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Élisa Capdevila, Jean-François Sirinelli - Georges Pompidou Et La Culture
Élisa Capdevila, Jean-François Sirinelli - Georges Pompidou Et La Culture
Geo rg es Po m pi d o u
Élisa Capdevila est professeur agrégée d’histoire. Elle prépare actuellement
une thèse à Sciences Po (Paris) sur les artistes américains à Paris de l’après-
Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1960.
Arc hi ve s
Jean-François Sirinelli est professeur d’histoire contemporaine à l’Institut
d’études politiques de Paris (chaire d’histoire politique et culturelle du
N° 5
vingtième siècle) et directeur du Centre d’histoire de Sciences Po (FNSP). Il a
publié de nombreux ouvrages consacrés à l’histoire politique et culturelle de la
France. Le dernier en date s’intitule Mai 68, L’événement Janus, Paris, 2008.
P.I.E. Peter Lang
ISBN 978-90-5201-685-6
Collection
Georges Pompidou – Archives
N° 5
P.I.E. Peter Lang www.peterlang.com
Bruxelles P.I.E. Peter Lang
E n 1959, la création du ministère des Affaires culturelles transforme de
façon durable le champ de la politique culturelle en France.
Élisa Capdevila et Jean-François Sirinelli
Geo rg es Po m pi d o u
Élisa Capdevila est professeur agrégée d’histoire. Elle prépare actuellement
une thèse à Sciences Po (Paris) sur les artistes américains à Paris de l’après-
Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1960.
Arc hi ve s
Jean-François Sirinelli est professeur d’histoire contemporaine à l’Institut
d’études politiques de Paris (chaire d’histoire politique et culturelle du
N° 5
vingtième siècle) et directeur du Centre d’histoire de Sciences Po (FNSP). Il a
publié de nombreux ouvrages consacrés à l’histoire politique et culturelle de la
France. Le dernier en date s’intitule Mai 68, L’événement Janus, Paris, 2008.
P.I.E. Peter Lang
Collection
Georges Pompidou – Archives
N° 5
P.I.E. Peter Lang www.peterlang.com
Bruxelles P.I.E. Peter Lang
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2
Georges Pompidou
et la culture
3
4
Élisa CAPDEVILA et Jean-François SIRINELLI
Georges Pompidou
et la culture
5
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque
procédé que ce soit, sans le consentement de l’éditeur ou de ses ayants droit, est
illicite. Tous droits réservés.
6
Table des matières
Préface ..................................................................................................... 9
Introduction ........................................................................................... 13
7
QUATRIÈME PARTIE.
UNE POLITIQUE CULTURELLE POMPIDOLIENNE ?
Préambule ............................................................................................ 175
CHAPITRE 1. Garantir l’efficacité de l’action culturelle de l’État ........ 177
CHAPITRE 2. Le défi de la modernisation culturelle :
redonner à la France sa place sur la scène internationale .................... 187
CHAPITRE 3. La culture, outil de politique étrangère........................... 199
ANNEXES
ANNEXE 1. « Déclarations de Georges Pompidou,
président de la République, sur l’art et l’architecture » –
Le Monde, 17 octobre 1972 ................................................................. 219
ANNEXE 2. Liste des déjeuners consacrés par le Président
Georges Pompidou aux affaires culturelles ......................................... 233
ANNEXE 3. Liste des artistes et personnalités du monde
des arts reçus par Georges Pompidou (1962-1974) ............................. 235
ANNEXE 4. Liste des expositions et galeries visitées
par Georges Pompidou ........................................................................ 237
ANNEXE 5. Liste des films vus par Georges Pompidou....................... 241
ANNEXE 6. Notices biographiques....................................................... 245
ANNEXE 7. Bibliographie succincte..................................................... 249
8
Préface
Mon propos dans ces quelques lignes – avant que le lecteur n’aborde
ce très riche ensemble de documents d’archives, dont on peut savoir gré
à Élisa Capdevila d’avoir su dégager, avec intelligence, le sens et la
portée – est d’évoquer des souvenirs personnels que je garde de
l’homme de culture, puis de rappeler les traits les plus marquants de la
politique culturelle de Georges Pompidou. Je m’y sens autorisé par ma
double qualité de proche parent – nous le fûmes pendant près de trente
ans –, et de collaborateur direct pendant onze années.
Georges Pompidou définissait la culture, non pas, certes, comme « ce
qui reste quand on a tout oublié », mais comme le résultat de l’accumu-
lation de connaissances précises judicieusement choisies. Sa culture, qui
s’étendait à de nombreux domaines, était avant tout classique, bien
qu’au fil des années, il eût été de plus en plus attiré par la modernité.
Elle lui permettait d’être de plain-pied avec les interlocuteurs les plus
divers, François Mauriac ou Julien Gracq, Soulage ou Agam, Boulez ou
Messiaen, Daniel Cordier ou Karl Flinker, et aussi Guy Béart, pour ne
citer que quelques noms. Ces relations prenaient la forme d’échanges de
correspondance – Georges Pompidou est avant tout un homme de
l’écrit –, conversations amicales, déjeuners, dîners. Ma femme et moi
avons pu maintes fois y observer sa maîtrise. Ainsi a pu se créer un
climat de sympathie réciproque. Georges Pompidou toutefois, malgré
ses tentatives de contact, est toujours resté assez éloigné de la personna-
lité de Picasso ; ce n’est pas qu’il méconnût son génie créateur, bien
qu’il lui trouvât des limites : « un volcan », a-t-il dit un jour, « mais que
de scories… ».
Devenu homme politique en 1958, Georges Pompidou eut la possibi-
lité d’agir. Il a raconté comment il fut amené à suggérer au général de
Gaulle de créer à l’intention d’André Malraux un grand ministère de la
Culture, venant se substituer à l’administration des Beaux-Arts, et
comment, en une matinée de juillet 1958, André Malraux et lui esquissè-
rent les grandes lignes de ce qui allait être au mois de janvier suivant le
« ministère d’État chargé des Affaires culturelles ».
Georges Pompidou, Premier ministre, intervint peu pendant la durée
du ministère Malraux, pour la simple raison qu’il était largement en
accord avec celui à qui d’ailleurs le Général était disposé à laisser une
grande liberté d’action.
9
Georges Pompidou et la culture
1
Pontus Hulten est suédois. Attirer à Paris des étrangers talentueux paraissait à
Georges Pompidou aller dans le sens de son dessein. Ce fut aussi le cas de Karajan à
l’orchestre de Paris, de Liebermann à l’Opéra, sans parler des architectes Piano et
Rogers.
10
Préface
Henri Domerg
11
Introduction
13
Georges Pompidou et la culture
14
Introduction
culture est devenue une affaire d’État : à partir de 1959, en effet, les
« affaires culturelles » deviennent un département ministériel. Les
conceptions en la matière d’un Premier ministre, six années durant, puis
d’un président de la République, pour un lustre, ont donc plus d’impor-
tance encore qu’auparavant. D’autant que si des ministres puis des
secrétaires d’État ont eu la responsabilité d’un tel département, celui-ci a
bénéficié de l’intérêt constant et soutenu de Georges Pompidou.
Bien plus, si l’on considère que l’enseignement relève de plain-pied
de ce domaine de la culture entendue ici dans son sens extensif, l’ana-
lyse des rapports denses entre celle-ci et Georges Pompidou est égale-
ment importante pour cette raison. Les années 1960 et 1970 constituent,
de fait, une phase de mutation du système scolaire et universitaire
français : l’enseignement secondaire est confronté au double mouvement
de l’allongement de la scolarité et de l’arrivée de la vague des baby-
boomers, tandis que l’université française connaît un brusque enflement
de ses effectifs.
15
Georges Pompidou et la culture
16
Introduction
n’est plus André Malraux. Et si cette inflexion n’induit pas une évolu-
tion institutionnelle pour la Ve République – car les Présidents suivants
entretiendront des rapports contrastés avec le domaine culturel –, elle
modifie pourtant la donne. À partir de ce moment, les chefs d’État
successifs prêteront à ce domaine une attention certes diverse mais
toujours plus soutenue que celle du général de Gaulle au cours de ses
onze années de présidence. Il est même possible de poser comme postu-
lat qu’à défaut d’un changement des institutions – il n’y aura pas plus de
« domaine réservé » qu’auparavant –, cette densité culturelle du mandat
pompidolien a eu des effets structurants, politiquement aussi bien que
psychologiquement. Un désintérêt trop marqué pour la culture apparaîtra
désormais incongru tant l’attitude inverse sera dès lors considérée
comme faisant partie, sinon d’un secteur « réservé », en tout cas des
attributions et même des attributs du pouvoir présidentiel.
Un tel constat nous renvoie donc à l’observation initiale : le sujet
traité ici est, en apparence, politiquement secondaire. Dans la réalité,
après inventaire, il apparaît qu’il en va tout autrement et que les textes
réunis dans ce livre touchent aussi à l’essentiel. Ils reflètent bien, on
vient de le souligner, un moment tournant dans l’histoire des rapports
entre culture et pouvoir politique. Il convient, de ce fait, de souligner à
quel point le choix et l’édition critique de ces textes, que l’on doit à
Élisa Capdevila, constituent une plus-value considérable en termes
d’histoire du temps présent.
Jean-François Sirinelli
17
PREMIÈRE PARTIE
1
Ces thèmes ont fait l’objet de deux colloques. Voir Philippe Tétart (dir.), Georges
Pompidou, homme de culture, Paris, Éditions du Centre Georges Pompidou, 1995,
153 p. ; Jean-Claude Groshens et Jean-François Sirinelli (dir.), Culture et action chez
Georges Pompidou, op. cit.
2
Le goût de Georges Pompidou pour la poésie, et particulièrement pour Baudelaire,
est évoqué par plusieurs témoins. Voir les entretiens de Madeleine Négrel (réalisé par
Bernard Lachaise et Noëlline Castagnez-Ruggiu, 8 mars 2000, Arch. nat. – AGP,
11AV222), Raymond Polin (réalisé par Jean-Pierre Williot et Noëlline Castagnez-
Ruggiu, 1er et 15 juin 1995, Arch. nat. – AGP, 1AV108-109) et Pierre Pouget (réalisé
par Jean-Pierre Williot, 23 janvier et 6 février 1995, Arch. nat. – AGP, 1AV111).
Voir également à ce sujet l’entretien accordé par Georges Pompidou à France-Inter
en 1969, reproduit p. 24.
3
Georges Pompidou, Anthologie de la poésie française, Paris, Hachette, 1961, p. 7-20.
21
Georges Pompidou et la culture
4
Georges Pompidou est né en 1911. Il publie cet ouvrage après plusieurs années de
carrière dans l’enseignement, la banque puis la politique. Il est alors directeur du ca-
binet du général de Gaulle depuis 1958.
5
Les discours de Georges Pompidou ainsi que la politique qu’il met en place à
l’Élysée témoignent de son intérêt pour la francophonie. Voir à ce sujet la partie de
cet ouvrage consacrée à la culture comme outil de politique étrangère, p. 199.
22
Entre classicisme et modernité
en effet de réunir des poèmes qui puissent être lus par tous sans explica-
tions […].
Partant donc du XVe siècle, je ne me suis arrêté qu’au XXe. Mais en
ne retenant que les poètes morts au moment où j’écris. C’est une règle
qui a l’avantage d’être simple et sans appel. Les regrets qu’elle m’a
laissés ne sont pas nombreux (trois ou quatre peut-être ?…). Au reste,
comment prétendre faire un choix parmi les vivants, quand on a mesuré
la difficulté qu’il y a à mettre à leur place exacte des écrivains morts
depuis cinquante ans et plus ?
Car mon ambition est bien de donner ici l’essentiel de notre poésie,
c’est-à-dire les plus beaux vers de la langue française, ceux que je
trouve tels, sans doute, mais avec l’espoir qu’ils le sont vraiment.
M’adressant à un public que je souhaite large, j’ai renoncé à faire le
délicat devant des poèmes connus de tous : s’ils me paraissaient les plus
beaux, je les ai cités. J’ai même délibérément réagi contre la tendance
trop facile et trop à la mode ces dernières années qui consiste à mépriser
les poètes traditionnellement les plus connus au profit de « révélations »
annoncées, suivant le caractère de l’inventeur, avec grand bruit ou avec
le clin d’œil du connaisseur. […]
Au risque donc de faire crier à la banalité, je n’ai pas hésité à donner
une place importante et que je crois juste et nécessaire à de grands
poètes délaissés par la mode. […]
À ces quelques explications sur les principes qui m’ont guidé,
j’ajouterai ceci : en fin de compte, dans la poésie plus qu’ailleurs, il faut
avoir « le don ». À une certaine facilité irritante, je préfère, bien sûr, la
perfection suprême de La Fontaine ou de Racine, de Baudelaire ou de
Mallarmé. Mais rien – intelligence, sensibilité, métier – ne dispense du
don divin d’être poète. […] Ceux qui ne l’ont pas eu ne comptent pas,
quels que soient leurs autres mérites et même s’ils se sont donnés beau-
coup de mal […].
*
* *
Pour rétablir une vérité, mémoires inachevés, publiés à titre
posthume, rassemble des écrits personnels de Georges Pompi-
dou, sélectionnés par son épouse Claude Pompidou et l’un de ses
anciens chargés de mission, Jean-François Saglio6. Au début de
l’ouvrage, Georges Pompidou revient sur son enfance et son
éducation et évoque son goût précoce pour la littérature.
6
Jean-François Saglio (1936), ingénieur des Mines, est chargé de mission au secréta-
riat général de la Présidence de 1969 à 1973. Il est également nommé en 1971 direc-
teur au sein du nouveau ministère consacré à l’Environnement.
23
Georges Pompidou et la culture
*
Extrait de Pour rétablir une vérité
par Georges Pompidou7
Il faut dire que j’ai, toute ma vie, lu énormément. Mes parents, et
particulièrement mon père8, ne connaissaient que l’étude. Ma vie
d’enfant était organisée pour l’étude. Et, comme je travaillais vite, je me
jetais dans la lecture par distraction et par passion. Durant toutes mes
années albigeoises, j’ai lu au moins un livre par jour. Cela allait de Jules
Verne, de Ponson du Terrail et des romans d’Indiens à Dumas, puis à
Balzac, à Stendhal, à Proust, en passant par les classiques, latins et
français, par tous nos poètes et par l’essentiel, ou que je croyais tel, des
littératures étrangères, roman anglais, roman russe surtout. J’ai continué,
de mon mieux, jusqu’à ce jour, et je crois qu’en littérature tout au
moins, j’ai relativement peu de lacunes. Tout ce qui a été écrit, en
particulier sur l’homme, sa destinée, m’a passionné et continue de me
passionner. Je surprendrai peut-être si je dis que je me sens, avant tout,
et profondément, moraliste – et qu’à soixante ans je crois encore à ce
que je soutenais à seize dans un modeste exposé de classe de philoso-
phie, je veux dire l’identité du beau et du bien.
*
* *
Candidat à l’élection présidentielle de 1969, ancien Premier
ministre du général de Gaulle, Georges Pompidou joue de son
image d’homme de culture lors de la campagne électorale.
*.
Extrait du « Portrait de Georges Pompidou » –
France-Inter, 15 mai 19699
René Marchand : Je voudrais qu’on passe sans transition des af-
faires à la poésie, à un autre Georges Pompidou. Dans votre Anthologie
de la poésie française, vous dites que la passion de la poésie que vous
aviez dans votre enfance a persisté « au-delà du milieu du chemin de la
7
Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, Paris, Flammarion, 1982, p. 14.
8
Le père de Georges Pompidou, Léon Pompidou, est professeur d’espagnol, tandis que
sa mère, Marie-Louise Pompidou née Chavaignac, est institutrice. Peu après la nais-
sance de leur fils, ils s’installent à Albi, où Georges Pompidou passe son enfance et
son adolescence. Il quitte Albi après le lycée, en 1929, et entre en hypokhâgne au
lycée de Toulouse. L’année suivante il rejoint la khâgne du lycée Louis-le-Grand à
Paris.
9
Arch. nat., 5AG2/1088.
24
Entre classicisme et modernité
25
Georges Pompidou et la culture
12
Cet intérêt pour les arts contemporains est souvent mentionné par ses collaborateurs
ou amis. Voir notamment le témoignage d’André Bettencourt (réalisé par Noëlline
Castagnez-Ruggiu et Armelle Demagny, 17 janvier 2000, Arch. nat. – AGP,
1AV582), et de Jean-Louis Prat (réalisé par Frédéric Turpin, 21 janvier 2001, Arch.
nat. – AGP, 1AV897).
13
Arch. nat., 5AG2/1088.
14
Premier roman d’Yves Berger et prix Fémina en 1962, Le sud porte sur la Virginie
d’avant la guerre de Sécession. Les livres cités ici par Georges Pompidou ont tous
deux trait à la culture nord-américaine.
15
Sur les relations de Georges Pompidou avec André Malraux, voir le chapitre 2 de la
partie II de cet ouvrage.
26
Entre classicisme et modernité
mettre sur le même plan Sartre ou Saint-John Perse. Je m’en tiens aux
anciens par facilité et par prudence.
Question : Vos œuvres de chevet ?
Georges Pompidou : La poésie, de Villon à Apollinaire en passant
par Racine, Baudelaire, Mallarmé. Ensuite, les Essais, les Confessions,
les Mémoires d’outre-tombe, Stendhal, Proust, Dostoïevsky. Et beau-
coup d’autres.
Question : Entrons dans votre musée imaginaire. Quels sont, à votre
avis, les deux plus grands peintres vivants ?
Georges Pompidou : Difficile. Picasso forcément. J’ai une bonne
dizaine de numéros deux. Mais croyez-vous que ces classements aient
un sens ?
Question : Pourquoi aimez-vous la peinture abstraite ?
Georges Pompidou : J’aime, ou du moins, j’essaie d’aimer la bonne
peinture. La peinture abstraite est un moment de la peinture, correspon-
dant à une forme de la sensibilité moderne. Je l’ai donc aimée. Cela ne
m’empêche nullement d’aimer des peintres plus récents et qui ne sont
pas abstraits ou pas uniquement : Martial Raysse ou Arman16, par
exemple. Un conseil, si vous me le permettez, allez voir l’exposition
Sonia Delaunay17. Cela devrait vous convertir à la peinture abstraite. Ou
alors, c’est que votre cas est désespéré.
*
* *
16
Le peintre Martial Raysse (1936) et le sculpteur Arman (1928-2005) appartiennent au
courant dit du « Nouveau Réalisme », qui émerge sur la scène artistique parisienne en
1960. Tournant le dos à l’abstraction qui domine la scène artistique depuis l’après-
guerre, ces artistes contestent la conception traditionnelle de l’œuvre d’art. Ils in-
tègrent régulièrement à leurs œuvres des objets de la vie courante, récupérés, défor-
més, et ouvrent ainsi l’art à la société de consommation.
Georges Pompidou se montre très réceptif envers ce mouvement artistique qui reven-
dique son inscription dans la société moderne. Selon les agendas tenus par Madeleine
Négrel (Arch. nat., 5AG2/1094), Georges Pompidou reçoit Martial Raysse à Mati-
gnon les 17 novembre 1965 et 24 février 1968. Il acquiert deux de ses œuvres.
17
Georges Pompidou fait ici référence à l’exposition alors en cours au Musée d’art
moderne de la Ville de Paris consacrée aux artistes Sonia et Robert Delaunay –
couple de peintres abstraits géométriques, représentatifs de l’École de Paris. Sonia
Delaunay est alors encore en vie. Une lettre de sa part figure dans les archives de
Georges Pompidou. Adressée au « Premier ministre et ami », elle lui demande de
revenir sur l’expulsion d’artistes étrangers ayant pris part aux événements de Mai
1968. (Lettre de Sonia Delaunay à Georges Pompidou, 9 juin 1968, fonds personnel
de la famille Pompidou aux Archives nationales.)
27
Georges Pompidou et la culture
18
Arch. nat., 5AG2/1058. Une note de Henri Domerg à Madeleine Négrel, datée du
9 janvier 1970, confirme que cette liste a été transmise au Président. Voir Arch. nat.,
5AG2/164.
Michel Bruguière (1938-1989), agrégé d’histoire et diplômé de l’École pratique des
hautes études, est un des fidèles conseillers de Georges Pompidou, chargé des ques-
tions culturelles et d’enseignement. Attaché au cabinet du Premier ministre de 1966 à
1969, il voit son champ de compétences s’élargir à l’Élysée. Chargé de mission puis
conseiller technique au secrétariat général de la Présidence, il a en charge la jeunesse
et le sport, le tourisme, les anciens combattants, la francophonie, ainsi que le secteur
des commerçants et artisans. Il conseille également le Président sur les livres à lire.
En 1974, il devient rapporteur du Haut comité de la langue française.
Voir la notice biographique de Henri Domerg à l’annexe n° 6.
19
Cette note peut faire référence aux séances de cinéma auxquelles Georges Pompidou
avait l’habitude de convier ses collaborateurs et amis. La plupart des témoins font
cependant remonter ces séances à la période de Matignon. Voir notamment les
témoignages de Anne-Marie Dupuy (réalisé par Véronique Pradier et Thierry de
Valence, 10 février 1998, Arch. nat. – AGP, 1AV320), André Holleaux (réalisé par
Noëlline Castagnez-Ruggiu, 4 juin 1996, Arch. nat. – AGP, 1AV95), Jean-Philippe
Lecat (réalisé par Noëlline Castagnez-Ruggiu et Anne Leboucher-Sebbab, 4 mai
1999, Arch. nat. – AGP, 1AV410), André Margenaux (réalisé par Jean-Pierre
Williot, 8 juin 1994, Arch. nat. – AGP, 1AV101), et Jacques Patault (réalisé par Jean-
Pierre Williot, 14 juin 1995, Arch. nat. – AGP, 1AV105).
La liste des films projetés lors de ces séances (telle qu’elle apparaît dans les agendas
tenus par Madeleine Négrel) témoigne du goût de Georges Pompidou pour le cinéma
contemporain, notamment pour la Nouvelle Vague française. Voir cette liste à
l’annexe n° 5.
28
Entre classicisme et modernité
20
Ces déclarations au Monde sont reproduites en intégralité à l’annexe n° 1.
21
Premier roman-collage, publié par Max Ernst en 1929, La Femme Cent Têtes est
considéré comme une œuvre phare du surréalisme. Georges Pompidou aurait décou-
vert ce livre par l’entremise de Julien Gracq, son condisciple à l’École normale supé-
rieure. Voir l’entretien de Julien Gracq réalisé par Jean-Pierre Williot et Martine
Boucli, 18 septembre 1995, Arch. nat. – AGP, 1AV89.
29
Georges Pompidou et la culture
22
Yves Klein (1928-1962), considéré comme le chef de file du « Nouveau Réalisme »,
est célèbre pour ses monochromes d’un bleu intense.
30
CHAPITRE 2
Une haute conception de la culture,
marquée par la « leçon » de Mai 68
1
Arch. nat. (Paris), 5AG2/1087.
31
Georges Pompidou et la culture
32
Une haute conception de la culture
33
Georges Pompidou et la culture
34
Une haute conception de la culture
6
Créée en février 1953 par Henri Filippachi, la collection du Livre de Poche propose,
à un prix modique et donc à un large public, des textes littéraires classiques et mo-
dernes.
7
Julien Gracq (1910-2007), de son vrai nom Louis Poirier, rencontre Georges
Pompidou alors qu’ils étudient tous deux à l’École normale supérieure de la rue
d’Ulm. Agrégé d’histoire, écrivain reconnu mais discret (il refuse en 1951 le prix
Goncourt pour Le rivage des Syrtes), il continue à fréquenter Georges Pompidou, se
rendant régulièrement aux réunions d’anciens camarades que ce dernier organise.
35
Georges Pompidou et la culture
36
Une haute conception de la culture
8
Ces peintres, tous européens et proches de l’École dite de Paris, représentent diffé-
rents courants de l’abstraction. Piet Mondrian (1872-1944), Robert Delaunay (1885-
1941), Franz Kupka (tchécoslovaque, 1871-1957) et Paul Klee (1879-1940) sont con-
sidérés comme des pionniers de la peinture abstraite, qu’ils expérimentent, à
l’exception de Paul Klee, à Paris dans la première moitié du XXe siècle. Nés peu
avant ou pendant la Première Guerre mondiale, les peintres Otto Wols (1913-1951) et
Nicolas de Staël (1914-1955), également actifs à Paris dans l’entre-deux-guerres puis
après-guerre, poursuivent cette aventure abstraite, s’écartant de l’abstraction géomé-
trique au bénéfice d’un style plus gestuel ou « lyrique ».
9
Voir la notice biographique de Martial Raysse, note 16 p. 27.
10
Le Pop Art émerge dans les pays anglo-saxons au cours des années 1950. Contre la
peinture abstraite qui domine la scène artistique depuis l’après-Seconde Guerre mon-
diale, les artistes Pop s’approprient le langage visuel de leur époque, intégrant sou-
vent à leurs œuvres objets du quotidien et éléments d’une culture populaire et triviale.
Le succès rencontré par certains de ces artistes, au premier rang desquels Andy War-
hol, atteste de la portée de ce mouvement artistique, véritable phénomène de société
et symbole des années 1960-1970.
11
L’Op Art ou Art Optique désigne un courant artistique, apparu au milieu des années
1960, qui vise à créer une sensation optique de mouvement chez le spectateur, sans
qu’il y ait pour autant un mouvement réel de l’œuvre ou de la part du spectateur.
Georges Pompidou aura à cœur de soutenir plusieurs artistes rattachés à ce mouve-
ment, tels Nicolas Schöffer, dont il admire le projet de tour cybernétique, Julio le
Parc ou Yaacov Agam, à qui il commandera le salon de l’Élysée (voir p. 114).
37
Georges Pompidou et la culture
12
Cette vision de l’artiste « génie » se retrouve à plusieurs reprises dans les discours de
Georges Pompidou. Voir notamment le texte suivant, consacré à Baudelaire, ainsi
que l’entretien qu’il accorde à l’ORTF, le 21 octobre 1971, lors de la visite de
l’exposition Picasso au Louvre (entretien diffusé au journal de 20 h). Il y souligne le
génie de l’artiste : « Si l’on veut comparer les écoles d’artistes disons à des chaînes
de montagnes avec des sommets plus ou moins hauts, […] Picasso ne fait pas partie
d’une chaîne, il est une espèce de volcan qui est sorti tout seul, isolé. Il y a tous les
autres et puis il y a Picasso, voilà. Alors comme les volcans d’ailleurs il est en acti-
38
Une haute conception de la culture
*
* *
Invité à prendre la parole lors d’un colloque universitaire
consacré à Baudelaire, à Nice, Georges Pompidou, alors
Premier ministre, dresse un portrait idéal de l’artiste moderne,
qu’incarne pour lui ce poète.
*
Extraits d’une allocution de Georges Pompidou
27 mai 196713
[…] Ce qu’est Baudelaire pour moi. […] Un poète qui a exprimé
aussi bien que personne et mieux que presque tous les thèmes de
l’éternelle poésie. […] Mais c’est aussi, c’est avant tout peut-être […]
quelqu’un qui a, le premier, dans l’expression de ces thèmes éternels,
parlé le langage, traduit les préoccupations et la sensibilité de l’homme
moderne […] un homme qui a reçu une éducation et une formation
traditionnelles, celles que nous avons reçues, celles que nous transmet-
tons encore pour l’essentiel mais qui, du fait du bouleversement des
connaissances et des mœurs, se trouve confronté, sans y avoir été prépa-
ré, avec un univers qui ne ressemble plus du tout à celui qu’on lui a
appris. […] Baudelaire, plus que du XIXe siècle, est un homme du
e
XX siècle […qui] refuse les certitudes de l’optimisme scientiste. […]
Déchiré entre le regret d’un passé aboli et le vidé créé et que rien, pour
lui, ne vient remplir, il se trouve dans l’angoisse et dans l’impossibilité
de donner une réponse aux questions fondamentales. […]
S’il regarde en arrière, c’est pour constater que le passé est irrémé-
diablement détruit, que l’homme a atteint le point de non-retour. Et c’est
pourquoi, logiquement, Baudelaire, conscient, n’a pu mourir que déses-
péré. C’est ce drame qui me semble être le nôtre et celui du monde
actuel. Dans un univers où tout a été remis en question et qui ne nous
apporte aucune réponse rationnelle pleinement satisfaisante, comment
échapper à la tentation de l’absurde ? Comment croire à l’action si elle
n’est pas la sœur du rêve ? Sur quoi fonder solidement une morale, qu’il
vité, en activité bouillonnante en permanence. C’est presque plus qu’un peintre, c’est
un perpétuel créateur, tout ce qu’il touche est différent après qu’avant, un crâne de
chèvre, un visage de femme, […] une table, une chaise. Tout est modifié par lui :
c’est un vrai créateur, un vrai transformateur, d’une perpétuelle vitalité, d’une perpé-
tuelle mobilité, d’un perpétuel renouvellement. C’est une sorte de monstre sacré de
l’art. » (INA, Journal de 20 h, ORTF, 21 octobre 1971).
13
Ce colloque consacré à Baudelaire est organisé par la faculté des Lettres et Sciences
humaines de Nice, du 25 au 27 mai 1967, à l’occasion du centenaire de la mort du
poète. L’allocution de Georges Pompidou vient clore les trois jours de colloque.
Arch. nat., 5AG2/1087.
39
Georges Pompidou et la culture
14
Sur la coopération culturelle, voir p. 199.
15
Discours prononcé par Georges Pompidou à l’occasion de l’inauguration du nouveau
bâtiment de l’UNESCO, 17 mars 1970, Arch. nat., 5AG2/1089. Fondée en 1945,
l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)
est, dès sa création, installée à Paris. Le siège permanent de l’organisation, place
Fontenoy, est inauguré en 1958. Trois autres bâtiments viennent par la suite complé-
ter le premier édifice, à l’architecture résolument moderne.
40
Une haute conception de la culture
41
Georges Pompidou et la culture
42
Une haute conception de la culture
43
Georges Pompidou et la culture
[…] Il me semble que c’est d’une autre Europe [autre que politique ou
économique] que s’affirme le besoin et que j’appellerai une Europe des
esprits. […] Ce qu’il faut c’est que nos peuples, nos dirigeants, nos
intellectuels, nos philosophes, nos églises élaborent dans la liberté de
pensée et d’imagination, mais aussi dans la fidélité à quelques notions
morales et sociales essentielles, une conception moderne de la vie et de
la civilisation. […] Nous avons besoin d’une Renaissance, dont sortent
renouvelés les principes et les règles d’une vie individuelle aussi bien
que les rapports sociaux, que les rapports entre peuples et continents,
que les croyances fondamentales de l’homme et les cadres de leur
expression. […] La première Renaissance fut européenne. La nouvelle
devrait l’être. […] Il s’agit enfin – et ce sera le plus difficile – de recréer
une espérance qui dépasse la simple recherche de l’amélioration du
niveau de vie17.
*
* *
Interrogé par le magazine Réalités, Georges Pompidou
revient sur la notion de Renaissance qu’il appelait de ses vœux.
Il insiste sur les atouts de l’Europe, et de la France, en ce
domaine.
17
Après Mai 1968, Georges Pompidou souligne à plusieurs reprises le rôle essentiel,
moral et métaphysique, que doit selon lui jouer la culture dans une société de con-
sommation. Il déclare ainsi, lors d’un discours prononcé à Strasbourg, le 12 avril
1969, sur le thème de la jeunesse : « La poursuite du confort ne peut pas suffire et
n’emplit pas les âmes. […] À mes yeux du moins, le fond du problème aujourd’hui,
c’est le contraste et même l’abîme entre d’une part l’immense pouvoir que l’homme
a conquis sur l’univers par le progrès scientifique et technique et d’autre part la stag-
nation de l’individu du point de vue moral. […] C’est dans l’individu qu’il faut cher-
cher la solution. […] Il faut réintroduire parmi nous la notion d’idéal. »
Cette idée est également reprise dans Le nœud gordien : « je suis convaincu que la
France et l’Europe ont un rôle à jouer déterminant [pour trouver une solution à cette
crise de civilisation]. […] Je ne dis pas cela par vanité nationale ni même euro-
péenne. Je le dis parce que je crois que le malaise de la société moderne résulte en
grande partie d’une réaction contre les sociétés de type soviétique ou américain con-
sidérées, plus encore inconsciemment que consciemment, comme ne répondant pas
aux besoins de tout ordre de l’homme tel que l’Occident européen l’a forgé au cours
des siècles. La plupart des valeurs sur lesquelles reposait notre société et que chaque
individu acceptait en fait dans son mode de vie, sinon dans sa claire raison, sont re-
mises en cause ou paraissent l’être », Georges Pompidou, Le nœud gordien, Paris,
Plon, 1974, p. 175-176.
Jean-Louis Prat souligne également l’influence de Mai 68 sur Georges Pompidou. Il
décrit le Président comme étant, devant un artiste, « attentif à la personnalité en face
de lui, [au] sens de l’individualité ; ce sens de la liberté que chacun devait avoir était
une marque du XXe siècle – Mai 68 l’avait certainement profondément marqué – […]
il le retrouvait […] dans l’art de ce siècle ». Témoignage de Jean-Louis Prat réalisé
par Frédéric Turpin, 21 janvier 2004, Arch. nat. – AGP, 1AV897.
44
Une haute conception de la culture
*
Extrait d’une interview de Georges Pompidou à Réalités
14 avril 197018
Georges Pompidou : J’ai dit qu’il fallait une Renaissance […]. Ce
que j’ai voulu dire, c’est que notre société actuelle ressemble à celle de
la fin du Moyen Âge, c’est-à-dire au moment où les structures, les
croyances et les hiérarchies, ont été mises en question, voire détruites ;
c’est pratiquement la fin du XVe siècle. Elles ont été mises en question
par les découvertes, par les inventions, par un mouvement intellectuel,
technique, et autre, qui, toutes proportions gardées, ressemble beaucoup
au nôtre.
Alors, j’ai parlé de Renaissance au sens de tentative – tentative
d’ailleurs jusqu’au début du XVIIe siècle – pour recréer des structures,
des hiérarchies, et créer une certaine conception de l’homme. […]
Après quoi, il faut bien le dire, je crois qu’à l’heure actuelle, c’est
cette société, sortie de la Renaissance, qui est discutée, ce sont ses
structures, ses hiérarchies, sa conception de l’homme, qui sont mises en
cause, ce qui fait que lorsque je dis qu’on a besoin d’une Renaissance, je
veux dire qu’on a besoin de refaire le travail qu’avait fait la Renaissance
pour recréer des structures, des hiérarchies, et une morale sociale et
individuelle. […]
Réalités : J’oppose cela à l’idée qu’on est entré dans une ère de révo-
lution permanente, dans laquelle les choses vont se retrouver perpétuel-
lement mises en cause, sans limite, si vous voulez. Vous vous rappro-
chez plutôt de quel sentiment ? Est-ce que vous pensez que nous avons
plutôt une période dure à traverser et que nous allons partir sur d’autres
bases, ou bien alors qu’on est entré dans une ère de modifications
permanentes ?
Georges Pompidou : Je pense que la vie, c’est le mouvement, et
que, par conséquent, de toutes manières, il ne peut pas y avoir de stabi-
lité. D’ailleurs, quand on prend les hommes, disons, conservateurs, les
conservateurs de toutes les époques, ils dénoncent toujours les catas-
trophes. […]
Alors, je crois qu’en effet on voit perpétuellement des agitations, des
révolutions… c’est un peu un grand mot, mais enfin des mutations, pour
employer encore un terme du jargon actuel […], mais personnellement
je ne le crois pas tout à fait. Je crois que, malgré l’accélération de
l’histoire, malgré les changements certainement plus rapides qu’il faut
prévoir, si l’on arrive – comme cela me paraît logique, et en tout cas
18
Arch. nat., 5AG2/1089.
45
Georges Pompidou et la culture
19
Arch. nat., 5AG2/1089.
46
Une haute conception de la culture
47
Georges Pompidou et la culture
20
Les artistes cités par Georges Pompidou appartiennent aux successives avant-gardes
américaines de l’après-Seconde Guerre mondiale, de l’Expressionnisme abstrait des
années 1940 (représenté par Adolph Gottlieb, Willem de Kooning, Jackson Pollock
ainsi que par Mark Tobey, légèrement plus âgé que ces artistes mais souvent considé-
ré comme un de leurs précurseurs) puis des années 1950 (Sam Francis), à l’abstrac-
tion dite minimaliste (à laquelle est souvent rattaché Ellsworth Kelly) et au Pop art
(que préfigure Robert Rauschenberg, seul artiste non abstrait parmi ceux cités ici).
Comme l’attestent les notes concernant l’exposition 72/72, Georges Pompidou n’est
pas sans ignorer les liens qui rattachent certains de ces peintres américains à l’Europe
(Mark Tobey s’est ainsi établi en Suisse, alors que Ellsworth Kelly et Sam Francis
ont séjourné plusieurs années à Paris).
21
Les écrivains cités par Georges Pompidou, même s’ils sont encore en activité dans
les années 1950-1960, sont nés au début du siècle et se sont fait connaître durant
l’entre-deux-guerres, époque à laquelle leurs noms demeurent, pour la plupart, atta-
chés.
48
CHAPITRE 3
La défense d’un enseignement de culture
générale en prise avec son époque
1
Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, Paris, Flammarion, 1982, p. 20-21.
2
Après avoir passé l’agrégation de Lettres, et une fois achevé son service militaire,
Georges Pompidou est affecté au lycée Saint-Charles de Marseille (en 1935) puis au
lycée Henri IV de Paris (en 1938).
3
Voir à ce sujet la communication de Rémy Rioux, « Du normalien au jeune ensei-
gnant », dans Jean-Claude Groshens et Jean-François Sirinelli (dir.), Culture et action
chez Georges Pompidou, op. cit., p. 23-44.
49
Georges Pompidou et la culture
50
La défense d’un enseignement de culture générale
7
Georges Pompidou fait ici référence au chanteur Antoine. Ses « élucubrations »,
sorties en 1966, qui tournent ouvertement en dérision la culture française de
l’époque, autant que son style provocateur ramené des États-Unis (il porte cheveux
longs, chemises à fleurs et pantalons « pattes d’ef ») expliquent son succès auprès
d’une partie de la jeunesse.
51
Georges Pompidou et la culture
8
Le 20 juin 1963, Georges Pompidou souligne que l’une des principales missions de
l’Éducation nationale est « de maintenir la tradition française de la culture générale ».
Il ajoute : « Notre école doit se préoccuper en toute circonstance de former non pas
seulement des spécialistes et des techniciens, mais des spécialistes et des techniciens
qui soient aussi des hommes ayant reçu une culture, un enseignement d’ensemble
conforme à la tradition de l’Occident et de la France. » Débat parlementaire du
20 juin 1963, Journal Officiel.
9
Discours prononcé par Georges Pompidou à l’Assemblée nationale, 19 mai 1965,
Arch. nat., 5AG2/1087.
52
La défense d’un enseignement de culture générale
10
À son ancien camarade de classe devenu professeur de lettres, Roger Ikor, qui l’alerte
sur la menace pesant sur l’« option classique », Georges Pompidou répond : « Ne
crois-tu pas que depuis de nombreuses années trop d’élèves étudient les langues an-
ciennes, sans aucun profit pour eux ? » Voir la lettre de Georges Pompidou à Roger
Ikor, 6 juillet 1965, citée dans Éric Roussel, Georges Pompidou, 1911-1974, Paris,
J.-C. Lattès, 1994, p. 645-646.
Georges Pompidou se montre nettement plus mesuré lors de la conférence de presse
qu’il donne à l’occasion de son voyage à Dakar en février 1971. Il souligne ainsi
l’absence de contradiction entre études littéraires et scientifiques, approuvant la dé-
marche de son hôte et ancien camarade, le Président Léopold Sédar Senghor, qui
« entend donner et garder aux études littéraires et en particulier au latin, une place
importante ». Georges Pompidou ajoute cependant « que l’enseignement scientifique
et l’enseignement mathématique sont extrêmement importants, désormais ». Voir le
texte reproduit p. 213.
53
Georges Pompidou et la culture
11
Allocution prononcée devant l’Asssemblée générale des anciens élèves du lycée
d’Albi, 5 avril 1970, Arch. nat., 5AG2/1089, et reproduite en intégralité dans
Georges Pompidou, Entretiens et discours, 1968-1974, Paris, Plon, 1975, p. 219-225.
54
La défense d’un enseignement de culture générale
J’ajoute que les méthodes aussi ne peuvent pas ne pas évoluer. […]
Entre l’invention de l’imprimerie et le début du XXe siècle, le monde a
vécu dans la civilisation de l’écrit et la lecture, l’écriture était pour
l’enfant, pour le jeune homme le moyen normal d’accéder à la culture et
même à la connaissance. Or, aujourd’hui, avec le développement de la
radio, de la télévision, […] nous avons des garçons et des filles pour qui
l’écrit ou la lecture représentent un effort et pour qui, en revanche,
l’assimilation par l’image et par le son est toute naturelle. […]
[Georges Pompidou plaide en conséquence pour une nécessaire ré-
forme de l’enseignement secondaire, avant d’aborder des points parti-
culiers, notamment celui de l’enseignement du latin.]
[…] Il y a le problème du latin qui préoccupe beaucoup de ceux qui
sont ici pour qui le latin était une chose sacrée. Je ne pense pas être
suspect d’être l’ennemi de la culture gréco-latine, mais il est évident que
le problème de cette culture ne peut pas se poser aujourd’hui comme il
se posait il y a trente ans […]. On peut considérer le latin – au même
titre que le grec – comme une forme de culture particulière ; dans ce cas
il n’y a aucune raison de commencer le latin en sixième […]. Mais si on
considère, d’une part, que le latin est une façon de mieux connaître le
français, d’imposer une meilleure connaissance de la grammaire et de la
syntaxe, de faire comprendre la langue française précisément parce
qu’elle est différente de la langue latine, si l’on considère, d’autre part,
que la version latine est un exercice de raisonnement, […] alors le latin
au contraire, à mon sens, devrait être enseigné dès la sixième. Je ne
choisis pas, je dis simplement que je voudrais qu’on pose le problème et
qu’on le pose en termes réels.
[Georges Pompidou aborde ensuite le problème de la réforme du
baccalauréat.]
[…] J’ai pris ces deux exemples, il y en aurait bien d’autres pour
montrer que l’enseignement secondaire est vraiment la base même de
notre université. […] C’est pourquoi il importe de sauver cet enseigne-
ment secondaire, de le remettre au goût du jour, de ne pas le laisser se
défaire, se déliter en quelque sorte dans l’incertitude sur ce qu’il doit
être et ce à quoi il prépare. […]
55
DEUXIÈME PARTIE
CULTURE ET POLITIQUE :
L’ÉVOLUTION D’UNE ACTION
CHAPITRE 1
De la culture à la politique
59
Georges Pompidou et la culture
60
De la culture à la politique
3
André Malraux, Les noyers de l’Altenburg, Paris, Gallimard Folio, 1997, p. 44.
4
On retrouve ce même questionnement du lien entre littérature et action, dans sa
description de Léopold Sédar Senghor, son ancien condisciple de khâgne devenu pré-
sident du Sénégal. De même qu’il souligne chez André Malraux le lien entre la voca-
tion littéraire et l’engagement politique, Georges Pompidou loue, chez Léopold Sédar
Senghor, « l’alliance féconde du poète et de l’homme d’État [qui] a fait mentir Bau-
delaire selon lequel “l’action n’est pas la sœur du rêve” ». Toast porté par Georges
Pompidou lors de sa visite officielle au Sénégal, Dakar, 6 février 1971. Le texte est
reproduit p. 212.
5
Après-guerre, André Malraux et Georges Pompidou travaillent tous deux auprès du
général de Gaulle, le premier comme ministre de l’Information, le second au cabinet
du Général. Le 27 décembre 1949, Georges Pompidou envoie ses vœux à André
Malraux. Il écrit : « 1950 est là mais 1949 sera pour moi une année qui compte
puisque elle m’aura permis de mieux connaître André Malraux, et peut-être de
pouvoir me dire son ami. » Lettre manuscrite de Georges Pompidou à André Malraux,
Fonds André Malraux, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.
À la fin des années 1950, les Malraux et les Pompidou entretiennent des relations
amicales. Voir Alain Malraux, Les marronniers de Boulogne, Paris, Plon, 1978,
223 p.
61
Georges Pompidou et la culture
6
Malraux, extraits choisis, Paris, Hachette/Classiques illustrés Vaubourdolle, 1955,
95 p. Sur les relations entre Georges Pompidou et André Malraux, voir le chapitre 2
de la partie II.
Georges Pompidou a également rédigé chez Hachette la présentation de trois autres
ouvrages : Racine, Britannicus, Classiques France, 1944, 121 p., Taine, Les origines
de la France contemporaine, extraits, Classiques illustrés Vaubourdolle, 1947, 96 p.
et Taine, Pages choisies, Classiques illustrés Vaubourdolle, 1953, 96 p.
7
Georges Pompidou fait ici référence aux principaux ouvrages d’André Malraux : La
Condition humaine, Paris, Gallimard, 1959 ; L’Espoir, Paris, Gallimard, 1937 ; et les
trois volumes qui composent Le Musée imaginaire, Paris, Georges Lang, 1952-1954.
Voir la notice biographique d’André Malraux à l’annexe n° 6.
62
De la culture à la politique
8
Ce texte a été lu par Jacques Toja. D’après Madeleine Négrel, secrétaire particulière
de Georges Pompidou, celui-ci a été contacté en 1968 par la Comédie française pour
présenter une des soirées littéraires alors organisées par le Théâtre. Il aurait alors ré-
gulièrement rencontré Jacques Toja afin d’élaborer le programme de la soirée, avant
le lancement de la campagne présidentielle. Engagé dans la campagne électorale,
Georges Pompidou renonce finalement à participer à cette soirée. Voir l’entretien de
Madeleine Négrel (réalisé par Bernard Lachaise et Noëlline Castagnez-Ruggiu,
16 mars 2000, Arch. nat. – AGP, 11AV223).
Jacques-Camille Toja (1929-1996), comédien de théâtre et acteur de cinéma, est
membre de la Comédie française de 1953 à 1957. Il y entre de nouveau en 1959, et
en devient rapidement un des sociétaires.
9
Maurice Escande (1892-1973), comédien de théâtre, entre à la Comédie française
après avoir étudié au Conservatoire de Paris. Nommé doyen de la Société des Comé-
diens-Français en 1956, il devient en 1960 administrateur général du Français. Il
remplace alors Claude de Boisanger, révoqué par André Malraux. Il continue
d’occuper ce poste à titre honorifique après 1970.
10
Il s’agit du « Sonnet au lecteur » paru en 1840 dans les Poésies nouvelles.
63
Georges Pompidou et la culture
et en tout cas de l’idéal. D’ailleurs, les poètes qui se sont risqués dans la
politique y ont rarement réussi, que ce soit Lamartine, ou même Hugo,
ou encore Chateaubriand11. Les uns comme les autres ont été condamnés
très vite à se trouver dans l’opposition, ce qui en politique est le signe de
l’échec. Non pas que l’opposition soit une attitude critiquable, mais
enfin celui qui accepte les inconvénients de la vie politique, ses servi-
tudes, ses responsabilités, ses salissures et parfois ses risques, le fait
pour agir, pour imprimer sa marque aux événements, en un mot pour
gouverner. Passer sa vie dans l’opposition est pour un homme politique
ce que serait pour un poète se condamner à lire et à juger les vers des
autres. En somme, l’opposition est vouée à faire des anthologies. On
serait donc tenté d’évoquer les vers de Baudelaire :
Certes, je sortirai quant à moi satisfait
D’un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve.
Puissé-je user du glaive et périr par le glaive
Saint Pierre a renié Jésus : il a bien fait12.
et de conclure qu’il y a incompatibilité entre l’action, dont la politique
devrait être la forme la plus haute, et le rêve dont la poésie est une
expression privilégiée.
Et pourtant, si nous nous reportons aux sources, je veux dire au grec,
et que nous cherchions la traduction du verbe « faire » nous trouverons
11
Défenseur d’idées libérales et progressistes, Victor Hugo (1802-1885) est élu à
l’Assemblée constituante puis à l’Assemblée législative sous la IIe République. En
1851, il tente de résister au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Rapidement
contraint à l’exil, il publie une série de pamphlets contre le nouveau Napoléon III,
dénonçant son autoritarisme. Ces poèmes d’exil sont publiés en 1853 sous le titre des
Châtiments. Il ne rentre en France qu’à la chute de ce dernier, après presque vingt ans
d’exil. Élu député sous la IIIe République, il démissionne de son poste et se retire de
la vie politique.
Alphonse de Lamartine (1790-1869) s’engage dans la vie politique sous la Monar-
chie de Juillet. Élu député en 1833, il défend des idées progressistes, dénonçant
notamment les conditions de vie de la classe ouvrière. En février 1848, il prend la
tête du gouvernement provisoire mais démissionne en juin 1848 suite à la répression
de la révolte ouvrière. Candidat malheureux à l’élection présidentielle de décembre
1848, il se retire définitivement de la vie politique suite au coup d’État de Napoléon.
Exilé durant la Révolution française, un temps engagé dans l’armée royaliste formée
par les émigrés, François-Auguste-René de Chateaubriand (1768-1848) vit une vie de
clandestin et de voyageur avant de rentrer en France sous Napoléon. Nommé à
l’ambassade de France à Rome en 1803, il démissionne de ce poste l’année suivante,
en mesure de protestation contre les agissements du régime napoléonien. Il renoue
avec la politique sous la Restauration, à la Chambre des Pairs puis comme diplomate
et ministre des Affaires étrangères. Il se retire de la vie publique peu avant la révolu-
tion de 1830.
12
Georges Pompidou cite ici « Le reniement de Saint Pierre » tiré des Fleurs du mal.
64
De la culture à la politique
13
Discours de Winston Churchill, Premier ministre, à la Chambre des Communes le
13 mai 1940.
14
Georges Pompidou cite ici deux discours prononcés par le général de Gaulle sur la
BBC, appelant les Français à la résistance lors de la Seconde Guerre mondiale (dis-
cours des 13 juillet 1940 et 11 novembre 1941).
65
Georges Pompidou et la culture
15
Georges Pompidou fait ici référence à Elsa Triolet, l’épouse du poète Louis Aragon,
dont il apprécie particulièrement l’œuvre.
66
De la culture à la politique
67
Georges Pompidou et la culture
16
On retrouve ici la haute conception que Georges Pompidou se fait de l’artiste. Voir
p. 31.
68
De la culture à la politique
69
CHAPITRE 2
André Malraux, ministre des Affaires culturelles
de Georges Pompidou
1
Le ministère d’État aux Affaires culturelles est créé en 1959 avec pour mission de
« rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au
plus grand nombre de Français, d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine
culturel et de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enri-
chissent » (décret du 24 juillet 1959 rédigé par André Malraux). André Malraux oc-
cupe ce poste de la date de sa création à 1969.
Selon plusieurs témoignages, ce poste aurait été créé pour André Malraux à la de-
mande du général de Gaulle. Les instructions du Général à Michel Debré, alors Pre-
mier ministre, mentionnent : « Il vous sera utile de garder Malraux. Taillez pour lui
un ministère, par exemple un regroupement des services que vous pourrez appeler
Affaires culturelles ; Malraux donnera du relief à votre gouvernement. » Cité dans
l’article « Ministère de la Culture », dans Emmanuel de Waresquie (dir.), Diction-
naire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, Larousse/CNRS Édi-
tions, 2001, p. 404. La médiation de Georges Pompidou, alors directeur de cabinet du
Général, aurait facilité la création de ce poste pour André Malraux. Voir Philippe
Poirrier, L’État et la culture, Paris, Livre de Poche, 2000, p. 71.
2
Madeleine Négrel évoque ainsi les « conversation[s] artistique[s] et littéraire[s] »
entre les deux hommes. Entretien de Madeleine Négrel réalisé par Bernard Lachaise
et Noëlline Castagnez-Ruggiu, 28 septembre 1999, 8 et 18 mars 2000, Arch. nat. –
AGP, 1AV603-605.
Georges Pompidou porte également une certaine admiration à l’égard de la personna-
lité d’André Malraux, comme le laisse entendre la lettre qu’il lui adresse en 1949.
3
Georges Pompidou continue de s’intéresser à ces secteurs une fois élu Président.
71
Georges Pompidou et la culture
4
André Holleaux (1921) : entré au Conseil d’État en 1946, André Holleaux participe à
plusieurs cabinets ministériels avant de devenir directeur de cabinet d’André
Malraux, ministre d’État aux Affaires culturelles de 1962 à 1965. Il est ensuite
directeur général du Centre national de la cinématographie française (1965-1969)
puis président du Conseil administratif supérieur de la Ville de Paris (1971-1977).
Entretiens avec Noëlline Castagnez-Ruggiu, Arch. nat. – AGP, 1AV95-96.
5
Devenu Premier ministre, Georges Pompidou rénove Matignon à son goût : il fait
changer une partie du mobilier et installer de nouvelles œuvres d’art. Parmi celles-ci
figure une toile du peintre abstrait Soulages, emprunté au Musée national d’art mo-
derne. Voir le témoignage de Pierre Soulages in Georges Pompidou, un homme de
culture, op. cit. ainsi que l’entretien de Madeleine Négrel, op. cit.
6
André Holleaux évoque ainsi, au cours de ce même entretien, une lettre de Georges
Pompidou à André Malraux concernant l’aménagement des quais de Seine.
72
Malraux, ministre des Affaires culturelles
7
Ces fiches sont malheureusement introuvables dans les fonds, privés ou publics,
versés aux Archives nationales.
8
Voir le document suivant à ce sujet.
9
Voir la communication de Philippe Urfalino dans Georges Pompidou, homme de
culture, op. cit., p. 87-92. Philippe Urfalino y cite le témoignage d’Alain Peyrefitte,
selon lequel la convergence entre les deux hommes, en matière de politique cultu-
relle, était loin d’être totale.
73
Georges Pompidou et la culture
74
Malraux, ministre des Affaires culturelles
14
Si le nombre de festivals augmente de façon significative sous la Ve République,
Georges Pompidou mentionne ici des festivals prestigieux, créés peu après la guerre :
le festival d’Avignon, consacré à l’art dramatique, naît en 1947 ; les festivals de mu-
sique de Besançon et d’Aix-en-Provence (consacré à l’art lyrique) voient le jour en
1948 ; le Mai musical de Bordeaux en 1950 ; le festival de Sarlat consacré aux « jeux
du théâtre » est créé en 1952.
15
Sur l’intérêt de Georges Pompidou pour les questions d’architecture, voir le
chapitre 2 de la troisième partie.
16
Les monuments historiques, publics ou privés, sont protégés par la loi du 31 dé-
cembre 1913, qui concerne les édifices classés ou inscrits à l’Inventaire. La loi du
2 mai 1930, protégeant les sites présentant un intérêt artistique, historique ou scienti-
fique, reprend la même logique de classement et protection.
17
Henry Bernard (1912-1994), inspecteur général des Bâtiments civils et palais
nationaux, est notamment l’auteur de la Maison de la radio à Paris et du Palais de
l’Europe à Strasbourg.
Fernand Pouillon (1912-1986), d’abord connu pour sa participation à la reconstruc-
tion du Vieux-Port à Marseille (1951-1955), pour laquelle il est associé à Auguste
Perret, conçoit dans les années 1950 plusieurs cités et ensembles de logements, en
Algérie, puis en région parisienne.
Guillaume Gillet (1912-1987), architecte apprécié de Georges Pompidou, est notam-
ment l’auteur du pavillon de la France à l’Exposition internationale de Bruxelles
(1956-1958) et de l’église Notre-Dame-de-Royan (1954-1958).
75
Georges Pompidou et la culture
76
Malraux, ministre des Affaires culturelles
*
Note d’André Malraux à Georges Pompidou
17 avril 196721
Ainsi que je vous l’ai exposé dans la note que je vous ai récemment
transmise, la mission du ministère des Affaires culturelles ne pourra être
pleinement remplie que lorsque ce département aura été mis à même de
coordonner les activités culturelles de l’État et d’agir directement ou en
coopération avec d’autres départements dans tous les domaines – tels
que par exemple l’enseignement artistique dans l’enseignement général
– qui le concernent au premier chef.
La définition du rôle respectif du ministère des Affaires culturelles et
d’un certain nombre d’autres départements – essentiellement l’Éduca-
tion nationale, les Affaires étrangères, l’Information, la Jeunesse et les
Sports et l’Équipement – serait considérablement facilitée si votre
cabinet voulait bien prendre l’initiative de réunions au cours desquelles
les problèmes ainsi posés pourraient être analysés et les points de vue
confrontés ; ces réunions seraient précédées d’échanges directs entre
mes représentants et ceux des autres départements concernés.
Une réunion de ce type pourrait être d’ores et déjà organisée avec le
ministère de l’Équipement. Par ma lettre du 23 mars dernier, je vous ai
en effet rendu compte des conversations préparatoires que mes représen-
tants ont eues avec ceux de ce département.
*
* *
Henri Domerg déjeune avec André Malraux le 22 mars 1967.
Il adresse le 27 avril une note à Georges Pompidou, résumant
ses échanges avec le ministre des Affaires culturelles. Il y fait
mention d’un conseil restreint « ou plutôt [d’]une conversation
entre le président de la République, M. Malraux, M. Debré et
vous », prévu à l’Élysée le 17 mai, à l’issue du Conseil des mi-
nistres. La note suivante prépare cette réunion.
77
Georges Pompidou et la culture
*
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou
16 mai 196722
Cette réunion semble devoir porter :
1 – sur des problèmes d’organisation de l’action culturelle,
2 – sur des problèmes budgétaires,
les deux catégories étant liées.
Monsieur Malraux affirme que si des moyens d’une autre nature ne
lui sont pas donnés, il devra réviser les objectifs qu’il avait espéré
atteindre au cours des années dernières.
1. Problèmes d’organisation
Il s’agit d’examiner les rapports du ministère d’État avec plusieurs
ministères ou organismes à compétences voisines : Affaires étrangères,
Éducation nationale, Équipement, Jeunesse et Sports, ORTF. On peut
envisager :
a) Une coordination plus étroite.
Sur ce point, il me semble que pourrait être créé un organisme inter-
ministériel, fonctionnant comme le Comité interministériel de la re-
cherche scientifique ou de l’Aménagement du territoire ; cet organisme
pourrait être animé par le Premier ministre ou par le ministre des Af-
faires culturelles par délégation du Premier ministre.
Mais il conviendrait de lui donner des pouvoirs de décision. Cette
suggestion est faite d’ailleurs dans le rapport de la Commission du
Ve Plan d’équipement culturel23.
b) Des transferts de compétences.
Ceux-ci ne semblent souhaitables ni, surtout, réalisables dans aucun
des domaines mentionnés. En particulier, les travaux récemment con-
duits à propos de la lecture publique24 ne concluent pas à retirer ce
22
Cette note s’intitule « Préparation du conseil restreint du 17 mai 1967 », Arch. nat.,
574AP8.
23
André Malraux fait, dès 1959, entrer la politique culturelle dans le cadre de la
planification : une « Commission du patrimoine artistique et de l’équipement cultu-
rel » est créée afin d’établir un état des lieux, dégager les problèmes et proposer des
solutions à moyen terme. Le Ve Plan couvre la période de 1966 à 1970.
24
Henri Domerg fait ici référence aux travaux menés par le groupe de travail dirigé par
Étienne Dennery, dont le rapport fut remis à Georges Pompidou en février 1967. Ces
travaux sont entrepris suite à la création, à l’instigation de Georges Pompidou, d’un
Comité interministériel consacré à la lecture publique. Voir le témoignage d’Étienne
Dennery, p. 91.
78
Malraux, ministre des Affaires culturelles
25
Alain Peyrefitte est ministre de l’Éducation nationale d’avril 1967 à mai 1968. Voir
sa notice biographique à l’annexe n° 6.
26
Ministre de l’Agriculture de 1961 à 1966, Edgard Pisani (1918) est nommé ministre
de l’Équipement en 1966. Il est, à l’époque où Henri Domerg rédige cette note, dé-
missionnaire de ce poste.
François-Xavier Ortoli (1925-2008), ancien directeur de cabinet de Georges
Pompidou à Matignon (1962-1966), succède en 1966 à Edgard Pisani comme
ministre de l’Équipement et du Logement, avant d’être nommé à l’Éducation en
1968. Il est, sous la présidence de Georges Pompidou, ministre du Développement
industriel et scientifique (1969-1972) avant d’être nommé, en 1973, président de la
Commission des Communautés européennes.
27
Henri Domerg continue de suivre les débats sur la réforme de la profession d’archi-
tecture après 1969. Il adresse plusieurs notes à ce sujet à Georges Pompidou devenu
Président. Voir infra ainsi que les dossiers conservés aux Archives nationales sous
les cotes Arch. nat., 5AG2/161, 5AG2/1059, 5AG2/1060, 5AG2/1061 et 5AG2/1062.
Le traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne et visant à éta-
blir un marché commun, est signé le 25 mars 1957.
79
Georges Pompidou et la culture
28
Jean-René Bernard (1932), juriste de formation, diplômé de l’ENA, inspecteur des
Finances, rejoint le gouvernement en 1962, comme conseiller technique au cabinet de
Pierre Sudreau (ministre de l’Éducation nationale). Il est, de 1962 à 1968, chargé des
questions financières au cabinet de Georges Pompidou. Il suit ce dernier à l’Élysée,
comme conseiller technique chargé des Affaires économiques et financières et des
Affaires européennes (1969-1973) puis comme secrétaire général adjoint de la Prési-
dence (1973-1974). Il accède par la suite au poste d’inspecteur général des Finances.
80
Malraux, ministre des Affaires culturelles
d) Conclusions
Le ministère des Affaires culturelles est-il capable dès maintenant,
de mettre en œuvre une « politique de la culture » radicalement réno-
vée ?
C’est la question qu’il faut poser pour savoir si des moyens radica-
lement nouveaux peuvent être mis à sa disposition (indépendamment
des impératifs budgétaires généraux).
Ce ministère a un certain nombre de « têtes pensantes » dont les
idées sont à la fois hardies et raisonnables. Mais il faut être prudent, car
ces personnes n’ont pas les moyens en personnel nécessaires pour les
mettre en œuvre29.
Il convient donc, semble-t-il, de s’en tenir à une croissance modérée,
mais qui peut être cependant relativement plus forte que pour tels autres
secteurs (même, peut-être, que pour celui de l’Éducation nationale).
En somme, la politique suivie au cours des dernières années et no-
tamment des deux dernières, paraît suffisante même si, théoriquement,
on peut la considérer comme trop timide. Ce qui serait dommage en tout
cas, ce serait de décourager, en les obligeant à trop réduire leurs ambi-
tions, les dirigeants du ministère des Affaires culturelles, dont la réussite
est lente, mais nette.
Observations complémentaires
Monsieur Malraux souhaite faire une politique de la culture (dont il
faut créer les moyens) et non une politique des Beaux-arts (dont les
moyens cependant existent, et doivent continuer d’être gérés)30. Il
semble, ce qui est parfaitement normal et compréhensible, que cela
l’amène à négliger les moyens traditionnels, pour développer plutôt ce à
quoi il attachera son nom. Mais il faut bien en voir les conséquences.
Le neuf coûte très cher pour être bien fait. Le vieux coûte également
très cher à entretenir, et mal. On court donc un double risque :
– Si l’on donne à M. Malraux tout ce qu’il demande, il continuera de
négliger les théâtres lyriques (qui coûtent 8 millions, contre 6,12 aux
29
À sa création, le nouveau ministère des Affaires culturelles doit faire face à des
problèmes administratifs et notamment de recrutement. Ce problème est en partie
réglé par la venue de nombreux anciens fonctionnaires de l’Outre-mer, ayant perdu
leur poste suite à la décolonisation. Parmi les « têtes pensantes » qui permettent au
Ministère de mettre en œuvre ses premières actions figurent notamment Gaëtan
Picon, André Holleaux, Bernard Anthonioz. Voir à ce sujet, Philippe Poirrier, op. cit.,
p. 87.
30
Sous la IIIe et la IVe Républiques, le secrétariat d’État aux Beaux-arts, dépendant du
ministère de l’Éducation nationale, s’occupe de la vie artistique ; son rôle est limité,
notamment en matière de soutien à la création, et ses interventions se font par à-
coups, avec un budget très limité, sans définition d’une politique culturelle globale.
81
Georges Pompidou et la culture
Maisons de la culture !31) et aussi les archives, qui coûtent il est vrai
moins cher, mais qui suscitent la stupeur de l’étranger par leur ar-
chaïsme.
– Si on ne lui donne qu’une faible augmentation, il ne pourra ni faire
ce qui lui tient à cœur, ni, a fortiori, le reste.
Dans l’un et l’autre cas, il paraît donc indispensable que l’attention
personnelle du ministre et des membres de son cabinet soit attirée sur
l’importance qu’il y a à ne pas surcharger le ministère de secteurs d’acti-
vité nouveaux, avant qu’on ait rétabli l’ordre ou amélioré les conditions
de travail dans ceux dont il a la charge traditionnelle.
C’est donc d’une véritable définition de la politique de la culture
qu’il s’agit, mais sans qu’elle soit nécessairement liée à l’une ou l’autre
des solutions budgétaires.
*
* *
André Malraux plaide régulièrement pour une augmentation
de son budget : il n’hésite pas à faire appel au général de Gaulle,
pour appuyer ses demandes auprès de Georges Pompidou,
Premier ministre.
*
Note d’André Malraux à Georges Pompidou
19 mars 196832
Monsieur le Premier Ministre,
Voici mon projet de budget pour 1969. Je demande un budget qui ne
soit plus celui des Beaux-arts. Nous en sommes encore loin : les aug-
mentations des deux dernières années n’ont fait que rétablir le pourcen-
tage de mon budget par rapport à celui de l’État (0,4 %)33.
Bien que la somme demandée soit minime en valeur absolue et en-
core plus minime si on la rapproche du budget de l’État, je n’ignore pas
qu’elle peut difficilement m’être accordée dans le cadre des discussions
budgétaires normales. Il s’agit donc, avant tout, de savoir si le gouver-
nement entend traduire dans les moyens fournis à mon département la
différence de nature existant entre ses tâches et celles des secrétariats
d’État aux Beaux-arts auxquels il a succédé.
31
Sur les Maisons de la culture voir la note 12 p. 183.
32
Arch. nat., 5AG2/154.
33
De 1960 à 1970, la part du budget de l’État allouée au ministère des Affaires cultu-
relles passe de 0,38 à 0,42 % (suivant ainsi l’évolution générale du budget de l’État).
Voir Philippe Poirrier, op. cit., p. 91.
82
Malraux, ministre des Affaires culturelles
34
Arch. nat., 5AG2/1087.
83
Georges Pompidou et la culture
maison ait son style, il faut encore arriver à définir un groupement, une
utilisation des maisons ensemble ; il suffit de regarder la France pour
voir à quel point pendant des siècles les maisons se sont ordonnées en
fonction, soit peut-être du génie de la race, soit du temps que l’on avait
et de la tradition. Ainsi ces maisons se sont-elles ordonnées logique-
ment, normalement, et se sont-elles situées de telle manière qu’elles sont
à la place exacte où elles devaient être. On n’imaginerait pas qu’elles
soient autrement. Or, disons le bien, quand on voit beaucoup de cons-
tructions modernes, qu’il s’agisse des grands ensembles, qu’il s’agisse
des maisons individuelles, on a plutôt l’impression de roulottes plus ou
moins grandes qui se sont posées sur le sol, qui sont arrêtées en station-
nement. On ne voit pas pourquoi elles ne seraient pas allées plus loin, un
peu plus à droite, un peu plus à gauche et pourquoi elles ne seraient pas
réparties ailleurs ! Cette façon de situer la maison dans le cadre et de
situer les maisons par rapport aux autres, est quelque chose d’absolu-
ment fondamental. De tout cela en effet dépendent d’abord les condi-
tions de vie des hommes, leur mode de vie et par conséquent leur bon-
heur, leur civilisation. De cela dépend aussi le visage d’un pays. C’est
l’architecture, plus encore que le paysage et que le relief, qui crée le
visage d’une Nation et sur ce point il est nécessaire que l’architecture
française fasse aujourd’hui un très grand effort pour reprendre la place
qu’elle a eue – il faut bien le dire – pendant quelques six siècles et que
depuis quelques dizaines d’années nous nous sommes trop souvent
laissé ravir par des architectures étrangères.
Je n’en fais pas, croyez-le bien, un problème d’amour-propre natio-
nal. J’en fais vraiment un problème de réalité nationale, je veux dire par
là que dans un pays de traditions intellectuelles, traditions de culture,
traditions de civilisation, l’architecture doit être absolument présente. Or
je dois dire qu’ayant fait le tour de ce village exposition, j’en ramène
quelques impressions qui dans l’ensemble sont réconfortantes, d’abord
parce que, un effort a été fait ici pour faire vite, bien et bon marché, et
c’est naturellement la première des conditions. Ensuite parce que cette
exposition témoigne d’un effort de diversification qui se justifie dans
une exposition, qui ne se justifierait évidemment pas dans un village
normal qui se doit d’être homogène. Il y a eu un effort de diversifica-
tion, donc de recherches, effort dont je suis trop franc pour dire que je le
trouve toujours parfaitement heureux. Mais de toute manière il faut
chercher, il faut avoir des formules, de façon à finir par découvrir celles
qui plaisent aux gens et surtout celles qui pour les hommes de l’art, de
l’urbanisme, pour les architectes, apparaîtront comme les meilleures à
reproduire et reproduire à de nombreux exemplaires, car la monotonie
n’est nullement critiquable en matière d’architecture dès lors que l’on
arrive aux groupements. Rappelons-nous lorsque Louis XIV a fait la
Place Vendôme : il a fait faire des façades monotones, d’un modèle
84
Malraux, ministre des Affaires culturelles
35
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Problèmes de la Cinéma-
thèque », 4 mars 1968, Arch. nat., 574AP8.
Créée en 1936, la cinémathèque est, à partir de 1962, installée au Palais de Chaillot,
grâce aux crédits alloués par le ministère des Affaires culturelles. Elle connaît une
crise profonde en 1968, suite au renvoi d’un de ses premiers secrétaires généraux,
Henri Langlois (1914-1977), dont la gestion est critiquée par le ministère des Fi-
nances. De nombreux cinéastes, français mais aussi étrangers, se mobilisent : ils ob-
tiennent finalement la réintégration de Henri Langlois à la tête de la Cinémathèque.
85
Georges Pompidou et la culture
36
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Affaire de la Cinémathèque
(suite) », 8 mars 1968, Arch. nat., 574AP8.
86
Malraux, ministre des Affaires culturelles
87
Georges Pompidou et la culture
*
Georges Pompidou et le cinéma – 196939
Dans le monde entier, le cinéma français est très réputé. Il a une
clientèle assidue, il passionne les intellectuels, il intéresse et distrait les
foules.
Cependant la production cinématographique française, malgré ses
exploits, se heurte à de graves difficultés. Les talents ne manquent pas
mais les capitaux font défaut. Le chômage est très important et les
risques plus considérables que jamais. On ne fait pas assez de grands
films qui auraient l’avantage de faire travailler plus de Français et de
gagner à notre cinéma de nouvelles couches du public mondial. La
solution du problème s’apparente, à certains égards, à celle qu’il faut
rechercher pour d’autres secteurs de l’économie : améliorer les équipe-
ments ; accroître la production ; alléger la fiscalité ; renforcer l’unité
européenne.
Améliorer les équipements c’est d’abord moderniser et rendre plus
confortables les salles. Comme Premier ministre, j’ai institué l’aide à
l’exploitation40. Grâce à elle, des centaines de salles font des travaux.
Une salle modernisée améliore toujours sa fréquentation ; l’expérience
le prouve. Il faut continuer dans cette voie et faciliter les investissements
indispensables. L’équipement, ce sont aussi les studios. Les nôtres
doivent se mettre au niveau des meilleurs studios d’Europe, d’Italie par
exemple. Il s’agit aussi d’améliorer la production des films qui se main-
tient depuis dix ans au niveau de 120 à 130 films par an, y compris les
coproductions. Le financement est de plus en plus difficile, en dépit du
Fonds de soutien41 qui a consacré l’an dernier 56 millions à la produc-
39
Arch. nat., 574AP22, copyright Show Business 1969. Nous retranscrivons ici la copie
conservée dans les archives de Henri Domerg. Aucune précision n’y est faite concer-
nant la date précise ni le lieu de publication de ce texte.
40
L’État s’engage dès 1959, par le décret du 16 juin, à soutenir la création et la moder-
nisation des théâtres cinématographiques. Le décret du 21 avril 1967 (décret n°67-
356) apporte certaines modifications. L’article 2 précise que « les propriétaires de
théâtres cinématographiques peuvent bénéficier du soutien financier pour la réalisa-
tion dans les salles de travaux agréés après avis d’une commission professionnelle
dont la composition est fixée par arrêté du ministre d’État chargé des Affaires cultu-
relles, travaux qui, par l’amélioration des conditions techniques d’exploitation ou du
confort, sont susceptibles d’augmenter la fréquentation des salles par les specta-
teurs ». La composition de cette commission est fixée le 29 mai. Pour plus de préci-
sions, voir Textes du cinéma français, à jour au 1er mai 1993, Paris, CNC, 1993,
873 p.
41
Le fonds d’aide au cinéma est créé en 1948. Il permet la redistribution des fonds issus
d’une taxe prélevée sur les billets d’entrée dans les salles de cinéma au profit des
seules entreprises françaises. Les projets ainsi financés sont placés sous contrôle du
Centre national du cinéma et de commissions professionnelles.
88
Malraux, ministre des Affaires culturelles
42
Jusqu’à cette date, le cinéma relève d’un impôt unique sur les spectacles (le taux
étant fixé par palier de recettes), instauré en 1941. Suite à la loi de 1966 portant ré-
forme des taxes sur le chiffre d’affaires, cet impôt est remplacé par la TVA (en 1968
pour le cinéma, en 1970 pour l’exploitation). La bataille fiscale n’est pas pour autant
finie : dans les années 1970, les professionnels du cinéma réclament une diminution
du taux de la TVA, à l’instar de celui pratiqué dans d’autres secteurs culturels.
43
Georges Pompidou se fait ici le porteur d’une certaine conception du cinéma,
notamment défendue par les auteurs de la Nouvelle Vague en France. Il défend ainsi
un « cinéma d’auteur » qui s’oppose au mode de production des studios hollywoo-
diens. Les agendas tenus par Madeleine Négrel témoignent par ailleurs de l’intérêt de
Georges Pompidou pour ce cinéma d’auteur.
44
Le système de l’avance sur recettes est créé par décret du 16 juin 1959. Défendu par
André Malraux, il vise à soutenir la production de films de qualité, sélectionnés par
89
Georges Pompidou et la culture
çais de qualité d’exister. Le film d’auteur doit rester une des caractéris-
tiques essentielles de la production française. Je ne peux conclure ce
rapide survol sans évoquer un problème fondamental : les relations entre
le cinéma et la télévision. Le cinéma ne peut continuer à être sous-
estimé par la télévision qui a besoin de lui. Achat des films à un prix
plus juste, collaboration des hommes et des techniques, productions
communes sont des impératifs pour l’avenir du cinéma comme de la
télévision. Je suis sûr que si la profession, en liaison avec l’action des
pouvoirs publics, améliore la productivité, si les jeunes continuent à se
passionner pour le cinéma, si l’on fait des films qui intéressent le public
et savent le distraire, on reprendra la marche en avant.
Les films français présentés cette année au Festival de Cannes le
prouvent ; dans des genres très différents, ils répondent à l’attente du
public.
*
* *
Le livre et la lecture publique représentent un troisième
secteur auquel le Premier ministre s’intéresse particulièrement.
À en croire le témoignage d’Étienne Dennery, c’est bien le
Premier ministre, plus que son ministre des Affaires culturelles,
qui est à l’origine des mesures visant à améliorer l’accès au livre
et à la lecture.
*
Extrait du témoignage d’Étienne Dennery – 198045
Je […] pris mon poste dans les bibliothèques le 15 septembre [1964].
Je […] cherchais à me faire une opinion sur l’ensemble des biblio-
thèques françaises […].
De partout montaient les plaintes sur le fait « qu’on ne lisait plus ».
Ces opinions pessimistes étaient partagées dans tous les milieux. […]
Des hommes de grande culture eux-mêmes, comme M. Pompidou, alors
Premier ministre, en étaient persuadés. Dans un numéro du Figaro du
mois de septembre 1966, il avait déclaré que, pour la lecture, « tout était
à faire » et qu’il comptait développer l’action de l’État46.
90
Malraux, ministre des Affaires culturelles
47
Le rapport est publié à la Documentation française en février 1968. Les archives
consultées (fonds de l’Élysée et archives privées de Henri Domerg) ne comportent
aucun document relatif à la première réunion du comité, présidé par Georges
Pompidou.
Voir la notice biographique de Michel Bruguière à l’annexe n° 6.
48
Sur les attributions du ministère des Affaires culturelles voir p. 71.
91
Georges Pompidou et la culture
49
Étienne Dennery fait ici référence à la bibliothèque publique d’information, intégrée
au projet du Centre Beaubourg. Voir le chapitre 3 de la troisième partie.
92
CHAPITRE 3
Un Président ami des arts
1
Les nombreuses annotations laissées par Georges Pompidou en marge des notes que
lui adresse son conseiller aux Affaires culturelles, Henri Domerg, témoignent de
l’intérêt qu’il porte à ce qui a trait aux arts et à la culture.
2
Pascale Goetschel et Emmanuelle Loyer soulignent l’évolution de l’action culturelle
de Georges Pompidou : à une période intensive d’interventions nombreuses sous
Edmond Michelet et André Bettencourt (le Président suit alors de près, par
l’intermédiaire de Henri Domerg, les nominations effectuées par le ministère dans le
cadre d’une réorganisation de l’Opéra de Paris, n’hésitant pas à faire écarter certains
candidats) succède, avec Jacques Duhamel, un mode d’intervention plus sélectif.
Voir Pascale Goetschel et Emmanuelle Loyer, « La part de l’Élysée dans la politique
culturelle », dans Augustin Girard, Geneviève Gentil, Jean-Pierre Rioux et Jean-
François Sirinelli (dir.), Les Affaires culturelles au temps de Jacques Duhamel 1971-
1973, Comité d’histoire du ministère de la Culture, Paris, La Documentation fran-
çaise, 1995, p. 115-130.
3
Quatre ministres se succèdent aux Affaires culturelles sous la présidence de Georges
Pompidou. Edmond Michelet, figure du gaullisme résistant, a la lourde tâche de suc-
céder à André Malraux. Suite à son décès, André Bettencourt assure un court intérim
(octobre 1970-janvier 1971), avant d’être remplacé par le centriste Jacques Duhamel.
Ministre des Affaires culturelles pendant plus de deux ans (jusqu’en avril 1973), il
donnera une nouvelle orientation à la politique culturelle. Il est remplacé à l’occasion
du changement de gouvernement par Maurice Druon (qui occupe cette fonction
d’avril 1973 à mars 1974).
Voir les notices biographiques des ministres des Affaires culturelles à l’annexe n° 6.
4
Voir le chapitre 3 de la troisième partie sur l’Exposition 72/72 et sur le Centre d’art
contemporain de Beaubourg.
93
Georges Pompidou et la culture
5
Arch. nat., 574AP25.
6
Georges Mathieu (1921) est une figure provocatrice du Paris artistique d’après-guerre
(il se proclame monarchiste et cultive des allures de dandy excentrique). Peintre,
Georges Mathieu prône, contre l’abstraction géométrique, une abstraction dite ly-
rique, caractérisée par la spontanéité du geste. Ses créations s’apparentent à de véri-
tables performances, au cours desquelles il recouvre la toile de calligraphies abs-
traites. Admiré par André Malraux et Georges Pompidou, il reçoit dans les années
1960-1970 de nombreuses commissions pour le compte d’entreprises ou de l’État
français.
94
Un Président ami des arts
La manufacture des Gobelins n’a été visitée dans le passé que par
Louis XIV et Napoléon. Le général de Gaulle, bien qu’il en ait été
question à plusieurs reprises, n’y est jamais allé.
Pourtant les manufactures et le Mobilier national, quoi qu’étant sous
la tutelle du ministère des Affaires culturelles, sont en relation directe
avec l’Élysée et le chef de l’État y est en quelque sorte chez lui7. Le
personnel des artisans et des artistes en est bien conscient. […]
Il existe quelques revendications [chez le personnel], notamment en
matière de traitements et surtout en ce qui concerne le logement. […]
Peut-être serait-il bon que vous laissiez entendre que seront satisfaits
certains désirs des jeunes membres du personnel, par exemple celui des
jeunes liciers de disposer de quelques bourses de voyages qui leur
permettraient d’élargir leur horizon.
D’une façon générale, il semble que votre visite doive être particuliè-
rement bien accueillie.
*
* *
Dans cette lettre adressée à son ministre des Affaires cultu-
relles, Edmond Michelet, Georges Pompidou fait état de l’intérêt
qu’il a porté à cette visite.
*
Note de Georges Pompidou à Edmond Michelet
14 octobre 19698
Mon cher Ministre,
La visite que je viens de faire aux manufactures nationales des Gobe-
lins, de Beauvais et de la Savonnerie, ainsi qu’aux ateliers du Mobilier
national, m’a permis de constater la permanence d’une tradition de
qualité dans la restauration des objets anciens, en même temps qu’un
7
Héritage de l’Ancien Régime, les manufactures nationales comprennent, outre la
manufacture de Sèvres, trois manufactures consacrées au tapis et à la tapisserie (ma-
nufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie). De même que la manufac-
ture de Sèvres, dont la production de porcelaines est fortement modernisée dans les
années 1960, ces trois manufactures voient leur politique de création largement re-
nouvelée. Comme à Sèvres, les autorités publiques font appel à des artistes d’avant-
garde, généralement reconnus sur la scène internationale, pour mettre au point des
pièces uniques, répondant en partie aux besoins et aux goûts du Président. Une large
place est ainsi accordée aux arts abstrait ou cinétique sous Georges Pompidou.
8
Arch. nat., 574AP25.
95
Georges Pompidou et la culture
9
André Bettencourt déclare : « Monsieur le président de la République a marqué un
intérêt tout particulier pour la situation du personnel des manufactures d’art. On en
trouve la trace dans le projet de budget qui vous est soumis sous la forme de création
de postes et de bourses pour les jeunes des Manufactures. » Voir le discours d’André
Bettencourt à l’Assemblée nationale, Arch. nat., 5AG2/154.
10
Voir à ce sujet les notes de Michel Jobert datées du 29 octobre 1971, adressées aux
représentants des personnels des musées nationaux et à Jacques Duhamel, Arch. nat.,
5AG2/73. Voir également la note de Henri Domerg à Jacques Rigaud du 11 janvier
1972, Arch. nat., 5AG2/158.
Une amélioration de l’indemnité pour travaux dominicaux est finalement proposée en
Conseil des ministres le 26 juillet 1972. Elle est présentée comme « répond[ant] à
une demande expresse du président de la République » (Note de Henri Domerg du
24 juillet 1972, Arch. nat., 5AG2/158).
On peut noter que cette politique sociale en faveur des artistes et artisans s’inscrit
dans la continuité de la politique d’André Malraux, première étape dans l’institution
d’une sécurité sociale pour les artistes.
96
Un Président ami des arts
11
Guy Brajot remplace Philippe Saint-Marc à la tête de l’ancienne direction des
Spectacles, de la Musique et des Lettres – direction qui connaissait alors d’impor-
tantes difficultés. Georges Pompidou est tenu au courant par son conseiller de ces
difficultés et des démarches entreprises pour remplacer Philippe Saint-Marc, dont la
gestion est critiquée. C’est à la demande du Président lui-même que Guy Brajot est
reçu à l’Élysée. Voir notamment la note de Henri Domerg à Georges Pompidou datée
du 17 juillet 1970, Arch. nat., 574AP19.
12
Guy Brajot (1928), ancien administrateur de la France d’Outre-mer, intègre le
ministère des Affaires culturelles en 1961 comme chargé de l’aide au théâtre. Nom-
mé adjoint au directeur de la télévision en 1968, il démissionne après les événements
de Mai. Il est directeur des Théâtres, des Maisons de la culture et des Lettres de 1970
à 1979. Voir l’entretien de Guy Brajot réalisé par Noëlline Castagnez-Ruggiu, Arch.
nat. – AGP, 1AV69.
13
Voir la notice biographique d’Edmond Michelet à l’annexe n° 6.
14
Voir les notices biographiques de Jacques Duhamel et Maurice Druon à l’annexe
n° 6.
97
Georges Pompidou et la culture
15
La direction de l’Art lyrique, de la Musique et de la Danse est créée en 1970. La
musique se détache ainsi de la direction des Spectacles, de la Musique et des Lettres,
à laquelle elle était rattachée depuis 1969 (elle faisait auparavant partie de la direction
du Théâtre, de la Musique et de l’Action culturelle, créée en 1961).
16
La direction du Livre est finalement créée en 1975.
17
La création du FIC (fonds d’intervention culturelle) en 1971, fait suite aux critiques
émises par la Commission des affaires culturelles du VIe Plan, qui dénonçait notam-
ment les rigidités et cloisonnements entre ministères intervenant dans le domaine
culturel. Pour remédier à cette situation, le FIC vise à faciliter la mise en place
d’actions culturelles novatrices, financées à la fois par les collectivités publiques et
les ministères intéressés.
98
Un Président ami des arts
18
Pierre Méhaignerie (1939) est conseiller technique aux cabinets du ministre des
Affaires culturelles de 1971 à 1973.
Gérard Montassier (1937) est conseiller technique au cabinet du ministre des Affaires
culturelles en 1971 puis secrétaire général du Fonds d´intervention culturelle de 1971
à 1976.
Voir la notice biographique de Sébastien Loste à l’annexe n° 6.
19
Georges Pompidou tient à se présenter comme celui qui décide des grandes orienta-
tions en matière de politique culturelle. Ainsi il demande à ce que Jacques Duhamel,
dans la première conférence de presse qu’il doit donner, « fasse une allusion aux
“orientations” données par le président de la République ». Note de Henri Domerg à
Georges Pompidou, 11 mars 1971, Arch. nat., 5AG2/1060.
20
Cette conférence de presse se tient à l’Élysée. Arch. nat., 5AG2/1089.
99
Georges Pompidou et la culture
100
Un Président ami des arts
101
Georges Pompidou et la culture
26
Arch. nat., 574AP22.
27
Arch. nat., 574AP22 et 5AG2/1060.
28
Le début des années 1970 est marqué par des revendications en faveur d’une plus
grande liberté d’expression. L’opposition est particulièrement forte contre les inter-
dictions de films, perçues comme une forme de censure intolérable. Ainsi, à Tours,
en juin 1971, une manifestation de jeunes et d’artistes dénonce le pouvoir exercé par
le maire, Jean Royer.
102
Un Président ami des arts
29
Ce déjeuner est consacré au cinéma.
30
Dans deux notes antérieures, datées du 8 juillet et du 23 septembre 1971, Henri
Domerg fait part au Président du désir de Jacques Duhamel de libéraliser le contrôle
des films. Voir Arch. nat., 574AP22.
31
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Projet de réforme du système
de contrôle des films », 21 septembre 1973. Arch. nat., 574AP22 et 543AP21.
32
D’après l’agenda tenu par Madeleine Négrel, Maurice Druon a été reçu par Georges
Pompidou, pour la dernière fois, le 6 juillet 1973. Le sujet de l’entrevue n’est pas
précisé. Arch. nat., 5AG2/1094.
103
Georges Pompidou et la culture
33
Pour tout commentaire, Georges Pompidou a rayé cette mention et inscrit en face
« non ! ».
34
Georges Pompidou a barré ce chiffre et propose qu’il y ait deux et non trois membres
désignés par le Sénat. Il note, pour expliquer cette modification : « Il faut un total
impair ! »
104
Un Président ami des arts
35
Arch. nat., 574AP22.
105
Georges Pompidou et la culture
36
L’opposition de la jeune génération de cinéastes, notamment de la Nouvelle Vague,
au pouvoir en place culmine en Mai 68. La confrontation entre le gouvernement et
les milieux du cinéma se poursuit au-delà des événements de Mai et perdure dans les
années 1970.
37
Arch. nat., 5AG2/1062.
38
Au début de sa présidence, Georges Pompidou encourage la mise en place de
mesures d’aide au cinéma. Il s’intéresse notamment « à ce qu’une aide spéciale soit
accordée aux ciné-clubs et aux salles d’art et d’essai » (note de Henri Domerg à Jean-
René Bernard, 12 février 1970). Le 10 avril 1970, Jean-René Bernard annonce à Hen-
ri Domerg que « dans les différents projets de simplification fiscale qui seront pré-
sentés au Parlement, lors de sa prochaine session, figurera la possibilité d’imposer au
système du forfait en matière de TVA les associations sans but lucratif. Ceci joue en
particulier pour les ciné-clubs qui […] ne paieront donc plus la TVA ». Le 5 mai
1970, il fait référence à la position du Président, « qui serait favorable à ce que les
106
Un Président ami des arts
qui s’est révélé être fortuit et sans lendemain), malgré les efforts de la
profession pour perfectionner la qualité technique de la production et
améliorer le confort des salles, la situation du cinéma empire.
– baisse de la fréquentation […]
– baisse des recettes (en francs constants) malgré la hausse du prix
des places
– véritable chute des recettes provenant de l’étranger
– endettement croissant dû à l’amortissement des travaux de moder-
nisation des salles.
D’autre part, la disparition d’un grand nombre de salles […], la di-
minution du nombre des sociétés de distribution […], la réduction du
nombre des studios, au demeurant sous-employés, témoignent d’une
situation malsaine.
Enfin, il faut souligner que l’évolution de l’attitude des spectateurs
qui « choisissent » de plus en plus souvent leurs films, accroît le risque
financier, puisqu’il devient de plus en plus catastrophique de s’être
trompé dans l’appréciation du succès futur d’un film.
Si l’on ne fait rien – si l’État ne fait rien – quelles sont les perspec-
tives, selon le rapport du centre du cinéma ?
Les producteurs entreprendront de moins en moins de films à gros
budget, c’est-à-dire ceux qui peuvent avoir le plus de succès commer-
cial, et s’orienteront davantage sur les films peu coûteux (qui sont
souvent « engagés » ou pornographiques).
Les exploitants se rabattront de plus en plus sur les films étrangers,
qui intéressent moins les Français ; d’où nouvelle baisse de fréquenta-
tion.
La réduction du marché cinématographique fera diminuer les res-
sources du compte de soutien.
Le chômage s’accroîtra dans la profession […].
Les remèdes proposés sont déjà bien connus. Ils sont essentiellement
financiers :
– réduction du taux de la TVA, justifié par l’intérêt culturel et le ca-
ractère populaire des spectacles cinématographiques. Coût : 70 millions
[…]
– suppression du droit de timbre
– libération du prix des places
107
Georges Pompidou et la culture
108
Un Président ami des arts
42
Arch. nat., 574AP22.
André Astoux (1919), ingénieur de formation, a d’abord travaillé dans la marine puis
dans l’industrie automobile. Proche du général de Gaulle (il est délégué régional du
RPF à partir de 1949), il est nommé en 1964 directeur général adjoint de l’ORTF. En
1969, il devient directeur du Centre national de la cinématographie (CNC), poste
qu’il occupe jusqu’en 1970.
43
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou, 28 juin 1973 et annotation manuscrite
de Georges Pompidou, Arch. nat., 543AP21.
44
Arch. nat., 543AP21.
45
Maurice Druon a été reçu par Georges Pompidou le 6 juillet.
109
Georges Pompidou et la culture
46
Réalisé par Pierre Alain Jolivet, La Punition raconte l’histoire d’une prostituée forcée
de se soumettre à la perversion de ses clients. Ce film, rangé dans le genre du sa-
disme soft aujourd’hui (selon Jean Tulard, Guide des films, Paris, R. Laffont/Bou-
quins, 1990, vol. 2, p. 704), fait scandale à sa sortie en 1973.
47
Annotation manuscrite de Georges Pompidou sur une note de Henri Domerg à
Édouard Balladur intitulée « Éventuelle réunion interministérielle relative aux Af-
faires culturelles », 5 septembre 1973, Arch. nat., 543AP21.
Créé en 1946, le centre national de la cinématographie est rattaché au ministère des
Affaires culturelles dès 1959 (il était auparavant rattaché à l’Industrie). Établissement
public doté d’une autonomie financière, il joue un double rôle administratif et profes-
sionnel. L’existence du CNC, organe hors norme au sein des Affaires culturelles,
explique qu’aucune direction du ministère ne soit consacrée à ce secteur.
110
TROISIÈME PARTIE
L’ART ET LA MANIÈRE
CHAPITRE 1
Donner les moyens :
le rôle de l’État et du Président
113
Georges Pompidou et la culture
Mobilier national qui, dès lors qu’on s’y intéresse, découvre dans ses
greniers des meubles et des objets admirables […], je cherche à ce que
tout soit beau ou, du moins, à ce que rien ne soit laid2. C’est évidemment
affaire de goût, et il n’est pas prouvé que chacun approuve. L’important,
c’est d’y croire.
Quant à parler de ligne politique, il n’y a, croyez-le, aucune arrière-
pensée de cet ordre dans mon esprit, au sens où l’on entend couramment
le mot « politique ». Je ne cherche pas à créer un style « majoritaire »3 !
Mais c’est vrai, la France se transforme, la modernisation, le dévelop-
pement dans tous les domaines sont éclatants. Pourquoi n’y aurait-il pas
un lien avec les arts ? Toutes les grandes époques artistiques sont des
époques de prospérité économique et souvent de puissance politique :
voyez l’Athènes de Périclès, la Rome des empereurs ou de la Renais-
sance, la Venise des doges, la Florence des Médicis, sans parler de la
France de Saint Louis, de François 1er, de Louis XIV, du XVIIIe siècle,
même du Second Empire. Alors, pourquoi pas notre siècle ? La grandeur
ne se divise pas, ou en tout cas ne se divise que passagèrement. […]
Question : Quel rôle l’État peut-il jouer – ou ne pas jouer – dans le
domaine culturel ?
Georges Pompidou : Ce qu’est l’art pour l’artiste, il ne m’appartient
pas de le dire. Mais l’art est l’expression d’une époque, d’une civilisa-
tion, fût-ce de la révolte contre cette civilisation, et, vous le savez, le
meilleur témoignage que l’homme – aussi une nation – puisse donner de
sa dignité. L’État ne peut pas ou du moins ne doit pas s’en désintéresser.
L’indifférence, l’incompréhension de l’État ne nuisent d’ailleurs pas
forcément à la création artistique. Toute la peinture française, et de
2
D’après le témoignage de Madeleine Négrel, sa secrétaire particulière, Georges
Pompidou accordait beaucoup d’attention à la décoration de ses bureaux et apparte-
ments. Il fait ainsi installer un tableau de Soulages au-dessus de son bureau à Mati-
gnon.
À l’Élysée, il entreprend, avec son épouse, de réaménager les appartements privés.
La nouvelle décoration, dont est chargé le designer Pierre Paulin connu pour son goût
pour les nouveaux matériaux, notamment les tissus élastiques, et pour ses banquettes
circulaires imaginées pour le Musée du Louvre, est largement médiatisée, dans la
presse et à la télévision. Elle mêle mobilier ancien et design contemporain. Plusieurs
artistes modernes et contemporain font leur entrée à l’Élysée (notamment les peintres
Fautrier, Herbin, Hantaï, Poliakoff ou Sima).
L’artiste Yaacov Agam reçoit commande d’un salon « cinétique » qui demeure le
clou de cette rénovation, aujourd’hui conservé au Centre Pompidou. Il est reçu par
deux fois à l’Élysée, par Madame Pompidou, le 13 octobre 1972, puis à dîner par le
couple présidentiel, le 9 novembre. Voir la notice biographique de Yaacov Agam
note n° 4 p. 166.
3
Georges Pompidou fait ici référence aux violentes critiques dont fit l’objet
l’Exposition 72/72, organisée par François Mathey à sa demande. Voir le chapitre 3.
114
Donner les moyens
4
L’École de Paris ne fait pas référence à un groupe constitué d’artistes ni même à un
mouvement artistique distinct. Elle désigne en fait surtout une période, la première
moitié du XXe siècle, pendant laquelle Paris se distingue par son dynamisme culturel,
accueillant artistes français et étrangers, majoritairement réfugiés d’Europe centrale
et orientale (parmi eux figurent Marc Chagall, Modigliani et Picasso). L’École de
Paris désigne ainsi les différentes avant-gardes, écloses à Paris et postérieures à
l’Impressionnisme, allant du fauvisme et du cubisme au surréalisme.
5
Georges Pompidou s’intéresse particulièrement à la question des donations et de
l’acquisition par l’État français d’œuvres d’art issues d’importantes collections pri-
vées. Voir p. 193.
6
La procédure dite du « 1 % décoration » existe officiellement depuis le Front popu-
laire. Elle prévoit que, lors de l’édification d’un bâtiment scolaire et universitaire,
1 % du budget soit affecté à la commande d’une œuvre d’art, placée dans ce bâti-
ment. Cette politique connaît un important essor avec les nombreuses constructions
universitaires et scolaires qui marquent le début des années 1960.
115
Georges Pompidou et la culture
7
La part du budget de l’État allouée aux Affaires culturelles passe de 0,42 % en 1969
à 0,55 % en 1973, dépassant ainsi la barre symbolique des 0,50 % sous le ministère
de Jacques Duhamel. Elle reste cependant bien en-deçà du 1 % revendiqué par les
milieux culturels. (Source : Philippe Poirrier, op. cit., p. 142.)
8
La note est intitulée « Budget des Affaires culturelles », Arch. nat., 5AG2/154. Il est
ici question du budget de 1971.
9
La revendication dite du 1 % fait référence à la demande, récurrente de la part des
milieux culturels, d’une augmentation substantielle du budget du ministère des Af-
faires culturelles, afin qu’il soit porté à 1 % du budget de la Nation. Cette demande
dénonce le manque de moyens du jeune ministère.
116
Donner les moyens
celles de l’ORTF, du Tourisme, etc. Elle ne doit donc pas être prise au
pied de la lettre. Il n’en reste pas moins que les comparaisons internatio-
nales sont faites sur des bases homogènes et révèlent, sans la moindre
équivoque possible, un retard très grave.
[Est ici cité le rapport sur le budget des Affaires culturelles de 1969,
rédigé par Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’Économie et
des Finances. Manque dans les archives la page 3 du rapport.]
– […] la reconduction du budget de 1970 avec quelques ajustements
limités, n’assurerait pas la survie des activités essentielles et compro-
mettrait, un peu plus encore, les chances de sauver des éléments essen-
tiels du patrimoine architectural.
– la priorité reconnue par le président de la République aux activités
culturelles suppose une action de redressement sur au moins trois années
successives […]
Dans l’état de dénuement où se trouve le ministère, la « rentabilité »
technique et psychologique d’un supplément de crédits est très élevée
puisque ces sommes seront affectées à des actions vitales.
*
* *
L’arbitrage présidentiel joue également en faveur de la
Comédie française, qui rencontre des problèmes budgétaires,
aggravés par une longue grève du personnel10.
*
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou
13 juin 197311
Au cours de l’audience que vous avez accordée il y a quelques mois
à M. Pierre Dux12, vous lui avez promis d’intervenir auprès du ministre
10
Voir notamment la note de Henri Domerg à Georges Pompidou, datée du 25 janvier
1973, intitulée « Situation à la Comédie française », qui fait le point de l’avancée des
négociations avec les personnels de la Comédie française ainsi que de l’Opéra. Dans
cette note, Henri Domerg fait mention du conseil de Georges Pompidou à la direction
du Français, « c’est-à-dire la fermeté ». Arch. nat., 574AP21.
11
Arch. nat., 543AP21.
12
D’après l’agenda tenu par Madeleine Négrel, secrétaire particulière de Georges
Pompidou depuis 1947, Pierre Dux est reçu à l’Élysée le lundi 5 février 1973. Arch.
nat., 5AG2/1094.
Pierre Dux (1908-1990), comédien sociétaire de la Comédie française depuis les an-
nées 1930, en assure brièvement les fonctions d´administrateur général à la fin de la
guerre (1944-juillet 1945). Après avoir codirigé le Théâtre de Paris et enseigné au
Conservatoire national d´art dramatique, il revient dans les années 1970, de nouveau
comme administrateur général, à la Comédie-Française. Il assure ces fonctions de
117
Georges Pompidou et la culture
des Finances afin qu’il autorise le partage entre les sociétaires de la part
de bénéfices de l’État.
Ce partage a déjà été effectué dans le passé ; il est rendu nécessaire
cette année encore par les difficultés financières de la Comédie française
(dues notamment à la grève de cet hiver).
Mais le ministère des Finances refuse d’accepter cette opération et
M. Pierre Dux a été amené à repousser l’assemblée des sociétaires afin
d’attendre que le problème puisse être résolu.
M. Druon a essayé d’obtenir l’accord des Finances mais, finalement,
M. Giscard d’Estaing13 a manifesté le désir de recevoir M. Pierre Dux.
Cette rencontre que le ministre des Finances avait, paraît-il, envisagé
d’organiser en tête-à-tête aura lieu finalement incessamment en présence
du ministre des Affaires culturelles. Il est possible que les choses
s’arrangent ; n’est-il pas néanmoins curieux que le ministre des Finances
croie bon de convoquer directement l’administrateur du Théâtre fran-
çais ?
En marge, Georges Pompidou écrit : J’ai fait une promesse. J’en-
tends qu’elle soit tenue. Le dire au cabinet de M. Giscard d’Estaing.
*
* *
Suite à la rencontre entre Pierre Dux et Valéry Giscard
d’Estaing, Henri Domerg adresse une nouvelle note au Président
concernant la situation de la Comédie française. L’annotation de
Georges Pompidou est sans appel : « Il faut aider la Comédie
française [en] priorité et l’opinion des collaborateurs du ministre
des Finances ne m’intéresse pas.14 »
Dans cette note relative à la situation des musées de France,
Henri Domerg aborde la question du budget des Affaires
118
Donner les moyens
15
Arch. nat., 5AG2/1059.
16
Jean Chatelain (1919-) est directeur des musées de France de 1962 à 1974.
119
CHAPITRE 2
Les intérêts du Président :
soutiens personnels et souci de l’architecture
1
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou, 17 octobre 1972 et annotation manus-
crite de Georges Pompidou, Arch. nat., 5AG2/1062. Les professionnels réclament
certains avantages fiscaux et une réforme de la loi du droit d’auteur datant de 1957.
Le quinquennat de Georges Pompidou ne voit aucune modification importante en la
matière.
Jean-Louis Prat (directeur de la Fondation Maeght consacré à l’art moderne et con-
temporain) témoigne également de l’intérêt que Georges Pompidou portait aux ar-
tistes. Évoquant la visite du Président à la Fondation Maeght à l’été 1972, il souligne
que celui-ci avait alors pris le temps « pour parler avec les artistes qui étaient là, que
ce soit Chagall, […] Pol Bury [ou] d’autre ». Témoignage de Jean-Louis Prat, ref. cit.
121
Georges Pompidou et la culture
2
Michel Fleury écrit : « […] Le peintre Mathieu a […] formé le projet – m’a-t-on
assuré – de peindre le nouveau dôme de façon abstraite et cacâtre pour “restituer” un
décor du XVIIe siècle en le colorant des teintes d’un badigeon du XIXe. Ce que
m’assure mon informateur, mais qui me paraît peu probable, est que le chef de l’État
aurait approuvé ce projet de Mathieu en rencontrant récemment ce peintre et qu’il
aurait assuré qu’il ferait triompher ce projet. Tous ceux qui connaissent le bon sens
de M. Pompidou seront persuadés du contraire […] », lettre de Michel Fleury à
Michel Bruguière, 21 octobre 1969, Arch. nat., 574AP24.
Michel Fleury (1923-2002), archéologue et archiviste, directeur d’études à l’École
pratique des hautes études depuis 1958, s’est beaucoup investi dans la sauvegarde du
patrimoine parisien. Il est ainsi secrétaire de la commission du vieux Paris et Inspec-
teur des fouilles archéologiques de la ville de Paris (depuis 1955) puis directeur des
Antiquités historiques d’Île-de-France (en 1965) et enfin vice-président secrétaire
général de la Commission du Vieux Paris (depuis 1975).
3
Note sans date de Henri Domerg à Georges Pompidou, Arch. nat., 574AP24.
4
Ibidem.
Voir la notice biographique de Jean-François Saglio, note n° 6, p. 23.
5
Olivier Guichard (1920), fidèle gaulliste, chef de cabinet du général de Gaulle
pendant les années de « traversée du désert » (1951-1958), entre au gouvernement en
1967 comme ministre de l’Industrie. Il est successivement ministre délégué auprès du
Premier ministre, chargé du Plan et de l’Aménagement du territoire (1968-1969),
122
Les intérêts du Président
123
Georges Pompidou et la culture
Celui-ci avait été nommé pour six ans en 1961. En 1967 un nouveau
décret fut préparé mais jamais signé ni publié. M. Balthus se trouve
donc depuis cette époque en situation irrégulière.
Néanmoins la question qui se pose maintenant est celle de la forme
d’une nouvelle nomination éventuelle de M. Balthus. En vertu du nou-
veau décret, on peut :
– ou bien nommer M. Balthus pour cinq nouvelles années à compter
du 7 janvier 1972 (c’est possible en vertu de l’article 19 du décret).
– ou bien prononcer la nomination de M. Balthus sans indication de
durée, en vertu de l’article 87.
La deuxième solution permettrait au gouvernement de ne pas se lier
pour une période déterminée.
La longue annotation manuscrite de Georges Pompidou sur la note
de son conseiller souligne l’intérêt qu’il porte au renouvellement du
peintre dans ses fonctions : Il ne me semble pas que juridiquement on
puisse nommer M. Balthus en fonction de l’article 8, qui prévoit une
limite de dix ans, alors qu’il y est depuis plus de 11 ans. Il faut donc
s’appuyer sur l’article 19 qui, lui, ferait une dérogation en sa faveur.
Voilà mon impression, juridiquement, je le répète. […] J’aurais préféré
une nomination sans durée fixe mais je crois qu’on ne peut pas l’éviter.
D’autre part, [xxx] une limite ce qui n’est pas le cas dans l’autre solu-
tion qui ne lie pas le gouvernement mais n’oblige pas non plus
M. Balthus à partir le jour où on le voudrait.
*
* *
Georges Pompidou tente également de soutenir le projet de
Maurice Béjart – chorégraphe dont il admire l’œuvre – pour le
Festival d’Avignon8.
*
7
Article 8 du décret du 21 décembre 1971. Le directeur de l’Académie de France à
Rome est nommé par décret sur proposition du ministre des Affaires culturelles ; il ne
peut être maintenu en fonction plus de dix ans.
Article 19 du décret du 21 décembre 1971 (dispositions transitoires). Les dispositions
de l’article 8 relatives au renouvellement du mandat de directeur ne font pas obstacle
au renouvellement pour une durée de cinq ans du directeur en fonction à la date
d’entrée en vigueur du présent décret.
8
Dans le cadre des pourparlers concernant la nomination d’une nouvelle direction,
Georges Pompidou demande à rencontrer les chorégraphes Maurice Béjart et Roland
Petit. Il demande également à voir le compositeur Pierre Boulez. Annotation de
Georges Pompidou en marge de la note de Henri Domerg au chef de l’État, 5 sep-
tembre 1969, Arch. nat., 574AP21.
124
Les intérêts du Président
125
Georges Pompidou et la culture
que je n’hésite pas à faire appel à des étrangers, mais parce que dans le
domaine de la danse qui est le vôtre, nous avons besoin de vous.
*
* *
Georges Pompidou entreprend également, à plusieurs
reprises, de faire revenir en France le compositeur Pierre
Boulez, volontairement « exilé »12 de son propre pays depuis
196713. Les efforts du chef de l’État aboutissent avec la création
de l’IRCAM14, que le compositeur accepte de diriger.
*
Extrait d’une note de Henri Domerg à Georges Pompidou
26 janvier 197315
[…] Le Centre de recherches acoustiques qu’animera Pierre Boulez
coûtera, je vous l’ai dit, plus cher que prévu. Mais l’impression de
M. Bordaz16 continue d’être bonne : travail sérieux et intéressant, pers-
pectives de participation à l’animation générale du Centre.
Des informations qui m’ont été rapportées, mais de seconde main,
sont cependant à noter et à surveiller. M. Boulez affirmerait qu’il ne
tarderait pas à être le patron de la Musique en France […].
D’autre part son adjoint, M. Snowmann, un jeune Anglais de 25 à
30 ans, [que les Finances ont accepté de rétribuer 10 000 francs par
mois], a donné récemment, m’a-t-on dit, une interview à la BBC dans
laquelle il déclare que la France est un désert musical. […]
12
Pierre Boulez (1925), influencé notamment par Olivier Messiaen dont il a suivi les
cours au Conservatoire de Paris, est un compositeur et chef d’orchestre considéré
comme l’un des chefs de file de la musique contemporaine d’avant-garde. Directeur
du Domaine musical de Paris à partir de 1954, il travaille régulièrement à l’étranger
dès les années 1950. En 1967, il annonce quitter définitivement la France, en mesure
de protestation contre la politique d’André Malraux et, notamment, la nomination de
Marcel Landowski à la nouvelle direction de la Musique du ministère des Affaires
culturelles (voir note n° 34 p. 168). Georges Pompidou le convainc de revenir en
France en lui confiant le projet de l’IRCAM (Institut de recherche et coordination
acoustique/musique rattaché au Centre Beaubourg), dont il assure ensuite la direction
jusqu’en 1992.
13
Georges Pompidou tente ainsi d’approcher le compositeur à l’occasion de la réorga-
nisation de la RTLN.
14
Concernant ce projet, voir également chapitre 3.
15
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Problèmes relatifs au centre
Beaubourg », 26 janvier 1973, Arch. nat., 543AP21.
16
Nommé délégué pour la réalisation du Centre du plateau Beaubourg en 1970, Robert
Bordaz dirige la mise en œuvre du projet de Centre Beaubourg.
126
Les intérêts du Président
17
Le projet d’aménagement de la zone de la Défense, à l’ouest de Paris, s’inscrit dans
le cadre de la politique de modernisation urbaine portée par les Trente Glorieuses.
Entamé en 1951 (avec l’achat de terrains par l’État), le projet est lent à se mettre en
place : l’Epad (Établissement public à vocation industrielle et commerciale de la Dé-
fense) n’est créé qu’en 1958. En 1969, le plan initial, qui prévoyait la construction
d’immeubles d’habitation et de bureaux de même hauteur, est abandonné : l’autori-
sation est donnée d’augmenter le gabarit des futures tours, en hauteur et en largeur.
La polémique éclate dans la presse au cours de l’été 1972, quand certains journalistes
mais aussi le ministère des Affaires culturelles prennent conscience que certaines des
tours apparaissent derrière l’Arc de Triomphe.
18
Entretien reproduit en intégralité en annexe n° 1.
19
Entre 1971 et 1972, dix permis de construire sont attribués à des projets de tours non
conformes au plan initial. Voir Virginie Lefebvre, Paris – Ville moderne. Maine-
Montparnasse et la Défense, 1950-1975, Paris, Éditions Norma, 2003, p. 180.
127
Georges Pompidou et la culture
128
Les intérêts du Président
20
Émile Aillaud (1902-1988), connu pour avoir réalisé certains des premiers grands
ensembles (en 1964), fait partie, en 1971, du jury du concours pour le projet du
129
Georges Pompidou et la culture
projet est très beau, selon moi. Mais je reconnais que, des Tuileries, il
barre la voûte de l’Arc de Triomphe. C’est un risque qui parait à beau-
coup inacceptable, notamment à l’Académie d’architecture unanime. Je
n’en suis pas tout à fait sûr, mais je l’ai admis. Seulement je soutiens
que, si l’on veut avoir, au-delà de l’Arc de Triomphe et vers la Défense,
une vraie perspective, il faudra que cette perspective, d’une manière ou
d’une autre, soit arrêtée. Il n’y a de perspective que se terminant sur
quelque chose. Si, elle se termine sur le vide, c’est une avenue, plus ou
moins longue, plus ou moins large, un immense boulevard Malesherbes,
tout, sauf une perspective.
Vous me posez la question du concours. Je suis partisan, dans bien
des cas, du concours dont les résultats s’imposent aux autorités. C’est ce
que j’ai accepté pour le plateau Beaubourg21 […]. Mais, dans la circons-
tance, le problème est d’une importance nationale. C’est pourquoi je
tiens à ce que l’État garde sa liberté de décision, après toutes les consul-
tations possibles. On peut imaginer un « concours d’idées », mais la
décision ne devra pas être imposée par un jury. Pour moi, je verrais
volontiers (mais je ne prétends pas me substituer aux professionnels), à
la Défense, soit une œuvre sculpturale très haute et très étroite, soit un
immense jet d’eau, qui marquerait le terme, créerait la perspective et se
verrait du Carrousel à travers la voûte de l’Arc, mais sans la boucher ni
la barrer, et en laissant une large ouverture sur le ciel. Il y aura sans
doute d’autres idées et, je l’espère, meilleures.
J’en viens à ce que vous dites de l’architecture française. Je suis, en
ce domaine, contre tout nationalisme pour des raisons de fait. Bien sûr,
il peut y avoir des architectures nationales liées au climat ou aux maté-
riaux. […] Mais au total, l’architecture moderne est internationale. Il y a
de grands architectes français qui travaillent à l’étranger. Inversement,
j’ai trouvé à Chicago un des architectes de Maine-Montparnasse. C’est
un architecte brésilien qui a construit le siège central du Parti commu-
niste. C’est un Américain d’origine chinoise qui a fait un des projets
130
Les intérêts du Président
22
Voir également le discours de Georges Pompidou à Villagexpo, 30 septembre 1966,
reproduit p. 83.
23
Le projet de reconstruction de la gare Montparnasse et de rénovation urbaine du
quartier est relancé en 1955 (entamé en 1940, il avait été interrompu par la guerre).
La tour, dont la construction n’est pas autorisée avant 1969, est achevée en 1975.
131
Georges Pompidou et la culture
Très critiquée, elle devient avant même son achèvement un symbole des attaques
contre la ville.
24
Le campus de la faculté des sciences de Jussieu est inauguré en 1971. Son architec-
ture, et notamment sa tour centrale haute de 90 m, a été particulièrement critiquée,
notamment pour sa froideur et son manque d’humanité.
On retrouve chez Georges Pompidou la même attention au choix du revêtement dans
les notes concernant le futur Centre Beaubourg.
25
Cette déclaration fait écho à un des principes de base de l’architecture moderne,
notamment théorisé par l’architecte américain Louis H. Sullivan, un des créateurs des
gratte-ciel, et repris par nombre d’architectes de Le Corbusier à Mies van der Rohe,
selon lequel la forme doit s’adapter à la fonction du bâtiment.
132
Les intérêts du Président
26
Georges Pompidou semble ici tirer la leçon de l’Exposition 72/72, objet de vives
critiques adressées directement à l’encontre du chef de l’État. Voir le chapitre 3.
27
Le transfert des Halles de Paris à Rungis est décidé en 1959. L’annonce de la
destruction des pavillons réalisés dans les années 1850 par l’architecte Baltard et em-
blèmes de l’architecture en fer de l’époque hausmanienne suscite de nombreuses cri-
tiques, notamment de la part de personnalités du monde de l’art et de l’architecture.
À la fin des années 1960, une véritable campagne de défense du quartier est mise en
place par les riverains, soutenus par plusieurs architectes. Les pavillons, à l’exception
d’un seul démonté puis remonté à Nogent-sur-Marne, sont finalement détruits durant
l’été 1972.
133
Georges Pompidou et la culture
134
Les intérêts du Président
31
Cette note s’intitule « Examen par un Comité interministériel présidé le 22 septembre
par le Premier ministre, du projet de loi sur la profession d’architecte », 16 septembre
1972, Arch. nat., 5AG2/1062.
Le projet de réforme vise notamment à libéraliser la profession d’architecte, dont le
titre est depuis 1940 soumis à l’autorité de l’Ordre des architectes. Le rapport Paira
de 1969, au fondement du projet de réforme, et avec lequel Georges Pompidou se
montre d’accord, demande la mise en place d’une garantie architecturale, censée pré-
server la qualité esthétique des nouvelles constructions. Ce projet de réforme, lon-
guement débattu dans les années 1970, n’aboutit qu’avec la loi du 3 janvier 1977, qui
institue notamment l’obligation de recours à la maîtrise d’œuvre architecturale au
dessus de certaines surfaces à construire.
135
Georges Pompidou et la culture
La proposition de loi définit l’architecture comme étant d’intérêt public, citant expli-
citement le chef de l’État.
32
Alain Bacquet (1931), juriste de formation et ancien élève de l’ENA, rejoint en
novembre 1971 le ministère des Affaires culturelles, après un court passage à la tête
du service de l’Urbanisme au ministère de l’Équipement. Il succède alors à Michel
Denieul à la direction de l’Architecture. Il reste à ce poste jusqu’en 1977, année où
est votée la loi sur l’architecture qu’il était chargé d’élaborer (loi votée en janvier
1977). Il est membre du Conseil d’État.
33
Il s’agit, à l’époque, de Pierre Messmer et de Jacques Duhamel.
136
Les intérêts du Président
34
Le Plan d’urbanisme directeur de la ville de Paris de 1959, qui définit l’utilisation du
sol dans les différentes zones de Paris, ne modifie par les limites de hauteur
(31 mètres dans le centre, 37 mètres en périphérie) imposées, sauf cas exceptionnel, à
toute construction dans l’enceinte de la ville. Les années 1960-1970 voient l’érection
de plusieurs tours, essentiellement en périphérie.
35
Arch. nat., 574AP24 et 5AG2/96.
Michel Jobert (1921-2002), énarque de formation, entre dans le cabinet de Georges
Pompidou à Matignon, comme directeur adjoint (1963-1966) puis comme directeur
(1966-1968). Il devient en 1969 secrétaire général de la Présidence avant d’être
nommé ministre des Affaires étrangères en 1973.
36
Cette lettre n’a pu être retrouvée dans les archives consultées (archives présidentielles
et archives du ministère des Affaires culturelles).
137
Georges Pompidou et la culture
*
* *
Note de Jacques Rigaud à Henri Domerg
16 mars 197337
Encore une affaire de tour… Elle me paraît suffisamment importante
pour entrer dans la catégorie des affaires sur lesquelles le Président
entend être consulté !
Le dossier de ce projet de « tour », est joint à cette note. Le directeur
de cabinet précise cependant qu’il est difficile pour le ministère d’inter-
venir directement dans la mesure où aucun monument dans la zone n’est
classé au patrimoine.
*
* *
Note de Henri Domerg à Michel Jobert
19 mars 197338
Conformément à nos conventions, le ministère des Affaires cultu-
relles soumet au président de la République un dossier de « tour » à
Paris. Vous y trouverez les éléments les plus parlants, ainsi qu’un projet
de lettre donnant au Préfet de Paris un avis défavorable. […] Il résulte
que la prolifération d’immeubles aussi hauts [de plus de 200 mètres de
hauteur] sur le pourtour de Paris risque de modifier rapidement la
silhouette de la ville.
En conséquence, Henri Domerg propose que le ministère des Affaires
culturelles fasse pression sur le Préfet de Paris pour faire annuler ce
projet.
*
* *
Georges Pompidou suit attentivement le projet de reconstruc-
tion de l’ancienne gare d’Orsay. Il approuve, dans un premier
temps, le projet d’hôtel de luxe, qui connaît rapidement d’impor-
tants problèmes. Michel Woimant résume ici les principales
difficultés rencontrées par le projet.
37
Idem.
Jacques Rigaud (1932), ancien énarque, devient en 1969 le directeur de cabinet de
Duhamel à l’Agriculture puis aux Affaires culturelles (à partir de janvier 1971). À la
mort de ce dernier, il assure jusqu’en mars 1973 la direction du cabinet de Maurice
Druon, nouveau ministre des Affaires culturelles.
38
Note de Henri Domerg à Michel Jobert intitulée « Projet de tours Place des fêtes,
Belleville », 19 mars 1973 ; Arch. nat., 574AP24.
138
Les intérêts du Président
*
Note de Michel Woimant à Michel Jobert
31 décembre 197039
Le ministre de l’Équipement et du Logement va remettre au prési-
dent de la République une note sur le projet de reconstruction de l’Hôtel
d’Orsay. Cette affaire appelle, à mon sens, quelques commentaires.
Des photomontages ont été remis à M. Balladur40 […] ils font appa-
raître un projet fade et surtout plus écrasant encore que l’actuelle gare
d’Orsay pour le site des bords de Seine. […]
[Le] report d’échéance masque une attitude ambiguë du ministère de
l’Équipement. Ce département a d’abord essayé de faire aboutir enfin un
dossier qui traîne depuis dix ans. Puis, après cette phase technique, le
ministre semble s’être inquiété sur le fond même du projet et sur les
responsabilités qui pourront lui être imputées personnellement lors de sa
réalisation.
Ainsi s’explique la nouvelle proposition de M. Chalandon41, qui
comporte, en fait, trois possibilités entre lesquelles celui-ci ne choisit
pas :
39
Note de Michel Woimant à Michel Jobert intitulée « Hôtel d’Orsay », 31 décembre
1970, Arch. nat., 5AG2/1073.
Le 10 décembre, Henri Domerg a informé le Président que le projet d’hôtel de luxe
présenté par l’architecte Guillaume Gillet devait prochainement recevoir le feu vert
de l’Équipement, sans que les Affaires culturelles aient donné leur accord. Michel
Jobert lui répond : « Le Président connaît le projet et l’accepte. » Mais le 26 dé-
cembre, en réponse à une note de Michel Jobert qui lui fait part des difficultés ren-
contrées par le projet, notamment dues à la réserve architecturale imposée par
l’Équipement (rabaissant le projet initial de 1,20 m) Georges Pompidou « demande à
être fixé avec précision à [s]on retour sur cette affaire dont [il se] méfie à l’extrême ».
Michel Woimant (1932), énarque, est d’abord chargé de mission au cabinet de
Georges Pompidou Premier ministre (1967-1968) puis conseiller technique à la pré-
sidence de la République (1969-1973) en charge de l’agriculture, de l’urbanisme et
du logement, de l’environnement et des rapatriés. En 1973, il est nommé directeur
général adjoint de la caisse nationale du Crédit agricole. Il réintègre la Cour des
comptes en 1976.
40
Édouard Balladur (1929), énarque, rejoint en 1963 le cabinet de Georges Pompidou à
Matignon. Il s’occupe alors essentiellement des affaires sociales. En 1969, il est
nommé secrétaire général adjoint de la présidence de la République et en 1973 il suc-
cède à Michel Jobert comme secrétaire général de la Présidence.
41
Albin Chalandon (1920), ancien inspecteur des Finances, homme d’affaires et
gaulliste, entre dans le Gouvernement Pompidou en 1968, comme ministre de
l’Industrie (de mai à juillet). Il est ensuite ministre de l’Équipement et du Logement
sous les Gouvernements Couve de Murville et Chaban-Delmas (1968-1972). Il met
alors en œuvre d’importantes réformes relatives notamment au développement du
réseau autoroutier et à la rénovation des logements sociaux.
139
Georges Pompidou et la culture
42
Michel Woimant fait ici référence au projet du Centre Beaubourg, et au concours
international d’architecture auquel il a donné lieu. Voir le chapitre 3.
43
Note de Georges Pompidou à Michel Woimant sur l’Hôtel d’Orsay et le projet de
Guillaume Gillet, 2 janvier 1971, Arch. nat., 5AG2/1073.
140
Les intérêts du Président
141
Georges Pompidou et la culture
Après quelque sept années, tous les accords ont été donnés, à tort ou
à raison.
Là-dessus on me fait demander si je suis d’accord. Je fais répondre
simplement que je ne m’y oppose pas. On espérait mieux. Dès lors, le
ministre de l’Équipement bat la retraite et cherche un autre moyen de me
faire prendre les responsabilités. Il n’y réussira pas. Qu’il prenne la
décision. Simplement j’estime que si on devait renoncer au projet actuel,
il serait d’élémentaire honnêteté d’indemniser les architectes qui seraient
en droit d’attaquer le refus (avec le promoteur) comme il est dit dans les
notes. J’estime ensuite que dans ce cas il faudrait refaire un concours
mais reprenant toutes les données de base et en particulier les servitudes
[de la] SNCF et les servitudes de hauteur. Il n’est pas nécessaire de faire
une tour mais il est impossible de faire quelque chose de beau,
d’original, et de rentable, dans les conditions actuelles d’utilisation du
sol et de l’espace.
Le projet Gillet n’est pas admirable, mais il ne pouvait pas l’être. Les
ministres ont tort de réprouver une « médiocrité » qu’ils ont imposée.
*
* *
Le projet d’hôtel de luxe finalement abandonné, Georges
Pompidou soutient le projet de transformer l’ancienne gare
d’Orsay en musée. En marge de la note de Henri Domerg, qui lui
présente ce projet, Georges Pompidou écrit : « Ce n’est pas une
mauvaise idée.47 » La note suivante fait état de la décision finale
du Président.
*
Note de Henri Domerg à Jacques Rigaud
17 avril 197348
Je vous confirme que la décision prise par le président de la Répu-
blique de transformer la gare d’Orsay en musée a été notifiée au ministre
de l’Équipement, ainsi qu’au ministre des Transports, avec mission pour
ce dernier d’en informer les responsables de la SNCF.
47
Annotation manuscrite de Georges Pompidou, en marge de la note de Henri Domerg
datée du 7 novembre 1972, Arch. nat., 5AG2/1062. Voir également la note de Jean
Châtelain, directeur des Musées de France, au directeur de cabinet des Affaires cultu-
relles, datée du 13 avril 1973, dans laquelle il relate avoir été assuré par le Président
de son soutien pour la construction d’un futur musée d’Orsay, Arch. nat., 5AG2/159.
48
Arch. nat., 5AG2/159.
Voir la notice biographique de Jacques Rigaud, note n° 37, p. 138.
142
Les intérêts du Président
49
Il s’agit de Olivier Guichard (alors ministre de l’Aménagement du territoire et de
l’Équipement, du Logement et du Tourisme) et de Yves Guéna.
143
CHAPITRE 3
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg :
la marque du Président
1
Dans les deux cas, Georges Pompidou formule l’idée générale du projet, débloque le
budget afférent puis délègue la mise en œuvre à des hommes de confiance, reconnus
pour leurs compétences. François Mathey, directeur du musée des Arts décoratifs, est
chargé de l’exposition de 1972 et Robert Bordaz est nommé en 1970 « délégué pour
la réalisation du Centre du plateau Beaubourg ».
2
Note de Henri Domerg à Jean-René Bernard intitulée « Préparation du Budget :
Affaires culturelles », 15 mars 1971, Arch. nat., 5AG2/154.
145
Georges Pompidou et la culture
*
* *
I. L’Exposition 72/72
Dans cette note, Jean Leymarie cite longuement la lettre du
Président à Edmond Michelet, en date du 8 décembre 1969, par
laquelle il informe son ministre de son souhait de voir organiser
une exposition consacrée à l’art contemporain3.
*
Extrait de la note de Jean Leymarie
2 mars 19704
[Dans sa lettre, le Président jugeait qu’] il convenait « d’imaginer
une grande exposition réunissant une sélection d’œuvres de tous les
principaux peintres et sculpteurs vivants et qui habitent et travaillent en
France, qu’ils soient Français ou qu’ils aient précisément cherché dans
notre pays le milieu approprié à l’exercice de leur art. Une telle exposi-
tion, allant de Picasso jusqu’à la jeune école, et se déroulant dans un lieu
qui lui serait adapté, tel que le Grand Palais (en liaison d’ailleurs éven-
tuellement avec le Petit Palais comme ce fut le cas pour l’exposition
Picasso) ne manquerait pas d’avoir un grand retentissement. » Le prési-
dent de la République faisait savoir également au ministre d’État chargé
des Affaires culturelles qu’il était prêt « vu l’importance du projet, à
demander au Premier ministre et au ministre de l’Économie et des
Finances de prévoir un financement exceptionnel ».
Dans sa note, Jean Leymarie souligne que l’exposition ne devrait
pas se limiter aux seuls artistes vivants – idée approuvée par Georges
Pompidou d’un « d’accord » en marge du texte. Il ajoute que les artistes
étrangers exposés devraient être choisis non en fonction de la durée de
leur séjour en France mais en fonction de l’influence de la France sur
leur œuvre. Georges Pompidou inscrit ce commentaire en marge.
3
La note de Georges Pompidou à laquelle il est ici fait référence n’apparaît pas dans
les fonds de l’Élysée déposés aux Archives nationales.
4
Note de Jean Leymarie sur « L’exposition consacrée à l’art contemporain », 2 mars
1970, Arch. nat., 574AP23.
Jean Leymarie (1919-2006), conservateur et ancien professeur de lettres, est, de 1969
à 1973, conservateur en chef du Musée national d’art moderne (MNAM). Il est
associé en 1971 à la préparation du concours architectural pour le projet du Centre
Beaubourg, dont il refusera cependant de diriger le département des Arts plastiques.
Il est, de 1977 à 1984, directeur de l’Académie de France à Rome.
146
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
5
Friedrich Stowasser, dit Hundertwasser (1928-2000), peintre autrichien abstrait
formé à Vienne, visite Paris pour la première fois en 1950, puis en 1953. C’est au
cours de ce second séjour parisien qu’il adopte le motif de la spirale, qui devient ca-
ractéristique de son œuvre. Il ne cesse par la suite de voyager, vivant entre le Japon,
la Nouvelle-Zélande et l’Autriche.
6
Sam Francis (1923-1994), peintre abstrait américain, s’installe à Paris en 1950, et y
demeure près de douze ans, passant les dernières années de son séjour entre la France
et le Japon. Ses influences vont des œuvres de Monet ou de Matisse à l’expression-
nisme abstrait américain, en passant par la calligraphie japonaise. Il obtient, dès les
années 1950, une certaine reconnaissance en Europe puis aux États-Unis et en Asie.
Il retourne aux États-Unis en 1961.
7
Arch. nat., 574AP23.
147
Georges Pompidou et la culture
148
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
9
Arch. nat., 5AG2/1060. L’annotation de la main de Georges Pompidou est, par
endroits, difficilement lisible. Nous avons indiqué par [xxx] les mots que nous
n’avons pu déchiffrer.
10
Hans Bellmer (1902-1975), artiste d’origine polonaise, s’installe en France en 1938.
Rattaché au groupe surréaliste, il est connu pour ses dessins et gravures d’anatomies
enchevêtrées, explicitement sexuels. Il illustre ainsi les œuvres de Georges Bataille et
de Sade.
149
Georges Pompidou et la culture
Pierre Bettencourt (1917-2006), peintre français, est connu pour ses tableaux reven-
diqués comme érotiques, de très grand format et réalisés à partir de matériaux très
divers (incluant coquilles d’œufs et grains de café).
11
Jacques Monory (1934), peintre figuratif français, fait partie dans les années 1960 du
courant de la Figuration narrative, qui revendique un retour à une peinture figurative
et l’utilisation d’images quotidiennes, empruntées au cinéma, à la photographie, à la
publicité, à la bande dessinée ou à la peinture. Les scènes représentées par Jacques
Monory, baignant dans une couleur bleutée, sont ainsi généralement tirées de revues
ou de films.
12
Arch. nat., 574AP23 et 5AG2/158.
13
Note de Georges Pompidou à Henri Domerg sur l’exposition « Art vivant », s.d.,
ibidem.
150
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
14
Arch. nat., 574AP23 et 5AG2/1062.
15
Voir la notice biographique de Martial Raysse, note n° 16, p. 27.
151
Georges Pompidou et la culture
rien pour eux, ils n’ont pas de service à lui rendre ». Ceci pose trois
questions :
1°) Tout d’abord en quoi cette exposition rend-elle service à l’État ?
Elle rend service à l’art vivant, aux artistes qu’elle fait connaître, au
grand public qu’elle familiarisera avec des formes d’art auxquelles il
n’est pas habitué. L’État, en ma personne, sera plutôt critiqué par tous –
et ils sont la grande majorité – qui restent prisonniers des conceptions
traditionnelles.
2°) Un artiste a-t-il le droit de refuser que ses œuvres soient exposées
à partir du moment où elles ont été vendues par lui ? Si l’État ou des
particuliers possèdent des œuvres, peut-on les empêcher de les montrer ?
J’aimerais une réponse sur ce point.
3°) Le Parc et M. Raysse sont de bien mauvais exemples. J’ai aidé
M. Raysse dans la mesure où je lui ai acheté deux tableaux, je l’ai reçu à
Matignon où il a accepté de venir me voir et m’a dit combien il appré-
ciait le fait que le Premier ministre de l’époque s’intéressât à la peinture
actuelle et à son œuvre en particulier. Quant à Julio Le Parc, c’est moi
qui ai donné instruction de l’autoriser à rentrer en France dont le minis-
tère de l’Intérieur l’avait expulsé à la suite des événements de Mai 1968,
alors qu’il se rendait à Flins pour manifester, ce qui n’est pas le rôle
d’un étranger, et que ses supporters, pour dénoncer l’arbitraire de
l’expulsion, alléguaient que le gouvernement montrait son ignorance de
l’art et du fait que celui de Le Parc a besoin de la création en usine.
Argument particulièrement ridicule puisque l’usine était en grève.
IV– Quant au choix, vous êtes libre. À titre d’opinion personnelle et
qui n’a rien à voir avec ma fonction, je regrette l’omission de Bro et de
Hundertwasser16. Quant au vedettariat, c’est un reproche qu’on ne
pourrait accepter que si l’exposition était réservée à des vedettes ou si
elles y avaient une place excessive. Mais il est facile d’éviter ce dernier
inconvénient. Et je trouve pour ma part fâcheux d’éliminer Hartung (qui
d’ailleurs s’est renouvelé dans ses dernières œuvres), Vasarely qui est en
pleine activité et Matta17. J’admets qu’il n’en est pas de même pour
Julio Le Parc (1928), artiste originaire d’Argentine, s’installe à Paris en 1958. Il fait
partie des fondateurs du GRAV (Groupe de recherche d’art visuel), mouvement qui,
en rupture avec la tradition artistique, cherche à promouvoir un art collaboratif et ac-
cessible à tous. Il obtient en 1966 le grand prix de peinture de la biennale de Venise.
Son œuvre peut se rattacher au cinétisme, mouvement artistique pour lequel Georges
Pompidou marque un intérêt marqué.
16
René Brault, dit Brot (1930-1987), est un peintre français, ami de Hundertwasser. Il
développe un art d’apparence naïve, inspiré du quattrocento et marqué par l’influence
surréaliste.
17
Hans Hartung (1904-1989), peintre abstrait d’origine allemande, installé à Paris dans
l’entre-deux-guerres, est d’abord influencé par le cubisme. Il s’en détache peu à peu
152
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
pour parvenir à une peinture plus spontanée et lyrique, recourant aux zébrures, ha-
chures, tourbillons pour exprimer un désespoir né de la guerre mondiale. Il obtient en
1960 le grand prix de peinture à la Biennale de Venise. Il offre en 1964 la toile E20
au couple Pompidou. Devenu Président, Georges Pompidou fait acheter plusieurs de
ses toiles, qui sont accrochées à l’Élysée. Voir le témoignage de Claude Pompidou
dans Hommage au Président Georges Pompidou, un homme de culture, Paris, Artcu-
rial, 1987, p. 21.
Victor Vasarely (1908-1997), peintre d’origine hongroise, est l’un des principaux
représentants de l’art optique : ses créations abstraites jouent ainsi d’une géométrie
cellulaire, des effets de couleurs et de lumière pour créer des illusions d’optique.
D’après les agendas tenus par Madeleine Négrel, Georges Pompidou le reçoit à plu-
sieurs reprises (les 28 novembre 1969, 2 juillet 1971 et 19 août 1972) ; il insiste éga-
lement pour que l’artiste soit consulté lors du choix des couleurs de la façade du futur
Centre Beaubourg (Arch. nat., 5AG2/1060).
Roberto Matta Echauren, dit Matta (1911-2002), peintre chilien, vit en Europe, et
notamment à Paris, durant l’entre-deux-guerres. Il rejoint alors le mouvement surréa-
liste qu’il suit dans son exil new-yorkais pendant la guerre. Il revient après-guerre en
Europe, à Rome puis à Paris. Ses tableaux restent marqués par un style surréaliste,
mêlant représentations figuratives et expression de l’inconscient.
18
Henri Michaux (1899-1984), écrivain et poète français, est originaire de Belgique.
Influencé par le surréalisme, il réalise dans l’entre-deux-guerres ses premiers ta-
bleaux et dessins. Son œuvre graphique la plus connue date d’après-guerre : ses
encres et dessins à la plume, réalisés sous l’emprise de drogues hallucinogènes, pren-
nent alors l’aspect de signes calligraphiques ou d’idéogrammes, recouvrant toute la
surface de l’œuvre.
Tal Coat, Pierre Louis Corentin Jacob dit, (1905-1985), peintre français figuratif à
l’origine, se tourne après guerre vers une abstraction aux couleurs austères.
19
Jean-Pierre Vasarely, dit Yvaral (1934-2002), fils de Victor Vasarely, se rattache,
comme son père, au courant cinétique. Il est en 1960 l’un des co-fondateurs du
GRAV (Groupe de recherche d’art visuel).
153
Georges Pompidou et la culture
154
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
Mais je suis sûr que, dans certains pays, ce champ se serait étendu
très loin, jusqu’où la liberté est étranglée par la doctrine. Ici, le contenu
de l’exposition porte la couleur de celui, de ceux qui l’ont faite. Mon
choix eût sans doute été différent. Différent celui d’un troisième. Ce qui
compte, c’est qu’on ait dit à un homme responsable et compétent :
« Voici les moyens de votre action : agissez ! » Son action sera criti-
quée. Encore une fois, tant mieux. Moi-même, il se peut que je la cri-
tique, en tant que spectateur. Mais qui, sérieusement, se flatterait, dans
le kaléidoscope de l’art contemporain, de trouver la couleur unique, le
vrai, le seul reflet de la création ? Ce fut difficile à toute époque. L’idée,
à notre époque, en serait absurde. Ce qui compte, c’est de trouver une
couleur de référence, de référence à soi, qu’on l’adopte ou qu’on la
rejette. Ce qui compte pour l’État démocratique, c’est qu’ayant choisi un
homme, on lui laisse toute liberté de conception et de réalisation. C’est
ce qui s’est passé. C’est ce qu’au fond personne, absolument personne,
ne conteste. La partialité d’apparence est ainsi le gage de l’impartialité
en profondeur. […]
Mais on dit autre chose. On parle de caprice coûteux. Et l’on ajoute :
tout pour le prestige, rien pour l’action fondamentale. Cette critique
m’apparaît plus sérieuse. Si cette exposition, si l’Opéra étaient les alibis
éclatants d’un néant culturel, je donnerais raison à nos censeurs. Or il
n’en est rien. Le prestige seul ne saurait valoir. Mais le coup d’éclat qui
s’insère dans une politique à long terme cristallise l’intérêt, fait rebondir
et développe l’action. C’est le cas d’un Opéra de premier ordre, levier de
la diffusion musicale. C’est le cas de l’exposition qui s’ouvre. Ce sera
demain le cas du plateau Beaubourg. Pôle de référence éphémère pour
l’une, centre durable de création renouvelée pour l’autre ; non pas vi-
trines : creusets. Lieux où l’artiste et le public se rencontrent, de sorte
que, par l’œuvre, un vrai dialogue entre eux s’établisse et que celui-là
reçoive de celui-ci l’écho de sa propre image façonnée de sa main. […]
Cette exposition vaut ainsi par elle-même. Elle vaut bien plus comme
l’un des accents d’une politique. Celle-ci vise à faciliter l’insertion de
l’artiste dans le monde contemporain. […]
Ce que je crois, c’est que le devoir de l’État est de faciliter, dans
toute la mesure du possible, le contact du public et de l’œuvre et d’aider
l’artiste, sur le plan moral et sur le plan matériel, à s’aider lui-même
pour devenir l’homme de référence qu’attendent les hommes d’aujour-
d’hui. Je dis : l’aider à s’aider lui-même : ce pas ultime dont je parle,
c’est à lui seul de le franchir. Cette aide ne peut être apportée que lente-
ment, dans une véritable concertation. […]
L’exposition qui s’ouvre, loin d’être un caprice, s’inscrit dans une
politique d’ensemble où l’accent particulier et l’action en profondeur,
loin de s’opposer, se complètent. Pour l’éloge ou la critique, elle doit
155
Georges Pompidou et la culture
22
L’intégralité de l’article est reproduit à l’annexe n° 1.
23
Georges Pompidou fait ici référence à la lettre qu’il a envoyée à Edmond Michelet le
8 décembre 1969.
156
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
n’a marqué que peu d’intérêt et, en tout cas, pas de compréhension pour
l’art de sa génération. Ce fut aussi vrai des impressionnistes que des
artistes dits d’avant-garde aujourd’hui.
Voilà donc quelles étaient mes préoccupations. Il va de soi qu’en in-
vitant le ministre des Affaires culturelles à organiser cette exposition je
m’engageais à lui faire obtenir les crédits nécessaires en plus de son
budget normal, incapable de supporter une charge nouvelle assez impor-
tante.
Cette difficulté levée, les choses devaient aller vite et, en effet, c’est
ce qui s’est passé. J’en viens aux faits.
J’ai été informé que le choix, pour l’organisation, s’était porté sur
M. Mathey. Je n’y ai fait aucune objection, bien entendu, ayant
d’ailleurs eu l’occasion d’apprécier d’excellentes expositions modernes
au musée des arts décoratifs, dont il est conservateur.
J’ai su qu’il s’était entouré de conseillers, dont je connaissais ou ne
connaissais pas les noms. Cela ne me regardait pas.
On m’a fait savoir qu’il avait retenu une liste d’environ deux cent
cinquante artistes. J’ai vu cette liste ; il n’est pas prouvé que c’eut été
exactement la mienne, mais ce n’était pas mon affaire.
Là-dessus, on m’a dit qu’une conversation entre M. Mathey et moi
était utile, et je l’ai bien volontiers invité24. J’ai cru comprendre qu’il se
sentait anxieux devant le grand nombre de noms qu’il avait retenus,
qu’il craignait que ce fût non une exposition mais une sorte d’échan-
tillonnage, où le public se perdrait et ne pourrait percevoir l’essentiel, se
fatiguerait aussi devant la quantité des œuvres exposées, et qu’un choix
plus restreint et plus récent donnerait à l’exposition une unité et une
signification plus nettes. J’ai dit que, pour ma part, je n’y voyais aucun
inconvénient, que je me fiais à l’organisateur et ne prétendais pas me
substituer à lui. M. Mathey m’a paru satisfait de cette attitude, qui,
manifestement, le tirait d’embarras. Enfin, on m’a communiqué la liste
des artistes définitivement retenus. J’en connaissais beaucoup ; j’en
ignorais aussi un certain nombre. De toute manière, je ne voulais pas
intervenir. Toutefois, il m’a semblé que le parti retenu par M. Mathey
éliminait beaucoup de grands artistes non seulement vivants mais en
pleine activité, et qu’il présentait des inconvénients : absence de noms
connus et importants, dont le simple fait qu’ils soient connus incite le
public à venir et à s’intéresser plus facilement ; risque de tomber dans
l’extrême, jusques et y compris le caractère volontiers provocateur de
l’art le plus récent. Par là, risque de déconcerter le public qui n’est pas
familier des galeries d’avant-garde, c’est-à-dire presque tout le monde.
24
François Mathey est reçu par Georges Pompidou et Henri Domerg le 26 mars 1971.
157
Georges Pompidou et la culture
158
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
26
Ancien résistant, partageant les idées d’une droite nationaliste et royaliste, Michel de
Saint-Pierre dirigeait notamment le journal du Comte de Paris.
27
Georges Pompidou fait référence aux discours du 14 mai 1968, du 27 février 1970 (à
San Francisco) et du 4 novembre 1971 (discours prononcé à l’occasion du vingt-
cinquième anniversaire de l’UNESCO).
159
Georges Pompidou et la culture
28
Arch. nat., 5AG2/1042.
29
Lettre tapuscrite, Arch. nat., 574AP12.
160
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
30
Voir p. 137.
31
Le projet de bibliothèque publique, conçu à l’origine par la direction des biblio-
thèques, rattachée à l’Éducation nationale, est ainsi en partie repris par le projet du
Centre Beaubourg. Voir p. 91.
161
Georges Pompidou et la culture
162
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
bien sûr. Il faudra en effet plusieurs directeurs et, à la tête, une « person-
nalité » qui soit à la fois un animateur et un organisateur.
*
* *
De même Georges Pompidou envoie une lettre aux ministres
concernés afin que soient mises en œuvre, dans les meilleurs
délais, les mesures nécessaires. Nous retranscrivons ici la lettre
adressée au Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas.
*
Lettre de Georges Pompidou à Jacques Chaban-Delmas
23 juin 197034
Mon cher Premier Ministre,
Au cours du conseil interministériel que j’ai présidé le 11 décembre
1969, l’implantation d’un Musée des arts contemporains sur le plateau
Beaubourg a été envisagée. Les études menées depuis lors ont permis de
constater que la bibliothèque de lecture publique dont l’installation était
précédemment prévue à ce même lieu pourra trouver place dans l’édifice
abritant le musée. La réalisation de cet ensemble peut difficilement se
concevoir en dehors de l’opération de rénovation des Halles35. Un
conseil interministériel se prononcera sur ces problèmes dès la rentrée
prochaine.
Il convient cependant de prévoir, d’ores et déjà, l’inscription au bud-
get de 1971 des sommes représentant le premier versement de la charge
foncière que le musée d’une part, la bibliothèque de lecture publique
d’autre part, devront acquitter. En l’état actuel des études, il semble que
le montant total de cette charge foncière sera d’environ 90 millions, et,
pour la bonne marche des opérations, il est souhaitable que cette somme
soit versée en trois échéances.
Les surfaces affectées à la bibliothèque représentant environ le tiers
de la surface totale du musée, je souhaiterais :
1– Que vous puissiez prélever sur la masse budgétaire de 1971, en
vue d’une affectation au budget du ministère des Affaires culturelles, la
somme de 20 millions de francs.
34
Lettre tapuscrite, Arch. nat., 574AP12.
Jacques Chaban-Delmas (1915-2000), ancien résistant, maire de Bordeaux et député
de la Gironde, est plusieurs fois ministre sous la IVe République. Il devient Premier
ministre le 20 juin 1969 et occupe ce poste jusqu’au 5 juillet 1972.
35
Voir p. 127.
163
Georges Pompidou et la culture
36
L’attention de Georges Pompidou aux détails les plus techniques révèle sa volonté
que le projet soit mené à bien de façon rapide. Avant la nomination de Robert Bordaz
comme délégué à la réalisation du Centre, il n’hésite pas à trancher les problèmes
pour faire avancer le projet. Ainsi, face aux difficultés pour faire libérer le terrain, il
écrit à René Galy-Dejean : « Nous n’allons pas commencer à nous poser des ques-
tions. Pour faire aboutir un tel projet, il convient d’être d’un entêtement absolu. Donc
le musée s’édifiera sur le plateau Beaubourg. […] Il faut obtenir de payer ce qui était
prévu pour la bibliothèque + les frais présentés par l’expropriation de la parcelle n° 5.
On se contentera de 2 hectares et les architectes auront à faire leurs plans en consé-
quence. » Note de René Galy-Dejean à Georges Pompidou, 6 janvier 1969, Arch.
nat., 5AG2/1058.
37
Note de Jean Daney de Marcillac à Michel Jobert intitulée « Centre d’art contempo-
rain », 21 août 1970, Arch. nat., 574AP12.
Voir les notices de Jean Daney de Marcillac et Michel Jobert à l’annexe n° 6.
164
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
38
Voir la note de Sébastien Loste à Jean Daney de Marcillac, 20 août 1970, Arch. nat.,
574AP12. La présente note reprend en intégralité celle du 20 août.
Pour la biographie de Sébastien Loste, voir la notice à l’annexe n° 6.
39
Il est difficile d’après ces commentaires de savoir exactement ce qu’a pu penser
Georges Pompidou de cette maquette. Selon Henri Domerg, il aurait immédiatement
adhéré au projet. (Témoignage de Henri Domerg réalisé par Pascale Goetschel et
Emmanuelle Loyer, 8 juillet 1992, Arch. nat. – AGP, 1AV18). D’autres commen-
taires font état d’une certaine incompréhension, voire du peu d’enthousiasme du Pré-
sident. Voir notamment le témoignage d’Anne-Marie Dupuy (réalisé par Véronique
Pradier et Thierry de Valence, 10 février 1998, Arch. nat. – AGP, 1AV320).
40
Arch. nat., 574AP14.
165
Georges Pompidou et la culture
41
Yaacov Agam (artiste israélien né en 1928), Carlos Cruz-Diez (artiste d’origine
vénézuelienne né en 1923) et Victor Vasarely figurent parmi les pionniers de l’art
optique, dont Georges Pompidou apprécie particulièrement les réalisations.
Voir à ce sujet les notes sur le salon Agam, p. 144 et sur Vasarely p. 153.
42
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Statut du Centre Beau-
bourg », 24 février 1972, Arch. nat., 574AP17 et 5AG2/1062.
43
Entré en 1966 au ministère des Affaires culturelles comme directeur de la musique,
Marcel Landowski s’attache à réformer et à revaloriser l’enseignement de la musique
en France. Le « plan de 10 ans » qu’il lance en 1969 prévoit d’ouvrir chaque année
trois conservatoires nationaux en région, cinq écoles nationales de musique et sept
écoles municipales de musique agréées par l’État. Ces nouvelles structures d’ensei-
gnement, modernisées, s’adressent autant aux futurs professionnels que, et c’est une
nouveauté, aux amateurs.
Le choix de Marcel Landowski par André Malraux se fait contre celui de Pierre
Boulez, soutenu par une partie du cabinet du ministre. Cette décision entraîne notam-
ment la démission de Gaëtan Picon.
166
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
44
Il s’agit respectivement du directeur des Musées de France et du directeur des
Bibliothèques.
45
Le Centre national d’art contemporain est créé en 1967, en prolongement du Musée
national d’art moderne fondé en 1947, afin de soutenir la création vivante.
167
Georges Pompidou et la culture
168
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
47
Le 20 mars 1972, Georges Pompidou écrit à son conseiller : « Je suis prêt à faire
avant l’été un petit conseil, quand M. Duhamel sera prêt à faire des propositions pré-
cises. » Voir Arch. nat., 5AG2/1062, note de Henri Domerg à Georges Pompidou et
annotation manuscrite de Georges Pompidou.
48
Arch. nat., 574AP11.
Ce Conseil restreint est entièrement consacré au projet du Centre Beaubourg. Y assis-
tent : le Président, le Premier ministre (Jacques Chaban-Delmas), les ministres de
l’Intérieur (Raymond Marcellin), de l’Économie et des Finances (Valéry Giscard
d’Estaing), des Affaires culturelles (Jacques Duhamel), le Préfet de Paris (Jean
Verdier), ainsi que le délégué à la réalisation du Centre Beaubourg (Robert Bordaz).
169
Georges Pompidou et la culture
49
La place de la Reynie représente « la zone délimitée à l’Ouest par la rue Quincam-
poix, au Sud par la rue La Reynie, à l’Est par la rue St Martin, au Nord par les pi-
gnons des immeubles sis au 36 de la rue Quincampoix et 111 rue St Martin ». Note
de Robert Bordaz au Préfet de Paris, 5 octobre 1970, Arch. nat., 574AP12. Dans cette
note, Robert Bordaz fait part au Préfet du souhait de Georges Pompidou que la place
de la Reynie soit transformée en espace piétonnier.
La SEMAH (Société d’économie mixte pour l’aménagement des Halles) est créée en
octobre 1969 et a pour fonction de diriger les travaux de réaménagement du quartier
des Halles. Elle remplace, suite au déplacement des Halles à Rungis en mars 1969, la
SEAH (Société d’études pour l’aménagement des Halles, instaurée en novembre
1963).
170
De l’Exposition 72/72 au Centre Beaubourg
50
Voir le relevé de décisions du Conseil restreint du 10 mars 1973, Arch. nat.,
574AP11.
51
Annotation de Georges Pompidou en marge de la note que lui adresse Henri Domerg
le 26 janvier 1973, consacrée au Centre Beaubourg (problèmes de construction et
équipement informatique), Arch. nat., 574AP10.
171
QUATRIÈME PARTIE
175
Georges Pompidou et la culture
176
CHAPITRE 1
Garantir l’efficacité
de l’action culturelle de l’État
177
Georges Pompidou et la culture
2
Il s’agit alors, dans l’ordre, de Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard d’Estaing,
Edmond Michelet, Olivier Guichard, Raymond Marcellin, Joseph Comiti, André
Bettencourt et de Jean-Jacques de Bresson.
178
Garantir l’efficacité de l’action culturelle
179
Georges Pompidou et la culture
arts. Plusieurs « centres dramatiques » voient alors le jour, qui reçoivent une aide
financière fournie par l’État et les municipalités intéressées. Cette politique, freinée
après le départ de Jeanne Laurent en 1952, est relancée à partir de 1959, avec
l’ouverture de nouveaux centres dramatiques nationaux et la création de nouveaux
labels « troupes permanentes » et « centres d’action culturelle ».
5
À ce sujet, voir le chapitre n° 2 de la deuxième partie.
6
Arch. nat., 5AG2/164.
180
Garantir l’efficacité de l’action culturelle
2– Cinéma
À compter du 1er janvier 1970, la taxe à la valeur ajoutée sera éten-
due (à son taux intermédiaire) au cinéma et aux séances de télévision.
Jusqu’à présent les salles de spectacles étaient empêchées de se moder-
niser par l’impôt que prélevaient sur leurs recettes les collectivités lo-
cales et par l’impossibilité de déduire la TVA incluse dans leurs inves-
tissements.
L’extension de la TVA ira donc de pair avec la suppression de
l’impôt sur les spectacles ; celui-ci sera remplacé, au profit des collecti-
vités locales, par un versement, qui variera comme le versement repré-
sentatif de la part locale de l’ancienne taxe sur les salaires.
Pour atténuer les charges fiscales des petites salles d’exploitation, la
profession modifiera la répartition de la cotisation professionnelle.
Ces dispositions ont également été adoptées à la demande expresse
du Président.
En outre le président de la République s’est intéressé au sort de deux
projets qui avaient été mis en œuvre lorsqu’il était Premier ministre ; le
plan de développement de la Lecture publique, adopté en 1967 et dont il
convient d’évaluer les premiers effets ; les moyens nouveaux de favori-
ser l’exportation du livre français : l’examen de cette question avait été
abordé par le cabinet de M. Pompidou avant les événements de Mai ; il a
été demandé au Premier ministre de reprendre ce travail dans les meil-
leurs délais.
*
* *
Henri Domerg présente ici la nouvelle orientation donnée par
Guy Brajot à la politique de décentralisation théâtrale. Georges
Pompidou a indiqué, pour tout commentaire : « J’approuve les
idées de M. Brajot.7 »
*
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou
30 décembre 19708
La décentralisation dramatique est, après vingt-cinq ans, un des faits
majeurs de la vie théâtrale nationale […]. Mais il faut passer de l’ère de
la conquête à celle de l’organisation.
7
Voir la notice biographique de Guy Brajot, note n° 7 p. 97.
8
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Esquisse d’une politique de
décentralisation dramatique », 30 décembre 1970, Arch. nat., 5AG2/1059.
181
Georges Pompidou et la culture
9
Philippe Saint-Marc (1927), diplômé de l’ENA, est conseiller technique auprès de
différents ministères de 1962 à 1968. Il devient directeur des Spectacles, de la Mu-
sique et des Lettres au ministère chargé des Affaires culturelles en 1969. À son dé-
part en 1971, il intègre la Cour des Comptes.
182
Garantir l’efficacité de l’action culturelle
10
Les théâtres nationaux de Strasbourg et de l’Est parisien (aujourd’hui Théâtre de la
Colline) sont créés en 1968 et 1972. Ils rejoignent ainsi les trois premiers théâtres
nationaux, la Comédie française et l’Odéon (les deux plus anciens) et le Théâtre de
Chaillot (devenu théâtre national en 1920).
11
Jacques Calvet (1931) est directeur adjoint puis directeur du cabinet de Valéry
Giscard d’Estaing, ministre de l’Économie et des Finances, de 1970 à 1974.
12
Évoquées dès 1959 par André Malraux comme un de ses projets prioritaires, les
Maisons de la culture sont officiellement créées en 1961. Ces nouvelles structures
doivent permettre, selon André Malraux, l’accès du plus grand nombre au « patri-
moine national et [à] la gloire de l’esprit de l’humanité ». Les Maisons de la culture
figurent au nombre des institutions critiquées lors de la crise de Mai 1968. Essentiel-
183
Georges Pompidou et la culture
*
Note de Henri Domerg à Jean Daney de Marcillac
28 juin 197113
Voici quelques observations à propos des documents du ministère
des Finances que vous m’avez communiqués.
I– Fonctionnement
Le litige porte essentiellement sur deux secteurs, théâtre et musique.
[…] Je suis pour ma part plus favorable au secteur de la musique qu’à
celui du théâtre qui, sur le plan politique, est beaucoup plus turbulent.
Les crédits demandés pour la musique concernent la RTLN14 […] et
la politique d’expansion musicale (plan décennal dit plan Landowski15).
Ce sont ces dernières demandes qui me paraissent devoir être soutenues.
Quant aux Troupes de la décentralisation et les Maisons de la cul-
ture16, il me semble qu’il n’y a pas lieu d’étendre encore leur activité.
D’autre part, je suivrai les Affaires culturelles pour ce qui est de la
Comédie française mais non pas pour l’Odéon ou le TNP.
Je signale enfin que la présidence de la République s’intéresse au
Festival d’automne (1 million)17.
Quant aux emplois demandés au titre du Centre Beaubourg, sans
doute peut-on aller un peu plus loin que ce que proposent les Finances
[…].
lement fréquentées par les classes moyennes, elles sont taxées de véhiculer une cul-
ture « bourgeoise ». Après le départ de Malraux, les projets de nouvelles Maisons de
la culture sont peu à peu remplacés par des centres d’action culturelle, qui accordent
plus de poids à l’intervention et au financement des collectivités locales.
13
La note est intitulée « Arbitrage budgétaire. Affaires culturelles », Arch. nat.,
5AG2/154.
14
La Réunion des théâtres lyriques nationaux est créée en 1939. Elle rassemble l’Opéra
national de Paris et l’Opéra-Comique.
15
Sur le plan Landowski, voir la note n° 46, p. 167.
16
Dans une note précédente à Jean Daney de Marcillac, Henri Domerg notait au sujet
des Maisons de la culture : « C’est l’un des points les plus délicats de l’activité du
ministère des Affaires culturelles. Il est certain que le modèle “lourd” pour lequel
avait opté M. Malraux et qui a donné lieu déjà à plusieurs réalisations doit prendre
des formes diverses et souvent consister en un changement d’état d’esprit dans
l’utilisation des équipements existants. » Note de Henri Domerg à Jean Daney de
Marcillac, 13 janvier 1970, Arch. nat., 5AG2/154.
17
Sur le Festival d’automne, voir la note n° 2 p. 175.
184
Garantir l’efficacité de l’action culturelle
II– Équipement
Je vous rappelle le litige concernant le Centre Beaubourg.
Il faut que l’Éducation nationale paye la part qui lui revient, c’est-à-
dire un tiers. Les deux autres tiers (au titre des Affaires culturelles mais
hors enveloppe) ont été acceptés par la direction du Budget18. […]
*
* *
18
L’Éducation nationale prend en charge le financement de la bibliothèque publique
d’information, intégrée au projet du Centre Beaubourg.
185
CHAPITRE 2
Le défi de la modernisation culturelle : redonner
à la France sa place sur la scène internationale
I. L’ouverture internationale
Dans cet extrait, Georges Pompidou défend la modernisation
de Paris. Il revient notamment sur les raisons justifiant la créa-
tion d’un centre consacré aux arts contemporains sur le plateau
Beaubourg.
*
1
Alors qu’il est à Matignon, plusieurs affaires ont alimenté le débat sur le « déclin
français » en matière culturelle et confirmé le retard pris par la France dans la compé-
tition internationale. Certaines ont dû marquer le futur Président, tel le départ fracas-
sant du galeriste Daniel Cordier pour New York (que connaît et fréquente Georges
Pompidou), l’exil du musicien Pierre Boulez suite à un différend avec André Malraux,
ainsi que la polémique liée à la vente du tableau de Georges de La Tour à un musée
américain.
En 1969, Georges Pompidou écrit ceci, en réponse à une note de son conseiller, rédi-
gée à sa demande et concernant les mesures fiscales visant à soutenir les théâtres pri-
vés en France : « Le théâtre parisien a perdu sa place dans le monde au profit de
Londres (New York étant évidemment à part). Il faudrait une action étatique et pas
seulement fiscale. Mais qui peut la mener ? Et avec qui ? » Note de Henri Domerg au
Président, 15 septembre 1969, Arch. nat., 5AG2/1058.
187
Georges Pompidou et la culture
188
Le défi de la modernisation culturelle
5
La référence à un « modèle » américain, qu’incarne notamment la puissance du
MoMA (Musée d’art moderne de New York), se retrouve chez les principaux con-
cepteurs du Centre Beaubourg. Ainsi Sébastien Loste, conseiller technique au cabinet
d’Edmond Michelet, effectue en 1970 une série de voyages à l’étranger, aux États-
Unis et dans les pays scandinaves. Le rapport qu’il rédige est transmis au Président,
qui note : « On peut marcher sur ces bases. […] les idées sont justes. » Voir la note
de Henri Domerg à Georges Pompidou, 16 février 1970 et le rapport de Sébastien
Loste du 14 février 1970 (22 p.), Arch. nat., 574AP10.
Georges Pompidou reprend ici des éléments d’une réflexion menée par les Affaires
culturelles, et notamment par Gaëtan Picon, sur le rôle et la fonction d’un musée d’art
moderne et contemporain.
6
Georges Pompidou fait ici référence à la polémique créée par la restructuration du
quartier des Halles à Paris et la destruction des anciennes halles dues à l’architecte
Baltard. Voir p. 127.
189
Georges Pompidou et la culture
de Pierre Boulez et sans doute de Xénakis7. Qui dit mieux ? Tout cela
coûte cher, je le dis franchement. Mais sur plusieurs années, c’est fina-
lement une goutte d’eau dans le budget de l’État, et si l’objectif est
atteint, ce sera une réussite sans précédent. Mes raisons : j’aime l’art,
j’aime Paris, j’aime la France. Je suis frappé du caractère conservateur
du goût français, particulièrement de ce qu’on appelle l’élite, scandalisé
de la politique des pouvoirs publics en matière d’art depuis un siècle8, et
c’est pourquoi je cherche à réagir, avec un succès mitigé.
*
* *
De même qu’il a voulu un concours international pour la
construction du futur Centre Beaubourg9, le Président prône le
recours, si besoin est, à des architectes étrangers, dans le cadre
d’un projet – non abouti – de construction d’une nouvelle tour de
la Télévision à Paris.
*
Note de Georges Pompidou à Henri Domerg
27 novembre 197210
En ce qui concerne la tour de la Télévision11, il faudrait prévenir
M. Duhamel que je tiens à suivre l’affaire de près. Notamment, je ne
7
Iannis Xenakis (1922-2001), architecte et compositeur d’origine grecque, s’installe à
Paris après la Seconde Guerre mondiale. Il étudie alors la composition avec Olivier
Messiaen puis rejoint dans les années 1950 le Groupe de recherches de musique con-
crète de Pierre Schaeffer. Il devient dans les années 1960 une des figures importantes
de la musique contemporaine. Il obtient en 1965 la nationalité française. D’après les
agendas tenus par Madeleine Négrel, Georges Pompidou le reçoit à dîner, en compa-
gnie de Michel Guy, le 24 juin 1971, Arch. nat., 5AG2/1094.
Voir la notice biographique de Pierre Boulez à la note n° 12, p. 126.
8
Georges Pompidou reprend ici la critique de la politique des Beaux-arts menée sous
la IIIe et la IVe Républiques. C’est avec cette politique conservatrice (et notamment
l’incapacité de l’État à reconnaître et à soutenir la création d’avant-garde) que le mi-
nistère des Affaires culturelles entendait justement rompre.
9
Voir à ce sujet la lettre de Georges Pompidou à Edmond Michelet, p. 160.
Consulté au sujet de la composition du jury, Georges Pompidou répond : « Réflexion
faite, ce jury est un peu “classique”. Il n’y a […] personne de Chicago, pas de Japo-
nais… Je préférerais un quatrième architecte choisi parmi ces “modernes” réels, et
faire de Gaëtan Picon le directeur. Il y aurait deux Français seulement mais ce n’est
pas grave, le directeur ayant forcément son mot à dire. » Annotation manuscrite de
Georges Pompidou sur une note de Henri Domerg, 15 juillet 1970, Arch. nat.,
5AG2/1059.
10
Arch. nat., 574AP20.
11
Ce projet s’inscrit dans le cadre des travaux d’aménagement du front de Seine, à
l’ouest de Paris.
190
Le défi de la modernisation culturelle
suis pas d’accord avec le fait qu’on ne demande conseil qu’à des Fran-
çais. Je trouve normal qu’on réserve le projet à un Français, mais on
pourrait s’adresser à des étrangers : ça ne ferait pas de mal12.
*
* *
Georges Pompidou n’hésite pas non plus à ce que soit fait
appel aux entreprises étrangères pour la réalisation du Centre
Beaubourg.
*
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou
13 avril 197313
Les appels d’offres concernant la structure métallique du Centre
Beaubourg, qui avaient été lancés auprès d’entreprises françaises, ont
abouti à des propositions excédant très largement quant à leur coût les
sommes prévues.
M. Bordaz a repoussé ces propositions et les entreprises lui en ont
fait d’autres, rentrant davantage dans les prix prévus, mais s’éloignant
sur les plans technique et esthétique du vœu des architectes.
M. Bordaz s’est alors tourné vers certaines entreprises étrangères et il
a notamment reçu une proposition de l’entreprise allemande Krupp.
Cette proposition correspond aux conditions fixées : charpente en acier
moulé, type de structure audacieuse prévu par les architectes, garantie de
délai, accord sur le recours en sous-traitance à certaines entreprises
françaises, prix conforme […].
Ainsi M. Bordaz se trouve en présence de deux possibilités :
– ou accepter l’offre de Krupp ;
– ou recourir à des entreprises purement françaises (la Société fran-
çaise d’entreprises métalliques et le Creusot) qui n’offrent pas la même
garantie d’acier et qui semblent plus chères que la première […].
Une réponse doit être donnée à Krupp pour le 25 avril.
12
Suite à cette note, René Galy-Dejean et Henri Domerg étudient la possibilité d’ouvrir
le concours aux architectes étrangers. Cette demande n’aboutit finalement pas, pour
des raisons pratiques de délai à respecter. L’idée d’un concours international est ce-
pendant reprise pour le projet du Centre Beaubourg.
Au sujet du concours pour le front de Seine, voir les notes de René Galy-Dejean à
Georges Pompidou, 7 décembre 1972 et de Henri Domerg à Georges Pompidou,
20 décembre 1972, Arch. nat., 574AP20.
13
Arch. nat., 543AP21 et 574AP10.
191
Georges Pompidou et la culture
192
Le défi de la modernisation culturelle
montrer plus discret que dans son pays, je pense que monsieur Bordaz
pourrait pousser jusqu’à son terme la négociation qu’il a engagée avec
l’intéressé, de sorte que l’incertitude que vous souhaitiez ne pas voir se
prolonger prenne fin au plus tôt.
Il faudrait néanmoins que monsieur Bordaz s’assure de nouveau que
la désignation d’un étranger n’entraînera pas, en tant que telle, des
remous.
Je rappelle que monsieur Hulten est né en 1924.
Georges Pompidou répond en marge : Oui. Il faut le prendre pour
lancer l’affaire. On verra après16.
*
* *
16
Henri Domerg adresse une nouvelle note au Président le 18 juin : il y dit la bonne
impression que lui a faite Pontus Hulten. Georges Pompidou écrit en marge : « En
avant, marche ! » Voir la note de Henri Domerg à Georges Pompidou, 18 juin 1973,
Arch. nat., 543AP21.
17
Georges Pompidou a certainement été marqué par le vif débat suscité par l’achat en
1960 du célèbre tableau de Georges de La Tour, La diseuse de bonne aventure, par le
Metropolitan Museum of Art de New York et dont la sortie, autorisée par André
Malraux, avait fait l’objet de violentes critiques, poussant le ministre des Affaires
culturelles à s’expliquer devant l’Assemblée nationale.
18
Arch. nat., 5AG2/1058.
19
L’Anglais Norman Granz publie une lettre ouverte à ce sujet dans L’Express du
17 octobre 1969.
193
Georges Pompidou et la culture
20
Henri Laugier (1888-1973), médecin, scientifique de renom et premier directeur du
CNRS, devient secrétaire général adjoint de l’ONU après-guerre puis est, de 1952 à
1958, membre du conseil exécutif de l’UNESCO. Amateur d’art et collectionneur, il
est un ami de Picasso.
21
Louis Aragon (1897-1982) est un des intellectuels les plus célèbres ralliés au Parti
communiste français dont il reste un membre officiel jusqu’à sa mort. En dépit de
leur opposition idéologique, Georges Pompidou reconnaît admirer l’œuvre du poète
et écrivain, qu’il n’hésite pas à citer (voir l’entretien paru dans Paris-Match le 2 jan-
vier 1968, p. 26, ainsi que le texte lu par Jacques Toja à la Comédie française, le
28 avril 1969, p. 63). Suite à la mort de son épouse, Elsa Triolet, Georges Pompidou
adresse ses condoléances au poète. Ce dernier lui répond : « Faut-il vous dire que les
mots que vous avez su trouver pour moi m’ont été droit au cœur ? […] J’aurais pu
vous écrire merci, tout de suite, et rien de plus, cela aurait mieux valu. Je n’y ai sim-
plement pas pensé. […] Vous m’avez parlé humainement, comprenez que j’en fasse
autant. Vous êtes le président de la République, c’est-à-dire que tout ce qu’on peut
vous écrire est faussé par là-même : mais pourtant entendez comme je les dis, comme
je les pense, les plus simples mots : Respectueusement merci. » Lettre manuscrite de
Louis Aragon à Georges Pompidou, reçue le 16 juillet 1970 (fonds personnel de la
famille Pompidou aux Archives nationales).
Aucun rendez-vous avec l’écrivain n’apparaît cependant dans les agendas tenus par
Madeleine Négrel (Arch. nat., 5AG2/1094).
22
Dans les années suivantes, et avant que ne se pose la question de la succession du
peintre, Georges Pompidou donne son accord afin que soient étudiés plusieurs projets
de musée Picasso. Plusieurs lieux sont évoqués, qui pourraient abriter le futur mu-
sée : le Palais du Luxembourg, l’ancienne gare d’Orsay ainsi que l’ancien atelier du
Bateau Lavoir. Aucun de ces projets ne voit le jour.
Voir à ce sujet les notes de Henri Domerg à Georges Pompidou, 18 novembre 1969,
Arch. nat., 5AG2/1058 ; 6 mai 1971, Arch. nat., 5AG2/1060 ; 9 octobre 1972, Arch.
nat., 5AG2/1060.
23
La loi du 31 décembre 1968 sur les dations en paiement permet aux propriétaires
d’œuvres d’art d’acquitter une dette fiscale (notamment les droits de succession) par
l’attribution de ces œuvres à l’État. Le décret d’application de la loi date du 10 no-
vembre 1970.
194
Le défi de la modernisation culturelle
24
Arch. nat., 574AP23.
25
Une disposition est finalement prise pour que la loi soit appliquée de façon rétroac-
tive au cas Poliakoff. Voir la note de Henri Domerg à Édouard Balladur, 20 octobre
1970, Arch. nat., 574AP23.
26
Arch. nat., 5AG2/1062.
27
Maurice Aicardi (1919-2007), licencié en droit, occupe dans les années 1950-1960
plusieurs postes auprès du gouvernement et des institutions européennes, essentiel-
lement comme conseiller aux affaires économiques. En octobre 1971, il est nommé
Président de la Commission interministérielle pour la conservation du patrimoine
artistique, il suit notamment la mise en œuvre de la loi du 31 décembre 1968 sur les
dations en paiement. Il reste à ce poste jusqu’en 1981. Il devient également, en 1975,
membre du conseil artistique des musées nationaux.
195
Georges Pompidou et la culture
28
Georges Pompidou s’intéresse à plusieurs affaires de donations. Averti par Henri
Domerg, il encourage un projet d’acquisition par l’État de la maison abritant la
collection d’art brut du peintre Dubuffet, en échange d’une partie de cette collection.
Voir la note de Henri Domerg à Georges Pompidou, « Donation Dubuffet »,
25 février 1961, Arch. nat., 5AG2/1062. De même il suit la question de la succession
Zervos, dont l’alerte personnellement le poète René Char. Voir la note de Henri
Domerg à Georges Pompidou, « Succession Zervos », 13 septembre 1973 et la lettre
manuscrite de René Char à Georges Pompidou, non datée, Arch. nat., 543AP21.
29
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Projet Montaigu de mécénat
des entreprises », 13 janvier 1973 ; Arch. nat., 574AP26 et 543AP21.
D’après les notes précédentes de Henri Domerg, les Pompidou connaissent
M. Montaigu, dont ils ont, à son invitation, visité la collection privée. Il est donc
vraisemblable que ce dernier ait déjà évoqué directement son projet auprès du Prési-
dent.
196
Le défi de la modernisation culturelle
197
Georges Pompidou et la culture
198
CHAPITRE 3
La culture, outil de politique étrangère
1
Note de Henri Domerg à Georges Pompidou intitulée « Crédits relatifs à l’action
artistique française à l’étranger », 17 juin 1972, Arch. nat., 5AG2/1062.
2
Établie en 1945, la direction générale des Relations culturelles, scientifiques et tech-
niques n’est pas directement affectée par la création du ministère des Affaires cultu-
relles, le Quai d’Orsay conservant la maîtrise de la politique culturelle extérieure.
Pierre Laurent (1919-2008) en assure la direction de 1969 à 1974.
199
Georges Pompidou et la culture
3
Voir notamment la note de Henri Domerg du 21 janvier 1971, qui fait état des
difficultés des éditeurs français confrontés à la concurrence de grands groupes étran-
gers (sur le marché du livre par correspondance notamment). Georges Pompidou note
en marge : « Le problème du livre est très important et je souhaiterais qu’on l’étudie
et me propose des mesures. », Arch. nat., 5AG2/1060.
200
La culture, outil de politique étrangère
201
Georges Pompidou et la culture
6
Arch. nat., 5AG2/57 et 5AG2/155.
202
La culture, outil de politique étrangère
7
Cette exposition s’inscrit dans la continuité d’une politique de prestige mise en place
par André Malraux. Un an auparavant, le ministre des Affaires culturelles s’est rendu
aux États-Unis, à l’occasion d’une exposition exceptionnelle de La Joconde à
Washington et à New York.
8
Arch. nat., 5AG2/1086.
203
Georges Pompidou et la culture
9
Georges Pompidou cite ici un poème des Fleurs du mal. Sur son goût pour l’œuvre
de Baudelaire voir p. 39.
10
La Vénus de Milo (datée de 130-100 av. J.-C.) est retrouvée sur l’île de Mélos en
1820. Offerte en 1821 par le marquis de la Rivière à Louis XVIII, elle est placée au
Louvre et restaurée en France.
11
Le portrait de Taira Shigemori est une peinture sur soie datant de la fin du XIIe siècle.
André Malraux, qui a pu l’admirer lors de son voyage au Japon en 1958, la citera en
1973 dans le Musée imaginaire comme une des œuvres les plus remarquables du
Japon.
La Kannon Kudara est une statue représentant une divinité bouddhiste, datant du
e
VII siècle.
204
La culture, outil de politique étrangère
12
Ce discours est prononcé à l’Assemblée nationale, Arch. nat., 5AG2/1086.
13
Discours prononcé à l’Hôtel Matignon lors de la séance inaugurale du Haut comité
pour la défense et l’expansion de la langue française, Arch. nat., 5AG2/1087.
205
Georges Pompidou et la culture
tout le fruit qu’elle pourrait bien produire »14. Quatre siècles plus tard,
ces mots pourraient encore inspirer votre action.
Au lendemain de la guerre, le prestige de notre langue s’était trouvé
diminué et son usage amoindri, par une décadence qui répondait à
l’abaissement de la nation et de son rôle dans le monde. Cependant dès
la France libre, dès le Gouvernement provisoire, dès la Libération et la
République restaurée, se manifesta la volonté de reconquérir le terrain
perdu.
On ne dira jamais assez l’importance de la conférence de Brazza-
ville. En janvier 1944, le général de Gaulle engagea toute l’Afrique
française dans la voie de la promotion sociale, politique et scolaire. De
ce geste, date la seconde francisation de l’Afrique, non plus coloniale,
mais spirituelle15.
On doit aussi au gouvernement de la Libération la création de la di-
rection générale des Affaires culturelles, dont monsieur le professeur
Henri Laugier a assumé en premier la responsabilité. On lui doit enfin
l’adoption du français comme langue de travail à l’ONU16.
Ainsi, en 1945, était établi le camp de base d’une remontée dont les
effets sont déjà visibles. L’effort n’a cessé d’être poursuivi, mais il s’est,
au cours des huit dernières années, à ce point renforcé que la situation en
1966, comparée à ce qu’elle était il y a vingt ans, paraît désormais
brillante.
Certes, le relèvement de l’État, l’indépendance reconquise, la situa-
tion morale de la France dans le monde comptent pour beaucoup dans le
prestige croissant de notre langue, notamment à l’est de l’Europe et dans
les pays du tiers monde ; mais le rétablissement de la nation n’aurait
apporté qu’un faible soutien à la cause de la langue, si des moyens
accrus n’avaient pas été mis au service de sa diffusion.
Pour le seul département des Affaires étrangères, le budget de la di-
rection générale des Affaires culturelles et techniques a doublé de 1960
à 1966 et les résultats obtenus sont à la mesure des efforts : trente mille
professeurs nous représentent dans le monde entier. Le français a recon-
quis le titre de première langue étrangère dans de nombreux pays, et
14
Georges Pompidou cite ici La Défense et illustration de la langue française (1549),
texte fondateur de la littérature française, dans laquelle le poète Joachim du Bellay
défendait l’usage du français comme langue littéraire.
15
La conférence de Brazzaville, ouverte le 30 janvier 1944 par le général de Gaulle
alors président du Comité français de la Libération nationale, réunit les représentants
des territoires français d’Afrique autour de René Pleven, commissaire aux Colonies.
Elle est une première étape vers l’Union française en 1946 et annonce le processus
qui mènera à l’indépendance des anciennes colonies d’Afrique noire en 1960.
16
Voir la notice biographique d’Henri Laugier, note 22, p. 194.
206
La culture, outil de politique étrangère
207
Georges Pompidou et la culture
17
Il s’agit du décret n° 66-203 du 31 mars 1966.
18
Le premier comité rassemble des écrivains (Yves Berger, Marc Blancpain, Maurice
Genevoix, Wladimir d’Ormesson, Christine de Rivoyre), des scientifiques (Pierre
Auger, Robert Courrier, Henri Laugier), des linguistes (Georges Gougenheim,
Georges Matoré) ainsi que l’historien Fernand Braudel, la comédienne Edwige
Feuillère, Mgr Pierre Ramondot, Jacques Masson-Forestier et Pierre Bergot.
19
Georges Pompidou fait ici référence à l’Académie française, créée en 1635 avec pour
mission de fixer le bon usage de la langue française. La prudence dont fait preuve
Georges Pompidou en définissant les compétences du futur Comité est certainement
liée aux résistances qu’il a pu rencontrer. Le 1er décembre 1965, il prend ainsi le soin
de présenter ce projet en Conseil des ministres, suite à « la résistance des services »
(Arch. nat., 539AP6, notes prises par Jean Donnedieu de Vabres en Conseil des mi-
nistres).
208
La culture, outil de politique étrangère
209
Georges Pompidou et la culture
20
Voir à ce sujet Éric Bussière et Émilie Willaert, Un projet pour l’Europe. Georges
Pompidou et la construction européenne, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2010, 447 p.
210
La culture, outil de politique étrangère
des liens entre eux. Demain, sans doute, il en ira de même des hommes
de science ou d’administration, des techniciens, des ingénieurs, et des
étudiants.
Ces regroupements favoriseront, outre des actions communes, une
division du travail profitable à tous. Les ententes entre éditeurs, entre
directeurs de journaux et de revues peuvent éviter bien des frais, ac-
croître les tirages, éliminer les doubles investissements. Dans certains
cas, l’assistance technique aux pays en voie de développement, puissant
instrument d’influence culturelle, peut être réalisée en commun par des
francophones d’Europe et d’Amérique. Déjà, les littératures africaine,
belge, québécoise, contribuent fortement au rayonnement de notre
langue, dont elles prouvent l’aptitude à servir toutes les inspirations,
toutes les traditions nationales. Ces littératures mériteraient d’être mieux
connues à l’étranger où elles grandiraient le prestige du français21.
Bien d’autres chances nous sont données, parmi lesquelles, je dois
citer, au premier rang, l’ardeur de la jeunesse française. En créant le Ser-
vice national de coopération, le gouvernement a voulu orienter les
jeunes vers des tâches fécondes22. L’enseignement, l’assistance techni-
que sont de celles-là ; mais il reste à découvrir mille modalités d’action
nouvelles, à pénétrer fraternellement de nombreux pays où notre pré-
sence se manifeste encore peu.
L’attrait qu’exerce la France sur les touristes étrangers, comme le
désir des Français de voyager hors de notre pays peuvent aussi fournir
l’occasion d’une influence culturelle durable ; une certaine sorte de
tourisme se prête en effet à des séjours prolongés, à des rencontres de
jeunes, à des sessions d’études éminemment profitables à la diffusion de
notre langue. Je sais que plusieurs d’entre vous se consacrent avec
dévouement à cette forme d’action, leur présence au sein du Haut comité
est le gage d’un nouvel essor du tourisme culturel.
Enfin, le relèvement de nos sciences et de nos techniques ne man-
quera pas, à la longue, de restaurer le prestige du français, comme
moyen d’expression d’une pensée rigoureuse. Mais notre devoir est
d’anticiper sur cette évolution probable, car la situation présente, qu’il
s’agisse de la vente de livres techniques ou de l’usage du français dans
les congrès scientifiques, est alarmante. Il faudra donc compenser l’in-
suffisance des moyens par un choix intelligent des points d’application.
Le français peut aider et doit s’imposer dans certaines disciplines nais-
21
Sur le soutien au livre français, voir p. 83.
22
La loi du 6 juillet 1966 permet, aux jeunes gens qui le souhaitent et sous certaines
conditions, d’effectuer leur service militaire obligatoire dans une mission de coopéra-
tion.
211
Georges Pompidou et la culture
santes. C’est en pariant sur le XXIe siècle que nous lui rendrons, aux
côtés de l’anglais et du russe, la place qui fut naguère la sienne.
Le redressement ne se fera qu’au prix d’un effort systématique de
tous les laboratoires, de tous les centres de recherche, de toutes les
grandes entreprises publiques et privées. Il faut créer, par la contagion
de quelques bons exemples, un esprit de croisade.
Vous le voyez, monseigneur, messieurs, c’est une tâche passionnante
qui vous est confiée. Votre réunion et la présence de plusieurs membres
du Gouvernement attestent l’importance que nous attachons à l’illus-
tration de notre langue. Le prestige de la nation est pour nous Français
inséparable de celui de son langage, à la fois parce que le français
exprime l’âme même de notre peuple et parce que nous n’imaginons pas
de grandeur française qui ne soit, avant tout, spirituelle.
*
* *
Georges Pompidou donne ici une définition de la francopho-
nie comme espace, non pas seulement linguistique, mais culturel.
*
Extrait du toast porté par Georges Pompidou
au déjeuner offert par Léopold Sédar Senghor à Dakar
6 février 197123
Car ici plus qu’ailleurs, se sent l’importance de ce que l’on a appelé
la francophonie, terme auquel, Monsieur le Président, vous préférez
celui de francité24. Bien sûr, le fait de parler une même langue, de prati-
quer une même culture facilite les échanges mais à mes yeux, c’est la
manière de concevoir et d’appréhender les choses et le monde qui est
essentielle et qui fait que notre compréhension est totale. Si nous adhé-
rons à ce vaste mouvement francophone si divers à travers le monde, ce
n’est pas pour en faire un univers fermé et replié sur lui-même mais bien
pour améliorer la connaissance que nous avons les uns des autres,
23
Ce discours est donné à l’occasion du premier voyage de Georges Pompidou en
Afrique. Lors de cette tournée en Afrique de l’Ouest, il revient à plusieurs reprises
sur le thème de la coopération, Arch. nat., 5AG2/1089.
24
Père de la République du Sénégal indépendante mais « amie » de la France, chantre
du retour aux racines africaines, Léopold Sédar Senghor, Président du Sénégal, se fait
le défenseur d’une francophonie pensée comme une véritable communauté culturelle.
Il utilise plus volontiers la notion de francité, définie comme « l’ensemble des valeurs
de la langue et de la culture, partant de la civilisation française » (extrait de la confé-
rence de L. Sédar Senghor à l’Université Laval de Québec, 2 septembre 1987,
ref. cit.).
212
La culture, outil de politique étrangère
213
Georges Pompidou et la culture
214
La culture, outil de politique étrangère
215
ANNEXES
ANNEXE 1
« Déclarations de Georges Pompidou,
président de la République, sur l’art et
l’architecture » – Le Monde, 17 octobre 1972
219
Georges Pompidou et la culture
cas, des dérogations ont pu être accordées pour de mauvais motifs, j’en
suis, hélas ! convaincu, éliminons le côté suspect du terme dans le cas de
la Défense. Cela, pour une bonne raison : c’est que la Défense est une
opération sans équivalent, montée par les pouvoirs publics, qui a été
entreprise je crois en 1956, a depuis été poursuivie par tous les gouver-
nements et confiée à un haut fonctionnaire dont nul ne discute que je
sache l’honorabilité, le dynamisme et l’obstination. Mais elle n’allait pas
de soi : au départ, personne ne voulait aller à la Défense, et nous ne
sommes pas du tout dans le cas du promoteur qui cherche à obtenir un
permis pour un projet qu’il a conçu. L’éloignement, l’environnement,
l’incertitude sur la construction du RER, tout détournait les entreprises
de s’y installer. Loin d’avoir à résister à des pressions, c’est l’organisme
public qui cherchait des clients. Aujourd’hui encore, il serait très facile
d’en perdre ou de ne plus en trouver suffisamment. Et si l’on exigeait
des hauteurs inférieures, ou même des démolitions partielles, c’est
l’organisme public qui se trouverait en déficit et finalement le contri-
buable qui paierait. Voilà ce que je tenais à préciser. J’ajoute qu’on ne
peut affirmer que ce sont les dérogations qui ont « compromis une
perspective architecturale unique ». Rien ne prouve que le plan initial
aurait été meilleur. Ce qu’il faut c’est se demander : la Défense, telle
qu’elle se présente actuellement, telle qu’elle évoluera encore d’ailleurs,
compromet-elle cette perspective dont vous parlez ?
Et là, je suis obligé de relever une inexactitude dans les termes de la
première question. Il n’y a jamais eu de perspective « du Carrousel et
des Tuileries à la Défense ». Il y avait une perspective du Carrousel à
l’Arc de Triomphe. Au-delà c’était le vide, une avenue très large, mais
sans finalité ni architecturale ni esthétique. Personne ne s’est jamais
arrêté sous l’Arc de Triomphe pour contempler l’avenue de la Grande
Armée, l’avenue de Neuilly et les immeubles en pitoyable état qui
recouvraient les terrains actuels de la Défense. Du Carrousel, des Tuile-
ries, on contemplait les Champs-Élysées et leur perspective fermée par
l’Arc de triomphe. Voilà la vérité.
La question est alors de savoir ce qu’on devait faire entre l’Arc et la
place de la Défense. On pouvait imaginer un parti classique d’immeu-
bles d’habitation et de bureaux de moyenne hauteur. Je ne sais si, prati-
quement, on aurait pu mettre cette opération sur pied. Mais il faut
admettre que c’eût été un renoncement architectural. La perspective
Carrousel-Arc de triomphe eût été intacte. Au-delà, c’eût été la médio-
crité : des maisons succédant à des maisons, sans aucune tentative ni
d’urbanisme novateur ni de création architecturale. L’idée de créer un
quartier d’affaires, un centre où se regrouperaient les sièges sociaux des
grandes entreprises, était une idée liée à l’effort général de faire de la
France une grande puissance économique et de Paris un grand centre
220
Annexe 1
221
Georges Pompidou et la culture
222
Annexe 1
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Georges Pompidou et la culture
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Annexe 1
225
Georges Pompidou et la culture
226
Annexe 1
227
Georges Pompidou et la culture
d’autres n’auront fait que bafouiller, et d’autant plus qu’ils auront voulu
trop « signifier ».
Si l’art contemporain me touche, c’est à cause de cette recherche
crispée et fascinante du nouveau et de l’inconnu. Comment ne citerais-je
pas Apollinaire ?
Soyez indulgents quand vous nous comparez
À ceux qui furent la perfection de l’ordre
Nous qui quêtons partout l’aventure…
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l’illimité et de l’avenir
Pitié pour nos erreurs, pitié pour nos péchés.
Art contemporain, art par essence contradictoire : strict comme les
mathématiques ou violemment lyrique, sincère jusqu’à l’impudeur ou
insolent dans l’imposture, explosion de couleur et de joie ou négation de
tout, y compris de lui-même, il est toujours à l’affût du lendemain.
N’est-ce pas l’image de notre monde ?
L’« EXPO 72 » AU GRAND PALAIS
L’exposition du Grand Palais « Douze ans d’art contemporain en
France » a suscité remous et commentaires divers, notamment en raison
de son patronage présidentiel. On l’a même appelée l’« Expo-
Pompidou ». Ainsi, certains comprennent mal que le président de la
République accorde son patronage à une exposition de cette nature. Et
vous passez – à tort ou à raison – pour en être l’inspirateur. Qu’en est-
il, Monsieur le Président ?
Peu de temps après mon arrivée à l’Élysée, j’ai écrit au ministre des
Affaires culturelles pour lui dire que je souhaitais l’organisation d’une
exposition sur l’art vivant en France.
Mon idée était la suivante : depuis les années 1950-1960, il était ad-
mis, dans le monde des arts, que Paris avait été définitivement supplanté
par New York. Or il m’apparaissait que non seulement la France était
restée terre d’élection et de travail pour de très nombreux artistes de
toute nationalité, mais que se dessinait un renouveau français dans la
création artistique récente. J’irai jusqu’à dire que la secousse de mai
1968 avait joué un rôle en ce sens.
D’autre part, il ne s’agissait pas que de marquer la place de la France
dans l’art international. Il me paraissait utile de donner aux artistes une
possibilité de contact avec un public plus large que celui des galeries des
expositions spécialisées, et il me paraissait souhaitable d’amener un
public nombreux à découvrir l’art contemporain, au lieu de se limiter à
des rétrospectives. Il faut bien admettre que, pour des raisons qu’il serait
228
Annexe 1
229
Georges Pompidou et la culture
230
Annexe 1
pas qu’il y avait au Grand Palais des œuvres ayant dans le domaine des
arts plastiques la valeur des Fleurs du mal en poésie. Mais enfin n’y
aurait-il que trois ou quatre artistes réellement importants que ce serait
déjà considérable ! Je le répète, la similitude des critiques inquiète et
donne à réfléchir.
Cela mène d’ailleurs plus loin. Il est exact que l’art récent s’épuise à
chercher la nouveauté, n’importe quelle nouveauté. Qu’est-ce après tout
sinon l’amère constatation que « tout est dit et l’on vient trop tard », et
l’effort pour la dépasser à tout prix ?
Il est exact aussi que l’art récent tend souvent vers la laideur systé-
matique, vers une saleté agressive, morale et matérielle. Mais regardons
autour de nous, jusque dans l’habillement et le comportement d’une
partie de la jeunesse.
N’y a-t-il pas là qui donne également à réfléchir ?
Plutôt que de tout repousser en bloc, ne vaudrait-il pas mieux s’inter-
roger sur les causes ? N’est-ce pas un signe, entre autres, d’un malaise,
d’une crise des consciences ? L’erreur de beaucoup, selon moi, est de
s’imaginer que le problème est lié à la société dite libérale. S’il est lié à
une forme de société, c’est à la société industrielle, technique et scienti-
fique, et le libéralisme n’a d’autre responsabilité que de permettre à ce
malaise de s’extérioriser. Car le mal est dans l’homme, qui se traduit par
une réaction irrationnelle de recul et même de refus devant le « pro-
grès », un progrès qu’on réclame âprement par ailleurs et qu’on fait tout
pour accélérer. C’est là pour moi le problème fondamental ; je l’ai dit à
San Francisco comme à l’UNESCO, comme déjà à l’Assemblée natio-
nale en mai 1968. Notre époque le résoudra-t-elle ? Je ne sais. Mais si
elle ne le résout pas, les choses risquent de mal finir.
LE RÔLE CULTUREL DE L’ÉTAT
Quel rôle l’État peut-il jouer – ou ne pas jouer – dans le domaine
culturel ?
Ce qu’est l’art pour l’artiste, il ne m’appartient pas de le dire. Mais
l’art est l’expression d’une époque, d’une civilisation, fût-ce de la
révolte contre cette civilisation, et, vous le savez, le meilleur témoignage
que l’homme – et aussi une nation – puisse donner de sa dignité. L’État
ne peut pas ou du moins ne doit pas s’en désintéresser. L’indifférence,
l’incompréhension de l’État ne nuisent d’ailleurs pas forcément à la
création artistique. Toute la peinture française et de l’École de Paris
depuis les impressionnistes le prouve. Il n’en est pas moins vrai que si
l’État, les collectivités publiques avaient, au temps des impressionnistes,
des fauves, des cubistes, des abstraits, acheté ce que la critique presque
unanime considérait comme ridicule, nous n’en serions pas réduits à
231
Georges Pompidou et la culture
232
ANNEXE 2
Liste des déjeuners consacrés par le Président
Georges Pompidou aux affaires culturelles
233
ANNEXE 3
Liste des artistes et personnalités du monde
des arts reçus par Georges Pompidou (1962-1974)
Cette liste a été établie d’après les agendas tenus par Madeleine
Négrel. Les artistes mentionnés ont été, pour la plupart, reçus à titre
personnel, parfois au domicile même des Pompidou. Ne sont indiquées
ici que les personnalités du monde des arts et des lettres et non les
hommes politiques (tels André Malraux ou les ministres des Affaires
culturelles)1.
Les précisions concernant la rencontre (dîner, lieu, points d’interro-
gation) sont celles notées par Madeleine Négrel.
– Yaacov Agam : 13 octobre (avec Mme Pompidou) et 9 novembre 1972
(dîner avec M. et Mme Agam)
– Balthus : 21 juillet 1970
– Guy Béart : 22 mai, 20 septembre, 3 novembre et 21 décembre 1967
(dîner à l’Orangerie) ; 16 janvier, 19 octobre, 4 et 23 décembre 1968
(Orangerie) ; 21 avril 1969
– Bernard Buffet : 1er février 1963 (1/2 h) ; 17 janvier 1966 (dîner quai
de Béthune)
– Pierre Boulez : 16 septembre 1969 (avec Mme Pompidou) ; 13 mai
1972
– Raymond Cordier : 22 novembre 1962 (avec Julien Gracq), 13 fé-
vrier (avec F. Gall), 19 mars, 2 avril (quai de Béthune), 24 avril, 15 mai
(dîner), 23 mai (avec Defforey), 3 juillet, 17 septembre, 22 octobre et
17 décembre 1963 ; 4 mars 1965 (déjeuner en tête-à-tête)
– Salvador Dali : 9 mai 1963 (dîner ?)
– Pierre Dux : 5 février 1973
– Max Ernst : 25 mai 1972 (dîner)
– Julien Gracq : 22 novembre 1962 (avec Cordier)
– Michel Guy : 19 juin, 11 septembre (?), 21 et 24 septembre (?), 5 oc-
tobre (?), 22 octobre 1959 ; 19 février 1960 (?) ; 27 février (?), 15 mai et
1er juin 1961 ; 8 juin (?) et 8 août 1962 ; 24 avril (dîner chez Guy) et
1
Sont également notées les rencontres avec les galeristes Aimé Maeght et Raymond
Cordier et le commissaire-priseur Maurice Rheims. Les visites des galeries (celles de
Karl Flinker et de Mathias Fels notamment) n’ont pas été incluses.
235
Georges Pompidou et la culture
29 juin 1963 (dîner Michel Guy) ; 1er février (dîner chez les Guy), 3 juil-
let (chez Michel Guy) et 18 novembre 1965 ; 13 décembre 1967 ;
24 juin 1971 (dîner avec Xenakis)
– Étienne Hajdu : 12 octobre 1966 (dîner avec Anthonioz et Gillet)
– Hans Hartung : 17 décembre 1968 (Mme Pompidou, M. et
Mme Michelet, M. Malraux) ; 14 février 1969
– René Huygues : 13 mars 1970 (présentation Ionesco)
– Yves Klein : 7 mars 1969
– Aimé Maeght : 18 décembre 1967 (déjeuner avec Anthonioz et
Jobert)
– François Mathey : 26 mars 1971 (avec Domerg)
– Georges Mathieu : 24 novembre (?), 21 décembre (?) 1959 ; 12 fé-
vrier 1960 ; 4 décembre 1972
– Jean d’Ormesson : 18 octobre 1963 (dîner avec Malraux ?) ; 2 mars
1965 (dîner) ; 25 janvier 1966 ; 5 avril 1967 (dîner) ; 19 décembre 1973
(avec Emmanuel Mistler)
– Roland Petit : 20 avril et 29 septembre 1959 ; 14 juillet 1964 (dîner
chez les Roland Petit)
– Maurice Rheims : 20 novembre 1959 ; 21 octobre 1960 ; 24 et
30 janvier, 9 novembre 1961 ; 6 avril 1965 (avec René Laurin) ; 14 no-
vembre 1968
– Martial Raysse : 17 novembre 1965 (reçu avec Guy Laroche à 19h) ;
24 février 1968
– Nicolas Schöeffer : 3 juin 1971
– Jacques Toja : 15 et 16 avril 1969
– Victor Vasarely : 28 novembre 1969 ; 2 juillet 1971 ; 19 août 1972
(les Vasarely iront déjeuner ou dîner – coucher ? – à Brégançon)
236
ANNEXE 4
Liste des expositions et galeries visitées
par Georges Pompidou
Cette liste, établie à partir des agendas tenus par Madeleine Négrel,
indique les expositions auxquelles s’est rendu Georges Pompidou. Ont
été incluses les visites de musées et de galeries, même si le titre de
l’exposition n’était pas précisé.
1962
Musée du Louvre (3 août et 15 novembre)
Exposition Rheims (28 novembre)
1963
Exposition Rheims, musée Galliera (13 juin)
Exposition Kandinsky au musée d’Art moderne (24 juin)
1964
Exposition Buffet (vernissage le 7 février 1964 et visite de l’expo-
sition le 11)
Musée du Louvre (10 février)
Musée Galliera (18 et 19 mars)
Galerie Karl Flinker (21 mars)
Exposition Delaunay au musée du Louvre (1er avril)
Musée d’art moderne et galerie Charpentier (9 mai)
Exposition d’art copte (17 juillet)
Exposition peintres naïfs (5 décembre)
1965
Exposition Rheims, musée Galliera (22 mars)
1966
Musée d’Art moderne (12 et 19 février)
Galerie rue Saint-Placide et antiquaires (19 février)
Exposition d’art fauve (5 mars)
Musée Galliera (30 mars)
Galerie Karl Flinker (4 avril)
237
Georges Pompidou et la culture
238
Annexe 4
1971
Exposition Max Ernst (après dîner seul) (30 avril)
Galerie Mathias Fels (29 juin)
Exposition Tinguely, CNAC (1er juillet)
Exposition Picasso, Musée du Louvre (avec Mme Pompidou)
(21 octobre)
Exposition Daum (Mme Pompidou) (2 décembre)
Exposition Picasso (Mme Pompidou) (16 décembre)
1972
Expositions Kandinsky et Klee (25 juillet)
Exposition Surréalistes (5 septembre)
Exposition Agam (?) (9 novembre)
1973
Galerie Karl Flinker (9 mars)
239
ANNEXE 5
Liste des films vus par Georges Pompidou
Cette liste a été constituée d’après les agendas tenus par Madeleine
Négrel. Même si cela n’est pas toujours explicitement mentionné, la
plupart de ces films ont été très probablement visionnés lors des séances
de cinéma, organisées à l’époque de Matignon rue de Lübeck à la
demande de Georges Pompidou et auxquelles étaient conviés ses colla-
borateurs.
Seuls les titres figurent dans les agendas, le nom du réalisateur et le
pays d’origine du film ont été indiqués entre parenthèses. Il s’agit
généralement de films récents, sortis peu après ou – cela n’était pas rare
– peu avant leur sortie officielle en France. La date de réalisation n’a
donc été indiquée que lorsqu’il s’agissait de films plus anciens.
Les séances pour lesquelles aucun titre n’était précisé n’ont pas été
incluses dans cette liste1.
1963
4 janvier : Le procès (Orson Welles, France)
20 février : L’immortelle (Alain Robbe-Grillet, France)
10 mai : Les abysses (Nico Papatakis, France)
22 mai : Les oiseaux (Alfred Hitchcock, États-Unis)
1964
13 janvier : Le mépris (Jean-Luc Godard, France)
6 février : Comme tu me veux (George Fitzmaurice, 1931)
16 mars : Le silence (Ingmar Bergman, Suède)
4 mai : To be or not to be [Aucune indication ne permet de dire s’il
s’agit du film américain de Connie Rasinski, sorti en 1962 ou du film
d’Ernst Lubitsch datant de 1942.]
29 mai : Docteur Folamour (Stanley Kubrick, Royaume-Uni)
1
Les séances à l’opéra et au théâtre apparaissent également dans les agendas tenus par
Madeleine Négrel. La liste n’en a pas été reproduite ici car elle se résume pour
l’essentiel à une suite de dates, les titres des pièces n’étant que rarement mentionnés.
Il était, de plus, assez difficile, de distinguer les sorties à titre privé et les soirées offi-
cielles d’après ces seuls agendas.
241
Georges Pompidou et la culture
12 juin : Cavalcade [Ce titre n’apparaît pas toujours dans les diction-
naires de cinéma consultés. Seul est parfois mentionné un film argen-
tin d’Albert Arliss, datant de 1959.]
22 octobre : Le désert rouge (Michelangelo Antonioni, Italie–France)
26 novembre : Un monsieur de compagnie (Philippe de Broca, Ita-
lie–France)
1965
18 janvier : Une femme et des fusils [Il s’agit vraisemblablement du
film de Claude Lelouch, Une fille et des fusils.]
21 janvier : Goldfinger (Guy Hamilton, Royaume-Uni)
23 février : Le bonheur (Agnès Varda, France)
26 avril : Les sept samouraïs (Akira Kuroswa, Japon, 1954)
14 mai : Alphaville (Jean-Luc Godard, France)
1966
12 janvier : Opération Tonnerre (Terence Young, Royaume-Uni)
24 janvier : What’s new Pussycat (Clive Donner, États-Unis)
18 février : La vie de château (Jean-Paul Rappeneau, France)
14 mars : Masculin-Féminin (Jean-Luc Godard, France)
18 mars : Le faucon maltais (John Huston, États-Unis, 1941)
1er avril : Hara Kiri (Masaki Kobayashi, Japon, 1962)
5 mai : La guerre est finie (Alain Resnais, France)
13 juin : Un homme et une femme (Claude Lelouch, France)
1er juillet : La curée (Roger Vadim, France)
14 septembre : Guerre et paix (Sergueï Bondartchouk, URSS)
27 septembre : Paris brûle-t-il ? (René Clément, France)
27 octobre : Falstaff (Orson Welles, Espagne – Suisse)
28 novembre : Transexpress [Il s’agit probablement de Trans-Europ-
Express, film d’Alain Robbe-Grillet de 1966.]
1967
14 avril : Mouchette, le jeune homme et la mort (Robert Bresson,
titre original : Mouchette, France)
5 mai : Blow Up (Michelangelo Antonioni, Royaume-Uni)
2 juin : Jeux de massacre [Aucun film n’apparaît à ce titre précis
dans les dictionnaires de cinéma consultés.]
26 juin : Vivre pour vivre (Claude Lelouch, France)
242
Annexe 5
243
ANNEXE 6
Notices biographiques
245
Georges Pompidou et la culture
246
Annexe 6
247
ANNEXE 7
Bibliographie succincte
249
Georges Pompidou et la culture
250
Index
Agam, Yaacov, 9, 166 Brajot, Guy, 96, 97, 181, 182, 183
Aicardi, Maurice, 195, 196, 197 Bro, René Brault dit, 152
Aillaud, Émile, 129 Bruguière, Michel, 28, 91, 122,
Alain, Émile Auguste Chartier dit, 201
35 Butor, Michel, 32
Anthonioz, Bernard, 167 Caldwell, Erskine, 48
Apollinaire, Guillaume, 25, 27, 30, Calvet, Jacques, 183
68 Camus, Albert, 35
Aragon, Louis, 26, 66, 67, 194 Cervantès, Miguel de, 35
Aristote, 60 Cézanne, Paul, 36
Arman, Armand Pierre Fernandez Chaban-Delmas, Jacques, 163
dit, 27 Chagall, Marc, 167
Astoux, André, 109 Chalandon, Albin, 139
Bachelard, Gaston, 35 Chateaubriand, François-Auguste-
Bacquet, Alain, 136 René de, 64, 65
Balladur, Édouard, 102, 125, 139 Chatelain, Jean, 119, 167
Balthus, Balthasar Klossowski de Churchill, Winston, 65, 207
Rola dit, 123 Claudel, Paul, 36
Balzac, Honoré de, 24, 33 Constant, Benjamin, 34
Barthes, Roland, 35 Corbière, Tristan, 68
Baudelaire, Charles, 23, 25, 27, 39, Cordier, Daniel, 9
60, 64, 67, 188, 204 Corneille, Pierre, 65, 66
Bazaine, Jean, 149 Coural, Jean, 96
Béart, Guy, 9 Cruz Diez, Carlos, 166
Beaudelaire, Charles, 39 Daney de Marcillac, Jean, 164
Beckett, Samuel, 32 Debré, Michel, 77, 100
Bédier, Jospeh, 66 Delaunay, Robert, 37
Béjart, Maurice, 124, 125 Delaunay, Sonia, 27
Bellay, Joachim du, 205 Denieul, Michel, 134
Bellmer, Hans, 149, 153 Dennery, Étienne, 90, 167
Berger, Yves, 26 Descartes, René, 60
Bernard, Henry, 75, 131 Dos Passos, John, 48
Bernard, Jean-René, 80, 145 Dostoïevsky, Fedor, 27
Bettencourt, André, 96 Droit, Michel, 31, 74, 75
Bettencourt, Pierre, 149 Druon, Maurice, 97, 103, 105, 109,
Bissière, Roger, 149 110, 118
Boileau, Nicolas, 34 Duffaut, Henri, 125
Bordaz, Robert, 10, 126, 167, 168, Duhamel, Jacques, 93, 96, 99, 100,
169, 191, 192, 193 102, 103, 106, 137, 154, 177,
Boulez, Pierre, 9, 10, 126, 127, 183, 190
162, 166, 190 Dumas, Alexandre, 24
251
Georges Pompidou et la culture
252
Index
253
Collection Georges Pompidou
Série Archives
La série Archives est consacrée à la publication de volumes théma-
tiques représentatifs de l’action de Georges Pompidou. Les documents
sont essentiellement issus des archives de la présidence de la Répu-
blique. Ils se composent de comptes rendus d’entretiens, de notes de
collaborateurs, de correspondances, d’interventions dans la presse, etc.
Pour l’essentiel, ces publications couvrent la période 1962-1968, où
Georges Pompidou fut le Premier ministre du général de Gaulle, et la
période 1969-1974, durant laquelle Georges Pompidou fut président de
la République française. Chaque volume est mis en œuvre par un uni-
versitaire et un chargé de recherches de l’Association Georges Pompi-
dou, qui proposent des analyses inédites de chacun de ces documents.
La série est placée sous le patronage conjoint de l’Association
Georges Pompidou, par l’intermédiaire de son conseil scientifique, et
des Archives nationales.
Série Études
La série Études propose des monographies ainsi que des ouvrages
collectifs issus de colloques scientifiques organisés par l’Association
Georges Pompidou consacrés à un domaine de l’action de ce dernier.
Ces travaux de grande qualité rassemblent contributions scientifiques et
interventions de témoins majeurs ayant été associés à l’action de
l’ancien président de la République française.