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150 Idées Reçues Sur École Éducation FR Problèmes Du Secteur
150 Idées Reçues Sur École Éducation FR Problèmes Du Secteur
150 Idées Reçues Sur École Éducation FR Problèmes Du Secteur
ISBN : 978-2-7540-4370-0
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre
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civiles ou pénales. »
En 1975, la loi Haby entérinait une pratique datant des années 1960 : la
mixité dans les établissements primaires et secondaires. Mais ce qu’une loi
fait, une autre peut le défaire, comme cela se produisit en 2008… au nom
de la lutte anti-discrimination !
Il s’agissait en fait de retranscrire dans le droit français une directive
européenne, selon laquelle la séparation des garçons et des filles à l’école
n’est pas discriminatoire, et au passage de satisfaire une revendication de
quelques groupes féministes minoritaires, avec l’approbation discrète de
fondamentalistes religieux.
Mais au nom de quoi séparer filles et garçons ? Pour corriger une
inégalité, prétendent certains : les filles obtiennent de meilleurs résultats au
lycée… et les garçons aux concours d’entrée aux grandes écoles. Chaque
année, 70 % des filles ont le bac, contre 59 % des garçons, et la différence
se creuse si l’on s’intéresse au bac général, puisque dans ce cas ce
sont 41 % des filles, contre 28,5 % des garçons. Il ne s’agit pas d’une
spécificité française, 81 % des Européennes détiennent en effet un diplôme
du second cycle, contre 71 % de leurs homologues masculins. Néanmoins,
les résultats s’inversent en ce qui concerne les études supérieures, puisque
l’on compte 41 % de femmes parmi les docteurs et 24 % parmi les
ingénieurs.
Avec la mixité, l’orientation des filles est moins ambitieuse… alors
supprimons la mixité. C’est du moins le raisonnement des partisans de la
mesure, qui voient dans la mixité la cause de cet échec relatif, resservant
l’argument selon lequel l’école ne produisant pas d’égalité, il faudrait
supprimer le principe d’égalité à l’école, en l’occurrence la même éducation
pour les filles et les garçons.
Si l’orientation des filles, moins ambitieuse que celle des garçons, est
bien une réalité, elle s’explique par plusieurs facteurs, notamment une
moindre pression familiale, des représentations imputables aux familles
elles-mêmes, l’influence de la télé… mais pas celle de l’école et encore
moins de la composition des classes. Quant aux résultats scolaires, une
étude (Aebischer, 1998) a montré qu’une tâche, un travail de géométrie, par
exemple, était accompli avec plus de succès par des garçons à l’intérieur
d’un groupe mixte tandis que les performances des filles étaient identiques
quel que soit leur entourage. Les enseignants quant à eux, prétendent
certaines études, auraient tendance à encourager les garçons, sur lesquels ils
misent davantage. Si cela était vrai, ce comportement – même inconscient –
ne serait-il pas exacerbé dans une classe non mixte ?
On cite aussi la différence de maturité, donc de rythme
d’apprentissage – mais ne concerne-t-elle pas aussi des enfants du même
sexe ? –, et la violence dont les filles sont victimes – les garçons ne sont-ils
pas violents entre eux ? Enfin les filles n’oseraient pas s’exprimer devant
les garçons – quand oseront-elles alors si elles ne sont pas confrontées à
cette réalité dès l’école ?
Il n’en fallait pas plus pour déclencher une réaction symétrique, celle de
la victimisation des garçons, avec pour revendication identique… la
disparition de la mixité. Le mouvement, surnommé « masculiniste »,
particulièrement bien implanté au Québec, où le décrochage scolaire des
garçons est plus préoccupant qu’en France, dénonce des conditions de
scolarisation plus favorables aux filles qu’aux garçons.
En cause, la féminisation du personnel enseignant, qui empêcherait les
garçons de s’identifier au maître, l’esprit de compétition – supposé plus
masculin – banni de la classe tout comme les jeux physiques voire violents,
courus des garçons toujours prompts à cet âge à vouloir affirmer leur
virilité. D’où la revendication par ces « masculinistes » d’une séparation
des filles et des garçons à l’école, jugée réactionnaire par les féministes…
dont quelques groupes avaient pourtant ouvert la brèche.
Au-delà de l’orientation scolaire, les méthodes pédagogiques sont aussi
pointées du doigt. Filles et garçons n’apprendraient pas de la même façon et
la non-mixité permettrait d’adapter les méthodes ou les exemples à chaque
groupe. Comme le rapporte une enseignante d’une classe de garçons, dans
Le Soleil, un journal du Québec, là où la non-mixité a été expérimentée :
« Je leur ai demandé de me décrire leur voiture de rêve, raconte Nancy. J’ai
eu des textes merveilleux. Et dans les cahiers, les autocollants
d’encouragement prennent la forme de ballons de basket-ball ou de
soccer. » Voiture et petits soldats pour les uns, poupées et dînettes pour les
autres : à vouloir séparer les uns des autres, l’école ne risquerait-elle pas de
les enfermer dans ces fameux stéréotypes tant dénoncés pourtant par les
défenseurs de la non-mixité ? Encore une contradiction qu’ils auront à
résoudre.
L’élève doit être au centre du système
L’ennui fait des ravages à l’école. Il faut rendre les cours plus
divertissants pour intéresser les élèves. FAUX
Ça ne rigole pas avec le B2i, surtout lorsqu’on lit les objectifs officiels à
son sujet : « À l’école, au collège et au lycée, le brevet informatique et
internet (B2i) affirme la nécessité de dispenser à chaque futur citoyen la
formation qui, à terme, lui permettra de faire une utilisation raisonnée des
technologies de l’information et de la communication, de percevoir les
possibilités et les limites des traitements informatisés, de faire preuve
d’esprit critique face aux résultats de ces traitements, et d’identifier les
contraintes juridiques et sociales dans lesquelles s’inscrivent ces
utilisations. » Arrivé au bout de cette phrase, il faut reprendre son souffle, et
pourtant la traduction de ce jargon pompeux frise le ridicule. Au collège,
par exemple, l’élève doit être « capable d’imprimer en choisissant dans les
options d’impression les plus adaptées à son besoin ou les plus
économiques », ce qui signifie qu’il n’aura pas son B2i en tentant
d’imprimer un arc-en-ciel en noir et blanc. Il doit aussi savoir « rechercher
et sélectionner un logiciel ou service approprié au traitement d’un fichier
donné », autrement dit ne pas tenter de lire un film avec un traitement de
texte. Tout est du même niveau dans ce B2i, citons encore la compétence où
l’élève « identifie les situations de cyber-harcèlement et demande de l’aide
à un adulte » et encore celle où « il sait ouvrir et fermer une session ».
Comme le B2i fait beaucoup ricaner les élèves de collège, il a été décidé par
souci d’équité de lancer une version lycée, avec, par exemple, la
compétence « Je sais paramétrer un logiciel de messagerie pour récupérer
mon courrier électronique » (alors qu’avec les dernières versions des
logiciels, il suffit d’entrer son adresse e-mail et la recherche des paramètres
se fait de façon automatique).
L’introduction des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de
la communication), comme d’autres « innovations », visait un double
objectif. Le premier était de stimuler l’intérêt des élèves. Or miser sur la
technique, c’était confondre le contenant et le contenu, car une fois l’effet
de nouveauté passé, un traitement de texte ne donne pas envie d’écrire ou
de lire, un tableur et ses colonnes de chiffres n’incitent pas à résoudre un
problème scientifique. Autre argument, sans doute encore plus faible que le
précédent, celui de la « guerre économique » que la France pourrait gagner
grâce à la maîtrise de ces technologies. Une dizaine d’années après, on peut
juger de l’efficacité de cette politique ! Tout d’abord, le constat de
l’utilisation de ces technologies par chacun, sans avoir eu besoin de suivre
une formation à l’école, est facile à faire. N’importe quel possesseur d’un
ordinateur, y compris les seniors qui ont découvert ces machines tard dans
leur vie, réussirait à valider les fameuses compétences du B2i, version
collège ou lycée. Quant aux machines et logiciels d’aujourd’hui, quel
rapport auront-ils avec ceux qui suivront dans une ou deux décennies ?
Dans ce domaine, c’est l’usage qui fait la connaissance, pas l’inverse. Alors
faut-il chasser les ordinateurs des classes ? Certainement pas lorsqu’ils sont
des outils efficaces pour accéder à la connaissance, pour la recherche
documentaire, la simulation, le calcul ou tout autre. Mais lorsque l’outil
devient une fin en soi, au service de l’idéologie du vide, les ordinateurs
ennuient tout le monde, élèves comme professeurs.
À l’école, les élèves apprennent
l’informatique
Internet offre tout, les connaissances les plus vastes et les plus
pointues. Aussi n’y a-t-il plus besoin d’apprendre. FAUX
L’école met les élèves dans un moule, les formate et leur fait
perdre leur créativité. FAUX
Envoyer les meilleurs profs dans les établissements difficiles, l’idée fait
généralement consensus. Inévitablement, les autres, les moins bons ou les
moins motivés, se retrouveraient dans les meilleurs établissements. Logique
mais curieux !
Mais, rétorquera-t-on, la situation inverse a lieu aujourd’hui, les
meilleurs profs sont en poste dans les centres-villes, les plus mauvais en
banlieue. C’est faux. Au cours des mutations, les postes sont attribués selon
un barème dans lequel la note du chef d’établissement et celle de
l’inspecteur jouent un rôle mineur. Le critère principal est l’ancienneté,
dans l’Éducation nationale d’une part, dans le poste occupé d’autre part.
Interviennent également le grade (agrégé ou certifié) ainsi que les points
accumulés pour un long séjour dans un établissement difficile. Autrement
dit, en centre-ville, les enseignants sont plus âgés et les agrégés plus
nombreux, sans compter ceux qui ont choisi la bonne stratégie, attendre
suffisamment longtemps dans un poste pour engranger un maximum de
points. Le jeune âge des professeurs en ZEP (ancienne terminologie des
établissements difficiles) est d’ailleurs plus une idée reçue qu’une réalité :
d’après l’avis no 69 du Sénat relatif au projet de loi de finances pour
l’enseignement scolaire (2002-2003), l’âge moyen de l’ensemble des
enseignants titulaires du second degré en 2002 est de 42 ans et 6 mois en
ZEP contre 45 ans et 6 mois sur l’ensemble des établissements. Autre idée
fausse, une majorité de jeunes titulaires seraient affectés en ZEP : ils sont en
réalité moins du tiers, 28,8 %, tandis que pour les stagiaires la part descend
à 23,3 % (2001-2002). Le turnover enseignant est incontestablement
important. Toujours d’après la même source, 40 % des effectifs ont une
durée moyenne d’affectation comprise entre 1 et 3 ans, 40 %
entre 4 et 15 ans et 20 % supérieure à 15 ans. La durée moyenne
d’affectation des enseignants titulaires du second degré en ZEP est de 8 ans
et 7 mois, contre 9 ans et 10 mois pour l’ensemble des enseignants.
Néanmoins, l’évolution de la situation semble se dégrader. À Paris, dans les
collèges RAR (Réseaux Ambition réussite), nouvelle appellation des ZEP,
le taux de demandes de mutation est passé de 27,7 % en 2006 à 47 %
en 2009, contre 19 % pour l’ensemble des enseignants parisiens.
Alors, face à ces difficultés, faut-il mettre les meilleurs profs dans ces
établissements difficiles pour stabiliser puis améliorer la situation ? De cette
façon, les enseignants commenceraient leur carrière dans des conditions
idéales avec pour perspective des conditions de plus en plus pénibles, alors
qu’ils vieillissent et se fatiguent plus vite… Mais cela seulement pour les
meilleurs, une façon toute particulière de récompenser le mérite ! On
imagine le professeur inspecté, redoutant le verdict de l’inspecteur :
« Excellent, votre travail, je vous envoie en ZEP. » N’a-t-on pas de
meilleure solution à proposer pour sortir la ZEP de ses problèmes ? La
question reste posée : qui doit enseigner en ZEP ? Les enseignants,
fonctionnaires d’État, ont l’obligation d’accepter leur affectation, ce qu’ils
font, ou dans le cas contraire sont démissionnaires. Tous ne fuient pas ces
établissements, comme le montre la moyenne d’âge de plus de 42 ans, et ce
n’est pas en transformant ces établissements en vastes garderies, où
enseigner n’est plus la mission première (alors que l’on voudrait mettre les
meilleurs enseignants !), que l’on incitera les bons profs à y rester.
Les élèves devraient pouvoir noter leurs
profs
Le niveau baisse… pour les profs aussi ! À vrai dire, à force de l’avoir
clamé (à tort ou à raison, peu importe), il fallait s’attendre à un retour de
bâton ! Ces dernières années, la presse a régulièrement sorti des « papiers »
sur la baisse de niveau des concours de recrutement d’enseignants… et ses
conséquences sur celui des élèves.
Évaluer le niveau des candidats d’une session à l’autre n’est pas facile.
On peut toujours regarder la moyenne du dernier admis, peu significative
puisqu’elle dépend de la notation des jurys. On peut aussi comparer les
moyennes d’une année à l’autre, mais là encore la composition des jurys
change (en partie seulement, il est vrai), tout comme les sujets posés. Un
critère un peu plus fiable est celui du rapport entre le nombre de candidats
et celui de postes offerts. Première difficulté, faut-il prendre en compte les
candidats inscrits ou ceux présents aux épreuves, et parmi ces derniers, ceux
ayant composé pour toutes les épreuves ou seulement une ?
À en croire les chiffres du ministère (« Repères et références
statistiques 2011 »), il n’y a pas péril en la demeure : les taux de réussite
s’étalent entre 15,1 % dans les disciplines scientifiques, 10,8 % en lettres et
sciences humaines et 12,9 % en langues. Mais cette façon de présenter les
chiffres, en confondant tous les postes, Capes et agrégation, concours
internes (très peu nombreux) et externes, tend à masquer l’érosion du
nombre de candidats au Capes externe, le concours par lequel sont recrutés
la majorité des enseignants du secondaire. Le tableau ci-dessous en donne
un aperçu en comparant les années 2004 et 2011.
* Le taux de réussite est le rapport entre le nombre de postes pourvus (en général identique aux
postes proposés) et le nombre de candidats présents.
Que nous disent les chiffres ? Les taux de réussite s’élèvent, atteignant
des valeurs comme jamais ou presque en lettres modernes et mathématiques
malgré une diminution du nombre de postes. Désaffection des candidats ?
Vrai, mais provoquée par la baisse du nombre de postes aux concours.
Amorcée aux environs de 2004, elle s’est accompagnée d’une diminution
régulière du nombre de candidats, lesquels, anticipant des débouchés de
plus en plus restreints, se détournaient de cette voie.
Dans les années antérieures, le phénomène symétrique s’est d’ailleurs
observé, l’accroissement régulier du nombre de postes entrainaît celui des
candidats et finalement le taux de réussite baissait. Alors, baisse de niveau ?
Il faut tout d’abord savoir qu’il s’agit de concours de fin d’études, passés
avec un bac + 5 et qui mettent donc en concurrence des étudiants d’un
niveau déjà confirmé. Il n’empêche, la réputation d’exigence de ces
concours, généralement reconnue, en prend un coup. Comment ne pas y
voir aussi un effet de la baisse de prestige du métier, du salaire peu attractif
et de conditions d’exercice de plus en plus difficiles ? Cela fait beaucoup
pour des postes de moins en moins nombreux.
Il y a des bons et des mauvais profs
Les IUFM ont la peau dure ! Ils résistent à tout, même à leur absorption
par l’université. Loin d’avoir disparu, ils continuent à former des
générations et d’appliquer les méthodes qui leur ont valu tant de critiques.
Première d’entre elles, le formatage. Selon une enquête réalisée par la
Société des agrégés en 2006-2007 auprès de stagiaires, le terme
« dogmatisme » revient sans cesse lorsqu’on les interroge sur leur année de
formation. Troublant de la part de stagiaires qui n’ont jamais enseigné et
qui, à en croire les reportages leur donnant la parole à chaque rentrée
scolaire, sont avides de conseils en tout genre pour « affronter » leur classe.
Pourtant, 64,5 % pensent que la formation en IUFM n’est pas utile
(22,6 %), ou peu (41,9 %). En revanche, la plupart plébiscitent leurs tuteurs,
les enseignants qui les suivent en tant que maîtres de stage (80,6 %
apprécient chez eux « une grande maîtrise de leur discipline » et 83,9 % les
trouvent « bons pédagogues ».)
Certains témoignages sont même édifiants. Celui de Rachel Boutonnet,
dans son livre Journal d’une institutrice clandestine, rapporte jour après
jour comment les IUFM imposent leur conception de l’enseignement :
dogme de la construction des savoirs par l’élève, savoirs disciplinaires
relégués au second plan derrière les savoir-faire et « savoir-être », lourdeur
du formalisme pédagogique – chaque séquence doit être accompagnée
d’une fiche sur laquelle figurent une vingtaine d’items à remplir : objectifs
généraux, spécifiques, tâche de l’élève, du maître, démarche adoptée,
compétences attendues, compétences à travailler… un pensum plus long à
préparer que le cours destiné aux élèves. Pas de liberté pédagogique, pas
même la confrontation de différentes pratiques ou conceptions de l’école.
Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les mémoires professionnels
réalisés par les stagiaires et mis en ligne sur les divers sites des IUFM. Les
sujets sont très majoritairement choisis parmi les thèmes des sciences de
l’éducation, rarement dans la discipline du candidat. Quant à leur contenu,
il reflète la pensée unique qui sévit, pas un ne met en avant une façon
d’enseigner fondée sur la transmission des connaissances. Une unanimité
qui contraste avec la diversité des conceptions et les nombreuses critiques
adressées aux méthodes constructivistes, révélatrices de l’état d’esprit qui
règne dans les IUFM.
Malgré ses inconvénients, cette pensée unique à la sauce IUFM n’est-
elle pas un gage d’efficacité ? Avant la « mastérisation », alors que le
passage par l’IUFM n’était pas obligatoire, Pedro Cordoba, codirecteur du
département de langues romanes de l’université de Reims, s’était livré à un
exercice instructif en répertoriant l’origine des candidats réussissant le
Capes, pour quatre années consécutives (de 1995 à 1998). Alors que le
nombre d’admis avait baissé de 17,67 % pendant cette période, la
proportion des reçus après une année de formation en IUFM diminuait
de 24,36 %, tandis que celle des candidats libres augmentait de 0,26 %.
Pour réussir, mieux valait ne pas passer entre les mains des IUFM ! Ceux-là
mêmes qui se targuent de professionnaliser le métier d’enseignant devraient
commencer par professionnaliser leur pratique.
Les IUFM infantilisent les jeunes professeurs
Personne n’ose dire sérieusement que les profs sont bien payés, alors
d’aucuns ajoutent « par rapport à ce qu’ils font ». Une comparaison du
salaire des enseignants entre pays différents ou encore avec celui d’autres
professions de même niveau de qualification réserve quelques surprises.
Dans « Regards sur l’éducation 2011 », l’OCDE indique d’emblée que
« le salaire des enseignants varie fortement entre les pays ». Une règle à peu
près commune est qu’il augmente avec le niveau d’enseignement, du
primaire au secondaire, + 30 % en Belgique, + 50 % au Luxembourg…
mais pas en France, depuis la loi Jospin de 1989 qui a aligné salaire des
instituteurs et celui des professeurs certifiés. Néanmoins, d’autres pays se
trouvent dans le même cas de figure que la France : Chili, Corée, Japon,
Turquie…
Dans les pays de l’OCDE, à niveaux identiques de formation, le salaire
des enseignants du primaire correspond à 77 % de celui du privé, ce
pourcentage passant à 81 % pour le premier cycle de l’enseignement
secondaire et à 85 % pour le second cycle.
En France, le rapport prend comme référence celui des professeurs
agrégés, pourtant minoritaires au collège, ce qui surévalue les salaires dans
la profession. Néanmoins, même dans ces conditions, le salaire correspond
à 80 % de ceux du privé à diplôme équivalent, mais l’écart serait plus
important avec un certifié. Aujourd’hui, les professeurs certifiés finissent
leur carrière (en dehors des échelons de hors-classe, pas atteints par tous)
à 3 047 euros brut et les agrégés à 3 801 euros brut.
Et l’évolution du salaire au cours des dernières années ? Une étude,
« Les traitements des enseignants français, 1960-2004 », parue dans la
Revue d’économie politique, sous-titrée « La voie de la démoralisation ? »,
indique qu’il a baissé d’environ 20 % en vingt-cinq ans, de 1981 à 2004,
pour les professeurs du secondaire et de 9 % pour ceux du primaire.
Ces chiffres ne prennent pas en compte l’augmentation du 1er
février 2012 des professeurs débutants, qui voient leur salaire d’embauche
passer à 2 000 euros brut au lieu de 1 615 euros (plus en réalité, car tous ne
commencent pas au premier échelon, en raison par exemple de
remplacements effectués avant la titularisation).
Mais quid pour la suite ? Comme pour la revalorisation des enseignants
en 1989, elle ne concerne que le début de carrière, ce qui entraînera en
réalité une longue stagnation salariale les années suivantes. Quant aux
enseignants en poste depuis quelques années, et de ce fait pas concernés, ils
regardent leurs nouveaux collègues atteindre en quelques mois le salaire
qu’ils ont mis cinq à dix ans à obtenir. Vous avez dit « motivation » ?
Campagne électorale oblige, les propositions de revalorisation se sont
précisées, mais toujours avec une contrepartie. Reste à savoir si le jeu en
vaut la chandelle. Celle du candidat Sarkozy, proposant aux professeurs
certifiés de devoir 26 heures (s’agit-il de cours en totalité ou en partie ?) au
lieu des 18 heures actuelles, avec à la clé une augmentation de 500 euros
(sur un salaire de départ de 2 000 euros) a laissé songeur : outre que toutes
les enquêtes montrent que les profs effectuent environ 40 heures de travail
effectif, elle revient à augmenter le salaire de 25 % (ce qui n’est pas rien)
pour un accroissement de la charge de travail de 44 % (tout de même !).
Payés au mérite, les profs seraient plus
performants
Entre les jours de grève et les stages, sans compter les arrêts
fréquents, les professeurs font partie des salariés qui
s’absentent le plus. FAUX
Des notes, pour quoi faire ? Quand le niveau baisse, mieux vaut
casser le thermomètre. Et puisque l’on donne le bac à tout le
monde, autant le supprimer !
Le niveau monte
Après ceux des sessions 2003 et 2006, les résultats Pisa 2009 n’ont pas
évolué : la France reste dans la moyenne des pays de l’OCDE. C’est le cas
en lecture ainsi qu’en compréhension de l’écrit, avec néanmoins un écart
significatif entre le groupe de tête et celui des élèves en difficulté. En
mathématiques, elle conserve des résultats stables par rapport à 2006, sans
avoir néanmoins rattrapé les 14 points perdus entre 2003 et 2006. En
sciences aussi la stabilité prime, avec des résultats équivalents à ceux en
mathématiques. Plus inquiétant, l’indicateur sur les élèves en difficulté
montre une détérioration, signe d’un accroissement des inégalités scolaires
liées aux inégalités sociales. En effet, les écarts se sont accrus entre les
meilleurs et les plus faibles et le lien entre performance et niveau social
s’est renforcé.
Certes, les résultats de la France ne sont pas mirobolants, pas
catastrophiques non plus contrairement à ce qui a souvent été dit. Mais son
classement en 22e position la relègue, au grand dam des médias, loin du
peloton de tête. Pour plus d’une raison pourtant, ces résultats sont à
relativiser.
D’abord, les tests Pisa concernent les élèves âgés de 15 ans et 3 mois
ou 16 ans et 2 mois au début de l’évaluation, quelle que soit leur classe. Or,
en raison de redoublements plus fréquents en France qu’ailleurs, les élèves
pas encore parvenus au niveau correspondant à leur âge sont plus
nombreux. Il leur manque donc au moins une année de connaissances par
rapport à d’autres dans les pays où le redoublement est rare, voire
inexistant. Or, comme le fait remarquer Julien Grenet, chercheur en
économie, dans une interview au magazine en ligne Slate, « les élèves
Français “à l’heure” à 15 ans et scolarisés en seconde générale et
technologique obtenaient un score de 560 points qui les situait au niveau du
score moyen des Finlandais », un des meilleurs qui soit.
L’intérêt de Pisa est de fournir une somme importante de résultats qui
nécessitent néanmoins d’être décortiqués pour aller plus loin que le fameux
classement. En effet, comme dans toute enquête, une marge d’erreur existe
(pas seulement pour les résultats des élèves français !). Or les scores sont
serrés entre de nombreux pays et statistiquement non significatifs. Pour
Julien Grenet, la marge d’erreur de 5 points de l’étude Pisa signifie que le
score de la France, avec ses 523 points en lecture, est en réalité compris
entre 518 et 528 points, soit entre la 18e et la 28e place. Dans le domaine de
la compréhension de l’écrit, cette incertitude est susceptible de placer la
France au-dessus de la moyenne de l’OCDE.
De la même façon, les résultats peuvent être lus globalement, mais aussi
pour les différents groupes d’élèves.
Pisa évalue aussi les enseignants ! La mention « Sévères mais justes »
revient incontestablement aux Français : si 66 % des élèves de l’OCDE sont
d’accord avec l’affirmation « La plupart de mes enseignants s’intéressent à
mon bien-être » (contre 53 % en France), 79 % approuvent l’affirmation
« la plupart de mes enseignants me traitent de façon juste » (contre 88 % en
France). On se satisfait comme on peut !
Selon Pisa, les élèves français sont mauvais
en maths
Les notes sont inutiles. Elles ne font que traumatiser les élèves,
mieux vaut les remplacer par une évaluation des compétences
qui met l’accent sur les progrès accomplis. FAUX
Depuis 2003, les QCM ont fait leur entrée officielle au lycée, qui plus
est par la grande porte, celle de l’épreuve de maths du bac S. Ces questions
à choix multiples peuvent alors rapporter 5 points (multipliés par un
coefficient 7 ou 9). Et avec la version 2006, contrairement à l’usage, fini les
points négatifs en cas d’erreur. En effet, cocher la bonne case peut se faire
au hasard et si chaque question comporte un choix de trois réponses, il y a
une chance sur trois, soit 33,33 % de trouver la bonne réponse. Autrement
dit, toutes les réponses au hasard, sans rien connaître du tout, permettraient
d’obtenir une note de 6,6 si on la rapporte à un total de 20. Pas si mal pour
une ignorance totale du sujet. Autre problème des QCM, aucune
justification n’est demandée alors que les enseignants s’éreintent à répéter
aux élèves tout au long de la scolarité : « Il faut toujours argumenter ses
réponses. »
Quant à la cuvée 2012 du bac, elle arrive avec dans ses cartons encore
plus de QCM. Ainsi, pour l’épreuve d’enseignement scientifique des élèves
de L et ES, deux exercices peuvent prendre la forme d’un QCM, soit un
total de 12 points sur 20. On n’est pas très loin de l’épreuve, voire de la
totalité du bac, 100 % QCM.
Les sciences de la vie et de la Terre en S n’échappent pas non plus aux
QCM, quant à la physique-chimie, pas d’indication précise sur les
modalités du bac, mais elle a aussi tenté l’expérience, notamment en 2003.
On pourrait s’étonner de l’introduction massive de ce type d’exercice dans
un bac scientifique, supposé valider l’aptitude à un raisonnement structuré.
À cela, les inconditionnels des QCM répondent en chœur : les QCM
évaluent aussi le raisonnement et surtout, il faut préparer les élèves à leur
utilisation, notamment en médecine et autres concours tout aussi difficiles.
Hypocrisie pure ou absence totale de sens critique ? Première évidence, ce
ne sont pas quatre ou cinq questions à choix multiples le jour du bac qui
prépareront aux études de médecine. De plus, les QCM utilisés dans les
concours, non seulement sont bien plus nombreux (30 questions environ par
sujet) et surtout portent sur des connaissances très étendues, et très précises.
Rien à voir avec les objectifs du bac. Quant à évaluer la réflexion, les QCM
ne sont peut-être pas le meilleur indicateur. Ce type d’exercice qui favorise
la démarche intuitive ne nécessite pas de justification, on peut même
procéder par élimination. Mais la véritable raison du recours au QCM au
bac, l’inspection de SVT de l’académie de Créteil la livre dans une lettre
d’information (décembre 2011) : « Il peut être intéressant de rendre
accessible une fraction des points sans les lier totalement à la
communication écrite. Cela permet une diversification des modes de
valorisation du candidat. Le QCM dispense l’élève de la recherche d’un
vocabulaire ou d’un style adéquat. » Dispenser l’élève de la recherche d’un
vocabulaire ou d’un style adéquat, est-ce vraiment un cadeau qui lui est
fait ? Plus besoin de s’exprimer pour obtenir son bac, il suffit dorénavant de
cocher des cases !
Le brevet valide les acquis du collège
C’est certain, dit-on, l’école est vouée à l’archaïsme, elle qui refuse de
s’ouvrir au monde de l’entreprise. C’est faux, elle s’ouvre, et même aux
quatre vents ! Certes, la publicité reste interdite et, contrairement aux États-
Unis, les élèves ne sont pas obligés de regarder des spots publicitaires en
contrepartie des dotations financières reçues par leur établissement !
Pourtant, en France, les élèves sont aussi confrontés aux marques,
lorsqu’ils travaillent sur des fiches pédagogiques estampillées de leur logo
ou regardent un de leurs films documentaires.
Tous les prétextes sont bons… surtout quand il s’agit du bien-être des
élèves. Lutter contre les caries ? Quoi de plus efficace qu’une marque de
dentifrice, Colgate, par exemple ? Son « Kit du Dr Quenottes » avec un
DVD de quinze minutes, un guide pédagogique, quatre fiches
d’expériences, un poster et 30 échantillons de dentifrice (19 ml) expliquera
aux élèves comment se brosser les dents.
Quant à Danone, sa Webschool propose un site de ressources
pédagogiques ou supposées telles, destinées à tous les niveaux. En primaire,
le développement durable est à l’honneur : une fiche pédagogique, conçue
par un instituteur, ne cite qu’une seule fois le nom de la marque mais n’est
utilisable qu’après avoir visionné une vidéo sur laquelle apparaissent sans
arrêt les produits tout comme de grands panneaux mentionnant leur nom.
On pourrait bien sûr citer d’autres marques : Nestlé, avec ses séances de
petit déjeuner équilibré, Kellog’s, Leclerc, le Crédit agricole… jusqu’à
Renault pour la sécurité routière, ou Tampax, qui a distribué des dizaines de
milliers de tampons dans les lycées.
Il serait injuste d’oublier la Semaine du goût, durant laquelle les portes
de l’école s’ouvrent en grand au boulanger du coin (merci pour son
concurrent de l’autre côté de la rue), au chef étoilé, qui sur la photo pose
ravi entouré par les enfants de la classe, et à l’industrie agroalimentaire, qui
à cette occasion dispose d’un public captif, interdit de zapping. Et si cette
Semaine du goût est sponsorisée par la Collective du sucre, regroupant les
industries sucrières, ce n’est pas bien grave, il y aura bientôt une « action
dentifrice » !
Toutes ces actions entrent dans le cadre des fameuses « éducations
à… », à la santé, à l’orientation, au développement durable, à la sécurité
routière… tout cela avec bien sûr l’assentiment de l’Éducation nationale. La
publicité est interdite au sein de l’école, interdiction notifiée dans les textes
depuis 1936, rappelée en 1967 et 1976 jusqu’à ce qu’en 1993 Jack Lang,
alors ministre, les modifie. Le tribunal administratif – totalement fermé à la
pédagogie ouverte – venait d’annuler la décision du proviseur du lycée
Auguste-Blanqui de Saint-Ouen, qui avait instauré un jeu boursier parrainé
par une banque, le CIC. La circulaire Lang du 28 mars 2001 ouvrait une
brèche, précisant que « les établissements scolaires sont libres de s’associer
à une action de partenariat » et qu’une entreprise « peut être autorisée à
signaler son intervention comme partenaire dans les documents remis aux
élèves. Elle pourra ainsi faire apparaître discrètement sa marque sur ces
documents ». Peu après, le ministre lui-même lançait une campagne contre
la violence, à laquelle était associée… Morgan, une marque de vêtements.
Une façon parmi d’autres d’ouvrir l’école sur la vie.
Avec l’autonomie, le système gagnera en
efficacité
L’école en France fait souvent la une, jugée dans un tel état que faute de
réformes imminentes elle risque de sombrer définitivement. Pourquoi pas,
mais depuis deux voire trois décennies, une vague de réformes a affecté les
systèmes éducatifs un peu partout dans le monde. En Europe, l’Angleterre
fut un des premiers pays à amorcer le mouvement, suivie par la Hongrie, la
République tchèque, la Pologne, et, au sud, l’Espagne et l’Italie notamment.
La réforme s’est propagée jusqu’aux confins de l’Océanie, la Nouvelle-
Zélande en fut un des promoteurs, suivie par plusieurs États australiens. En
Scandinavie aussi, le modèle de l’école publique a fait long feu, les parents
pouvant choisir un établissement, y compris privé et subventionné, pour
leur enfant.
Face au constat d’un échec, réel ou supposé, plutôt que de chercher à
améliorer le système, on a préféré en finir avec lui, du moins le transformer
radicalement.
Le cas de l’Angleterre est à lui seul révélateur du sens de ces réformes.
En 1988, l’Education Reform Act promulgué par Margaret Thatcher a
profondément remanié l’organisation du système éducatif, mettant en avant
le libre choix des parents et promouvant l’autonomie des établissements, de
fait mis en concurrence. Une politique poursuivie par son successeur, le
travailliste Tony Blair, dès son accession au pouvoir à la fin des
années 1990. En Nouvelle-Zélande, dès l’année 1984, des réformes de
même nature ont été menées par les travaillistes.
Toutes ces réformes, sous quelque latitude que ce soit, au cours de la
même période, suivaient la même ligne : désengagement de l’autorité
centrale, l’État, au profit d’acteurs locaux, des Régions aux particuliers
(privatisation) ; libre choix donné aux parents et augmentation de l’offre
scolaire par la différenciation pédagogique, autrement dit la mise en avant
des particularités des écoles (réelles ou supposées), chacune tentant de se
vendre.
Coïncidence ou vaste complot fomenté par on ne sait quelle main
invisible ? Ni l’un ni l’autre, mais l’idéologie alors dominante prescrit d’en
finir avec un système scolaire sous le contrôle de l’État. Cette vague
réformatrice est portée dès la fin des années 1970 par le concept du New
Public Management, dénonçant un État prétendu obèse, ayant échoué en
matière d’éducation. Pour ses partisans, la gestion d’un service public
pouvait être confiée à une structure privée sans entraver sa mission ni son
fonctionnement, avec à la clé des économies. Ce mode de gestion était
d’autant plus intéressant que l’on prévoyait un besoin croissant de
formation et donc des coûts associés tandis qu’émergeait la problématique
de la réduction des dépenses de l’État. La France n’a rien inventé, elle ne
fait que suivre le mouvement.
Il faut un référendum sur l’école
L’idée d’un référendum sur l’école n’est pas nouvelle : déjà, en 1995,
pendant la campagne présidentielle, le candidat Jacques Chirac l’avait
proposée… sans jamais la mettre en œuvre une fois élu. Certes, son premier
gouvernement ne dura pas aussi longtemps que prévu, cohabitation oblige,
mais pour autant son ministre de l’Éducation d’alors, François Bayrou, se
garda bien de la concrétiser. Pourtant, la réforme constitutionnelle de 1995,
en élargissant le champ de l’article 11 aux questions d’ordre social, lui en
donnait la possibilité.
À l’époque, plusieurs enquêtes d’opinion furent d’ailleurs lancées.
« Êtes-vous pour ou contre un référendum concernant l’évolution de
l’Éducation nationale ? » demandait l’Ipsos en 1996, et 74,5 % des sondés
répondaient par l’affirmative. L’institut de sondage évitait néanmoins
d’interroger sur la question à poser. Et c’est bien là le problème ! Le
référendum appelant forcément une réponse par « oui » ou par « non », on
imagine mal – ou trop bien – la formulation : « Êtes-vous pour une réforme
profonde de l’école afin d’améliorer les chances de réussite des élèves ? »
Le « oui » avoisinerait sans doute les 80 % – voire 90 % –, sans faire
évidemment avancer le problème. Car même avec 100 % de « oui », les
solutions permettant « d’améliorer les chances de réussite des élèves »
seraient, selon les uns ou les autres, radicalement opposées. Il en va ainsi
des choix politiques dans les démocraties ! Bien sûr, la question pourrait
être précisée, par exemple : « Les enseignants doivent-ils être plus présents
à l’école pour mieux aider les élèves ? », tout comme on pourrait
demander : « Êtes-vous pour une baisse du tarif des consultations médicales
pour combler le déficit de la Sécurité sociale ? », ou encore : « Voulez-vous
augmenter le temps de travail des policiers afin d’être mieux protégé ? »
Autant dire que la réponse va de soi.
Selon le même sondage, il ressortait que le problème majeur de l’école
était celui des débouchés professionnels (47,5 % des opinions), un résultat
étonnant quand on connaît le peu de succès des voies professionnelles ou
technologiques. Qu’un enseignant propose à un parent une voie
professionnelle pour son enfant et il obtiendra presque à coup sûr une
réponse négative, à l’inverse de celle des sondés.
Pendant la dernière campagne présidentielle, le candidat Sarkozy, tout
en suggérant d’étendre le champ du référendum, déclarait à son sujet : « Il
serait vu comme un moyen de monter une partie de la société contre le
monde éducatif. On ne peut faire une réforme de cette nature sans y
associer les enseignants. » Après avoir agité pendant des années l’idée du
référendum sur l’école, les politiques semblent y avoir renoncé. Jusqu’à
quand ?
La décentralisation des systèmes éducatifs
améliore leurs résultats
Devant l’échec du collège unique, avéré pour les uns, reconnu à mi-
voix par les autres, se pose la question des solutions. Le Haut Conseil de
l’éducation (HCE) a rendu un rapport sur le sujet en octobre 2010, dans
lequel il ne ménage pas ses critiques… pour aussitôt proposer encore plus
de collège unique, ce qu’il appelle « école du socle commun » une sorte
d’école unique ou commune. Celle-ci engloberait les deux structures dans
une seule, du CP à la troisième, avec un collège qui serait ainsi
« primarisé ». Un espoir pour les uns, une catastrophe pour les autres.
Pour le HCE, cette école du socle commun s’appuierait sur les fameuses
compétences qui aujourd’hui coexistent avec des programmes plus
ambitieux. Elle assurerait la continuité entre primaire et collège, afin de
renforcer les acquis. Plus qu’un changement d’étiquette, le recrutement des
enseignants du secondaire sur des aptitudes plus pédagogiques que
disciplinaires provoquerait un véritable chamboulement avec pour
conséquence leur transformation en maîtres du primaire, tout comme leur
enseignement. Selon le HCE, c’est le moyen de transmettre une « culture
commune », une expression en soi peu critiquable, à nuancer toutefois :
cette culture commune ne s’appuyant plus que sur les fameuses
compétences, elle transformerait les programmes en coquille vide avec pour
résultat une désarticulation encore plus poussée qu’aujourd’hui entre le
collège et le lycée.
Le HCE se défend par avance de cette critique en proposant une
solution : la différenciation pédagogique à l’intérieur de classes
hétérogènes, qui permettra, en dispensant un enseignement adapté à chacun,
de surmonter les difficultés. Une proposition presque aussi vieille que le
collège unique, déjà mise en place pour tenter de résoudre les problèmes et
qui hélas n’a pas abouti aux résultats attendus. On voit mal pourquoi il en
serait autrement au sein de l’école unique.
Autre argument pour « primariser » le collège, le constat de l’échec du
primaire : « Le collège hérite des déficiences de l’école primaire », dit le
rapport. Il poursuit avec sévérité : « L’incapacité de l’école primaire à faire
acquérir à tous les élèves les compétences à la fin du CM2 est connue. » On
se serait attendu alors à ce que le HCE s’attelle aux mesures améliorant la
situation du primaire, mais curieusement il propose de transformer le
collège en « grande école primaire ». Il y a une logique – discutable – : la
mise en œuvre d’un socle commun permettra de rattraper au collège ce qui
n’a pas été assimilé en primaire. Alors qu’il fallait cinq années de primaire
pour acquérir les fondamentaux, on voudrait y consacrer aujourd’hui neuf
années !? Mais au détriment de quoi ? Car cette transformation radicale
aura bien sûr des conséquences sur le niveau des élèves à la fin du collège
(pardon de l’« école du socle commun »). Les quatre années auparavant
consacrées à l’apprentissage des savoirs de base dans chaque discipline
seront employées à autre chose, le rapport en donne un avant-goût : « Or le
collège actuel, dont les programmes préparent en priorité au lycée général
et privilégient les savoirs abstraits, n’accorde que trop peu de place aux
activités pratiques et à l’approche inductive […]. La culture manuelle et
technologique devrait faire l’objet d’un enseignement pour tous les élèves
de la sixième à la troisième, à parité d’estime avec les disciplines
traditionnelles […]. » Pour le HCE, « le collège élargira la base de sélection
des élites en préparant moins au lycée général ». On cherche vainement à
comprendre comment.
Le système éducatif français est le plus
centralisé
Depuis les lois de Jules Ferry, la laïcité à l’école est un principe qui
jusqu’à peu encore ne prêtait pas à discussion. En dehors des opposants –
peu nombreux –, tout un chacun se retrouvait sur le sens donné à ce mot
ainsi que sur les obligations qui en découlaient dans le cadre de l’école. Ce
n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
L’instauration du principe date du 28 mars 1882, lorsque Jules Ferry fait
voter une loi donnant à l’école l’obligation de laïcité, loi qui découle de
celle de l’obligation d’instruction. Il écrit alors : « Sans doute il [le
législateur] a eu pour premier objet de séparer l’école de l’Église, d’assurer
la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin
deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont
personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont
communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous. »
Avec la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, la notion de
laïcité est reprise dans son article 30, et en 1937, une circulaire du ministre
Jean Zay précise : « Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise
dans les établissements. »
En 1989, dans un collège de l’Oise, à Creil, trois élèves portant un
foulard islamique sont provisoirement exclues pour le motif d’atteinte à la
laïcité, avant que l’affaire ne déclenche une tempête médiatique et que le
ministre d’alors, Lionel Jospin, refusant de trancher, demande un avis sur la
question au Conseil d’État.
Face à ce type d’affaires, deux visions s’opposent, la première rappelant
le principe de neutralité de l’État et de ses institutions, l’école notamment.
La seconde invoque une « laïcité ouverte » qui tolère des pratiques
négociées supposées ne pas gêner le fonctionnement normal de l’école. Les
textes officiels vont déjà dans ce sens en reconnaissant des autorisations
d’absence pour une liste de fêtes religieuses, déplaçant ainsi la pratique
religieuse de la sphère privée à la sphère publique. Mais le caractère officiel
donné à ces autorisations d’absence a entraîné d’autres revendications
supposées les rendre applicables : pas de devoir donné en classe pendant
ces journées, pas de cours important non plus, surtout s’ils sont au
programme de révision d’un devoir qui viendra peu après. Idem pour les
périodes de jeûne religieux, avec en plus l’acceptation de dérogations dans
plus d’un établissement, comme le rapporte la revue du CNDP Ville-École-
Intégration (no 129, juin 2002) dans l’article « Les formations à
l’interculturel en IUFM ». On peut y lire des témoignages d’enseignants,
recueillis au cours d’un stage sur ce thème : « Les élèves [dans la classe]
sortent de leur sac de quoi manger : canettes, petits pains… Prof “invitée”,
convivialité. […] Dans le lycée, une autorisation par l’établissement de
sortir une collation de sa poche pour casser le ramadan discrètement » (il est
ensuite précisé : « La semaine suivante, l’action n’a pas été réitérée »). Un
peu plus loin, on y lit : « La prof s’est engagée à ne pas faire de devoir sur
table à cette heure-là jusqu’à la fin du ramadan. » L’auteur de l’article,
Maryse Hedibel, maître de conférences à l’IUFM du Nord-Pas-de-Calais,
donne finalement son opinion sur le sujet : « Il est probable qu’en
partageant ce moment avec les élèves et en leur permettant de le vivre, cette
jeune enseignante ait gagné beaucoup de temps pour la suite de sa relation
pédagogique avec eux. » Une violation manifeste de la loi de 1905. La
neutralité n’étant plus la règle, on entre alors dans une succession de
négociations, et céder fait gagner du temps… jusqu’à la suivante.
Faut-il pour autant interdire les absences pour ces fêtes religieuses ?
Lorsqu’elles n’étaient pas autorisées, les élèves s’absentaient sans
problème, mais l’école, en ne reconnaissant pas officiellement un droit aux
fêtes religieuses, se gardait de mettre le doigt dans l’engrenage des
revendications multiples et des surenchères qui les accompagnent
aujourd’hui. Car la question est de savoir jusqu’où elles iront. En 2011, une
dérogation avait été envisagée pour que des élèves juifs de classes
préparatoires aux écoles d’ingénieurs passent les mêmes épreuves, mais
décalées (après avoir été isolés sous la surveillance de rabbins), afin de ne
pas composer pendant les fêtes religieuses. Devant le tollé, la mesure avait
été annulée, mais le ministre de l’Intérieur précisait que par la suite
certaines journées seraient exclues du calendrier des épreuves… avec une
conséquence redoutable : des concours différents programmés le même jour
avec pour les candidats l’impossibilité de s’inscrire à tous.
L’école finlandaise est la meilleure du monde
À peine les résultats Pisa publiés et déjà les médias se ruent sur le
classement pour en tirer toujours la même conclusion : il est urgent de
s’inspirer du modèle finlandais, le meilleur de tous, nous dit-on. C’est faux,
le dernier classement en date (2009) a réservé son lot de surprises, avec le
recul de la Finlande de la 1re à la 3e place (c’est toujours bien !) et
l’émergence des pays asiatiques. Ainsi, la 1re place est occupée par
Shanghai (Chine), suivie de la Corée, de la Finlande, de Hong Kong
(Chine) puis de Singapour.
Néanmoins, la Finlande a toujours le vent en poupe, aussi nous exhorte-
t-on à appliquer les recettes qui ont fait son succès : pas de notes jusqu’au
collège ni de redoublement, contenus allégés, rythmes scolaires adaptés,
enseignement à la carte, absence de stress… autant de caractéristiques qui
expliqueraient son classement et dont la France ferait bien de s’inspirer.
Mais d’autres particularités du modèle finlandais sont rarement rapportées :
gratuité de tout ou presque, de la cantine au transport, effectifs par classe
inférieurs à ceux de la France, enseignants bien mieux payés jouissant
d’une grande liberté pédagogique, sélection sévère à l’entrée de l’université
et donc forte pression sur les lycéens. Qui peut dire laquelle de ces
caractéristiques explique la réussite finlandaise ?
D’ailleurs, comme l’a montré Antoine Bodin (Institut de recherche sur
l’enseignement des mathématiques – université de Franche-Comté), entre
nos deux pays la différence de résultats en maths disparaît si l’on ne tient
plus compte des 10 % qui réussissent le moins bien. Il ne s’agit pas de nier
le problème posé par ces élèves en échec, mais ces 10 % doivent-ils
remettre en cause la totalité du système ? Quant à la Finlande, son
enseignement orienté vers les « mathématiques de tous les jours » est lui
aussi discutable, car, performant aux tests Pisa, il ne brille pas dans d’autres
enquêtes internationales (TIMSS 1999) et semble inadapté pour la suite des
études, d’après les enseignants du supérieur et des écoles d’ingénieur.
Au-delà de cette présentation partielle, on s’empresse aussi de glisser
sous le tapis tous les pays qui n’entrent pas dans le moule. Car sur les cinq
premiers du classement Pisa 2009, quatre pays ou régions d’Asie ont des
modèles aux antipodes de celui de la Finlande. La Corée, par exemple, se
caractérise elle aussi par une sévère sélection à l’entrée de l’université qui
impose aux élèves de suivre une double journée scolaire, se prolongeant par
des études jusque tard le soir dans l’enceinte du lycée ou des cours
particuliers (hagwon), un système semblable existant au Japon (juku), 8e à
Pisa 2009. Quant à l’organisation et à l’ambiance du système, on peut lire
sur la page du site officiel com: « Le système éducatif coréen ressemble en
de nombreux points au système français. Mais comme au Japon, les jeunes
y subissent une pression très importante dès leur plus jeune âge. » Un
article du Figaro du 7 décembre 2010 nous apprend que, avec « 50 heures
d’études hebdomadaires de moyenne, les écoliers du pays du Matin-Calme
sont les plus assidus de l’OCDE », et que Barack Obama a demandé aux
écoliers américains de s’inspirer de ce modèle. Le revers de la médaille est
la part extrême de la mémorisation dans l’enseignement et la forme unique
d’évaluation : le QCM. Un modèle ni applicable ni souhaitable en France
mais qui montre plusieurs façons de réussir aux tests Pisa sans pour autant
que l’une d’elles devienne l’unique modèle à suivre.
La France devrait suivre le modèle finlandais
Coût année, par élève et par niveau d’enseignement, en équivalent dollars (2005), Les notices de la
Documentation française, « Le système éducatif en France », 2006
Nombre d’élèves par enseignant dans les établissements d’enseignement, selon le niveau
d’enseignement (2009), « Regards sur l’éducation 2011 », OCDE
C’est inscrit dans la loi : les parents d’élèves ont leur place à l’école. Ils
disposent de représentants élus dans différentes instances (conseil d’école,
d’administration…) et doivent être informés du travail et des résultats de
leur enfant. Ce double rôle des parents, à la fois collectif et individuel, n’est
pas toujours facile à exercer. Quelle position tenir en effet lorsque son
intérêt personnel ne rejoint pas l’intérêt général ou du moins celui de la
majorité ? Autre difficulté, l’école et la famille assurent des rôles différents
envers l’élève, et concilier les deux demande de la souplesse. Les parents
souhaitent l’épanouissement de leur enfant et sa réussite dans la vie.
Mais le matin, devant sa classe, un professeur ou un instituteur ne se dit
pas « Aujourd’hui, je vais les rendre heureux ». Non pas qu’il veuille les
rendre malheureux, mais ses objectifs sont d’un autre ordre, plus modestes,
et ses résultats pas immédiats. La tâche n’est pas facile, parfois ingrate
(combien d’élèves répondent spontanément « travailler » lorsqu’on leur
demande ce qu’ils veulent faire en classe ?).
Autrement dit, à l’école, l’élève n’est pas l’enfant ou l’adolescent qu’il
est pour ses parents, d’où les malentendus. D’ailleurs, tous n’ont pas les
mêmes attentes, les mêmes ambitions non plus pour l’avenir de leur
progéniture. Qui n’a pas assisté, au cours d’une réunion, aux demandes
différentes formulées par les uns et par les autres : plus ou moins de dictées,
plus ou moins de devoirs à la maison, plus ou moins de sorties… la liste
pourrait être interminable. Heureusement, ce n’est pas la majorité du
moment qui l’emporte, mais la loi, celle qui définit programmes et nombre
d’heures. Ce problème, les fédérations des parents en ont bien conscience,
et se heurtent parfois à de sacrées contradictions.
On peut ainsi lire dans le projet éducatif de la FCPE intitulé
« Ambitions FCPE, des couleurs pour l’école » : « La position d’une
fédération de parents d’élèves ne doit pas être masquée par des témoignages
individuels et contradictoires de parents non fédérés. Toutes nos actions et
propositions sont en accord avec nos valeurs. C’est pourquoi, lorsqu’il le
faut, nous savons nous opposer à la vox populi. » La FCPE contre le
peuple ? En tout cas, le problème est bien là, la contradiction entre
l’éducation, en premier lieu l’affaire des parents qui transmettent à leur
enfant des valeurs et des principes, et l’instruction, dispensée par l’école, la
même pour tous les élèves.
Faire entrer les parents à l’école en tant que groupe organisé, n’est-ce
pas confondre éduquer et instruire, n’est-ce pas donner à quelques parents
un pouvoir sur l’éducation de tous les élèves ? Évidemment, l’argument
peut être retourné, l’institution scolaire, et avec elle les enseignants, a de
plus en plus tendance à vouloir se mêler de tout, c’est-à-dire de l’éducation,
quand ce n’est pas s’immiscer entre l’enfant et la famille. Et si chacun
restait à sa place ?
La maternelle est une garderie
Créées en 1992 pour permettre l’immersion des élèves dans une langue
et une culture étrangères, les sections européennes des établissements
(collège et lycée) sont aussi le moyen, en regroupant les meilleurs élèves,
de contourner l’hétérogénéité des classes et la baisse de niveau qu’elles
génèrent. D’ailleurs, leur succès ne se dément pas, 230 000 élèves sont
aujourd’hui scolarisés dans plus de 4 500 d’entre elles. Mais est-ce au
bénéfice des élèves ?
En plus des deux heures supplémentaires de langue par semaine, ces
classes dispensent un enseignement d’une discipline non linguistique (des
maths à l’histoire-géographie, en passant par la physique ou les SVT) dans
une langue étrangère. Des voyages et des échanges avec le pays concerné
sont régulièrement organisés sans compter que cette filière offre l’avantage
de délivrer un niveau de certification dans la langue, ce qui facilitera
l’inscription dans une université européenne. Pour autant, la médaille a son
revers. L’enseignement dans une langue étrangère, surtout pour des élèves
qui la pratiquent depuis peu d’années, est forcément très limité et, n’ayons
pas peur des mots, appauvri. Le niveau de langue de la plupart des élèves,
en seconde par exemple, ne permet d’assimiler que des notions basiques, en
raison du vocabulaire restreint comme des tournures grammaticales, mais
aussi parce que les processus cognitifs n’autorisent pas à la fois à se
concentrer sur la traduction et l’assimilation de notions disciplinaires. Pour
s’en convaincre, on peut demander à un élève de lire dans un quotidien un
article de politique ou d’économie (ou de vulgarisation scientifique), d’une
part en français, d’autre part dans une langue étrangère, puis comparer ce
qu’il a retenu de chacun. L’expérience est en général probante, à l’oral elle
le serait encore plus en raison de l’impossibilité de revenir sur une phrase
non comprise, alors que l’on peut la relire autant de fois que l’on veut.
Néanmoins, le problème ne vient pas seulement des élèves ! Les
enseignants, qui reçoivent une certification pour la langue dans laquelle ils
auront à enseigner leur matière, ne sont pas pour autant bilingues.
Inévitablement, le contenu du cours s’en ressentira, car il s’agira plus pour
eux d’oraliser un discours écrit que de véritablement s’exprimer dans une
langue étrangère, avec ses nuances et ses subtilités.
Un site officiel, www.emilangues.education.fr, consacré à
l’enseignement en sections européennes, fournit des ressources
pédagogiques dans toutes les matières. Sa consultation renseigne assez vite
sur les faiblesses de ce type d’enseignement. En mathématiques, un
exemple de séquence, intitulée « Le chemin le plus court », « conçue pour
un tout premier cours en classe de seconde, mais peut être également
utilisée en première ou terminale », montre que les élèves ne maîtrisent pas
le vocabulaire nécessaire (« Il s’agit d’introduire en contexte le vocabulaire
mathématique essentiel en début de classe de seconde »), qu’ils auront des
difficultés à participer (« Il s’agit également de mettre en place une routine
dans la prise de parole ») et que les cours oscillent en permanence entre les
maths et tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l’anglais (« Cette
séquence pédagogique donne l’occasion d’aborder la question de
l’organisation du paysage urbain aux États-Unis. »). Tout aussi inquiétant,
on suggère à l’enseignant des formules toutes faites en anglais, pourtant de
structure assez simple (Any two points form the hypothenuse of a right
triangle), même des rudiments de vocabulaire (coordinate system, x-axis,
leg of a triangle…) lui sont fournis, au point que l’on s’interroge
sérieusement sur sa maîtrise de la langue. L’Éducation nationale, qui aime
tant les évaluations, pourrait en commander une sur ces sections
européennes.
Les classes hétérogènes facilitent
l’apprentissage
La fac ou le bac pro, tout le monde peut y aller, mais avec toutes
les chances d’échouer. Quant aux classes prépas, succès garanti…
si l’on en ressort vivant. L’horizon semble bouché, avec des idées
reçues, gare aux erreurs d’orientation !
Les études scientifiques n’ont plus la cote
Régulièrement, les médias nous rappellent que les inscriptions dans les
filières scientifiques ne cessent de diminuer, à tel point que l’on prédit
l’incapacité de remplacer les départs à la retraite des scientifiques. Un
constat alarmant que les experts en baisse d’inscriptions en fac de sciences
se sont empressés d’expliquer. Premières incriminées, les études
scientifiques, longues et difficiles, qui seraient finalement peu « rentables »
par rapport à quelques années de droit ou d’école de commerce. Vrai…
comme cela l’était déjà il y a vingt ou trente ans lorsque les facs de sciences
fonctionnaient à guichets fermés. Est aussi évoquée l’image de la science,
accusée de tous les maux : vache folle, Fukushima, sans parler bien sûr du
réchauffement climatique et du trou dans la couche d’ozone. La science fait
peur, engendre des catastrophes, bref autant s’en tenir éloigné pour éviter
toute responsabilité. Pourtant, les enquêtes indiquent que l’image du
chercheur est loin d’être négative. L’une d’entre elles, menée par le Cevipof
jusqu’en 2001, montrait que l’affirmation « Les chercheurs travaillent pour
le bien de l’humanité » recueillait 88,6 % d’opinions « Tout à fait
d’accord » ou « Plutôt d’accord ». Plus d’une profession aimerait se targuer
de ce score (seuls les pompiers doivent faire mieux !). Bref, autant chercher
autre chose. L’école, bien sûr ! Trop difficile, pas assez concrète et toujours
éloignée de la vie quotidienne, la science telle qu’on l’enseigne n’intéresse
pas les jeunes, un symptôme parmi d’autres des carences de l’école, tournée
vers le passé avec ses méthodes à l’ancienne. D’ailleurs, le journal Le
Monde, toujours prêt à partir en guerre contre les archaïsmes de l’école,
dans un article daté du 3 décembre 2003 intitulé « Comment redonner aux
élèves le goût des disciplines scientifiques », affirme : « Au moment où
commence un débat national sur l’école, la désaffection massive dont
souffrent certaines filières, en partie liée au manque de perspectives
professionnelles dans la recherche, exige de repenser la transmission des
savoirs, du primaire à l’université. » Certes, l’article évoque en passant un
problème de débouchés mais finalement pointe du doigt le mode de
transmission des savoirs. Ainsi, les méthodes d’enseignement seraient
responsables de cette désaffection… alors que la filière S totalise la moitié
des élèves de l’enseignement général ! Certes, tous ne feront pas des
sciences, mais si celles-ci les rebutent à ce point, y seraient-ils aussi
nombreux ?
En réalité, plusieurs études ont abouti à la même conclusion : il n’y a
pas de désaffection pour les sciences. Le géologue Jean Dercourt, dans un
rapport rédigé pour l’Académie des sciences, a mis en évidence, chiffres à
l’appui, que la proportion d’étudiants dans les filières scientifiques de
l’université, classiques et professionnelles, les classes préparatoires, les
études médicales et paramédicales est restée la même des années 1990 à
2004. Que s’est-il passé alors ? Bernard Convert, sociologue et directeur de
recherche au CNRS, l’explique très bien dans son livre Les Impasses de la
démocratisation scolaire. Sur une prétendue crise des vocations
scientifiques : la baisse des inscriptions dans les ex-Deug scientifiques est
d’une part compensée par l’augmentation dans les autres filières
scientifiques, d’autre part elle n’est pas plus importante qu’en lettres et
sciences humaines, en droit ou en AES. Autrement dit, s’il y a une crise,
c’est plutôt là qu’il faut la chercher, mais personne n’en parle, car tout le
monde s’en fiche ! La désaffection dans les facultés scientifiques, masquée
dans un premier temps par la croissance du nombre de bacheliers,
correspond en réalité à un déplacement des inscriptions des filières
fondamentales vers celles à visée professionnelle, en raison de la montée du
chômage. Alors pourquoi cette idée reçue ? Peut-être parce que l’on a
confondu objectifs et résultats. Le Conseil européen de Lisbonne, en 2000,
s’est fixé pour objectif la formation de 10 000 à 15 000 chercheurs par an
en Europe. On en est loin ! En 2007, selon le rapport de 2010 de l’OST
(Observatoire des sciences et techniques), 6 751 thèses en sciences de la vie
et de la matière ont été passées, contre 7 301 en 1997. Une situation sans
doute préoccupante, qui ne vient pourtant pas d’une désaffection pour les
études scientifiques, mais plutôt, comme le conclut Bernard Convert dans
son livre, de la demande par les étudiants d’un diplôme donnant accès à un
emploi. Or les postes de recrutement, au CNRS ou à l’université, n’ont pas
augmenté. Comment s’étonner alors ?
Les filles sont moins douées que les garçons
pour les sciences
Si les filles délaissent les carrières liées aux sciences, c’est par
manque d’esprit scientifique. FAUX
Les classes prépas sont dans le collimateur ! Dans un article paru dans
le journal Le Monde du 4 février 2012, intitulé « Prépas, l’excellence au
prix fort », l’écrivain Marie Despleschin dénonce l’« enfer des prépas »,
témoignages terrifiants à l’appui. On lit notamment : « Sans mentir, la
moitié de la classe était sous antidépresseurs. » Ou encore : « En khâgne, ils
ont l’air morts. Ils vivent sous une pression totale », sans parler de « cette
fille qui travaillait tellement qu’elle ne se faisait pas à manger. On l’a vue
perdre dix kilos en quelques semaines ». Quant au motif de ces drames,
c’est le rythme de travail imposé par des enseignants « qui utilisent un
arsenal de méthodes pédagogiques… destinées à endurcir ». Avec une
formation décrite comme proche de celle des marines américains, une
ambiance de « service militaire », les prépas font froid dans le dos, mieux
vaut ne pas s’y risquer !
D’ailleurs, il serait sans doute plus sage de supprimer carrément ce
système d’un autre âge dans lequel les étudiants coûtent plus cher.
Mais les élèves des classes préparatoires, 80 000 étudiants chaque
année, sont-ils réellement les victimes que décrit cet article ? Certes, le
travail demandé en classe prépa est intense, et les élèves y apprennent la
rigueur et l’exigence. Contraints de s’organiser efficacement et de fournir
un travail régulier pour suivre le rythme, pour beaucoup d’entre eux la
transition avec le lycée est brutale. Mais contrairement aux propos tenus par
Marie Despleschin, de nombreux étudiants, après leur passage en prépa,
mettent l’accent sur la dynamique collective de la classe et l’encadrement
attentif et humain des professeurs. Quelques-uns peuvent en effet humilier
les élèves, mais combien d’entre eux les accompagnent durant ces deux ou
trois années, sans compter leur temps, pour qu’ils réussissent au mieux ?
Quant aux clichés habituels sur l’esprit de compétition féroce, au
« chacun pour soi », nombreux sont les élèves qui les démentent. Interrogés
par le magazine L’Étudiant, plusieurs mettent en avant plutôt l’émulation
que la compétition et au contraire la solidarité entre élèves, encouragée
d’ailleurs par les établissements qui organisent des journées d’intégration
destinées notamment à créer des liens entre élèves de première et de
deuxième année. L’article cite l’exemple de Ha Le, élève de prépa venue du
Viêt Nam : « J’étais seule, je ne parlais pas bien le français, j’avais du mal à
comprendre les cours et à prendre des notes. » Prête à abandonner, Ha Le
réussit à remonter la pente : « Mais je me suis accrochée, avec l’aide des
autres élèves, que j’ai beaucoup sollicités. » Dommage que Marie
Despleschin ne l’ait pas interrogée ! Finalement, les classes prépas seraient
un des derniers refuges de la transmission des savoirs, de la formation de
l’esprit. Elles assurent à ceux qui en suivent l’enseignement non seulement
les qualités intellectuelles requises pour la poursuite de leurs études,
rapidité d’esprit, maîtrise et hiérarchisation des connaissances, mais un
encouragement à tirer le meilleur d’eux-mêmes.
Et même si pour quelques-uns la souffrance en prépa peut être réelle,
doit-on pour autant supprimer ce qui reste un parcours d’excellence, et la
possibilité d’une réussite liée au seul mérite du travail ?
L’anglais doit devenir la langue des études
supérieures