euros brut et les agrégés à 3 801 euros brut.
Et l’évolution du salaire au cours des dernières années ? Une étude,
« Les traitements des enseignants français, 1960-2004 », parue dans la
Revue d’économie politique, sous-titrée « La voie de la démoralisation ? »,
indique qu’il a baissé d’environ 20 % en vingt-cinq ans, de 1981 à 2004,
pour les professeurs du secondaire et de 9 % pour ceux du primaire.
Ces chiffres ne prennent pas en compte l’augmentation du 1er
février 2012 des professeurs débutants, qui voient leur salaire d’embauche
passer à 2 000 euros brut au lieu de 1 615 euros (plus en réalité, car tous ne
commencent pas au premier échelon, en raison par exemple de
remplacements effectués avant la titularisation).
Mais quid pour la suite ? Comme pour la revalorisation des enseignants
en 1989, elle ne concerne que le début de carrière, ce qui entraînera en
réalité une longue stagnation salariale les années suivantes. Quant aux
enseignants en poste depuis quelques années, et de ce fait pas concernés, ils
regardent leurs nouveaux collègues atteindre en quelques mois le salaire
qu’ils ont mis cinq à dix ans à obtenir. Vous avez dit « motivation » ?
Campagne électorale oblige, les propositions de revalorisation se sont
précisées, mais toujours avec une contrepartie. Reste à savoir si le jeu en
vaut la chandelle. Celle du candidat Sarkozy, proposant aux professeurs
certifiés de devoir 26 heures (s’agit-il de cours en totalité ou en partie ?) au
lieu des 18 heures actuelles, avec à la clé une augmentation de 500 euros
(sur un salaire de départ de 2 000 euros) a laissé songeur : outre que toutes
les enquêtes montrent que les profs effectuent environ 40 heures de travail
effectif, elle revient à augmenter le salaire de 25 % (ce qui n’est pas rien)
pour un accroissement de la charge de travail de 44 % (tout de même !).
Payés au mérite, les profs seraient plus
performants

En payant plus les enseignants qui travaillent mieux, le système


éducatif va s’améliorer. FAUX

Pour les partisans du « salaire au mérite », il ne s’agit pas seulement


d’une récompense, mais avant tout d’une pratique managériale, censée
motiver les enseignants et finalement améliorer le système éducatif. Le
salaire au mérite pose au moins deux questions : est-ce efficace ? Est-ce
compatible avec le système scolaire ?
Aucune étude n’a jamais montré une quelconque efficacité du salaire au
mérite ni à vrai dire prouvé le contraire. Aux États-Unis, des États, comme
celui de New York, ont instauré récemment un système controversé de
prime pour les meilleurs enseignants, dont personne n’a pour l’instant
montré les retombées positives, hormis pour les quelques heureux
bénéficiaires. Évidemment se pose d’emblée la question des critères
d’attribution de la prime. Dans les pays anglo-saxons où elle a été instaurée,
le reproche est toujours le même, celui d’une prime à la tête du client.
Même dans les entreprises, où il est pourtant souhaité semble-t-il, le salaire
au mérite fait grincer les dents, comme l’indique un article du magazine
L’Express daté du 18 septembre 2008, dans lequel on peut lire :
« L’individualisation des salaires ne tient pas ses promesses sur le terrain.
Augmentations “à la tête du client”, faiblesse de la manne à distribuer qui
entraîne un effet de saupoudrage. » Bref, dans le privé, le système ne
semble pas être la panacée et, appliqué au public – aux valeurs et objectifs
bien différents –, on ne voit pas pourquoi il marcherait mieux. Avec le
risque d’effets pervers, cela pour plusieurs raisons.
Ministres et autres responsables ne se sont sans doute pas demandé ce
qui motive un enseignant dans son travail avant de proposer ce système de
salaire au mérite. Certainement pas l’argent ou il aurait choisi un autre
métier, non ? Ce qui évidemment ne l’empêche pas de vouloir être mieux
payé. Si l’on comprend qu’un commercial parte négocier un contrat, motivé
par la prime conséquente qui l’attend, peut-on un instant imaginer un
professeur de philosophie préparant son cours sur Platon, ou son collègue
de physique mettant au point son TP sur l’électricité, en pensant à la prime
qu’il voudrait décrocher en fin d’année ? C’est absurde, ce qui les motive
pendant leur cours, c’est l’envie et le plaisir d’enseigner. On rétorquera que
plus d’un a perdu – ou n’a jamais eu – cette envie et ce plaisir, cela est peut-
être vrai, mais qui oserait prétendre qu’une prime les leur ferait retrouver ?
Et c’est la même chose pour ceux qui n’y arrivent pas. Dit autrement, qui
peut croire qu’un enseignant considéré comme « mauvais prof » va devenir
bon ou même moyen avec l’illusion de cette prime ? D’ailleurs, la prime au
mérite est incompatible avec les principes d’un service public de
l’éducation. Elle ne se partage pas, elle met en compétition les enseignants
les uns avec les autres. Et alors, diront certains, habitués à vivre cette
compétition quotidiennement au sein de leur entreprise ? Parce qu’ici, elle
revient à instaurer une compétition au détriment des élèves. Mes élèves
doivent êtres meilleurs que ceux de mon collègue, pensera un enseignant.
« Mes élèves » est antinomique d’une institution scolaire qui a pour rôle de
faire réussir tous les élèves. Il ne s’agit pas d’un égalitarisme forcené, ce
n’est pas le résultat atteint, certains plus travailleurs ou plus doués
réussissent mieux, c’est en revanche l’objectif de l’institution de les faire
réussir tous. Avec la prime au mérite, on ne travaille plus pour ses élèves
mais pour soi.
Les profs ont trop de vacances

Pendant que les profs sont en vacances, les élèves se


morfondent. Il faut raccourcir les vacances des enseignants.
FAUX

« Connaissez-vous un service public fermé 200 jours par an ? » C’est


par cette formule accrocheuse que le député Yves Jégo lance la polémique
sur son blog. Premiers visés, les enseignants et leurs trop longues vacances,
sujet fédérateur s’il en est. Car si les profs passent pour des privilégiés, c’est
notamment pour leurs vacances. Le petit sourire entendu qui accompagne la
question « Encore en vacances ? », pas un prof n’y échappe. À la vérité,
oui, les profs ont exactement de 14 à 15 semaines de vacances : 1,5 à la
Toussaint, 2 à Noël, 2 en hiver, 2 au printemps et, selon leur participation
aux examens, de 7 à 8 semaines en été. Ces vacances correspondent à celles
des élèves, fixées selon l’article L 521-1 du Code de l’éducation : « L’année
scolaire compte 36 semaines au moins, réparties en cinq périodes de travail,
de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacances des
classes. » Comparée à la durée moyenne des congés, 5 semaines toutes
professions confondues, la situation des profs semble à première vue très
enviable !
Est-elle d’abord exceptionnelle ? Selon le rapport de l’OCDE « Regards
sur l’éducation », la moyenne du nombre de semaines d’enseignement, tous
pays confondus, serait de 38 semaines. Quant aux vacances d’été, elles
durent 9 semaines dans plusieurs pays européens et parfois plus,
12 semaines en Italie et 10 en Finlande, mais parfois moins, comme en
Grande-Bretagne et en Allemagne, avec 6 semaines. Un modèle observé
avec intérêt par Luc Chatel, alors ministre, qui avait confié la rédaction
d’un rapport au « comité de pilotage des rythmes scolaires ». Sans surprise,
ce rapport préconise une réorganisation de l’année scolaire : des vacances
d’été raccourcies de 2 semaines, et un allongement de 3 jours du congé de
Toussaint, une réforme liée, selon le ministre, à « la réussite scolaire de
chaque élève ». Pas moins !
Faut-il vraiment raccourcir les vacances d’été ? Raisons le plus souvent
invoquées : les élèves s’ennuient, nombre d’entre eux ne partent pas en
vacances, les parents ne savent pas quoi en faire. Peut-être, mais
supprimer 2 semaines d’été pour les remplacer par quelques jours de plus à
la Toussaint, cela risque de ne pas faire l’unanimité ! Tout le monde n’en
profitera pas de la même façon, quant à l’organisation de vacances estivales
en famille, on imagine le casse-tête. En vérité, les familles passeront outre
et les professeurs feront cours, ou plutôt animeront des classes à moitié
vides.
Car les vacances des profs sont aussi celles des élèves et si leur raison
d’être s’est modifiée avec les transformations de la société, elles
correspondent à son évolution. Les vacances d’été, autrefois liées aux
besoins des travaux agricoles, duraient du 15 juillet au 30 septembre. C’est
à partir de 1955 qu’elles débutent au 1er juillet, avec la généralisation des
congés payés et le développement du tourisme. La rentrée se fait alors mi-
septembre, puis plus tôt, dans les années 1980, avec l’allongement des
vacances de février, consacrées aux sports d’hiver.
Mais pour revenir à la question du privilège des profs, ils passent aussi
une partie de leurs vacances à travailler. Difficile à vérifier, objectera-t-on,
pourtant la préparation des cours et la correction des copies empiètent
obligatoirement sur leur temps libre.
Il faut augmenter le temps de présence des
profs dans les établissements

Travailler 15 ou 18 heures, c’est trop peu, les enseignants


doivent rester plus longtemps dans leur établissement. FAUX
(sauf si l’on veut leur demander autre chose qu’enseigner)

Le temps de présence des enseignants dans les établissements est un


serpent de mer qui fait régulièrement surface. Rapport Meirieu en 1998,
rapport Thélot en 2004, proposition des candidats Ségolène Royal
en 2007 et Nicolas Sarkozy en 2012, et bien d’autres encore. Les chiffres
sont connus, les enseignants du secondaire doivent 15 ou 18 heures de
cours, le reste de leur temps de travail étant occupé à la préparation des
cours et aux corrections de copies. Augmenter le temps de présence des
enseignants dans les établissements, oui mais pour quoi faire ? Des bureaux
seront construits, assure-t-on afin que les enseignants puissent travailler sur
place et recevoir les parents. L’argument n’est pas très sérieux : pourquoi
l’État, dont on nous dit qu’il est au bord de la faillite, irait-il investir des
sommes considérables pour construire puis entretenir des locaux afin que
les enseignants n’y fassent rien d’autre que ce qu’ils font déjà chez eux ?
D’ailleurs, quiconque connaît un peu la configuration et le fonctionnement
de la plupart des établissements scolaires sait bien qu’il n’y a pas de place
pour la construction de bureaux.
Si l’on demande aux enseignants d’augmenter leur temps de présence
dans les établissements, c’est pour qu’ils se trouvent alors devant les élèves.
Pourquoi pas à vrai dire, à condition de poser honnêtement les données du
problème et les changements que cela impliquera pour l’enseignement et les
élèves.
Tous ceux qui ont proposé une augmentation du temps de présence des
enseignants dans les établissements demandaient en même temps un autre
modèle éducatif. Par exemple, le rapport Thélot de 2004, qui suggérait une
augmentation de 4 à 8 heures de plus par semaine, proposait la création de
nouvelles structures au sein des établissements, constituées notamment
d’enseignants, les « conseils de la communauté éducative » ou la « direction
des études », mais aussi de nouvelles tâches : « la coordination de la
personnalisation des apprentissages » (sic !), « la coordination de
l’éducation aux choix et de l’orientation », « l’organisation des relations
avec les parents », « l’accueil des professeurs arrivant dans
l’établissement »… et d’autres encore. Au-delà du caractère ubuesque de
certaines formulations, est-ce vraiment de cela qu’ont besoin les élèves ?
D’autres propositions, plus pragmatiques, proposaient le remplacement des
enseignants absents –est-il besoin d’effectuer (et de payer) de 4 à 8 heures
supplémentaires chaque semaine pour un éventuel remplacement qui se
produira une ou deux fois dans l’année – ou plus sérieusement l’aide aux
élèves en difficulté. Qu’il existe des structures d’aide au sein des
établissements, l’idée se défend, mais il est bien évident que lorsqu’un
enseignant aide un élève, il ne s’occupe ni de préparer ses cours ni de
corriger ses copies. Et si l’on veut demander aux professeurs de faire autre
chose, se transformer en super-animateurs par exemple, il faut le dire
clairement (ce que l’on ne fait pas) et s’interroger sur les conséquences : les
élèves seront-ils mieux préparés pour leurs études supérieures ?
Le métier d’enseignant doit changer

Pour venir à bout de l’échec scolaire, il ne reste plus qu’une


solution : changer la définition du métier d’enseignant. FAUX

L’école française n’est plus la meilleure du monde, loin s’en faut, et


malgré – ou à cause – des réformes successives l’échec scolaire gagne du
terrain. Pourtant, le remède est à portée de main, ils sont plusieurs experts à
le préconiser : le métier d’enseignant doit changer. L’image du professeur
donnant quelques heures (15 ou 18) de cours magistral du haut de son
estrade, puis s’éclipsant rapidement après avoir délivré sa science, a fait
long feu.
Pour lutter contre l’échec scolaire, il faut des enseignants qui restent sur
place, disponibles pour offrir un soutien personnalisé, nécessaire aux élèves
en difficulté. Au passage, ils assureraient une présence adulte renforcée
dans des établissements dépourvus de surveillance, pourraient recevoir les
parents et organiser entre eux les réunions de concertation utiles au suivi
des élèves. En somme une sorte de super « service après-vente »
garantissant le bon fonctionnement du service public de l’Éducation
nationale, entièrement à l’avantage des usagers dudit service, les élèves et
leurs familles.
Néanmoins « repenser le métier des enseignants », ce n’est pas
seulement leur demander de travailler plus, mais profondément modifier le
sens même du métier. Accomplir ces nouvelles tâches, accueil, suivi,
surveillance, autrement dit ne pas enseigner, demande néanmoins du temps.
Il faudra bien le prendre, au détriment de la préparation des cours et de la
correction des copies. La solution s’impose d’elle-même : simplifier !
Utiliser au maximum les QCM, les fiches toutes faites avec des exercices à
trous ou les exercices corrigés automatiquement par des logiciels évitera de
passer des heures à lire et à corriger des copies. Quant aux cours, il en
existe des préformatés accessibles sur des serveurs en ligne. Moderne ! Peu
importe qu’on les maîtrise plus ou moins ou que l’on y ait réfléchi
suffisamment, il suffira de les resservir tels quels.
L’enseignant « nouvelle formule » n’a finalement plus grand-chose à
apporter aux élèves qu’ils ne soient capables de trouver par eux-mêmes.
Son rôle se réduit à celui d’une présence humaine bienveillante, qui
accompagne les élèves, plus attentive à leurs problèmes qu’à leur formation
intellectuelle. Simplifier celle-ci à l’extrême, c’est un choix, mais encore
faut-il qu’il soit présenté clairement. Faire croire aux familles qu’elles ont
tout à y gagner, que chaque élève sera pris en charge par un répétiteur
particulier qui le guidera sur la voie de la réussite scolaire, c’est un leurre.
Certes, l’idée de structures d’aide au sein des établissements se défend,
mais il est bien évident que lorsqu’un enseignant aide un élève, il ne
travaille plus pour les autres. Sous l’apparence trompeuse d’un temps plus
grand consacré à chacun, il s’agit en réalité de réduire un peu plus celui
employé à l’instruction de tous.
Les profs sont souvent absents

Entre les jours de grève et les stages, sans compter les arrêts
fréquents, les professeurs font partie des salariés qui
s’absentent le plus. FAUX

Lorsque Claude Allègre, alors ministre de l’Éducation nationale, lance à


la rentrée 1997 : « Il y a beaucoup d’absentéisme dans l’Éducation
nationale, et il faut mettre fin à cela. 12 % d’absentéisme, c’est beaucoup
trop », il fait un tabac ! Pour soigner sa popularité, dénoncer les absences
des enseignants est un must. Pourtant, avant d’engager la polémique, le
ministre aurait pu se renseigner auprès de ses propres services qui font état
de chiffres bien différents : dans le premier comme le second degré, le taux
global d’absentéisme tourne autour de 6 %, congés de maladie et de
maternité compris. D’ailleurs, le ministre admettait par la suite des absences
finalement moins nombreuses (8 % puis 3 %) et s’en attribuait même le
mérite. Quant à la FCPE, fédération de parents d’élèves, elle affirme
chiffres à l’appui qu’un élève aurait perdu au cours de sa scolarité
l’équivalent d’une année de cours du fait d’absences de ses professeurs.
Alors qu’en est-il réellement ? Selon une étude de l’Insee menée
entre 1991 et 1999, le « taux d’absence pour maladie ou accident » chez les
professeurs serait de 1,6 %, contre 3 % pour l’ensemble des salariés
et 2,2 % pour les cadres de la fonction publique. On se demande alors sur
quelles bases se fondent certaines annonces tonitruantes, relayées par
différents médias, selon lesquelles les enseignants s’arrêteraient deux fois
plus que les salariés du privé. Pour Claude Allègre lui-même, une
explication simple était toute trouvée, celle de la féminisation du métier,
responsable d’une inflation de congés de maternité !
En réalité, tout est dans l’interprétation des chiffres. Lorsque des
enquêtes menées par l’IGEN et l’IGAEN, sur 913 établissements (lycées,
collèges et lycées professionnels), concluent que 13 % des heures dues aux
élèves ne sont pas assurées par l’enseignant de la classe, elles
comptabilisent aussi les heures de cours perdues durant les examens !
Quoi qu’il en soit se pose le problème du remplacement des professeurs
absents, problème épineux dans un contexte de crise. Annoncée à grands
frais par le ministre Xavier Darcos, l’idée d’une agence de remplacement a
finalement fait long feu. Mais le problème est devenu de taille, car pour
compenser le non-remplacement des fonctionnaires partis à la retraite, le
ministère a puisé sur le stock des titulaires remplaçants afin de les réaffecter
sur des postes fixes… au détriment des remplacements à venir. Cette
gestion du système pour le moins hasardeuse jette un certain discrédit sur la
profession et lèse les élèves qui se retrouvent sans enseignant, sauf si le
rectorat réussit à recruter, par petites annonces à Pôle emploi, par exemple,
un remplaçant débutant. Alors les parents d’élèves se démènent, font
condamner l’État pour défaut de continuité du service public, créent des
sites internet pour recenser les absences des professeurs. Quant aux
remplaçants, en nombre insuffisant, travaillant souvent dans des conditions
difficiles sur plusieurs établissements, affectés sur des zones de plus en plus
étendues, ils sont finalement plus souvent absents que les titulaires !
Trop de profs ne sont pas devant les élèves

Au lieu de créer des postes de professeurs, il serait plus


rationnel de les faire tous réellement travailler. Car plusieurs
d’entre eux sont payés à ne rien faire. FAUX

Des professeurs payés à paresser, l’insinuation ne risque pas de passer


inaperçue ! Aussi lorsqu’en 2005 la Cour des comptes lance un pavé dans la
mare avec un chiffre choc, « 97 500 enseignants se trouvent sans classe »,
sur un total de 803 000 entre le primaire et le secondaire, l’info est
largement relayée dans les médias. En prenant connaissance du « dossier
explosif des profs qui n’enseignent pas » (Le Figaro) on découvre que
certains se reposent aux frais du contribuable. Mais la réalité, plus
complexe, est détaillée par un rapport de 2005 de la commission des
finances sur le budget de l’enseignement scolaire. Il ne s’agit pas réellement
de 97 500 enseignants, en tant que personnes physiques, mais d’un volume
d’heures correspondant à 97 500 équivalents temps plein (ETP). Et ces
heures concernent des situations extrêmement variées. De celles-ci, on peut
déjà décompter 21 000 ETP non payés par l’Éducation nationale,
dont 14 000 en disponibilité et 7 100 en service détaché hors enseignement
auprès d’organismes divers. Pour 26 500 autres ETP, il s’agit de cours
donnés en IUFM, en formation pour adultes, en prison, ou encore à
l’étranger. À ces « professeurs sans classe » mais qui enseignent s’ajoutent
encore 18 000 ETP comprenant les décharges de direction d’école
(7 050 ETP), celles de conseillers pédagogiques (3 350 ETP), certaines
missions administratives ou encore l’enseignement à distance (650 ETP).
Au final, il reste 32 000 enseignants « inoccupés » sur les 97 500 initiaux,
ce qui représente quand même 4 % des effectifs ! Mais là encore c’est un
grand pêle-mêle d’heures diverses et variées, comprenant aussi bien
l’animation d’une association sportive (1 700 ETP), des situations d’emploi
apparemment justifiées selon la Cour des comptes, telles les décharges
syndicales (1 400 ETP) et d’autres décharges d’heures, une « zone grise »
pour la Cour des comptes. Il s’agit, par exemple, de celles données aux
professeurs des classes préparatoires (4 330 ETP), ou encore d’une heure
décomptée aux professeurs de lycée qui donnent plus de six heures de cours
dans une classe à examen, une façon de compenser le surcroît de travail,
tant en correction de copies qu’en préparations. En somme, des enseignants
qui, loin d’être sans classe, enseignent !
En 2005, on comptait néanmoins 9 500 ETP de remplaçants inoccupés
(avec de fortes disparités selon les académies, le taux variant de 7,7 % à
Rennes à 46,3 % à Bordeaux et 94,8 % en Guyane). Étonnant, lorsque l’on
sait que l’Éducation nationale embauche des vacataires, voire des retraités,
pour faire face à la pénurie de remplaçants. Par ailleurs, ces chiffres
prennent en compte un volume d’heures sur l’année pour l’ensemble des
remplaçants, mais celui qui passe l’année entière sans classe n’existe pas !
En revanche, il peut avoir des « trous » entre deux remplacements, car les
enseignants ne peuvent exercer que dans leur discipline et leur zone
géographique.
Dernière catégorie de « fainéants », les 1 900 ETP correspondant à des
surnombres disciplinaires, c’est-à-dire des professeurs au service incomplet,
notamment en allemand et russe, une situation qui s’explique par la
désaffection pour ces matières.
Les profs sont de gauche

Taux de syndicalisation supérieur à la moyenne, jours de grève


à répétition, aucun doute, les profs sont de gauche. VRAI (mais
comme dans les vieux couples, les liens se distendent)

Le 21 avril 2002, les résultats du premier tour de l’élection


présidentielle firent l’effet d’un coup de tonnerre : le candidat Lionel Jospin
arrivait seulement en 3e position, avec le maigre score de 16,18 %,
dont 19 % réalisés chez les enseignants. Ce différentiel de voix, moins
de 3 % entre le vote de l’ensemble des Français et celui des enseignants, le
plus faible parmi tous les candidats de gauche (extrême gauche non
comprise), révélait un malaise au sein de la profession.
Les attaques du ministre Claude Allègre y étaient bien sûr pour
beaucoup, mais, au-delà, c’était bien une politique, poursuivie d’ailleurs par
son successeur Jack Lang, dans laquelle les enseignants ne se retrouvaient
plus. D’ailleurs, le différentiel le plus fort revenait à Jean-Pierre
Chevènement (+ 9,5 %), le candidat de gauche le plus critique sur la
politique éducative du gouvernement Jospin. Alors plus de gauche, les
profs ? La totalité des candidats de gauche, en y incluant les écologistes,
comptabilisait 70 % de leurs suffrages. Les profs restaient de gauche mais
ne votaient plus les yeux fermés pour le candidat socialiste.
En 2007, Ségolène Royal, avec 31 % des suffrages des enseignants au
premier tour, retrouvait une partie des brebis égarées (+ 5 % par rapport à
l’ensemble des Français), mais on était loin du différentiel de François
Bayrou (+ 13 %), qui, avec 27 % du vote enseignant, n’était pas si loin
d’elle, tandis que le total gauche, extrême gauche et écologiste n’était plus
que de 50 %. La peur d’un 21 Avril bis avait sans doute ramené une partie
des enseignants vers la candidate socialiste, qui pourtant était encore loin de
faire le plein des voix, ses propos sur le temps de travail des enseignants et
le souvenir de son passage comme ministre déléguée à l’Enseignement
scolaire (1997-2000) n’ayant pas laissé que de bons souvenirs dans la
profession. Mais, fait notable, une partie de l’électorat manquant s’était
portée en nombre significatif non pas sur les autres candidats de gauche et
d’extrême gauche mais sur le centriste, François Bayrou.
Et en 2012 ? Selon une enquête Ifop-Le Monde menée du 13 au
15 février 2012, pour le premier tour, 46 % des enseignants interrogés
comptaient voter pour François Hollande (+ 16 % par rapport à l’ensemble
des Français) et 10 % pour Jean-Luc Mélenchon (+ 2 %), avec un total de
toutes les gauches de 61,5 %. François Bayrou récoltait 19 % (+ 8,5 %)
d’intentions de vote et Nicolas Sarkozy 12,5 % (– 13 %), alors qu’il en
recueillait 19 % au premier tour de 2007. Au second tour, 79 % des
enseignants voteraient pour François Hollande, contre 21 % pour Nicolas
Sarkozy (respectivement 62 % et 38 % pour chaque camp en 2007).
La gauche reprend des couleurs chez les enseignants, mais est-ce pour
elle-même ou par rejet de cinq années de restrictions budgétaires
accompagnées d’une politique éloignée des promesses annoncées par
Nicolas Sarkozy (restauration de l’école républicaine, autorité, savoirs
disciplinaires…) ? La même enquête Ifop a aussi mesuré l’adhésion des
enseignants à différentes propositions. Les idées d’autonomie
d’établissements et de pouvoirs renforcés pour les chefs d’établissement en
matière de recrutement, ouvertement défendues par Nicolas Sarkozy, sont
rejetées sans ambiguïté (par 58 % pour la première et 79 % pour la
seconde), tout comme celle de la présence des enseignants dans les collèges
et lycées en dehors de leurs heures de cours (61 %), des propositions qui,
sans être celles de François Hollande, apparaissent ici ou là, au cours de
différents colloques organisés par le Parti socialiste. Les relations ne vont
pas forcément s’apaiser.
Chapitre 4
Le niveau baisse…
à moins qu’il ne monte

Des notes, pour quoi faire ? Quand le niveau baisse, mieux vaut
casser le thermomètre. Et puisque l’on donne le bac à tout le
monde, autant le supprimer !
Le niveau monte

Avec la massification et l’amélioration des méthodes


pédagogiques, le niveau des élèves s’est amélioré. FAUX

« Le niveau monte » : l’expression pourrait être celle d’un capitaine de


navire face à une avarie. Il n’en est rien, c’est le titre d’un livre sorti
en 1989, par lequel les auteurs, Christian Baudelot et Roger Establet,
sociologues, avaient la volonté de réfuter « une vieille idée concernant la
prétendue décadence de nos écoles », comme l’indique le sous-titre de
l’ouvrage.
Soutenant les réformes qui depuis les années 1970 ont marqué le
système éducatif, les deux auteurs étaient partie prenante dans le débat,
appelant même à encore plus de réformes pour démocratiser le système.
Leur argumentation s’appuyait d’abord sur les résultats des tests du service
national, passés par les conscrits, dont la note médiane était
de 10 en 1967 et de 13,5 en 1982, et sur la permanence depuis 1835 de
l’idée du déclin du niveau scolaire, une idée ressassée à l’envi. Si elle était
avérée, disaient les auteurs, elle aurait abouti à des générations à
l’intelligence toujours plus rabougrie, en contradiction avec les formidables
progrès réalisés durant cette période. Bien vu… sauf que ce type de
raisonnement interdit d’emblée tout jugement critique sur la question.
Autrement dit, le niveau des élèves ne peut pas baisser… donc il ne baisse
pas.
Plutôt que ces joutes rhétoriques, mieux vaut s’en tenir aux faits.
Voyant que, malgré les dénégations de Baudelot et Establet, l’idée d’une
baisse de niveau gagnait du terrain, la direction de l’évaluation et de la
prospective (DEP) du ministère a tenté en 1995 une expérience intéressante,
voulant définitivement tordre le cou à ce qu’elle considérait être une idée
reçue. Aussi a-t-elle mené une étude comparative à partir d’épreuves du
certificat d’études primaires, en français et en maths, passées en 1923,
1924 et 1925 et auxquelles furent soumis 6 000 élèves en 1995. Les copies
des années 1920, conservées dans les archives départementales de la
Somme, et celles de 1995 ont été évaluées à l’aide des mêmes grilles de
correction.
Après moultes circonvolutions de la part de la DEP pour tenter de
montrer qu’il n’y avait pas de baisse de niveau, les masques ont fini par
tomber : pour une dictée d’une dizaine de lignes, les élèves d’aujourd’hui
ont commis 2,5 fois plus de fautes, et ont été 5 fois moins nombreux à n’en
faire qu’une seule ou aucune. Seul avantage aux élèves de 1995 : la
rédaction, pour laquelle ils obtiennent de meilleurs résultats, ce qui
s’explique sans doute par l’importance donnée à cet exercice aujourd’hui,
par contre peu valorisé autrefois.
En calcul, d’après la DEP, près de 70 % des élèves de 1920 proposent
une « démarche correcte et complète » pour résoudre les problèmes
(l’expression est un des codes de correction), contre un tiers des élèves
de 1995. Encore a-t-on pris soin d’écarter toute division à virgule, les seules
posées se faisant pour la plupart de tête.
Les problèmes sont totalement réussis par 61 % des élèves en 1920,
contre 21 % en 1995. Pourtant, le pilier des « nouvelles pédagogies » est
bien de favoriser la réflexion plutôt que le « par cœur ». Sans efficacité,
semble-t-il. On pourrait s’étendre sur d’autres points, y compris le code de
correction, pas franchement à l’avantage des copies d’hier, mais il est sans
doute plus intéressant, quinze ans après, de prendre du recul. Aujourd’hui,
ceux qui affirmaient que « le niveau monte » continuent à le penser mais
conviennent qu’il y a une « crise de l’école »… et appellent d’ailleurs à de
nouvelles réformes. Affirmer que le niveau monte, puis quinze ans après
admettre une crise de l’école, cherchez l’erreur.
Les enfants ne savent plus compter

De plus en plus d’enfants ont du mal à maîtriser les notions


élémentaires de calcul. VRAI

Un nouveau mal semble frapper un nombre croissant d’enfants, au point


qu’un néologisme, l’« innumérisme », a été créé pour le qualifier.
L’innumérisme est le symétrique de l’illettrisme, c’est l’incapacité à réaliser
des calculs, même les plus simples. À en croire des rapports alarmistes, le
phénomène se répand, touchant les écoliers, mais aussi les adultes. Dès le
primaire, les évaluations en mathématiques, dont on sait pourtant qu’elles
ne sont pas faites pour donner une image trop négative, révèlent l’existence
d’élèves en grande difficulté. Au CE1, environ 10 % de l’effectif total est
concerné et, plus inquiétant, la proportion augmente jusqu’en CM2 pour
atteindre 13,5 %. Avec l’innumérisme, selon l’Éducation nationale, les
élèves ne sont « pas en capacité de mobiliser les opérations de base du
calcul et les raisonnements élémentaires sur les nombres », ce qui constitue
aujourd’hui « un handicap social et professionnel majeur, comparable à ce
que représente l’illettrisme pour la maîtrise de la langue ».
Si le constat fait l’unanimité, il reste ensuite à trouver les causes du
problème… et les remèdes. Pour le mathématicien et académicien Jean-
Pierre Demailly, membre du Comité sur l’enseignement des sciences de
l’Académie, les programmes en sont responsables, au moins en partie. Dans
une interview donnée au Figaro le 7 février 2012, l’académicien déplore
que ceux du primaire ne donnent plus de « solides bases de calcul dès le CP,
en proposant une démarche concrète et exigeante », mais pour lui le
problème se retrouve aussi dans les programmes du secondaire, avec des
exigences disciplinaires devenues trop faibles et des volumes d’heures
encore réduits, rappelle-t-il. Il pointe aussi un défaut de formation :
environ 75 % des nouveaux professeurs des écoles sont issus de filières non
scientifiques, regrette-t-il, ce qui remonte en réalité à la réforme
de 1989 avec le recrutement des candidats au niveau licence, quelle qu’elle
soit d’ailleurs. D’où un changement de profil des candidats, déjà spécialisés
alors qu’ils s’apprêtaient à exercer un métier généraliste. La majorité
d’entre eux a un profil littéraire, mais la situation inverse poserait des
problèmes du même ordre.
Évidemment, cela n’explique pas tout, aussi le ministère a-t-il lancé en
janvier 2011 un plan pour renforcer les maths et les sciences à l’école, avec
apprentissage par cœur des opérations élémentaires de calcul, pratique
quotidienne du calcul mental et « un concours revisité pour vérifier la
connaissance et la maîtrise des mathématiques et des sciences » des futurs
professeurs d’école.
Selon Michel Vigier, fondateur de l’Association pour la prévention de
l’innumérisme, l’addition et la soustraction sont les opérations les moins
mal maîtrisées, car utilisées dans la vie courante, dans les jeux par exemple.
Mais les choses se compliquent pour la multiplication et la division. Michel
Vigier donne l’exemple, en cas d’innumérisme, de l’incapacité à indiquer le
chiffre représentant le centième de 153,12, illustration selon lui d’une
absence de compréhension du concept de division. Une opération dont
l’étude menée au CM1 depuis 1882 fut retardée jusqu’à la sixième par les
programmes de 1992, qui précisaient : « La division est une opération en
cours d’acquisition en début de collège. » Trop tard apparemment.
80 % d’une classe d’âge doit avoir le bac

Depuis le milieu des années 1980, le ministère de l’Éducation


nationale s’est fixé l’objectif de 80 % de bacheliers par classe
d’âge. FAUX (mais il essaie tout de même de l’atteindre…)

« 80 % d’une classe d’âge au bac » : rarement un slogan n’aura fait


couler autant d’encre. Annoncé en 1985 par Jean-Pierre Chevènement, alors
ministre de l’Éducation nationale, l’objectif, jamais vraiment démenti, est
resté inchangé jusqu’à aujourd’hui, du moins dans les grandes lignes.
Mais ce slogan, souvent repris de façon erronée en parlant de « 80 % de
bacheliers », concernait bien le niveau bac et non l’obtention du diplôme
lui-même, avec semble-t-il un objectif bien différent de celui poursuivi par
la suite.
Cette annonce des 80 % accompagna la création du bac professionnel,
car dans l’esprit du ministre d’alors, il s’agissait d’améliorer la formation
des moins diplômés, et ainsi d’assurer leur promotion sociale et en même
temps, face à la crise traversée par la France, d’élever le niveau d’éducation
de la population française, un moyen d’accroître les performances
économiques. Cette mesure permettait de ramener la France au niveau des
pays développés, où de 70 à 80 % des jeunes terminaient leurs études
à 18 ans ou plus tard. Aucune autre réforme du bac ne fut d’ailleurs
entreprise.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Environ 66 % d’une classe d’âge décroche le
bac tandis que le taux de réussite à l’examen est de 88 % pour le bac
général, Au total, sur une classe d’âge, ils sont environ 70 % à atteindre ce
fameux « niveau bac » (les trois types confondus), un chiffre pas si éloigné
des fameux 80 %.
Plusieurs écueils guettaient cette proposition. Tout d’abord le slogan,
compris par l’opinion comme « 80 % d’une classe d’âge avec le bac »
autrement dit pouvant entrer à l’université, en dissuada plus d’un de
s’orienter vers des diplômes courts. D’ailleurs, le ministère, à partir
de 1989, avec l’application de la loi Jospin, ouvrit lui-même grand les
vannes, y compris pour le bac général. D’autre part, le terme
« baccalauréat » choisi pour un diplôme de l’enseignement professionnel
présentait l’avantage de revaloriser l’image de cette filière et d’inciter à
prolonger ses études de trois années supplémentaires par rapport à un BEP.
Cependant, aux yeux de la loi, le bac, quel qu’il soit, donne accès à
l’université et beaucoup d’élèves des filières professionnelles et
technologiques s’engagèrent dans les premiers cycles universitaires, comme
l’illustre le tableau, avec des taux de réussite bien plus faibles que ceux
pourvus d’un bac général.

Proportion de bacheliers dans une génération (en %)

Comme on le voit, cinq ans après son instauration, le bac pro ne


représente que 2,8 % des bacheliers d’une génération, comparativement le
taux des bacheliers généraux est passé de 19,8 % à 27,9 %, soit une
augmentation bien supérieure. Et sur vingt-cinq ans (de 1985 à 2010), la
progression des bacs déjà existants (général et technologique) augmente
bien plus que celle du nouveau venu, le bac pro. Pourquoi cette volonté de
favoriser, à partir de 1985, l’orientation vers l’enseignement général ?
Hasardons une hypothèse en s’appuyant sur un fait : en 1990, le coût annuel
d’un élève de l’enseignement général se chiffre à 7 530 euros (valeur 2009),
contre 8 710 pour un lycéen de la voie professionnelle, soit environ 14 % en
plus.
Le bac ne vaut plus rien

Aujourd’hui, tout le monde ou presque a le bac, ce diplôme n’a


plus de valeur. VRAI et FAUX

Créé sous Napoléon, en 1808, le bac a longtemps été le gage d’un


avenir radieux ou du moins d’une position confortable. Comme n’importe
quel diplôme qui, détenu jusqu’alors par une poignée de « privilégiés » ou
de « méritants » (c’est selon), se retrouve dans presque toutes les poches, le
bac a perdu de sa valeur. Mais contrairement à une idée reçue, ce n’est
pas 80 % d’une classe d’âge qui le détient, mais les deux tiers (65 %). Sans
le déplorer – qui regretterait qu’à peine 20 %, comme en 1970, détiennent le
précieux parchemin ? –, il est intéressant de mesurer cette évolution et ses
conséquences.
Parallèlement à la proportion de bacheliers pour une classe d’âge, celle
des mentions « bien » et « très bien » a elle aussi augmenté. Selon ce
critère, la proportion d’élèves excellents (mention très bien) a été multipliée
en une quarantaine d’années par 20.

Proportion des différentes mentions parmi les bacheliers (%)


À l’évidence, les exigences ont baissé, sauf à envisager une sorte de
« génie-boom » survenu dans les années 1990 et se poursuivant encore
aujourd’hui. Le phénomène n’est pas près de s’arrêter, une note de synthèse
datée du 12 juin 2008, émanant de la commission des affaires culturelles du
Sénat, indiquait que « la France forme moins de diplômés du secondaire
que la plupart des pays de l’OCDE et de l’Union européenne ».
Si les sénateurs reconnaissent que les bacs remplissent le plus souvent
leur rôle, poursuite des études pour les bacs généraux et technologiques et
entrée sur le marché du travail pour 70 % des bacheliers professionnels, ils
constatent que face aux besoins de qualification considérables, relancer
l’accès au baccalauréat et atteindre l’objectif d’y amener 80 % d’une classe
d’âge, y compris pour le bac général, est nécessaire. Consciente néanmoins
du problème du niveau du diplôme, la commission recommande : « Sa
valeur doit donc être garantie, afin de dissiper l’atmosphère de soupçon qui
l’environne parfois. » Suit une liste de propositions pleines de bon sens,
comme l’anonymat des copies, la plus grande implication de
l’enseignement supérieur dans l’épreuve, les consignes de correction
rendues publiques… Sauf que le rapport oublie que le bac est un
aboutissement et que restaurer sa fonction et son prestige sans diminuer le
nombre de diplômés revient à repenser les orientations prises depuis
quelques décennies. Réconcilier démocratisation et revalorisation du bac est
un travail de longue haleine.
Le bac pro ne vaut rien

Un élève s’oriente souvent contraint et forcé vers un bac pro.


Rien d’étonnant, celui-ci offre peu de débouchés. FAUX

Créé en 1985 pour améliorer le niveau de formation des moins


qualifiés, le bac professionnel tend à remplacer aujourd’hui le CAP et le
BEP. S’obtenant en trois ans après la classe de troisième, il a pour
principale vocation de préparer à un métier, dans la production et les
services, et dans une moindre mesure dans le domaine agricole.
Pour juger de sa valeur, plusieurs critères peuvent être pris en compte :
la probabilité de trouver un emploi, plus ou moins rapidement, le salaire
d’embauche et son évolution, enfin les chances de réussite dans
l’enseignement supérieur.
Premier critère, celui des débouchés. Selon l’étude de Béatrice Le Rhun
et Pascale Pollet publiée par l’Insee « Diplômes et insertion
professionnelle », le taux de chômage un à quatre ans après la fin des études
initiales est, en 2010, deux fois plus élevé chez les titulaires du CAP-BEP,
44,3 %, contre 22,5 % (en pourcentage de la population active) pour ceux
du bac pro, une raison largement suffisante pour poursuivre ses études au
moins jusqu’au bac pro… et en finir avec l’idée reçue selon laquelle il ne
vaut rien. En revanche, chez les titulaires du bac pro, le taux de chômage est
le double de celui des diplômés de l’enseignement supérieur. Tout dépend à
vrai dire de la formation choisie, le domaine de la production étant en
général plus favorable que celui des services, avec un avantage net du bac
pro par rapport au CAP-BEP : trois ans après l’obtention (en 2007) du
diplôme, 13 % des jeunes avec un bac pro ou un bac technologique sont au
chômage, contre 22 % avec un CAP-BEP. En revanche, avec un bac + 2, le
taux tombe à 9 %. Une autre étude (« Économie et statistique », no 388-
389, 2005) montre qu’en 2001 le taux de chômage trois ans après le
diplôme est de 11 % avec un bac pro, contre 23,2 % avec un bac
technologique. Et l’écart reste encore à l’avantage du bac pro renforcé d’un
diplôme bac + 2 : 5,5 % de chômage, contre 7,9 % pour les bacs
+ 2 technologiques.
Sur le front des salaires, la situation est un peu moins favorable.
Globalement, elle est meilleure avec un bac pro qu’avec un CAP-BEP mais
difficile dans certains secteurs, les mêmes que pour l’emploi, à savoir le
tertiaire. Toutes formations confondues, de un à quatre ans après l’obtention
du diplôme, le salaire moyen d’un CAP-BEP est de 1 190 euros (valeur en
euros 2007), contre 1 240 avec un bac pro et 1 100 avec un brevet ou sans
diplôme. Un écart faible par rapport au brevet, qui se réduit encore
à 90 euros de cinq à dix ans après la fin d’études puis remonte à 230 euros
onze ans et plus après la fin d’études. Là encore, tout dépend de la
formation, celles orientées vers l’industrie, en particulier les secteurs de
pointe, offrant de meilleurs salaires que dans le tertiaire. Reste la poursuite
des études jusqu’à bac + 2, en STS ou IUT, avec la possibilité d’augmenter
son salaire de 5,6 % (Économie et statistique, no 388-389, 2005).
On le voit, le bac pro n’est pas dénué de valeur. Pour des élèves peu
motivés par les études générales qui risquent un parcours médiocre voire
l’échec particulièrement en premier cycle universitaire, le bac pro reste une
alternative. Le problème, celui du salaire, concerne le monde du travail et la
valeur accordée à la formation professionnelle.
Les évaluations nationales sont un indicateur
du niveau

Les évaluations nationales des élèves donnent une idée du


niveau et permettent d’améliorer le système. FAUX (à moins de
vouloir prendre la température avec un thermomètre déréglé)

Classements Pisa, de Shanghai, évaluations en CE1 et en CM2 et


bientôt à nouveau au collège, l’Éducation nationale aime évaluer. À vrai
dire, qui s’en plaindrait si cela apporte une information fiable et permet
d’améliorer le niveau ? Encore faut-il que les données fournies aient un
sens et ne soient pas utilisées pour masquer la réalité.
On se demande bien d’ailleurs ce que veulent mesurer ces évaluations
en primaire. Celles instaurées sous le précédent ministère Chatel sont
révélatrices. Sur la page du site de l’Éducation nationale qui leur est
consacrée, le mot « savoirs » n’est jamais prononcé (sauf pour « savoir
utiliser un dictionnaire »). Quant aux « connaissances » (le terme apparaît
une seule fois), elles se résument à une liste on ne peut plus vague. Par
exemple, en mathématiques, pour les CM2, on parle d’« écrire et nommer
les nombres entiers, décimaux et les fractions », de « calculer
mentalement » et, en français, de « repérer dans un texte des informations
explicites ou implicites », d’« orthographier sous la dictée un texte
simple », des objectifs si vagues qu’ils peuvent correspondre à des
exercices de difficulté variable et donc peu révélateurs d’un niveau.
Il était aussi possible de consulter les résultats, par académie ou par
département comme pour la France entière, pour les trois dernières années.
Ainsi, on apprend qu’en 2011, pour les CM2 du département de la
Dordogne, en français « 42 % des élèves ont plus de 38 bonnes réponses
dans le groupe le plus fort. Ils ont des acquis très solides » et dans le plus
faible « 6 % des élèves ont moins de 17 bonnes réponses. Leurs acquis ne
sont pas suffisants. Ils bénéficieront d’une aide spécifique ». Chaque élève
peut donc se situer par rapport aux autres, du département, de l’académie et
même de France. Sur une autre page du site, on nous apprend que le
ministre Luc Chatel a présenté les résultats en Conseil des ministres, qu’il
est globalement satisfait, que les élèves progressent et que : « Ces résultats
devront être confirmés en 2012. Ils laissent espérer que la réforme de
l’enseignement du premier degré portera ses fruits. » Finalement, les
évaluations mises en place par le ministre servent aussi à évaluer sa
réforme ! Pourtant, les parents sont, eux, de plus en plus inquiets, les
instituteurs dénoncent des difficultés grandissantes et des évaluations
inutiles, rien d’autres qu’un catalogue d’« items » validant des
« compétences », les exercices significatifs avec un barème de correction
digne de ce nom ayant disparu. Sans parler des « consignes de correction »,
qui, complétées par un traitement statistique, aboutissent au résultat attendu.
Mireille Grange et Michel Leroux, dans un article paru dans Le Débat,
résumaient le problème par une jolie formule : « Il en va de l’évaluation des
sixièmes comme de la pêche au filet où la conception du piège et la
dimension des mailles prédéterminent les prises. »
Pour dénoncer ces évaluations trompeuses, encore en application en
seconde il y a quelques années, des professeurs de l’association Sauver les
lettres se livrent régulièrement avec leurs élèves, dans des établissements de
grandes villes et de villes moyennes, à Paris, en banlieue et en province, à
un exercice qui n’a rien d’officiel mais qui pourtant nous en apprend
beaucoup : en 2000, 2004 et 2008, ils ont soumis des élèves de seconde (de
1 300 à 2 300) à l’épreuve de français du brevet des collèges de 1976. Les
résultats, de la dictée par exemple, tirés de leur site
(sauv.net/eval2008analyse.php), sont éloquents :
Proportion des notes obtenues pour la même dictée

Il en ressort qu’en moins de dix ans la proportion d’élèves avec un


niveau acceptable ou bon (notes supérieures à 10) a diminué de moitié,
de 30 % à 14 % environ, tandis que celui des très faibles a doublé. On livre
ici une vision moins optimiste que celle des évaluations officielles. Du
moins les dernières en date. Car le nouveau ministre l’a promis, à la
rentrée 2012 les évaluations seront réformées.
L’évaluation par compétences fait progresser
les élèves

Plus que les notes, l’évaluation des compétences encourage les


élèves à mieux travailler. FAUX

Avec l’instauration du livret de compétences, généralisé en 2009,


l’évaluation des élèves change de modalités même si pour l’instant ces
compétences ne remplacent pas les notes. D’ailleurs, à moyen terme, ce
double système, peu lisible, est amené à disparaître au profit d’un mode
unique d’évaluation.
Les partisans des compétences soulignent autant les avantages de
celles-ci que les défauts des notes qui selon eux introduisent une pression
inutile. À l’inverse, les compétences encouragent les élèves à progresser, ils
identifient précisément leurs lacunes. Sans compter que, avec les notes,
élèves et parents se comportent en consommateurs, plus préoccupés du
résultat que de sa signification. Enfin, la validation de compétences valorise
tous les élèves, y compris les faibles, pour lesquels des aptitudes
habituellement ignorées par l’école sont enfin reconnues.
Pour autant, le terme même de « compétences » a de quoi jeter le
trouble. Un élève sait si une note est bonne, moyenne ou mauvaise, mais
une compétence se valide ou non, avec ou sans croix dans une case.
Impensable néanmoins de qualifier un élève d’« incompétent » alors « on
recommence jusqu’à la validation ». Fini la fierté d’avoir obtenu une bonne
note, la satisfaction de progresser de 2 points, la compétence s’obtient
toujours et par tout le monde. Certes, l’introduction d’une appréciation
intermédiaire, « Compétence en cours d’acquisition », nuancerait le propos,
mais une compétence n’est-elle pas en cours d’acquisition dès la première
leçon ? Quant à l’attitude consumériste, on voit mal en quoi elle
disparaîtrait. Si remplir son panier devient une formalité, alors l’avoir à
moitié vide sera franchement inacceptable.
Outre son caractère jargonneux, la compétence, forcément stéréotypée
(on l’a obtenue ou non), n’apporte aucune information à l’élève quant à son
niveau réel. Ainsi, en sciences, une des compétences du palier 3 (en fin
d’enseignement obligatoire) consiste à savoir que « l’Univers, la matière,
les organismes vivants baignent dans une multitude d’interactions et de
signaux, notamment lumineux, qui se propagent et agissent à distance ».
Valider ou non cette compétence, c’est admettre que l’on puisse répondre
par seulement « oui » ou « non » à une question complexe, c’est penser
qu’un élève sait ou ne sait pas cela, comme si la réalité n’était pas entre ces
deux extrêmes.
Parallèlement, l’élève doit être capable (domaine des capacités) « de
manipuler et d’expérimenter en éprouvant la résistance du réel : participer à
la conception d’un protocole et le mettre en œuvre en utilisant les outils
appropriés, y compris informatiques ». Outre le désarroi dans lequel ce type
de formulation laissera la plupart des élèves, les mille et une façons de
l’interpréter d’un enseignant à l’autre rendront sa validation arbitraire…
sauf si tout le monde est validé !
Autrement dit, dans une classe où il y avait des notes, s’échelonnant en
théorie de 0 à 20, il n’y aura plus au final que 100 % d’élèves avec 100 %
de compétences validées. Comment, dans ce meilleur des mondes
pédagogiques, mieux tromper élèves et familles ? Avec cette méthode, toute
inquiétude – et la possibilité de réagir – disparaît : vous pensez que votre
enfant s’exprime mal, qu’il ne connaît pas ses tables de multiplication en
CM2, mais voyez, il a validé ses compétences !
Mieux vaudrait remplacer le bac par un
contrôle continu

Le jour du bac, le stress est tel que certains perdent leurs


moyens. Remplacer l’examen par un contrôle continu serait
plus juste. FAUX

L’argument à première vue semble raisonnable. Tester en une semaine


les capacités acquises en plusieurs années de lycée, ou du moins en
terminale, relève de la gageure. Le hasard, le stress, l’éventualité d’une
maladie, la fatigue générée par la succession des épreuves : l’examen
comporte sa part de risques. Au contraire : durant l’année, avec l’évaluation
régulière de l’élève, les accidents inévitables peuvent être compensés, et la
moyenne finale reflète réellement son travail.
On oublie néanmoins un détail, le bac est le seul diplôme qui ouvre les
portes de l’enseignement supérieur. Remplacer l’examen national et
anonyme par un contrôle continu reviendrait à créer des diplômes maison,
bricolés dans chaque lycée selon ses moyens. On imagine la valeur d’un bac
labellisé « 9-3 », vraisemblablement sans comparaison avec celui obtenu
dans un grand lycée de centre-ville. À cet argument certains répondent qu’il
suffit pour pallier le problème d’organiser des devoirs trimestriels, avec des
sujets pris dans des banques d’épreuves communes et corrigés selon les
mêmes barèmes. Pourquoi faire simple quand on peut compliquer ? On
imagine la succession des « bacs » trimestriels, toutes les classes devant
progresser au même rythme dans toutes les matières, suivre les programmes
dans le même ordre, sans compter les difficultés d’organisation matérielle et
les heures de cours perdues. Quant aux élèves, du moins les plus sérieux,
question stress ils ne seraient pas forcément gagnants. Car avec ce mode
d’évaluation, ils n’ont plus droit à l’erreur, des erreurs pourtant formatrices,
car une fois corrigées en principe on ne les répète pas.
Mineurs peut-être, ces inconvénients du contrôle continu ? D’autres non
moins grands sont à considérer, et le premier d’entre eux, celui des
pressions exercées sur les professeurs concernant la notation. Les familles,
les élèves et l’administration, tous poussent dans le même sens : le
pourcentage de réussite doit être maximal. Plus il baisse et moins le lycée
devient fréquentable, les meilleurs élèves s’enfuient. Les professeurs eux-
mêmes d’ailleurs se sentiraient coupables de refuser le diplôme final à leurs
propres élèves. Quant aux menaces, parfois à peine voilées, il n’est pas
toujours simple de n’en tenir aucun compte.
D’ailleurs, le contrôle continu est déjà introduit en partie. La note du
bac en éducation physique et sportive est basée sur le « contrôle en cours de
formation », au cours duquel le professeur note ses propres élèves – en
association avec un autre. Si officiellement l’évaluation repose sur trois
activités, chacune trimestrielle, peut-on imaginer que le professeur ne tienne
pas compte du travail antérieur de l’élève ? En physique et en SVT, une
épreuve dite « Évaluation des capacités expérimentales » se déroule le plus
souvent dans l’établissement de l’élève, avec des sujets choisis dans une
liste académique par ses professeurs – qui bien souvent organisent une
révision avant l’épreuve. Notons enfin que l’épreuve de TPE consiste pour
l’élève à présenter un dossier préparé tout au long d’un semestre, et
que 8 points sur 20 sont attribués par ses propres professeurs. Là encore, il
s’agit de panacher contrôle continu et examen terminal. On est loin des
épreuves couperets si souvent décrites.
Finalement, le bac tel qu’il est, anonyme et national, certes dévalué,
reste le même diplôme, quel que soit le lieu d’obtention. Et si le passer
occasionne un peu de stress – ils sont tout de même plus de 80 % à s’en
sortir en 2011 –, c’est l’examen qui consacre la fin du lycée. Une sorte de
rite pour accéder au statut d’étudiant avant d’enchaîner d’autres examens,
des concours et des oraux certainement bien plus anxiogènes.
Le bac est une exception française

Le bac est une singularité française, qui n’existe plus nulle


part. FAUX

« Monument national », « chef-d’œuvre en péril », « examen le plus


cher du monde »… le bac est clairement dans la ligne de mire avec en sous-
entendu l’idée qu’il n’existerait plus qu’en France. C’est faux, malgré une
exception ici où là, et certains pays, après l’avoir supprimé, y sont mêmes
revenus.
C’est le cas du bachillerato espagnol, qui dépend entièrement d’un
examen final. À vrai dire, après avoir disparu pendant quinze ans, il a été
réintroduit en 2002 pour tenter de relever le niveau jugé insuffisant, un
exemple rarement cité par les médias lorsqu’ils annoncent la suppression du
bac comme inéluctable. D’ailleurs pour accéder à l’université, l’examen se
double d’un second, la selectividad, dont les résultats sont pris en compte
avec ceux des deux dernières années scolaires. Anecdote à méditer, lors du
rétablissement du bac par le gouvernement Aznar, l’opposition avait
qualifié le bac de « diplôme franquiste ». Bigre !
Par contre, en Grèce, à Chypre et au Portugal, pas de bac mais un
examen d’entrée à l’université, sur la base d’épreuves écrites uniquement.
À l’opposé, la Suède fait office d’exception en Europe avec son contrôle
continu. Interrogée dans un article du Figaro de novembre 2003, une
représentante de l’ambassade de Suède à Paris déclarait, pour expliquer
cette absence d’examen final : « En Suède, il n’y a pas de pression inutile à
la fin de l’année. Cela laisse une grande liberté, les élèves peuvent gérer
leur temps et les professeurs ont moins de contraintes. » Certes, mais est-ce
vraiment l’objectif d’une fin de cycle, dernière étape avant l’entrée dans le
supérieur ?
Comme on l’a vu, on est loin en France des épreuves couperets, le
contrôle continu s’est immiscé dans les épreuves du bac, le bien-fondé
pouvant se discuter, mais prétendre qu’il faut introduire une part de contrôle
continu témoigne d’une mauvaise information (ou d’une mauvaise foi).
La plupart des pays européens utilisent une formule mixte, avec plus ou
moins de contrôle continu. En Italie, l’« examen de maturité » tient compte
pour 25 % des notes obtenues dans l’année, c’est-à-dire pour 75 % des
notes des épreuves, écrites et orales. Une situation pas si différente de celle
de la France, où la part des notes d’EPS, de travaux pratiques de physique
et de SVT ainsi que des TPE représente de 15 à 20 % de la note totale pour
le bac S.
Tout comme en Allemagne, au Danemark et en Norvège, où le certificat
de fin d’études secondaires tient compte, mais dans une proportion plus
importante, des notes obtenues au cours des deux dernières années. Quant
aux épreuves, si elles sont nationales en France, elles sont en partie locales
dans d’autres pays, totalement en Islande, par exemple, partiellement aux
Pays-Bas, où c’est un enseignant du lycée même qui prépare les sujets. Une
chose est sûre, on ne peut pas défendre des épreuves locales et un salaire au
mérite, au risque évident de conflit d’intérêt.
À cause de la fraude, il faut supprimer le bac

Au cours d’un examen comme le bac, la fraude est inévitable,


une bonne raison pour le supprimer. FAUX (comme lorsque
l’on accuse son chien d’avoir la gale…)

L’organisation du bac est complexe. Chaque année, elle mobilise pas


mal de monde, dans les établissements scolaires comme dans les services
du ministère. Première étape : élaborer des sujets. Des commissions de
professeurs triés sur le volet se réunissent pour plancher sous le contrôle
d’un inspecteur. Objectif : inventer des sujets. Rien n’est laissé au hasard,
conformité au programme, formulation, documents, corrigé et barème, la
rédaction et la mise en pages prendront plusieurs semaines. En réalité, les
sujets sortiront pour le bac de l’année prochaine, peut-être même jamais, ils
sont tirés au sort. Bilan, les concepteurs des sujets seraient bien incapables
de révéler celui qui va tomber.
Étape suivante : l’impression des sujets. Ce sont les académies qui s’en
chargent avec un maximum de précautions. Ainsi, la maison des examens à
Arcueil dispose d’une imprimerie ultra-sécurisée, avec contrôle biométrique
du personnel à l’entrée. Quant à ceux des personnels dont un proche passe
le bac, ils sont mutés temporairement ! Les fuites sont quasi impossibles. Et
pourtant, en 2011, une photo d’un des exercices du sujet de bac S est postée
sur le Net la veille de l’épreuve. Après enquête, on retrouve l’auteur du
message, mais sa source reste inconnue. Les médias se déchaînent, les
habituels adversaires du bac aussi : celui-ci doit être remplacé par un
contrôle continu, voire un examen essentiellement oral. Motif : on ne peut
pas lutter contre les nouvelles technologies !
Le plus stupéfiant est que personne ne pose la question de ce qu’il en
serait de la lutte contre la triche avec des épreuves en contrôle continu !
Aucune épreuve en effet n’est plus surveillée que le bac, rien à voir avec les
devoirs donnés en cours d’année. Pendant le bac, deux surveillants par
salle, d’autres dans les couloirs et, pour les candidats, interdiction de sortir
avant la fin de la première heure de l’épreuve : tout est prévu pour éviter la
triche. Même les toilettes sont visitées pour vérifier l’absence de livres ou
autres antisèches cachées. Quant au problème des portables, il se résout en
invitant les élèves à les laisser éteints dans leurs sacs, réunis dans un coin de
la salle. Bien sûr, certains échappent au contrôle, élaborent toutes sortes de
stratégies de triche plus ou moins sophistiquées. Mais la plupart des
candidats l’évitent, car le risque est gros. Un flagrant délit de fraude peut
valoir interdiction de passer, pendant plusieurs années, tout examen
national, y compris le permis de conduire !
En réalité, la fraude et la triche sont très marginales au bac. En 2010,
sur 650 000 candidats, moins de 300 incidents ont été rapportés. Supprimer
le bac ne supprimera pas les tricheurs, au contraire, ils exprimeront d’autant
plus facilement leur savoir-faire au cours des contrôles de l’année, où la
surveillance est beaucoup moins draconienne. D’ailleurs, selon une enquête
réalisée par Christophe Michaud, sociologue, chercheur au Centre régional
d’éducation nationale de Nantes, sur 1 815 étudiants interrogés, sept sur dix
avouent qu’ils ont fraudé durant leur scolarité, 48,3 % au collège et 35,6 %
au lycée. Mais seul un sur dix avoue s’y être aventuré lors d’un examen, le
risque étant trop gros. Finalement, supprimer le bac, c’est faciliter la triche !
Les notes au bac, c’est la loterie

Un même devoir de philosophie corrigé par deux profs


différents peut voir sa note varier du simple au double.
Décrocher son bac devient une simple question de chance.
FAUX

Le scandale a enfin été dénoncé, plus d’un quotidien en a fait à l’époque


ses gros titres. Une étude menée par l’Iredu (Institut de recherche sur
l’éducation) dévoile, preuves à l’appui, ce que chacun craignait : les
correcteurs du bac notent n’importe comment ! La méthode, imparable, a
consisté à soumettre les mêmes copies de bac, des devoirs de sciences
économiques et sociales en l’occurrence, à 66 professeurs différents. Pour
une comparaison la plus rigoureuse possible, le chercheur qui a mené
l’étude avait recruté des correcteurs dans deux académies différentes.
Résultats, des écarts de notation édifiants (jusqu’à 10 points de différence)
et des appréciations souvent contradictoires, en somme de quoi s’interroger
sur la légitimité du bac. Sauf que l’étude en question, aussi sensationnelle
soit-elle, est apparue éminemment discutable. En réalité, les copies avaient
été corrigées dans le cadre d’un stage de formation consacré à l’évaluation,
et les participants, aussi motivés soient-ils, se trouvaient dans un contexte
bien différent de celui d’un examen, les enjeux étant nuls.
Plus grave, l’objectif visé par ce stage était de définir des grilles de
correction, en particulier pour améliorer celles de l’examen. Ainsi, et
l’étude n’en fait pas mention, les copies étaient corrigées sans barème, sans
le moindre critère commun puisque c’est précisément ce qu’il fallait mettre
au point. D’ailleurs, si des disparités apparaissent dans les notes, l’auteur de
l’étude admet qu’en moyenne l’écart se situe autour de 2 points.
Évidemment, aucun article de presse pour dénoncer les méthodes de
l’auteur et revenir sur les gros titres comme « La “loterie” de la notation au
bac soulignée par une étude de l’Iredu », selon Le Monde du 11 mars 2008.
Pourtant, dénoncer l’arbitraire des notes du bac relève d’une
méconnaissance des procédures appliquées dans l’ensemble des matières.
Pour chaque épreuve, une commission d’entente se réunit d’abord pour
définir des critères communs de correction. Les copies sont donc notées
selon un même barème, un barème d’ailleurs de moins en moins exigeant.
Mieux, dans des matières où une part plus grande serait laissée à
l’appréciation du professeur – il est plus délicat de noter en philosophie ou
en français au point près –, des commissions d’harmonisation veillent à
réduire les écarts. Des permanences téléphoniques aident même les
correcteurs s’ils se posent des questions sur leur évaluation. Quant à ceux
qui affichent des moyennes hors normes, autrement dit trop basses, ils sont
priés de revoir leurs copies.
Et si malgré ces différents contrôles, certains notent un peu plus
sévèrement, l’écart forcément réduit sera statistiquement compensé par une
note plus généreuse dans une autre matière.
Sans compter qu’il faut avoir participé à un jury de bac pour réaliser à
quel point les correcteurs dans leur ensemble font preuve de bienveillance,
n’hésitant pas à relever des notes pour donner une mention ou du moins
éviter un échec. Les livrets scolaires sont examinés un à un pour vérifier la
concordance des notes de l’examen avec celles de l’année.
Non, décidément, les notes du bac n’ont rien à voir avec une loterie, si
ce n’est que l’on en sort en général plutôt gagnant !
Les enquêtes Pisa révèlent le niveau des
élèves

Les enquêtes Pisa sont devenues la référence, car elles évaluent


l’efficacité des systèmes éducatifs. VRAI et FAUX

Pisa ! Derrière cet acronyme (« Programme international pour le suivi


des acquis des élèves ») se cache un système d’évaluation triennale qui,
imagine-t-on, à l’approche des résultats, doit donner des cauchemars à plus
d’un ministre de l’Éducation. Pourtant, Pisa est leur invention, conçue
en 1998 à la demande des ministres de l’Éducation des États membres de
l’OCDE, avec pour objectif d’évaluer les compétences en lecture, en
mathématiques et en sciences d’un échantillon représentatif de jeunes de
15 ans. Le but avoué, et peu critiquable en soi, était de recueillir des
informations relatives aux forces et aux faiblesses des différents systèmes
scolaires afin de les améliorer. Mais l’exercice s’est vite transformé en
compétition médiatique où il importe avant tout de figurer sur les marches
du podium, avec sinon passage obligé par la case réforme, sous l’œil
vigilant de Pisa, ce nouveau Standard & Poor’s des systèmes éducatifs.
L’objet de Pisa n’est pas l’école elle-même, mais de vérifier l’efficacité
de celle-ci à fournir aux futurs citoyens des outils utilisables dans des
situations de la vie courante et ainsi favoriser le développement
économique. Sinon, l’OCDE (Organisation de coopération et de
développement économiques) n’aurait pas sa place dans ce type d’enquête.
Traiter l’ensemble des items (questions) d’une évaluation demande
environ sept heures, mais un élève sera testé durant deux heures seulement,
sur une cinquantaine d’items, la moitié sous forme de QCM.
Pisa se heurte d’emblée à une difficulté : quels critères d’évaluation
retenir pour des élèves de tous les pays de l’OCDE, avec des cursus et des
programmes différents ? Au final, le choix s’est fait non pas selon la règle
du plus petit dénominateur commun mais selon celle de l’indépendance
envers les programmes scolaires, au point de réduire à une peau de chagrin
les notions sur lesquelles on interroge. Autrement dit, évaluer les
connaissances et les raisonnements – qui s’appuient forcément sur les
programmes – n’est pas le but de Pisa. L’enquête se préoccupe des
compétences, c’est-à-dire des « aptitudes à réaliser des tâches qui
s’inscrivent dans des situations de vie réelle », une conception plus proche
de celle du système finlandais que français, par exemple. Cette méthode
standardisée tend à supprimer les items trop particuliers, qui pourtant
pourraient constituer le point fort d’un enseignement (tels que la maîtrise de
la démonstration en mathématiques).
Comme dans toute enquête, des problèmes de méthodologie
apparaissent. Traduits dans toutes les langues, les mots et surtout les
concepts des items conservent-ils le même sens, peut-on considérer comme
neutre l’utilisation de QCM, un mode d’évaluation plus répandu dans
certains pays que d’autres ? La conception utilitariste de l’enseignement
privilégiée par Pisa, basée sur l’acquisition de compétences, n’est pas, loin
s’en faut, celle des systèmes éducatifs les plus ambitieux. Néanmoins, il
existerait une corrélation entre la réussite à Pisa et le « potentiel
académique », c’est-à-dire la capacité à réussir sa scolarité. Pourtant, un
pays comme la Hongrie peut obtenir de bons résultats avec un système
d’évaluation basé sur les connaissances, comme l’enquête TIMSS, et
s’effondrer avec Pisa. La question reste donc ouverte.
Mais le principal défaut de Pisa, c’est surtout lorsque les médias s’en
emparent pour se focaliser sur le palmarès. Si bon nombre de chercheurs
s’accordent à reconnaître la richesse des données fournies par Pisa,
beaucoup déplorent la présentation simpliste qu’en fait la presse. La
comparaison des scores bruts entre pays n’a pas grand sens, elle dépend de
nombreux paramètres indépendants du système éducatif, le niveau
socioculturel par exemple. Ainsi, les résultats pour la compréhension de
l’écrit diffèrent de 50 points entre les élèves de l’Italie du Nord et ceux du
Sud, autrement dit plus qu’entre les Français et les Finlandais. Quel
jugement global porter alors sur le système italien ?
Au-delà de la controverse sur sa fiabilité, Pisa ne génère-t-il pas un effet
pervers, celui de se fixer l’objectif de grimper dans Pisa ? Ainsi, les Pays-
Bas, devant la dégradation de leurs résultats, se sont fixé de figurer dans le
« top 5 » du prochain classement. Et en France, la progression des QCM
aux épreuves du bac, en 2012, est-elle dénuée de toute arrière-pensée ? On
aurait alors atteint le comble, un système qui se réforme pour gagner des
places au classement. Dans l’intérêt des élèves ?
Les résultats des enquêtes Pisa sont mauvais
pour la France

D’après les résultats des études Pisa, le système éducatif


français a un niveau très insuffisant. VRAI et FAUX

Après ceux des sessions 2003 et 2006, les résultats Pisa 2009 n’ont pas
évolué : la France reste dans la moyenne des pays de l’OCDE. C’est le cas
en lecture ainsi qu’en compréhension de l’écrit, avec néanmoins un écart
significatif entre le groupe de tête et celui des élèves en difficulté. En
mathématiques, elle conserve des résultats stables par rapport à 2006, sans
avoir néanmoins rattrapé les 14 points perdus entre 2003 et 2006. En
sciences aussi la stabilité prime, avec des résultats équivalents à ceux en
mathématiques. Plus inquiétant, l’indicateur sur les élèves en difficulté
montre une détérioration, signe d’un accroissement des inégalités scolaires
liées aux inégalités sociales. En effet, les écarts se sont accrus entre les
meilleurs et les plus faibles et le lien entre performance et niveau social
s’est renforcé.
Certes, les résultats de la France ne sont pas mirobolants, pas
catastrophiques non plus contrairement à ce qui a souvent été dit. Mais son
classement en 22e position la relègue, au grand dam des médias, loin du
peloton de tête. Pour plus d’une raison pourtant, ces résultats sont à
relativiser.
D’abord, les tests Pisa concernent les élèves âgés de 15 ans et 3 mois
ou 16 ans et 2 mois au début de l’évaluation, quelle que soit leur classe. Or,
en raison de redoublements plus fréquents en France qu’ailleurs, les élèves
pas encore parvenus au niveau correspondant à leur âge sont plus
nombreux. Il leur manque donc au moins une année de connaissances par
rapport à d’autres dans les pays où le redoublement est rare, voire
inexistant. Or, comme le fait remarquer Julien Grenet, chercheur en
économie, dans une interview au magazine en ligne Slate, « les élèves
Français “à l’heure” à 15 ans et scolarisés en seconde générale et
technologique obtenaient un score de 560 points qui les situait au niveau du
score moyen des Finlandais », un des meilleurs qui soit.
L’intérêt de Pisa est de fournir une somme importante de résultats qui
nécessitent néanmoins d’être décortiqués pour aller plus loin que le fameux
classement. En effet, comme dans toute enquête, une marge d’erreur existe
(pas seulement pour les résultats des élèves français !). Or les scores sont
serrés entre de nombreux pays et statistiquement non significatifs. Pour
Julien Grenet, la marge d’erreur de 5 points de l’étude Pisa signifie que le
score de la France, avec ses 523 points en lecture, est en réalité compris
entre 518 et 528 points, soit entre la 18e et la 28e place. Dans le domaine de
la compréhension de l’écrit, cette incertitude est susceptible de placer la
France au-dessus de la moyenne de l’OCDE.
De la même façon, les résultats peuvent être lus globalement, mais aussi
pour les différents groupes d’élèves.
Pisa évalue aussi les enseignants ! La mention « Sévères mais justes »
revient incontestablement aux Français : si 66 % des élèves de l’OCDE sont
d’accord avec l’affirmation « La plupart de mes enseignants s’intéressent à
mon bien-être » (contre 53 % en France), 79 % approuvent l’affirmation
« la plupart de mes enseignants me traitent de façon juste » (contre 88 % en
France). On se satisfait comme on peut !
Selon Pisa, les élèves français sont mauvais
en maths

Nul en maths, c’est le verdict concernant les élèves français


après les résultats des enquêtes Pisa. FAUX

À lire les résultats de Pisa, on pourrait se demander si la France restera


une nation d’excellence en mathématiques, avec ses nombreux médaillés
Fields, Cédric Villani (2010), Ngô Bao Châu (2010), Wendelin Werner
(2006) et Laurent Lafforgue (2002) pour les derniers. Sa chute dans le
classement Pisa 2006 et son incapacité à remonter la pente aux
épreuves 2009 ont suscité bien des questions… qui appellent des réponses.
Une étude très documentée, menée par Antoine Bodin, mathématicien à
l’Irem (Institut de recherche sur l’enseignement des mathématiques),
relativise les résultats Pisa. Volonté de casser le thermomètre, rétorqueront
certains, pour qui Pisa ne fait que confirmer leur analyse. L’écho des études
Pisa et les conséquences qu’elles pourraient avoir sont trop importants pour
ne pas regarder à la loupe « ce qui est vraiment évalué par Pisa en
mathématiques. Ce qui ne l’est pas », pour reprendre le titre de l’enquête
d’Antoine Bodin. Le propos n’est pas de remettre en cause le fondement,
voire l’orientation des études Pisa, d’ailleurs, dès l’introduction, l’auteur
reconnaît la richesse de l’information disponible et la volonté de l’OCDE de
la rendre accessible aux chercheurs.
La dernière partie du sous-titre de l’étude, « Un point de vue français »,
indique son objectif : comparer les méthodes et résultats de Pisa à l’aune du
curriculum des examens et des évaluations habituels en France. Première
surprise, et de taille, les questions Pisa portant sur les programmes français
de mathématiques du collège ne concernent que 15 % de ceux-ci. Certes, on
pourrait dire que ces 15 % sont significatifs, mais il n’empêche que les
collégiens français auront passé deux fois moins de temps à étudier le
« programme » Pisa que d’autres pour qui il porte sur 30 % de leur
programme. Par ailleurs, 25 % des questions posées sont totalement hors
programme pour les élèves français.
Et pour les résultats ? La différence de score, 548 pour la Finlande
et 511 pour la France, peut paraître élevée mais correspond statistiquement
à une différence modeste (écart type de 0,33). En affinant l’analyse, on se
rend compte que les Finlandais réussissent mieux sur les questions portant
sur la « vie réelle », alors que pour celles plus abstraites et plus formelles
(plus mathématiques, diront certains) les élèves français s’en tirent mieux.
Mais, en faisant abstraction des 10 % d’élèves français les plus faibles,
les deux pays sont au même niveau. Une donnée qui souligne la difficulté
du système français à résoudre le problème de l’échec scolaire. D’où la
solution – miracle ? – proposée par certains : alléger les programmes, voire
réduire le nombre d’heures, pour faciliter leur assimilation. L’auteur de
l’étude s’interroge d’ailleurs sur le caractère mathématique des questions de
Pisa qui, sans être dénuées d’intérêt, font surtout appel au bon sens. Quant à
l’utilité des compétences testées en mathématiques pour la poursuite des
études, c’est une véritable interrogation posée… au système finlandais.
Il faut supprimer les notes

Les notes sont inutiles. Elles ne font que traumatiser les élèves,
mieux vaut les remplacer par une évaluation des compétences
qui met l’accent sur les progrès accomplis. FAUX

À l’heure où les agences de notation font vaciller les États, un appel


dénonce enfin le scandale. Vingt personnalités, parmi lesquelles Boris
Cyrulnik, Daniel Pennac ou Marcel Rufo, le sociologue François Dubet, le
généticien et président d’université Axel Kahn, et l’ex-Premier ministre
Michel Rocard se joignent à l’Afev (une association d’étudiants engagée
dans le soutien scolaire) pour réclamer la suppression des notes à l’école
élémentaire. La note, selon ce texte, « stigmatise des élèves », les enferme
« dans une spirale d’échec » et « n’apporte en rien les clés d’une possible
progression », « alors que la confiance en soi est indispensable à la réussite
scolaire ». Pour les rédacteurs de cet appel, l’école française, « une
institution historiquement tournée vers la sélection », construite selon un
modèle qui « répondait aux exigences d’un système élitiste avant la
massification scolaire… apparaît aujourd’hui en total décalage avec
l’objectif d’élévation globale du niveau d’étude ». En somme, la
suppression des notes ferait d’une pierre deux coups : on en finirait avec la
« souffrance scolaire » et, débarrassés de l’« étau de l’évaluation
constante », les enfants progresseraient en toute confiance. L’idée est
d’ailleurs également défendue par la FCPE, une des principales associations
de parents d’élèves.
La démonstration prend notamment appui sur le mythique modèle
finlandais, où les élèves ne sont évalués qu’à partir de 11 ans.
Curieusement, si la Corée, qui partage avec la Finlande la tête du
classement, continue à évaluer férocement ses élèves, elle n’est jamais prise
en exemple !
Pour les partisans de sa suppression, la note cumule plusieurs défauts.
Commençons par le premier : elle est jugée humiliante, génératrice
d’anxiété et d’un manque d’estime de soi. Il est pour le moins curieux que,
selon une enquête menée par la même Afev – réalisée auprès d’un
échantillon de 760 élèves de primaire et de collège, issus de quartiers
populaires, entre avril et juin 2010 –, à la question « Dans la classe, on
connaît 3 grands groupes d’élèves : les faibles, les moyens, les forts. À ton
avis, dans quel groupe te situes-tu ? », ils soient 61,5 % à répondre « les
moyens », 26,1 % « les forts » et 12,4 % « les faibles ». En somme, 87, 6 %
ne se sous-estiment pas plus que cela ! Mieux, si l’on interroge ces mêmes
élèves pour savoir s’il y a une matière enseignée où ils se sentent à l’aise,
ils sont 89,3 % à répondre positivement (primaire et collège confondus).
Quant à la violence scolaire souvent dénoncée, les notes n’en seraient
pas les principales responsables, loin de là ! Selon l’enquête précitée :
« Lorsqu’on interroge ces élèves pour connaître les raisons de leur colère,
les conflits avec les autres élèves arrivent en première position – raison
citée par 70,9 %. » À moins d’imaginer qu’ils se battent pour être les
premiers de la classe… Il faut, nous disent les signataires de l’appel, mettre
l’accent sur les qualités des élèves et non leurs défauts, et pour cette raison
évaluer leurs compétences, autrement dit valider leur acquisition. Un
système prétendument plus motivant. Pas idéal pour progresser, une fois la
compétence validée, quel effort reste à faire ?
Il semblerait d’ailleurs que les expérimentations menées dans ce sens ne
soient pas vraiment concluantes. Débarrassés de la crainte ou de la
motivation des notes, les élèves font rarement davantage d’efforts.
Travailler pour dépasser une mauvaise note et améliorer sa moyenne,
l’objectif semble plus clair et plus facile à atteindre que la validation de
cases à l’intitulé jargonneux dans le livret de compétences.
Mais, poursuivent les abolitionnistes, la note a un défaut rédhibitoire :
elle n’est pas objective. L’élève est ainsi soumis à l’appréciation du maître
de façon totalement arbitraire, parfois injuste. On peut néanmoins répondre
que quel que soit le système d’évaluation (par notes ou compétences), il
repose sur une appréciation humaine, et ne peut être totalement objectif.
D’ailleurs, un tel sentiment n’est pas partagé par la majorité des élèves.
Toujours selon l’étude de l’Afev, « 79,1 % considèrent que les notes qu’ils
obtiennent sont globalement justes ».
Plus sérieusement, les notes sont généralement attribuées selon un
barème, identique pour tous les élèves d’une classe. Avec 20 ou 10 points,
l’élève peut se situer, mesurer les progrès qu’il lui reste à faire, s’attribuer le
mérite de ceux accomplis. La compréhension d’une bonne (comme d’une
mauvaise !) note est immédiate, un moyen simple et efficace pour les
parents de suivre le parcours scolaire de leur enfant. D’ailleurs, en 1969, les
notes ont été remplacées par des lettres : A, B, C, D. Un système si
performant qu’il fut abandonné ! Et, si le Danemark et la Suède, qui avaient
supprimé les notes, y reviennent à présent motivés par le constat d’une
baisse du niveau, rien n’interdit de penser que l’échec scolaire a des causes
tout autres que celles de la pression des notes.
Il faut rétablir l’examen d’entrée en sixième

En rétablissant un examen d’entrée au collège, on résoudrait


bien des problèmes. FAUX

L’idée d’un examen d’entrée en sixième refait régulièrement surface.


Récemment encore, en octobre 2010, Jean-François Copé, président du
groupe UMP à l’Assemblée nationale, a relancé l’idée, s’attirant les foudres
de Bruno Julliard, secrétaire national chargé de l’éducation au PS, pour qui
« les élèves de notre pays sont parmi les plus stressés et, lorsqu’ils sont en
difficulté, les plus en souffrance ». Expliquons pourquoi l’un et l’autre ont
tout faux. Rétablir un examen d’entrée en sixième aurait, d’après ses
défenseurs, l’avantage de focaliser l’école primaire sur les fondamentaux,
maths et français, et de préparer les élèves aux exigences du collège, en
particulier en CM1 et CM2. Cet objectif, majeur pour ces deux années,
impulserait le travail vers sa réalisation, l’acquisition de connaissances
fondamentales replacées au premier plan. On peut regretter qu’un examen
soit nécessaire pour en arriver là mais pourquoi pas après tout ? Mais
surprise, M. Copé déclare dans une interview du 25 octobre 2010 au
Figaro : « Le but n’est pas d’exclure qui que ce soit mais que 100 % des
enfants réussissent cet examen. » Un examen avec 100 % de réussite a de
quoi laisser sceptique ! M. Copé poursuit en déclarant : « Son existence
même engendrerait une réorganisation de l’ensemble du primaire pour
parvenir à cet objectif. […] Tout d’abord, le directeur doit devenir un vrai
“patron” qui recrute et évalue annuellement ses enseignants au regard du
projet pédagogique défini en commun. » Tout ça pour ça ! Qu’un
responsable politique veuille modifier l’organisation de l’école, c’est son
droit, mais le procédé ici laisse pantois : on fait appel à des recettes à
l’ancienne qui trouvent toujours un certain écho (73 % de « tout à fait
d’accord » ou « plutôt d’accord », selon un sondage CSA), pour faire
valider une proposition sans rapport. Passons sur la manœuvre pour risquer
une question : que deviendront les élèves qui ne réussiront pas l’examen ?
Le redoublement, finit par répondre M. Copé, sachant pourtant que tous les
gouvernements, de droite comme de gauche, sous l’injonction de Bercy,
avec l’appui de la Cour des comptes, n’ont cessé de prendre des mesures
pour en diminuer le nombre, avant tout pour des raisons financières.
Si la proposition est justifiée lorsqu’elle veut éviter d’envoyer en
sixième des élèves ne maîtrisant pas les fondamentaux, elle perd son sens si
elle n’est pas accompagnée de modifications des méthodes et des
programmes en primaire. Inconcevable en effet d’attendre la fin du
CM2 pour constater que quatre élèves sur dix ont de graves lacunes.
Par ailleurs, l’idée d’un examen est-elle si terrifiante, comme le suggère
Bruno Julliard ? Faire croire à l’existence d’une « compétition généralisée »
entre élèves du primaire frise le déni de réalité. De la formation dans les
IUFM, où l’on recommande de corriger en vert plutôt qu’en rouge, moins
traumatisant, à la suggestion de remplacer les notes par des smileys, en
passant par la disparition progressive des redoublements et de tout examen
avant le bac (peut-on encore considérer le diplôme national du brevet avec
sa part de contrôle continu comme un examen stressant ?), tout va dans le
même sens pour éviter le stress. Il est vrai, cela n’empêche pas l’échec, qui
est même bien là, et définir le problème de l’échec au primaire comme le
fait Bruno Julliard dans son communiqué par « le vrai problème, c’est le
sous-investissement dont souffre l’école primaire en France […] », c’est
effectivement ne pas vouloir affronter les réalités.
Il faut généraliser les QCM au bac

Des concours, et non des moindres, sélectionnent les candidats


par des QCM. Aussi faut-il les utiliser au bac. FAUX

Depuis 2003, les QCM ont fait leur entrée officielle au lycée, qui plus
est par la grande porte, celle de l’épreuve de maths du bac S. Ces questions
à choix multiples peuvent alors rapporter 5 points (multipliés par un
coefficient 7 ou 9). Et avec la version 2006, contrairement à l’usage, fini les
points négatifs en cas d’erreur. En effet, cocher la bonne case peut se faire
au hasard et si chaque question comporte un choix de trois réponses, il y a
une chance sur trois, soit 33,33 % de trouver la bonne réponse. Autrement
dit, toutes les réponses au hasard, sans rien connaître du tout, permettraient
d’obtenir une note de 6,6 si on la rapporte à un total de 20. Pas si mal pour
une ignorance totale du sujet. Autre problème des QCM, aucune
justification n’est demandée alors que les enseignants s’éreintent à répéter
aux élèves tout au long de la scolarité : « Il faut toujours argumenter ses
réponses. »
Quant à la cuvée 2012 du bac, elle arrive avec dans ses cartons encore
plus de QCM. Ainsi, pour l’épreuve d’enseignement scientifique des élèves
de L et ES, deux exercices peuvent prendre la forme d’un QCM, soit un
total de 12 points sur 20. On n’est pas très loin de l’épreuve, voire de la
totalité du bac, 100 % QCM.
Les sciences de la vie et de la Terre en S n’échappent pas non plus aux
QCM, quant à la physique-chimie, pas d’indication précise sur les
modalités du bac, mais elle a aussi tenté l’expérience, notamment en 2003.
On pourrait s’étonner de l’introduction massive de ce type d’exercice dans
un bac scientifique, supposé valider l’aptitude à un raisonnement structuré.
À cela, les inconditionnels des QCM répondent en chœur : les QCM
évaluent aussi le raisonnement et surtout, il faut préparer les élèves à leur
utilisation, notamment en médecine et autres concours tout aussi difficiles.
Hypocrisie pure ou absence totale de sens critique ? Première évidence, ce
ne sont pas quatre ou cinq questions à choix multiples le jour du bac qui
prépareront aux études de médecine. De plus, les QCM utilisés dans les
concours, non seulement sont bien plus nombreux (30 questions environ par
sujet) et surtout portent sur des connaissances très étendues, et très précises.
Rien à voir avec les objectifs du bac. Quant à évaluer la réflexion, les QCM
ne sont peut-être pas le meilleur indicateur. Ce type d’exercice qui favorise
la démarche intuitive ne nécessite pas de justification, on peut même
procéder par élimination. Mais la véritable raison du recours au QCM au
bac, l’inspection de SVT de l’académie de Créteil la livre dans une lettre
d’information (décembre 2011) : « Il peut être intéressant de rendre
accessible une fraction des points sans les lier totalement à la
communication écrite. Cela permet une diversification des modes de
valorisation du candidat. Le QCM dispense l’élève de la recherche d’un
vocabulaire ou d’un style adéquat. » Dispenser l’élève de la recherche d’un
vocabulaire ou d’un style adéquat, est-ce vraiment un cadeau qui lui est
fait ? Plus besoin de s’exprimer pour obtenir son bac, il suffit dorénavant de
cocher des cases !
Le brevet valide les acquis du collège

Avec leurs résultats au brevet, les élèves savent à quoi s’en


tenir avant l’entrée au lycée. FAUX

Vive le DNB, le diplôme national du brevet ! Avec cet examen qui


clôture les études du premier cycle de l’enseignement secondaire, les élèves
ont un aperçu de leur niveau. D’ailleurs, celui-ci ne cesse de grimper, plus
de 83,2 % de réussite en 2011 (France métropolitaine), contre 79 %
en 2006, plus du quart des élèves décrochant une mention très bien ou bien.
Tout serait parfait si des témoignages ne venaient régulièrement ternir cet
état des lieux.
Le quotidien Le Monde, dans son édition du 9 juillet 2011, s’en fait
l’écho, rapportant les propos étonnants des correcteurs, pas démentis
d’ailleurs par l’Éducation nationale. Ainsi, on apprend que les inspecteurs
demandent que le diplôme soit délivré y compris avec une moyenne bien en
dessous de 10/20, 8,5/20 par exemple dans les Alpes-Maritimes, la raison
ne faisant pas mystère : « L’objectif est simple : à 10/20, seuls 63 % des
candidats auraient eu le DNB. À 9/20 on arrive à 83 %, c’est-à-dire
légèrement au-dessus de la moyenne nationale. » À vrai dire, que signifient
des notes de 8, 9 ou 10, rétorqueront certains ? La note, sans signification
en elle-même, dépend des épreuves. Les commentaires, de façon unanime
ou presque, dénoncent leur facilité, leur niveau bien en deçà de celui de
l’année. Lorsque l’on sait qu’une petite part seulement de la note globale du
brevet revient aux épreuves, dans quelques matières seulement, le reste
provenant du contrôle continu, on peut s’interroger sur l’utilité d’un brevet
de cette nature. C’est la question d’un groupe de 11 parlementaires qui,
en 2010, a proposé sa suppression en rappelant son coût, 6,5 millions
d’euros, au profit d’un contrôle continu afin d’« adapter l’examen aux
besoins de la société actuelle ». De plus, le rapport pointe du doigt
l’incohérence – voulue par le ministère – qui consiste à prendre en compte à
la fois les notes des élèves (de 0 à 20) et l’évaluation binaire du socle
commun (des cases cochées ou non). Sans parler d’une nouvelle épreuve,
histoire des arts, passée dans les établissements en cours d’année. L’article
du Monde précédemment cité donne deux exemples de la façon dont elle a
été notée : « Dans un établissement de la Vienne, les enseignants ont été
invités à “harmoniser” les notes en mettant à tous la moyenne », et : « On a
même un chef d’établissement qui a imposé deux notes : 10 pour les
mauvaises prestations, 20 pour les autres ! »
Une fois de plus, l’institution scolaire s’en prend aux élèves, on pourrait
même dire « prend » aux élèves. D’abord, avec une évaluation au rabais,
elle les méprise en ne respectant pas le travail fourni dans l’année. Ensuite,
elle les trompe, en leur accordant une note qui ne correspond pas aux
exigences d’une fin de collège. Pire, elle leur ôte la possibilité de réagir et
de « mettre le paquet » afin de commencer à rattraper leur retard. Prendre
véritablement conscience de ses difficultés seulement au milieu du premier
trimestre de la classe de 2de, c’est trois ou quatre mois de perdus et il est
bien souvent trop tard. Enfin, elle les démotive et les lèse, les élèves en effet
consultent les annales et savent bien à quoi s’en tenir quant à la difficulté
des épreuves. Résultat, ils ne révisent pas ou peu, ce qui pourtant aurait
servi à bon nombre d’entre eux pour aborder la classe de 2de.
Les élèves doivent s’autoévaluer

En se corrigeant lui-même, l’élève prend conscience de ses


erreurs et progresse. FAUX

Sur le site internet de l’académie de Paris est donné en exemple un


modèle de fiche d’autoévaluation réalisée par les enseignants d’un collège,
avec sa longue liste de 19 items : « Savoir organiser son plan de travail »,
« Savoir utiliser les mots nouveaux », « Savoir faire un raisonnement »,
« Savoir se concentrer », « Savoir écouter les autres », « Savoir respecter et
faire respecter les règles »…
Classés en deux rubriques, « Savoir-faire » et « Savoir-être », les items
sont accompagnés d’un code d’évaluation, trois colonnes représentées
chacune par un smiley dont une légende nous apprend la signification :
smiley hilare (« Objectif atteint »), neutre (« En cours d’acquisition ») et
smiley pas content du tout (« Objectif non atteint »). Les auteurs de la fiche
justifient l’absence d’une rubrique « Savoirs » en précisant que les élèves
sont notés traditionnellement, comme ils disent, dans chaque discipline.
La méthode de l’autoévaluation repose sur un principe, d’ailleurs
décliné de mille et une autres façons : rendre l’élève acteur de ses
apprentissages. Plusieurs avantages à cela selon ses défenseurs : d’abord,
renforcer sa motivation, car justement il participe à son propre
apprentissage au lieu de recevoir passivement des explications, une
situation souvent comparée par les pédagogistes au gavage des oies.
Pourtant, aucune étude n’a jamais démontré une quelconque supériorité de
cette méthode malgré l’affirmation répétée en boucle par ses partisans. Et
l’appliquer systématiquement, à la façon d’un dogme, ne constitue pas une
preuve de son efficacité (le contraire semble même avoir été montré).
S’autoévaluer permettrait à l’élève de travailler pour lui-même et non pas
pour faire plaisir à l’enseignant, un argument contradictoire venant de ceux
qui instaurent, par exemple, le tutoiement en primaire pour transformer la
relation entre l’élève et l’enseignant, la rendre moins distante. Aucune
raison objective ne tient la route pour défendre ces méthodes, d’autant plus
qu’elles sont dangereuses. Demander à un élève de juger s’il « sait faire un
raisonnement » est une aberration, une démission en rase campagne, une
façon de laisser l’élève – par définition celui qui ne sait pas – seul avec ses
erreurs qu’il pourra répéter indéfiniment, et le nombre de smileys rigolards
généreusement « auto-octroyés » n’y changera rien. L’autoévaluation sous-
entend que l’enseignant n’a rien à apporter à l’élève, que sa correction est
du niveau d’un smiley. À la remarque nuancée, qui explique ce qui va ou
non, on préfère un jugement simpliste, qui plus est émis par quelqu’un qui
ne sait pas. C’est là toute la différence, toute l’escroquerie de cette
autoévaluation, remplacer le savoir et l’expérience du professeur par un
sourire ou une grimace.
Chapitre 5
Ascenseur social :
en panne ?

Les inégalités sociales s’accroissent. Donner plus à ceux qui ont


moins ou plus à tout le monde : comment faire redémarrer
l’ascenseur social ?
Il faut enseigner différemment à Henri IV et à
Bobigny

Pour pacifier les établissements difficiles, il faut adapter


l’enseignement à leur public. FAUX

« On ne peut pas enseigner les mêmes programmes dans le 7e


arrondissement de Paris et à Bobigny. » Déclinée de plusieurs façons, tantôt
avec le lycée Henri IV, tantôt avec les beaux quartiers parisiens, la formule
a fait recette. Elle frappe les esprits par le contraste qu’elle suggère : d’une
part le lycée Henri IV, avec sa chapelle du XIIIe siècle et son escalier en
pierre du XVIIe, d’autre part le département 93, pas vraiment réputé pour
son architecture. En arrière-plan, deux élèves ou du moins leur caricature,
cardigan sur les épaules d’un côté, casquette de travers sur la tête de l’autre.
Pur cliché, renforcé justement par la mesure proposée : pourquoi les uns
mériteraient-ils de lire La Princesse de Clèves et pas les autres, si ce n’est
en raison d’une différence fondamentale ? Car avec cette proposition, il ne
s’agit pas d’en finir avec les effets néfastes du collège unique, de remplacer
celui-ci par des filières identifiées ou même des programmes à options,
mais de proposer que les établissements se spécialisent, selon leur
localisation, pour recevoir un public particulier auquel on dispensera un
enseignement tout aussi particulier. Une façon de considérer que les élèves
de quartiers difficiles forment un ensemble homogène, « nul » bien sûr et
irrécupérable. À quoi bon alors leur donner le même enseignement que les
élèves des beaux quartiers ?
Or l’idée a fait son chemin, d’abord avec l’instauration des ZEP, des
établissements pas comme les autres, qui se sont même démarqués par le
développement de « projets d’action éducative » bien particuliers, en
association avec la grande surface du quartier, par exemple. On imagine
combien de projets similaires pourront prospérer par le biais de l’autonomie
des établissements et d’une école de plus en plus ouverte sur
l’environnement.
« S’adapter à un public » ne signifie d’ailleurs rien d’autre. Un procédé
injuste à plus d’un titre. Quel raccourci en effet de prétendre que dans un
établissement dit « sensible » (c’est-à-dire difficile) les élèves sont
homogènes ! Par leurs résultats comme par leur comportement, ils
présentent des profils différents même si le niveau moyen est plus faible
que dans un lycée ou un collège réputé. Au nom de quoi condamner ces
bons élèves à un enseignement au rabais, adapté à un prétendu profil, et les
priver de la possibilité de poursuivre des études ?
Que faire alors dans ces établissements difficiles où de nombreux élèves
sont effectivement en difficulté ? Différencier l’enseignement à l’intérieur
d’un établissement et non pas de l’un à l’autre, cela permettra d’offrir plus
facilement à chacun une voie correspondant à ses goûts et à ses talents, tout
en instaurant des passerelles qui évitent la relégation définitive. Une façon
parmi d’autres d’éviter la ségrégation.
On devrait rémunérer les élèves pour lutter
contre l’absentéisme

Tout est bon pour faire retrouver aux élèves le chemin de


l’école, y compris une petite pièce ou un gros billet. FAUX

À la rentrée 2009, l’académie de Créteil – avec son taux record


d’établissements difficiles – lançait un pavé dans la mare : pour lutter contre
l’absentéisme scolaire, elle ne proposait rien de moins que de rémunérer les
élèves, une façon comme une autre de les inciter à retrouver le chemin de
l’école. La mesure, uniquement expérimentale, visait les lycées
professionnels, plus touchés par l’absentéisme, qui, à certaines périodes de
l’année, culmine à près de 20 %. Un phénomène préoccupant, car,
concernant les élèves les plus fragiles, socialement comme par leur niveau
scolaire, il amène évidemment au décrochage puis à l’abandon définitif des
études avec sortie du système scolaire sans diplôme.
L’initiative, prise par le recteur de l’académie, concernait six classes
(dans trois établissements) qui recevraient une cagnotte de 2 000 euros au
départ, alimentée ensuite jusqu’à 10 000 euros, si le contrat passé entre
élèves et équipes éducatives en termes d’assiduité et de discipline était
respecté (1 200 euros tous les deux mois pour 100 % de présents, 800 euros
octroyés par le professeur principal si l’attitude générale est bonne…).
Soutenue et financée notamment par le Haut-commissariat à la jeunesse et
son président, Martin Hirsch, la mesure n’avait rien d’une décision prise
localement mais semblait avoir été pensée dans les hautes sphères de l’État.
D’ailleurs, d’emblée était prévu en cas de succès l’élargissement de la
mesure à la moitié des établissements de l’académie.
Que l’Éducation nationale se préoccupe de l’absentéisme, et tente des
solutions, c’est son rôle. Évidemment, on imagine bien dans ce cas qu’il
s’agit du dernier recours. Est-ce pour autant justifiable ?
Précisons que la mesure ne consistait pas à payer les élèves mais à
alimenter une cagnotte destinée à financer un projet de fin d’année à définir
par la classe, un voyage scolaire par exemple. On peut s’interroger sur
l’envie d’un élève décrocheur de participer à un voyage dans le cadre
scolaire, toujours contraignant ! Mais au-delà de son éventuelle efficacité,
cette mesure provoqua une levée de boucliers, car elle altérait les principes
mêmes de l’école républicaine, et ce à plus d’un titre.
Le premier était la contradiction intrinsèque de la mesure… qui
consistait à payer les élèves absents – certes pour obtenir leur retour – alors
que les élèves assidus des autres classes les regarderaient partir en voyage !
À moins que, pas plus bêtes que les autres, ils ne saisissent rapidement le
moyen d’obtenir eux aussi leur cagnotte… Autre effet pervers, celui des
pressions, voire de la violence, surtout quand de telles sommes sont en jeu,
à l’égard des récalcitrants, accusés de faire perdre la cagnotte au reste de la
classe. On imagine les discussions animées, les absents sommés de
s’expliquer à leur retour, voire une expédition organisée pour aller les
chercher à leur domicile un matin où, exaspérés, les autres élèves
constateraient une nouvelle fois leur absence.
Plus choquant encore, l’entrée de l’argent à l’école et la confusion avec
une activité salariée. Si un salarié « vend sa force de travail » à un tiers, les
élèves viennent à l’école dans leur intérêt. Les payer revient à renverser les
rôles, à les déresponsabiliser… et finalement à faire augmenter
l’absentéisme. Avec cette mesure, c’est l’envie d’apprendre et l’idée d’une
école qui rend libre que l’on maltraite.
Et que l’on ne vienne pas confondre avec les récompenses scolaires,
comme l’a fait maladroitement Philippe Vrand, le président d’une
fédération de parents, la PEEP, en déclarant : « C’est mettre la main dans un
engrenage, on commence avec les bons points à l’école maternelle, et on
finit par les billets au lycée. » Les récompenses, comme les images ou les
bons points pour les plus jeunes, les livres ou les distinctions du conseil de
classe n’ont jamais permis de rien acheter, elles se suffisent à elles-mêmes
par la reconnaissance qu’elles témoignent ou par l’accès à la culture
qu’elles offrent, dans le prolongement de l’école et de ses valeurs.
Il faut supprimer les allocations familiales en
cas d’absentéisme scolaire

L’absentéisme scolaire est un fléau. Pour responsabiliser les


parents, il faut supprimer les allocations familiales. FAUX

L’absentéisme scolaire est suffisamment préoccupant pour que la notion


soit définie par la loi : est considéré comme absentéiste un élève qui a
cumulé quatre demi-journées d’absence non justifiées ou plus au cours d’un
mois. On passe à la catégorie « Absentéisme lourd » à partir de dix demi-
journées d’absence non justifiées au cours d’un mois.
À l’échelle nationale, le phénomène a une ampleur variable : infime au
primaire, il augmente au collège (2,3 % en moyenne annuelle), continue à
progresser au lycée d’enseignement général (4,2 %) et culmine au lycée
professionnel (14,2 %), selon les chiffres du ministère pour l’année 2009-
2010 (fournis en décembre 2011). Évidemment, derrière ces moyennes se
cache une réalité plus contrastée, avec un taux d’absentéisme supérieur dans
les collèges en (ex-) ZEP et ceux qui accueillent plus de 20 % d’élèves en
retard en sixième. De façon générale, l’absentéisme augmente aussi avec la
part d’élèves défavorisés dans l’établissement. Il varie également de façon
saisonnière, avec un pic entre novembre et mars.
Stabilisé depuis quelques années, l’absentéisme reste néanmoins élevé,
ce qui a conduit le gouvernement en 2010 à soumettre le versement des
prestations familiales à l’obligation scolaire. Voulue comme un ultime
recours, cette mesure a pour objectif, selon ses concepteurs, de
responsabiliser des parents et, comme le dit la circulaire d’application
du 31 janvier 2011, « d’impliquer les familles, parfois très éloignées du
monde de l’école, dans la scolarité de leur enfant, en améliorant le dialogue
entre les parents d’élèves et le reste de la communauté éducative ». La
mesure s’accompagne d’ailleurs d’une série de recommandations pour
éviter la sanction ultime : le contact rapide avec les parents ou l’élève lui-
même « dès la première absence non justifiée », de la part de
l’établissement d’abord puis de l’inspection académique, la saisine du
président du conseil général, la communication au maire… et enfin la
saisine de la caisse d’allocations familiales et du procureur de la
République.
L’idée de responsabiliser les familles suppose qu’elles détiennent la
solution du problème, voire que leur démission en soit la cause… un
diagnostic que ne partage pas l’Ufal (Union des familles laïques de France).
Pour preuve, l’association a mené une enquête dont les résultats
contredisent le discours officiel. Première critique de l’Ufal, les chiffres du
ministère sont basés sur l’absentéisme non excusé et ne prennent pas en
compte la totalité de l’absentéisme volontaire, notamment celui dissimulé
par de fausses excuses. L’absentéisme toucherait alors un public plus large,
pas forcément défavorisé. L’étude de l’Ufal, de type qualitative, a consisté à
interroger 23 parents d’absentéistes et 17 élèves absentéistes, appartenant
ou non à la même famille (30 familles au total). Il en ressort que les jeunes
interrogés sont en situation d’échec scolaire, avec parfois un handicap
scolaire comme la dysorthographie ou la dyslexie, ainsi que des difficultés
de compréhension associées à un mal-être dépassant le cadre de l’école.
Quant aux parents, une majorité a tenté de mettre en place un dialogue,
d’inverser la tendance, mais certains, de crainte d’un départ du jeune en cas
de conflit, ont finalement renoncé à une sanction. Sur les 30 familles
étudiées, dans 11 cas les parents agissent et sanctionnent, contraignant
l’enfant à se lever, le conduisant même à l’école et, si son comportement
persiste, sévissent par des punitions diverses – suppression du portable, de
l’ordinateur, interdiction des sorties… Dans 6 autres, les parents montrent
en revanche une compréhension voire une complicité avec l’absentéisme de
leur enfant, en rendant même les professeurs responsables (« la seule chose
que l’on pourrait faire, c’est de changer ces profs-là. Les renvoyer en
formation, en cours de pédagogie », déclare l’un d’eux). Finalement, pour
eux, le problème vient de l’école. On le voit, la situation est complexe : la
suppression des allocations familiales pourrait avoir un impact sur le
dernier groupe – à condition aussi qu’elles leur soient nécessaires –, mais
qu’en serait-il dans les autres cas ? Une loi, toujours de portée générale,
peut-elle favoriser le règlement de situations aussi variées ?
Avec la massification du secondaire,
l’enseignement supérieur s’est démocratisé

Accéder aux études supérieures a constitué une chance pour de


nombreux jeunes. VRAI et FAUX

Le nombre d’étudiants a augmenté, personne ne s’en plaint : les


diplômés trouvent plus facilement un emploi, avec un meilleur salaire. Mais
la réalité est plus nuancée. On le sait, le slogan des « 80 % » lancé pour
augmenter le nombre de bacheliers professionnels, a finalement attiré les
élèves vers l’enseignement général. Avec des conditions de passage
facilitées et des exigences au bac revues à la baisse (les taux de réussite
croissants en témoignent), ces élèves nouvellement admis dans le système
ont pu accéder à l’enseignement supérieur : en 1950, seule une moitié des
élèves poursuivait ses études au-delà de l’âge de 14 ans et demi alors
qu’en 1999 la moitié les prolonge après 21 ans (soit trois années après le
bac). Plus parlant encore, de 1987 à 1997 – en dix ans seulement –, l’âge
médian (c’est-à-dire pour la moitié des élèves) d’arrêt des études passe
de 19 à 22 ans. Or le taux d’échec avoisine les 50 % en premier cycle
universitaire.
Dans son ouvrage 80 % au bac… et après, le sociologue Stéphane
Beaud s’est intéressé au parcours de ces nouveaux admis en menant une
enquête sur plusieurs années dans une cité de la banlieue de Sochaux. Les
témoignages, qui amènent l’auteur à parler de « démocratisation scolaire
ségrégative », donnent l’impression d’un immense gâchis. La plupart de ces
jeunes, qui se sont retrouvés à l’université, se décrivent comme des élèves
« moyens », et ce dès le collège, ne manifestant pas un intérêt particulier
pour l’école. Mais l’effet repoussoir de l’usine, avec la dureté des
conditions de travail, les salaires trop faibles et aussi le sentiment de
déclassement du monde ouvrier – on est au milieu des années 1980, en
pleine crise –, revient régulièrement dans leurs déclarations pour justifier ce
choix. Pour autant, beaucoup hésitent après la troisième et finalement se
laissent entraîner plus qu’ils ne s’engagent (« Tout le monde y va, je ne vais
pas être le seul ») dans la voie générale, même ceux dont les résultats sont
manifestement insuffisants. De toute façon, il faut tout faire pour échapper
au lycée professionnel, la voie la plus directe vers l’usine. L’arrivée au
lycée est souvent douloureuse, le sentiment d’appartenir à un autre monde –
« Y a des clans ici », répètent plusieurs jeunes dans l’enquête –, les
résultats médiocres, mais, grâce au « passage automatique » instauré au
cours des années 1990, beaucoup arrivent au bac. Évidemment, ces
« malgré nous », comme les surnomme l’auteur, n’accèdent pas aux filières
sélectives du supérieur et progressivement décrochent : niveau trop difficile,
prof qui va trop vite, « on n’y comprend rien »… beaucoup d’entre eux
alimentent les fameux « 50 % d’échec » et pour eux, contrairement aux
statistiques de l’OCDE, les études supérieures ne constituent pas un
investissement rentable. Un échec d’autant plus douloureux lorsqu’il
survient à 21-23 ans, sans réelle possibilité de reconversion.
Alors, pourquoi poursuivre une massification qui laisse tant de jeunes
sur le carreau ? L’augmentation du nombre de diplômes, supérieure aux
besoins, la concurrence accrue tendent à faire baisser leur valeur et
finalement le coût du travail. L’OCDE ne dit pas autre chose lorsqu’elle
écrit dans son rapport (« Regards sur l’éducation 2011 ») : « Ce constat
suggère que la pénurie d’individus hautement qualifiés entraîne la hausse
du coût de la main-d’œuvre, car les employeurs doivent rivaliser pour
gagner les faveurs de travailleurs qualifiés peu nombreux. » La face sombre
de la prétendue démocratisation scolaire.
L’école n’assure plus son rôle d’ascenseur
social

L’école en France fige les inégalités, bien plus qu’ailleurs.


FAUX

« L’ascenseur social n’est pas en panne, il descend ! » La formule, si


souvent répétée, correspond à une réalité, mais laquelle ? Derrière
l’expression « ascenseur social » s’en cache une autre, plus fondée, celle de
« mobilité sociale », intra ou intergénérationnelle. Comprenez : si vous êtes
issu d’un milieu économiquement défavorisé, quelles sont vos chances
d’améliorer votre situation personnelle au cours de votre vie ou par rapport
à celle de vos parents ? « De moins en moins grandes », jugent les Français.
À en croire les enquêtes d’opinion les plus récentes, le sentiment que le
mérite compte moins que l’héritage et les privilèges se développe et, dans
un vieux pays révolutionnaire comme la France, la situation passe mal.
L’amélioration de la condition peut se mesurer au diplôme comme au
salaire, en comparant ceux des enfants et des parents. Une étude de l’OCDE
datée de 2010 (« Réformes économiques. Objectif croissance ») montre
que, dans tous les pays, les résultats des enfants dépendent du milieu socio-
économique de leurs parents, pour le niveau d’éducation comme pour le
salaire. Autrement dit, la prétendue « égalité des chances » n’existe nulle
part au monde, on s’en serait d’ailleurs douté. Reste à comparer ces
inégalités d’un pays à l’autre. Concernant les salaires, d’après cette étude,
les quatre pays où le niveau de rémunération des garçons est le plus lié à
celui de leur père sont, par ordre croissant, la France, les États-Unis, l’Italie
et la Grande-Bretagne, des pays aux systèmes éducatifs pourtant très
différents. Par exemple, le système français, centralisé, avec des
programmes nationaux et une importance de la transmission des savoirs
académique, se distingue nettement de celui des États-Unis ou de la
Grande-Bretagne. D’où une première conclusion : le type de système
éducatif n’est pas le principal responsable des blocages de la société.
D’ailleurs, l’écart de salaire entre deux individus dont les parents ont des
niveaux d’étude différents est le plus fort dans les pays les plus inégalitaires
(pays du sud de l’Europe, Grande-Bretagne et Irlande). Avec ce critère, la
France se place d’ailleurs juste après la Finlande, au système éducatif tant
vanté.
Autre résultat intéressant, la probabilité de faire des études supérieures
en fonction du niveau de formation du père. Si celui-ci est faible, cette
probabilité sera d’autant plus grande que le système est moins inégalitaire.
Or sur 14 pays, la France arrive en 3e position, parmi les mieux classés…
juste avant la Finlande. Les inégalités intergénérationnelles sont une réalité,
en France notamment, mais d’après cette étude, si l’école y contribue en
partie, elle n’en est pas la principale responsable.
Les cours particuliers sont devenus
indispensables

De plus en plus d’élèves font appel aux cours particuliers. Ils


ne font plus confiance à l’école pour leur réussite. VRAI

Le soutien scolaire a le vent en poupe. Des sociétés privées au succès


grandissant proposent des cours à domicile dans toutes les matières et pour
tous les niveaux, déduction fiscale de 50 % ou crédit d’impôt en prime.
D’ailleurs, l’annonce en 2011 de la suppression de cet avantage fiscal, un
manque à gagner de 600 millions d’euros pour l’État, déclencha une action
de lobbying suffisamment efficace pour que le gouvernement fasse machine
arrière. Débourser une trentaine d’euros pour une heure de cours, autrement
dit 15 euros après déduction d’impôts, de plus en plus de parents font ce
choix, pas à la portée de toutes les bourses pour autant.
Stages intensifs avant le bac, cours en petits groupes durant les
vacances, remise à niveau avant l’entrée en prépa, toutes sortes de formules
plus ou moins onéreuses proposent de remédier aux lacunes des élèves.
Quant à s’en passer au cours de la première année d’études de médecine,
c’est devenu impensable ! L’école tient-elle encore ses promesses quand le
financement de cours extrascolaires devient obligatoire, du moins pour ceux
qui envisagent la poursuite d’études supérieures ?
Plus qu’un simple effet de mode, la demande semble correspondre à un
besoin réel, même si ce sont aussi de bons élèves qui ont recours au soutien
scolaire. Autrement dit, pour travailler il faut payer ! L’élève-client est plus
motivé qu’à l’école, d’autant plus qu’il apprend parfois davantage lorsqu’il
fait l’économie de multiples nuisances, bavardages, indiscipline, qui
rendent parfois les cours insupportables. Qu’il s’agisse de cours particulier
ou en petit groupe, les conditions sont forcément plus propices au travail
que dans une classe surchargée, encombrée d’élèves incapables de suivre,
amenés là par le flux des passages automatiques. Quand le cours patine, que
les exercices trop faciles sont peu stimulants, même les bons élèves
finissent par s’ennuyer et participer au bazar ambiant.
Un bazar parfois organisé par l’institution elle-même quand elle
préconise l’intervention systématique des élèves et décrie le cours
magistral. D’autant plus que les réformes successives ont conduit à la
suppression quasi systématique des cours en classe dédoublée, évidemment
plus coûteux. Mais surtout elles ont réduit le nombre d’heures des
disciplines, notamment en français. Ainsi, l’association Sauver les lettres a
calculé qu’un élève actuel arrivait en seconde en ayant suivi 800 heures de
français de moins qu’un élève de 1974, soit l’équivalent de deux années et
demie. Un élève de section S, pour sa part, aurait perdu avec les réformes
des trente dernières années sur l’ensemble de sa scolarité dans le
secondaire 198 heures de maths, soit l’équivalent d’une année et demie.
Mais au-delà des durées, c’est le contenu des programmes qui se vide
peu à peu. Enseignement par « flashs » en histoire, « boîtes noires » en
sciences, non seulement les élèves sont dispensés de toute explication un
peu pointue, mais ils empilent des connaissances partielles dans de
nombreuses matières, au mépris de toute logique, sans acquérir les cadres
qui pourraient leur donner un sens. L’abandon quasi systématique de la
pédagogie « explicite » laisse plus d’un élève désemparé et comment lui en
vouloir s’il préfère joyeusement déblatérer avec son voisin que de s’atteler à
sa énième « tâche complexe », une devinette mitonnée avec une pesante
application pédagogique par son professeur. Sans compter que la
valorisation permanente de l’esprit d’initiative, de la participation orale et
de la spontanéité va souvent de pair avec une baisse des exigences pour
d’autres qualités, rigueur, méthode, trop scolaires jugeront certains.
Pourtant, ces exigences apparaîtront très brutalement après le bac et il
faudra alors compter sur les sociétés privées pour rattraper le temps perdu à
l’école, au prix fort malheureusement.
Alors, ces cours particuliers sont-ils la panacée ? Bien souvent
dispensés par des enseignants pas suffisamment qualifiés, voire pas du tout,
ils peuvent se révéler être des remèdes pires que le mal ou en tout cas peu
utiles. Une aide individualisée ne remplace pas un cours structuré.
Les grandes écoles reproduisent les
inégalités

Le public des grandes écoles n’est pas représentatif de la


population, preuve qu’elles reproduisent les inégalités. VRAI

Le nombre d’étudiants augmente mais pas pour autant la proportion de


ceux issus des milieux modestes, employés et ouvriers. Seule une petite
minorité décroche un diplôme de l’enseignement supérieur. Ainsi, pour
l’année 2009-2010, ils représentent 10 % des inscrits à l’université (et 41 %
de la population), contre 30 % d’enfants de cadres et de professions
intellectuelles supérieures (qui représentent 15 % dans la population
salariée). Cette surreprésentation des enfants de cadre est encore plus
marquée dans les filières sélectives, dans les écoles de commerce (52 %),
les études de médecine (49 %), les classes préparatoires aux grandes écoles
(48 %) et les écoles d’ingénieurs (46 %), une inégalité déjà marquée dans
l’enseignement secondaire et qui s’accroît encore dans le supérieur. On le
sait, les déterminismes sociaux et culturels pèsent lourds, et en période de
crise la ségrégation sociale s’accentue. Ainsi, selon une étude de
l’Observatoire de la vie étudiante, sur une période aussi courte que celle
de 2006-2010, la part des enfants de milieux populaires dans
l’enseignement postbac (y compris IUT, STS…) est passée de 35 à 31 %
tandis qu’elle augmentait de 32 à 36 % dans les milieux favorisés.
Mais, en dehors des fluctuations liées aux circonstances, la question est
de savoir si ces inégalités se sont réduites au cours du temps, dans le
contexte de la massification. Dans leur fameux ouvrage Les Héritiers. Les
étudiants et la culture, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron
soulignaient, en 1964, que « les chances objectives d’accéder à
l’enseignement supérieur sont quarante fois plus fortes pour un fils de cadre
supérieur que pour un fils d’ouvrier ». La situation s’est améliorée
aujourd’hui puisque, comme l’indique un rapport du sénat de 2007,
entre 1986 et 1996, « la proportion d’enfants d’ouvriers poursuivant des
études supérieures a été multipliée par trois ». Selon ce rapport, un enfant
d’ouvrier a désormais 7 fois moins de chances qu’un enfant de cadre
supérieur ou d’enseignant d’accéder à l’université, contre 28 fois moins
dans les années 1970. Mais cet accroissement diffère selon les filières : la
proportion d’enfants d’ouvriers augmentant plus, par exemple, en terminale
STT (sciences et technique tertiaires) qu’en S. Et dans les filières d’élite de
l’enseignement supérieur, le phénomène est encore plus marqué. Dans leur
rapport « Éducation et formation », Claude Thélot et Michel Euriat révèlent
l’évolution de la proportion d’étudiants d’origine populaire dans les écoles
les plus prestigieuses :

Proportion d’étudiants d’origine populaire (agriculteurs, ouvriers, employés, artisans et


commerçants) dans les grandes écoles (%)

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, le taux d’étudiants d’origine


populaire n’a cessé de décroître avec la massification, et finalement la porte
des grandes écoles s’est presque totalement refermée aux plus modestes
depuis les années 2000. Des chiffres à relativiser – à peine – avec des taux
plus élevés d’enfants d’ouvriers à l’université, dans les masters (7,3 %) et
en doctorat (4,4 %).
La politique de Sciences-Po favorise l’égalité
des chances

Avec la politique volontariste de Sciences-Po, le poids des


inégalités sociales est réduit. FAUX

Sciences-Po innove ! La prestigieuse institution de la rue Saint-


Guillaume a fait beaucoup parler d’elle lorsqu’en 2001 elle lança un
programme de conventions avec des établissements de la banlieue
parisienne classés ZEP (depuis rebaptisés RAR). En 2011, 125 étudiants
sur 1 580 (soit 8 %) ont été admis par cette voie, dispensés du fameux
concours d’entrée. Une forme de discrimination positive pour compenser,
selon ses partisans, l’aspect discriminant des épreuves qui expliquerait
l’origine des admis, 80 % appartenant aux catégories socioprofessionnelles
supérieures. Pas question pour autant, toujours d’après les instigateurs de la
convention, de céder à une quelconque facilité à l’égard de ces nouvelles
recrues, qui suivront exactement le même parcours et subiront les mêmes
examens que leurs camarades.
Les instituts d’études politiques (IEP) de province ont à leur tour suivi
cette démarche. En dix ans, plus de 700 élèves ont intégré Sciences-Po
Paris et sont devenus des élèves comme les autres, d’après la direction de
l’école. Aucun à ce jour n’a encore réussi à intégrer l’ENA, le sacre des
débouchés, sans que l’on puisse néanmoins en conclure quoi que ce soit
compte tenu de leur trop faible effectif.
Quel bilan en tirer ? L’IEP se flatte d’avoir ainsi diversifié son public.
Sans doute, mais cela appelle deux remarques : d’une part, l’opération était
censée être destinée aux élèves de ZEP, pas à l’IEP ; d’autre part, dans la
même période, l’augmentation des frais de scolarité (avec instauration
d’une progressivité selon les ressources des parents) suscite une fronde des
étudiants, qui y voient une contradiction avec la prétendue démocratisation
voulue par la direction de l’école.
Mais plusieurs problèmes de fond demeurent. Tout d’abord, on prend le
risque avec ce procédé de trier des candidats sur des critères autres que
sociaux. Ainsi, sur le site de l’Observatoire des zones prioritaires, favorable
à cette politique, on mentionne que « les 3/4 des admis sont boursiers », ce
qui devrait suffire, et pourtant on ajoute juste après « les 2/3 des admis ont
au moins un parent né hors de France ». Ce critère doit-il intervenir dans la
sélection des candidats ?
Autre problème de taille, les modalités de sélection ne garantissent pas
l’égalité entre les candidats. Dans leurs établissements respectifs, ils doivent
constituer un dossier sur un thème de leur choix, à partir duquel ils
élaborent une note de synthèse et une analyse. L’ensemble est ensuite
soutenu devant le chef d’établissement et quelques enseignants qui
l’évalueront tout en tenant compte des résultats scolaires et des capacités de
travail du candidat. Une fois déclarés admissibles, ils passeront devant un
jury d’admission à Sciences-Po. Avec autant de jurys que d’établissements,
la procédure d’admissibilité s’apparente plus à une « épreuve maison » qui
ne garantit en aucune façon les conditions d’égalité des candidats. Comme
le montrent d’ailleurs les propos d’un enseignant d’établissement en ZEP
partenaire de Sciences-Po, rapportés dans un mémoire réalisé en 2008 par
une étudiante de l’IEP de Toulouse (« La mise en œuvre de l’égalité des
chances à Sciences-Po : entre isomorphisme et pluralité des conceptions ») :
« Alors les critères… Bien sûr, il n’y a pas que les critères scolaires, il y a
des critères un peu plus subjectifs, non pas subjectifs au sens négatif du
terme, subjectif au sens où cela relève de la relation que [le professeur] a
avec l’élève », et plus loin : « Donc ça peut toucher des élèves qui ne sont
pas brillants sur le plan scolaire, et c’est d’ailleurs en fin de compte l’esprit
de la convention. » Le dernier écueil est le nombre de lycées
« conventionnés » : 85 pour l’IEP de Paris en 2011 (contre 7 en 2001), un
nombre en augmentation constante mais bas par rapport à l’ensemble des
lycées classés ZEP, d’autant plus que maintenant Sciences-Po passe aussi
des conventions avec la province. Le problème est bien là, d’emblée les
lycéens en ZEP sont placés sur un pied d’inégalité, le premier critère pour
accéder à Sciences-Po par la procédure de convention est d’être scolarisé
dans le bon lycée. Que l’« appartenance » devienne le premier critère
(certes pas le seul), c’est tout de même un comble lorsque l’on veut lutter
contre les inégalités ! À vouloir compenser par une voie détournée les
inégalités sociales, on en crée de nouvelles entre pauvres en instaurant un
tirage au sort. Généralisons à tous les établissements ZEP alors ! Vu le
mode d’admissibilité et ses travers évoqués précédemment, d’autres
inégalités, tout aussi criantes, surgiraient. Depuis des années, la consigne en
ZEP est d’« enseigner autrement », une façon policée de dire « enseigner
autre chose », rendant de plus en plus difficile l’accès aux filières sélectives
postbac. Et les conventions des uns ou des autres passées avec les ZEP ne
peuvent constituer qu’un cautère sur une jambe de bois.
L’instauration des ZEP a amélioré la
situation des établissements difficiles

Les moyens alloués aux ZEP ont permis de compenser les


inégalités. FAUX

Lancées en 1981 par Alain Savary, alors ministre de l’Éducation


nationale, les zones d’éducation prioritaires, réunissant des écoles ou
collèges dans lesquels les populations rencontrent le plus de difficultés, tant
sociales que scolaires, avaient pour ambition de « donner plus à ceux qui
ont le moins ». La mesure, prévue d’abord comme temporaire, était en effet
censée perdre tout intérêt une fois qu’elle aurait porté ses fruits. En réalité,
elle fut renforcée en 1989 puis prolongée par la suite. En 1997,
700 000 élèves environ dans les écoles (11 %) et 400 000 dans les collèges
(15 %) bénéficiaient de cette politique.
Aujourd’hui, les ZEP n’existent plus, remplacées par les RAR, les
Réseaux Ambition réussite, avec les établissements les plus difficiles
(encore appelés EP1, « Éducation prioritaire 1 »), et par les RRS (Réseaux
de réussite scolaire), regroupant eux-mêmes deux types d’établissements
(EP 2 et EP 3), les moins fragiles (EP 3) étant censés à terme sortir de
l’éducation prioritaire. Ces nouvelles dénominations correspondent à un
changement de politique en 2007, qui consiste à concentrer les moyens là
où les difficultés sont plus grandes.
Ces établissements sont classés RAR en fonction de la proportion
d’élèves issus de milieux défavorisés (57,4 % d’entre eux ont des parents
ouvriers ou inactifs, contre 35 % dans les autres établissements), de ceux
avec deux ans ou plus de retard à l’entrée en sixième (20,2 %,
contre 12,2 % hors éducation prioritaire), des scores aux tests d’évaluation,
du nombre d’élèves non francophones et de bénéficiaires de bourses…
Aucun doute, l’éducation prioritaire concentre les problèmes, mais cette
politique a-t-elle amélioré les résultats scolaires ? Non, à en croire la
conclusion d’une enquête menée par l’Insee en 2005 (« Zones d’éducation
prioritaire : quels moyens pour quels résultats ? »), portant sur la
période 1982-1992 et concernant les élèves de collège : « À partir de
données constituées de deux panels d’élèves entrés en sixième en 1980 et
en 1989, et suivis pendant toute leur scolarité, il apparaît alors difficile de
révéler un effet significatif du programme ZEP sur la réussite des élèves
pendant la période 1982-1992. » Avec les quatre critères retenus, obtention
d’un diplôme, passage en quatrième, en seconde, et obtention du
baccalauréat, aucune amélioration n’a été observée. Quant aux enseignants,
même le versement de primes n’a pas réussi à les maintenir. En 2007, le
surcoût de 927 millions d’euros (sur un budget de l’Éducation nationale
de 60 milliards d’euros environ) a été consacré à 67 % au versement de
l’indemnité ZEP aux personnels.
L’enquête précise que finalement les moyens mis en œuvre n’ont
permis de faire évoluer que très légèrement la taille des classes, le nombre
d’heures d’enseignement par élève, la qualification ou l’âge des professeurs
n’étant pas modifié. Sans compter les effets pervers : si le nombre moyen
d’élèves par collège diminue plus qu’ailleurs, c’est l’effet repoussoir du
classement ZEP qui incite des élèves, souvent les moins défavorisés, à
s’inscrire ailleurs, en particulier dans le privé. Peut-être en aurait-il été
autrement si l’on s’était contenté d’adapter les moyens (nombre d’élèves
par classe par exemple) sans coller l’étiquette « ZEP » à ces établissements.
Mais la volonté politique était, en dehors de l’affichage, d’inciter à y
travailler autrement, ce que beaucoup ont compris comme dispenser un
enseignement « light ». Il n’en fallait pas davantage pour couler ces
établissements.
L’école profite d’abord aux enfants
d’enseignants

Les enfants d’enseignants s’en sortent mieux que les autres.


Rien d’étonnant, eux seuls connaissent les rouages du système
et savent en profiter au maximum. FAUX

Incontestablement, les enfants d’enseignants ont de meilleures chances


de réussite. Au point de s’attirer les foudres du journaliste Éric Le Boucher,
qui dénonce sur Slate.fr (22 mai 2010) « le scandale de la X génération ».
Motif : à l’École polytechnique, un élève sur deux a un parent enseignant.
Selon ce journaliste, pour atteindre un tel niveau, il faut être « un enfant du
système, avoir le “décodeur” que seuls les “insiders” possèdent : les
professeurs ». Pire, il accuse : « La captation du sommet par les membres
du Parti s’accompagne d’un abandon par les mêmes des enfants du bas. »
Autrement dit, si le niveau des élèves dégringole en français et en maths, si
la position de la France dans les classements Pisa n’est pas mirobolante, les
profs sont les premiers responsables ! Jeter la suspicion sur les profs, les
accuser pratiquement de délit d’initiés, voilà une accusation qui devrait
trouver facilement écho.
Soit, les enfants de profs sont surreprésentés à l’X, à Normale sup aussi.
Mais qu’en est-il des autres grandes écoles ? Peu de voix s’élèvent pour
dénoncer l’inégalité d’accès aux grandes écoles de commerce, comme HEC
ou l’Essec. Avec des droits d’inscription annuels de 12 000 à 15 000 euros,
les enfants issus de milieux modestes y sont tout aussi rares, comme les
enfants de profs sans doute. Cela ne semble choquer aucun de ceux qui
dénoncent l’élitisme des classes prépas. Mais au-delà de la polémique,
l’accusation de M. Le Boucher, ne fait finalement que reprendre la théorie
des « héritiers » de Bourdieu. La culture, privilège bourgeois réservé à une
élite, serait un facteur de clivage interdisant l’abolition des inégalités
sociales.
Personne ne peut nier que le niveau d’études des parents a une
incidence sur le parcours scolaire des enfants. Et quand il s’agit de dénoncer
une reproduction des inégalités sociales, les profs sont les premiers dans le
collimateur, considérés comme les membres d’une caste dirigeante, jalouse
de ses privilèges transmis égoïstement de génération en génération.
De quels privilèges réels ou supposés disposent donc les professeurs ?
Bénéficient-ils pour leurs enfants du piston que leur carnet d’adresses
pourrait leur faire espérer ou encore de passe-droits pour accéder aux
meilleures prépas ? Le reproche n’est pas là, leur tort est précisément
d’envoyer leurs enfants en classes préparatoires, tout simplement parce
qu’ils pensent qu’une CPGE garantit un meilleur avenir à leur progéniture.
Les enfants issus de milieux modestes quant à eux ignoreraient l’existence
des prépas, pire, leurs propres profs les dissuaderaient de tenter l’aventure.
Vaste blague !
Tout d’abord, si les enfants de profs sont plus nombreux à effectuer un
parcours sans faute, c’est à force de travail. Personne ne suit une classe
préparatoire sans efforts. La faute d’un enseignant est peut-être
d’encourager ses enfants à travailler, de leur donner le goût de lire, de ne
pas systématiquement contester leurs notes ni remettre en cause la parole
des professeurs. Il est vrai que parfois il peut suppléer aux défauts de
certains, du moins dans les petites classes. Mais reproche-t-on aux autres
parents d’offrir des cours particuliers ou des séjours linguistiques à leurs
enfants quand ils le jugent utile ?
Quant à leur prétendue connaissance des méandres du système, on ne
voit pas comment elle expliquerait les meilleurs résultats de leurs enfants
dès la classe de 6e. Ainsi, selon une étude de l’Insee menée en
septembre 2008 sur des élèves scolarisés dans les collèges publics en
Picardie : « Aux évaluations effectuées en classe de 6e, un enfant
d’enseignant a presque 5 fois plus de chances de répondre correctement à la
moitié des items qu’un enfant de milieu “défavorisé”. Il devance les autres
enfants de cadres (3 fois plus de chances de répondre correctement à la
moitié des items qu’un enfant de classe “défavorisée”), les enfants dont le
chef de famille appartient aux professions intermédiaires (1,7 fois plus), et
enfin les enfants de la “classe moyenne” (1,4 fois plus). » Les écarts se
creusent donc très tôt, bien avant le choix d’options rares dans les meilleurs
lycées ou de la bonne classe prépa !
Doit-on en conclure, comme la sociologue Marie Duru-Bella, que
« tous les groupes sociaux qui en ont l’occasion – cheminots, médecins… –
font bénéficier leurs proches d’avantages liés à leurs fonctions. Les
professeurs ne font pas exception » ? Finalement, le savoir, l’instruction, les
connaissances, le sens de l’effort ne seraient rien d’autre que des avantages
acquis, au même titre qu’un billet de train gratuit ! Voilà le privilège caché
que conservent jalousement les professeurs !
Les internats d’excellence assurent l’égalité
des chances

En donnant plus à ceux qui ont moins, les internats


d’excellence compensent les inégalités sociales. FAUX

Mis en place à partir de 2008, les « internats d’excellence et de l’égalité


des chances » ont attiré sur eux les feux des projecteurs, au moins pour leur
nouveauté. Au nombre de treize pour l’année 2011-2012, ils
scolarisent 2 127 élèves, à comparer aux 5,3 millions du secondaire, pour
un coût de 500 millions d’euros. À terme, il est prévu (sans précision de
date) la création de 20 000 places, principalement par la labellisation
« Internat d’excellence » de structures existantes. Leur but, précise la
circulaire du 22 juillet 2010, est de « permettre à des collégiens, lycéens et
étudiants motivés, ne bénéficiant pas d’un environnement propice aux
études, d’exprimer tout leur potentiel et de réaliser le parcours scolaire
correspondant ». Ces établissements accueillent en premier lieu les élèves et
les étudiants de milieux défavorisés, issus des quartiers relevant de la
politique de la ville ou d’établissements de l’éducation prioritaire. Ainsi, en
offrant aux meilleurs élèves des conditions favorables aux études, on les
extrait d’un milieu qui s’y prête peu et ils peuvent donner le meilleur d’eux-
mêmes. À vrai dire, l’école républicaine, selon le principe méritocratique, a
toujours dégagé une élite scolaire et aidé à la poursuite des études grâce à
des moyens financiers comme les bourses. Mais ici, le risque de déstabiliser
les établissements difficiles en leur retirant les meilleurs élèves a été
souligné, un risque théorique pour l’instant en raison du petit nombre
d’élèves concernés. On peut aussi s’interroger sur la notion d’égalité
lorsque le système ne concerne qu’une si faible minorité, alors que de
nombreux autres élèves tout aussi méritants ne peuvent ou ne veulent pas
(on peut préférer vivre en famille) accéder à ce type de structure et doivent
se satisfaire de conditions de scolarité plus que difficiles.
Mais le projet renferme une contradiction de taille. En effet, le
ministère à l’époque ne cessait de répéter – à tort ou à raison, peu importe –
qu’il fallait rompre avec le dogme du quantitatif, du « toujours plus de
moyens » et passer à une démarche de qualité dans laquelle les besoins sont
évalués localement (la fameuse autonomie) et les moyens adaptés. Or, c’est
tout le contraire avec ces internats d’excellence qui appliquent exactement
les mêmes programmes, les mêmes volumes d’heures, soumis aux mêmes
méthodes, prêchées par les mêmes inspecteurs venant porter la même parole
que dans les autres établissements. Alors, quels atouts possèdent-ils pour
recruter des élèves, tous volontaires ? La réponse tient en deux mots : les
moyens ! Pour s’en convaincre, il suffit de lire les arguments présentés sur
le site web de l’académie de Nice pour vanter ses deux internats
d’excellence : « L’objectif de l’internat d’excellence est d’encadrer les
internes au plus près de leurs besoins. […] Pour les aider, ils sont suivis par
une équipe pédagogique, composée de professeurs […] qui vient renforcer
le travail fait en classe. » Des moyens dont plus d’un rêverait, tout comme
les conditions idylliques : « proximité de bases nautiques et de très
nombreux sites sportifs », « chambres spacieuses, avec douche et sanitaires
privés », « nombreuses salles de travail avec des équipements informatiques
et vidéo »….
Au mieux, ces internats ne peuvent être qu’un symbole pour relancer
une politique éducative, et revaloriser l’image de l’Éducation nationale dans
son rôle d’ascenseur social. Si tant est que cela se produise, est-ce
néanmoins suffisant par rapport aux problèmes qu’ils posent ?
Tout se joue au primaire

Les élèves n’entrent pas tous au collège avec le même bagage.


Leurs chances de réussir sont variables, tout se joue au
primaire. VRAI… et peut-être même avant

Tout se joue à l’école primaire, c’est vrai, du moins selon les


statistiques. En 2010, 12,8 % des élèves entrent en sixième déjà avec une
année de retard (0,4 % avec deux ans ou plus). Évidemment, une année de
retard n’est pas en soi catastrophique, mais elle indique souvent des
difficultés sous-jacentes.
Ainsi, une vaste enquête a permis de suivre jusqu’à la fin de leurs
études une cohorte de 22 000 élèves, entrés en sixième en 1989.
Quelque 63 % d’entre eux sont devenus bacheliers dans une série générale,
technologique ou professionnelle. L’intérêt de la méthode est de pouvoir
regarder en arrière et d’observer le parcours d’élèves aux situations
différentes. Ainsi, l’âge d’entrée en sixième apparaît comme un facteur qui
conditionne la réussite de la suite de la scolarité. Parmi les élèves entrés à
l’âge de 10 ans (sans retard), 93,2 % ont obtenu le bac, contre
seulement 75,7 % de ceux avec un an de retard et 26,6 % avec deux ans.
L’écart se creuse pour l’accès et la réussite dans l’enseignement supérieur :
62,7 % des élèves entrés en sixième à 10 ans ont obtenu un diplôme bac
+ 3 et seulement 34,8 % de ceux entrés à 11 ans (4 % à 12 ans).
L’étude a pu être affinée en tenant compte des différences de niveau des
élèves sans retard grâce aux évaluations d’entrée en sixième en français et
en mathématiques. Même si ces tests ont tendance à gonfler le niveau, leur
caractère national permet des comparaisons. Classés en quatre groupes
selon leurs résultats, ils sont 93 % des élèves du premier groupe à avoir
décroché le bac, contre 26,6 % du dernier, une autre façon d’illustrer
l’importance des acquis du primaire dans la poursuite de la scolarité. Les
différences s’amplifient pour un diplôme de l’enseignement supérieur,
puisque si 82,5 % du premier groupe l’obtiennent, le taux passe à 48,5 %
dès le second groupe. Cette diminution brutale illustre un phénomène
fréquent, à savoir le décrochage chez certains élèves aux résultats pourtant
satisfaisants au primaire ou au collège. Alors, tout se joue au primaire ?
Souligner l’importance des acquis de base est un lieu commun, mais les
savoirs fondamentaux ne s’apprennent plus au collège et encore moins au
lycée.
Ces résultats peuvent néanmoins être interprétés autrement : c’est avant
l’école primaire (ou maternelle) que tout se joue… et même avant la
naissance. En effet, les taux de réussite au bac et dans l’enseignement
supérieur sont étroitement corrélés avec l’origine socioculturelle des élèves.
Par exemple, pour cette cohorte de 22 000 élèves, 62,9 % d’enfants
d’enseignants ont décroché un diplôme bac + 3, 52,2 % des enfants de
cadres supérieurs et 16,8 % des enfants d’ouvriers qualifiés. Si tout se joue
au primaire, ce n’est pas forcément à armes égales. C’est justement le rôle
de l’école républicaine de rétablir l’égalité républicaine en offrant à chacun
un même accès aux savoirs.
L’éducation est un investissement

Les études supérieures coûtent cher, mais elles seront


rentabilisées. VRAI… mais pas pour tout le monde.

La démocratisation du système éducatif, ou, selon le point de vue, sa


massification, a généré d’innombrables controverses, en particulier quant à
ses conséquences. Mais de façon plus pragmatique, on peut s’interroger sur
les bénéfices individuels obtenus.
L’OCDE, dans son étude annuelle « Regards sur l’éducation 2011 »,
fournit quelques éléments de réponse. Selon celle-ci, la probabilité de
trouver un emploi augmente avec le niveau du diplôme. Dans l’ensemble
des pays de l’OCDE, le taux d’emploi des diplômés universitaires est
supérieur de 27 % à celui des individus sans diplôme de fin de
l’enseignement secondaire. Il y a trois fois plus de risques d’être au
chômage chez les seconds que chez les premiers mais seulement deux fois
plus pour un diplômé de l’enseignement secondaire par rapport à un autre
du supérieur.
Par ailleurs, selon l’enquête, le niveau de diplôme conditionne le
salaire. L’OCDE s’est intéressée aux gains nets apportés par les études. Elle
a pour cela calculé le rendement financier de l’investissement dans
l’éducation, en comparant d’une part les bénéfices (salaire, probabilité de
trouver un travail, mais aussi recettes engendrées par la collectivité, comme
les impôts et cotisations sociales) et d’autre part les coûts (dépenses
supportées par l’étudiant d’une part, la collectivité d’autre part, mais aussi
le manque à gagner dû à l’absence de travail pendant les études), avec une
question à la clé : le jeu en valait-il la chandelle ?
La réponse tient en quelques chiffres (les valeurs datent de 2007 et sont
exprimées en équivalent dollars, USD) : pour un diplôme de type bac
+ 4 ou 5, la part la plus importante de l’investissement revient au manque à
gagner, c’est-à-dire à l’absence de salaire pendant la durée des études,
évaluée pour la France à 290 891 dollars (salaire brut), le coût direct des
études étant quant à lui négligeable (5 202 dollars). En déduisant les
cotisations et autres prélèvements, on arrive à un gain net
de 144 133 dollars, gain à considérer sur la durée de toute une vie. Selon les
pays, la somme varie : Finlande, Allemagne et Japon se situent dans des
valeurs similaires, mais elles sont supérieures pour l’Italie (311 966), le
Portugal (373 851) et les États-Unis (323 808). Les données de l’OCDE
confirment bien l’idée couramment admise que « faire des études
rapporte »… à condition d’obtenir le diplôme les sanctionnant. Sinon,
l’investissement a peu de chances d’être rentabilisé. Cette enquête incite
donc à investir dans des études, mais elle ne mentionne ni la nature de
l’emploi obtenu ni le salaire compte tenu du diplôme. Or, la massification
des études supérieures a mis sur le marché un nombre de diplômés
supérieur aux besoins correspondants, avec une conséquence inéluctable : la
dévalorisation du diplôme. Combien de bac + 2 ou + 3 occupent
aujourd’hui un poste sous-qualifié, requérant il y a peu encore un niveau
bac ? Oui, faire des études permet de mieux s’en sortir, mais cela
n’empêche pas d’obtenir un emploi sous-qualifié. C’est tout le paradoxe.
Chapitre 6
L’Éducation nationale :
un mammouth à dégraisser ?

Trop lourd, centralisé, un système irréformable… Pourtant chaque


ministre y va de sa réforme… histoire d’affaiblir un peu plus le
malade.
On ne peut pas réformer l’Éducation
nationale

Impossible de réformer l’Éducation nationale sans une levée


immédiate de boucliers, du coup les problèmes perdurent.
FAUX (les réformes se succèdent si vite qu’on ne les voit pas
passer)

1975 : réforme Haby ; 1981 : réforme Savary ; 1985 : réforme


Chevènement ; 1987 : réforme Monory ; 1989 : réforme Jospin ; 2001 :
réforme Lang ; 2005 : réforme Fillon ; 2009 : réforme Chatel…
On affirme généralement que l’Éducation nationale est impossible à
réformer, mais, à l’examen des faits, la formule ne tient pas la route. Au-
delà de leur simple énumération, il serait intéressant d’examiner si ces
réformes, votées successivement par des gouvernements de droite et de
gauche, constituent une succession de ruptures ou au contraire une
continuité.
La première ligne directrice de ces réformes a été la suppression des
filières pour les remplacer par un système indifférencié, le « collège
unique » instauré par la loi Haby. Le phénomène est même antérieur
puisque l’enseignement primaire supérieur (qui prolongeait le primaire,
séparément de l’enseignement secondaire, et menait à la vie active) avait
déjà été supprimé puis en partie intégré aux collèges d’enseignement
général (CEG), créés en 1959 par la réforme Berthoin prolongeant la
scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. Peu après, entre 1963 et 1966, la
réforme Capelle-Fouchet instaure les collèges d’enseignement secondaire
(CES), qui amènent un nombre croissant d’élèves au lycée. La réforme du
collège unique en 1975 viendra conclure cette évolution qui se poursuit par
une certaine unification au lycée, la classe de 2de devenant indifférenciée
avec la réforme Jospin.
Jusqu’au lycée unique ? La proposition revient régulièrement, avec le
projet de fusionner filières générales, technologiques et professionnelles.
C’est déjà le programme annoncé d’Europe Écologie-Les Verts (et celui
murmuré du PS, dit-on), mais aussi le souhait de la FCPE, qui par la voie de
son président, Jean-Jacques Hazan, déclarait : « Il s’agit de construire petit
à petit un chemin dans un lycée unique et polyvalent. »
Second axe de toutes ces réformes : la réduction du nombre d’heures,
chacune amenant son lot d’heures perdues, que ce soit en classe entière ou
en groupe. Un élève de sixième bénéficiait de 6 heures de français
(dont 3 dédoublées) en 1972, en 2002 il lui en reste 4,5 heures
(avec 0,5 heure de dédoublement). Au lycée, la réforme 2009 a diminué en
première S le nombre d’heures de toutes les matières scientifiques, tandis
qu’en terminale S l’histoire disparaît purement et simplement. Une baisse
du volume d’heures qui réduit aussi les coûts, une façon comme une autre
de supporter la massification. Autre ligne directrice des réformes : un
allégement des programmes en relation avec celui du volume d’heures.
Plutôt que d’en réduire l’étendue, la solution choisie a été d’en simplifier
les contenus, avec un double avantage : masquer toute baisse de niveau (et
même prétendre que l’on en demande encore trop aux élèves pour justifier
une prochaine diminution du nombre d’heures !) et dissimuler les difficultés
des élèves engendrées par les réformes successives. La cohérence de ces
réformes est telle que des observateurs avisés ont coutume de dire que
depuis près de quarante ans il n’y a eu qu’une seule et même réforme qui se
poursuit.
L’école refuse de se tourner vers l’entreprise

En s’ouvrant aux entreprises, l’école se moderniserait, mais


elle refuse obstinément. FAUX

C’est certain, dit-on, l’école est vouée à l’archaïsme, elle qui refuse de
s’ouvrir au monde de l’entreprise. C’est faux, elle s’ouvre, et même aux
quatre vents ! Certes, la publicité reste interdite et, contrairement aux États-
Unis, les élèves ne sont pas obligés de regarder des spots publicitaires en
contrepartie des dotations financières reçues par leur établissement !
Pourtant, en France, les élèves sont aussi confrontés aux marques,
lorsqu’ils travaillent sur des fiches pédagogiques estampillées de leur logo
ou regardent un de leurs films documentaires.
Tous les prétextes sont bons… surtout quand il s’agit du bien-être des
élèves. Lutter contre les caries ? Quoi de plus efficace qu’une marque de
dentifrice, Colgate, par exemple ? Son « Kit du Dr Quenottes » avec un
DVD de quinze minutes, un guide pédagogique, quatre fiches
d’expériences, un poster et 30 échantillons de dentifrice (19 ml) expliquera
aux élèves comment se brosser les dents.
Quant à Danone, sa Webschool propose un site de ressources
pédagogiques ou supposées telles, destinées à tous les niveaux. En primaire,
le développement durable est à l’honneur : une fiche pédagogique, conçue
par un instituteur, ne cite qu’une seule fois le nom de la marque mais n’est
utilisable qu’après avoir visionné une vidéo sur laquelle apparaissent sans
arrêt les produits tout comme de grands panneaux mentionnant leur nom.
On pourrait bien sûr citer d’autres marques : Nestlé, avec ses séances de
petit déjeuner équilibré, Kellog’s, Leclerc, le Crédit agricole… jusqu’à
Renault pour la sécurité routière, ou Tampax, qui a distribué des dizaines de
milliers de tampons dans les lycées.
Il serait injuste d’oublier la Semaine du goût, durant laquelle les portes
de l’école s’ouvrent en grand au boulanger du coin (merci pour son
concurrent de l’autre côté de la rue), au chef étoilé, qui sur la photo pose
ravi entouré par les enfants de la classe, et à l’industrie agroalimentaire, qui
à cette occasion dispose d’un public captif, interdit de zapping. Et si cette
Semaine du goût est sponsorisée par la Collective du sucre, regroupant les
industries sucrières, ce n’est pas bien grave, il y aura bientôt une « action
dentifrice » !
Toutes ces actions entrent dans le cadre des fameuses « éducations
à… », à la santé, à l’orientation, au développement durable, à la sécurité
routière… tout cela avec bien sûr l’assentiment de l’Éducation nationale. La
publicité est interdite au sein de l’école, interdiction notifiée dans les textes
depuis 1936, rappelée en 1967 et 1976 jusqu’à ce qu’en 1993 Jack Lang,
alors ministre, les modifie. Le tribunal administratif – totalement fermé à la
pédagogie ouverte – venait d’annuler la décision du proviseur du lycée
Auguste-Blanqui de Saint-Ouen, qui avait instauré un jeu boursier parrainé
par une banque, le CIC. La circulaire Lang du 28 mars 2001 ouvrait une
brèche, précisant que « les établissements scolaires sont libres de s’associer
à une action de partenariat » et qu’une entreprise « peut être autorisée à
signaler son intervention comme partenaire dans les documents remis aux
élèves. Elle pourra ainsi faire apparaître discrètement sa marque sur ces
documents ». Peu après, le ministre lui-même lançait une campagne contre
la violence, à laquelle était associée… Morgan, une marque de vêtements.
Une façon parmi d’autres d’ouvrir l’école sur la vie.
Avec l’autonomie, le système gagnera en
efficacité

Des établissements gérés de façon autonome fonctionneraient


de manière plus efficace. FAUX

L’autonomie des établissements est un sujet à la mode. Pour ses


partisans, c’est la garantie d’une recherche de la performance éducative. De
nombreux pays européens s’y sont mis, d’ailleurs la Commission
européenne préconise cette réforme. Ainsi, dans son rapport Eurydice,
« Responsabilités et autonomie des enseignants en Europe », publié
en 2008, elle recommande que les enseignants soient capables « de
réflexion et d’adaptation face aux environnements d’apprentissage locaux »
et qu’ils « assument une responsabilité de plus en plus importante en ce qui
concerne le contenu, l’organisation et le suivi du processus
d’apprentissage ». Le public n’étant pas le même selon les établissements,
l’autonomie permettrait de satisfaire des besoins particuliers, ce qu’interdit
une gestion centralisée. L’amplitude de cette liberté reste à définir, mais si
l’on en croit le rapport Eurydice, contenu des programmes scolaires,
définition des objectifs pédagogiques, méthodes d’enseignement et
organisation du temps scolaire devraient en faire partie. La découverte des
métiers, les stages en entreprise, voire les partenariats seront plus
facilement développés. De cette organisation se dégage une autre école,
différente du modèle actuel, une école qui ne serait plus tournée
principalement vers la culture et l’universel, censée amener chaque élève au
plus haut niveau possible d’instruction, mais plutôt limitée aux prétendus
besoins de chacun.
L’autre avantage supposé de l’autonomie est de permettre d’évaluer les
établissements, de les mettre en concurrence, afin de motiver les
enseignants.
Plus qu’une idée, l’autonomie a déjà fait son chemin puisque la réforme
des lycées, entrée en application en 2010, fournit à chaque établissement un
nombre d’heures qu’il répartit comme bon lui semble. Pour les classes
de 1re par exemple, sept heures d’enseignement sont à distribuer en L et ES
et neuf heures en S. Sur quels critères ? Prenons deux exemples réels. Un
lycée du centre de Paris, de bon niveau, avec la majorité des effectifs en S, a
choisi de privilégier les matières scientifiques en accordant à chacune une
demi-heure supplémentaire (une façon de les maintenir au nombre d’heures
d’avant les réductions induites par la réforme). Un autre établissement
parisien, avec peu de classes de S, de niveau très moyen comme l’indiquent
les résultats du bac, a investi au contraire sur les groupes de langue et
l’accompagnement personnalisé. Logique, pourrait-on dire, avec un pôle
scientifique moins fort, cet établissement ne fait que s’adapter aux réalités
du terrain. Néanmoins pour ses élèves, un volume d’heures réduit d’une
heure et demie hebdomadaire en sciences, en première comme en terminale,
creuse un peu plus l’écart avec ceux de l’autre établissement. Or, ils se
retrouveront sur les mêmes bancs l’année suivante, en classe préparatoire
ou en fac de médecine par exemple, en compétition pour les mêmes places.
Pierre Tapie, président de la conférence des grandes écoles, ne disait
rien d’autre le 22 juin 2011, lorsqu’il déclarait : « Nous craignons aussi que
la plus grande autonomie laissée aux établissements conduise à une plus
grande hétérogénéité. Ainsi dans un bon lycée de centre-ville fréquenté par
des familles visant les classes prépas, le proviseur pourra décider
d’introduire 4 heures de sciences en plus par semaine. Alors que dans le
lycée de campagne ou de banlieue, on n’aura peut-être pas cette exigence. »
C’est déjà fait.
Il faut supprimer la carte scolaire

Le système manque de souplesse, les parents devraient pouvoir


choisir l’école de leur enfant. VRAI et FAUX

Avec la mise en place de la carte scolaire en 1963, l’affectation d’un


élève dans une école, un collège ou un lycée publics obéissait désormais à
une sectorisation, cela pour éviter une chasse aux bons établissements, qui
concentreraient encore plus les bons élèves. Mais des stratégies de
contournement, toujours plus nombreuses, ont permis d’y échapper au point
que la mesure ne concernait plus que les non-initiés et ceux qui n’avaient
pas les moyens de faire autrement.
Pour tenter de lutter contre les inégalités, entre ceux qui savent
comment faire et les autres, la carte scolaire dans le secondaire a été
assouplie, grâce à un système de dérogation, puis supprimée en 2010. Avec
quelles conséquences ? D’après une évaluation réalisée par le
gouvernement de l’époque : « À la rentrée 2007, 13 500 nouvelles
demandes de dérogation ont été déposées, dont 2 500 en région parisienne.
Un tiers concernait l’entrée en sixième, deux tiers celle au lycée. 77 % des
demandes ont été satisfaites au niveau du collège et 67 % au niveau du
lycée », ce qui, pour le gouvernement, indique que « l’assouplissement de la
carte scolaire a favorisé une plus grande diversité sociale ».
Au-delà de l’aspect quantitatif, le SNPDEN, syndicat des chefs
d’établissement, a mené son enquête par Internet auprès de 2 758 collèges
et lycées interrogés en mars 2010 (alors que la suppression, sans être totale,
était bien engagée). Si 55 % déclarent ne pas avoir été influencés par la
mesure, les établissements difficiles se plaignent d’avoir été touchés très
négativement par la fuite des meilleurs élèves, avec baisse de la mixité
sociale. Ainsi, un tiers des collèges « Ambition réussite » (appellation qui a
succédé aux ZEP) auraient souffert d’une baisse de 30 à 40 % de leurs
effectifs, avec risque de fermeture. Même les établissements moyens
seraient déstabilisés, la mesure de libéralisation incitant les parents à
chercher mieux ailleurs, ce qu’ils ne faisaient pas auparavant. Pour les
partisans de la mesure, c’est la carte scolaire qui, en séparant les élèves
selon leur origine géographique, provoque la ghettoïsation. Sa disparition
irait dans le sens de la méritocratie, permettant aux meilleurs élèves issus
des milieux défavorisés d’accéder aux bons établissements.
Croire que chacun ira dans l’école de son choix est illusoire, en réalité
c’est l’école qui choisira ses élèves. Les bons, attirés par les meilleurs
établissements, y seront accueillis de préférence, avec inévitablement un
effet de concentration et un creusement des inégalités. Certes, les partisans
de la mesure rétorqueront que des contraintes réglementaires peuvent
limiter la concurrence sauvage, et éviter ainsi que la loi de la jungle ne
s’installe à l’école. Des mesures d’ailleurs prises dans certains pays, la
Belgique par exemple. La liberté de choix de l’école, déjà ancienne puisque
remontant à 1959, a abouti à des écarts considérables entre écoles. Aussi a-
t-il été institué un mécanisme de régulation obligeant les établissements du
secondaire les plus demandés – autrement dit les meilleurs – à
accueillir 20 % d’élèves issus d’écoles primaires à « indice socio-
économique faible ». Deux élèves sur dix, c’est peu, mais encore trop pour
ces établissements cotés, inquiets de cette intrusion de populations issues de
zones lointaines et périphériques. Au point de mettre en place un système
de fraude pour tenter d’échapper à cette obligation des 20 %, comme l’a
découvert l’association Infor-jeunes, de la région de Bruxelles. Ainsi que le
rapporte L’Avenir, un journal francophone, dans son édition
du 16 février 2012, sur les 49 établissements secondaires, 18 (évidemment,
les plus demandés) imposaient des conditions supplémentaires – et
illégales – d’inscription : paiement anticipé des frais de scolarité,
présentation des bulletins scolaires, convocation des parents pour les
dissuader d’inscrire leur enfant… autant d’infractions à la loi pour trier leur
public. Et cela dure depuis au moins trois ans. Comme le remarque le site
belge www.skolo.org: « L’enseignement belge ressemble ainsi à un mille-
feuille composé d’écoles de niveaux très différents, des écoles “d’élite”,
ghettos de riches, aux écoles “poubelles”, ghettos de pauvres, en passant par
tous les niveaux intermédiaires. Les uns jouissent du droit de se regrouper
par affinité, les autres essaient vaille que vaille de trouver une école potable
dans un enseignement en pleine déliquescence. » Un exemple à méditer,
mais les partisans de la suppression de la carte scolaire diront que c’est
aussi la situation en France. Quelle que soit la façon de prendre le
problème, des effets pervers apparaissent et finalement la solution passe par
une élévation générale du niveau de l’enseignement qui rende tous les
établissements au moins acceptables, si ce n’est désirables.
Les réformes des systèmes scolaires sont
partout les mêmes

En France, les réformes se succèdent et imitent celles des


autres pays. VRAI

L’école en France fait souvent la une, jugée dans un tel état que faute de
réformes imminentes elle risque de sombrer définitivement. Pourquoi pas,
mais depuis deux voire trois décennies, une vague de réformes a affecté les
systèmes éducatifs un peu partout dans le monde. En Europe, l’Angleterre
fut un des premiers pays à amorcer le mouvement, suivie par la Hongrie, la
République tchèque, la Pologne, et, au sud, l’Espagne et l’Italie notamment.
La réforme s’est propagée jusqu’aux confins de l’Océanie, la Nouvelle-
Zélande en fut un des promoteurs, suivie par plusieurs États australiens. En
Scandinavie aussi, le modèle de l’école publique a fait long feu, les parents
pouvant choisir un établissement, y compris privé et subventionné, pour
leur enfant.
Face au constat d’un échec, réel ou supposé, plutôt que de chercher à
améliorer le système, on a préféré en finir avec lui, du moins le transformer
radicalement.
Le cas de l’Angleterre est à lui seul révélateur du sens de ces réformes.
En 1988, l’Education Reform Act promulgué par Margaret Thatcher a
profondément remanié l’organisation du système éducatif, mettant en avant
le libre choix des parents et promouvant l’autonomie des établissements, de
fait mis en concurrence. Une politique poursuivie par son successeur, le
travailliste Tony Blair, dès son accession au pouvoir à la fin des
années 1990. En Nouvelle-Zélande, dès l’année 1984, des réformes de
même nature ont été menées par les travaillistes.
Toutes ces réformes, sous quelque latitude que ce soit, au cours de la
même période, suivaient la même ligne : désengagement de l’autorité
centrale, l’État, au profit d’acteurs locaux, des Régions aux particuliers
(privatisation) ; libre choix donné aux parents et augmentation de l’offre
scolaire par la différenciation pédagogique, autrement dit la mise en avant
des particularités des écoles (réelles ou supposées), chacune tentant de se
vendre.
Coïncidence ou vaste complot fomenté par on ne sait quelle main
invisible ? Ni l’un ni l’autre, mais l’idéologie alors dominante prescrit d’en
finir avec un système scolaire sous le contrôle de l’État. Cette vague
réformatrice est portée dès la fin des années 1970 par le concept du New
Public Management, dénonçant un État prétendu obèse, ayant échoué en
matière d’éducation. Pour ses partisans, la gestion d’un service public
pouvait être confiée à une structure privée sans entraver sa mission ni son
fonctionnement, avec à la clé des économies. Ce mode de gestion était
d’autant plus intéressant que l’on prévoyait un besoin croissant de
formation et donc des coûts associés tandis qu’émergeait la problématique
de la réduction des dépenses de l’État. La France n’a rien inventé, elle ne
fait que suivre le mouvement.
Il faut un référendum sur l’école

Les problèmes de l’école s’aggravent, seul un référendum


pourra débloquer la situation. FAUX

L’idée d’un référendum sur l’école n’est pas nouvelle : déjà, en 1995,
pendant la campagne présidentielle, le candidat Jacques Chirac l’avait
proposée… sans jamais la mettre en œuvre une fois élu. Certes, son premier
gouvernement ne dura pas aussi longtemps que prévu, cohabitation oblige,
mais pour autant son ministre de l’Éducation d’alors, François Bayrou, se
garda bien de la concrétiser. Pourtant, la réforme constitutionnelle de 1995,
en élargissant le champ de l’article 11 aux questions d’ordre social, lui en
donnait la possibilité.
À l’époque, plusieurs enquêtes d’opinion furent d’ailleurs lancées.
« Êtes-vous pour ou contre un référendum concernant l’évolution de
l’Éducation nationale ? » demandait l’Ipsos en 1996, et 74,5 % des sondés
répondaient par l’affirmative. L’institut de sondage évitait néanmoins
d’interroger sur la question à poser. Et c’est bien là le problème ! Le
référendum appelant forcément une réponse par « oui » ou par « non », on
imagine mal – ou trop bien – la formulation : « Êtes-vous pour une réforme
profonde de l’école afin d’améliorer les chances de réussite des élèves ? »
Le « oui » avoisinerait sans doute les 80 % – voire 90 % –, sans faire
évidemment avancer le problème. Car même avec 100 % de « oui », les
solutions permettant « d’améliorer les chances de réussite des élèves »
seraient, selon les uns ou les autres, radicalement opposées. Il en va ainsi
des choix politiques dans les démocraties ! Bien sûr, la question pourrait
être précisée, par exemple : « Les enseignants doivent-ils être plus présents
à l’école pour mieux aider les élèves ? », tout comme on pourrait
demander : « Êtes-vous pour une baisse du tarif des consultations médicales
pour combler le déficit de la Sécurité sociale ? », ou encore : « Voulez-vous
augmenter le temps de travail des policiers afin d’être mieux protégé ? »
Autant dire que la réponse va de soi.
Selon le même sondage, il ressortait que le problème majeur de l’école
était celui des débouchés professionnels (47,5 % des opinions), un résultat
étonnant quand on connaît le peu de succès des voies professionnelles ou
technologiques. Qu’un enseignant propose à un parent une voie
professionnelle pour son enfant et il obtiendra presque à coup sûr une
réponse négative, à l’inverse de celle des sondés.
Pendant la dernière campagne présidentielle, le candidat Sarkozy, tout
en suggérant d’étendre le champ du référendum, déclarait à son sujet : « Il
serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le
monde éducatif. On ne peut faire une réforme de cette nature sans y
associer les enseignants. » Après avoir agité pendant des années l’idée du
référendum sur l’école, les politiques semblent y avoir renoncé. Jusqu’à
quand ?
La décentralisation des systèmes éducatifs
améliore leurs résultats

Il faut décentraliser, donner les leviers de commande aux


acteurs de terrain afin d’améliorer les résultats. FAUX

Les arguments de principe, pour ou contre la décentralisation (il faut ici


entendre ce terme dans le sens d’un désengagement de l’État au profit
d’unités subalternes, des Régions aux municipalités, souvent accompagné
d’une plus grande autonomie des établissements), ne manquent pas. Mais
qu’en est-il des résultats à la suite de sa mise en place ? Des études ont tenté
de comparer les performances des élèves, selon le degré plus ou moins
poussé de décentralisation de leur système éducatif. Dans son livre Les
Nouvelles Politiques éducatives, Nathalie Mons, chercheur à l’université de
Grenoble II, en donne une synthèse.
Les plus anciennes expériences, menées aux États-Unis dans les
années 1980, à Chicago et à Memphis, n’ont rien montré lorsqu’elles
portaient sur la seule décentralisation, sauf si elles s’accompagnaient d’une
autonomie des établissements. Néanmoins, dans ce dernier cas, ces
changements politiques étaient associés à des changements de méthodes
d’enseignement, quant aux professeurs ils bénéficiaient d’une formation
pédagogique poussée, de sorte qu’il était bien difficile de dire à quoi
tenaient les différences. Des comparaisons menées à l’échelle d’un pays
entier, l’Argentine par exemple, avant et après la décentralisation du début
des années 1990, ont montré une amélioration globale, mais là encore, en
décortiquant les résultats, on s’est aperçu qu’ils dépendaient de la richesse
de la province et du budget alloué à l’éducation. Si une étude a mis en
évidence un progrès en Angleterre, une autre portant sur 12 pays de
l’OCDE n’a rien noté de tel.
En s’appuyant sur les résultats Pisa 2000, Nathalie Mons a quant à elle
mené sa propre étude, et selon celle-ci, l’organisation du système éducatif a
une incidence sur les résultats scolaires, sans lien automatique néanmoins.
Première conclusion, les performances globales s’améliorent avec la
décentralisation, à condition toutefois qu’elle soit encadrée par l’action
centralisatrice de l’État. L’hétérogénéité des performances des élèves, c’est-
à-dire les écarts entre bons et faibles d’ailleurs, se creuse lorsque les
structures décentralisées sont seules responsables de la gestion, comme en
Allemagne, aux États-Unis, en Australie ou en Suisse. Mais les résultats
sont catégoriques sur un point : les effets des inégalités sociales sur les
performances scolaires se font davantage ressentir dans les systèmes
décentralisés.
Au final, ce type d’étude laisse sceptique quant aux possibles
interprétations que l’on peut ou veut faire des résultats en raison de la
multiplicité des paramètres à prendre en compte (budget de l’éducation,
niveau des programmes, nombre d’élèves par enseignant…). D’autant plus
que l’on est en droit de s’interroger lorsqu’un modèle de tradition
décentralisatrice comme celui de l’Allemagne est remis en cause avec
virulence. Ainsi, le magazine Der Spiegel, dans son édition
du 5 juillet 2010, titre en couverture : « Halte au chaos scolaire ! » et lance
un « plaidoyer pour un système scolaire unifié », dénonçant, en raison de la
gestion décentralisée sous l’autorité des Länder, la multiplicité des
programmes scolaires, des systèmes de formation des professeurs, des
durées des études… et des résultats. À tel point que des parents tentent
d’inscrire leur enfant dans un Land voisin, avec un système éducatif plus
réputé, une version à l’allemande du contournement de la carte scolaire.
L’article poursuit son pilonnage du système qui, étouffant sous les
particularismes, prive l’Allemagne de sa ressource la plus importante :
l’esprit et l’expertise. Paradoxe, la souplesse tant vantée des systèmes de
dimension réduite est ici l’une des causes du problème dénoncé par le
Spiegel : tous les quatre à cinq ans, les élections régionales amènent de
nouvelles coalitions au pouvoir qui s’empressent de défaire ce que la
précédente avait installé. Et l’article de citer Christoph Matschie, ministre
SPD de la Culture dans le Land de Thuringe : « Ce qui ennuie le plus les
parents, c’est la fragmentation du système éducatif. »
Le collège unique est une spécificité
française

Avec l’instauration du collège unique, la France s’est


démarquée des autres pays. FAUX

Instauré en 1977, après le vote de la loi Haby en 1975, le collège unique


regroupe les élèves des anciennes filières de l’enseignement secondaire, qui
suivront tous le même cursus à partir des années 1990. Mais loin d’être une
exception française, ce système est déjà adopté dans de nombreux pays.
Ainsi, l’« école unique » se met en place aux États-Unis entre
1890 et 1920, aussi bien pour suivre l’évolution de la société que pour
répondre à ses besoins. Le développement industriel du pays requiert une
main-d’œuvre qualifiée fournie par le système de la common school. Si
en 1910, 10 % des jeunes Américains terminent leurs études secondaires, ils
sont 40 % en 1940. L’immigration massive, la volonté du fameux melting-
pot, mais aussi l’émergence du courant pédagogique de l’Éducation
nouvelle, notamment avec John Dewey et sa théorie de l’« apprentissage
par l’action », tout favorise le développement de la common school.
Néanmoins, celle-ci a une autre ambition, comme le remarque Ivan
Jablonka, dans son article « Les historiens américains aux prises avec leur
école » (Histoire de l’éducation, no 89, 2001) : « L’école qui se met en
place au cours de cette période est fondée sur une pédagogie novatrice selon
laquelle l’éducation, respectueuse de la personnalité de l’enfant, vise moins
à une inculcation de connaissances livresques qu’à un apprentissage actif et
diversifié préparant à la vie en communauté dans une société
démocratique. » Les mêmes arguments sont employés cinquante ans plus
tard en France avec l’instauration du collège unique.
Aux antipodes, le système éducatif soviétique est réformé lui aussi. La
conception de l’école secondaire, « atelier de l’usine », laisse la place
en 1931 à celle d’une école qui prépare aux études supérieures. Un cycle
commun et indifférencié, d’une durée de neuf à onze ans, selon les
réformes, délivre une éducation de type général mais aussi capable de
« préparer des sujets aptes à s’incorporer rapidement et efficacement aux
métiers socialement utiles » (« École et changement social : le rôle de
l’enseignement secondaire en URSS », Revue française de sociologie,
1967). Là encore, comme l’explique l’économiste Stanislav Stroumilin
(« Aspects économiques de l’enseignement en URSS », Sciences sociales,
no 4, 1962), la reconstruction de l’économie soviétique, avant la Seconde
Guerre mondiale nécessite des travailleurs instruits. En Europe occidentale,
l’école unique se mettra en place entre la fin des années 1950 et 1960 pour
les pays scandinaves et l’Angleterre, plus tardivement dans la plupart des
pays du sud de l’Europe, dont la France en 1975.
Pas tous néanmoins, l’Allemagne conserve encore aujourd’hui quatre
filières hiérarchisées pour le secondaire, dont une seule conduit au bac
(Abitur), les résultats du primaire conditionnant l’affectation des élèves
dans l’une ou les autres. Citons encore pour les systèmes à filières la
Belgique, l’Autriche et la plupart des cantons suisses. Une preuve que
l’école unique n’est pas indispensable à l’évolution économique d’un pays
(l’exemple de l’Allemagne pourrait suffire à le prouver !).
Le collège unique est un succès

Puisqu’il permet la scolarisation de tous, le collège unique


constitue un progrès indéniable. FAUX

Le collège unique suscite toujours la polémique et, après plus de trente


ans d’existence, deux camps s’opposent encore, arguments à l’appui. Idéal
démocratique pour les uns, il supprime les barrières qui, dès le plus jeune
âge, se dressent devant les plus modestes. Réunir dans les mêmes classes
tous les enfants, ceux du peuple et ceux de la bourgeoisie, n’est-ce pas le
devoir de l’école publique, avec à la clé la garantie de faire fonctionner
l’ascenseur social ? Mieux encore, l’instauration d’une filière unique
permet de retarder le moment de la sélection et de laisser mûrir ceux qui en
ont besoin, réduisant ainsi les risques d’erreur d’orientation. Quant aux
inégalités sociales, un temps d’apprentissage plus long permet aussi
d’atténuer leurs effets, l’école pouvant compenser ce que l’éducation au
sein de la famille n’a pu apporter. Enfin, à l’échelle du pays,
l’accroissement du nombre de collégiens augmente le niveau général de
formation, un atout aussi bien d’ordre culturel qu’économique. D’ailleurs,
le système a aussi des répercussions après le collège puisqu’il accroît
mécaniquement le nombre de lycéens et d’étudiants.
Cela ne convainc pas les opposants au collège unique qui, parents ou
enseignants, constatent chaque jour les problèmes posés par des classes
hétérogènes. Au contraire, rétorquent-ils, ce système tire l’ensemble des
élèves vers le bas, tout d’abord parce qu’après 1975 les volumes d’heures
ont été revus à la baisse tout comme les contenus des programmes. Avec
pour résultat le creusement des inégalités, la diminution des taux d’élèves
d’origine modeste dans les grandes écoles en témoigne.
Oui, mais ces échecs, répondent les partisans du collège unique, sont
imputables aux détournements de la réforme, par exemple avec
l’augmentation des redoublements. Entre 1975 et 1985, le taux de
redoublement est passé de 9,5 % à 12,5 % en sixième et de 6,5 % à 16,4 %
en cinquième (l’évolution est la même pour la quatrième et la troisième), un
indicateur de l’arrivée au collège d’élèves incapables de suivre. Mais cet
argument ne tient plus, car, aujourd’hui, le taux de redoublement est bien
inférieur à celui de 1975. Même chose pour les filières déguisées, les
classes Allemand LV1, par exemple, qui autrefois permettaient de regrouper
les bons élèves, n’existent plus aujourd’hui, les germanistes étant mélangés
dans des classes différentes. Or, si le collège unique a rapidement montré
ses limites, sa dégradation n’a fait que s’amplifier, d’après les observateurs.
Pas tous néanmoins, car ses partisans prétendent, résultats Pisa à l’appui,
que c’est un progrès. Or, les pays scandinaves, Finlande, Suède et
Danemark, qui ont poussé le plus loin l’unification de leur système éducatif
au point de ne plus distinguer école élémentaire et collège, ont des résultats
contradictoires, le premier pays en tête, les deux autres sous la moyenne des
pays de l’OCDE. Un exemple parmi d’autres d’une lecture très orientée des
résultats des tests Pisa.
Il faut en finir avec le collège unique

Le collège unique est un échec, le supprimer résoudra bien des


problèmes. VRAI et FAUX

Pour beaucoup, parents comme enseignants, le collège unique a échoué


et à ce titre doit disparaître. Mais pour être remplacé par quoi, car le remède
pourrait être pire que le mal ?
C’est dans les années 1990, avec la suppression de l’orientation à la fin
de la cinquième et la disparition des quatrième et troisième technologiques,
que l’édification du collège unique s’achève. Devant l’échec manifeste de la
filière indifférenciée, pour tenter d’y faire entrer malgré tout un peu de
différenciation, Jack Lang, alors ministre au début des années 2000,
proposait des options sous forme d’itinéraires de découvertes (IDD), avec
des thématiques allant de la culture classique aux sujets les plus fumeux,
comme seuls les « pédagogues fous » savent en concocter. Ainsi, dans les
documents officiels, on pouvait lire des suggestions de « productions » à
réaliser par les élèves telles que : « Réalisation d’outils préhistoriques à
partir d’os, de silex (bifaces) », « Représentation d’un homme de
Néandertal en pied ; d’un homme de Cro-Magnon », « Défilé de costumes
médiévaux sur des musiques d’époque ». Cette pseudo-diversification ne
faisait en réalité que pousser encore un peu plus loin le nivellement par le
bas du collège unique.
Alors que faire ? Prolonger la scolarité des élèves afin d’élever leur
niveau est louable mais à deux conditions : qu’on ne leur offre pas un ersatz
d’enseignement de type IDD et que l’on exerce une sélection intelligente et
progressive afin de ne pas plonger les élèves dans une situation d’échec
génératrice d’ennui, voire de violence. Or, au fur et à mesure que s’installait
le collège unique, on a renoncé à ces exigences, tout simplement parce que
les nouvelles méthodes, celles où l’élève devenait « acteur de son savoir »
rendaient plus difficile la transmission. En même temps que l’on faisait
accéder au collège des élèves de faible niveau auparavant orientés vers une
autre filière, on appliquait sur eux des méthodes les condamnant à l’échec,
une forme d’« abandon pédagogique », selon la formule de Liliane Lurçat
dans La Destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs. Si
l’entrée au collège devient possible pour tous, cela suppose de renoncer aux
méthodes constructivistes qui ont fait la preuve de leur échec.
Jusqu’où conduire les élèves ? Des passerelles sont sans doute à établir,
pouvant être empruntées dans les deux sens, des options d’enseignement à
installer, à dominante technologique notamment. Certains ont même
proposé qu’un tronc commun soit complété par des disciplines optionnelles,
renforçant les disciplines classiques ou introduisant un enseignement
technologique, préparant à une orientation vers l’enseignement
professionnel. Mais avant d’accéder à la sixième, les élèves doivent être
capables de suivre un programme digne de ce nom. Personne n’a la science
infuse, un esprit se forme, des bases s’acquièrent et se consolident dès le
primaire. Aussi faut-il, pour aider les élèves, dispenser un savoir de façon
structurée, et revenir à des méthodes qui donnent des outils solides aux
élèves, et avant tout la capacité de lire et comprendre un texte.
Il faut instaurer l’école unique jusqu’en
troisième

Pour améliorer le niveau général et supprimer les problèmes de


transition, il faut réunir l’école primaire et le collège. FAUX

Devant l’échec du collège unique, avéré pour les uns, reconnu à mi-
voix par les autres, se pose la question des solutions. Le Haut Conseil de
l’éducation (HCE) a rendu un rapport sur le sujet en octobre 2010, dans
lequel il ne ménage pas ses critiques… pour aussitôt proposer encore plus
de collège unique, ce qu’il appelle « école du socle commun » une sorte
d’école unique ou commune. Celle-ci engloberait les deux structures dans
une seule, du CP à la troisième, avec un collège qui serait ainsi
« primarisé ». Un espoir pour les uns, une catastrophe pour les autres.
Pour le HCE, cette école du socle commun s’appuierait sur les fameuses
compétences qui aujourd’hui coexistent avec des programmes plus
ambitieux. Elle assurerait la continuité entre primaire et collège, afin de
renforcer les acquis. Plus qu’un changement d’étiquette, le recrutement des
enseignants du secondaire sur des aptitudes plus pédagogiques que
disciplinaires provoquerait un véritable chamboulement avec pour
conséquence leur transformation en maîtres du primaire, tout comme leur
enseignement. Selon le HCE, c’est le moyen de transmettre une « culture
commune », une expression en soi peu critiquable, à nuancer toutefois :
cette culture commune ne s’appuyant plus que sur les fameuses
compétences, elle transformerait les programmes en coquille vide avec pour
résultat une désarticulation encore plus poussée qu’aujourd’hui entre le
collège et le lycée.
Le HCE se défend par avance de cette critique en proposant une
solution : la différenciation pédagogique à l’intérieur de classes
hétérogènes, qui permettra, en dispensant un enseignement adapté à chacun,
de surmonter les difficultés. Une proposition presque aussi vieille que le
collège unique, déjà mise en place pour tenter de résoudre les problèmes et
qui hélas n’a pas abouti aux résultats attendus. On voit mal pourquoi il en
serait autrement au sein de l’école unique.
Autre argument pour « primariser » le collège, le constat de l’échec du
primaire : « Le collège hérite des déficiences de l’école primaire », dit le
rapport. Il poursuit avec sévérité : « L’incapacité de l’école primaire à faire
acquérir à tous les élèves les compétences à la fin du CM2 est connue. » On
se serait attendu alors à ce que le HCE s’attelle aux mesures améliorant la
situation du primaire, mais curieusement il propose de transformer le
collège en « grande école primaire ». Il y a une logique – discutable – : la
mise en œuvre d’un socle commun permettra de rattraper au collège ce qui
n’a pas été assimilé en primaire. Alors qu’il fallait cinq années de primaire
pour acquérir les fondamentaux, on voudrait y consacrer aujourd’hui neuf
années !? Mais au détriment de quoi ? Car cette transformation radicale
aura bien sûr des conséquences sur le niveau des élèves à la fin du collège
(pardon de l’« école du socle commun »). Les quatre années auparavant
consacrées à l’apprentissage des savoirs de base dans chaque discipline
seront employées à autre chose, le rapport en donne un avant-goût : « Or le
collège actuel, dont les programmes préparent en priorité au lycée général
et privilégient les savoirs abstraits, n’accorde que trop peu de place aux
activités pratiques et à l’approche inductive […]. La culture manuelle et
technologique devrait faire l’objet d’un enseignement pour tous les élèves
de la sixième à la troisième, à parité d’estime avec les disciplines
traditionnelles […]. » Pour le HCE, « le collège élargira la base de sélection
des élites en préparant moins au lycée général ». On cherche vainement à
comprendre comment.
Le système éducatif français est le plus
centralisé

Tradition jacobine oblige, le système éducatif français est le


plus centralisé de tous. FAUX

On évoque souvent la centralisation du système éducatif comme un


problème, mais est-il si centralisé qu’on le dit ? Avec la loi Defferre
de 1982, l’État cède une partie de ses compétences aux collectivités locales,
ce qui, complété par d’autres lois comme celles de 1985, a modifié
l’organisation du système éducatif en France. Désormais, la gestion des
écoles primaires revient aux municipalités, celles des collèges aux
départements, quant aux lycées, les Régions les prennent en charge. Cette
implication des échelons locaux concerne la construction des établissements
et leur entretien, les dépenses d’équipement et de fonctionnement,
l’organisation des activités périéducatives, sportives et culturelles dans les
locaux scolaires, grâce néanmoins à des dotations provenant de l’État.
Depuis 2005, les collectivités locales prennent aussi en charge le
recrutement et la gestion des personnels administratifs et techniques. L’État,
quant à lui, s’occupe de la pédagogie et des programmes, garantissant ainsi
le même contenu d’enseignement à tous les élèves, comme le lui impose
le 13e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (conservé
dans la Constitution de 1958) indiquant : « L’organisation de
l’enseignement public et laïque à tous les degrés de l’État est obligatoire. »
Autre fonction de l’État, la délivrance des diplômes nationaux et la
collation (attribution) des grades et titres universitaires, condition à leur
validité dans toute la France, ainsi que le recrutement et la gestion des
personnels de direction et des enseignants. C’est aussi l’État qui répartit les
moyens, dans le respect de l’égalité des droits.
Contrairement à une idée reçue, ce système, encore centralisé pour ce
qui est fondamental (programmes, recrutement des enseignants…), loin
d’être unique au monde, a même été le modèle dominant. Jusqu’aux
années 1980, les systèmes éducatifs de la majorité des pays de l’OCDE
étaient centralisés, mais un fort courant idéologique, porté par la
« révolution » néolibérale, a entraîné leur décentralisation, allant jusqu’à
remettre en cause toute intervention des États dans les affaires de l’école.
L’impact n’a pas été partout le même et Nathalie Mons, dans son ouvrage
Les Nouvelles Politiques éducatives, distingue ainsi trois degrés de
décentralisation. Dans celui de la « décentralisation minimale », auquel
appartiennent la France, mais aussi le Portugal, le Japon, la Corée… l’État
central garde la main, comme décrit précédemment. Notons au passage que
ce système, supposé le moins efficace par le courant décentralisateur,
compte la Corée, arrivée en 2e position du classement Pisa 2009 (et le
Japon 8e). Autre système, celui de la « décentralisation collaborative »,
comme dans les pays scandinaves où l’État joue encore un rôle fondamental
dans l’élaboration des programmes, mais où les échelons locaux disposent
d’un quota d’heures à répartir selon leur choix (un modèle dont s’inspire la
réforme du lycée de 2009 en France). Dernier système, celui de la
« décentralisation volontariste », avec autonomie des établissements, en
forte augmentation (un quart des pays de l’OCDE, dont l’Europe centrale et
les pays anglo-saxons). L’organisation des systèmes éducatifs dépend de
leur histoire, mais aussi de l’influence des courants politiques dominants.
La laïcité à l’école, c’est le respect de toutes
les religions

La laïcité respecte les différentes religions et se montre


tolérante à leur égard. FAUX

Depuis les lois de Jules Ferry, la laïcité à l’école est un principe qui
jusqu’à peu encore ne prêtait pas à discussion. En dehors des opposants –
peu nombreux –, tout un chacun se retrouvait sur le sens donné à ce mot
ainsi que sur les obligations qui en découlaient dans le cadre de l’école. Ce
n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
L’instauration du principe date du 28 mars 1882, lorsque Jules Ferry fait
voter une loi donnant à l’école l’obligation de laïcité, loi qui découle de
celle de l’obligation d’instruction. Il écrit alors : « Sans doute il [le
législateur] a eu pour premier objet de séparer l’école de l’Église, d’assurer
la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin
deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont
personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont
communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous. »
Avec la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, la notion de
laïcité est reprise dans son article 30, et en 1937, une circulaire du ministre
Jean Zay précise : « Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise
dans les établissements. »
En 1989, dans un collège de l’Oise, à Creil, trois élèves portant un
foulard islamique sont provisoirement exclues pour le motif d’atteinte à la
laïcité, avant que l’affaire ne déclenche une tempête médiatique et que le
ministre d’alors, Lionel Jospin, refusant de trancher, demande un avis sur la
question au Conseil d’État.
Face à ce type d’affaires, deux visions s’opposent, la première rappelant
le principe de neutralité de l’État et de ses institutions, l’école notamment.
La seconde invoque une « laïcité ouverte » qui tolère des pratiques
négociées supposées ne pas gêner le fonctionnement normal de l’école. Les
textes officiels vont déjà dans ce sens en reconnaissant des autorisations
d’absence pour une liste de fêtes religieuses, déplaçant ainsi la pratique
religieuse de la sphère privée à la sphère publique. Mais le caractère officiel
donné à ces autorisations d’absence a entraîné d’autres revendications
supposées les rendre applicables : pas de devoir donné en classe pendant
ces journées, pas de cours important non plus, surtout s’ils sont au
programme de révision d’un devoir qui viendra peu après. Idem pour les
périodes de jeûne religieux, avec en plus l’acceptation de dérogations dans
plus d’un établissement, comme le rapporte la revue du CNDP Ville-École-
Intégration (no 129, juin 2002) dans l’article « Les formations à
l’interculturel en IUFM ». On peut y lire des témoignages d’enseignants,
recueillis au cours d’un stage sur ce thème : « Les élèves [dans la classe]
sortent de leur sac de quoi manger : canettes, petits pains… Prof “invitée”,
convivialité. […] Dans le lycée, une autorisation par l’établissement de
sortir une collation de sa poche pour casser le ramadan discrètement » (il est
ensuite précisé : « La semaine suivante, l’action n’a pas été réitérée »). Un
peu plus loin, on y lit : « La prof s’est engagée à ne pas faire de devoir sur
table à cette heure-là jusqu’à la fin du ramadan. » L’auteur de l’article,
Maryse Hedibel, maître de conférences à l’IUFM du Nord-Pas-de-Calais,
donne finalement son opinion sur le sujet : « Il est probable qu’en
partageant ce moment avec les élèves et en leur permettant de le vivre, cette
jeune enseignante ait gagné beaucoup de temps pour la suite de sa relation
pédagogique avec eux. » Une violation manifeste de la loi de 1905. La
neutralité n’étant plus la règle, on entre alors dans une succession de
négociations, et céder fait gagner du temps… jusqu’à la suivante.
Faut-il pour autant interdire les absences pour ces fêtes religieuses ?
Lorsqu’elles n’étaient pas autorisées, les élèves s’absentaient sans
problème, mais l’école, en ne reconnaissant pas officiellement un droit aux
fêtes religieuses, se gardait de mettre le doigt dans l’engrenage des
revendications multiples et des surenchères qui les accompagnent
aujourd’hui. Car la question est de savoir jusqu’où elles iront. En 2011, une
dérogation avait été envisagée pour que des élèves juifs de classes
préparatoires aux écoles d’ingénieurs passent les mêmes épreuves, mais
décalées (après avoir été isolés sous la surveillance de rabbins), afin de ne
pas composer pendant les fêtes religieuses. Devant le tollé, la mesure avait
été annulée, mais le ministre de l’Intérieur précisait que par la suite
certaines journées seraient exclues du calendrier des épreuves… avec une
conséquence redoutable : des concours différents programmés le même jour
avec pour les candidats l’impossibilité de s’inscrire à tous.
L’école finlandaise est la meilleure du monde

Les enquêtes Pisa montrent la supériorité du système éducatif


finlandais. FAUX

À peine les résultats Pisa publiés et déjà les médias se ruent sur le
classement pour en tirer toujours la même conclusion : il est urgent de
s’inspirer du modèle finlandais, le meilleur de tous, nous dit-on. C’est faux,
le dernier classement en date (2009) a réservé son lot de surprises, avec le
recul de la Finlande de la 1re à la 3e place (c’est toujours bien !) et
l’émergence des pays asiatiques. Ainsi, la 1re place est occupée par
Shanghai (Chine), suivie de la Corée, de la Finlande, de Hong Kong
(Chine) puis de Singapour.
Néanmoins, la Finlande a toujours le vent en poupe, aussi nous exhorte-
t-on à appliquer les recettes qui ont fait son succès : pas de notes jusqu’au
collège ni de redoublement, contenus allégés, rythmes scolaires adaptés,
enseignement à la carte, absence de stress… autant de caractéristiques qui
expliqueraient son classement et dont la France ferait bien de s’inspirer.
Mais d’autres particularités du modèle finlandais sont rarement rapportées :
gratuité de tout ou presque, de la cantine au transport, effectifs par classe
inférieurs à ceux de la France, enseignants bien mieux payés jouissant
d’une grande liberté pédagogique, sélection sévère à l’entrée de l’université
et donc forte pression sur les lycéens. Qui peut dire laquelle de ces
caractéristiques explique la réussite finlandaise ?
D’ailleurs, comme l’a montré Antoine Bodin (Institut de recherche sur
l’enseignement des mathématiques – université de Franche-Comté), entre
nos deux pays la différence de résultats en maths disparaît si l’on ne tient
plus compte des 10 % qui réussissent le moins bien. Il ne s’agit pas de nier
le problème posé par ces élèves en échec, mais ces 10 % doivent-ils
remettre en cause la totalité du système ? Quant à la Finlande, son
enseignement orienté vers les « mathématiques de tous les jours » est lui
aussi discutable, car, performant aux tests Pisa, il ne brille pas dans d’autres
enquêtes internationales (TIMSS 1999) et semble inadapté pour la suite des
études, d’après les enseignants du supérieur et des écoles d’ingénieur.
Au-delà de cette présentation partielle, on s’empresse aussi de glisser
sous le tapis tous les pays qui n’entrent pas dans le moule. Car sur les cinq
premiers du classement Pisa 2009, quatre pays ou régions d’Asie ont des
modèles aux antipodes de celui de la Finlande. La Corée, par exemple, se
caractérise elle aussi par une sévère sélection à l’entrée de l’université qui
impose aux élèves de suivre une double journée scolaire, se prolongeant par
des études jusque tard le soir dans l’enceinte du lycée ou des cours
particuliers (hagwon), un système semblable existant au Japon (juku), 8e à
Pisa 2009. Quant à l’organisation et à l’ambiance du système, on peut lire
sur la page du site officiel com: « Le système éducatif coréen ressemble en
de nombreux points au système français. Mais comme au Japon, les jeunes
y subissent une pression très importante dès leur plus jeune âge. » Un
article du Figaro du 7 décembre 2010 nous apprend que, avec « 50 heures
d’études hebdomadaires de moyenne, les écoliers du pays du Matin-Calme
sont les plus assidus de l’OCDE », et que Barack Obama a demandé aux
écoliers américains de s’inspirer de ce modèle. Le revers de la médaille est
la part extrême de la mémorisation dans l’enseignement et la forme unique
d’évaluation : le QCM. Un modèle ni applicable ni souhaitable en France
mais qui montre plusieurs façons de réussir aux tests Pisa sans pour autant
que l’une d’elles devienne l’unique modèle à suivre.
La France devrait suivre le modèle finlandais

La réussite du modèle finlandais est telle que la France ferait


bien de s’en inspirer. FAUX

Pisa a mis la Finlande à l’honneur, braquant sur elle et son système


éducatif les projecteurs du monde entier, peut-être plus encore ceux de pays
comme la France, dont les résultats déclinaient. En ce qui concerne notre
pays, la baisse des résultats est nette entre 2000 et 2006, la version 2009 ne
permettant globalement qu’une stabilisation. En 2000 et 2006, les résultats
en France sont passés de 517 à 496 points en mathématiques et
de 505 à 488 en lecture. Sur ce dernier aspect, la proportion d’élèves en
grande difficulté s’accroît, par exemple le pourcentage d’élèves de niveau le
plus faible passe ainsi de 15,2 % à 21,8 % (17,9 % de moyenne pour les
pays de l’OCDE). Dans un article de la revue Le Débat de mars-avril 2010,
Nathalie Bulle, sociologue à Paris I, auteur de l’ouvrage L’École et son
double (Hermann, 2010), analyse ce déclin dont l’origine remonte selon elle
à la fin des années 1980 comme le montrent des analyses nationales.
Pourtant, souligne l’auteur, les évaluations internationales menées par l’IEA
(International Project for the Evaluation of Educational Achievement) entre
les années 1960 et 1980 donnaient le système français comme un des
meilleurs du monde. L’explication à ce déclin, selon Nathalie Bulle, recèle
un paradoxe de taille : la « finlandisation » de notre système serait le
responsable de cette dégringolade. Les réformes engagées en France,
collège unique, socle commun… sont les mêmes que celles entreprises par
la Finlande dès le début des années 1970 sur les recommandations de
l’OCDE. Rien d’étonnant alors que les programmes éducatifs de la Finlande
répondent aux normes de ses tests d’évaluation.
Artificielle alors, la réussite du système finlandais ? En partie en tout
cas, à en croire plus d’une analyse. Celle de George Malaty, professeur de
mathématiques à l’université de Joensuu (Finlande), cité par Nathalie Bulle,
explique : « Nous savons que nous n’aurions aucun succès à Pisa si l’on
demandait aux élèves une compréhension des concepts ou des relations
mathématiques. Le plus difficile pour nos élèves est de faire une
démonstration, ce qui est compréhensible puisque l’on n’apprend pas les
mathématiques comme structure dans nos écoles. » Une lettre ouverte
publiée par des universitaires finlandais, intitulée « L’enquête Pisa ne dit
qu’une partie de la vérité sur le niveau en mathématiques des élèves
finlandais », précise notamment que, selon une enquête internationale
(TIMSS 1999), les élèves finlandais étaient en dessous de la moyenne de
l’OCDE en géométrie et en algèbre.
Soit, les Finlandais ne sont pas bons en maths et Pisa mesure autre
chose, mais alors à quoi tiennent leurs néanmoins brillants résultats en
« mathématiques façon Pisa » et en lecture ? Pour Nathalie Bulle, l’essentiel
se joue très tôt, par une lutte efficace contre l’échec scolaire des très jeunes.
Des enseignants spécialisés (l’équivalent en France des défunts Rased)
interviennent dès les premières difficultés, une aide qui concerne 30 % des
élèves de façon ponctuelle et 8 % de façon permanente. Cet effort éloigne la
Finlande des systèmes indifférenciés (type collège unique) puisque les
élèves n’y reçoivent pas tous le même enseignement, avec pour
conséquence une homogénéité des classes, comme le confirme Hannv
Simola, sociologue à l’université d’Helsinki, dans une étude de 2005 (« The
Finnish miracle of Pisa »), homogénéité renforcée qui plus est par la
répartition d’élèves en groupes de niveau. Ajouté à cela, un apprentissage
de la langue de façon syllabique, les caractéristiques mêmes de la langue
l’imposant, et on obtient des élèves qui dans l’ensemble acquièrent des
bases solides leur permettant de réussir dans les épreuves basiques de Pisa.
Et ensuite ? D’après deux enquêtes, citées par Paul Robert, pourtant
défenseur du modèle finlandais, dans La Finlande, un modèle éducatif pour
la France ?, 25 % des élèves déclarent avoir du mal avec le système et se
sentir perdus dans le dédale des options. L’enseignement à la carte, critiqué
au point d’être partiellement remis en question, jette le trouble, nécessite
l’encadrement par des professeurs principaux pour aider l’élève à établir
son cursus et surtout à ne pas trop traîner. Toujours selon Paul Robert, alors
que l’on pensait que grâce à la modularité des cours beaucoup d’élèves
boucleraient leur cursus en deux ans au lieu de trois, nombreux sont ceux
qui, soucieux d’alléger leur journée de cours, y consacrent quatre années.
On le voit, le système finlandais est loin d’être une réussite globale, son
point fort néanmoins étant son efficacité – avec les moyens nécessaires –
pour ne pas laisser l’échec scolaire s’installer.
L’école coûte trop cher

La dépense de la France consacrée à l’école est bien


supérieure à celle des autres pays. FAUX

C’est bien connu, les statistiques sont la science du mensonge, on peut


leur fait dire ce que l’on veut. Les coûts de l’école en France n’échappent
pas à la règle, pharaoniques pour les uns, peau de chagrin pour les autres,
reste à savoir où se trouve la vérité.
La France a dépensé en 2009 pour ses activités d’éducation
132,1 milliards d’euros, soit 6,9 % de son produit intérieur brut (PIB). La
majeure partie est consacrée aux seules activités d’enseignement
(110,3 milliards d’euros, soit 83,5 % de la dépense intérieure d’éducation).
Le reste revient aux dépenses d’hébergement et de restauration (7,6 %) et
aux autres activités : administration, orientation, médecine scolaire,
transports scolaires, achat de fournitures, manuels scolaires… (8,9 %).
L’État assure 56,6 % du financement total, les collectivités
territoriales 25,1 %, les ménages 11,1 %, les entreprises 6,7 %
(essentiellement par le biais de la taxe d’apprentissage et de leurs dépenses
de formation continue).
En ce qui concerne l’enseignement, la dépense se répartit entre le
premier degré (40,6 %), le second degré (28,0 %), le supérieur (20,7 %), la
formation continue et autres activités extrascolaires (10,7 %). La part du
PIB consacrée par la France à l’éducation, supérieure à la moyenne des
pays de l’OCDE (6,9 % contre 6,1 %), est néanmoins inférieure à celle
d’autres pays (Chili, Corée, Danemark, États-Unis, Islande, Israël et
Norvège).
La répartition de ce budget dépend évidemment de l’importance des
effectifs dans chaque niveau, mais aussi de priorités, variables d’un pays à
l’autre, comme le montre le tableau :

Coût année, par élève et par niveau d’enseignement, en équivalent dollars (2005), Les notices de la
Documentation française, « Le système éducatif en France », 2006

D’un système à l’autre, les choix sont différents. La France consacre


davantage de moyens à l’enseignement secondaire qu’au primaire, tout
comme l’Allemagne, tandis que d’autres, l’Italie par exemple, leur
accordent une part équivalente. Une situation souvent reprochée à la
France, qui pourtant se rapproche de la moyenne de l’OCDE. En revanche,
l’enseignement supérieur est en France, en Italie et en Espagne le parent
pauvre du système éducatif, en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE
et bien après les États-Unis, mais aussi le Royaume-Uni. Une situation que
l’on oublie de prendre en compte lorsque l’on constate que l’université
n’attire pas les meilleurs étudiants.
Il faut dégraisser le mammouth

L’Éducation nationale en France, ce sont des effectifs


pléthoriques, bien supérieurs à ceux des autres systèmes
éducatifs. FAUX

« Il faut dégraisser le mammouth » : la formule est restée célèbre. Mais


l’Éducation nationale est-elle ce mammouth dont parlait l’ancien ministre
Claude Allègre ou – comme pour les taux d’absentéisme – était-il là encore
fâché avec les chiffres ? Un comparatif avec d’autres pays, à partir des
chiffres de l’Éducation nationale et de l’OCDE, apporte la réponse.
L’Éducation nationale comptait, au 31 janvier 2011, 789 819 enseignants
(d’un âge moyen de 42,7 ans), à 97,2 % des agents titulaires. Y
exercent 330 868 dans le premier degré, 389 787 dans le second degré
et 69 164 dans le supérieur (pour l’enseignement public, 66 % de femmes,
81,7 % travaillent dans le premier degré, 57,9 % dans le second et 36,4 %
dans le supérieur). Pour comparer ces effectifs dans les différents systèmes,
il faut bien sûr les rapporter au nombre d’élèves. On calcule ainsi un taux
d’encadrement correspondant aux effectifs d’élèves/étudiants d’un niveau
d’enseignement divisés par le nombre d’enseignants. Mais là encore, les
choses sont un peu plus compliquées. En effet, si un système éducatif
dispense plus d’heures de cours à ses élèves, il y aura plus d’enseignants
par élève, mais pas de classes moins chargées pour autant. La formule ne
prend pas non plus en compte le temps de travail quotidien des enseignants
et, pour ces différentes raisons, n’est pas révélatrice des effectifs des
classes. Au passage, remarquons que pour diminuer le nombre
d’enseignants il y a donc deux solutions : augmenter leur charge de travail
ou abaisser le nombre d’heures d’enseignement par élèves. Que donnent les
résultats ?

Nombre d’élèves par enseignant dans les établissements d’enseignement, selon le niveau
d’enseignement (2009), « Regards sur l’éducation 2011 », OCDE

Le taux d’encadrement est inférieur dans le primaire… alors que les


effectifs par classe sont moins lourds, pour les raisons évoquées
précédemment. Pour ce niveau d’enseignement, la France se situe au-dessus
de la moyenne des pays de l’OCDE. À l’inverse, pour le secondaire, la
France passe en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Sur la liste
des 33 pays pour lesquels les données étaient complètes et la moyenne
possible à calculer, elle arrive en 14e position. Si gros que ça, le
mammouth ?
Quoi qu’il en soit, entre 2007 et 2012, on a dégraissé : pas moins
de 66 000 suppressions opérées malgré 33 800 élèves supplémentaires (les
effets du boom de l’an 2000), selon les documents budgétaires débattus par
les parlementaires. Comment l’Éducation nationale a-t-elle pu digérer cette
perte d’environ 10 % de ses effectifs ? De plusieurs façons : par des
fermetures de classes, notamment dans les zones rurales, par des
réorganisations internes, terme pudique pour qualifier les suppressions
diverses, celle des Rased (instituteurs spécialisés pour les élèves en
difficulté) ou la transformation des postes de remplaçants en poste fixes
ainsi que la réforme 2009 du lycée et ses réductions d’heures.
Il faut réduire le nombre d’élèves par classe

Lorsqu’on diminue les effectifs par classe, les résultats


scolaires s’améliorent. VRAI

La taille des classes est un enjeu majeur… pour le budget de


l’Éducation nationale. Diminuez l’effectif de chaque classe de quelques
élèves et la mesure, multipliée par le nombre total de classes, sera
évidemment coûteuse. Reste à savoir si cela en vaut la peine. A priori, avec
un nombre d’élèves réduit, un enseignant aura plus de temps à consacrer à
chacun, pourra mieux les connaître et les faire participer.
Pour les uns, les capacités d’écoute et de concentration des élèves
interdisent que l’on dépasse un seuil d’effectif, au risque sinon de perdre
beaucoup en « gestion de la classe » (comprendre « lutte contre les
bavardages et le chahut »). Sans compter les tâches diverses de
l’enseignant, correction de copies, rencontres avec les parents, bulletins
scolaires… qui s’alourdissent avec le nombre d’élèves. Au contraire,
prétendent les autres, les effectifs ne sont pas gênants, d’ailleurs jusque
dans les années 1960, on trouvait des classes à 50 élèves, avec des
conditions de travail moins difficiles pour tous. Il y aurait même un effet
porteur, comme déjà le Tchèque Comenius (1592-1670), le père de la
pédagogie moderne, le pensait : « Plus grand est le nombre d’élèves qu’il
voit devant lui, plus grand est l’intérêt que l’enseignant prend à son travail.
Pour les élèves, de la même manière, la présence d’un bon nombre de
compagnons sera productrice non seulement d’utilité mais aussi de plaisir. »
Une première étude à grande échelle (11 000 élèves), nommée Star,
lancée aux États-Unis dans les années 1980, montra un gain d’efficacité
avec la réduction des effectifs, ce qui déclencha une politique volontariste.
En Californie, à partir de 1996, les effectifs ont été passés de 30 à 20 élèves
dans les trois premières classes du primaire, dans le Wisconsin le taux
d’encadrement a même atteint un enseignant pour 15 élèves dans les zones
les plus défavorisées, et des politiques du même type ont été conduites aussi
dans d’autres pays, Angleterre et Pays-Bas. Pourtant, dans les années 2000,
une contre-offensive, menée à partir de quelques études, plus ou moins
sérieuses, certaines utilisant mêmes de grosses ficelles comme celle de
l’OCDE en 2005, prétendent à partir des résultats Pisa que « l’impact de la
taille des classes sur les résultats des élèves n’est pas concluant ». Selon
l’OCDE, les exemples de « réussite Pisa », comme le Japon et la Corée,
avec des classes surchargées, montrent qu’il s’agit d’un critère sans
importance. Une simplification abusive tendant à ignorer toutes les autres
particularités de ces deux systèmes éducatifs qui pouvaient expliquer leurs
bons résultats.
Selon une étude française menée en 2006 par Thomas Piketty et
Mathieu Valdenaire, chercheurs à l’École des hautes études en sciences
sociales (EHESS), la réduction d’un élève par classe en CE1 conduit à une
augmentation de 0,3-0,4 point en moyenne (et 0,7 point pour les élèves
défavorisés) aux évaluations de mathématiques de début de CE2. Pour les
auteurs, une réduction de cinq élèves par classe du primaire en ZEP, à
moyens constants, réduirait de 46 % l’écart entre les scores des ZEP et des
« hors-ZEP ».
Dans une note ministérielle de mai 2010, le ministère de l’Éducation
nationale demandait aux inspecteurs et recteurs de « contribuer
efficacement à une augmentation du nombre d’élèves par classe ». Il se
sentait obligé de se justifier en indiquant que « la diminution des effectifs
dans les classes n’a pas d’effet sur les résultats des élèves ».
L’Éducation nationale est dirigée par les
syndicats

Pas une réforme sans l’aval des syndicats enseignants,


d’ailleurs ils cogèrent l’Éducation nationale. VRAI et FAUX (à
moins que le ministère ne cogère le syndicat majoritaire)

Il est loin le temps où, en 1887, des membres de l’Amicale des


instituteurs déposaient à la préfecture de la Seine les statuts du premier
« Syndicat des instituteurs et des institutrices ». L’article 1er annonçait :
« Le Syndicat a pour objet d’étudier les intérêts professionnels des
instituteurs […] et d’appliquer, à l’égard de l’enseignement primaire, toutes
les dispositions de la loi de 1884 sur les syndicats professionnels. »
Inconcevable, du moins pour Eugène Spuller, alors ministre de l’Instruction
publique, qui refuse de reconnaître un syndicat d’enseignants, voyant là une
menace de désorganisation de l’État et pour les enseignants la possibilité de
« se donner des chefs en dehors de leurs chefs ». Une circulaire interdisant
la constitution de syndicats bloquera la situation pour plusieurs années.
Pourtant, les amicales d’instituteurs restent actives et lorsque
le 22 février 1906, le préfet de la Seine accuse enfin réception du dépôt des
statuts de la Fédération des syndicats d’instituteurs, cette victoire mérite un
grand meeting où se succèdent à la tribune Anatole France, Jean Jaurès et
Ferdinand Buisson. Pas moins ! Las, l’interdiction perdure. Malgré la
révocation de plusieurs enseignants, la Fédération des syndicats
d’instituteurs est finalement créée en 1909. Le syndicalisme se sera imposé
contre le ministère. La fameuse cogestion, tant de fois dénoncée depuis,
n’est pas en tout cas un fondement du syndicalisme enseignant. D’ailleurs,
les différents syndicats finissent par intégrer les confédérations, d’abord
CGT et CFTC. Mais en 1947, à la scission entre la CGT et la CGT-Force
ouvrière, le syndicat enseignant majoritaire, le SNI, refuse de rejoindre
l’une ou l’autre des deux confédérations, préférant l’autonomie avec la
création de la FEN… qui éclatera en 1992 avec la formation de la FSU.
La FEN comme la FSU, chacune à son époque largement majoritaire
(80 % des voix à la FEN aux élections professionnelles de 1962), prônent
par ailleurs l’autonomie syndicale, la distance avec les grandes
confédérations. Ces deux fédérations et leurs syndicats constituent alors une
force monopolistique ou presque, distante des autres salariés, sans doute
parce que les enseignants sont encore relativement privilégiés. En
choisissant d’en faire des interlocuteurs de premier ordre, le ministère les
isole un peu plus et cherche leur appui pour faire passer ses réformes, une
alliance nécessaire en raison de l’indépendance pédagogique des
enseignants et de la marge de manœuvre qu’elle leur procure. La fameuse
cogestion n’est pas à sens unique, elle permet aussi au ministère d’utiliser le
syndicat majoritaire comme courroie de transmission jusque dans les
établissements.
Pour le Snes, la démarche est souvent la même : plutôt que de s’opposer
de front aux réformes, mieux vaut s’associer à leur application pour tenter
de les détourner et finalement en gommer les conséquences les plus graves.
Un procédé utilisé lors de la réforme Jospin de 1989 puis plus récemment
avec la réforme du lycée de Luc Chatel, mais aussi pendant l’épisode
Claude Allègre, où, incapable de répondre aux attaques virulentes du
ministre, il laisse bon nombre de ses militants dans le désarroi. Cette
stratégie a pourtant commencé à échouer bien avant, dès 1960, lorsque la
FEN n’arrive pas à s’opposer à la loi Debré, très favorable à l’enseignement
privé. Ces échecs du syndicalisme autonome expliquent sans doute le fort
recul de la FSU, puisqu’aux élections de 2011 elle ne totalise plus que 40 %
des voix. À ce jeu de la cogestion, le ministère a remporté le plus souvent la
partie, comme en témoignent les nombreuses réformes imposées ces
dernières années, réforme du recrutement et de la formation, notation des
enseignants par les chefs d’établissement ou réforme du lycée de 2009. Au
cours de ces années, la FSU est devenue un colosse aux pieds d’argile, un
agrégat de sensibilités différentes, voire opposées, dont une partie se
satisfaisait du remplacement des heures d’enseignement par des activités
diverses, l’autre étant encore attachée à l’enseignement disciplinaire. Pour
cette fédération, prendre clairement position, c’est bien souvent
mécontenter une partie de ses adhérents et risquer de les perdre.
Pour remédier aux problèmes de l’école, il
faut demander des moyens

Si l’école va mal, c’est parce qu’elle manque de moyens pour


fonctionner correctement. VRAI et FAUX

Des moyens pour l’école ! Le slogan est devenu systématique au point


de paraître caricatural. Bien évidemment, en privant l’école de moyens, on
aggrave forcément sa situation. Ainsi, la suppression de 60 000 postes dans
l’Éducation nationale entre 2007 et 2012 n’a été rendue possible qu’au prix
d’ajustements à différents niveaux. On a d’abord puisé dans le vivier des
remplaçants, engendrant inévitablement des problèmes lorsque l’on a eu
besoin d’eux. Des classes ou des écoles, en milieu rural notamment, ont été
fermées automatiquement dès que le nombre d’élèves passait en dessous
d’un certain seuil, ce à quoi se sont ajoutées les réformes structurelles
comme celle du lycée avec ses réductions d’heures.
Dire que l’on peut faire plus ou mieux avec moins tient souvent de la
formule magique ou de l’incantation, même si les hommes politiques
n’hésitent pas pour autant à l’affirmer. De l’autre côté, les enseignants et les
syndicats qui les représentent rétorquent en réclamant des moyens et avant
tout refusent qu’on les réduise. Qui pourrait le faire à leur place ? Ils sont
dans leur rôle, y compris lorsqu’ils en demandent plus.
Néanmoins, un problème – de taille – se pose lorsque « les moyens »
deviennent la seule revendication, sans jamais dire pour quoi faire. Répéter
cet unique slogan, c’est donner du grain à moudre à tous ceux qui, ne
voulant plus investir sur l’école, sont trop contents de pouvoir ironiser sur
« les moyens, les moyens » et cataloguer les enseignants comme
« corporatistes ». Le débat doit avant tout porter sur les finalités de l’école
et, une fois celles-ci énoncées, les moyens peuvent être demandés, y
compris de façon virulente. Or, si la revendication des moyens apparaît
comme la principale, aussi bien de la part de bon nombre de partis de
gauche (quand ils sont dans l’opposition) que des principaux syndicats
comme le Snes, elle participe à la destruction de l’école en masquant les
véritables enjeux et en donnant le sentiment que le système est aux mains
d’une caste qui l’utilise à ses fins. Pourquoi alors cette éternelle et unique
revendication, rabâchée à l’envi, qui caricature les enseignants ? Pour ne
pas aborder les sujets qui fâchent ! Deux conceptions de l’école
s’affrontent : l’une centrée sur la transmission de savoirs, l’autre sur la
socialisation et l’adaptation de l’élève à la société, et cette question
fondamentale appelle à prendre des positions claires… qui mécontentent
forcément les uns ou les autres. Alors, autant ne pas se mouiller… et
demander des moyens.
Les parents ont leur place à l’école

En participant à la vie de l’école, les parents d’élèves défendent


l’intérêt général. VRAI et FAUX

C’est inscrit dans la loi : les parents d’élèves ont leur place à l’école. Ils
disposent de représentants élus dans différentes instances (conseil d’école,
d’administration…) et doivent être informés du travail et des résultats de
leur enfant. Ce double rôle des parents, à la fois collectif et individuel, n’est
pas toujours facile à exercer. Quelle position tenir en effet lorsque son
intérêt personnel ne rejoint pas l’intérêt général ou du moins celui de la
majorité ? Autre difficulté, l’école et la famille assurent des rôles différents
envers l’élève, et concilier les deux demande de la souplesse. Les parents
souhaitent l’épanouissement de leur enfant et sa réussite dans la vie.
Mais le matin, devant sa classe, un professeur ou un instituteur ne se dit
pas « Aujourd’hui, je vais les rendre heureux ». Non pas qu’il veuille les
rendre malheureux, mais ses objectifs sont d’un autre ordre, plus modestes,
et ses résultats pas immédiats. La tâche n’est pas facile, parfois ingrate
(combien d’élèves répondent spontanément « travailler » lorsqu’on leur
demande ce qu’ils veulent faire en classe ?).
Autrement dit, à l’école, l’élève n’est pas l’enfant ou l’adolescent qu’il
est pour ses parents, d’où les malentendus. D’ailleurs, tous n’ont pas les
mêmes attentes, les mêmes ambitions non plus pour l’avenir de leur
progéniture. Qui n’a pas assisté, au cours d’une réunion, aux demandes
différentes formulées par les uns et par les autres : plus ou moins de dictées,
plus ou moins de devoirs à la maison, plus ou moins de sorties… la liste
pourrait être interminable. Heureusement, ce n’est pas la majorité du
moment qui l’emporte, mais la loi, celle qui définit programmes et nombre
d’heures. Ce problème, les fédérations des parents en ont bien conscience,
et se heurtent parfois à de sacrées contradictions.
On peut ainsi lire dans le projet éducatif de la FCPE intitulé
« Ambitions FCPE, des couleurs pour l’école » : « La position d’une
fédération de parents d’élèves ne doit pas être masquée par des témoignages
individuels et contradictoires de parents non fédérés. Toutes nos actions et
propositions sont en accord avec nos valeurs. C’est pourquoi, lorsqu’il le
faut, nous savons nous opposer à la vox populi. » La FCPE contre le
peuple ? En tout cas, le problème est bien là, la contradiction entre
l’éducation, en premier lieu l’affaire des parents qui transmettent à leur
enfant des valeurs et des principes, et l’instruction, dispensée par l’école, la
même pour tous les élèves.
Faire entrer les parents à l’école en tant que groupe organisé, n’est-ce
pas confondre éduquer et instruire, n’est-ce pas donner à quelques parents
un pouvoir sur l’éducation de tous les élèves ? Évidemment, l’argument
peut être retourné, l’institution scolaire, et avec elle les enseignants, a de
plus en plus tendance à vouloir se mêler de tout, c’est-à-dire de l’éducation,
quand ce n’est pas s’immiscer entre l’enfant et la famille. Et si chacun
restait à sa place ?
La maternelle est une garderie

Scolariser les enfants en maternelle leur permet, dans le


prolongement de la crèche, de s’épanouir à travers des jeux et
des activités manuelles. FAUX

Plus de 2,5 millions d’élèves sont aujourd’hui scolarisés en maternelle,


confiés à des instituteurs formés à bac + 5 dont le rôle n’est évidemment
pas de « changer les couches », tout simplement parce que seuls les enfants
« propres » y sont accueillis, ce qu’aurait dû savoir Xavier Darcos, alors
ministre de l’Éducation nationale lorsqu’il osa sa sortie malheureuse.
Néanmoins, derrière la formule se cachait la question du rôle de l’école
maternelle : prolongation de la crèche ou tremplin vers l’école primaire ?
L’école maternelle est créée dans les années 1880 par Pauline
Kergomard, qui transforme les salles d’asile en lieu d’accueil des enfants.
Dès le début se pose la question de savoir s’il faut privilégier le
développement de l’enfant ou son instruction… un débat qui à vrai dire
oppose encore aujourd’hui deux camps parmi les instituteurs.
Les premiers contestent ce qu’ils appellent la « primarisation » de la
maternelle, préférant axer son existence sur le développement de l’enfant
censé favoriser son épanouissement. Tout ou presque doit passer par le jeu,
quant au terme « savoir », il est inapproprié. En quoi alors la maternelle se
distingue-t-elle de la crèche et dans ce cas pourquoi la maintenir dans le
giron de l’Éducation nationale, qui plus est avec des professeurs des écoles
formés à bac + 5 ? Autre vision, celle d’une école maternelle où débute la
scolarisation de l’enfant, lieu d’apprentissage des savoirs de base qui
préparent à l’école primaire. C’est l’orientation développée avec les
programmes de 2008, marquant un infléchissement par rapport à ceux qui
depuis les années 1980 favorisaient le développement de l’enfant. On
demande en effet dans les programmes actuels d’« aborder le principe
alphabétique », d’« apprendre les gestes de l’écriture », de « distinguer les
syllabes d’un mot prononcé », de « connaître et écrire la plupart des lettres
de l’alphabet »… Mais à côté de ces recommandations figurent d’autres
objectifs, « Vivre ensemble : apprendre les règles de civilité et les principes
d’un comportement conforme à la morale » ou « Coopérer et devenir
autonome », sans que la circulaire officielle impose de durée à chacune de
ces activités.
Or, si les inégalités scolaires apparaissent dès l’école primaire, pourquoi
ne pas tenter d’agir en amont pour les atténuer, voire les faire disparaître ?
Selon le linguiste Alain Bentolila, le vocabulaire des enfants les plus
faibles, six fois plus pauvre que celui des meilleurs, les prédispose à des
difficultés au CP, voire à l’illettrisme. D’où le plan de prévention de
l’illettrisme du ministre Luc Chatel consistant dès la maternelle à travailler
l’acquisition du vocabulaire en grande section, y compris à l’aide de « la
mémoire, par un apprentissage par cœur de textes qui développe la
concentration et l’attention ». Mais la logique a-t-elle été poussée jusqu’au
bout ? En effet, l’école maternelle n’est pas obligatoire et statistiquement ce
sont les milieux favorisés qui en bénéficient le plus. Pour ce qui concerne la
scolarisation à l’âge de 2 ans, elle est passée de 34,6 % en 1999 (France
métropolitaine + DOM) à 13,6 % en 2010. De plus, c’est dans l’académie
de Créteil, une des plus défavorisées, que le taux est des plus faibles. Les
raisons sont bien sûr d’ordre économique, mais, s’il s’avère que la
scolarisation précoce est une solution efficace contre l’échec scolaire, cela
ne vaut-il pas la peine d’y investir des moyens ? À condition que la
maternelle soit une école à part entière.
Les classes européennes garantissent un
meilleur niveau

Des cours en langue étrangère sont le gage d’un enseignement


de qualité et de débouchés plus nombreux. FAUX

Créées en 1992 pour permettre l’immersion des élèves dans une langue
et une culture étrangères, les sections européennes des établissements
(collège et lycée) sont aussi le moyen, en regroupant les meilleurs élèves,
de contourner l’hétérogénéité des classes et la baisse de niveau qu’elles
génèrent. D’ailleurs, leur succès ne se dément pas, 230 000 élèves sont
aujourd’hui scolarisés dans plus de 4 500 d’entre elles. Mais est-ce au
bénéfice des élèves ?
En plus des deux heures supplémentaires de langue par semaine, ces
classes dispensent un enseignement d’une discipline non linguistique (des
maths à l’histoire-géographie, en passant par la physique ou les SVT) dans
une langue étrangère. Des voyages et des échanges avec le pays concerné
sont régulièrement organisés sans compter que cette filière offre l’avantage
de délivrer un niveau de certification dans la langue, ce qui facilitera
l’inscription dans une université européenne. Pour autant, la médaille a son
revers. L’enseignement dans une langue étrangère, surtout pour des élèves
qui la pratiquent depuis peu d’années, est forcément très limité et, n’ayons
pas peur des mots, appauvri. Le niveau de langue de la plupart des élèves,
en seconde par exemple, ne permet d’assimiler que des notions basiques, en
raison du vocabulaire restreint comme des tournures grammaticales, mais
aussi parce que les processus cognitifs n’autorisent pas à la fois à se
concentrer sur la traduction et l’assimilation de notions disciplinaires. Pour
s’en convaincre, on peut demander à un élève de lire dans un quotidien un
article de politique ou d’économie (ou de vulgarisation scientifique), d’une
part en français, d’autre part dans une langue étrangère, puis comparer ce
qu’il a retenu de chacun. L’expérience est en général probante, à l’oral elle
le serait encore plus en raison de l’impossibilité de revenir sur une phrase
non comprise, alors que l’on peut la relire autant de fois que l’on veut.
Néanmoins, le problème ne vient pas seulement des élèves ! Les
enseignants, qui reçoivent une certification pour la langue dans laquelle ils
auront à enseigner leur matière, ne sont pas pour autant bilingues.
Inévitablement, le contenu du cours s’en ressentira, car il s’agira plus pour
eux d’oraliser un discours écrit que de véritablement s’exprimer dans une
langue étrangère, avec ses nuances et ses subtilités.
Un site officiel, www.emilangues.education.fr, consacré à
l’enseignement en sections européennes, fournit des ressources
pédagogiques dans toutes les matières. Sa consultation renseigne assez vite
sur les faiblesses de ce type d’enseignement. En mathématiques, un
exemple de séquence, intitulée « Le chemin le plus court », « conçue pour
un tout premier cours en classe de seconde, mais peut être également
utilisée en première ou terminale », montre que les élèves ne maîtrisent pas
le vocabulaire nécessaire (« Il s’agit d’introduire en contexte le vocabulaire
mathématique essentiel en début de classe de seconde »), qu’ils auront des
difficultés à participer (« Il s’agit également de mettre en place une routine
dans la prise de parole ») et que les cours oscillent en permanence entre les
maths et tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l’anglais (« Cette
séquence pédagogique donne l’occasion d’aborder la question de
l’organisation du paysage urbain aux États-Unis. »). Tout aussi inquiétant,
on suggère à l’enseignant des formules toutes faites en anglais, pourtant de
structure assez simple (Any two points form the hypothenuse of a right
triangle), même des rudiments de vocabulaire (coordinate system, x-axis,
leg of a triangle…) lui sont fournis, au point que l’on s’interroge
sérieusement sur sa maîtrise de la langue. L’Éducation nationale, qui aime
tant les évaluations, pourrait en commander une sur ces sections
européennes.
Les classes hétérogènes facilitent
l’apprentissage

Avec des niveaux différents, les classes hétérogènes créent une


émulation profitable aux élèves. FAUX (il suffit d’aller dans une
classe pour le constater)

Avec le collège unique et l’hétérogénéité des classes, le scénario n’a pas


été celui imaginé. Dans le meilleur des mondes pédagogiques, le brassage
entre les forts et les faibles devait favoriser l’entraide et l’émulation censées
tirer tous les élèves vers le haut.
Hélas, le scénario a été tout autre, même si comme l’explique un
responsable syndical dans l’édition du Monde datée du 06 février 2001,
nombre d’enseignants étaient favorables au principe de l’hétérogénéité.
« Tout ce qu’on y gagne, c’est de la rébellion, de la passivité, de
l’absentéisme ou de la violence », déclare un autre. L’article révèle
d’ailleurs que ce sont les parents eux-mêmes qui demandent des classes
homogènes, la situation inverse menant selon eux à l’échec. Les études sur
le sujet semblent montrer l’inverse, réunir forts et faibles amènerait à de
meilleurs résultats. C’est une nouvelle illustration des limites des sciences
de l’éducation, théâtre de la confrontation entre l’expérience des
enseignants et les études, dont les auteurs, aux a priori plus que marqués
sur la question, aboutissent à des conclusions étonnantes. D’ailleurs, s’il
existe des enseignants favorables à l’hétérogénéité, on ne les entend jamais
dire : « Les classes hétérogènes réussissent mieux » (le propos serait trop
gros), mais : « Il existe des méthodes pour gérer l’hétérogénéité des
classes. »
L’une d’entre elles, la pédagogie différenciée, consiste (elle a toujours
cours !) à adapter l’enseignement aux élèves selon leur niveau. La méthode,
qui remonte aux années 1910, avec la naissance de l’Éducation nouvelle,
répondait alors aux impératifs des classes rurales du primaire avec des
élèves d’âges variés. Célestin Freinet la reprend à son compte en
introduisant des fiches autocorrectives, des plans de travail censés
développer l’autonomie des élèves et les faire s’entraider. Avec, selon les
partisans de la méthode, un argument majeur : tous les élèves, forcément
différents, n’apprennent pas de la même manière ni au même rythme.
Réintroduite notamment avec la massification, la pédagogie différenciée
utilise alors les moyens modernes du tirage papier et bombarde les élèves
de fiches et autres polycopiés censés donner un guide, qui renvoient à
d’autres devant fournir des compléments de réponse. Pour s’adapter à
chaque niveau, le professeur prévoit des bandes de papier sur lesquelles une
aide complémentaire est accessible seulement à la demande de ceux qui en
ont besoin. Finalement, là où les élèves auraient le plus besoin de lui, il
partage son temps en passant de table en table, prodiguant des conseils
personnalisés à chaque élève… et ne possédant pas le don d’ubiquité,
abandonne malgré lui les autres. Avec cette méthode, chaque élève passe la
quasi-totalité du temps seul (ou avec son voisin, ce qui n’est pas toujours
mieux !), livré à lui-même. Pour les plus faibles, le résultat est
catastrophique. Derrière les bonnes intentions de l’enseignement
individualisé, on oublie trop souvent qu’un enseignement transmissif
s’adresse à toute la classe et par conséquent chaque élève profite des
explications comme des corrections d’exercices… surtout les plus faibles.
L’enseignement religieux tient peu de place
dans le privé

Si les établissements catholiques se démarquent des écoles


publiques, ce n’est pas en raison de l’enseignement religieux.
FAUX

Choisir un établissement privé, c’est la garantie de méthodes


différentes, entend-on dire souvent. La preuve, les résultats ne sont pas les
mêmes. Tout dépend à vrai dire de ce que l’on compare : le privé avec un
établissement public classé RAR (ex-ZEP) ou avec un autre de centre-ville,
qui plus est possédant des classes préparatoires ? À coup sûr, la conclusion
ne sera pas la même. Si en zone sensible on trouve bien quelques
établissements privés, la plupart sont publics. Idem pour les classes
préparatoires, le public en a le monopole ou presque.
En ce qui concerne les méthodes, le même débat traverse le privé et le
public : instruction ou socialisation, enseignement explicite ou
enseignement d’éveil avec constructivisme à grand renfort de tâches
complexes et autres. D’ailleurs, le projet d’établissement, instauré dans le
public seulement avec la loi Jospin de 1989, est au départ une invention du
privé, ce qui permet à chacun de ses établissements de montrer sa
spécificité. Dans le public comme dans le privé, il s’agit avant tout d’une
vitrine, conçue pour exposer les arguments les plus alléchants, censés attirer
le « client » : ce sont les voyages scolaires, par exemple. Avec la loi Chatel,
son impact se renforce puisqu’une partie des heures d’enseignement est
fournie « à discrétion » aux établissements qui les utilisent avec une relative
liberté.
Dans l’enseignement catholique, le plus souvent sous contrat avec
l’État, la spécificité du projet d’établissement tient au caractère
confessionnel. Cet aspect, secondaire pour les familles lorsqu’il s’agit
d’éviter un établissement en zone sensible, reste néanmoins pour
l’enseignement catholique une priorité. Certes, la loi Debré de 1959 interdit
toute discrimination de confession à l’inscription des élèves, mais l’école
reste libre de les choisir.
La volonté de décliner l’enseignement en fonction du religieux, pas
forcément affichée, est néanmoins réelle, comme le montre le site officiel
de la Fédération des associations pour la promotion et la formation
professionnelle dans l’enseignement catholique (Formiris –
www.enseignement-et-religions.org). Dans chaque matière, des exemples
illustrent comment l’enseignement peut être associé à celui du message
évangélique. Par exemple, en mathématiques, une séquence pédagogique
intitulée « De l’origine sacrée des nombres » se propose de montrer
comment « le nombre permet […] de classer, calculer, mesurer mais dans
quel but ? Une rapide étude des nombres sacrés nous l’apprend. Il s’agit de
mettre le naturel en correspondance avec le surnaturel et ainsi de connaître
Dieu. » Une autre en physique, intitulée « Que la lumière soit ! » et destinée
aux élèves de seconde, indique : « Cette séquence se propose d’aborder le
thème de la lumière sous quatre angles : des propos libres, une étude en
physique, une approche littéraire et une recherche de la symbolique
religieuse. » Le site fourmille d’exemples en tout genre, mais finalement il
n’y a rien d’étonnant à ce que l’enseignement confessionnel ait la volonté
de dispenser un enseignement religieux. En revanche, trop de parents
tendent à l’oublier au moment de l’inscription.
Chapitre 7
Orientation :
garder le cap

La fac ou le bac pro, tout le monde peut y aller, mais avec toutes
les chances d’échouer. Quant aux classes prépas, succès garanti…
si l’on en ressort vivant. L’horizon semble bouché, avec des idées
reçues, gare aux erreurs d’orientation !
Les études scientifiques n’ont plus la cote

Le nombre d’étudiants inscrits en sciences diminue, les jeunes


désertent les voies scientifiques. FAUX

Régulièrement, les médias nous rappellent que les inscriptions dans les
filières scientifiques ne cessent de diminuer, à tel point que l’on prédit
l’incapacité de remplacer les départs à la retraite des scientifiques. Un
constat alarmant que les experts en baisse d’inscriptions en fac de sciences
se sont empressés d’expliquer. Premières incriminées, les études
scientifiques, longues et difficiles, qui seraient finalement peu « rentables »
par rapport à quelques années de droit ou d’école de commerce. Vrai…
comme cela l’était déjà il y a vingt ou trente ans lorsque les facs de sciences
fonctionnaient à guichets fermés. Est aussi évoquée l’image de la science,
accusée de tous les maux : vache folle, Fukushima, sans parler bien sûr du
réchauffement climatique et du trou dans la couche d’ozone. La science fait
peur, engendre des catastrophes, bref autant s’en tenir éloigné pour éviter
toute responsabilité. Pourtant, les enquêtes indiquent que l’image du
chercheur est loin d’être négative. L’une d’entre elles, menée par le Cevipof
jusqu’en 2001, montrait que l’affirmation « Les chercheurs travaillent pour
le bien de l’humanité » recueillait 88,6 % d’opinions « Tout à fait
d’accord » ou « Plutôt d’accord ». Plus d’une profession aimerait se targuer
de ce score (seuls les pompiers doivent faire mieux !). Bref, autant chercher
autre chose. L’école, bien sûr ! Trop difficile, pas assez concrète et toujours
éloignée de la vie quotidienne, la science telle qu’on l’enseigne n’intéresse
pas les jeunes, un symptôme parmi d’autres des carences de l’école, tournée
vers le passé avec ses méthodes à l’ancienne. D’ailleurs, le journal Le
Monde, toujours prêt à partir en guerre contre les archaïsmes de l’école,
dans un article daté du 3 décembre 2003 intitulé « Comment redonner aux
élèves le goût des disciplines scientifiques », affirme : « Au moment où
commence un débat national sur l’école, la désaffection massive dont
souffrent certaines filières, en partie liée au manque de perspectives
professionnelles dans la recherche, exige de repenser la transmission des
savoirs, du primaire à l’université. » Certes, l’article évoque en passant un
problème de débouchés mais finalement pointe du doigt le mode de
transmission des savoirs. Ainsi, les méthodes d’enseignement seraient
responsables de cette désaffection… alors que la filière S totalise la moitié
des élèves de l’enseignement général ! Certes, tous ne feront pas des
sciences, mais si celles-ci les rebutent à ce point, y seraient-ils aussi
nombreux ?
En réalité, plusieurs études ont abouti à la même conclusion : il n’y a
pas de désaffection pour les sciences. Le géologue Jean Dercourt, dans un
rapport rédigé pour l’Académie des sciences, a mis en évidence, chiffres à
l’appui, que la proportion d’étudiants dans les filières scientifiques de
l’université, classiques et professionnelles, les classes préparatoires, les
études médicales et paramédicales est restée la même des années 1990 à
2004. Que s’est-il passé alors ? Bernard Convert, sociologue et directeur de
recherche au CNRS, l’explique très bien dans son livre Les Impasses de la
démocratisation scolaire. Sur une prétendue crise des vocations
scientifiques : la baisse des inscriptions dans les ex-Deug scientifiques est
d’une part compensée par l’augmentation dans les autres filières
scientifiques, d’autre part elle n’est pas plus importante qu’en lettres et
sciences humaines, en droit ou en AES. Autrement dit, s’il y a une crise,
c’est plutôt là qu’il faut la chercher, mais personne n’en parle, car tout le
monde s’en fiche ! La désaffection dans les facultés scientifiques, masquée
dans un premier temps par la croissance du nombre de bacheliers,
correspond en réalité à un déplacement des inscriptions des filières
fondamentales vers celles à visée professionnelle, en raison de la montée du
chômage. Alors pourquoi cette idée reçue ? Peut-être parce que l’on a
confondu objectifs et résultats. Le Conseil européen de Lisbonne, en 2000,
s’est fixé pour objectif la formation de 10 000 à 15 000 chercheurs par an
en Europe. On en est loin ! En 2007, selon le rapport de 2010 de l’OST
(Observatoire des sciences et techniques), 6 751 thèses en sciences de la vie
et de la matière ont été passées, contre 7 301 en 1997. Une situation sans
doute préoccupante, qui ne vient pourtant pas d’une désaffection pour les
études scientifiques, mais plutôt, comme le conclut Bernard Convert dans
son livre, de la demande par les étudiants d’un diplôme donnant accès à un
emploi. Or les postes de recrutement, au CNRS ou à l’université, n’ont pas
augmenté. Comment s’étonner alors ?
Les filles sont moins douées que les garçons
pour les sciences

Si les filles délaissent les carrières liées aux sciences, c’est par
manque d’esprit scientifique. FAUX

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, la proportion de filles dans les études


et métiers des sciences (on y inclut les mathématiques) est bien inférieure à
celle des garçons. La différence s’observe au lycée (46 % de filles en
terminale S, contre 80 % en L et 60 % en ES), mais les choses se décident
bien avant. D’après l’enquête de l’Éducation nationale « Évaluation des
compétences de base en fin d’école et de collège » (mars 2010), les filles
sont meilleures que les garçons en français en fin de CM2 et de troisième et
quasiment de même niveau en maths. Toutefois, pour les pays de l’OCDE,
les enquêtes Pisa montrent un écart moyen d’environ 2 % à l’avantage des
garçons (quasi-nul dans certains pays – Slovénie, Russie –, ou inverse en
Indonésie, en Suède). À ce niveau de la scolarité, être une fille ou un garçon
n’a pas encore d’incidence sur les vœux d’orientation. La situation change
en fin de seconde, les filles privilégient alors une orientation en L ou ES, ce
qui peut bien sûr s’expliquer par leurs bons résultats en français. Dès le
primaire, en effet, la différence est patente, 90 % des filles maîtrisent en
CM2 les compétences de base pour cette matière, contre 85 % des garçons,
l’écart se creusant en fin de collège (83 %, contre 72 %). Mais la stratégie
des filles semble plutôt d’éviter de s’engager dans une filière scientifique.
Une enquête menée auprès d’élèves de S, entrés en sixième en 1995,
montrait que parmi eux 8 garçons sur 10 se jugeaient très bons en
mathématiques, mais seulement 6 filles sur 10. Les filles ont tendance à se
dévaloriser !
Et après le bac ? Environ 15 % des filles titulaires d’un bac S
poursuivent leurs études en classes préparatoires aux grandes écoles
(CPGE), contre 20 % des garçons. D’autres chiffres pourraient venir
confirmer le moindre intérêt des filles pour les études scientifiques, du
moins si l’on se fie à leur orientation. Déterminisme biologique ou
culturel ? Un seul argument permet de trancher : l’évolution de ces
résultats. Depuis quelques décennies, la proportion des filles dans les
filières scientifiques ne fait que croître, les résultats sur la dernière décennie
suffisent à le montrer. On a aussi évoqué pour les filières sélectives, plus
nombreuses dans la voie scientifique, un esprit de compétition moins
développé chez les filles. Quelques exemples prouvent le contraire. Dans la
filière « Médecine », là où la compétition est des plus féroces, les filles sont
devenues majoritaires, représentant plus de 66 % des étudiants. Autre
exemple, celui de la filière BCPST, classes préparatoires « Agro-véto » dans
lesquelles les filles, là aussi majoritaires, tirent particulièrement bien leur
épingle du jeu. Un seul exemple, en 2009, elles étaient 73 % à intégrer une
école vétérinaire, une des filières les plus sélectives !
La force des habitudes – mais elles changent – a donc toute sa part dans
cette moins grande attirance des femmes pour les métiers scientifiques, avec
parfois des surprises : dans les années 1970, les métiers de l’informatique
comptaient une proportion de femmes, opératrices comme ingénieurs,
supérieure à celle d’aujourd’hui. En remontant plus loin, le premier
algorithme a été écrit par l’une d’entre elles, Ada Lovelace, en 1842, mais
le plus bel exemple est sans doute celui de Marie Curie, seule parmi tous les
scientifiques à avoir reçu deux prix Nobel. Et puis l’avenir s’annonce
radieux puisqu’en février 2010 sortait la poupée « Barbie, ingénieure en
informatique » ! De quoi susciter des vocations.
On forme moins de bons scientifiques

Le niveau des étudiants en maths et en sciences baisse, à


l’université comme dans les grandes écoles. VRAI

Aucun homme politique ne se prive de rappeler l’importance des


sciences pour la fameuse « économie de la connaissance ». Quant aux
maths, utilisées dans diverses disciplines scientifiques, en recherche
fondamentale ou appliquée, mais aussi en sciences humaines, notamment à
travers les outils statistiques, elles ont pris une importance telle qu’elles
sont devenues incontournables.
Alors, quand les scientifiques tirent le signal d’alarme sur le niveau des
étudiants, la moindre des choses serait de leur prêter une oreille attentive.
Or si les enquêtes Pisa déclenchent des tempêtes médiatiques, ces mises en
garde laissent de marbre. Peut-être parce que l’analyse qui accompagne le
constat dérange, tout comme les solutions proposées.
Les multiples témoignages d’universitaires concernant les lacunes
importantes de leurs étudiants, exemples à l’appui tirés des copies,
agrémentent une multitude de blogs et sites internet. Les mêmes propos se
retrouvent chez leurs collègues en écoles d’ingénieurs, dont les étudiants
sont pourtant passés à travers les deux années de classes préparatoires et le
filtre hypersélectif des concours. Ainsi, dans La Gazette des
mathématiques, no 106, d’octobre 2005, Laurent Decreusefond, responsable
des épreuves écrites de mathématiques au concours commun Mines-Ponts,
rapporte les résultats d’une enquête, réalisée auprès des directeurs d’écoles
d’ingénieurs, sur le niveau en mathématiques de leurs étudiants. Qu’en
ressort-il ? « La diminution des aptitudes mathématiques est vérifiée »,
annonce l’auteur, constatant par ailleurs une plus grande hétérogénéité du
niveau des étudiants, qui, depuis 1997, sont issus de filières différentes, et,
pour celles à dominante de physique (PC et PSI), avec des volumes
d’heures dorénavant diminués de 20 % en mathématiques. Selon l’auteur,
dans ces programmes, « c’est la vision utilitariste qui prévaut : la plupart de
ces étudiants ont de plus en plus de mal avec les raisonnements, seuls
perdurent quelques réflexes calculatoires ». Il poursuit par : « Mon propos
n’est pas de critiquer les élèves mais de dire qu’à force de diminuer les
exigences théoriques au nom de l’immédiate utilité, la formation
mathématique a perdu une partie de sa richesse qui est de former des esprits
rigoureux et capables d’abstraction. » Des propos qui pourraient s’appliquer
à tous les niveaux de l’enseignement et à toutes les disciplines, en français
par exemple, lorsque l’on tente d’apprendre à rédiger un CV plutôt que
d’étudier la littérature.
Quant à la Conférence des présidents des grandes écoles, elle a
convoqué la presse le 21 juin 2011 pour lui faire part des mêmes
inquiétudes. En ligne de mire, la réforme 2009 du lycée, avec la baisse du
nombre d’heures et des contenus : « Le niveau de ceux que nous amenons à
bac + 5 ne peut être indépendant du bagage des bacheliers », a déclaré
Pierre Tapie, son président, par ailleurs directeur général du groupe Essec.
Pour enfoncer le clou, il poursuit : « Si nous allons vers la généralisation de
l’esprit “Main à la pâte”, qui est parfait en primaire, au collège et au lycée,
au détriment de la conceptualisation, nous courons à la catastrophe. » Il
n’est pas sûr que l’esprit « Main à la pâte » prépare correctement aux études
supérieures, en particuliers aux classes préparatoires, mais la similarité des
propos, tenus pourtant à six ans d’intervalle, par deux responsables aux
profils bien différents, l’un dirigeant une école de commerce, l’autre
travaillant dans une école d’ingénieurs, est frappante. Un signe que le
problème est réel… et le malaise profond.
L’apprentissage garantit un emploi

En associant formation théorique et pratique, l’apprentissage


est un mode de formation favorable à l’emploi. VRAI et FAUX

L’apprentissage a le vent en poupe. Présenté comme une solution aux


difficultés du collège unique et à une supposée inadéquation entre formation
et demande des employeurs, il tend à se développer avec la loi
d’août 2011 (loi Cherpion) facilitant l’alternance entre l’école et
l’entreprise. Celle-ci ne remet pas en cause l’obligation scolaire
jusqu’à 16 ans mais instaure dès les classes de 4e/3e des parcours
d’« alternance personnalisée » et surtout la possibilité d’entrer en
apprentissage à 15 ans, à condition d’avoir terminé la classe de 3e.
Dans ce cas, le jeune trouve une entreprise avec laquelle il signe un
contrat d’apprentissage pour une durée de six mois à trois ans, selon le
diplôme préparé (il n’est donc plus élève mais possède un statut de salarié,
avec les mêmes droits et obligations), perçoit un salaire (entre 25 et 75 %
du Smic, déterminé en fonction de son âge et de sa progression dans le
cycle de formation), est soumis aux règles du Code du travail et des
conventions collectives. Parallèlement au temps passé en entreprise, le
jeune suit une formation générale, technologique et pratique dans un centre
de formation d’apprentis (CFA), d’un contenu et d’une durée spécifiques au
diplôme préparé, CAP, BEP, bac pro et aussi diplôme de l’enseignement
supérieur, BTS et DUT (bac + 2).
Le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage augmente
régulièrement, passant de 80 000 dans les années 1970 à près
de 120 000 vers la fin 2010, et la nouvelle loi devrait accélérer le
mouvement. Quel avantage a ce système de formation ? Pour ses
défenseurs, il s’agit d’une réponse à la crise de l’école et à l’échec récurrent
pour un certain nombre d’élèves, trop peu intéressés par le contenu de
l’enseignement, théorique et abstrait, une interprétation à relativiser en
raison de l’existence de lycées professionnels, formant aux mêmes
diplômes. Une chose est sûre, avec l’apprentissage, l’État se décharge d’une
partie de la formation professionnelle, et des coûts associés.
L’apprentissage favoriserait l’insertion professionnelle, disent ses
partisans, en répondant aux besoins des entreprises. Une étude de l’Insee,
« L’apprentissage, entre formation et insertion professionnelles », parue
dans Formations et emploi, a tenté de le vérifier en s’appuyant sur deux
critères, la probabilité d’avoir un emploi et le salaire, trois ans après la
sortie de formation initiale. D’après les résultats, « celui qui passe par
l’apprentissage a une probabilité d’emploi salarié trois ans après la sortie de
la formation initiale d’environ 7 points plus élevée ». Quant au salaire, « le
fait d’être passé par l’apprentissage se traduit par l’obtention d’un salaire
plus élevé en moyenne de 2,9 % ».
Un système efficace au vu de ces deux critères mais qui n’empêche pas
des interrogations sur le long terme. On reproche à l’apprentissage de se
fonder principalement sur une reproduction des gestes plutôt que sur leur
compréhension, ce qui limite le recul et l’adaptation à des situations
nouvelles, par exemple lors d’un changement d’emploi dans le futur. Enfin,
l’apprentissage s’organise à partir des besoins actuels, qui évolueront
forcément, un risque atténué avec l’enseignement professionnel et sa
formation théorique plus poussée. Autre zone d’ombre, aucune statistique
ne fournit les taux d’échec de l’apprentissage, c’est-à-dire de sortie sans
diplôme. Le débat reste donc ouvert.
Le stage en entreprise aide les élèves de
collège à s’orienter

En troisième, le stage en entreprise fait connaître les métiers et


aide à l’orientation. FAUX

Depuis 2005, les élèves de troisième (parfois de quatrième) doivent


participer pendant une semaine à une « séquence d’observation en milieu
professionnel », ce que l’on nomme dans le langage courant un « stage en
entreprise ». Ce stage a pour objectif de « sensibiliser les élèves à
l’environnement technologique, économique et professionnel en liaison
avec les programmes d’enseignement, notamment dans le cadre de
l’éducation à l’orientation » et curieusement s’inscrit dans les « dispositifs
d’aide et de soutien pour la réussite des élèves au collège ». On peut
discuter de l’intérêt de ce stage, mais on voit mal en quoi il constitue un
dispositif d’aide et de soutien, à moins qu’il ne s’agisse de pousser les
élèves à s’orienter vers une voie professionnelle, choisie en général par
ceux qui justement ne réussissent pas au collège. Bref, l’Éducation
nationale a une certaine propension à brouiller le message, à employer des
expressions à double sens, qui finalement laissent dans l’expectative plus
qu’elles n’éclairent.
Ces stages font beaucoup parler d’eux, pas moyen d’y échapper en
raison de leur caractère obligatoire (comme souvent, ils ont été introduits de
façon optionnelle puis une fois la « pompe amorcée », selon la formule des
décideurs de l’Éducation nationale, la mesure a été généralisée). L’utilité
d’un stage pour des élèves en voie professionnelle est admise par tous, elle
permet de compléter la formation reçue en classe. Mais en classe de 3e, il
prend un caractère particulier puisque l’insertion dans le monde
professionnel n’apporte… aucune compétence professionnelle ! Aussi les
élèves sont-ils là pour observer… et s’ennuient à mourir, comme le décrit
Guillemette Faure dans un article de M, magazine du Monde : « Elle se
vautre dans le canapé à côté de ton bureau tout l’après-midi avec son paquet
de Haribo et un script, sans en proposer »… ou encore : « Une moule sur
son rocher jusqu’à ce que, vers 17 heures, le stagiaire du 6e étage déboule
(le fils de la fille de la compta), et qu’on se court après en se chatouillant
entre les bureaux de l’open space. Elle, elle a frisé la défenestration ! » Les
stagiaires de troisième, considérés plutôt comme une gêne, ne sont pas
vraiment les bienvenus dans le monde de l’entreprise, d’autant plus qu’ils
ne peuvent accéder à quelque machine, produit ou appareil de production
que ce soit ni effectuer les travaux légers, comme le stipule la
réglementation.
Beaucoup d’élèves peinent à trouver un stage au point que les
académies ont fini par organiser des banques centralisant les offres, vers
lesquelles on se tourne faute de mieux. Car un autre reproche est celui de
l’inégalité des élèves face à ces stages, dont l’intérêt ou le confort
(exigences sur les horaires, l’assiduité…) dépendra du réseau des parents et
de leur facilité à placer leur progéniture chez une relation quand ce n’est pas
dans leur propre boîte. Rien de tel pour favoriser la reproduction des
inégalités ! Dernier point noir, le stage fait perdre une semaine de cours.
Pour des élèves sans difficultés, cela ne change pas grand-chose, mais pour
les autres, c’est gênant, surtout qu’il faudra se remettre dans le bain après
trois semaines d’interruption, car le stage se déroule généralement juste
avant les vacances. C’est beaucoup.
La sélection à l’entrée de l’université
éviterait l’échec

Le premier cycle universitaire est marqué par l’échec. Instaurer


une sélection à l’entrée de l’université limiterait les dégâts.
VRAI et FAUX

« Sélection. » Le mot fait trembler les politiques, qui, à l’entendre,


s’imaginent déjà des cohortes de lycéens et d’étudiants dans la rue.
Quelques-uns néanmoins se délectent à réclamer celle-ci à cor et à cri, avec
le sentiment d’être « politiquement incorrects ».
Quoi que l’on pense de la mesure, vouloir aujourd’hui instaurer une
sélection à l’entrée de l’université sans accompagner cette mesure –
radicale – de profonds changements serait voué à l’échec, voire impossible.
Actuellement, le bac, premier diplôme universitaire, donne le droit accès à
l’université. Avec de nombreuses exceptions, car la sélection existe pour
une multitude de filières, les bilicences, les IUT, l’université Paris
Dauphine, celles de technologie (Compiègne) ou encore les formations
d’ingénieurs universitaires (Polytech). Elle se poursuit en fin de première
année, pour les études médicales par exemple : plus de la moitié des
étudiants d’université seraient dans des filières sélectives.
L’instauration d’une sélection permettrait, selon ses partisans, d’éviter
le gâchis constitué par des taux d’échec records et redorerait le blason de
l’université, laquelle peine à maintenir ses exigences face à un public qui
suit difficilement.
Le taux d’échec en première année universitaire (52 % des bacheliers
inscrits en L1) laisse songeur. Le collectif Sauvons l’université (SLU)
estime pour sa part que la sélection ne résoudrait rien, le problème venant
selon lui non pas d’un trop grand nombre d’étudiants, mais d’un manque de
places à l’université. En 2008, 73,3 % des bacheliers se sont inscrits dans
une filière de l’enseignement supérieur. Or, d’après le bilan établi par le
ministère à partir d’un échantillon représentatif (72 830 bacheliers), 38 %
ont demandé en vœu no 1 un enseignement disciplinaire long (29 % en L1,
et 9 % en CPGE), un taux insuffisant selon le collectif SLU pour former
assez d’étudiants en master et en doctorat.
En revanche, si 29 % des bacheliers formulaient un premier vœu pour la
L1, 50 % y sont orientés, faute d’avoir obtenu ce qu’ils voulaient ailleurs.
Une trop forte proportion qui explique, selon SLU, le taux d’échec
important et dans ce cas, plutôt que d’instaurer une sélection, les vœux des
bacheliers devraient être davantage satisfaits. Ce qui revient à demander la
suppression du caractère sélectif des autres filières, voire des filières elles-
mêmes quand il s’agit des CPGE.
Les Refondateurs de l’université, un groupe d’universitaires constitués
entre autres de Marcel Gauchet et Guy Carcassonne, réclament quant à eux
une sélection à l’entrée de l’université afin, disent-ils, de la rendre plus
attractive pour des bacheliers de bon niveau. « L’université ne pourra pas
retrouver son rôle historique, celui d’un lieu de référence dédié à la
production, à la conservation et à la transmission du savoir, tant qu’elle aura
comme fonction pratique privilégiée d’accueillir le public qui n’aura pas
trouvé de place dans les autres cursus d’enseignement supérieur », écrivent-
ils dans l’édition du 19 janvier 2010 du journal Le Monde. Un constat
partagé avec SLU, mais deux solutions diamétralement opposées. La
sélection à l’entrée de l’université poserait d’ailleurs un problème vu le
nombre d’étudiants accueillis. Là où un lycée a trois ou quatre classes
préparatoires, soit une bonne centaine d’élèves, les grandes universités en
accueillent plusieurs milliers. Comment sélectionner quelques milliers de
dossiers parmi des dizaines de milliers reçus ? Un casse-tête assurément,
surtout en tenant compte des différences de notation d’un établissement à
l’autre, à moins que l’on ne tienne compte uniquement des notes du bac…
que tous les gouvernements veulent supprimer ! D’où l’idée des
Refondateurs de rétablir une année de propédeutique pour tous les
étudiants, au cours de laquelle, en plus de l’acquisition des méthodes de
travail, une sélection-orientation serait organisée.
Les universités françaises sont mal classées

Au « top 10 » des universités, les françaises ne caracolent pas


en tête. VRAI (mais n’est-ce pas la faute du jury ?)

Le classement de Shanghai et son palmarès international font chaque


année trembler les présidents d’université tandis que les médias se frottent
les mains, trouvant là un sujet bien vendeur. On ne se prive jamais dans la
profession d’annoncer d’un air gourmand la 40e place de la première
université française (Paris-Sud). Pourquoi Shanghai et comment ce
classement est-il établi ?
Comme son nom l’indique, il nous vient de Chine, conçu par
l’université Jiao-Tong de Shanghai pour orienter les étudiants chinois
désireux de poursuivre leurs études à l’étranger. Le but est de les informer
sur les perspectives offertes, une sorte de « Guide du routard thésard » qui
permet d’éviter les facs de second ordre, tenues par des enseignants-
chercheurs dont la réputation reste à faire.
Le classement de Shanghai, établi sur six critères, revient à mesurer le
nombre de prix obtenus et de publications réalisées, modulé par le nombre
de chercheurs. À ce jeu-là, les États-Unis raflent la mise, puisqu’ils
occupent les 19 premières places, la 20e étant celle de l’université de
Tokyo.
D’autres classements, reposant sur des critères différents, confirment la
suprématie américaine mais apportent quelques variations. Le Global
University Ranking, d’origine russe, basé sur des critères plus variés et
discutables comme la qualité des enseignants, classe en 5e position… une
université russe, la Lomonosov’s Moscow State University. Enfin, celui de
l’école des Mines de Paris se fonde sur le nombre d’anciens étudiants
figurant parmi les dirigeants exécutifs des 500 plus grandes entreprises
mondiales (pas vraiment un critère de recherche !), ce qui classe l’école
en 2009 au 18e rang mondial.
Restons-en au classement de Shanghai, le plus renommé. La place des
universités françaises n’est pas brillante, seules trois d’entre elles se
classant dans le « top 100 » : Paris-Sud (40e), Paris VI (41e) et l’École
normale supérieure de Paris (69e). Suivent Aix-Marseille, Paris VII et
Strasbourg (entre la 102e et la 150e place). Quel que soit le niveau de la
recherche française, le découpage de l’université de Paris
en 1968 en 13 autres, évidemment plus modestes, les fait automatiquement
descendre dans le classement, malgré la pondération tenant compte du
nombre de chercheurs. Par ailleurs, en France, les instituts de recherche,
comme le CNRS et l’Inserm, absorbent une partie des chercheurs, de leurs
publications et de leurs récompenses internationales, sans pour autant être
comptabilisés dans le classement, un effet renforcé par l’existence de
grandes écoles, Polytechnique et les Mines, par exemple.
D’autres critiques ont été adressées, comme les critères retenus :
disciplines considérées d’importance inégale sans réelle justification, prix
Nobel valant deux fois moins parce que son auteur appartient à une unité
mixte CNRS-université (cas d’Albert Fert, prix Nobel de chimie 2007). Par
ailleurs, on sait que les universités américaines, grâce à leurs moyens,
peuvent « s’offrir » un prix Nobel et grimper ainsi dans le classement même
si le chercheur en question a effectué la majeure partie de sa carrière
ailleurs. La France serait-elle un mauvais perdant qui s’invente des
excuses ? La question reste ouverte, mais une réforme de la recherche
française uniquement conçue pour la faire remonter dans les classements
serait discutable.
L’autonomie accorde plus de liberté aux
universités

Avec l’autonomie, les universités peuvent enfin organiser des


filières adaptées aux besoins des étudiants. FAUX

Votée en 2007, la LRU, « loi relative aux libertés et responsabilités des


universités », encore appelée « loi d’autonomie », a déclenché un
mouvement de grève, des étudiants comme des professeurs, d’une ampleur
rarement égalée. Pour les partisans de la LRU, qui déploraient le
décrochage de l’université aussi bien dans les classements internationaux,
celui de Shanghai par exemple, que vis-à-vis des différentes filières de
l’enseignement supérieur, la loi résoudrait ces problèmes.
L’autonomie est en réalité une idée ancienne de la droite, bien
antérieure au classement de Shanghai, qu’elle tenta de mettre en application
en 1986, par le biais de la réforme Devaquet, avec l’argument d’une gestion
au plus près du terrain, répondant mieux aux besoins et favorisant
l’adaptation nécessaire dans un système qui instaure une compétition entre
universités.
Une partie de la gauche, le Parti socialiste entre autres, a quant à elle
critiqué les modalités de la réforme plus que l’autonomie elle-même.
D’ailleurs, selon Les Échos du 6 mars 2012, François Hollande, alors
candidat, « a défendu le principe de la loi, il a attaqué sa mise en œuvre,
prônant une “gouvernance plus collégiale” ».
Que dit la loi de 2007 ? Elle modifie tout d’abord la composition du
conseil d’administration, structure de décision et de gestion de l’université,
en augmentant la proportion de personnalités extérieures, du monde socio-
économique notamment, tout en réduisant celle des représentants des
étudiants et des personnels, y compris dans certains cas des enseignants-
chercheurs. Dorénavant, les choix dépendent plus de l’extérieur, un
paradoxe pour une loi d’autonomie ! Dans la même veine, le président, avec
des pouvoirs renforcés, n’est plus forcément enseignant-chercheur comme
auparavant (article 6). L’université peut maintenant créer des unités de
formation et de recherche (UFR) qui élaborent les projets éducatifs et les
programmes de recherche, afin de répondre aux besoins. Toutefois, les
enseignants-chercheurs, redoutant de n’être plus que les exécutants,
dénoncent une perte d’autonomie intellectuelle, contraire aux traditions de
l’université. Quant au caractère national du diplôme, il risque d’être remis
en cause si chaque faculté crée les siens : seront-ils reconnus partout et
permettront-ils la mobilité géographique à laquelle peuvent aspirer les
étudiants ?
Autre aspect de la loi, la responsabilité des universités quant à leur
budget. Certains s’en félicitent, elles peuvent, pour accroître leurs
ressources, faire appel à des fonds extérieurs, principalement des
entreprises. Ainsi, l’université Claude-Bernard – Lyon I passait en
novembre 2007 un accord de partenariat avec Microsoft, qui s’engageait à
lui verser 180 000 euros sur trois ans, et en prime une somme
de 60 000 euros sous forme de bourses. Un apport conséquent vanté par les
partisans de la loi, sans parler de l’utilisation gratuite des logiciels de la
marque, le président de Microsoft France ayant précisé que l’université était
libre de les utiliser ou non. On ignore en revanche si le projet d’un
laboratoire faisant appel à un concurrent serait vu d’un bon œil, certains
enseignants-chercheurs en tout cas redoutent avec cette collaboration une
possible remise en cause de leur liberté.
Mais la gestion d’un budget peut réserver de mauvaises surprises :
en 2011, huit universités (sur 80) sont en déficit pour la deuxième année
consécutive. En cause, l’État, qui a transféré la gestion des personnels mais
a versé des dotations insuffisantes. Quelles solutions leur reste-t-il ?
Augmenter les frais d’inscription, jouer sur les salaires des personnels, les
obligations de service et les embauches, comme la loi en donne le pouvoir
au conseil d’administration ? Pour ses adversaires, le piège de la LRU est
là, un désengagement de l’État, qui les prive de moyens de fonctionnement.
Ainsi, comme le déclarait dans l’édition du 29 novembre 2011 des Échos
une tribune du groupe Marc-Bloch (qui réunit 59 présidents d’université,
directeurs d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche et
hauts fonctionnaires), hormis la communication du ministre qui augmente,
« pour le reste, c’est tristesse et désolation ». Pour certains, l’autonomie a
un goût amer.
La professionnalisation des universités
valorise les diplômes

Crise de l’emploi oblige, en professionnalisant les universités,


on améliorera les débouchés des formations. VRAI… mais pas
si simple

La professionnalisation des filières universitaires n’est pas une


nouveauté, mais plutôt le résultat d’une succession de mesures. En 1966,
l’université délivrait ses premiers DUT (diplômes universitaires
technologiques), en 1970 ses premiers diplômes d’ingénieurs, avant que ne
suivent en 1973 les maîtrises de sciences de gestion (MSG) et en 1974 les
DESS (diplômes d’études supérieures spécialisées), devenus aujourd’hui les
masters professionnels. Restée l’exception pendant ces quarante dernières
années, la professionnalisation à l’université est devenue depuis peu sinon
la règle (un étudiant sur deux est tout de même dans une filière
professionnelle universitaire), du moins un impératif revendiqué haut et
fort. Au bénéfice ou non de l’université et des étudiants, c’est toute la
question.
La demande d’une professionnalisation des filières universitaires s’est
faite pressante dans les années 2000, de la part des étudiants, comme
l’attestent aujourd’hui leurs choix, mais aussi des instances économiques et
professionnelles (rapport de 2005 du Conseil économique et social). La
volonté politique d’homogénéisation des parcours universitaires européens
(Bologne 1999 ou la Sorbonne 2003) y a aussi contribué. Et que la
professionnalisation des universités se soit produite en même temps que
leur autonomie n’est pas un hasard : cela réglait en partie le problème du
financement.
Côté résultats, le master pro semble avoir trouvé sa voie avec certaines
filières au parcours très sélectif dont la réputation n’a rien à envier à de
grandes écoles, de commerce ou d’ingénieurs, même si sur
les 2 000 formations, la réussite n’est pas homogène.
Mais comme souvent pour les formations à finalité professionnelle, des
questions demeurent sur les moyen et long termes : créés pour répondre à
un besoin du moment, ces diplômes seront-ils encore pertinents quelques
années après ?
En dehors de leurs débouchés, on peut s’interroger quant à la formation
intellectuelle de l’étudiant. Le maître mot des cursus professionnels est
l’interdisciplinarité, mais les universités insistent bien sur le haut niveau de
connaissances fondamentales dans chaque discipline enseignée. Avec
forcément un temps plus court consacré à chacune, le risque d’une
formation patchwork est bien réel, comme le souligne Paolo Tortonèse,
professeur de littérature française à la Sorbonne Nouvelle – Paris III :
« Chacun de ces cours, s’adressant à un public non spécialisé, est
nécessairement de niveau élémentaire, et la somme de plusieurs initiations
ne sera jamais une spécialisation. » Il poursuit, dans un texte prenant
position contre cette professionnalisation, le paradoxe étant selon lui qu’elle
risque de conduire les facultés scientifiques vers une spécialisation étroite,
avec une compétence limitée pour l’étudiant, et les facultés de sciences
humaines au contraire vers une généralisation excessive de bas niveau, le
diplôme sanctionnant des études caractérisées par un saupoudrage de
notions élémentaires. Reste la question du bénéfice – autre que pécuniaire –
que peut en tirer l’université. Il s’agit en tout cas d’un bouleversement qui
modifie ses valeurs, la recherche fondamentale tendant à s’éclipser derrière
la recherche appliquée, avec plusieurs conséquences : un vivier de candidats
pour les doctorats en diminution, des sujets de recherche guidés non plus
uniquement par leur intérêt propre, mais par les applications sur lesquelles
ils déboucheront. Avec la vision prépondérante du court terme alors que
l’histoire des sciences montre que les applications scientifiques, de
l’électricité aux biotechnologies en passant par le nucléaire, sont issues de
découvertes liées à la recherche fondamentale, les universités ne risquent-
elles pas, sur le long terme, d’en ressortir appauvries ?
Comment échapper au dilemme entre formation professionnelle et
recherche ? Une formation fondamentale, c’est-à-dire disciplinaire, permet
à l’étudiant d’être placé en situation de recherche et de se poser des
problèmes, de manier des concepts, des outils d’analyse et de
communication afin d’exprimer ses résultats. L’exercice favorise
l’acquisition de qualités et de méthodes particulièrement recherchées par les
employeurs.
Les classes prépas, c’est l’enfer

Esprit de compétition, rivalités forcenées entre élèves sans


parler des profs tortionnaires, il faut un mental hors du
commun pour passer par l’« enfer des prépas ». FAUX

Les classes prépas sont dans le collimateur ! Dans un article paru dans
le journal Le Monde du 4 février 2012, intitulé « Prépas, l’excellence au
prix fort », l’écrivain Marie Despleschin dénonce l’« enfer des prépas »,
témoignages terrifiants à l’appui. On lit notamment : « Sans mentir, la
moitié de la classe était sous antidépresseurs. » Ou encore : « En khâgne, ils
ont l’air morts. Ils vivent sous une pression totale », sans parler de « cette
fille qui travaillait tellement qu’elle ne se faisait pas à manger. On l’a vue
perdre dix kilos en quelques semaines ». Quant au motif de ces drames,
c’est le rythme de travail imposé par des enseignants « qui utilisent un
arsenal de méthodes pédagogiques… destinées à endurcir ». Avec une
formation décrite comme proche de celle des marines américains, une
ambiance de « service militaire », les prépas font froid dans le dos, mieux
vaut ne pas s’y risquer !
D’ailleurs, il serait sans doute plus sage de supprimer carrément ce
système d’un autre âge dans lequel les étudiants coûtent plus cher.
Mais les élèves des classes préparatoires, 80 000 étudiants chaque
année, sont-ils réellement les victimes que décrit cet article ? Certes, le
travail demandé en classe prépa est intense, et les élèves y apprennent la
rigueur et l’exigence. Contraints de s’organiser efficacement et de fournir
un travail régulier pour suivre le rythme, pour beaucoup d’entre eux la
transition avec le lycée est brutale. Mais contrairement aux propos tenus par
Marie Despleschin, de nombreux étudiants, après leur passage en prépa,
mettent l’accent sur la dynamique collective de la classe et l’encadrement
attentif et humain des professeurs. Quelques-uns peuvent en effet humilier
les élèves, mais combien d’entre eux les accompagnent durant ces deux ou
trois années, sans compter leur temps, pour qu’ils réussissent au mieux ?
Quant aux clichés habituels sur l’esprit de compétition féroce, au
« chacun pour soi », nombreux sont les élèves qui les démentent. Interrogés
par le magazine L’Étudiant, plusieurs mettent en avant plutôt l’émulation
que la compétition et au contraire la solidarité entre élèves, encouragée
d’ailleurs par les établissements qui organisent des journées d’intégration
destinées notamment à créer des liens entre élèves de première et de
deuxième année. L’article cite l’exemple de Ha Le, élève de prépa venue du
Viêt Nam : « J’étais seule, je ne parlais pas bien le français, j’avais du mal à
comprendre les cours et à prendre des notes. » Prête à abandonner, Ha Le
réussit à remonter la pente : « Mais je me suis accrochée, avec l’aide des
autres élèves, que j’ai beaucoup sollicités. » Dommage que Marie
Despleschin ne l’ait pas interrogée ! Finalement, les classes prépas seraient
un des derniers refuges de la transmission des savoirs, de la formation de
l’esprit. Elles assurent à ceux qui en suivent l’enseignement non seulement
les qualités intellectuelles requises pour la poursuite de leurs études,
rapidité d’esprit, maîtrise et hiérarchisation des connaissances, mais un
encouragement à tirer le meilleur d’eux-mêmes.
Et même si pour quelques-uns la souffrance en prépa peut être réelle,
doit-on pour autant supprimer ce qui reste un parcours d’excellence, et la
possibilité d’une réussite liée au seul mérite du travail ?
L’anglais doit devenir la langue des études
supérieures

Langue internationale, l’anglais doit être utilisé à l’université


pour que la France tienne sa place dans la compétition
mondiale. FAUX

L’anglais se généralise. Langue de communication scientifique, elle


s’implante maintenant comme langue d’enseignement dans plus d’une
université française. À l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI), on
trouve en master des cours de maths, informatique ou biologie, tous en
anglais, aucune discipline scientifique n’y échappe. Selon Le Figaro
du 7 octobre 2010, environ 30 % des cursus en écoles d’ingénieurs et 80 %
en écoles de commerce se font en anglais, tout comme dans les masters en
sciences « dures », en économie ou sciences de l’ingénieur. Et la tendance
ne risque pas de s’inverser, à en croire les universitaires et directeurs de
grandes écoles qui demandent un aménagement de la loi Toubon, un verrou
juridique pour certains, car elle précise : « La langue de l’enseignement, des
examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les
établissements publics et privés d’enseignement est le français, sauf
exceptions justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et
cultures régionales ou étrangères ou lorsque les enseignants sont des
professeurs associés ou invités étrangers. » On voit mal comment les
enseignements précédemment cités entrent dans le cadre des exceptions
prévues par la loi… Ils semblent de fait hors la loi.
Les intéressés justifient ce type d’enseignement par plusieurs
arguments. D’abord, l’anglais est la langue de la communication
scientifique, et les dernières matières qui résistaient, comme les
mathématiques, s’y sont ralliées depuis les années 1990. Pourtant, il ne
s’agit pas ici de produire une publication, mais de donner un cours. Enfin, si
l’on admet la nécessité de se familiariser avec l’anglais, la langue des
grands groupes internationaux, est-ce vraiment l’objet d’un cours de master
sur la physique des particules ou la communication cellulaire ? L’argument
principal est celui de la mondialisation de la formation universitaire. Les
universités accueillent aujourd’hui de plus en plus d’étudiants étrangers
dont la langue commune, en dehors de celle d’origine, est l’anglais. Dans la
concurrence qu’elles se livrent, les cours en anglais sont un atout majeur, et
malgré l’existence de 220 millions de véritables francophones, les
universités espèrent attirer les meilleurs étudiants avec cet argument
linguistique. Mais, à moins de pousser jusqu’au bout la démarche, avec un
enseignement 100 % en anglais, les étudiants étrangers venant en France
doivent parler le français suffisamment pour comprendre les cours. Sauf,
comme cela se fait pour certains cursus de master (mais pas en totalité), à
proposer pour quelques cours un double enseignement, en français ou en
anglais selon les groupes d’étudiants, avec l’espoir d’en amener
progressivement à la francophonie. On peut rêver. Pour d’autres, comme le
linguiste et angliciste Claude Truchot, enseigner ou recevoir un
enseignement dans une langue différente de la sienne est un leurre, avec
pour conséquence un appauvrissement du contenu. Quant à l’effet attractif
de l’anglais, difficile de rivaliser avec les universités américaines ou
anglophones qui attirent les meilleurs étudiants. Le débat reste ouvert.
Le lycée prépare mal à l’université

Le taux d’échec en premier cycle universitaire bat tous les


records, car les futurs étudiants sont mal préparés à ce type
d’études. VRAI et FAUX (ils sont surtout mal orientés)

C’est un lieu commun, l’université française va mal… et c’est vrai


même si comme toujours dans ce type de bilan, les points négatifs,
nombreux, côtoient les points positifs, sans doute plus rares. Premier indice
du malaise des facs françaises, la désaffection des étudiants à leur égard : le
nombre de ceux-ci a augmenté jusqu’au milieu des années 1990, une
conséquence de la massification du secondaire, pour ensuite décliner
jusqu’à aujourd’hui.
En 2000, hors IUT, l’université accueille 61,8 % des étudiants, mais
seulement 54,8 % en 2010. D’autres critères ne trompent pas, celui des
inscriptions de bacheliers avec mention. En 2008, 42 % des bacheliers avec
mention entrent à l’université, contre 23 % pour les classes préparatoires,
soit même pas le double alors que le public y est presque quatre fois plus
nombreux. L’analyse de bon nombre d’universitaires est souvent la même :
la fac, censée mener aux études les plus longues et difficiles, avec le
doctorat notamment, devrait attirer les meilleurs élèves, c’est pourtant loin
d’être le cas.
Le taux d’échec en premier cycle, un étudiant sur deux, bat tous les
records. En 2010, parmi les étudiants en première année, 18,7 % arrivaient
avec un bac technologique et 6,9 % avec un bac professionnel, des
diplômes qui, s’ils donnent droit comme tous les autres bacs à une place en
fac, ne préparent pas pour autant, avec leur formation appliquée, à des
études fondamentales. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour
l’année 2008, si 80 % des détenteurs d’un bac général (85 % pour ceux avec
mention) entrés en première année sont toujours présents un an après, le
taux chute à 54 % pour les bacs professionnels et à 51 % pour les bacs
technologiques. Si l’on s’intéresse au passage en deuxième année, l’écart se
creuse : 59 % des titulaires d’un bac général (72 % pour ceux avec mention)
passent en deuxième année au bout d’un an, mais ils sont seulement 21 %
avec un bac technologique et 18 % avec un bac professionnel. Parmi ces
derniers, 24 % ont arrêté leurs études après cette expérience malheureuse,
contre 4 % des étudiants issus d’une terminale générale. Le taux d’échec est
lié au niveau des étudiants, et pourtant les exigences, au moins en premier
cycle, ont fortement diminué, notamment sous la pression du ministère,
avec la menace de réduire les crédits alloués.
Une enquête réalisée par l’Éducation nationale sur un panel de
12 000 bacheliers de la session 2008 a tenté de dégager d’autres raisons à
cette si faible réussite en premier cycle. De façon assez surprenante, 32 %
des étudiants interrogés en fin de première année déclarent « manquer
d’intérêt pour les matières étudiées », soit un tiers ! Avec si peu de
motivation, sans doute en partie liée à un niveau insuffisant (29 % déclarent
avoir du mal à suivre), comment s’étonner d’un taux d’échec aussi élevé ?
Sans compter les difficultés à s’organiser pour 38 %, les conditions
matérielles (transport, logement) pour 22 %, et personnelles (isolement,
santé…) pour 15 %, qui aggravent les problèmes. Si les conditions
matérielles et la capacité à s’organiser dans le travail s’améliorent la
deuxième année, les problèmes financiers et le manque de motivation
s’accroissent. L’échec est peu surprenant.

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