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«Le ministère veut qu'on fasse entrer les parents dans l'école? Il est servi!» Dans sa
quatrième semaine de grève, cet enseignant du collège Charles-Fauqueux de Beauvais
(Oise) trouve encore la force de manier l'ironie pour stigmatiser l'écart entre le discours
officiel et la pratique sur le terrain. Car, depuis quinze jours, une centaine de parents a
rejoint le mouvement. Certains, qui n'avaient jamais mis les pieds dans l'établissement, se
relaient maintenant jour et nuit pour occuper les locaux, avec pour principal réconfort—
outre les gâteaux secs et la Thermos de café—la grande victoire de leurs homologues de
Montpellier.
Comme chaque année en cette saison, de multiples mouvements se déclenchent autour
de possibles suppressions de postes dans le primaire, notamment dans le Doubs et dans le
Gard, où une vingtaine d'écoles sont occupées par des parents et des enseignants. Cette
mobilisation autour de la carte scolaire risque de se poursuivre tout au long du mois. Le
ministère de l'Education doit en effet transmettre aujourd'hui à tous les recteurs ses
arbitrages définitifs. Suivra la délicate répartition des moyens dans chaque académie,
source de querelles qui se poursuivent parfois jusqu'en septembre. Des mouvements sont
d'ores et déjà annoncés en Bretagne, sur la côte atlantique, en Mayenne, dans le Puy-de-
Dôme et dans la Drôme.
Dans une ambiance tendue, et pas seulement sur les questions de carte scolaire. Entre
600 et 1 000 personnes ont manifesté mardi dans le centre de Nîmes pour réclamer la
création de 500 postes dans les maternelles et les primaires du département. Ceux du
collège Gabriel-Péri de Bezons (Val-d'Oise) ont bloqué l'inspection académique la
semaine dernière. Occupation des locaux, depuis la même date, au lycée Parriat de
Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Menace de grève au lycée François-Truffaut de
Bondoufle (Essonne) pour réclamer le remplacement d'un prof de philo absent depuis le
début de l'année. Autant de réponses en actes au paradoxe que pointait une mère d'élève
lors d'un colloque sur le thème «Ecoles-familles, je t'aime moi non plus», début janvier:
«On dit que les parents sont démissionnaires; n'oublions pas que l'école est difficile à
investir.»
Mieux: la mobilisation ne touche pas seulement les «parents professionnels» - ce
noyau dur de militants qui assurent, bon an mal an, un semblant de lien entre les écoles et
les familles au sein des instances représentatives prévues à cet effet (conseil
d'administration, conseils de classe, etc.). A tel point que les fédérations de parents
restent en retrait face à l'émergence de ces nouveaux venus dont le discours oscille entre
civisme et consumérisme.
L'ingrédient dominant de ce cocktail est identifié de longue date: l'angoisse face à
l'avenir. Témoin les dizaines de milliers d'appels que reçoivent chaque année des
associations, telle l'Ecole des parents.
A l'entrée d'un restaurant de luxe, samedi dernier, un jeune tagueur écrit en grosses
lettres noires : «OMC = Organisation mondiale du caviar.» A côté de lui, la manifestation
organisée par l'Alliance mondiale des peuples (AMP) poursuit son chemin. Elle veut être
le contrepoids de la réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce qui
s'ouvre aujourd'hui à Genève, en présence de Bill Clinton, pour célébrer les 50 ans de
l'accord de libre-échange du Gatt.
Face au néolibéralisme, une coalition hétéroclite marche dans les rues de Genève, au
son de rythmes salsa et techno. Des paysans sans terre du Brésil, des Kurdes, une
zapatiste du Mexique, des lycéens, des squatters genevois, des beurs d'Annemasse, des
«autonomes» cagoulés descendus de Zurich, une poignée d'Allemands venus en tracteur
depuis Francfort, des infirmiers genevois en blouse blanche qui protestent contre la
fusion des hôpitaux, des ex-soixante-huitards, des féministes, des syndicalistes suisses de
la fonction publique, des chômeurs, des députés de gauche, des artistes en lutte, les
opposants au génie génétique, des défenseurs des Maoris et des peuples autochtones...
Les manifestants, entre 3 000 et 5000, sont pour la plupart très jeunes. Certains sont
venus avec leur bébé, d'autres avec la rage. «Pour une fois, on ne sera pas les seuls à se
faire casser la gueule par les flics», explique un adolescent, habillé grunge, coiffure
iroquoise, cannettes de bière—futurs projectiles—à la main. Pacifistes ou enragés,dans
leur diversité, les manifestants se retrouvent sur un même sentiment de dépossession. De
leur terre, de leur travail, du sens de leur vie. «Nous sommes furieuxet exaltés, et nous
tenons à le faire savoir», crie une manifestante. «L'OMC tue les gens. Nous devons tuer
l'OMC», martèle le professeur Najundaswamy, président de l'organisation indienne des
paysans au Karnataka. Parfois, la dureté des années 90 laisse brièvement place à un
parfum des années 60 : «Mondialisons le bonheur. Instaurons l'Etat de résistance.» Mais
la colère est là. C'est une vague d'applaudissements qui salue les paroles d'un leader
argentin, Alejandro Demichelis: «Il est préférable de mourir debout qu'à genoux.»
«McDo salaud !» A voir les manifestants, on a l'impression qu'un mouvement social
encore flou est en train d'émerger, qui rassemblerait des «rebelles» en lutte contre un
ordre du monde inégalitaire. «Ils veulent tout, nous ne voulons rien», scandent deux
jeunes. Des autonomes expriment leur ras-le-bol des discours. Au cri de «McDo,
salaud !», ils ont cassé la vitrine d'un restaurant de la chaîne américaine. Puis, avisant les
fenêtres de la Société de banque suisse, ils balancent des projectiles. Les fenêtres se
brisent. Avec la dégaine et l'accent de Jane Birkin, une Anglaise interroge : «Qui sont les
agents provocateurs?» Le service d'ordre de la manifestation est quasi inexistant. Un
organisateur tente de s'interposer. «Nique ta mère», s'entend-il dire.
Des policiers en civil mitraillent de photos les manifestants, mais se gardent
d'intervenir. A 150 mètres de l'OMC, les autonomes zurichois cherchent l'affrontement.
Quelques Français leur donnent un coup de main. Les Italiens et les Allemands ont été
bloqués à la frontière. Les organisateurs rappellent en vain qu'«il y a des femmes et des
enfants». Les bouteilles, la peinture et les pierres volent. Les policiers, solidement
protégés, encaissent sans réagir. Beaucoup de télévisions sont là. Et ce n'est pas le
moment de donner une image des forces de l'ordre perdant leurs nerfs, au moment où la
Suisse cherche sa place dans le monde. Des jeunes beurs sont exaspérés. «On voit bien
que ce n'est pas une manif française. Les flics ne chargent pas. Et les Zurichois ne sont
pas foutus de foutre le feu aux bagnoles.»
Le cortège s'est déjà replié pour un grand pique-nique au milieu de la ville. La nuit, les
autonomes, quelques centaines selon la police, se retrouvent au centre-ville, à Plainpalais.
Là, les affrontements deviennent plus durs. Les forces de police font usage de gaz
lacrymogènes. Leur retenue de l'après-midi est oubliée. Les autonomes cassent les
vitrines, pillent les magasins.
Sur son balcon, Patrice Maye est aux premières loges : «Je ne veux pas casser du flic,
mais j'ai assisté à des scènes d'une violence inouïe. A partir du moment où un policier a
annoncé que ceux qui se trouveraient encore dans les rues seraient passibles de délits
d'émeute, les flics ont chargé, matraqué, passé à tabac sans pitié. Moi-même, j'ai dû
appeler une ambulance pour un type qui s'était fait fracasser par la police.» Hier, Genève
s'est réveillé avec le mot «Fuck» sur les vitrines de ses banques, écrit en rose.
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Bernard Barlet
Voir: tout est là. Le journal peut mentir. La radio peut mentir.
L'image, elle, ne ment pas; elle est la réalité, elle est la vérité. Plus
même: elle gagne en crédit ce que la parole et l'écrit ont perdu.
Quiconque a, dans sa vie, pris une photographie ou a été photographié
le sait bien. Cette conviction, cette confiance absolue dans ce que les
yeux ont vu, sont si ancrées dans l'esprit de chacun de nous qu'il doit
faire effort pour garder l'esprit critique.
Pourtant, en une seule soirée, Les Perses ont eu, c'est vrai, plus de
spectateurs que depuis Eschyle, cinq siècles avant notre ère; Bérénice et
le Misanthrope davantage qu'en trois cents ans. Toute la France s'est un
instant reconnue aussi bien en "Janique Aimée" qu'en "Thierry-la-
Fronde", en "Jacquou le Croquant" ou "Mandrin" qu'en l'"Inspecteur
Bourrel" ou "le Chevalier de Maison-Rouge"; elle a vécu à l'heure de
"Montserrat", de l'"Affaire Calas", mais elle vibre aussi avec les
acrobates de "la Piste aux étoiles", Elliot Ness et ses "Incorruptibles",
les concurrents d'"Intervilles". Et quand elle va au stade le dimanche,
"au Théâtre", ou "Au Cinéma ce soir", c'est tout entière, tous
ensemble.
Pierre
VIANSSON-PONTE, Le Monde, 25 juin 1972