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Concours Général ; 19ème édition, 2007

THÈME

LE POIRIER DE MAMORA (Pyrus mamorensis T.) :


VALEUR EN BIODIVERSITÉ ; ETAT ACTUEL ET
POSSIBILITÉ DE CONSERVATION ET
RÉHABILITATION

CHKHICHEKH Aissa, Ingénieur en chef, Formateur à l’ITREF – SALE

KHOULANE Yassine, Elève Technicien à l’ITREF - SALE

SALE, 2007

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Concours Général ; 19ème édition, 2007

RESUME

Le poirier de Mamora (Pyrus mamorensis T) est une espèce endémique du


Maroc. Son abondance est particulière en forêt de Mamora mais il n’y forme pas de
peuplements importants.

Dans le passé, cette espèce n’a pas bénéficié d’études spécifiques par les
chercheurs. Elle n’a été mentionnée que dans quelques paragraphes dans des études
concernant le chêne-liège, espèce économiquement importante.

La présente étude a pu mettre en évidence la valeur du poirier en


biodiversité.

Elle a pu évaluer la présence et l’état (dépérissement et mutilation) des


arbres de cette espèce. Ainsi le nombre de poiriers estimé dans le canton A est de
l’ordre de 2.727 (non compris les deux dayas) dont 168 dépérissants. Le poirier en
peuplements dépassant plus d’une dizaine d’individus, à l’état presque pur, n’est
présent qu’au sein de deux dépressions : Dayet N’Jach où les sujets sont
relativement jeunes et Dayet Sefyane où ils sont relativement âgés.

Elle a démontré que l’écimage réduit le dépérissement.

Elle a abouti à l’établissement d’une carte de distribution réelle des arbres


du poirier au sein des parcelles inventoriées.

Elle a pu mettre en évidence la facilité de production des plants à partir


des graines.

Enfin, elle a pu mettre en évidence la nécessité d’un plan de sauvegarde du


poirier.

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Mots clés : Poirier de Mamora ; canton A ; biodiversité ; état actuel ; conservation et


réhabilitation.

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INTRODUCTION

Par sa position géographique, le Maroc est le seul pays du continent africain


qui bénéficie à la fois des influences océaniques, méditerranéennes et sahariennes
générant des conditions climatiques qui permettent le développement d’une flore
riche et diversifiée. Cette biodiversité qui renferme 20,3% d’espèces endémiques
place notre pays en deuxième position après l’Anatolie dans l’ensemble du bassin
méditerranéen, dépassant de loin l’Espagne, la France, l’Italie, la Grèce, l’Algérie et la
Tunisie. Cependant, au fil du temps, le milieu naturel a subi une dégradation
alarmante sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs biotiques et abiotiques.
Néanmoins, l’homme reste le facteur le plus incriminé dans le processus.

Le poirier de Mamora est l’une des espèces propres au Maroc occidental


(Sauvage et al., 1955). Cette espèce, endémique du Maroc, ne bénéficie
malheureusement d’aucun effort de conservation.

Le poirier de Mamora est la seule espèce arborescente spontanée


accompagnant le chêne-liège en Mamora où il est particulièrement abondant (Sauvage
et al., 1955). Cependant, la régénération naturelle du chêne-liège et avec lui le poirier
est quasiment absente en Mamora à cause, surtout, du parcours extensif, se
traduisant par un surpâturage. Ce dernier éliminant toute possibilité d’installation et
de développement des semis ou de drageons, moyens de reproduction naturelle du
poirier. Ainsi, le nombre de sujets du poirier en Mamora ne peut, en aucun cas,
augmenter sous ces conditions. Tout au contraire, le nombre ne peut que diminuer
par la mort naturelle (vieillissement) des arbres et leur mutilation par les bergers,
inconscients de la valeur biologique de l’espèce. Et si la dégradation continue, sans
efforts de conservation, le poirier arrivera à disparaître, à moyen ou long terme, de
toute la forêt de la Mamora.

Le poirier sauvage ne forme pas de grandes populations (en nombre


d’individus). La perte d’individus risque déjà de diminuer la variation génétique de
l’espèce.

Pour sauvegarder le chêne-liège, le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts


et à la Lutte Contre la Désertification a élaboré un programme de régénération
artificielle par le biais du reboisement. Néanmoins, le poirier de Mamora ne trouve
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pas sa place dans ce programme. De ce fait l’écosystème du chêne-liège se trouve
doublement artificialisé :

- de point de vue structure : structure linéaire des arbres ;

- de point de vue composition : peuplements purs ne comportant aucun


sujet de poirier sauvage.

On peut dire alors que le Maroc voit et verra sa diversité phytosociologique


et génétique (provenance) s’éroder à court et moyen terme et sa diversité
spécifique à long terme si aucun effort de conservation du poirier n’est accompli.
D’autant plus que le Maroc, étant signataire d’un certain nombre de conventions
internationales, dont la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), doit en
observer les clauses. Pour se faire, il ne dispose pas d’études sur les espèces rares
ne formant pas de grands peuplements. Il doit donc répertorier ces espèces et faire
des études sur leur état actuel et arrêter des mesures de conservation.

L’objectif de notre étude est de faire un diagnostic de l’état de présence


du poirier sauvage dans le canton A de la forêt de la Mamora et de proposer des
recommandations visant sa conservation.

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PREMIERE PARTIE

PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE

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I- SITUATION GÉOGRAPHIQUE
La forêt de Mamora, dont les divers cantons couvrent globalement une
surface de l’ordre de 133.000ha, s’étend de l’Est à l’Ouest sur environ 60km et du
Nord au Sud sur 35km.

En dépit des régressions qu’elle a subies, la Mamora est la plus vaste des
subéraies du Maroc (et du monde) et l’une des plus méridionales (fig.1). Le
chêne-liège y occupe naturellement environ 65.000ha répartis sur 5 cantons : A, B, C,
D et E ; cependant c’est le canton A (zone d’étude) qui renferme la plus grande
proportion avec 20.827ha (DREFNO, 2007).

Le canton A, objet de notre étude, se trouve tout à fait à l’Ouest de la


forêt de Mamora positionné entre la ville de Kénitra au nord, la ville de Salé au
sud-ouest et l’Oued Fouarat à l’Est.

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Figure 1. Carte de situation de la Mamora (en haut) et surfaces occupées par le Chêne-liège (en
bas). Situation en 1990. La subéraie est indiquée en pointillés ; la surface non colorée représente les

reboisements artificiels ; le périmètre de la forêt est marqué d’un trait épais (Extrait de A. Fraval et, C.

Villemant, 1997).

II- LES SOLS DE LA MAMORA

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Selon Métro et Sauvage (1955), si l’on creuse un puits sur un des méplats
sablonneux de la Mamora, on observe de haut en bas, la succession des principaux
horizons suivants :

- En surface, une couche sablonneuse plus ou moins profonde, ayant au


maximum quelques mètres.

- Ensuite, à une profondeur assez variable, une couche rouge compacte de


grès argileux ou de sable argileux dont l’épaisseur peut aller de quelques
décimètres jusqu’à 10m vers la limite Est du canton A objet de notre
étude.

- Sous cette formation rouge de la Mamora peuvent se trouver, avec des


épaisseurs variables, soit des grès calcaires de dunes consolidées et qui
imposent leur modelé à la surface du terrain ; soit, par places,
directement un cycle sédimentaire maghrébin antérieur aux dunes
précédentes ; soit des sables ou grès calcaires plus ou moins
fossilifères.

- Sous cet ensemble se trouve partout une assise de marnes et argiles


grises imperméables. Cette assise affleure la surface du sol dans le
fond de quelques vallées. C’est à son contact que se forme souvent une
nappe d’eau où s’alimentent les puits.

En résumé, les sols sont des sables, de profondeur variable, sur argiles ; ils
reposent sur un substrat de marnes du Miocène ou de grès du Pliocène (Fraval et al.,
1997).

En Mamora la pente est généralement faible ou inexistante.

III- LE CLIMAT DE LA MAMORA

Le climat général de la Mamora peut être caractérisé par des


précipitations moyennes annuelles de l’ordre de 500mm dont 90% tombent d’octobre
à mai inclus. Les mois les plus pluvieux sont novembre, décembre et parfois janvier ou
mars (Sauvage et al, 1955). Cependant ces dernières décennies, la quantité de pluie
reçue est largement inférieure à la moyenne mensuelle générale et très
irrégulièrement.

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Ce climat se caractérise par une longue période sèche qui s’étale de mai à
septembre et au cours de laquelle les températures sont régulièrement assez
élevées. La moyenne des températures maxima du mois le plus chaud, juillet ou août
selon les années, est de l’ordre de 35°c. La moyenne des minima du mois le plus froid,
janvier, est de l’ordre de 5°c (Sauvage et al, 1955).

Ces données numériques nous permettent de considérer ce climat comme


appartenant au type méditerranéen semi-aride chaud et tempéré. Plus précisément,
la partie nord-ouest de la forêt (zone d’étude) appartient au secteur climatique
subhumide inférieur, alors que les zones centrale et orientale de la forêt
appartiennent à un secteur semi-aride doux, avec un gradient d’aridité croissant de
la côte vers l’intérieur (Sauvage et al, 1955).

Cependant, à partir des années 80, nous estimons que le climat de la


Mamora aurait nettement changé à cause de la sécheresse qui a sévi pendant cette
dernière période.

IV- CARACTÉRISTIQUES DE LA ZONE D’ÉTUDE (CANTON A DE LA FORÊT DE


LA MARORA)

Le canton A est la partie la plus occidentale de la forêt de la Mamora


(figure 1). Il est donc le plus exposé aux influences océaniques que les autres cantons
composant ladite forêt. Il comporte la proportion de chêne-liège la plus élevée
(environ 32% de la superficie du chêne-liège dans toute la forêt de Mamora).

De point de vue anthropisation, cette zone est très touchée, vue qu’elle est
totalement encerclée par les usagers. Du coté de l’est il y a la vallée de Fouarat ; au
nord on trouve la ville de Kénitra et les douars satellites ; à l’ouest toute la chaîne
d’agglomérations de Salé jusqu’à Kénitra ; au sud Sala al Jadida et les douars
satellites. Sa proximité des grandes villes la fait solliciter lors des grands ouvrages
tels que les voies de communication à large emprise (autoroute) et constructions
d’institutions à caractères d’utilité publique tels que l’Institut sportif Moulay Rachid
et son extension en cours, la faculté de Kénitra, l’Académie de police de Kénitra, le
Centre de Recherche Nucléaire…Des superficies chiffrables en centaines d’hectares.

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DEUXIEME PARTIE

SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

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Le poirier de Mamora ne semblait pas intéresser les chercheurs écologistes anciens. Ils

ne se préoccupaient que des espèces économiquement rentables. Marion (1956) disait

que cette espèce ne joue dans la forêt de la Mamora qu’un rôle économique tout à fait

limité. Il n’a bénéficié alors, dans leurs recherches, que de quelques petits paragraphes

dans le cadre d’études d’espèces accompagnatrices du chêne-liège, espèce

économiquement très importante, pour expliquer ses variabilités stationnelles.

I- CARACTÈRES BOTANIQUES

D’après Métro et Sauvage (1955), le poirier de Mamora peut atteindre 5 à


7m. Il comporte des rameaux se terminant parfois en épines. Les feuilles simples, de
forme assez variable, tantôt ovales, tantôt en cœur, tantôt même lancéolées, assez
régulièrement dentées, sont groupées en bouquets à l’extrémité de rameaux courts. Le
pétiole grêle dépasse souvent la longueur du limbe. Les fleurs apparaissent juste après
le débourrage, masquant les premières feuilles. Le fruit est une petite poire
globuleuse ou un peu allongée de 2 cm de diamètre à peu près. La chair est pierreuse
et le plus souvent âpre au goût.

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Photo 1 : Poire de taille moyenne à l’état mûr

II- SYSTÉMATIQUE

Nom scientifique : Pyrus communis subsp. mamorensis Trabut.

Famille des rosacées

Ordre des rosales

Sous-embranchement des Angiospermes (feuillus).

On a recensé à peu près 56 espèces de poiriers sauvages à travers le monde


(http://pyrus.cra.wallonie.be/species.php, 2007).

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En fait, dans la littérature, le poirier de Mamora peut prendre plusieurs
noms scientifiques :

· Pyrus communis subsp. mamorensis (Trab.) Maire, Fl. Afrique N. 15: 112
(1980)

· Pyrus mamorensis Trab. in Bull. Stat. Rech. Forest. N. Afrique 1(4):


118-120, pl. 6, 7 (1916)

· Pyrus mamorensis var. brevipes Emb. & Maire in Jahand. & Maire, Cat. Pl.
Maroc 2: 334 (1932)

· Pyrus mamorensis var. eumamorensis Maire in Jahand. & Maire, Cat. Pl.
Maroc 2: 333 (1932), nom. inval.

(Source : http://www.rjb.csic.es/floraiberica ; 2007)

III- AIRES DE RÉPARTITION DU POIRIER SAUVAGE :

a- Dans le monde : D’après la figure 1, le poirier sauvage dispose d’une aire


de répartition assez importante. Elle s’étend surtout sur les zones
tempérées d’Europe et de l’Asie occidentale. On en compte une vingtaine
d’espèces dans
l e s r é g i o n s
tempér ées
d’Europe.

Figure 3 : Répartition du poirier sauvage dans le monde


(Source : http://www.seba.ethz.ch/lieblinge_f/lieb_birne_f.htm, 2007)
b- Au Maroc : le poirier sauvage, représenté par l’espèce Pyrus communis
subsp. mamorensis (Trab.), se concentre en Mamora, mais peut

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s’étendre jusqu’en subéraie du Gharb vers le nord et jusqu’en
profondeur du plateau central (Harcha) aux environs d’Oulmes au
sud-est (Sauvage et al, 1955). Certains spécimens sont actuellement
visibles de l’autoroute aux environs de Larache du coté sud-est.

IV- ECOLOGIE DU POIRIER SAUVAGE :

a- Sols et humidité

Le poirier sauvage se plait dans les sols légers, de préférence argileux et


bien aérés. Grâce à son enracinement profond, il peut se contenter de ressources
hydriques faibles. On le rencontre également sur des alluvions périodiquement
inondées mais évite l’humidité stagnante en permanence (http://fr:wikipedia.org,
2007). C’est également le cas pour le poirier de Mamora. Lepoutre (1965) avance que
cet arbre a des affinités pour les stations humides, zones saisonnièrement humides,
fossés, bordures de chaabas où il s’égraine de part et d’autre.

En Mamora, le poirier se dispose entre les chênes-lièges en petits massifs,


parfois dense, parfois clairs, mais sa présence est presque toujours liée à l’une ou
plusieurs des espèces suivantes : Thymelea lythroides, Scirpus holoschoenus, Aristida
tunetana, Imperata cylindrica. Ceci incite à attribuer au poirier de la Mamora une
affinité pour les lieux humides et des sols engorgés pendant l’hiver (Lepoutre, 1965).

Le même auteur (1965) signale, paradoxalement, que le poirier de Mamora se


plait également sur des sables très profonds. Cette dernière observation semble en
contradiction avec la précédente ; et la seule explication satisfaisante à fournir
consiste à supposer que le poirier est une espèce à enracinement puissant, capable de
traverser un épais manteau de sable pour aller chercher en profondeur une humidité
permanente hors d’atteinte de l’évaporation.

b- Rapport de voisinage

Le poirier de la Mamora est la seule espèce arborée en mélange avec le


chêne-liège ; encore faut-il remarquer que leurs écologies respectives sont nettement
différentes. Comme l’a fait souligner Sauvage, Pyrus mamorensis occupe toujours les
vides de la subéraie ; c’est là son premier caractère (Lepoutre, 1965).

V- UTILISATION

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Le bois du poirier n’est utilisé qu’en tournerie et en marqueterie. Il est aussi
très recherché pour les instruments de musique (http://www.boisforet-info.com,
2007). Par sa dureté, il constitue un excellent bois de chauffage.

De point de vue médicinal, son écorce est réputé tonique et astringente et a


été employée comme fébrifuge (http://fr.wikipedia.org/wiki/Poirier, 2007).

Les extraits de l’écorce du poirier de Mamora a fait l’objet d’étude de


prospection d’activité antifongique par N. Heimeur et al. en 2006
(http://www.geocities.com/bap, 2007).

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Photos (2) illustrant certaines formes de présence du poirier dans le canton A

ENNEMIS DU POIRIER

Hormis l’ennemi numéro 1 qui est l’homme par son inconscience, A. Fraval (1989) a
mentionné le poirier de Mamora dans la liste des espèces attaquées par Lymantria
dispar, insecte défoliateur du chêne-liège. Il s'attaque également à de très nombreux
végétaux, mais uniquement quand le feuillage jeune du Chêne est épuisé.

Lors des travaux d’inventaire, nous avons constaté la présence de pontes ainsi que des
restes de chrysalides de Lymantria dispar sur de nombreux arbres de poirier. Nous
supposons alors que les jeunes larves, après éclosion, ne vont pas descendre du poirier
pour aller rechercher un chêne mais vont plutôt commencer par les feuilles qu’ils
trouveraient à leur portée.

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TROISIEME PARTIE

APPROCHE METHODOLOGIQUE

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I- SONDAGE SUR LE TERRAIN

· Enquête au niveau des triages de la Mamora : connaissant le terrain, les


techniciens forestiers chefs de triages nous sont d’une grande utilité pour
la localisation du poirier en peuplements. Il s’agit de deux dayas localisées
dans la moitié sud du canton A aux environs du poste forestier de Sidi
Amira.

· Enquête auprès des bergers : les bergers rencontrés (12 personnes) lors
de l’inventaire ont été questionnés à propos des parcelles où le poirier est
très fréquent et à propos de son utilisation, aussi bien en forêts qu’aux
voisinages immédiats.

· Sondage sur le terrain : les lieux indiqués par les chefs de triage et les
personnes enquêtés ont été visités pour y faire une description qualitative
et prendre des mesures de hauteur et de circonférence des arbres. Pour le
reste du canton, un échantillonnage a été adopté consistant à choisir des
parcelles biens réparties sur l’ensemble du canton afin qu’il y est le
maximum de représentativité des différents milieux (figure 4). Ainsi 13
parcelles ont été retenues totalisant une superficie de 3.337,84 ha, soit
16% de la surface totale du canton « A » qui fait 20.827 ha (DREFNO,
2007). Les coordonnées des positions des arbres isolés ou en peuplements
ont été prises en utilisant un GPS.

Pour ne pas rater aucun individu, une stratégie de parcours de chaque


parcelle a été adoptée. Elle consiste en l’utilisation d’une boussole et la réalisation
d’une suite d’aller et retour selon des axes parallèles afin de ratisser toute la parcelle.
La distance entre les axes de déplacement a été bien choisie de façon à optimiser les
efforts et le temps. Le terrain étant relativement plat et la strate arbustive
dégradée, ce qui a rendu la visibilité assez bonne. La distinction entre le poirier et le
chêne-liège ne pose aucune difficulté. En effet, la couleur du feuillage du poirier,
pendant cette saison1, est d’un vert clair alors que celle du Chêne-liège est d’un vert
foncé ; ce qui ne laisse aucune confusion possible. Dans ces conditions, le poirier est
repérable à un peu plus de 200m.

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1 : les travaux de terrain ont été réalisés pendant la première quinzaine du mois d’avril.

Pour avoir le maximum d’informations jugées nécessaires pour notre travail


une fiche d’inventaire et description a été élaborée (voir annexe). Elle comporte,
entre autres, l’état sanitaire des arbres (sains ou dépérissants) et leur degré de
mutilation, vue que nous avons constaté pendant la tournée de reconnaissance que les
arbres sont plus ou moins ébranchés par les bergers pour mettre à la disposition du
cheptel du feuillage palatable pendant la période de disette. Ainsi nous avons retenu
trois niveaux de dépérissement D1, D2 et D3 et trois degrés de mutilation M1, M2 et
M3. Les critères que nous avons définis pour différencier les différents niveaux
sont les suivants :

· S : arbre sain ne présentant aucun signe de dépérissement ;

· D1 : quelques branches périphériques sèches ;

· D2 : moins de 1/3 des branches sèches ;

· D3 : plus de 1/3 des branches sèches.

· M1 : écimage de quelques branches

· M2 : écimage du 1/3 des branches et/ou blessures assez


importantes au niveau du tronc ;

· M3 : écimage intense et/ou blessures graves.

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II- CARTOGRAPHIE DE LA DISTRIBUTION DU POIRIER

Sur un extrait de la carte de parcellaire de la Mamora (canton A), nous


avons reporté, selon des signes conventionnels et des couleurs, les poiriers isolés ou
remarquables ou les poiriers en peuplements, en utilisant le logiciel Photo Shop.

Pour les parcelles et les peuplements inventoriés, les coordonnées Lambert


relevées lors de l’inventaire sur le terrain pour presque tous les arbres, sont prises
en considération soit pour chaque individu lorsque la densité est faible, ou pour des
groupe de 4, de 10 ou de 20 quand les sujets ne sont pas suffisamment éloignés les
uns par rapport aux autres et que l’échelle de la carte ne permet pas de les séparer.

Pour les deux dayas comportant des peuplements de poirier, nous les avons
reportées sur la carte sous forme de petite ellipse pleine. Les coordonnées Lambert
de leurs centres respectifs ont été prises en considération.

III- PRODUCTION DE PLANTS DE POIRIER

L’une des questions qui nous viennent à l’esprit lors de la réflexion à propos
de la réhabilitation des écosystèmes à poirier est la suivante :

Dans le cas où la régénération naturelle n’est pas envisageable, peut-on


produire des plants en pépinière pour les replanter artificiellement?

Pour répondre à cette question, nous avons envisagé, à priori, deux


scénarios : la production des plants par semis et la production des plants par
boutures. Au cours des travaux nous avons délaissé le bouturage du moment que les
semis ont bien réussi et également du fait que nous avons pu être informé que le
Centre de Recherche Forestière travaille sur des essais de bouturage du poirier.
Ajoutons à cela que l’objectif de notre étude est la pérennité de l’espèce en tant que
telle et non la multiplication d’individus bien déterminés (clonage) pour leur
performance en production de fruits ou de bois ou autres, pour lesquels le bouturage
offre plus d’assurance.

Au moment du choix du sujet, la saison de fructification était à sa fin (mois


de décembre), néanmoins, nous avons pu récolter des fruits sur plusieurs sujets
éloignés les uns des autres pour garantir une certaine variabilité génétique.

Lors de l’ouverture des fruits, nous avons remarqué que presque toutes les
poires contenaient des graines mûres et d’autres avortées. Nous avons saisi cette

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occasion pour relever des données statistiques concernant ce constat. Ainsi, un
échantillonnage au hasard a été adopté et 40 fruits ont été choisis aléatoirement
parmi le lot.

Après le triage des graines (voir résultat et discussion), nous avons utilisé
une seule semence par alvéole pour éviter le gaspillage et faciliter l’évaluation des
résultats.

Pour le semis, des petits portoirs ont été utilisés pour la germination. Deux
ou trois jours après, les jeunes plants ont été transférés sur des portoirs plus
grands pour permettre le bon développement des racines. Le terreau utilisé est
ordinaire pour la germination, alors que pour les grands portoirs il contient plus de
matière organique.

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QUATRIEME PARTIE

RESULTATS ET DISCUSSION

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I- VALEUR EN BIODIVERSITÉ

Comme il a été dit en introduction, le poirier de Mamora est une espèce


endémique du Maroc. Elle est la seule espèce arborée accompagnant le chêne-liège ; et
du moment qu’elle n’existe nulle part ailleurs, son importance dépasse alors les niveaux
local, national et même régional pour se poser à un niveau international.

La disparition -non souhaitable- du poirier aboutirait à une formation à


strate arborée mono spécifique offrant un paysage monotone (Photos 3).

Ci contre : chêne-liège à
Cistus salviifolius bien
conservé

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Ci contre : chêne-liège à
strate arbustive très
dégradée

Photos (3) : Paysage mono spécifique à chêne-liège :


Par contre, sa présence, non seulement elle casse la monotonie du paysage,
mais elle offre des vues évolutives avec les saisons.

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Photos 4 : Poirier sans feuillage en hiver

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Photo 5 : Poirier en floraison (fin hiver, début printemps)

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Photo 6 : Poirier à la fin de la floraison (début printemps)

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Photo 7 : Poiriers en fructification au mois d’avril

Le poirier en Mamora présente une variabilité génétique mise en évidence par la


présence, au sein d’une même station, d’arbres à divers stades : sujets sans fleurs ni
feuilles, sujets avec fleurs et feuilles et sujets à floraison terminée (Photo 8).

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Photo 8 : Illustration de la diversité génétique du poirier

La subéraie de la Mamora présente également une diversité phytosociologique.


Ainsi on trouve des peuplements purs à chêne-liège (photo 9), là où la densité des
arbres est forte et le poirier n’y trouve pas les conditions favorables pour s’installer
et se développer. On trouve également des peuplements présentant des sujets de
poiriers à l’état disséminé (photo 11) ; et enfin des peuplements purs à poiriers seuls,
au niveau des dépressions à hydromorphie temporaire (photo 10).

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Photo 9 : Peuplement à chêne-liège pur

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Photo 10 : Peuplement à poirier pur

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Photo 11 : Peuplement à chêne-liège avec poirier

II- SONDAGE SUR LE TERRAIN

Le sondage sur le terrain a concerné deux types de populations de


poiriers : poiriers en peuplements au sein de dayas et poiriers isolés, ou par petits
groupes, au sein des parcelles formant le canton A.

II.1. Poiriers en peuplement au sein de dayas :

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Il s’agit de deux dayas : Dayet N’Jach et Dayet Sefyane ; localisées à
l’aide des techniciens forestiers locaux et des bergers enquêtés. Ce sont deux
dépressions présentant une hydromorphie temporaire pendant la saison des pluies.

a- Dayet N’Jach : elle s’étend sur environ 6ha (coordonnées au


centre : x=381,1 ; y=384,1)

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Photo 12 : Poirier en avril 2007 à Dayet N’Jach

Nous y avons compté 152 sujets répartis en majorité entre les classes
situées entre 30 et 60cm de circonférence avec une moyenne de 46cm, appartenant
à la classe 50cm. Les 152 sujets sont répartis entre 100 souches ; ce qui montre que
le peuplement a subi une coupe rase probablement en même temps que le chêne-liège
voisin. La distribution est normale avec un pic au niveau de la classe 40cm, comme le
montre le graphique 1.

Tableau 1 : Répartition du nombre de poiriers par classe de circonférence à Dayet N’Jach

classe (cm) Nombre S D1 D2 D3 D M1 M2 M3 M Classe x nombre


20 1 0 0 1 0 1 0 0 0 0 20
30 23 7 8 5 3 16 0 2 0 2 690
2 2.240
40 56 13 6 13 4 43 4 5 1 10
50 41 17 10 10 4 24 8 5 0 13 2.050
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Concours Général ; 19ème édition, 2007
60 23 12 8 3 0 11 2 1 0 3 1.380
70 3 1 1 1 0 2 1 0 0 1 210
80 3 0 1 2 0 3 1 0 0 1 240
90 1 0 1 0 0 1 0 0 0 0 90
100 1 0 1 0 0 1 1 0 0 1 100
5 5 3 10 7.020
Totaux 152 0 6 5 11 2 17 13 1 31
S : Arbres sains ; D1, D2, D3 : différents niveaux de dépérissement ; M1, M2, M3 :
différents degrés de mutilation ; M : nombre d’arbres mutilés.

La circonférence moyenne des arbres est de : 7.020/152 = 46,18cm. Elle


appartient donc à la classe 50cm.

Graphique 1 : Distribution du nombre de poiriers par classe de circonférence à Dayet


N’Jach

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Concours Général ; 19ème édition, 2007

Diagramme 1 : Répartition des niveaux de dépérissement des poiriers à Dayet N’Jach

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Concours Général ; 19ème édition, 2007

Photos (13) : Formes de dépérissement et mutilation des arbres

Diagramme 2 : Répartition des degrés de mutilation des poiriers à Dayet N’Jach

Le diagramme 1 montre qu’environ 1/3 des arbres sont sains et 2/3


dépérissants. 37% des arbres présentent quelques signes de dépérissement et
seulement 7% sont gravement dépérissants.

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Concours Général ; 19ème édition, 2007
Le diagramme 2 montre que 55% des sujets sont légèrement mutilés alors
que seulement 3% qui sont très mutilés.

b- Dayet Sefyane : elle s’étend sur environ 4ha (coordonnées au centre :


x=384,9 ; y=386,9).

Photo 14 : Poiriers en hiver (février 2007) à Dayet Sefyane

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Concours Général ; 19ème édition, 2007

Photo 15 : Poiriers en avril 2007 (Même endroit : Dayet Sefyane)

Un total de 123 arbres a été inventorié au sein de cette station. Les sujets
sont répartis entre les classes situées entre 50 et 180cm. La circonférence moyenne
des arbres est de l’ordre de 91cm appartenant à la classe 90cm.

Tableau 2 : Répartition du nombre de poiriers par classe de circonférence à Dayet Sefyane

Classe (cm) Nombre S D1 D2 D3 SEC M1 M2 M3 Nbre x Classe


50 7 0 0 1 4 2 0 4 1 350
60 14 0 1 6 6 1 3 4 6 840
70 16 0 1 10 5 0 4 9 3 1.120
80 25 0 5 12 8 0 5 15 5 2.000
90 14 0 2 7 4 1 2 11 0 1.260
100 15 0 0 10 5 0 4 10 1 1.500
110 7 0 1 3 3 0 4 3 0 770
120 8 0 2 3 2 1 1 6 0 960
130 8 0 2 5 1 0 4 3 1 1.040
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Concours Général ; 19ème édition, 2007
140 2 0 0 2 0 0 0 2 0 280
150 3 0 0 2 1 0 1 2 0 450
160 1 0 0 0 1 0 0 0 1 160
170 2 0 2 0 0 0 2 0 0 340
180 1 0 1 0 0 0 1 0 0 180
Total 123 0 17 61 40 5 31 69 18 11.250

Graphique 2 : Distribution du nombre de poiriers par classe de circonférence à Dayet


Sefyane

Comme le montre le graphique 2, la distribution est de tendance normale


avec un pic au niveau de la classe 80cm.

Le tableau 5 montre qu’aucun poirier n’est épargné du dépérissement ; 33%


sont gravement dépérissants et 5 sujets sont déjà morts sur pied, soit 4% de
l’effectif total. Certains sujets sont morts gisants.

Quant à la mutilation, 15% des poiriers vivants sont fortement mutilés par
des écimages plus ou moins anciens, vu que la daya en question bénéficie d’un contrôle
particulier de la part des forestiers ces derniers temps du fait de sa proximité d’un
poste.

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Concours Général ; 19ème édition, 2007
Répartition des niveaux de dépérissement
Diagramme poirier 3 : Répartition
des niveaux de
dépérissement
SE
des poiriers à D Dayet Sefyane
4 14
D
33

D
49

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Concours Général ; 19ème édition, 2007

Photos (16) : Formes de dépérissement et mutilation des arbres à Dayet Sefyane

Diagra Répartition des degrés de mutilation des

mme 4 :
Répartit M M
15 26
ion des
degrés de
mutilati
on des
M
poiriers 59 à
Dayet
Sefyane

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Concours Général ; 19ème édition, 2007

Graphique 3 : Comparaison entre la population du poirier de Dayet N’Jach à celle de Dayet


Sefyane

En comparant les résultats d’inventaires des deux dayas, nous constatons


que le peuplement de Dayet N’Jach est plus jeune que celui de Dayet Sefyane ; ce qui
explique probablement la présence du dépérissement en moindre importance chez la
1ère que chez la 2ème.

L’une des hypothèses qui pourrait expliquer ce phénomène de


dépérissement est la suivante :

Les peuplements, aussi bien à Dayet Sefyane qu’à Dayet N’Jach se


développent au sein de dépressions inondées temporairement par les eaux de pluie.
Les poiriers n’ont donc pas besoin de développer un enracinement qui devrait aller
chercher l’eau en profondeur. Cependant, ces dernières années, la zone souffre d’une
certaine sécheresse qui a causé la descente du niveau de la nappe. Les poiriers,
n’ayant pas développé des racines pouvant puiser de l’eau en profondeur, accusent un
stress hydrique se traduisant par des descentes de cimes. Affaiblis, les arbres vont
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