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Le développement

Histoire d’une croyance occidentale


4e édition revue et augmentée

Gilbert RIST

Anne-Elen Chompret
Introduction :

• Professeur, Institut des hautes études internationales et


du développement, Genève : affaires internationales +
réflexions sur développement

• Centre Europe-Tiers-Monde (1971-75) : « Il n’y a pas un


monde développé et un monde sous-développé, mais
un seul monde mal développé »

• Le développement, Histoire d’une croyance occidentale :


1ère édition, 1996
Comment la notion de « développement » s’est-elle construite et comment a-t-elle servie à légitimer un
nouveau découpage du monde selon une logique économique ?

I. Du point IV aux définitions portées par la « pensée ordinaire » : ce que signifie le « développement ».

a) À l’origine du « développement » : le discours du 20 janvier 1949 du président Truman.


b) La conceptualisation du « développement » dans la « pensée ordinaire » et ses limites.

Plan II. Le « développement », comme « religion » à l’origine d’une « ère nouvelle », gouvernée par
l’économie.

a) Le « développement » : une croyance occidentale universalisée.


b) Un nouveau monde économique partagé entre pays « sous-développés » et pays « développés ».

III. Le « développement », un outil de la puissance économique occidentale, forçant la croissance comme


seul moyen de parvenir à un niveau « développé ».

a) Comment le « développement » a-t-il servi la puissance économique américaine ?


b) La croissance : un objectif visé par les institutions en faveur du « développement ».
I. Du point IV aux définitions portées par la
« pensée ordinaire » : ce que signifie le
« développement ».

« Les préoccupations politiques des grandes


puissances étaient donc accaparées par des
évènements qui modifiaient considérablement les
relations politiques européennes, faisant passer
à l’arrière-plan les transformations qui avaient
lieu au Sud. C’est pourtant dans ce contexte,
apparemment peu favorable aux préoccupations
extra-occidentales, que fut inventée la notion de
« développement ». »
(p. 132)
a) À l’origine du « développement » : le discours du 20 janvier 1949 du président Truman.

Point IV :

• Discours d’investiture : axé sur la politique étrangère

• Initialement 3 points, mais : « à ces trois premiers points, un fonctionnaire suggéra d’ajouter une
extension aux nations défavorisées de l’aide technique qui avait été jusqu’ici accordée à certains
pays d’Amérique latine. » (p. 133)

o C. Clifford (conseiller juridique de la Maison Blanche)

o Soutenu par Rockefeller (président du Bureau de la coordination des affaires interaméricaines)

• Contexte historique : entrée dans la Guerre Froide


Texte :

« Quatrièmement, il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et


qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au
service de l’amélioration et de la croissance des régions sous-développées. […] » (p.
134)

« Notre but devrait être d'aider les peuples libres du monde, à produire, par leurs
propres efforts, plus de nourriture, plus de vêtements, plus de matériaux de
construction, plus d’énergie mécanique afin d’alléger leurs fardeaux. […] Cela doit
constituer une entreprise collective […] pour assurer l’existence de la paix, de
l’abondance et de la liberté. […] » (p. 135)
« L'ancien impérialisme […] n'a rien à voir avec nos intentions. Ce que nous
envisageons, c'est un programme de développement fondé sur les concepts d’une
négociation équitable et démocratique.
Tous les pays, y compris le nôtre, profiteront largement d'un programme constructif
qui permettra de mieux utiliser les ressources humaines et naturelles du monde.
L'expérience montre que notre commerce avec les autres pays s'accroît au fur et à
mesure de leurs progrès industriels et économiques. […] » (p. 136)
Qu’en penser ?

• Partager le savoir-faire américain : coopération internationale

• 1ère fois qu’est définie la notion de « développement »

• Va inaugurer une nouvelle ère du « développement »


b) La conceptualisation du « développement » dans la « pensée ordinaire » et ses limites

Définitions courantes :

• CNRTL : notion d’amélioration, d’industrialisation, de croissance économique

• Larousse : notion d’« évolutions positives » qui « engendrent l’enrichissement de la population


et l’amélioration des conditions de vie » et notion de progrès

• Géoconfluences : notion de transformations, de croissance de la production, de bien-être

Définition de la « pensée courante » (chapitre 1) :

• « Le développement désigne tantôt un état, tantôt un processus, connotés l’un et l’autre par les
notions de bien-être, de progrès, de justice sociale, de croissance économique,
d’épanouissement personnel, voire d’équilibre écologique. » (p. 33)

• Nécessité de prendre des précautions méthodologiques et de définir la notion selon les


phénomènes considérés : ce qui fait qu’un pays est développé ou ne l’est pas
« Le « développement » est constitué d’un ensemble de pratiques
parfois contradictoires en apparence qui, pour assurer la
Définition reproduction sociale, obligent à transformer et à détruire, de
façon généralisée, le milieu naturel et les rapports sociaux en vue
d’une production croissante de marchandises (biens et services)
destinées, à travers l’échange à la demande solvable. »
(pp. 40-48)
a) Le « développement » : une croyance occidentale universalisée

Pourquoi une croyance occidentale ?

• Point IV, comme acte inaugural : vient des États-Unis (contexte de Guerre-
Froide)

II. Le « développement », • Stratégie globale visant à donner l’« illusion du changement » : idéaux et
comme « religion » à imaginaires occidentaux
l’origine d’une « ère
nouvelle » • Croissance, comme impératif occidental

Pourquoi une croyance universalisée ?

• Notion de religion : champ du mythe et du religieux à gouvernance


économique

• Doctrine qui n’est pas remise en cause et qui s’impose donc


« Leur droit à l’autodétermination s’est échangé contre le droit à
II. Le « développement », l’autodénomination et, en conquérant leur indépendance
comme « religion » à politique, ils perdaient leur identité et leur autonomie
l’origine d’une « ère économique, parce que contraints de cheminer sur la « voie du
nouvelle » développement » tracée par d’autres qu’eux. »
(p. 148)
b) Un nouveau monde économique partagé entre pays « sous-développés » et
pays « développés »

Le « sous-développement » :

• Adjectif qui désigne les « régions économiquement arriérées »


II. Le « développement »,
comme « religion » à • « L’apparition du « sous-développement » évoque […] l’idée d’un
l’origine d’une « ère changement […]. Le « développement » prendra alors un sens transitif
nouvelle » correspondant à un principe d’organisation sociale, tandis que le « sous-
développement » sera considéré comme un état qui existe « naturellement »,
c’est-à-dire sans cause apparente ». (p. 138)

• Principe qui vient remplacer la relation pays colonisateurs / pays colonisés

Pourquoi ce nouveau découpage ?

• Continuité et non plus rupture : « collection de nations « individuelles » » et


« égales »
Conférence de Bandung (18-24 avril 1955) :

• Revendication des anciens peuples colonisés pour la mise en place d’une


politique en faveur du « développement »

• Mouvement des « non-alignés »


II. Le « développement »,
comme « religion » à • 10 principes finaux pour la coopération économique et le
l’origine d’une « ère « développement »
nouvelle »
• Favorise l’avènement de nouvelles institutions internationales pour le
« développement »
a) Comment le « développement » a-t-il servi la puissance économique
américaine ?

« Cette nouvelle manière de découper le monde servait remarquablement les


intérêts des États-Unis. » (p. 141)
III. Le « développement »,
un outil de la puissance Hégémonie :
économique occidentale,
forçant la croissance
comme seul moyen de • Tradition anticoloniale, certes, mais dans les faits : « nouvel impérialisme
parvenir à un niveau anticolonial »
« développé »
• Intervention présentée comme nécessaire + seule issue possible

• Qui peut s’opposer à l’idée de l’instauration d’un « bien-être » mondial ?


b) La croissance : un objectif visé par les institutions en faveur du
« développement »

« La clé de la prospérité et du bonheur, c’est la croissance de la production. »


(p. 143)
III. Le « développement »,
un outil de la puissance Préparation du terrain par l’ONU :
économique occidentale,
forçant la croissance
comme seul moyen de • Article 55 de la Charte de l’ONU pour favoriser le développement
parvenir à un niveau
« développé » • Novembre 1949, « Programme élargi d’assistance technique » : fonds pour
stimuler la croissance

Institutions :

• SFI, AEIA, banque régionale pour l’Afrique, banque régionale pour l’Asie…
III. Le « développement », « D’une certaine manière, les préliminaires politiques
un outil de la puissance étaient terminés et l’économie triomphante pouvait
économique occidentale, entrer en scène. » (p. 171)
forçant la croissance
comme seul moyen de
parvenir à un niveau
« développé »

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