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Economie Islamique

Laurent Weill
Université de Strasbourg
Qui je suis
 Professeur des Universités en Sciences Economiques.
 Directeur du laboratoire de recherche LaRGE de finance de
l’Université de Strasbourg.
 Chercheur Associé à la Banque de Finlande.
 Travaux de recherche sur les secteurs bancaires dans les pays
émergents (finance islamique, Chine, Russie).
 Co-Responsable et Co-Fondateur de l’Executive MBA Finance
Islamique de l’Université de Strasbourg.
 Co-Responsable des Cahiers de la Finance Islamique.
 Membre du Comité Consultatif de la Revue Etudes en
Economie Islamique (IRTI-BID), et du Comité Editorial de la
revue International Journal of Islamic and Middle Eastern
Finance and Management.

2
Islam et économie
Analyse d’une énigme historique
Islam et économie?
 Que signifie l’association de ces deux mots ?
 Deux questions:
1. L’Islam a-t-il des prescriptions économiques
particulières?
=> économie islamique (l’économie en accord avec la
loi islamique).
2. L’Islam exerce-t-il un impact sur le développement
économique?
=> question traitée ici : travaux récents sur le lien entre
religion et développement, et notamment l’Islam.

4
Islam et développement économique?
 Objectif ici de donner des éléments d’explication sur une
énigme historique :

Pourquoi le Moyen-Orient plus avancé que l’Occident


en l’an 1000, aussi avancé que l’Occident en l’an 1500,
connaît-il aujourd’hui un niveau de développement
économique en-dessous de celui de l’Occident?

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Enigme du déclin relatif
 Question légitime sur un plan scientifique : fait
historique suffisamment marquant pour justifier la
recherche d’une explication.
 Question importante pour éviter les opinions
simplistes qui portent préjudice à l’Islam: ne pas y
répondre leur laisse la porte ouverte.
 Question fondamentale pour le monde arabo-
musulman : comprendre ce qui a été un frein peut
contribuer à favoriser le développement de cette région du
monde aujourd’hui.

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Enigme du déclin relatif : préjudice à
l’Islam?
 Non.
 1. ne pas y répondre laisse la porte ouverte aux
explications préjudiciables à l’Islam.
 2. le développement économique n’est pas la finalité de
l’espèce humaine. L’Islam peut favoriser d’autres
objectifs que le développement comme l’égalité sociale
ou le bien-être.
 3. les éléments véhiculés par l’Islam (valeurs ou
institutions) ont pu contribuer au retard de développement
à un moment donné de l’histoire mais être favorables au
développement à un autre moment.

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Expliquer le déclin relatif dans l’histoire
 6 explications présentées ici.
 2 mauvaises.
 4 possibles.

 Exposé fondé sur les travaux de deux grands spécialistes


de ces questions : les économistes turcs Timur Kuran et
Daron Acemoglu.

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1e mauvaise explication : la faute à l’Islam
 Idée que l’Islam serait une barrière permanente au
développement économique à travers les valeurs, les
comportements qu’il véhicule.
 Dans le prolongement des travaux de Max Weber sur le
protestantisme plus favorable au développement que le
catholicisme en valorisant plus la réussite professionnelle.
 => Pourquoi ne serait-il pas possible que l’Islam à
l’inverse du protestantisme véhicule des comportements
défavorables au développement?
 Explication erronée pour 2 raisons.

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1e mauvaise explication : la faute à l’Islam
 1e contre-argument :

 Rien n’indique que la réussite professionnelle serait


moins valorisée dans l’Islam que dans le catholicisme…

 … au contraire : l’Islam montre une plus grande ouverture


sur l’enrichissement.

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1e mauvaise explication : la faute à l’Islam
 Le christianisme honore la pauvreté :
 « Jésus lui dit: si tu veux être parfait, va, vends ce que tu
possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans
le ciel. Puis viens, et suis-moi. » (Matthieu, 19, 21).
 « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou
d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de
Dieu » (Matthieu, 19, 23).

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1e mauvaise explication : la faute à l’Islam
 La richesse a une connotation négative (en particulier
pour le catholicisme).
 L’argent est considéré comme un vice.
 Ainsi Judas a vendu Jésus pour 30 pièces d’argent.
 La préoccupation des catholiques reste le salut, la vie sur
terre étant temporaire, l’accumulation des richesses n’a
aucune raison d’être.
 L’argent et le travail ne sont que des moyens de
subsistance auxquels les hommes ne doivent pas être
attachés.

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1e mauvaise explication : la faute à l’Islam
 L’Islam encourage l’effort et l’enrichissement :

 Versets du Coran :
 « Quand la prière est terminée, répandez-vous sur les terres, et
cherchez la générosité de Dieu » (62:10).
 « N’oubliez pas votre part dans ce monde » (28:77)
 Ibn Taymiyya (théologien de la fin du XIIIe siècle) :
 « l’homme devrait rechercher la prospérité et l’indépendance
puisque celles-ci sont nécessaires à l’accomplissement d’un
certain nombre d’obligations et de devoirs religieux ».

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1e mauvaise explication : la faute à l’Islam
 L’homme se doit de faire fructifier le patrimoine que Dieu
lui a donné.

 Il pourra ainsi le partager et en faire bénéficier la société.

 Différence avec le christianisme (et similitude avec le


judaïsme où s’enrichir est aussi considéré comme un
devoir afin de servir Dieu en aidant les plus démunis).

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1e mauvaise explication : la faute à l’Islam
 2nd contre-argument :

 L’histoire du monde montre qu’en l’an 1000 le monde


arabo-musulman était plus avancé que le monde
occidental.

 « Aucune ville du monde occidental ne pouvait rivaliser


avec Bagdad ou Séville » (T. Kuran).

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2nde mauvaise explication : la faute à
l’Occident
 Explication diamétralement opposée à la précédente.
 Idée : l’impérialisme européen a transformé le monde
arabo-musulman dans un sens préjudiciable à son
développement.
 La colonisation de façon directe ou les idées véhiculées
par les non-musulmans de façon indirecte ont provoqué le
déclin relatif.

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2nde mauvaise explication : la faute à
l’Occident
 Contre-arguments majeurs :
 1. Le déclin avait commencé avant l’assaut de
l’impérialisme européen…

 2… surtout c’est le déclin qui permit l’occupation étrangère.

 Cela ne signifie nullement que la colonisation européenne


n’a pas contribué à aggraver la situation… à partir du 19e
siècle.

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1e explication possible : les institutions de
l’Islam
 Idée : certaines institutions ont favorisé le
développement économique dans le monde arabo-
musulman dans les premiers siècles de l’Islam, mais se
sont ensuite révélés des handicaps compte tenu des
changements économiques intervenus.

 2 institutions ici :
 La règle de succession
 Le waqf.

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La règle de succession
 L’Islam codifie de façon très claire comment les biens
d’un défunt doit être réparti entre ses héritiers.

 Le Coran comprend plusieurs règles.

 2 grands points qui furent des innovations majeures lors


de la naissance de l’Islam.

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La règle de succession
 1. L’obligation de répartir les biens du défunt entre ses
proches parents

 « A tous nous avons désigné des héritiers pour ce que


leur laissent leur pères et mères, leurs proches parents, et
ceux qui de vos propres mains, vous vous êtes engagés,
donnez leur donc leur part, car Dieu est témoin de tout».
 (Coran, 4:33)

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La règle de succession
 2. La répartition codifiée des parts de chaque héritier

 Exemple:
 « En ce qui concerne vos enfants, Dieu vous prescrit
d’attribuer au garçon une part égale à celle de deux
filles. »
 (Coran, 4:11)

 De façon similaire, pour chaque niveau de parenté, la part


est codifiée.
21
La règle de succession
 La règle de succession était très différente dans le monde
occidental.
 La Bible n’a pas de règle claire sur la succession, ce qui a
engendré des systèmes différents de succession.
 Au XVI et au XVIIe siècle, la primogéniture (le fait de
transmettre la totalité du patrimoine à l’aîné) est devenue
la pratique de succession dominante en Angleterre, aux
Pays-Bas, en Scandinavie et dans des parties de la France
et de l’Autriche, ainsi qu’en Allemagne, c’est-à- dire dans
des régions qui se sont développées de façon précoce.

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La règle de succession
 Avantage de la règle de succession de l’Islam: égalitaire.

 2 conséquences négatives sur un plan économique.

23
La règle de succession
 1e conséquence : elle contribue à la fragmentation de la
propriété et empêche l’accumulation de richesses.

 Elle empêche de préserver les entreprises qui ont du


succès.

 Les marchands qui avaient réussi étaient aussi ceux qui avaient
le plus d’héritiers (plus d’épouses, des enfants ayant plus de
chances de survivre).
 Donc les entreprises les plus prospères étaient aussi celles qui
étaient le plus fragmentées.

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La règle de succession
 2e conséquence : elle contribue à limiter le nombre
d’associés et donc la taille des entreprises.
 Plus vous avez d’associés dans une entreprise, plus vous avez de
chances qu’il y en ait un qui meurt. Plus la durée de l’entreprise est
longue et plus il y a également de chances qu’il y ait un associé qui
meurt.
 Risque alors que l’entreprise soit dissoute puisqu’une partie des
héritiers peut demander à vouloir récupérer sa part plutôt que de
rester dans l’entreprise.
 => incitation à former des entreprises petites et de courte
durée pour éviter le risque d’une dissolution précoce de
l’entreprise.
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La règle de succession
 => frein à la création et à la pérennité de grandes
entreprises à une époque où les nouvelles technologies
nécessitaient des capitaux importants et des organisations
permanentes.

 La règle de succession inégalitaire de l’Occident fut plus


favorable au développement.

 Elle fut plus capable d’établir des grandes organisations


durables.

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La règle de succession
 Deux enseignements:

 1.
 Des valeurs morales positives (ici l’égalité) peuvent
s’opposer au développement économique.
 2.
 Des institutions peuvent être favorables à une période
donnée et défavorables à une autre période.

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Le waqf : qu’est-ce ?
 Un waqf est un acte juridique par lequel le propriétaire
d’un bien foncier ou immobilier donne l’usufruit de celui-
ci dans le cadre d’une donation faite à perpétuité à une
œuvre d’utilité publique, pieuse ou charitable.
 Les revenus générés par le bien servent à financer un
objectif charitable ou pieux (construction et entretien
d’une mosquée, d’une école, d’un hôpital).
 Le donateur reste propriétaire du bien durant sa vie.
 Le bien donné en usufruit est inaliénable. Le financement
l’est à perpétuité et ne peut être modifié après la mort du
donateur.

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Le waqf : qu’est-ce ?
 Institution très originale, absente du Coran, mais
innovation apparue au VIIIe siècle.
 Les waqfs ont fourni un très grand nombre de services
dans l’ère pré-moderne: écoles, parcs, distribution d’eau,
phares…
 Ils possédaient au début du XVIIIe siècle entre un quart et
la moitié de tout le patrimoine foncier et immobilier selon
les pays (source: T. Kuran).

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Pourquoi les waqfs se sont-ils développés ?
 Motivations liées à la piété et à la générosité, et
motivations économiques :
 1e motivation : sécuriser un actif qui génère des
revenus pour soi et sa famille
 Solution au problème de l’expropriation par les dirigeants
politiques du fait du caractère sacré du waqf.
 Le fondateur du waqf pouvait percevoir un salaire s’il se
nommait gardien du waqf.
 Il pouvait offrir un salaire aux membres de sa famille en
les nommant administrateurs.

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Pourquoi les waqfs se sont-ils développés ?
 2e motivation : contourner les règles de succession
 Le fondateur du waqf pouvait désigner qui serait son
successeur comme gardien du waqf qui toucherait un salaire.

 Waqf : formidable innovation au moment de son invention :


 Incitation pour les grandes fortunes à se protéger en finançant la
création et le fonctionnement de biens publics fondamentaux :
bénéfice pour chaque individu à travers des services fournis.
 Gestion décentralisée des biens publics qui répond aux besoins
locaux.

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Conséquences négatives des waqfs
 Problème majeur des waqfs : la rigidité.
 Financement du waqf fixé à perpétuité : le but et le
fonctionnement de la fondation ne pouvaient être
modifiés.
 => Il contribua à rigidifier les ressources financières en
empêchant leur réallocation rapide.
 Pas une faiblesse au Moyen-âge où les changements
technologiques étaient faibles.
 Faiblesse au début de l’ère moderne quand les
changements technologiques s’accélèrent.

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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Explication de Bernard Lewis.

 Question face au déclin : pourquoi les habitants de


l’Empire Ottoman sont-ils longtemps demeurés
insensibles au déclin ottoman par rapport à l’Europe ?

 Pourquoi n’y a-t-il pas eu de diagnostics? De réactions?

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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Comparaison avec le Japon à l’ère Meiji : prise de
conscience de son retard technologique au milieu du
XIXe siècle.
 Réaction par une émulation technologique unique dans
l’histoire.

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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Les observateurs ottomans prirent conscience de ce
déclin.
 Mais le diagnostic fut de ne pas regarder du côté de ceux
que l’on voulait rattraper mais vers un passé mythifié : le
remède avancé fut de redécouvrir et instituer de nouveau
les institutions du passé.
 Question : pourquoi ne prirent-ils pas conscience des
limites de leurs structures économiques (institutions
juridiques, valeurs par rapport à la générosité par
exemple) par rapport aux structures évolutives de
l’Europe, comme le firent les Japonais ?
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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Pour Bernard Lewis, la principale barrière a été le
système d’éducation qui fut la conséquence de la
fermeture de l’ijtihad.

 L’ijtihad est un exercice discipliné de la raison qui


permettait de résoudre en doctrine les problèmes que le
Coran ou la Sunna laissaient irrésolus.

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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Aux premiers siècles de l’Islam, l’ijtihad fut un moteur
important du dynamisme et de l’innovation en laissant les
savants développer librement des réponses aux problèmes
laissés non résolus.

 Or entre le IXème et le Xème siècle, le système de droit


islamique fût considéré comme complet et la « porte de
l’ijtihad » fût fermée.

37
2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 La fermeture de la porte de l’ijtihad signifiait que toutes
les réponses étaient déjà données et que, donc, on n'avait
qu'à les suivre et les obéir.

 Elle accorda une légitimité aux valeurs et pratiques qui


promouvaient la stabilité et décourageaient la curiosité.

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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Elle favorisa un système d'éducation qui mettait l'accent
sur la mémorisation et la vénération des textes classiques,
encourageant les étudiants à mémoriser un corpus fini de
connaissances.

 La connaissance était considérée comme quelque chose à


acquérir plutôt qu’à découvrir ou à augmenter.

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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 La fermeture de la porte de l’ijtihad ferma les pays du
monde arabo-musulman aux innovations du monde
extérieur.

 Avant: adoption du système décimal des nombres de


l’Inde et de la technologie pour fabriquer le papier qui
venait de Chine des siècles avant que l’Europe ne le fasse.

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2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Illustration : le manque de curiosité sur l’Europe.

 Selon B. Lewis: vers la fin du XVIIIe siècle:


 95 livres sur la grammaire arabe, perse ou turque, et 21
dictionnaires produits par les Européens.
 « pour un Arabe, un Perse, ou un Turc, pas un seul livre
de grammaire ou dictionnaire d'une langue Occidentale
quelconque existait soit sous forme de manuscrit soit
sous forme publiée. »

41
2e explication possible : la rigidité des
perceptions et des connaissances
 Cela n’est plus vrai aujourd’hui ?

 Selon le « Rapport Arabe sur le Développement Humain


2002 » (un rapport de l’ONU rédigé par des universitaires
du monde arabe):
 « Le monde arabe traduit chaque année quelque 330 livres, soit
un cinquième de ce que traduit la Grèce. » (p.87)
Il y a chaque année 5 fois plus de livres étrangers traduits en grec
(12 millions de locuteurs) qu’en arabe (plus de 200 millions de
locuteurs).
 « Depuis l’époque du calife Maa’moun (IXe siècle), environ
100 000 ouvrages ont été traduits, soit à peu près la moyenne
annuelle des traductions effectuées en Espagne. » (p.87)

42
3e explication possible : le
communautarisme
 Idée : le communautarisme plus présent dans le
monde arabo-musulman que dans l’Occident a
constitué un frein au développement économique.

 Explication d’Avner Greif pour l’impact du


communautarisme sur le développement.

43
3e explication possible : le
communautarisme
 Morale individualiste : encourage les individus à
poursuivre leurs propres fins sans prendre en compte les
conséquences sociales.

 Morale communautaire : met l’accent sur les besoins du


groupe social.

 Dans une société communautaire, les droits et obligations


d’un individu proviennent de son statut au sein de la
communauté, qui est généralement petite.

44
3e explication possible : le
communautarisme
 Les cultures individualistes ont plus développé des droits
qui protègent les parties contractantes.

 Raison: la menace communautaire de la punition est


insuffisante pour assurer une confiance mutuelle entre
marchands

 En conséquence: droit commercial plus abouti, meilleure


efficacité des tribunaux.

45
3e explication possible : le
communautarisme
 Les marchands issus de cultures individualistes sont
relativement mieux préparés pour des échanges entre
cultures différentes.
 Raison: ils sont moins dépendants de liens
communautaires et déjà habitués à former des relations de
mandat avec des gens en dehors de leurs cercles sociaux.

 => individualisme favorable au commerce qui contribue à


la croissance…

 … même si les liens sociaux du communautarisme ont


d’autres vertus.

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4e explication possible : les institutions

 Explication universelle de l’enrichissement et de


l’appauvrissement au cours de l’histoire de l’humanité
proposée par Daron Acemoglu et James Robinson.

 Rôle fondamental des institutions inclusives pour le


développement économique d’un pays.

 Que sont des institutions inclusives?

47
4e explication possible : les institutions
 Institutions économiques extractives: droits de propriété
non garantis, absence de règle de droit, barrières à l’entrée
et réglementations qui empêchent la concurrence et
protègent les acteurs économiques en place.

 Institutions politiques extractives: les institutions


politiques qui concentrent le pouvoir dans quelques uns
sans contraintes, sans contrôle (absolutisme, oligarchie).

 Les institutions économiques extractives accompagnent les


institutions politiques extractives.
 Elles permettent à une élite d’extraire les ressources du
reste de la société.
48
4e explication possible : les institutions
 Par opposition:

 Institutions économiques inclusives: droits de propriété


garantis, règle de droit, ouverture aux nouveaux entrants,
accès à l’éducation.

 Institutions politiques inclusives: les institutions politiques


qui autorisent la participation du plus grand nombre et qui
placent des contraintes et des contrôles sur les dirigeants
politiques. Rôle du pluralisme.

 Les institutions économiques inclusives accompagnent les


institutions politiques inclusives.
49
4e explication possible : les institutions
 Thèse: les institutions inclusives favorisent le
développement économique.

 Pourquoi?

 Elles permettent et encouragent la participation de la très


grande majorité des individus dans les activités
économiques qui leur permettent d’utiliser au mieux leurs
compétences.

50
4e explication possible : les institutions
 Les institutions inclusives créent les incitations pour les
individus pour:
 Epargner et investir: en raison des droits de propriété
garantis.
 S’éduquer: en raison des efforts de l’Etat pour mettre en
place des écoles nombreuses et de bonne qualité, ce qui
incite les parents à y mettre leurs enfants.
 Innover: l’ouverture à des nouveaux entrants et le fait
que les droits de propriété soient garantis permettent
ainsi le progrès technologique.

 En l’absence d’institutions inclusives, les individus ne sont


pas incités à utiliser au mieux leurs talents.
51
4e explication possible : les institutions
 Quelques exemples historiques:

 1. L’introduction du progrès technique généré par la


Révolution Industrielle (XIXe siècle)

 La Révolution Industrielle est une période fondamentale


dans l’histoire de l’humanité où des innovations
technologiques ont permis de faire d’énormes progrès en
termes de développement économique.
 Partie d’Angleterre, elle s’est répandue en Europe, mais
pas dans tous les pays européens.

52
4e explication possible : les institutions
 Des institutions extractives ont empêché cette
introduction dans plusieurs pays.

 Pourquoi?

 Parce que les nouvelles technologies auraient balayé


d’anciens modèles d’affaires (remise en cause des rentes
en place) et qu’elles auraient pu engendrer des
changements politiques qui remettent en cause la position
des élites en place.

53
4e explication possible : les institutions
 Rejet de l’industrialisation en Autriche-Hongrie: souci de
préserver une société agraire pour préserver les élites
traditionnelles et garantir le status quo politique (risque
que les ouvriers remettent en cause le régime).

 Rejet des chemins de fer en Russie résumée par le


ministre Cancrin du Tsar Nicolas 1er: « Les chemins de
fer ne résultent pas toujours d’une nécessité naturelle,
mais sont plus un objet de besoin superflu ou de luxe. »

 Conséquence: au début du XXe siècle, ces deux pays


étaient plus pauvres que l’Angleterre ou la France.

54
4e explication possible : les institutions
 2. L’Egypte
 Durant les trois décennies du pouvoir d’Hosni Moubarak,
bonne illustration de la façon dont les élites utilisent leur
pouvoir pour créer des monopoles et bloquer l’entrée de
nouvelles personnes et nouvelles entreprises.
 Contrôle par le gouvernement et l’armée d’une part
importante de l’économie (jusqu’à 40% selon certaines
estimations).
 « Libéralisation » de l’économie en vendant une partie de
l’économie aux amis de Moubarak.
 Règne des « baleines », les hommes d’affaires proches du
pouvoir, qui bénéficient de la protection de l’Etat, de
contrats du gouvernement et de prêts bancaires avantageux.

55
4e explication possible : les institutions
 2. L’Egypte (suite)
 Pour Acemoglu et Robinson, les manifestants de la Place
Tahrir avaient raison.
 Ils considéraient qu’ils souffraient d’un Etat corrompu et
d’une société qui les empêchait d’utiliser au mieux leurs
talents.
 L’Egypte était pauvre « précisément par qu’elle était
dirigée par une petite élite qui avait organisé la société
pour leur propre profit au détriment de la très grande
majorité de la population. »

56
4e explication possible : les institutions
 3. Le Botswana
 A son indépendance en 1966, il était l’un des pays les plus
pauvres du monde: seulement 12 km de routes goudronnées,
22 habitants diplômés de l’université…
 Depuis, il est devenu une démocratie stable et a le plus haut
niveau de PIB par habitant de l’Afrique subsaharienne
(devant l’Afrique du Sud, mais aussi devant l’Algérie, le
Maroc et la Tunisie).
 Pourquoi?
Réponse simple: des institutions économiques inclusives:
droits de propriété protégés, investissement dans l’éducation
et dans les infrastructures, soutenues par des institutions
politiques inclusives (démocratie avec des contre-pouvoirs).

57
4e explication possible : les institutions
 Mais pourquoi au Botswana?
 Pour des raisons historiques et culturelles:
 Une grande assemblée formelle était traditionnellement
utilisée pour résoudre les disputes avec une participation
large et un contrôle des actions des chefs.
 Le fait d’être chef n’était pas héréditaire mais ouvert en
pratique à ceux qui montraient leurs capacités et leur
leadership.
 Sans être pleinement inclusives, ces institutions qui
existaient avant l’indépendance ont mis en place des
fondements pour un développement ultérieur possible des
institutions inclusives.

58
4e explication possible : les institutions
 Après l’indépendance, les dirigeants du pays ont mis en
place rapidement des institutions inclusives.
 Le premier président du pays (Seretse Khama) et son pays
ont choisi la démocratie sur la dictature et l’intérêt du plus
grand nombre sur celui d’une petite élite.
 Le Botswana a eu des élections régulières, n’a pas eu une
guerre civile et a respecté les droits de propriété.

59
4e explication possible : les institutions
 Ainsi selon cette explication, le Moyen-Orient a souffert
durant plusieurs siècles d’institutions extractives qui ont
bloqué son développement.

 Le développement économique passe alors par des


institutions inclusives.
 un pluralisme politique et des contre-pouvoirs qui
évitent qu’une petite élite mette en place des
institutions économiques en sa faveur.
 des droits de propriété garantis, l’ouverture aux
nouveaux entrants (fin des monopoles), l’accès à
l’éducation pour tous.

60
En guise de conclusion
 Que penser de l’économie islamique à l’issue de ces
réflexions ?
 Si elle signifie l’apologie des institutions qui ont
contribué au retard de développement du monde arabo-
musulman : risque de perpétuer ce retard de
développement.
 Si elle signifie mettre en place des mécanismes différents,
novateurs, qui peuvent influencer positivement le
développement économique : moteur possible pour le
rattrapage.
 Un de ces mécanismes peut être la finance islamique,
concept récent.

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