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LE DIAGNOSTIC

EN ENDODONTIE
II - LES PATHOLOGIES

Etienne DEVEAUX1
PU-PH
Alain GAMBIEZ1
MCU-PH

1 Université de Lille 2

MOTS CLES
Pulpite
L es différents moyens diagnos-
tiques que nous venons de passer en
Bien qu’il soit impossible de connaître
avec exactitude l’état de santé pulpai-
Dégénérescence pulpaire
Nécrose pulpaire revue permettent, lorsqu’ils sont utili- re, il est impératif d’établir le bilan bio-
Parodontite apicale sés avec discernement, de poser un logique pulpaire afin de prendre la
Abcès périapical diagnostic endodontique qui s’orien- bonne décision thérapeutique (5). Le
tera vers de ux gra nds type s d e praticien évalue la possibilité de
KEY WORDS pathologies : les pulpopathies d’une con serve r la vit alité d e l’organ e
Pulpitis part, les maladies pulpoparodontales pulpo-dentinaire, sur la base des don-
Pulpal degeneration d’autre part. nées relevées par l’interrogatoire et
Pulpal necrosis les examens cliniques et radiolo-
Apical periodontitis
Apical abscess PULPOPATHIES giques (fig. 1). Cette estimation de
l’état de santé pulpaire repose sur
Bilan radiologique pulpaire l’analyse de facteurs généraux et
Une pulpe saine est asymptomatique. locaux.
Les stimuli thermiques et électriques Pour les facteurs généraux, toutes les
provoquent une réponse qui disparaît affections agissant sur l’ensemble
dès leur arrêt. des processus métaboliques et/ou

REALITES CLINIQUES Vol. 17 n° 3, 2006 pp. 291-306


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Fig. 1 - Bilan biologique pulpaire. immunitaires sont des éléments défa- re identifié, il faut en apprécier son
L’examen radiographique, à l’aide de vorables (diabète, déficiences vitami- intensité, sa durée d’action, son point
clichés rétroalvéolaires, doit être
systématique. Il permet de découvrir
niques ou horm onales, malad ies d’application et son étendue (44).
des pathologies insoupçonnées immunodépressives). Un interrogatoi- Par ailleurs, d’autres facteurs locaux
cliniquement. Il objective dans ce cas re bien mené et, dans certaines cir- tels que le contexte parodontal et le
une récidive carieuse sous amalgame constances, des examens complé- contexte occlusal doivent être consi-
et atteignant la dentine profonde sur
la 37. Le patient âgé de 35 ans, qui est
mentaires, sont indispensables à la dérés. L’intégrité de l’attache épithé-
en bonne santé, ne se plaint d’aucune connaissance du potentiel santé du lio-conjonctive est un facteur favo-
douleur et la dent répond patient. rable. La présence de lésions paro-
normalement aux tests de sensibilité L’analyse des facteurs locaux com- dontales avancées est un facteur
pulpaire. La radiographie montre
une rétraction pulpaire de défense.
mence par le bilan pulpaire pour défavorable au même titre qu’une
Ces renseignements, associés à ceux lequel l’interrogatoire sur les antécé- occlusion mal équilibrée.
fournis par l’interrogatoire du dents dentaires, la prise en compte Le sens clinique et l’expérience du
patient, sont précieux pour établir de l’âge, l’examen clinique dentaire, praticien sont des atouts précieux.
le bilan biologique pulpaire et pour
décider de la thérapeutique à mettre
les tests de vitalité et les examens Ainsi, sur des critères objectifs mais
en œuvre. Une fois l’éviction carieuse radiographiques revêtent une impor- aussi sur un faisceau de présomp-
et le retrait de l’amalgame effectués, tance capitale. Il faut chercher à com- t ions , se profile l’ét at de sant é
quelle restauration sera la mieux prendre le passé pathologique de la pulpaire. Au cas où l’on décide de gar-
adaptée pour garder la dent vitale
avec un risque de pulpite irréversible
dent et de la pulpe en particulier. der la pulpe vivante, il faut se deman-
minimum ? Ne vaut-il pas mieux Quelles ont été les agressions subies der quelles sont ses chances de survie
faire le traitement endodontique ? par le passé, quelle en a été leur après notre intervention. Au-delà de
Bien des paramètres sont à considérer intensité, leur durée ? C’est la som- l’estimation du potentiel de défense et
avant de prendre la décision
et le patient doit en être informé.
mation des agressions sur le com- du potentiel vital, il y a nécessité
plexe dentinopulpaire qui détermine d’extrapoler et de mesurer le risque
Fig. 2 - Pulpite aiguë sur 46.
Le patient âgé de 24 ans, en parfaite l’état de santé pulpaire. d’échec d’une thérapeutique conserva-
santé, se plaint de douleurs vives, L’étude de l’état pathologique dentai- trice de la vitalité pulpaire (10) (fig. 1).
spontanées, pouvant devenir re se base tout d’abord sur la sympto- Devant l’impossibilité d’établir un dia-
continues sur 46, l’empêchant
mato logi e qui n ’est pa s tou jours gnostic pulpaire selon des critères
parfois de dormir. Le test au froid
est très positif. La douleur ne cesse représentative du processus inflam- anatomopathologiques, Baume a pro-
pas à l’arrêt du stimulus. mato ire . El le re pose e nsui te sur posé en 1962 (8) une classification
La radiographie confirme l’appréciation de l’épaisseur de denti- d es pu lpop athi es ret enu e par
une volumineuse carie distale
ne résiduelle grâce à la radiographie. l’O.M.S., basée sur des données cli-
atteignant la pulpe
et visible cliniquement. Enfin, cet examen est indispensable niques et adaptée aux moyens théra-
pour estimer le volume et le contenu peutiques disponibles (tableau I).
pulpaires (minéralisations, résorp- Toutefois, certaines pulpopathies
tions) ainsi que l’aspect des struc- telles que les dégénérescences pul-
tures périapicales et périradiculaires. p aires f ibreuse s et ca lcique s n e
Une fois le facteur d’agression pulpai- nécessitent pas toujours une théra-

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peutique et doivent parfois être sim- rentre dans la catégorie des pulpites
plement surveillées. réversibles.
Une pulpite résiduelle s’observe par-
Pulpe saine blessée foi s con sécu tivem ent à u n s oin
accidentellement conservateur. L’acte thérapeutique du
Il arrive qu’une pulpe saine soit mise clinicien, si peu invasif soit-il, est tou-
à nu accidentellement lors d’un soin jours une agression supplémentaire
ou d’une fracture coronaire. En pareil pour le tissu pulpaire. Cela entraîne
cas, l’effraction pulpaire, directement une inflammation passagère et locali-
visible, saigne légèrement. Le contact sée de la pulpe avec exacerbation
de la sonde, très douloureux, doit être transitoire des réponses aux tests de
évité. Il n’y a pas de douleur sponta- sensibilité. Un retour à la normale
née. Les tests thermiques et le test peut demander quelques jours voire
électrique sont positifs. La percussion quelques semaines. L’absence de
est négative. L’évolution est favo- retour à la normale peut engager la
rable, surtout chez les sujets jeunes, pulpe dans un processus de pulpite
quand la thérapeutique (coiffage pul- irréversible (45). Une pulpite réver-
paire direct) est menée de manière sible peut survenir après extraction de
adéquate (digue, asepsie). Quand dent incluse adjacente. Ce désordre
ces conditions ne sont pas réunies, de type subaigu est dû au traumatis-
l’évolution est plus aléatoire et peut me de l’intervention chirurgicale sur la
s’orienter vers la pulpite aiguë ou la dent voisine. Les manifestations cli-
nécrose pulpaire. Une surveillance cli- niques d’hyperhémie pulpaire rentrent
nique et radiologique s’impose. dans l’ordre en quelques semaines à
quelques mois (30).
Pulpite réversible
Il s’agit d’une hyperémie pulpaire Pulpite aiguë irréversible
encore appelée pulpite subaiguë ou La pulpite aiguë irréversible est une
prépulpite. inflammation pulpaire caractérisée clini-
Les signes cliniques peuvent régres- quement par des douleurs intenses,
ser après la mise en œuvre d’une thé- pulsatiles et intermittentes, augmentées
rapeutique appropriée. Histologique- par une stimulation thermique (fig. 2).
ment, le tissu ne retrouve jamais son
état de santé initial. Il existe toujours
une cause expliquant l’existence de
l’inflammation pulpaire. Les douleurs
spontanées sont absentes ou dis- TABLEAU I - CLASSIFICATION SYMPTOMATOLOGIQUE À BUT
crètes. Les douleurs sont de type THÉRAPEUTIQUE DES PULPOPATHIES (8)
aigu, provoquées par un test de sen- Catégorie I Pulpes vivantes sans sy mp tomatologie, lésées
sibilité se prolongeant peu de temps accidentellement ou proc hes d’une carie ou d’une cavité
profonde, suscept ibles d’être protégées par c oiffage
au-delà de la stimulation. Il n’existe
Catégorie II Pulpes vivantes avec s ym ptomatologie, dont on tentera
pas de distinction sémiologique entre
surtout - chez les jeunes – de conserver la vitalité par
hyperesthésie dentinaire et inflamma- coiffage ou bi opulpotom ie
tion pulpaire réversible (30, 4 8). Catégorie III Pulpes vivantes dont la biopul pectom ie suivie d’une
L’hypersensibilité dentinaire caractéri- obturat ion radi culaire immédiate est indiquée pour des
sée pa r d es d oule urs brèves et raisons sym ptomatol ogique, prothétiques, iatro gènes ou
intenses provoquées par l’exposition de pronos tic
de plag es d ent inaires t rès per- Catégorie IV Pulpes nécrosées avec - en pri ncipe - infec tion de la
méables à des stimuli physiques, chi- dentine radiculaire, accom pagnée ou non de manifes tations
périapi cales, exigeant un t raitement canalaire ant isepti que
miques, thermiques ou osmotiques
et une obturat ion apicale hermétique

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3a 3b

Fig. 3 - Pulpite chronique sur 25 Elle se distingue histologiquement par Pulpites chroniques
sur une patiente de 43 ans.
La patiente ne se plaignait d’aucune
un œdème pulpaire important. Les Les pulpites chroniques correspon-
douleur du côté gauche. Un examen signes cliniques et histologiques ne dent à une inflammation pulpaire qui
dentaire attentif a permis de détecter peuvent revenir à la normale, quelle se développe lentement avec une
une opacité sous amélaire disto- que soit la thérapeutique mise en symptomatologie clinique réduite. Les
occlusale sur la 25. Le test au froid
était faiblement positif.
œuvre. La pulpite aiguë est typique réponses aux tests de sensibilité pul-
Le cliché rétroalvéolaire a révélé d’une consultation d’urgence (14, 17, paire sont atténuées (fig. 3). La vitali-
une volumineuse lésion carieuse 31). Il existe très souvent une voie de té pulpaire n’est souvent objectivée
distale atteignant la pulpe contamination bactérienne du tissu que par une manœuvre invasive intra-
qui a évolué selon un mode
inflammatoire chronique.
pulpaire. Les douleurs spontanées pulpaire. Il existe toujours la présence
sont caractéristiques. Elles sont asso- d’une cause expliquant l’inflammation
ciées à une réponse positive aux pulpaire. Les pulpites chroniques
tests de sensibilité pulpaire. Une revêtent différentes formes. Des états
réponse douloureuse à la percussion i nflam mato ire s dis tincts pe uven t
est possible dans le cas d’une pulpo- affecter les différents canaux d’une
desmodontite. Initialement provo- même dent (fig. 4). La symptomatolo-
quée, la douleur pulpaire devient gie et les signes cliniques sont alors
spontanée, étant donné la stimulation moins évidents à interpréter. Ainsi
perman ente des fib res C par les une molaire peut-elle présenter un
médiateurs chimiques de l’inflamma- canal atteint d’une pulpite chronique
tion et l’augmentation de pression et un autre atteint d’une pulpite aiguë
intrapulpaire. Les douleurs ne cèdent ou encore d’une nécrose.
pas aux antalgiques/anti-inflamma- Pulpite hyperplasique
toires. Les douleurs, violentes, sont La pulpite hyperplasique ou polype
souvent d’apparition récente. Il peut pulpaire se caractérise par la prolifé-
s’agir d’un retour en phase aiguë ration du tissu pulpaire sous forme
d’une phase chronique. L’activité phy- d’un bourgeon épithélialisé faisant
sique et la position allongée peuvent hernie à l’extérieur de la chambre pul-
exacerber les douleurs. La pulpite paire ou du canal radiculaire (fig. 5a).
peut évoluer en pulpite purulente On observe une masse charnue ,
caractérisée cliniquement par des rouge, saignant, mais peu douloureu-
douleurs intenses, continues et lanci- se au contact de la sonde, sans dou-
nantes, voire irradiantes. leur spontanée, sensible à la mastica-

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4a 4b

4d

4c

Fig. 4 - Ce jeune patient de 17 ans


tion. Les tests thermiques sont néga- la pulpe qui s’ulcère et se couvre de consulte pour des douleurs violentes
tifs. La percussion est négative. Il n’y débris nécrotiques. Une voie de drai- sur la 46 atteinte par une
a pas d’odeur. Cette pulpopathie sur- nage naturel s’établit via la dentine volumineuse carie à progression
rapide. La dent présente des signes
vient presque exclusivement sur des désorganisée et perméable. Ainsi, le
de pulpite aiguë. Toutefois, la racine
dents temporaires ou sur des dents pus n’est pas en surpression dans la distale montre sur la radiographie
définitives immatures à apex ouverts. chambre pulpaire et peut être évacué. une image de résorption apicale
Bien que le polype puisse ne pas évo- Ces conditions favorisent la tendance (a) (flèches rouges) qui signe une
inflammation pulpaire chronique.
luer pendant très longtemps, la nécro- de cette lésion à rester localisée et
Contre l’avis du praticien, le patient a
se pulpaire finit par survenir. Il est à peu symptomatique. voulu faire extraire la dent. Sur la
di fféren cier d u polyp e gin gival Dégénérescences pulpaires pièce opératoire, on s’aperçoit que le
d’aspect plus lisse et rattaché à la Le s dé gén ére scenc es pu lpai res tissu pulpaire était bien vivant (b).
La morphologie des apex témoigne de
gencive marginale (fig. 5b). signent un vieillissement de l’organe
deux processus inflammatoires
Pulpite ulcéreuse pulpaire plus ou moins accéléré. Leur pulpaires distincts dans chaque
Encore appelée pulpite chronique caractéristique commune est la perte racine. Les contours de la résorption
ulcérative, cette affection se caractéri- de tout potentiel réparateur et/ou den- sont nettement visibles (c, d) (flèches
noires) sur la racine distale.
se par une destruction de surface de tinogénétique. L’organe pulpaire peut

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5a 5b

6a

6b

Fig. 5 - Polype pulpaire sur une 36


(a). La dent était asymptomatique,
y compris lors de la mastication.
L’aspect de tissu de granulation s’atrophier ou encore subir une dégé- vent négatifs ou faiblement positifs.
à couleur très rouge du polype
nérescence calcique, fibreuse ou Radiographiquement, en fonction du
pulpaire diffère de celui d’un polype
gingival d’aspect plus lisse et plus graisseuse. Ces pathologies sont stade évolutif, la pulpe peut être
rosé comme sur la 47 dont on souvent secondaires à un traumatis- réduite à un filet très fin ou avoir dis-
distingue bien le pédicule qui me ancien mais peuvent également paru totalement. Cliniquement, la cou-
le rattache à la gencive marginale (b).
concerner des dents dont la fonction ronne présente souvent une colora-
Fig. 6 - Atrophie pulpaire sur la 11. est exacerbée ou au contraire très tion jaune et a perdu de sa transluci-
L’examen visuel de la 11 montre une diminuée voire nulle. dité (fig. 6a, b). La dégénérescence
opacification coronaire par rapport à
la 21 qui a une translucidité normale. Au cours de la dégénérescence cal- calcique peut aussi se traduire par la
La radiographie rétroalvéolaire cique, prédominent des phénomènes présence de pulpolithes ou de miné-
dévoile une oblitération totale de la de minéralisation anarchique rédui- ralisations diffuses rendant l’accès à
pulpe camérale et une racine plus sant fortement les volumes caméral et la pulpe difficile (fig. 7). Des névral-
courte sur la 11. La dent a toujours
été asymptomatique et l’interrogatoire canalaire. L’étiologie a souvent pour gies touchant des dents sans cause
n’a pas permis de trouver une cause origine un traumatisme ancien. Le apparente, avec des sensations ther-
expliquant cette pathologie pulpaire silence clinique est fréquemment de miques parfois douloureuses et à
chronique de type atrophique. mise. Les tests de vitalité sont sou- localisation imprécise pourraien t

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*

7 8a 8b 9

s’expliquer par des phénomènes de dentine coronaire ou radi- Fig. 7 - Dégénérescence


compression des fibres nerveuses culaire et peut présenter pulpaire calcique dans une
racine palatine
pulpaires résiduelles dues à l’accrois- des phases de rémission. de molaire maxillaire.
sement volumétrique des calcifica- On n’observe pas de dou- Un volumineux pulpolithe
tions. leurs ou des douleurs peu oblitère le canal et s’élargit
La dégénérescence fibreuse ou fibro- durables et peu intenses. dans le tiers apical. De
telles formations peuvent
se pulpaire et la dégénérescence Les tests thermiques sont engendrer, par compression des fibres
graisseuse correspondent respective- très atténués. Lorsque la résorption nerveuses pulpaires, des douleurs de type
ment à un envahissement a nar- est coronaire, une tache de couleur névralgique difficiles à localiser.
chique par des faisceaux de fibres rosée peut apparaître (“pink spot” des Fig. 8 - Fistule vestibulaire associée
conjonctives et par des gouttelettes anglo-saxons), objectivant l’activité de à une résorption interne perforante sur la
11 sur un patient de 29 ans.
lipidiques. La symptomatologie atté- résorption et pouvant provoquer la L’interrogatoire a révélé que la fracture
nuée est de mise. Radiologiquement, fracture de l’émail. Lorsque le granu- de l’angle mésial, survenue dans la petite
la pulpe peut avoir gardé un volume lome interne est de localisation radi- enfance, n’avait pas été traitée.
quasi normal. culaire, la découverte est uniquement Un traitement canalaire insuffisant n’a
pas permis de stopper le foyer de
Les dégénérescences pulpaires doi- radiographique. On distingue deux résorption qui s’est infecté.
vent faire l’objet d’une surveillance formes de résorption radiculaire inter- La percolation bactérienne peut avoir de
radiologique et clinique car elles peu- ne : la résorption interne infectieuse multiples origines : manque d’étanchéité
vent évoluer vers la nécrose pulpaire (fig. 8) et la résorption interne de rem- des obturations coronaire et/ou
radiculaire, parodonte marginal.
et ses complications. Le traitement placement (20, 21, 36). Dans le pre- Noter l’absence d’image radiologique de
endodontique des dents atteintes de mier cas, les contours de la résorption parodontite apicale. Toutefois, le sondage
dégénérescence calcique peut s’avé- interne sont en continuité avec les parodontal n’ayant pas permis
rer délicat. Dans ce cas, l’estimation contours de l’espace pulpaire. La de mettre en évidence une perte
d’intégrité de l’attache épithélio-
du rapport bénéfice/risque devient transparence radiologique est homo- conjonctive, une contamination
essentielle. Pour le s dégén éres- gène, de forme ronde ou ovalaire. Un bactérienne d’origine parodontale semble
cences calciques avec oblitération tissu de granulation occupe l’espace improbable.
totale du canal radiculaire, une paro- ra dioclair de résorp tion. Da ns le Fig. 9 - Résorption de remplacement sur
dontite apicale survient dans 1 à 16 % second cas, la dentine résorbée est une racine distale de molaire mandibulaire.
La pulpe a sécrété de la dentine
des cas (38). remplacée par du tissu osseux, révélé réactionnelle dans la moitié coronaire de la
Résorption interne par un réseau radio-opaque tacheté racine (flèches noires). Cela incite à penser
Encore appelée granulome interne, la (9). La résorption de remplacement qu’il s’agit d’une résorption externe avec
résorption interne se caractérise par peut aboutir à l’ankylose qui se singu- conséquences endodontiques. Le volume
dentinaire résorbé a abouti à une
un tissu de granulation contenant en larise par la fusion entre la racine perforation au tiers apical de la racine
périphérie des odontoclastes. Le pro- dentaire et l’os alvéolaire, par dispari- (flèche rouge). Il est quasiment sécrété « à
cessus de résorption s’effectue de tion de l’espace desmodontal (38). La l’identique » par du tissu osseux (étoile).
façon centrifuge aux dépens de la résorption interne peut aboutir à la L’os n’a pas fusionné avec la racine.

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perforation radiculaire et/ou coronaire. les stades initiaux. La nécrose pulpai-
La résorption interne est à différencier re évolue inexorablement vers une
de la résorption externe initiée au parodontite apicale.
niveau du parodonte et affectant au
départ les surfaces externes de la PARODONTITES
dent. Celle-ci peut être classée en D’ORIGINE
résorption de surface, inflammatoire ENDODONTIQUE
ou de remplacement (fig. 9) ou par Les maladies pulpoparodontales cor-
sa localisation cervicale, latérale ou respondent à un processus inflamma-
apicale. Elle peut envahir l’espace toire localisé au parodonte périradicu-
pulpaire. Les résorptions cervicales laire (le plus souvent périapical) en
invasives sont une pathologie peu réponse à une agression d’origine
commune dont l’étiologie est mal endodontique : infectieuse, méca-
connue (26). nique ou chimique. Elles résultent de
p ath olog ies pulp aire s o u d e
Nécroses pulpaires manœuvres iatrogènes (12).
La nécrose pulpaire est la mortifica-
tion du tissu pulpaire dont l’étiologie Parodondite apicale aiguë
peut être physique, chimique, trauma- Cette inflammation aiguë des tissus
tique ou bactérienne. Elle peut être périapicaux est définie comme primai-
partielle ou totale. re lo rsq u’elle corresp ond à un e
La nécrose pulpaire aseptique ou
inflammation de courte durée, initiée
nécrobiose, correspond à la nécrose
dans un périapex sain. Elle est définie
tota le de la pulp e exem pte d e
comme secondaire lorsqu’elle corres-
germes. C’est une nécrose de coagu-
pond à une exacerbation aiguë d’une
lation qui peut avoir une étiologie
lésion chronique préexistante. La
ischémique, traumatique, physique ou
parodontite apicale aiguë, lorsqu’elle
chimique. C’est un état passager,
est d’origine bactérienne, évolue sous
rapidement colonisé par les microor-
la forme d’un abcès, si les moyens de
ganismes. Souvent, la dent a perdu
défense sont débordés ou en l’absen-
sa translucidité originelle, devenant
ce de traitement approprié. L’existen-
opaque, voire grisâtre. Elle est insen-
sible au sondage, à la percussion, ce d’une contamination parodontale
aux tests thermiques et électrique. Il d’origine bactérienne, issue de l’endo-
n’y a pas de signes radiologiques. Il donte, doit être recherchée. La dent
n’y a pas d’odeur lors de l’ouverture ne répond pas aux tests de sensibilité
de la dent. pulpaire. Un traitement endodontique
La nécrose pulpaire septique ou gan- insuffisant peut être également à l’ori-
grène pulpaire, est associée à la pré- gine d’une parodontite apicale aiguë
sence de ba ctéries et de leurs (fig. 10 a, b). On constate une dou-
toxines. Elle peut être primaire (infec- leur spontanée et exacerbée à la
tion d’emblée) ou secondaire (inocu- pression ou à la percussion. La palpa-
lation septique d’une nécrose pulpaire tion apicale est indolore. Les tests
aseptique). Elle diffère de la nécrose thermiques doivent être menés en
aseptique par une odeur putride, nau- douceur, sans pression sur la dent,
séabonde lors de l’ouverture de la afin de ne pas engendrer de fausse
chambre pulpaire. La dent est asymp- réponse positive. La pulpodesmodon-
tomatique. La réponse est négative tite est une phase de transition entre
aux tests de sensibilité pulpaire et à la la pulpite aiguë irréversible et la paro-
percussio n. On not e l’a bsen ce dontite apicale aiguë où les tests de
d’image radioclaire périapicale dans sensibilité pulpaire sont encore posi-

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10a 10b

tifs. La dent est reconnue dans ce cas forcée et une aiguille bloquée entre Fig. 10 - Parodontite apicale aiguë
au contact et à la percussion. les parois canalaires sont souvent à sur 46. La patiente ressentait des
douleurs lancinantes exacerbées
La flambée inflammatoire encore l’origine de cette faute technique.
par la mastication depuis quelques
appelée arthrite périapicale ou des- jours. La palpation du fond du
modontite apicale se caractérise par Parodontie apicale chronique vestibule était légèrement
une douleur vive à la pression, à la Cette pathologie est une inflammation douloureuse. Il n’y avait pas
de tuméfaction. Les tests de mobilité
percussion axiale et latérale, associée de la région périapicale évoluant sur
et de percussion étaient très positifs.
à une douleur à la palpation de la une longue durée, caractérisée par la L’examen dentaire ainsi que
zone périapicale. La dent est légère- présence d’un tissu de granulation l’observation du cliché rétroalvéolaire
ment mobile. Une hyperhémie gingi- majoritairement infiltré par des lym- montrent un manque d’étanchéité
des obturations coronaire et
vale ou de la muqueuse alvéolaire, phocytes, des plasmocytes et des
radiculaire. L’élargissement
circonscrite, peut y être associée. macrophages (granulome). Cette desmodontal affecte les deux racines,
Cette affection purement inflammatoi- lésion épithélialisée peut évoluer en mais l’image radiologique,
re se manifeste 24 à 48 heures après kyste (fig. 8 a à h, article précédent). peu spectaculaire, ne reflète pas
le tableau clinique.
un traitement endodontique d’une Il existe toujours une voie de contami-
dent à pulpe vitale et peut être due à nation bactérienne pulpoparodontale.
une surinstrumentation de la zone La symptomatologie est très atté-
apicale ou au refoulement de débris nuée, la dent pouvant être totalement
lors de la préparation ou de produits asymptomatique. Les réponses sont
d’obturation canalaire (45). négatives aux tests de sensibilité pul-
Il nous faut évoquer l’accident opéra- paire. Le tissu osseux périapical irrité
toire qu’est l’injection accidentelle réagit par un phénomène d’ostéolyse.
d’irrigant dans le périapex lors de la On observe une image radioclaire
préparation canalaire (hypochlorite de périapicale de lésion osseuse d’origi-
sodium, solu tio ns d’EDTA, acide ne endodontique (fig. 11 a, b, c).
citrique, solutions de chlorhexidine, L’ostéite condensante est une paro-
solvants…). Le tableau clinique asso- dontite apicale asymptomatique qui
cie une douleur violente et une tumé- se caractérise par une image radiolo-
faction importante qui apparaît dans gique d’ostéosclérose périapicale.
les minutes qui suivent l’injection. Une L’hyperactivité du tissu osseux irrité,
hémorragie canalaire prolongée se due à une pulpite chronique asympto-
prod uit. To us les irrigan ts s ont matique, est objectivée par une image
toxiques pour le périapex. L’injection radiodense périapicale (20).

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11a 11b

Fig. 11 - Parodontite apicale Abcès périapical


chronique sur la 11 découverte
L’abcès périapical ou abcès alvéolaire
lors d’un examen de routine
chez une patiente de 23 ans. aigu est la manifestation aiguë du
La dyschromie est évidente. réveil de l’infection apicale qui se
La nécrose pulpaire est consécutive caractérise par une collection locali-
à un traumatisme survenu à l’âge 11c
sée de pus dans le périapex, consé-
de 7 ans. La patiente ne se plaignait
d’aucune douleur. cutive à la nécrose de la pulpe ou à
Noter la faible surface dentinaire l’infection de l’endodonte. Il existe
exposée et le mésiodens situé toujours une contamination bactérien-
à proximité de l’apex de la l 1
ne parodontale d’origine endodon- nique que l’abcès alvéolaire aigu. Elle
dont l’édification
n’a jamais pu commencer. tique. Les tests de sensibilité pulpaire survient en général dans les 24 à 48
sont négatifs. Les douleurs sont spon- heures après la première séance de
tanées, permanentes et exacerbées nettoyage canalaire d’une dent nécro-
par la pression. Le test de percussion sée initialement asymptomatique. Dif-
est contre-indiqué tant il est doulou- férents facteurs peuvent expliquer la
reux. La palpation apicale est algique flambée infectieuse : passage forcé
et une tuméfaction sous-périostée ou de débris nécrotiques, de bactéries et
sous-muqueuse est possible (fig. 12a, /ou d’endotoxines au-delà du foramen
b). Un abcès périapical n’est pas apical au cours des manoeuvres ins-
nécessairement visible radiographi- trumentales, refoulement de maté-
quement au stade initial. Il peut être riaux exogènes dans le périapex,
entièrement intra-osseux, sans attein- changement et/ou exacerbation de la
te des corticales. flore bactérienne après ouverture de
L’abcès récurrent ou abcès Phoenix la chambre, diminution des résis-
est l’exacerbation aiguë d’une patho- tances du patient (déficit immunitaire,
logie inflammatoire périradiculaire diabète, fatigue, stress) (45).
chronique d’origine endodontique.
Les critères diagnostiques sont iden- Parodontite apicale avec fistule
tiques à ceux de l’abcès périapical La fistule d’origine dentaire est un
avec toutefois, la présence systéma- conduit d’origine pathologique s’éten-
tique d’une image osseuse radioclaire dant d’une zone inflammatoire chro-
de lésion d’origine endodontique. nique interne (dans ce cas précis, la
La flambée infectieuse encore appe- région périradiculaire), cheminant
lée «flare up» ou réactivation infec- dans l’os et débouchant sur une sur-
tieuse ou encore exacerbation infec- face épithéliale intraorale (gencive,
tieuse présente le même tableau cli- muqueuse alvéolaire) ou extraorale

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300
12a 12b

(peau) et par lequel s’écoule un exsu- radiologique d’inflammation périradi- Fig. 12 - Abcès périapical aigu
dat. On observe la présence d’un culaire sont asymptomatiques (46). sur la 25. La collection suppurée
refoule la muqueuse vestibulaire
ostium fistulaire dont la relation avec L’orifice d’émergence fistulaire est et est visible par transparence.
la dent causale est objectivée à la plus rarement sulculaire, lingual ou La palpation de la zone
radiographie par l’introduction d’un palatin. La fistule cutanée reste occa- est douloureuse. La moindre pression
cône de gutta (fig. 13 a-d, article pré- sionnelle (18). Bien que l’origine exercée sur la dent est insupportable.
La radiographie objective une image
cédent). La fistule peut être ignorée endodontique soit très probable, le radioclaire périapicale de type
par le patient. La fistule se crée après diagnostic différentiel doit être fait granulome. La cavité carieuse
de s épiso des aig us primaires et avec une ostéomyélite, une fistule est envahie par un polype gingival.
secondaires. Le drainage naturel, qui congénitale, la présence d’un corps
s’opère par la fistule, fait disparaître la étranger, un carcinome basocellulai-
surpression tissulaire, la tuméfaction re, un accident infectieux de dent de
et les douleurs. Il est important de dis- sagesse (18).
tinguer une fistule d’origine endodon-
tique d’une fistule d’origine parodon- Lésions combinées pulpo-
tale. On découvre une fistule sur envi- parodontales ou lésions
ron 20 % des dents montrant une d’origine endo-parodontale
inf lamma tion périrad iculaire à la Des rappo rt s s’ étab lissen t ent re
radiographie (25). Il n’existe aucune l’endodonte et le parodonte par diffé-
corrélation entre la taille de la radio- rentes voies anatomiques (orifice api-
clarté périradiculaire et la présence cal, canaux latéraux et accessoires)
d’une fistule. La très grande majorité et histologiques (tubuli dentinaires).
des fistules ont leur orifice de sortie Les lésions d’origine endodontique
en vestibulaire. Il peut exister plu- peuvent provenir d’une nécrose pul-
sieurs fistules provenant d’une même paire septique, d’un traitement cana-
dent. Certaines fistules peuvent se laire insuffisant, d’une fracture radicu-
drainer dans les fosses nasales ou laire ou d’une fêlure radiculaire. Le
dans le sinus maxillaire et ainsi pas- dénominateur commun à ces patholo-
ser inaperçues. Cela peut expliquer gies est la présence de bactéries
pourquoi un certain nombre de dents dans l’endodonte profond. Les lésions
maxillaires ayant une manifestation d’origine parodontale peuvent être

E. DEVEAUX et A. GAMBIEZ 301


dues à une parodontite (de l’adulte, à débutante par une simple gêne au
progression rapide, juvénile, pré niveau de la dent causale. L’œdème
pubertaire) ainsi qu’à une poche paro- et la congestion des vaisseaux liga-
dontale associée à une anomalie ana- mentaires provoquent un épaississe-
tomique et/ou embryologique de la ment desmodontal qui se traduit par
racine. De par les relations qui existent une extrusion minime de la dent.
entre la pulpe et le parodonte, les C’e st le sy ndrome d e la « den t
lésions pulpoparodontales peuvent longue», sensible au contact de la
être de différents types (18). Les langue. Sans traitement, l’inconfort
lésions d’origine pulpaire stricte guéris- évolue vers une vraie douleur locali-
sent par le seul traitement endodon- sée, associée à une légère mobilité.
tique, celles d’origine parodontale stric- La moindre pression devient franche-
te par le seul traitement parodontal et ment douloureuse. La percussion
les lésions combinées pulpo-parodon- (axiale et latérale) est positive. La
tales par un traitement mixte (15). réponse aux tests de vitalité peut être
La pathogénie de ces affections peut exacerbée sur les dents vitales. On
s’opérer de diverses façons. Une observe une hyperhémie gingivale
lésion pulp aire prim aire peu t et/ou de la muqueuse alvéolaire asso-
s’étendre aux tissus périradiculaires ciée. La palpation est douloureuse à
et se superposer à une maladie paro-
ce niveau.
dontale. Une lésion parodontale pri-
Différents facteurs peuvent être à
maire peut s’étendre au tissu pulpai-
l’origine de cette pathologie. Il peut
re. C’e st le cas d es pulp ites e t
s’agir d’un choc direct sur la dent. Un
nécroses a retro (40). Enfin, des
bourrage alimentaire lié à l’absence
lésions concomitantes pulpaires et
de point de contact ou à des restaura-
parodontales peuvent se développer
tions défectueuses de la zone proxi-
indépendamment.
male peut être à l’origine d’un syndro-
Le sondage parodontal doit être mené
me du septum. Des surcharges occlu-
de façon méthodique dans le dia-
sales, d’origine iatrogène ou non peu-
gnostic des lésions endo-parodon-
vent entraîner une desmodontite trau-
tales afin d’établir le type de défaut
parodontal : étroit ou large, apical/ matique. Lorsque l’origine est iatrogè-
marginal ou mixte. Il doit être associé ne, il s’agit d’une inflammation transi-
à une anamnèse méticuleuse, à la t oire d’o rig ine n on b acté rie nne ,
recherche de l’ancienneté des lésions concernant, le plus souvent, une dent
ainsi qu’aux autres signes cliniques et porteuse d’une restauration récente
radiologiques. Toutefois, le diagnostic a vec inte rfé ren ce o cclusa le. Un
ne pourra être définitivement établi séchage minutieux de la restauration
qu’après l’analyse de la réponse aux permet de visualiser la surocclusion.
traitements endodontique et/ou paro- La dent est sensible au contact masti-
dontal des lésions. catoire et à la percussion, mais les
tests de sensibilité pulpaire sont nor-
Diagnostic différentiel maux. La desmodontite traumatique
Il convient d’établir un diagnostic dif- peut également concerner une dent
férentiel entre pulpopathies et paro- ayant subi un traitement endodon-
dontites d’origine endodontique, d’une tique. Par ailleurs une manœuvre ins-
part et desmodontites traumatiques, trumentale inadéquate au niveau radi-
d’autre part. culaire (perforations, déviation forami-
La desmodontite traumatique est une nale, refoulement de matériau d’obtu-
inflammation du ligament alvéoloden- ration) au-delà des limites de l’endo-
taire qui se caractérise dans sa phase donte (cf. flambée inflammatoire) peut

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302
13a 13b

engendrer une desmodontite trauma- radiculaires, le sondage parodontal Fig. 13 - Fêlure coronaire sur 27.
tique (45). objective une lésion ponctuelle qui La dent a été reconstituée trois fois
par de volumineux amalgames que
Le diagnostic des parodontites api- peut être profonde. Les fêlures sont le patient a perdus régulièrement.
cales aiguës et/ou chroniques doit des sites de proliférations bacté- Après chaque soin restaurateur, le
être différencié de celui de patholo- riennes qui vont irriter la pulpe et le patient se plaignait de douleurs
gies plus lourdes telles que cellulites, desmodonte (6). La levée d’un lam- provoquées, en particulier au froid,
dont l’intensité et la durée étaient
ph le gmons, abcè s orofaciau x ou beau gingival associé à des aides croissantes. Les manifestations
encore de celui des sinusites maxil- optiques (loupes, microscope opératoi- douloureuses ont évolué vers
laires qu’elles soient d’origine dentai- re) est parfois la seule façon de visuali- la spontanéité quelques jours
re ou non. Ces affections se caractéri- ser une fêlure. Il faut systématique- avant la consultation.
Après nettoyage de la dent,
sent par une extension plus ou moins ment rechercher une surcharge occlu- l’inspection visuelle a révélé
contenue d’un processus infectieux, sale, une reconstitution coronaire et/ou une fêlure coronaire associée
avec, dans les cas les plus graves, corono-radiculaire inadéquate, un à une proximité pulpaire du plancher
des signes généraux (fièvre, cépha- choc. Radiographiquement, la fêlure cavitaire. Les agressions successives
subies par l’organe pulpaire
lées, œdème, adénopathies régio- peut passer inaperçue dans les stades ont entraîné une pulpite aiguë
nales, fatigue) (41). précoces, ou bien si elle concerne la irréversible. Hormis la proximité
paroi vestibulaire ou linguale. pulpaire, l’examen radiographique
FELURES Lorsqu’elle intéresse une face proxi- n’apporte pas d’élément diagnostic
sur la pulpopathie.
Les fêlures peuvent être coronaires, male, elle se manifeste par un épais-
radiculaires ou coronoradiculaires. sissement desmodontal remontant
Les signes cliniques rappellent ceux latéralement le long de la paroi radicu-
d’une pulpite aiguë si la dent est vita- laire. La fêlure coronaire peut évoluer
le, ceux d’une desmodontite si la dent en fracture coronaire ou en fracture
a subi un traitement endodontique. coronoradiculaire. La fêlure radiculaire
Toutefois, pour les fêlures sur dent peut évoluer en fracture radiculaire ou
vitale, le test de morsure montre un en fracture radiculocoronaire.
soulagement lorsque la dent est mise
en pression et une douleur vive lors
du relâchement (33) (fig. 13). Cette CONCLUSION
douleur correspond à une surpression Le diagnostic en endodontie est une
de la lymphe dentinaire transmise aux démarche médicale où l’écoute et
cellules pulpaires. Pour les fêlures l’interrogatoire du patient revêtent

E. DEVEAUX et A. GAMBIEZ 303


EN PRAT I Q U E une grande importance au même titre
que les différents examens et tests
Le bilan biologique pulpaire est la première étape à considérer : en pratiqués. Chaque détail a son impor-
effet, pour une même symptomatologie, plusieurs options diagnos- tance. Le quotidien du praticien est
tiques et thérapeutiques existent. basé sur une interprétation fine et
L’état de santé général du patient, l’ancienneté du processus patholo- rapide de signes et symptômes cou-
gique, les traitements déjà entrepris, influent sur la décision à prendre. rants, caractéristiques et bien définis.
Le processus inflammatoire de la pulpe, parfois caractéristique (forme Il faudra toujours rechercher une
aiguë/chronique), évolue dans le temps (hyperémie, pulpite réversible, porte d’entrée bactérienne, coronaire
pulpite irréversible, nécrose) et peut parfois prendre des formes moins et /ou parodontale, très souvent à
courantes (pulpite hyperplasique, ulcéreuse, résorptions internes/ l’origine d’une pathologie endodon-
externes …). tique. Une erreur de diagnostic est
toujours possible. Elle peut être lour-
Les complications pulpo-parodontales peuvent aussi prendre de nom-
de de conséquences, pour le prati-
breuses formes cliniques, et il faudra alors estimer l’histoire bactérien-
cien comme pour le patient. Un dia-
ne de la dent pour anticiper les flambées inflammatoires ou infec-
gnostic précis, dont le patient est clai-
tieuses, toujours possibles.
rement informé, est la meilleure base
L’identification précise du processus pathologique, permet de choisir la de départ pour une approche théra-
thérapeutique la plus conservatrice en vue d’un pronostic favorable à peutique en adéquation avec les
long terme. desiderata du patient.

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RÉSUMÉ
LE DIAGNOSTIC EN ENDODONTIE (II) : LES PATHOLOGIES
Les pathologies endodontiques regroupent deux grandes familles d’affections, d’une part les pulpopathies, les
parodontites d’origine endodontique d’autre part. Le diagnostic des pulpopathies s’établit, lorsque la dent est vitale,
après avoir dressé le bilan biologique pulpaire. Les pulpopathies sont décrites successivement, selon leur mode
évolutif, du stade aigu réversible à la nécrose pulpaire, en passant par les différentes formes de pulpites chroniques.
Les parodontites d’origine endodontique sont abordées de manière analogue en y associant les lésions combinées
pulpo-parodontales, les desmodontites traumatiques, pour lesquelles un diagnostic différentiel doit être établi et les
fêlures.

ABSTRACT
DIAGNOSIS IN ENDODONTICS (II) : THE PATHOLOGIES
Endodontic pathologies are divided into two types of diseases : pulpal diseases, on the one hand, and periodontal
diseases having an endodontic origin, on the other hand. The diagnosis of pulpopathology is determined, when the
tooth is vital, after the practitioner has evaluated the biological state of the pulp. Pulpal diseases are successively
described, according to their evolution, from reversible pulpitis to pulpal necrosis, as well as various forms of chronic
pulpitis. Periodontal diseases with an endodontic origin are described in a similar way, covering combined pulpal and
periodontal pathologies, traumatic periodontal pathology, for which a differential diagnosis must be established, as
well as teeth cracks.

RESUMEN
EL DIAGNOSTICO EN ENDODONCIA (II) : LAS PATOLOGIAS
Las patologías endodónticas agrupan dos grandes familias de enfermedades: por una parte las pulpopatías y, por la
otra, las parodontitis de origen endodóntico. El diagnóstico de las pulpopatías se establece, cuando el diente es vital,
después de haber realizado un chequeo biológico pulpar. Las pulpopatías son descritas sucesivamente, según su
modo evolutivo, del estadio agudo reversible a la necrosis pulpar y pasando por las diferentes formas de pulpitis
crónicas. Las parodontitis de origen endodóntico son abordadas de manera análoga, asociando las lesiones
combinadas pulpo-parodontales, las desmodontitis traumáticas (para las cuales debe establecerse un diagnóstico
diferencial), y las fisuras.

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