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CHEZ DURKHEIM
Document 2 :
Quoique la division du travail ne date pas d'hier, c'est seulement à la fin du siècle dernier que les sociétés ont commencé à prendre
conscience de cette loi, que, jusque-là, elles subissaient presque à leur insu. Adam Smith est le premier qui ait essayé d'en faire la
théorie. C'est d'ailleurs lui qui créa le mot.
Aujourd'hui, le phénomène s'est généralisé à un tel point qu'il frappe les yeux de tous. Il n'y a plus d'illusion à se faire sur les
tendances de notre industrie moderne ; elle se porte de plus en plus aux puissants mécanismes, aux grands groupements de forces
et de capitaux, et par conséquent à l'extrême division du travail. [...]
Mais la division du travail n'est pas spéciale au monde économique ; on en peut observer l'influence croissante dans les régions
différentes de la société. Les fonctions politiques, administratives, judiciaires se spécialisent de plus en plus .Il en est de même des
fonctions artistiques et scientifiques. [...]
Se demander quelle est la fonction de la division du travail, c'est chercher à quel besoin elle correspond. [...]
Rien ne paraît facile, au premier abord, comme de déterminer le rôle de la division du travail. Ses effets ne sont-ils pas connus de
tout le monde ? Parce qu'elle augmente à la fois la force productive et l'habileté ; du travailleur, elle est la condition nécessaire du
développement intellectuel et matériel des sociétés, elle est la source de la civilisation. D'autre part, comme on prête assez
volontiers à la civilisation une valeur absolue, on ne songe même pas à chercher une autre fonction à la division du travail. [...]
Si la division du travail ne remplit pas d'autres fonctions, non seulement elle n'a pas de caract ère moral, mais on n'aperçoit pas
quelle raison d'être elle peut avoir. Nous verrons en effet, que par elle-même, la civilisation n'a pas de valeur intrinsèque et
absolue ; ce qui en fait le prix, c'est qu'elle correspond à certains besoins. Or, ces besoins sont eux-mêmes la conséquence de la
division du travail. C'est parce que celle-ci ne va pas sans un surcroît de fatigue que l'homme est contraint de rechercher, comme
surcroît de réparations ces biens de la civilisation qui, autrement, seraient pour lui sans intérêt. Si donc la division du travail ne
répondait pas à d'autres besoins que ceux-là, elle n'aurait d'autre fonction que d'atténuer les effets qu'elle produit elle-même, que
de panser les blessures qu'elle fait. Tout nous invite donc à chercher une autre fonction à la division du travail.
Source : Durkheim , De la division du travail social
Questions :
- A quel système économique, Durkheim fait-il allusion dans le deuxième paragraphe ? Pourquoi ce système nécessite
t’il une forte division du travail ?
- Quelle forme de pensée Durkheim critique t’il dans la phrase soulignée ? .
Document 4 : 10 p 389 et
II faut repérer une autre différence entre Durkheim et l'approche des économistes. Ces derniers voient dans la division du travail la
réponse à un problème. C'est donc une solution imaginée par les hommes eux-mêmes et qui s'impose parce que le résultat donne à
celui qui, le premier, a eu cette idée, une supériorité sur ses concurrents. P'ar exemple, lorsque Taylor invente l'organisation
scientifique du travail, ceux qui mettent en application ses principes font fortune, les autres sont éliminés. La diviion du travail est
un construit humain. Pour Durkheim, évidemment, la division du travail ne descend pas du ciel : mais elle est issue de la « densité
matérielle et morale » de la population. C'est un produit, largement inconscient, le la société et non un construit humain au sens
économique du terme, c'est-à-dire une élaboration volontaire imaginée par des innovateurs et consacrée par le marché .
Dans un cas, on a affaire à un changement volontaire et calculé, dans l'autre à une modification involontaire et non calculé : «
(Les hommes] marchent parce qu'il faut marcher, et ce qui détermine la vitesse de cette marche, c'est la pression plus ou moins
forte qu'ils exercent les uns sur les autres, suivant qu'ils sont plus ou moins nombreux. Ce n 'est pas dire que la civilisation ne
serve à rien, mais ce n'est pas les services qu'elle rend qui fa font progresser. Elle se développe parce qu'elle ne peut pas ne pas se
développer ; une fois qu'il est effectué, ce développement se trouve être généralement utile ou, tout au moins, il est utilisé ; il
répond à des besoins qui se sont formés en même temps, parce qu'ils dépendent des mêmes causes. Mais c'est un ajustement après
coup » . La société s'autoproduit sans intention initiale. L'économie se construit, dans une démarche intentionnelle. On voit la
différence.
Source : fiche n°8, Alternatives économiques.
Questions :
- Comment les économistes expliquent-ils le développement de la division du travail ?
- Quelles critiques Durkheim émet-il à l’encontre de cette démarche ?
Document 5 : 12 et 13 p p 389-390
Durkheim part d'une analyse fonctionnelle de la division du travail. Elle répond au besoin de solidarité sociale dans une société
hétérogène où la différenciation a détruit la solidarité mécanique fondée sur la similitude des membres des sociétés simples, leur
communauté de croyances et de sentiments, c'est-à-dire leur conscience collective. Il rejette cependant explicitement la téléologie
implicite des explications fonctionnelles, brièvement dans la Division du travail, et de manière plus circonstanciée dans les
Règles :
"Le besoin que nous avons des choses ne peut pas faire qu'elles soient telles ou telles, et, par conséquent ce n'est pas ce besoin qui
peut les tirer du néant et leur conférer l'être. (...) Ainsi on ne revient pas, même partiellement, au finalisme parce qu'on ne se
refuse pas à faire une place aux besoins humains dans les explications sociologiques. Car ils ne peuvent avoir d'influence sur
l'évolution sociale qu'à condition d'évoluer eux-mêmes, et les changements par lesquels ils passent ne peuvent être expliqués que
par des causes qui n'ont rien de final (pp. 90, 93)."
Après avoir analysé la fonction de la division du travail pour la solidarité sociale dans les sociétés complexes, il en fournit une
explication causale fondée essentiellement sur des influences structurelles auxquelles s'ajoutent quelques éléments évolutionnistes.
La disparition de la société segmentaire résultant de l'accroissement des relations sociales entre les membres des différents
segments est une condition essentielle de la division du travail. Les tribus isolées deviennent une partie de collectivités plus larges.
Cela crée un certain échange de différents biens st cela fournit les conditions nécessaires à un développement plus poussé de la
division du travail.
Les deux conditions les plus fondamentales sont, selon Durkheim, la croissance du volume de la collectivité et la croissance de la
densité de sa population. Volume et densité entraînent l'accroissement de la division du travail non pas directement, mais parce
qu'ils créent des pressions sociales qui conduisent à des changements de nature à entraîner cet accroissement. La croissance de la
taille et de la densité d'une population sur un territoire rend plus intense la lutte pour la vie, surtout si tous exploitent les mêmes
ressources naturelles, par exemple si tous cueillent les mêmes plantes ou chassent les mêmes animaux ou pèchent dans les mêmes
eaux. Cela encourage les individus à se spécialiser, certains se consacrant à la chasse, d'autres à la pêche, d'autres à l'agriculture.
La spécialisation diminue la lutte pour la vie, puisque davantage d'individus s'adonnant à des occupations différentes peuvent
vivre des ressources d'une même niche écologique, tout comme davantage d'organismes le peuvent lorsqu'ils appartiennent à des
espèces différentes.
L'importance principale de la densité de la population tient à ce qu'elle détermine le niveau de la "densité dynamique" ou "densité
morale", comme l'écrit Durkheim, autrement dit de l'interaction sociale. Par exemple, la simple probabilité fait que les contacts
sociaux seront plus fréquents dans une ville que dans une zone rurale isolée. Puisque la spécialisation a déjà commencé à se
développer, cette interaction sociale inclut l'échange social de différents biens, quoiqu'elle ne se limite pas aux transactions
économiques mais recouvre aussi les relations de sociabilité. Ces dernières cimentent les relations sociales,tandis que l'échange
stimule la spécialisation. Les progrès qui s'ensuivent de la division du travail accroissent l'interdépendance entre les membres de
la population et celle-ci, à son tour, favorise une division du travail plus poussée. La forte interdépendance engendrée par cette
division du travail très poussée est la source de la solidarité sociale dans la société moderne, après que la solidarité sociale des
sociétés plus simples, fondée sur des croyances et des sentiments communs , a été détruite par la différenciation croissante née de
la lutte pour la vie .
Source : PM Blau Et RL Milby, Division Du Travail Et Lien Social. PUF, 1993.
Questions :
- Définissez le terme téléologie. Expliquez la phrase qui le contient, en utilisant en particulier la citation de
Durkheim.
- Caractérisez la solidarité méanique et la solidarité organique( docs 7 et 8 P388-389)
- Quels sont les deux déterminants essentiels de l’accroissement de la DTS, explicitez les.
- Une analyse téléologique est une analyse fondé sur l’idée de finalité : tout a un but .
Durkheim cherche certes les fonctions de la DT , mais refuse de voir
fondamentalement une utilité initiale, consciente à la DTS
Document 6 : 1 à 3 p 387 et
On emploie la dénomination de fait social pour désigner à peu près tous les phénomènes qui se passent à l'intérieur de la société,
pour peu qu'ils présentent, avec une certaine généralité, quelque intérêt social. Mais, à ce compte, il n'y a pas d'événements
humains qui ne puissent être appelés sociaux. Chaque individu boit, dort, mange, raisonne et la société a tout intérêt à ce que ces
fonctions s'exercent naturellement.
Si donc ces faits étaient sociaux, la sociologie n'aurait pas d'objet qui lui fût propre, et son domaine se confondrait avec celui de la
biologie et de la psychologie. Mais en réalité, il y a dans toute société un groupe déterminé de phénomènes qui se distinguent par
des caractères tranchés de ceux qu'étudient les autres sciences de la nature.
Quand je m'acquitte de ma tâche de frère, d'époux, quand j'exécute des engagements que j'ai contractés, je remplis les devoirs qui
sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu'ils sont d'accord avec mes
sentiments propres et que j'en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne se laisse pas d'être objective ; car ce n'est pas moi qui les ai
faits, mais je les ai reçus par l'éducation.
Voilà donc un ordre de fait qui présente des caractères très spéciaux : ils consistent en des manières d'agir, de penser et de sentir,
extérieures à l'individu, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'imposent à lui. Par la suite, ils ne
sauraient se confondre avec les phénomènes organiques, puisqu'ils consistent en représentations et en actions ; ni avec des
phénomènes psychiques, lesquels n'ont d'existence que dans la conscience individuelle et par elle. Ils constituent donc une espèce
nouvelle et c'est à eux que doit être donnée et réservée la qualification de sociaux. [...]
Ils sont le domaine propre de la sociologie, [...] Le domaine de la sociologie ne comprend qu'un groupe donné de phénomènes. Un
fait social se reconnaît au pouvoir de coercition externe qu'il exerce ou qu'il est susceptible d'exercer sur les individus ; et la
présence de ce pouvoir se reconnaît à son tour soit à l'existence de quelque sanction déterminée, soit à la résistance que le fait
oppose à toute entreprise individuelle qui tend à lui faire violence.[...]
Est fait social toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure ; ou bien encore,
qui est générale dans l'étendue d'une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations
individuelles.
Source : Durkheim
Questions :
- Quelles sont les deux caractéristiques qui permettent de définir les faits sociaux ?
- Comment selon Durkheim, doit-on définir la sociologie
- Durkheim définit les faits sociaux comme « des manières d’agir , de penser et de
sentir , extérieures à l’individu , et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en
vertu duquel ils s’imposent à lui » . Un fait social a ainsi deux caractéristiques :
o C’est un phénomène qui se passe à l’intérieur de la société
o C’est un phénomène qui provient de l’éducation : l’individu croit être libre , mais
est en réalité déterminé par la culture et la société dans laquelle il vit
Document 7 :
La première règle et la plus fondamentale est de considérer les faits sociaux comme des choses. [...]
Les phénomènes sociaux sont des choses et doivent être traités comme des choses. Pour démontrer cette définition, il n'est pas
nécessaire de philosopher sur leur nature, de discuter les analogies qu'ils présentent avec les phénomènes des règnes inférieurs. Il
suffit de constater qu'ils sont l'unique datum offert au sociologue. Est chose, en effet, tout ce qui est donné, tout ce qui s'offre ou,
plutôt s'impose à l'observation. Traiter les phénomènes sociaux comme des choses, c'est les traiter en qualité de data qui
constituent le point de départ de la science. Les phénomènes sociaux présentent l'idée que les hommes se font de la valeur, car elle
est inaccessible : ce sont les valeurs qui s'échangent réellement au cours des relations économiques. Ce n'est pas telle ou telle
conception de l'idéal moral ; c'est l'ensemble des règles qui déterminent effectivement la conduite. Ce n'est pas l'idée de l'utile ou
de la richesse ; c'est tout le détail de l'organisation économique. Il est possible que la vie sociale ne soit que le développement de
certaines notions ; mais, à supposer que cela soit, ces notions ne sont pas données immédiatement. On ne peut donc les atteindre
directement , mais seulement à travers la réalité phénoménale qui les exprime. Nous ne savons pas a priori quelles idées sont à
l'origine des divers courants entre lesquels se partage la vie sociale ni s’il y en a ; c’est seulement après les avoir remontés jusqu’à
leurs sources que nous saurons d'où ils proviennent.
Il nous faut donc considérer les phénomènes sociaux détachés des sujets conscients qui se les représentent ; il faut les étudier du
dehors comme des choses extérieures ; car c'est en cette qualité qu'ils se présentent à nous. Si cette qualité n'est qu'apparente,
l'illusion se dissipera à mesure que la science avancera. [....)
Cette règle s'applique donc à la réalité sociale tout entière, sans qu'il y ait lieu de faire aucune exception. Même les phénomènes
qui paraissent le plus consister en arrangements artificiels doivent être considérés de ce point de vue. Le caractère conventionnel
d'une pratique ou d'une institution ne doit jamais être présumé. Si d'ailleurs, il nous est permis d'invoquer notre expérience
personnelle nous croyons pouvoir assurer que, en procédant de cette manière, on aura souvent la satisfaction de voir les faits en
apparence les plus arbitraires présenter ensuite à une observation plus attentive des caractères de constance et de régularité,
symptômes de leur objectivité.
Source : Durkheim , op cité
Questions :
- Qu’est ce qu’une chose pour Durkheim ?
- Caractérisez la démarche de Durkheim.
- Durkheim définit une chose comme un fait objectif susceptible d’être observé sans
prendre position Durkheim préconise donc une sociologie objectiviste qui étudie la
société comme un objet , le sociologue est un observateur neutre qui adopte une
position d’extériorité
- Sa méthode est résumée dans la phrase : « il faut traiter les phénomènes sociaux
comme des choses »
o En effet , la DTS n’est pas directement observable ; il faut donc trouver des
éléments qui en sont représentatifs qui puissent permettre par leur comparaison
d’étudier le passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique
o Il faut étudier ces phénomènes de manière objective et neutre . Il ne faut pas
partir de l’expérience personnelle , mais étudier les phénomènes comme s’ils
relevaient d’une société inconnue .
Document 8 :
Le droit répressif est le révélateur de la conscience collective dans les sociétés à solidarité mécanique, puisque, par le fait même
qu’il multiplie les sanctions, il manifeste la force des sentiments communs, leur extension et leur particularisation. Plus la
conscience collective est étendue, forte et particularisée, plus il y aura d’actes tenus pour crimes, c'est-à-dire d'actes qui violent un
impératif ou un interdit, ou encore qui heurtent directement la conscience collective.
Cette définition du crime est typiquement sociologique, au sens que Durkheim donne au mot sociologique. Un crime, au sens
sociologique du terme, est simplement l'acte qu'interdit la conscience collective. Que cet acte, aux yeux des observateurs situés
quelques siècles après l'événement ou appartenant à une société différente, paraisse innocent, est sans importance. Dans une étude
sociologique du crime, le crime ne peut être défini que de l'extérieur et par rapport à l'état de la conscience collective de la société
considérée. Cette définition est objective et relativiste.
Durkheim, après avoir esquissé une théorie du crime, en déduit sans peine une théorie de la sanction. Il écarte avec un certain
mépris les interprétations classiques selon lesquelles la sanction aurait pour objet de prévenir la répétition de l'acte coupable. La
sanction, selon lui, n'a pas pour fonction et pour sens de faire peur ou de dissuader. La fonction du châtiment est de satisfaire la
conscience commune. Car celle-ci a été blessée par l'acte qu'a commis un des membres de la collectivité. Elle exige réparation et le
châtiment du coupable est cette réparation offerte aux sentiments de tous.
Dans le droit restitutif, il ne s'agit plus de punir, mais de rétablir l’ état de choses tel qu'il aurait dû être conformément à la justice.
Celui qui n'a pas remboursé sa dette doit la payer. Mais ce droit restitutif, auquel appartient par exemple le droit commercial, n est
pas la seule forme de droit caractéristique des sociétés à solidarité organique. Tout au moins, il faut entendre le droit restitutif en
un sens très vaste, selon lequel il englobe toutes les règles juridiques ayant pour objet d'organiser la coopération entre les
individus. Le droit administratif ou le droit constitutionnel, au même titre que le droit commercial, appartiennent au genre du
droit coopératif. Ils sont moins l'expression des sentiments communs à une collectivité que l'organisation de la coexistence
régulière et ordonnée entre des individus déjà différenciés.
Source : R.Aron
Questions :
- Quelle relation Durkheim fait-il apparaître entre la solidarité sociale et le droit, vous semble t’elle justifier ?
- Quels sont les deux types de droit, quelles sont leurs fonctions, à quel type de solidarité peut-on les rattacher ?
- Quel est le rôle de la sanction, montrer l’intérêt de la théorie Durkheimienne d’un point de vue historique.
- La relation entre le droit et la solidarité sociale est un bon exemple de ce qui a été
vu plus haut :
o La solidarité est un phénomène moral qui n’a aucune existence concrète, il faut
donc en trouver un révélateur .
o Pour étudier la solidarité , il faut étudier un phénomène qui la représente : le droit
o En effet , chaque type de droit est représentatif d’une certaine forme de solidarité
- Car :
o la solidarité sociale doit se manifester de manière concrète
o plus le lien social est fort , plus il y a de relations entre les individus et la
collectivité
o plus ces relations sont fortes, plus l’organisation sociale devient importante , et
donc le nombre de règles juridiques s’accroît
- Durkheim distingue deux types de droit : le droit répressif caractéristique des
sociétés traditionnelles et le droit restitutif caractéristique des sociétés modernes
- Le droit répressif est bien représentatif des sociétés traditionnelles , car le lien social
est basé sur la contrainte et la similitude des individus : tout acte déviant doit être
condamné car il met en péril l’ordre social, la société ne teant que par les règles
qu’elle impose aux individus pour assurer la cohésion sociale. Si la société tolère
qu’un individu les viole elle ne peut plus faire tenir ensemble des individus qui n’ont
pas besoin les uns des autres puisqu’ils sont similaires.
- . En revanche , le droit restitutif est caractéristique des sociétés modernes : l’objectif
est d’assurer la coexistence d’individus différenciés car la société tenant toute seule
elle n’a pas besoin d’obliger les individus à se conformer à des règles précises. L es
individus étant interdépendants n’ont aucune envie de sortir de la société.
La bureaucratie
Cette forme anormale s'observe lorsque, dans une entreprise ou une organisation quelconques, « les fonctions sont distribuées de
telle sorte qu'elles n'offrent pas une matière suffisante à l'activité des individus ». Il y a bien une division du travail, elle est même
très poussée, mais les travailleurs ont une activité insuffisante, ce qui entraîne une mauvaise coordination des fonctions et même
un relâchement de la solidarité .On se risquera à appeler « bureaucratique » cette autre forme anormale. Ce terme semble bien
correspondre à ce qui est visé par Durkheim : spécialisation extrême conjuguée avec une faible productivité et un mauvais
ajustement des fonctions. [...]
L'anomie
[Durkheim] distinguait nettement l'anomie et la contrainte, les opposant même à certains égards. Celle-ci résulte de la présence
d'une réglementation injuste et pour y remédier, il faut laisser la division du travail se faire d'une manière spontanée. Celle-là, au
contraire, résulte de l'absence de réglementation et le remède est ici l'organisation de la division du travail.
Les trois exemples initialement considérés par Durkheim sont : 1. les crises industrielles et commerciales ou faillites dont le
nombre s'accroît ; 2. l'antagonisme du travail et du capital qui devient particulièrement aigu dans la grande industrie ; 3. la perte
de l'unité de la science résultant de la spécialisation croissante des scientifiques. Le fait que ces phénomènes anormaux soient
récents ne prouve pas, pour Durkheim, qu'ils soient une contrepartie inévitable de la division du travail. Ils viennent de ce que
toutes les conditions nécessaires au bon fonctionnement de la solidarité organique ne sont pas remplies. Ces conditions sont au
nombre de trois : existence d'un système de relations entre les organes », prise de conscience par ces organes de leur solidarité,
enfin réglementation qui « prédétermine la manière dont ils doivent habituellement concourir ».Cette dernière condition fait
défaut dans les trois exemples évoqués plus haut. Il manque ces règles fixant le nombre des entreprises et ajustant la production à
la consommation. Les rapports entre le capital et le travail sont également dans un « état d'indétermination juridique ».
Le travail en miettes :
Durkheim va traiter en deux pages de la pathologie qui vient le plus spontanément à l'esprit quand on évoque les risques d'une
division du travail poussée. [...]
'"'« Un des plus graves reproches qu'on ait fait à la division du travail », écrit Durkheim, est de réduire l'individu 'au rôle "de
machine". On ne peut rester indifférent à un pareil avilissement de la nature humaine », II n'est guère évident que Durkheim, qui
donne ici la parole à l'accusation, adhère le moins du monde à cette dénonciation véhémente des méfaits de la spécialisation. Si les
situations de ce genre existent, elles ne peuvent être que le fruit de « circonstances exceptionnelles et anormales » qui viennent «
du dehors dénaturer » la division du travail. Normalement, le travailleur sait que son activité a un sens et « en conçoit plus ou
moins directement le but ». Par là, la division du travail est bien une source de solidarité.
Mais, comme l'ont noté Friedmann et Pizzorno, c'est supposer que l'interdépendance technique suffit à produire l'interdépendance
morale. La solidarité qui pourrait s'établir entre travailleurs serait pourtant moins une solidarité organique qu’une solidarité
mécanique fondée .
Source : P Besnard, Les pathologies dans les sociétés modernes, in division du travail et lien social, PUF, 1993.
Questions :
- Pourquoi le terme bureaucratie semble t’il bien adaptée à la première pathologie ?
- Quelles sont les deux types d’inégalité des chances décrites par Durkheim ?
- Pourquoi Besnard dit-il que Durkheim prône une société méritocratique qui n’est pas une société égalitaire ?
Quelles sont les deux tendances contradictoires qui vont en résulter ?
- Pourquoi Durkheim distingue t’il anomie et contrainte ?
- Quelles sont les conditions nécessaires à la disparition de l’anomie ?
- Durkheim considère t’il vraiment que la DTS produit du travail en miettes ?
- Expliquer la critique faite par G Friedmann.
- Pourquoi, selon P Besnard, Durkheim n’est-il pas à l’aise dans la troisième partie de son livre ? Opposez en
particulier de ce point de vue la vision de Durkheim à celle de Marx (cf. cours).
- La deuxième forme est l’inégalité des chances dont Durkheim distingue 2 formes :
o Inégalité dans l’accès aux positions sociales : la position sociale ne dépend pas
des mérites et des capacités mais de la position sociale d’origine.
o l'inéquité dans les contrats qui fixent les gratifications des services rendus : un
service n’est pas rémunéré à sa juste valeur , car les deux contractants ne sont
pas dans une situation d’égalité : un rapport de force prévaut en faveur de l’un .
Cette inégalité des chances est pathologique d’après Durkheim , car la DT paraît
illégitime , puisque la place de chacun n’est pas fondée sur ses capacités , mais est
contrainte . Durkheim prône ainsi une société méritocratique basée sur l’égalité des
chances où le statut dépend des efforts , mais accepte une société inégalitaire à
l’arrivée : les inégalités sont justes si elle rémunèrent des mérites différents . 2
conséquences contradictoires vont alors apparaître :
o comme le division du travail est de plus en plus poussée , de plus en plus de
métiers et de statuts différents se créent , ce qui génère une inégalité des
situations croissante
o il y a une demande de plus en plus forte d’égalité ( cf Tocqueville )
o le problème est alors de savoir si une plus grande égalité des chances permet de
concilier ces deux exigences
Document 10 :
Durkheim a ainsi identifié, à sa manière, les principaux problèmes sociaux auxquels sont confrontées les sociétés industrielles : le
degré d'organisation, de régulation ou de planification souhaitable, le travail en miettes conduisant à l'aliénation du travailleur,
l'inégalité des chances, la bureaucratie. Ce qui ne peut manquer de surprendre, c'est l'optimisme dont il fait preuve sur tous ces
sujets, surtout si on le rapporte à la rareté ou à la faiblesse des arguments supposés le justifier.
La première justification consiste à affirmer que ces pathologies sont dues à des « circonstances exceptionnelles », sans qu'aucune
précision sur ces circonstances ne soit fournie : c'est le cas pour l'anomie, la bureaucratie, comme pour le travail en miettes. La
seconde met en avant l'idée que ces formes anormales sont des crises passagères liées à l'état transitoire que connaissent les
sociétés industrielles. Elle concerne essentiellement la division du travail anomique : l'incoordination des sciences sociales vient
de ce qu'elles sont des sciences nouvelles ; les conflits entre patrons et ouvriers viennent de ce que les intérêts en cause « n'ont pas
encore eu le temps de s'équilibrer », Cependant, Durkheim ajoute aussitôt que ces conflits relèvent aussi d'une autre pathologie,
l'inégalité des chances, sur laquelle « le temps n'a pas d'action ». La portée de cette justification de l'optimisme par la notion de
crise de transition est donc limitée.
En définitive, l'optimisme de Durkheim trouve sans doute son fondement le plus général dans l'identification qu'il fait entre le
« normal » et l'idéal. Plus précisément, il associe le normal non pas à ce qui est, mais à ce qui devrait être ou bien à ce qui finira
nécessairement par être. On le voit particulièrement bien dans le cas de la division du travail contrainte ou inégalité des chances.
Il admet que la division du travail spontanée, celle qui permet le « libre déploiement de la force sociale que chacun porte en soi »,
est un caractère qui ne se rencontre « nulle part comme un fait réalisé » et ne se « présente jamais à l'état de pureté ». Mais on est
en
droit de considérer ce trait comme normal, soutient-il, parce que l'évolution sociale va dans le sens du nivellement des inégalités
extérieures. D'ailleurs ce nivellement est indispensable au bon fonctionnement de la solidarité organique et donc inévitable.
Durkheim, dans la même veine, voit dans les aspirations égalitaires « une anticipation de l'état normal à venir » .C’est ainsi qu’il
peut considérer comme anormal un phénomène aussi général que l’inégalité des chances .
Source : P Besnard, op. cite.
Questions :
- Pourquoi Durkheim considère t’il que les formes pathologiques vont disparaître ?
- Expliquez ce qu’entend Besnard par : « l’optimisme de Durkheim trouve sans doute son fondement le plus général
dans l’identification qu’il fait entre le normal et l’idéal ». Prenez l’exemple de l’inégalité des chances .
- Cet optimisme s’explique car Durkheim fait une analogie entre « normal » : ce qui
est la majorité et « idéal » : ce qui va finir par arriver . Selon lui ,
o l’égalité des chances est un phénomène extrêmement rare
o mais c’est un phénomène normal car :
• les inégalités tendant à disparaître
• la réduction des inégalités des chances est positive pour le bon
fonctionnement de la solidarité organique
Document 11 :
Les conditions des progrès de la division du travail sont aussi, selon Durkheim, "le facteur essentiel de ce qu'on appelle
civilisation. Elle est elle-même une conséquence nécessaire des changements qui se produisent dans le volume et dans la densité
des Sociétés" (p. 327). L'accroissement de la spécialisation implique que les individus aient des points de vue et des aptitudes plus
diversifiés ; il entraîne des interactions sociales de toutes sortes plus intenses en relation avec l'augmentation de l'échange social
qu'il provoque. Un des résultats de la division du travail est donc que beaucoup d'individus entretiennent davantage de relations
avec des partenaires plus divers. Des relations de ce genre, que R. Coser (1975) appelle des "ensembles de rôles complexes",
stimulent les facultés intellectuelles, la capacité d'adaptation, l'autonomie et les intérêts culturels. C'est pourquoi Durkheim
conclut sur ce point : "De cette stimulation générale résulte inévitablement un plus haut degré de culture" (p. 327).
Source : PM Blau et RL Milby, op. cité.
Questions :
- Quelle relation Durkheim établit-il entre la DTS et la civilisation
INTRODUCTION
Document 12 :
Contrairement à ce que pensait Durkheim, la solidarité mécanique n'a pas disparu de nos sociétés modernes. Le poids d'une trop
grande liberté a incité l'individu à rechercher de nouvelles formes de solidarité. Aujourd'hui, il a tendance à s'organiser de nouveau
en groupe, pour pallier l'absence de sens engendré par l'individualisme, autour d'une conscience collective forte. Plusieurs
courants théoriques ont proposé, au cours du XXe siècle, une vision plus « mécanique » de la société.
Source : A Bruno et alii, Durkheim, nature et formes du lien social, ellipses
Questions :
- Quelle était l’évolution anticipée par Durkheim ?
- Se révèle t’elle juste, expliquez
Document 13 :
L'école de Chicago prend naissance à la fin du XIXe et au début du XXe siècle aux États-Unis. Ces études portent principalement
sur la ville et la cohésion sociale. Des auteurs comme R.E. Park et E.W. Burgess montrent que l'urbanisation conduit à un
éclatement social et à la marginalisation de certains individus. Mais si on peut qualifier une partie de cette population d'exclus,
l'école de Chicago entend montrer qu'il y a un regroupement d'individus dans des quartiers où se constituent des « aires naturelles
». Aussi, s'il y a une désorganisation au niveau global, la ville reste un lieu de réorganisation entre des groupes, des communautés
locales. Tout se passe comme si des individus, rejetés d'une société incapable de permettre une solidarité organique, recomposaient
entre eux un lien social autour d'une conscience collective forte et d'une solidarité mécanique.
Plus tard, reprenant les analyses de l'école de Chicago, dont ils sont pour beaucoup les anciens élèves, d'autres auteurs vont
développer le courant de l'interactionnisme symbolique. H.S. Becker et E. Goffman, exploitant au mieux les méthodes de
l'observation participante, s'intéressent également à la reconstitution du lien dans une population d'exclus. Becker étudie
notamment la carrière dans un groupe déviant, les musiciens de jazz. Il montre qu'ils se différencient de façon pleinement
consciente du reste de la population non musicienne, les « caves » en adoptant des comportements et des valeurs non conformistes.
Par ailleurs, ils se reconnaissent entre eux sur une base communautaire et certaines règles sont strictes. Un réseau de relations est
constitué pour la recherche d'un emploi et un musicien de jazz doit respecter son intégrité artistique et ne pas se livrer à une
attitude commerciale dans le seul but d'augmenter ses revenus. La conscience collective conserve ici toute sa force.
L'analyse des groupes déviants permet donc de mettre en évidence la persistance des rapports communautaires dans notre société
moderne. Mais, il s'agit bien d'une solidarité mécanique, ces études avouent la difficulté de la constitution d'une solidarité
organique. La société considère les exclus comme des marginaux responsables de leur isolement. Elle ne leur permet donc pas de
s'intégrer dans un ensemble global. Les déviants, quant à eux, finissent par adopter des comportements en opposition avec les
valeurs et les normes sociales, ils se pensent en dehors de la société. Il y a donc une rupture du lien organique. Le lien social ne
perdure que par l'émergence d'une solidarité mécanique entre des groupes restreints.
Source : op. cité .
Questions :
- L’optimisme dont a fait preuve Durkheim paraît-il vérifié au théoriciens de l’école de Chicago, que constatent-ils ?
- A partir de l’exemple des musiciens de jazz, expliquez pourquoi la solidarité mécanique n’a pas disparu
- Peut-on considérer que les déviants sont responsables de leur marginalité ? Justifiez votre réponse .
- Becker va prendre l’exemple des musiciens de jazz , qui est un groupe déviant :
o Leur culture est une sous-culture : ils adoptent des normes et des valeurs non-
conformistes , mais aussi une contre-culture : ils finissent par adopter des
comportements en opposition avec les valeurs et les normes de la société
dominante
o Cette culture s’impose fortement aux individus : les musiciens de jazz ne doivent
pas perdre leur intégrité artistique pour gagner plus d’argent
o Se crée un lien social basé sur un réseau de relations aidant à trouver un emploi
Document 14 :
Pour Michel Maffesoli, notre société semble isoler l'individu et ne lui fournir aucun,moyen réel de s'intéresser à la société et au
politique. Pourtant, il montre que l'on assiste à un retour d'une certaine forme de tribalisme. Pour résister au vide social, des
groupes se forment, favorisant une solidarité mécanique et un esprit communautaire. Ces nouvelles tribus revêtent différentes
caractéristiques. Tout d'abord, elles favorisent le temps présent et, « dès le moment où le rapport à l'autre est déterminé par le
présent, ce qui va prévaloir, c'est la recherche d'un équilibre personnel qui, par contagion, va tenter de promouvoir un esprit
collectif, le tout par ajustement des rythmes corporels et des rythmes émotionnels ». Cette valorisation du présent favorise ensuite
le côté éphémère des groupes. Liberté est donnée à la mobilité, aux changements rapides vers de nouvelles attaches. Il faut noter
également que ces tribus privilégient l'émotion et les sentiments. Plus qu'une finalité clairement définie, on s'agrège pour être
ensemble. Enfin, très souvent les membres portent un « masque » pour se confondre et s'apparenter au groupe.
La tribu permet ainsi la constitution de « l'être-ensemble » un regroupement d'individus qui trouvent dans la force de l'esprit
collectif l'occasion de se retrouver, d'exister et d'éprouver des sentiments
Par ailleurs, on peut voir dans ce renouveau du tribalisme, l'importance du religieux, non pas pensé en terme traditionnel et
institutionnel (encore faudrait-il évaluer la persistance du poids de l'Église à travers notamment les manifestations de soutien au
Pape) mais autour de nouvelles formes de religiosité, de sacralité. Le regroupement d'individus dans des groupes suppose souvent
la référence à quelque chose de sacré. Il en est ainsi des grandes messes populaires comme les événements sportifs. Christian
Bromberger a montré l'importance du rituel dans le football qui permet de dégager la supériorité du groupe sur l'individu. Ce sont
les supporters regroupés en entité collective, et qui s'apparentent aux tribus mises en évidence par Maffesoli, liés par une forme
rituelle. Comme l'énonce Durkheim, « il y a des rites sans dieux » mais sans doute pas sans sacralité. Une sacralité qui permet
l'émergence et le maintien de la conscience collective exprimée par le «divin social » cette force qui opère le regroupement des
individus.
Source : op cité.
Questions :
- définissez le tribalisme, donnez un exemple et présentez ses principales caractéristiques.
- Quelles sont selon Maffesoli les causes du développement du tribalisme, son analyse vérifie t’elle celle de
Durkheim ?
- A partir de l’exemple des clubs de supporters explicitez l’analyse de Maffesoli.
- cette conception est à l’origine de la crise du lien social dans les sociétés actuelles :
o le développement du chômage fait qu’une partie de la population n’a plus de
travail , elle ne peut donc être insérée
o les solutions proposées par l’Etat-Providence pour retisser du lien social sont alors
inefficaces : elles sont uniquement d’ordre économique ( réduire les inégalités )
et ne peuvent donc recréer de la solidarité