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Averroès r lbn Rushd

Un combattant de la pensée du Xll" siècte

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6zo3s(
Juertisserment L
+ 11,,,' tcliflion, ( ith* 3B
lr. l'rogrhète 3B
,9$"-'R tlrl, sa uie, son éyoque 6 I
I rsl,rrrr, ses obédiences, ses rites 41
La filiation d'lbn Rushd 6 Ce qui est commun à tous les musulmans 41
{
d
g

Sa formation 7 Les trois principales obédiences 42 *



Son pays, al-Andalus B 4

lJépoque omeyyade B (t 1(adttrrranée au ffII' sièch 44


l
j

lJappel aux Almoravides 10


lr. rnonde chrétien 46
La prise du pouvoir par les Almohades 12
L'empire byzantin : la Romanie 46
lbn Rushd à la cour des Almohades 14
L'Occident chrétien 46

f' *urru [ "9$"-nRusûl t6


Les États latins d'Orient
Quel bilan peut-on esquisser ?
47
4B
llastronomie 16 | )r,s lit.ux d'échanges 50
La médecine 17 Tolède, grand foyer culturel de l'Occident 50
Le droit 19 La Sicile 53
La Bidaya (1 168) 19
t ,r /)
Le Fasl al-Maqâl ou le Discours décisif (1179) 23
I ttttirersa[ité
Les commentaires de l'æuvre d'Aristote
Le Tahâfut al-Tahâfut ou La Réfutation de la Réfutation
29
,1,' l,t yensée l'"9$"
tR"tlil
31 54
A propos de l'éternité du monde 31
| ),rns la pensée juive 54
A propos de l'unité de l'intellect 32
l),rrrs la pensée chrétienne 55
La connaissance des particuliers 33
La lutte anti-averroïste 5B
a,
1,es pTecuTseurs 34
l),rns la pensée musulmane
l'lrriritage oublié
60
I 61
Al-Fârâbî (870-950) 34
lbn Sînâ ou Avicenne (980-'1037) 1i
J+ lt
I (,ut' cn sauqrr
I
62
Al-Chazali (1059-1 1 1 1 ) 35 Plus
lbn Bajja ou Avempace (fin XI"-1 139) 37
lbn Tufayl ou Abubacer (début Xll"-1 185) 37
, "J*'u' p'd. r*q'.ç*.rg É Éc'pd $

i )')\1. ir
l'occasion du huit centième anniversaire de la mort d'Averroès, se
, r, nil\ rrn lr'ès grand nombre de colloques, de rencontres en France, en
,, rrLr I)ortugal,enItalie,danslestroispaysduMaghreb,etaussiàBagdad,
,',':.
()()-f sc tiennent à Marseille les rencontres d'Avemoès, qui cherchent à
; ,11 l
'rr , r'rr rt'lrrtion les deux rives de la Méditerranée.

rrlrr ,lt' \irLrssef Chahine, Le Destin, a donné un visage à ce philosophe du


ll r, r It'tlc lr vie privée duquel on saitpeu de choses.
,tr,,r un tcl intérêt ? Quel homme étaitAverroès ? Pourquoi s'en souvenir
' r, r lr's nlLrs tard ?

' ..rrr(' ,.\vcrroès, son nom latin, c'est reconnaître l'héritage transmis par ce
i , r |l11' rrrLrsulman à I'Occident chrétien au Moyen Age.
i,r,rlr(' llrrr Rushd, son nom arabe, c'est restituer au monde musulman une
' ,1, '.:r ( ultLlre longtemps inconnue, encore niée, par I'Occident européen et
Fillill* r/e; {-lc.dr;rfnrlcfdri q'iJ" tî rfu {.1ç:nfu;ttr:, rtar rJ*: &4étèiw*t tti"f'*kr*,
tttiti{*ft: di{'.t {Jrrir.1'-VcrJd's d"*f^,,lrrd*;/rns {ittttl{e par t\ftÉ *i-lt#latïiçts lJf *xl S':i$" l',rr lrt' tltr rttonde musulman.
\ ,r()('s lr lbn Rushd, n'est-ce pas participer au rapprochement de deux
,'' 1, , t1ui. cncore aujourd'hui, s'ignorent plus qu'ils ne se rencontrent ?

irr, ,,|\ntc
islamique braque le projecteur sur une minorité, certes agissante
I rrr,'r'rr'usc. mais dangereuse pourtout le monde, non-musulmans et musul-
,r \ ne voir I'islam qu'à travers le prisme intégriste, ne pousse-t-on pas
rr ir \c situer par rapport à ce fanatisme plutôt que par rapport au fonde-
rri rrr'nre de cette civilisation ?

j),;i,.:'t:t,; i r1,,,11;:11;,',r,,,'i '


:' :rr'r::l,i ; ' ,, ,lrrril trn catholique, que dirait un juif, s'il n'était reconnu qu'à travers les
r ,,r\t('s cle sa religion ?
i ,r,'rt tlonc, ici, de renouer avec un maillon essentiel de nos cultures.

I rrr \ lll' au XVI" siècle, Ibn Rushd incarne la rationalité philosophique qui
lrrt l'rure dcscomposantesdelacultureoccidentale.Ilestàlasourcedesdébats
plriloso;rhiques et religieux de cette époque. Au-delà, il appartient à cette
l,rrrgrrt'lignée de philosophes arabes qui participèrent au renouvellement de
L'Aleph, Jorge Luis Boncss, 1967. l,r plrikrsophie grecque et à sa transmission à I'Occident juif et chrétien.
**ffiry cç'{,ut ffirrr{uâ,., ,t .\('li {tlit"{gff{'
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L.

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n â'.9 [n'Ru'l,d .)rr
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r,rutr* t' it,n
':' En urabc. Ibn Rushd si Ibn Rushd*, Averroès de son nom latin, est un philosophe r , ,lu, ,rrrot) (pl'a reçue Averroès est celle de tout intellec_
gnilie < lils clc la rectitude >
arabe issu d'une fâmille de juristes et de magistrats. ,,,, r ,l, l (.I)()(Fle. auprès de maîtres andalous. Jusqu,au
'r"r'Vrir p. 10.
Son ancêtre le plus célèbre fut son grand-père, Abû-l-Walîd '. | .r('( l('. lcs étLrdiants allaient de maître en maître, dans
N'++ Cadi : juge chargé dc b.Rushd, né à Cordoue en 1058. Il se rallie au pouvoir almo- "" ',1,111111111'r' en Orient, pour recevoir un enseignement * Une madrasâ est une
làire appliquer la loi reli-
gieuse. Cette loi concerne ravide*'k dès que ce dernier s'impose en al-Andalus. En ' rrrrr'llr,ntcnl oral. Au début du XII" siècle, al-Andalus école où I'on apprend le
()us les actes de Ia vie et pas 11l7 ,11reçoit la charge de
rr,, r,,ut(.\ lcs formations souhaitées et le voyage en Orient droit musulman. A I'origine,
<< cadi'*'&* de la communauté >, dans I'empire abbasside.
seulement la religion.
c'est-à-dire juge suprême > jusqu'en ll20,date àlaquelle ' ' .t l,lrrr nciccssaire. elles étaient privées, puis au
" XI" siècle, les madrasas
**** Ilatwa : consultation il démissionne de sa charge. ;t ' li rr.,lrtl rittrrlie d'abord le Coran et la grammaire arabe : pa.ssent sous I'autorité de
.julidirlue prtcisant l'avis de
la rclision sur un problème Ses consultations juridiques, les fatwasx*xx, firent long-
. L'r,ilr (.\t transcrit dans une écriture utilisant de nom- I'Etat. Les professeurs
r,, ir,.,tr'n('\ uu-dessus ou en-dessous du motpourpréciser nommés par le gouverne-
tlonnei. Unc cles fàtwas les temps autorité. Il reste de ce fait un personnage très influent ment ont la charge
plus célèbres au.jourcl'hut
après son retrait, gardant la direction de la prière de la grande
, , rr.. rlt.cc ntot, cette grammaire doit être connue pour former des fonctionnaires
de
conccrne Salmarr Rushclic
clle lc condamne à mort
:

mosquée de Cordoue.
. , r, r Ir.s (.l lcurs de lecture. En al-Andalus on apprend l'é_ efficaces.
pour avoir écrit Les Versets r r' r lt's lc plus jeune âge, alors qu'elle reste XII'
Le père d'Ibn Rushd, Abû-l-Qasim, né en 1094, est Ie moins
r r r
réservée aux Au siècle, les madra-
.\(îtill i q u e s, lrvre considéré ,; | | r'l,rl)ltc\ cn Orient. sas sont aussi des lieux où
par les islamistes comrne un brillant de toute la famille. Il fut néanmoins cadi l'étude de la loi religieuse
outrage à l'islam
quelques années à une époque où le pouvoir r' ., llrrr l{rrshd passe aux sciences religieuses avec l'étude participe à la lutte contre les

almoravide s'affaiblit. Il meurt en I 168. ' ' 1r,,11 ( 'e rt'est qu'après une croisés.
r. r,rr' l{)nllation religieuse qu'il
Abû-l-Walîd, dit le < petit-fils > ou le < plus
., -,r, [. ll plrysique comprenantla
jeune >> pour le distinguer de son grand- 1 r.ur(lu(,. la zoologie, I'astro-
père, naît en novembre 1126, un mois à
'"'r,', lir rrréclecine et la philoso-
peine avant la mort de son arèul. r,r, ( (.\ tle Lrx derniers domaines
On sait peu de choses sur la vie r rr, lt'r slrvoirs considérés comme
I",
!i
privée d'Ibn Rushd.Il a été . 'r .ilrr'('t\. tl'ecs essentiellement.
. marié, on lui connaît deux
I fils ; aucune fille n'est men-
I r lrt rlr rnné son origine familiale
,r l,rrrrlicu dans lequel il agrandi,
l;: tionnée, ce qui ne signifie pas
,1, \ r(.nt rrrédecin etjuriste, spé-
qu'il n'en ait pas eu... r.r Ir rlr' tllr droit musulman.

| .lt,t:rr ttt ttt(ll( dt ln tttostluttt'tlc Zliturt


I rl'r r't. Lrt ttrtuusstu't't son! luiss{ts r7
I t trrt t t tlt Ia piècc d'(tuù. ('ottlrr It
,, ,,trt tttlrttstit'.t dt',t plurtt'lttttt:s tle boit
,'rt lr't r:ttrdiunls {tltpr(iln(t1t it it:rirr
Aycrnti:s pttr I'ierre Vigneron, . | ,,t,ut r'rr ttlilistttl rtttt etttrt.fuhriqut;t
lithographie du XIX" siècle. it lrilt'ti,' du ;;uil" tlt tnutt!ort.
AvrnnoÈs - IsN RusHo lsN Rusuo, sA vtE, soN Éroqur

r" I I lt \ r ir!cS portant sur les sciences et accumule ainsi


r ru
)r,tJ ltttt!,\, {df_ Irlrlrrfru.ç
!l
, r, lrrlrliothèque accessible aux savants andalous.
rrr r lr' ()7(r. lcs califes de Cordoue voient leur autorité
Al-Andalus désigne I'Espagne musulmane de la conquête r,'r' pill tlcs émirs locaux qui imposent leur pouvoir
arabe en 7l I jusqu'à la chute de Grenade en 1492. rr.rn('\ r'rlsions d'al-Andalus. En 1030, le calif'at de
Contrairement à ce que laisserait penser la simplicité du l,,r(' (ll\l)iu'aît, se morcelle en plusieurs principautés
nom, I'histoire d'al-Andalus fut assez agitée. Pour com- i,, r{liur(cs uppelées < royaumes des Tâifas
prendre le temps et le rôle d'Ibn Rushd, il est nécessaire de
".
,, I llr'rrrcnt aflaiblit al-Andalus, au profit des rois chré-
,r r
faire un retour sur I'histoire qui a précédé sa vie publique. L r, 'i tlc Castille, Alfonso V[, prend Tolède en l0t]5. 1r'= 'irt;i;.',:, r

t'i lt\, r'tii',/.uii x!t,i'\


On peut distinguer quatre grandes périodes : la période i'lttti!t'ttt sii I i:' r
'.rr':
omeyyade, le temps des Taifas, celui des Almoravides puis
celui des Almohades. RoYAUME
oe FRaHce
Gijdn
{l'' ('l)('(lu('
'
tltl
(,nt('uu(t(l(I
' Rorlute
DË LÉôN rr oe Casnue
Vers 705, la province de I'lfiiqiya (la Tunisie actuelle) est
conquise par la dynastie des Omeyyades de Damas. Le gou-
RoYAUME . Salamanque
verneur de cette province veut poursuivre la conquête vers
I'ouest. En 7 1 1 , il envoie 7 000 hommes, sous la conduite Ponrucll
de I' aflianchi berbère Tariq, pour tester la résistance du roi
,/\ É
wisigoth d'Espagne, Rodrigue.
Après une première bataille à Xérès sur le Guadalete, Tariq
conquiert Séville, Carmona, Écija, Cordoue. Tolède, atteint
Mérida
o Guudtnu ^l
MER
Gijdn, sur la côte de Biscaye. Ses triomphes inquiètent le CORDOUE
a^GUAdalqutvtr MEDITERRANEE
gouverneur resté au Maghreb qui craint une trop grande Séville
o
indépendance de Tariq. ll intervient à son tour en I 12 à
I -
Mérida, Salamanque et proclame la souveraineté du calife -.

omeyyade de Damas sur les territoires conquis en Espagne.


En 750, la chute des Omeyyades de Damas n'entraîne pas
OCÉAN
celle des émirs omeyyades d'al-Andalus qui continuent à ATLANTIQUE
i' l,e calif'at est une fbnc- régner. La dislocation de l'empire omeyyade permet la pro-
tion. unc disnité ecclésias-
lit;trc. Lc rnot < calif'e > si- clamation du califat* fatimide sur le nord de I'Afrique, de
.rrrilic lierrtcnartt ct désigne la Tunisie actuelle jusqu'à l'Égypte. En réaction, l'émir de
le r'lrr'l tlc ll cornmunauté
Cordoue restaure le califat omeyyade réduit à 1'Andalus à
rrrrrsrrlrlrnc aprù's la dispa-
r rtrrrn tltr I'lrllltùte. son profit et prend le nom d'Abd al-Rahman III en 929. Son
L | ( rnir t'sl lt l'origitre un
règne marque le début de l'âge d'or de I'islam andalou.
r lrr'l tl rrr rrrt:e. prris il est sy- Le calif'at de Cordoue apparaît comme le plus brillant et le
|0il\ nl( (lc 1.louvcllleuf
,rr rrrl tI s rrltTilrrrls rrtilitaires
plus développé des États musulmans. Le prince al-Hakam,
et rir ils. fils d'Abd al-Rahman III, fait venir de Bagdad. d'Egypte
AvrnnoÈs - leN RusHo IsN Rusuo, sA vtE, soN ÉPoeuE

tr ,
Ji{Jtappe{,
I I | \lrrroltrvicles s'imposent en promettant de

II
aur .Atmorauides r,'r ,l,lrr r t' tpr'ils considèrent comme lalégalité
,,,,,.rrlnr,rrc. c'est-à-dire le rite juridique mali-
o Les nouvelles s'étaient succédé rapportant que l'émirYûsuJ' I rrr " ' ' , oplx)sé à toute forme de spéculation qui
ibnTâchfin était venu du Sahara à la tête d'une communauté ut rln(' nlener à I'hérésie. Ils suppriment les
'1,: l.r
à I'islam neuf, vigoureuse et résolue, proclamant sa déter- ,rlrlr.,t\ n(rn canoniques : ceux qui ne sont justi-
mination àfaire triompher la vérité et à combattre ceux qui l':'. rrr rl;rns lc Coran, ni dans les Hadith**** du
déviaient de la loi religieuse ; qu'il venait de soumettre le 1"r,.1'111'1.' lls renfbrcent le centralisme, mettant
Maghreb et en avait unifé la plus grande partie. Pesant les *ir!,.r lrr ;r l'indépendance des Taifas.
* Al-Mu'tamid est le roi choses, al-Mu'tamid* estima qu'il fallait l'appeler au Ir rt r' \ olol ltci de revenir à une vie plus conforme
< taifà
" de Séville ; il a secoLrrs** 1...1. Il consulta ses proches à ce sujet. Sonfils, al-
conquis Cordoue en I 069. ri l.rrrr cntraîne des persécutions contre les
r',
Rachid, lui tint ce langage : " Essaie de régler les chose.s par
** Pour se défendre contre \l,.r.rr,rlrr.s'r"t"t'** qui se révoltent et font appel
tespropres moyens avec le chrétien et ne te presse point d'in-
Alphonse Vl de Castille qui il' r,,r (l'r\r'irgon. La réaction est brutale, s'ac-
venait de reprendre Tolède. troduire ici quelqu'un qui nous ravira la royauté et nous divi- , ,*.rl,,rl,nlult d'expulsions et de déportations à
sera : ces gens, tu sais bien qui ils sont" ; al-Mu'tamid \lr \ rrr's ( Maroc actuel). La politique autoritaire
répondit : "Monfils, il est préférable seLon moi de mourir ,s,. \ | rt rrirv icles entraîne aussi des révoltes parmi
r r
berger au Maghreb que de rendre l'Andalousie terre d'in-
rr r nrr\ulnrans, dont celle des Cordouans en
rtdéhté, car alors les Musulmans me maudiraient.iusqu'à la r1 'rl
fin des temps !" Son fils lui dit : " Père, fais ce que Dieu t'a
indiqué." > | * ll.l l. la mort du souverain 'Ali ibnYûsuf
Ibn 4t-Khatib. A'mâl al-a'lâm.
{ri,rrrlil(' trn affàiblissement du pouvoir almora-
.,,1' rLrnt lcs clans rivalisent. Leur autorité s'ef-
Ainsi fut fait : en 1086, Yûsuf ibn Tâchfîn débarque à {,irr' ,rlolS clue menacent les Almohades (al-
Algésiras et bat les Castillâhs à Sagrajas. Il prend le titre \l,rrr,rlrltitlûrr ou << unitaristes >).
d'< émir des muqulnâns ,> que lui reconnaît le califat abbas-
side de Bagdad à qui il fait allégeance. Les Almoravides (en
' '' \lrllkltr.s : voir p.43.
arabe al-Murâbitûm) sontdes Berbères originaires du Sahara
occidental. Entre 1060 et 1082, ils ont conquis le Maghreb '" - llurliths : taits et
jusqu'à Alger. t. .lrr l'rophète rap-
!, -r, t'.rr l,r tlirtlition orale.
. , rrrl,lc tlcs Hadith
Srrtttit' ou la
,,.,, l;'
""' \loritrrbes : chré-
, r\,rnl ;r ltt rnode arabe
, l, . tcrlitoires d'al-
Site tlt Qsnr Antra,
.lonlartie attualle.
I'etite résidenrc I"resques de Qsar Anra, début du VIII" siècle,
otrteyyade .lordanie actuelle, Ces Jresques, très abîmées,
du VIII' sièclc, \(,,t1 rat'es dans le monde musttlman où la religion
Iieu dc repos tt de tr voulu exclure la représentatiort d'êtres animés,
pktisir pour les caliJas Ici, on devine une danseuse,
AvrRnoÈs - lsN Rusr ro InN Rusuo, sA vrE, soN Éroqut

'' Muwahhidûn ou ceux qui


prolèssent l'unicité de Dieu.
é r,r .d ru T *tuâAKr trr' fi-.e #{}{:1'ffi * AÉ.ffi {-} Lêê.Ë}fl
,rd*: -s { dtrl?i.d, Êrfl.iâ f" * m H F{'
Ce mot arabc a été tra.luit f,.Èfê,5sJ fjfl]f.'f,
par Alrnohacle. 'd*u ' , rrtlsl rrn Berbère du sud marocain né vers 1080/1 0Bl . Vers l 06, apres un .l

'r"r' Voir p. 13. É}dgÂ" ,.Ægo*u,dJsxsfs.ç L ( i)r(l()Lrc', il accomplit sa n quête du savoir ) auprès dcs sages de I'Orient

r,':,'t,.fihad : eftbrt oflènsrf


É
' ,,rl llurliant en science religieuse de l'époque. Ce périple l'emmène en Syrie,
ou détensif pour imposer or-l Après une première tentative de prise de pouvoir à Mnnakech ,,llrr l8\'l)te.
lairc rcspccter l'islam :
en I i 30. Ies Almohadesi' entament la conquête victorieuse ' r ,r ,\1,rrr.rl<cch, il prêche la nécessité d'une réforme religieuse. Pour lui, l'islam
c'est ce qu'on,appellc la
guerre sainte. Egirlement. du Maghreb occidental à partir de I l4l . Ils se rendent maîtres ,, lr,rr lr,s Almoravides alors au pouvoir et par les juristes malikites qui les sou-
,

efïort sur soi même pour d'une grande partie d'al-Andalus à partir de I 150. Ils réta- r
li,rlrirlc'nrcnt, il est pourchassé par les autorités qui voient en lui un dangereux
atteindre la pertèction. . r r,ntrc dans la clandestinité à partir de 1124 dans l'extrême sud marocain,
blissent I'ordre dans une région très agitée par les rivalités
arabes et menacée par la reconquête chrétienne. ' ,.rrist'une communauté aulour de sa doctrine: les Muwahhidûn (les unita
I ,., prot-lame alors Madhi, le u bien guidé , désigné par Dieu qui doit rétablir
Les souverains ahnohades ont alors la résolution d'appli- , , ,.rr lCTre.
quer la réfbrme religier-rse préparée par Ibn Tûmart'r'r. C'est
' li l; l
dans cette perspective que les souverains forment une nou-
',r,,lr,rrlcs proclament l'unicité de Dieu, c'est pourquoi ils se nomment < unita-
velle élite destinée à remplacer les docteurs de la loi mali- 'lronrnre ne peut être que persuadé de l'existence de Dieu qui l'a créé ainsi
kites qui avaient soutenu le régime almoravide. C'est aussi rl,'.. lcs .iutres choses. Comment pourrait-il en être autrement ?

dans cette perspective qr"r'il est demandé à Ibn Rushd la :/,,rr lr ndces-çité de la raison que l'homme connaît I'existence du Créateur. , La
rél'lexion qui préciserait la légitirnité du régime almohade. ,r r( r('la.ve de la raison.
Almoravides et Almohades représentent une réaction , | ,'Ll n/€rst pas de même nature que sa créature: il y a transcendance.
religieuse, morale et politique aux régimes précédents. rrrr' lccture littérale des Textes dont il est interdit de faire une interprétation
Dans les deux cas, ils s'appuient sur une idéologie ,f (
l(|
('.
È de retour à la pureté primitive de l'islam. La conquête
* ' i l r'!ii.i:l
se fàit chaque fois au nom de I'idéologie religieuse
rloil s'énoncer à partir du Texte révélé.
islamique, autour d'un chef reproduisant avec ses
r r,rrt Tcfuse l'effort individuel d'interpréta-
compagnons le modèle du Prophète et de sa com-
;rt'Lrt être source d'erreur. o La raison
munauté primitive" lls se situent dans la môme . ,1,' ltl,tce dans Lt loi '. ce qui nc
Itrgique de iihuçl'r'r'r ou guerrc sainte. , l),rs que la raison n'intervtennc
Il ne suffit pas de prendre le pouvoir par les , i r r' l'organisation de la Ioi.
, rr('nt, pour lbn TÛmart, on ne
armes, mais il faut le justifier en s'appuyant
I
læ sur la loi religieuse et pour cela, les chef's ont
r( 'r ( l(\Lrx conséquences différentes
' r)('lll(' SOUfce.
1&,&f, besoin d'hommes de loi : c'est le rôle que va
Wi tenir Ibn Rushd auprès des Almohades.

W
AvrRnoÈs - laN Rusnp leN Rusuo, sA vtb soN ÉPoQUE

.' ,tttrrtriltrtion serait plus aisée pour les gens." Si tu


,f les f"fru"r/i*/ ,', r, powr cela,.fais-le. Moi, je souhaite que
,It' .fi tn'e
.;rttut's, t;trrnt donné ce que je sais de la qualité de ton
\i
{T drf {:{iff r r1s,ç,,"itvrc{' /u.srl,.f,ç ,, i,t ttt'!tctri de ton optitude et de Laforce de ton incli-
' , ttrtlt. Ce qui m'empêche ce n'est comme tu le
C'est vers 1160 qu'Ibn Rushd est présenté par un de ses
-
rt ntr ttr ti.qe avancé, mon occupation à seruir et le soin
maîtres, Ibn Tufayl (voir p. 37), à Abû Ya'qûb Yûsuf alors; . ',,\.rr rt'ù ce que j'aidepLusimportantquecekt." C'est
gouverneur de Séville. Jusque-là, Ibn Rushd a écrit un abrégé i ,lut nr'tt conduit aux résumés que j'ai.faits des livres
d'une æuvre de al-Ghazali (voir p. 35), tn de7'Almageste de \t ttlttl('. >>

Ptolémée et un compendium (paraphrase) de logique. r , r.rrsnris par le chroniqueur Al-Manâkusht O^"t *:j:U"ir!rïiJ",1"1,.
Récit des deux premières rencontres avec Abû Ya'qûb teller'
qu'Ibn Rushd les rapporle à un de ses disciples : , l,,111 1'..5,ç1l[iellement sous le règne d'AbûYa'qûbYûsuf
< lnrsque j'entrai chezle prince des croyants, AbûYa'qûb, ie Le I i
.illrirrr sous lenomdeYûsufI*(1163-1184)etàsa
trouvai avec Abû Bakr b.Tufayl, et il n'y avait aucune outre per- r ..,1,' t1r' ltrr.r Rushdrédigelaplus grandepartie des com-
sonne avec ear. Abû Bakr se mit à.faire mon éloge, parla de ma i . ri: tl'Aristote. Dans le même temps, il occupe des
famille et de mes ancêtres, et voulut bien, par bonté, aiouter à .,rr'. trll'icicllesimportantes : en 1169,llestnommécadi
celades choses que j'étais loinde mériter. lz pince des croyants, | .. rllr', prris en 1180 grand cadi de Cordoue. En 1182, il
après m'avoir demandé mon nom, celui de mon père et celui de
i , ,. ,' lbn Tuf'ayl comme médecin auprès du sultan. Dans
mafamille, m'adressa de prime abord ces paroles : "Quelle est , : | . ,)il\ r'ages, Ibn Rushd fait allusion au temps qui lui
l'opinion des philosophes à l'égard du ciel ? Le croyaient-ils , lLrr' l)r)u| approfondir un sujet, à l'éloignement de sa
éteruel ou créé 7 " Saisi de confusion et de peur; j'éludai la ques- i , 'rlrt'(luc clui I'empêche de vérifier certains points.
tion et je niai m'être occupé de philosophie, carie ne savais pat ! .:;, li'n)e nt àcetravail demandéparle sultan, il poursuit
ce qu'Ibn frf"yl lui avait affirmé à cet égard. Le prince des
croyants s'étant aperçu de ma frayeur et de ma confusion, se
r,l,r,' r ri l1cxion philosophique dans le Tahâfut al-Tahâfut
ti, trrttrtion de la Réfutation) contre al-Ghazali, Le
touma vers lbn fufayl et se mit à parler sur la question qu'il ,,,t t tllt'isif et une æuvre sur le fondement du droit, la
m'avait posée ; il rappela ce qu'avaient dit Aristote, Platon et ',i rroirp. 19etsuiv.).
tous les philosophes et cita en même temps les arguments allé-
,,rr'.rrrt son travail sous le règne de Ya'qûb al-Mansûr
gués contre eur par les Musulmans. Je remarqwai en lui une
. I I l()()). fils de Yûsuf I"'. En 1197, aTors que I'empire x Voir p. 43
vaste érudition que je n'aurais même pas sowpçonnée dans aucun
,,lr,rr[' est en crise, Ibn Rushd est mis à l'écart. Pour se
de ceur qui s'occupent de cette matière et qui lui consacrenttous
, rrr'li I lru pouvoir alors que les troupes chrétiennes se font
leurs loisirs. Il fit tout pour me mettre à I'aise, de sorte que je r

:'lrr,, r'n plus menaçantes, al-Mansûr a besoin de l'appui


.finis par parLer et qu'il sut ce que je possédais de cette science ;
rrr lt's rnalikites*. Sous leur influence, il fait appliquer un
après l'avoir quitté,.ie reçus par son ordre un cadeaw en argent,
une magnifique pelisse d'honneur et une monture. >
' rrrrt'rtlisant d'étudier la philosophie et les << sciences des
: rr'r\ ',. c'est-à-dire des Grecs. Ibn Rushd est alors exilé à
< Abîi Bakr b.Tufayl me Jit appeler un iour et me dit "J'ai
. , rrr. ir 100 km au sud-est de Cordoue, puis à Manakech.
entendw aujourd'hui le prince des croyanls se plaindre de l'in-
certitude de l'expression d'Aristote ou de celle de sestraduc- ,, l ors lu crise politique apaisée, al-Mansûr lève cette dis-
l'obscurité a dit : "Si ces ,, r' lbn Rushd meurl à Marrakech en décembre 1198.
teurs ; il a évoqué de ses desseins et
( r'n(lrcs sont rapatriées à Cordoue avec ses livres, dit-
livres pouvaient trouver quelqu'un qui les résumât et qwi rendît
, rr rrlrrs 1199.
accessibles ses visées après l'avoir compris cowenablement,
15
t4
' f'**u rll,,, ffu,uÆ-,#

Cette ceuvre est vaste et témoigne des centres d'intérêt d'Ihn {) , f


Rushd. Il n'est pas une exception : au Moyen Âge, I'homnrt' .L {.1 f i'Ê {}. {t{: {:
3

Ê tt {a
cultivé s'intéresse, réfléchit à tous les domaines de la pensée
de l'époque. Comme il n'est pas un spécialiste de tous lcs ll r, f.'1111111 a reçu une formation médicale ; à ce titre, il lui
thèmes qu'il aborde, il se contente parfois de rappeler ce , . r ,ir nr,ur(lé de présenter le long poème de médecine d'Ibn
que I'on sait à l'époque, les questions que I'on se pose sans '.
',' ' ' \1iecnne, 980-1037, voir p. 34).
chercher à y répondre lui-même. Néanmoins, il n'est pas r. ,, tif rnci;ral ouvrage sur la médecine, le Kulliyât (les
un simple compilateur qui saurait bien lire l'æuvre des r-"',1 1,1111si5) de 1161, précise la méthode de travail qu'il
autres. A chaque ouvrage, il apporte son propre regard, sa ,,,,,r ,l.rlrs toutes sesrecherches. Cetouvrageregroupe < toutes {inlien, enluntinurt
vision des choses. A chaque ouvrage, il applique la mêmc .,tnttti.\',\ances médicales à partir des premiers auteurs tl'u.tt tvuité
méthode s'appuyant sur la logique d'Aristote. : ,utt'n'ot7t toutes les opinions qui méritent d'être repro- de médecine
... tlu XXtrI' sièele.
it \ ('t t'n éliminant ce
Iliblioth.àque de Laon.
A' i',u rrttc analyse rai-
{ {d.\fi'{,il{'fJl{{' '.",,', tlrtit être rejeté >.
i , . .rlt('r.lrs auxquels fait
Les premières æuvres d'Ibn Rushd traitent de l'astronomic , r.i,.rr)n lbn Rushd sont
qu'il considère aussi < nécessaire à la perfection dc , -.rt r r'r . rr rédecin grec du II"
l'homme >> que la logique ou la physique. Il s'intéresse à , ;. lt' tlont la théoriedes
I'astronomie mathématique à partir del'Almageste dc !, ,,,rri.nt\'1' fàit autorité, Ibn
Ptolemée (v. 90-v. 168) dont il fait un abrégé en 1158. Il ,- i i't \utloutAbû Marwân
reprend l'æuvre d'Ibn al-Haytham (fin X"-début XI" siècle) i" ,!rrlrr (Avenzoar, 1073-
traitant de I'astronomie physique, à partir d'une étude de r' 't, t|tri fut un de ses
la réalité concrète de l'univers et non plus uniquement . ,rtr('\ lrvec Ibn Tufayl.
mathématique ; ainsi, il
est amené à émettre des réserves
sur le système de Ptolémée. Ibn Rushd souligne << ce sul
t , ,lr'llrtles connaissances
ri.l'r rtla'cS à partir des
quoi les experts de I'art ne sont pas en désaccord >, c'est
à-dire ce qui fait I'unanimité à l'époque, laissant de côté
, ,.r('ll \ cités, Ibn Rushd
.,rlrr'rrc que son ouvrage $qF q'ffi
ce qui lui paraît le plus contestable.
, ,r r'r'ril clans << un langage æss€.
Aussi, pour Ibn Rushd, une nouvelle astronomie serait néces- :'\ t'(t!t, inCOnnU deS
saire afin de coniger les erreurs de Ptolémée, mais ses res- ,,!,'r'irr,s de l'Antiquité et
ffiÊ
ponsabilités publiques ne lui en laissent pas le loisir : < Nous ,' t u \ tlLti m'ont précédé,
nous lrouvons dans la situation d'un homme dont la demeurt, ,, tlL'.t démonstrarions
serait Ia proie des.flammes et qui s'empresserait de sauvet .'.,,r, irrtics dans la philo-
ce qwi lui semble le plus indispensable pour assurer sott ';'ltit'truturelle >.
d;r

existence. > &$'


rr lt I n" 1058 Les Jardins du #
r. ,,r.lq.r
t6 I'7
L'æuvnr o'lsN Rusuo

[-J I
LES a OUTIIS DE RAISÔNNEMENT I
Le syllogisme démonstratif rrr **rr,,rcsr d,une *:.1,:::j, rui-même cadi pen-
ll est aussi appelé syllogisme rationnel. Ce syllogisme est dit ternaire: on distingue une furt rL' ttotttbreuses années. Le contexte politique est impor-
jeure
orémisse ma'ieure, une prémisse mineure et un moyen. Le moyen est sujet dans la ma
disparaît dans l'énoncé de la conclusion.
flrt la rlvrtastie almohade doit légitimer son pouvoir face
et attribut dans la minËure. Le moyen des Almoravides et des juges malikitesx. Ibn
alr l{n;rnls + Voir p. 13

Tous les hommes sont mortels. llrlxl pnrticipe à cette légitimation en élaborant les fon-
un homme.
\tcragest , {çlrx'rrtt tlu clroit sur lesquels les sultans almohades pour-
Donc Socrate est mortel.
homme
fttrl r'itlrllttye r.
L", prérnirr", sont contenues dans les deux premières phrases ; le terme n > est

le moyen.
r f 'rr rrrlrlt/ en tant que tel ne peut avoir d'autre but que
Dun, i",
Topiques, Aristote précise qu'il y a syllogisme démonstratif o quand il pan de
* tr hrn'hcr lavérité, et non de semer le doute et de rendre

prémisses vraies et premières ou encore de prémisses telles que la connaissance que $t c rltt il'r ltcrplexes'
'nou, Ibn Rushd dansLa Réfutation rle ra Réfutcttion
n orc pr"nd elle-même son origine dans des prémisses premières et vraies >.
"n
Le syllogisme dialectique ou iuridique llfirr ,tttvrages contiennent la pensée d'Ibn Rushd sur le
Dans le même ouvrage, Aristote designe par ce terme un syllogisme à partir de prémisses ful
probables qui sont dés n opinions qui sont reÇues par tous les hommes ou par la plupart h llttltn'tt ou Début pour qui s'efforce (à un jugement per-
d'entre eux ou par les sages ,.
*rux'f l, lirr ltour qui se contente (de I'enseignement reçu) ;
pour Aristote ce syllogisme est utilisé dans les domaines de l'éthique et de la politique. lbn
Rushd assimile à ce syllogisme, le syllogisme juridique utilisé par les juristes musulmans.
h l,rr/ ul-Maqâl ot Le Livre du discours décisif et de la
*tctrtritrttlion du rapport entre la loi et la sagesse.
[e syllogisme rhétorique
a" ri1.iOrn" part de prémisses auxquelles on croit tout en sachant que le contraire est
oBtloua
possible.
-0o û rss)
llanalogie
r .lltnt lutl, dans ce livre, est de me fixer en mémoire les
Quand une situation n'est pas abordée dans une des sources du droit, on procède par
analoeie avec un cas explicitement évoqué: par exemple, le Coran interdit la consom- ir.+rr,r,l,T cle staturs juridiques sur lesquelles il y a accord
matioi du vin. L'analogie permet d'étendre cette interd.iction à toutes les boissons alcoo- çt : tllrt tur lesquelles ily a désaccord, avec leurs preLves. )>
lisées puisque, comme le vin, elles peuvent mener à l'ivresse' *+ Voir zll.
llrt Rrrslrrl analyse les différents rites juridiques** en jus- P.

Le consensus mndnt scs prises de position par le recours aux Textes et à


tl y a consensus quand tous les théologiens sont d'accord sur l'interprétation de certains lr rldrrxrnstration philosophique. Ce traité expose les règles
purrugu, obscurr.lls emploient le ternre id7ma. *l*lxrltics à partir de différentes sources dont le Coran, la
f r,rlrtion du Prophète, les coutumes, l'intérêt général, le
llbrr t'xlrnen des juristes. Il précise les façons de les appli-
rilr{'r, l,û loi religieuse ne peut être remise en cause, ne peut
428-348 t-c 90-128 570-632 1 126-1 198 Strr rrrie tte à I'erreur. Seules sont concernées les différences
. -.;1-------
rl' rnlcrllrétation.
Platon Ptolémée Mahomel lbn Rushd
(.[r,rrrtl I'interprétation d'un texte semble discutable, il est
384-322 131-201 rtilililirl de raisonner et d'en discuter le sens. Dans ce cas,
Aristote Galien rl rrc lirut pas s'en tenir à la lettre.

18
AvrnnoÈs - leN RusHo
L'(ruvnr o'lgN Rusno

< C'est une question controversée, mais en vérité quand


!
, ', trtn! le,s catégories de préceptes qui imposent la jus-
texte est un texte formel solidement établi, il doit absoltr , "tttrurl ttux richesses et ceux qui l'imposent quant au
ment l'emporter sur le raisonnement analogique. Toutefoi", ':,. | ,' tttlion*, les guerres etles sanctions pénales entrent * La loi du talion consiste à
infliger au coupable ce qu'il
: . . t t !t' tttégorie, puisqu' on ne recherche, par leur moyen,
si l'expression littérale se prê\e à l'interprétation, la raisoil
.
a fàit subir à sa victime.
peut hésiter : faut-il qu'elle les concilie en interprétant l'e; - , ,t irt.stice. D'autres encore sont des préceptes qui se
pression ou l'expression littérale doit-elle l'emporter sur '.:,"t t('ttt t) I'honneur ; d'autres enfin, ceux qui se rap'
les exigences du raisonnement analogique ? Cela esr dis' ':, ttt tt loutes les richesses et à leur estimation, ce sont
cutable et dépend de laforce de I'expressionlittérale et dt .,' l,t, 1trécisément, qui ont pour but la recherche de la
la force des raisonnements analogiques qui s'y oppos('
,.,t rtl)l)(lée générosité et l'éloig,nement du vice appelé
Seule la sensibilité de la raison permet d'apprécier leurs ,., t,, . l.' rtumône légale entre, d'un côté, sous ce chapitre ;
.,,: ,utlt( t'ôté elle entre sous le chapitre du partage des
forces dffirentes, ainsi qu'on apprécie, pour un discourt;'
,:r \('\. Il en est de même de la charité. "
s'il est ou non réfléchi ; il pewt arriver que leurs force's r

soient égales. Pour cette raison, les controverses abondent


l, rLricrne paragraphe concerne la vie en société : ceux
dans cette sorte de questions, au point que beaucoup affir'
,, ,,rt ('ll charge la chose publique se doivent de faire res-
ment que tous ceux qui s'adonnent à l'interprétation per
,, r lrr loi dans la même perspective philosophique.
sonnelle disentvrai' >
Extraitde ra,idar,t :' ,itttt(.\' préceptes se rapportent à lavie sociale qui est
, | 'n(lition de lavie de I'homme et de la préservation de
Ainsi, Ibn Rushd, à propos des questions sur lesquelles il
', I tu.\' pratiques et spéculatives. Ce sont eux que l'on
n'y a pas accord, n'avance aucune réponse qui ne soit argu- .1:,ttt "l)réceptes du Souvernlement". Pour cette raison
mentée, laissant ainsi une large place à la réflexion. r nt('trl, les Guides et ceux qui prennent en charge les
',,, t rvligieuses doivent s'y conformer On compte parmi
Le droit conduit à la PhilosoPhie :,tt ( ('l)le,s importants dans lct vie sociale, ceux qui se
':,,,ttt'nt à l'amitié et à l'inimitié, comme à la collabo'
Dans le premier paragraphe de la Bidaya' Ibn Rushd pré- ,,t ,l(.t hommes pour que ces préceptes soient obéis.
cise que le droit apporte à la morale individuelle un contenTr . tt r t' (llt'on appelle "l'interdiction du mal et le com-
concret : ce sont les préceptes de piété' de tempérance, di: , ,lt ntt,nt dubien" c'est-à-dire l'amitié et, en outre, I'ini'
justice et d'honneur que chacun doit respecter non parcc '., r,'li,qieuse qwi procède soit de la désobéissance à ces
que la loi I'oblige mais parce que la réflexion philosophiquc . , | 'tt',r, soit de l'hérésie ; la plupart des choses que men-
y engage. ' ! ti n t l(s.juris-consultes en appendice à leurs traités sont
<< nous faut savoir que le but des préceptes pratiques d'
Il , t rltri échappent aux quatre Senres que sont lavertu de
la Loi est l'acquisition des vertus de l'âme. Certains se rap' .':i,t t(ut(e, lavertu de justice, la vertw de courage et celle
portent à la glorffication de Celui qw'ilfaut glorifier et au-r .'t nt;tr)silé, comme elles échappent aussi aux pratiques
aclions de grâce adressées à Celui auquel il faut rendrt , . rrltt', lasquelles sont les conditions d'affermissement de
grâce. Les actions du culte entrent dans cette catégorie ; . \ t l lll.\. ))

ce sont des préceptes de piété. D'autres se rapportent à lu


vertw appelée tempérance. Ils sont de dewx sortes : les pré- | )u l)('ul ob,server que par le moyende cesvertlts,l'homme
ceptes qui ont trait au boire et au manger et cewx qui concer I r lt'\ (tutfes. >>

nent les rapports coniugaux. D'auTres encore se rapportent


Ibn Rushd ,Jans Comnentaire de République de Platon
à la recherche de la justice et au renoncement à l'injustice
La

21
20
L'cuvrc o'lnN Rusno

Les quatre vertus morales sont toutes quatre des vertus poi'
tiques. Ainsi, les préceptes du droit conduisent à I'acquisr
ll, 7n'{ ,,{- ,at,.,tlà1
tion de vertus morales auxquelles pourront se référer Lr tln ''l)i,r,',,,,r' ,lértr;,f (, rrru)
Almohades.
I ln nrusulman a-t-il le droit de philosopher ?

.,,,, l,,r r tc cst-ce là le principal texte de la pensée d' Averroès'


t ,t,,,1i [1' ll
question essentielle : peut-on être philosophe et
, ,: ii'n lL' tcrnps un musulman respectueux des Textes révélés ?
, i,tt)l)().r de ce discours est de rechercher, dans Iapers-
.
::\ î t!(' I'examen juridique, si l'étude de la philosophie
, ' tr'itn(:es de la logique esl permise par la Loi révélée,
.. ''t, rt r'ttfidamnée par elle, ou bien encore prescrile soit
.;t1t tlrt( recommandation, soit en tant qu'obligation. >
, 1,',' t[' concilier la religion et la philosophie n'est pas nou-
' ,, ;rl lrârâbîauIX siècle (voirp. 34),Ibn SînâauX'siècle,
ri ll,rll au XII'siècle (voir p. 37) l'ont abordée. Ibn Rushd
,' t,' rr
I t' rier à dépasser l' antagonisme enfe les deux approches.
rr

'' , r rt'rilé coranique vient s'adjoindre une autre source de


. r t,' , lu philosophie grecque. Il n'y a pas d'opposition.

t rr llrrr l{ushd < lavérité [philosophique]nesauraitcontre-


, !,t vlrité [religieuse], elle s'accorde avec elle ettémoigne
',! l(n'(ur >>. Il refuse d'opposer philosophie et religion.
r ,, . rrppartiennent à deux domaines distincts : il affirme
, "r .r lr' tlroit pour I'intellectuel de penser librement'
. | ttr'tturs décisif pose d'emblée le statut légal de la phi-
)

Averroàs totùersant .,,lrlric. Pour Ibn Rushd la justification est dans les textes'
avec le phibsophe ''',r lirrshd pose son hypothèse : < Si la révélation recom-
Iatin Porphyre tt,lt' bien aux hommes de ré;fléchir sur les étants [ce qui
(234-305) qui étttdia La Bida-,-a aborde le statut de la femme. Ibn Rushd réfute
, r'.tr'l ct les y encourage, alors il est évident que I'activité
.
particuliè rement autant les idées de Platon que celles des juristes musulmans
. \tt:n/( sous ce nom lla philosophie] est, en vertu de la
Aristote. en affirmant qu'< i/ n'y a pcts une dffirence .ftindamentale
Miniatnre entre lo natLrre de lafemme et celle de I'homme qtti pour- ', soit obligatoire, soit recommandée. >
tt;t't1lée,
du XIII'siècle,
rait jwstifier son erclusion de certaines.fonctions réservées i .r r('l)()nse est contenue dans le Coran, sourate (chapitre)
France. BN,
aut hlmme,s >. t | \. vcrset 2: < Réfléchissez donc, ô vous qui êtes doués
'r' lmam : chcl'de la pr-ière Ainsi la femme, selon Ibn Rushd, peut être juge, imam'k,
, , ltrit'voyance. > Cet énoncé est clair et ne souffre pas de
.{ ussion. Ainsi, I'obligation de raison est contenue dans
ou chef de la communauté. ll déplore les discriminations
tlans une moscluée. 1r

, l.rri et pour Ibn Rushd rien ne s'oppose à la spéculation


dont sont victimes les fèmmes, y voyant une cause de Ia
misère des sociétés qui ainsi se privent de I'apport de la ;,trrlosophique. La raison est guidée par la logique telle que
' llnit Aristote.
,le
rnoitié de la population.
L-)
22
AvrgnoÈs - leN RusHo L'GUvnE o'lsN Rusuo

Le verset 2 dela sourate LIX peut être considéré comme lrr ,, ,, rl rt lt ion et d'interprétation des Textes. Ibn Rushd peut
profession de foi d'Ibn Rushd. Le Coran dit expressément .,r .r.. r('nrcttre en cause I'analyse de certains de ses prédé-
que ceux qui le peuvent doivent philosopher. ' .r'll|s sans être accusé de blasphémer pour n'avoir pas
', .1't'r'tc' lc consensus, ou pour le remettre en cause.
, , rrc vcrsion énonce un deuxième fait très important : tous
Y a-t-il sujet à philosopher t, lr' |illrne s ne sont pas égaux devant les Textes. Néanmoins,
dans les Textes révélés ? I ii \ ir pas de versets incompréhensibles ; dans ce cas à qui
'

Le Discours décisif s'appuie principalement sur le verset 7 . '.lrr'ssct'ait la Révélation


?

de la sourate III du Coran : | ,t lirtttlité de la Révélation n'est autre que d'enseigner


< C'est Lwi qui a fait descendre sur rol [Muhammad] fu' ,r r /r' \ | rt tmme s, il fallait né c e s sairement que le Texte rév élé
Livre. On y trouve des versets univoques, qui sont la Mèrr ,,11,1i1 711vt les Qpes de méthodes de prcduction de I'as-
du Livre, et d'autres équivoques. Ceuxdont les crrurs incli- ,, ,itDil('ttl ef de la représentation. >
nent vers l'erreur s'attachent à ce qui est équivoque, cur r '' 'r l-dire que chacun a accès au Texte au niveau de com-
ils recherchent la discorde et sont avides d'interprétatiort I ,' lrr'rrsion qui est le sien : démonstratif, juridique ou rhé-
mais nul n'en connaîl l'interprétation >, etlà, deux lectures 1 r r,lre . Ibn Rushd justifie cette distinction par le fait
sont possibles, selon la ponctuation : <( sinon Dieu et le .t ,il,i ('\'l)oser quelqu'une de ces interprétations à quel-
hommes d'une science profonde. Ils disent : nous croyott.\ .;,, rrrr tltri n' est pas homme à les appréhender 1..'l conduit
en Lui, tout vient de notre Seigneur )) ou << nul n'en connaît ,..,,t r't'ltri à qui elle est exposée que celui qui I'expose ù
l'interprétation sinon Dieu. Et les hommes d'une sciencc ,4lttt(;lité >.
profonde disent : nous croyons en Lui, tout vient de notrc Ce point de vue peut
Seipneur >.
paraître élitiste auj our-
Cette dernière version d'hui, mais rappelons
est celle des tradi- qu'à cette même
tionnistes qui justi- époque, le paysan
fient ainsi une lecture chrétien n'avait pas un
des Textes : le sens de accès direct à la Bible.
certains passages Sa connaissance pas-
n'appartient qu'à sait le plus souvent
Dieu et tous, même les par les sculptures de
philosophes, doivent l'église.
croire sans chercher à
comprendre.
Ibn Rushd lit le verset
7 selon la première I.e Coraw, muttuscrit de l'épaque des Seldittulritles,
XX' siètle, r\trusée ethnugralthique d'Attktrn (I'urqufu )"
version. Lessentiel de
son argumentation en Aw \tItr' siètle, l'ôcriture nrttbe ile nalûit
rpte les consannes. trl étnit dttnc possibtre de.fuire
dépend. Cette version des lettures et des inrerprétaliotts diJ'féreilles des textes
permet d'envisager ét'rits" Par la sui{e, grûre à divtrs signes, il est pt;ssihle
plusieurs niveaux de tle prétiset' {ts ta"yelles ou le sttn de k! tttl$attîte-
A
MUNICIPATE 25
24
I

ltli AvrnnoÈs - leN Rusuo L'Guvrc o'lnN Rusno


lll

La tradition épuise-t-elle les interprétations t ,l'lriltrsophe dispose d'un instrument(organon en grec)


des Textes? 1.
,'rr rrccéder à la spéculation philosophique : la logique
A partir du moment où il y a des connaissances qui doivent reste r
| \r r\l()te.
cachées au cornmun des croyants parce qu'il ne peut les com- I rr,' , 'b jcction a pu être opposée à Ibn Rushd : dans la mesure
.r, r t'ne logique était d'origine grecque, elle ne pouvait s'ap- l.'École d'Attrènes,
prendre et donc ne peut en connaître la vérité, Ibn Rushd pensc s q tte d e Rttp h uë I,
.fi'e
que les hommes de science du début de I'islam ont pu gardcf t,l',tn('r'à la Loi. Ibn Rushd réfute I'argument en affirmant l5lI, sttllt
secrètes des vérités qu'ils pensaient ne pas avoir à diwlguer. i rrrtorrornie de la technique. Il n'y a rien à craindre de cette de fu Signanrt
ri , 1ilil(lt-lc si elle est bien maîtrisée : au palais du Yaticax.
Ibn Rushd introduit une notion essentielle, celle du temps ;

Irrtr'nlir€ l'étude des ouvrages de philosophie à ceux qui ,lu certtre, I'laton
< Il est impossible d'établir l'existence d'un consens,ls sr1/'
Ievort.t le doigl r(rs
une question donnée à une époque donnée sans avoir rigott- , \,,ttt (tl)les parce que l'on supposerait que c'est à cause le tiel :lristuttt'
el
reusement circonscrit cette époque. ,, Ainsi, la réflexion du ,t, i r'trttlr, cle ces ouvrages que certains hommes parmi les tentlunl h Tttruttte dt
philosophe n'est pas entravée par celle de ceux qui I'onl , ,,rt rtlti(r'ls se sont égarés, ne revient à rien de moins qu'à lo nmitt vcrs lu lerrr.
,'tt trlift, à une personne assoffie de boire de I'eaufraîche A gauthe, t'n ltuul
précédé. Les contradictions que I'on peut relever dans les tlet escdiers, orr
Textes signalent qu'il doit y avoir interprétation. , : ,tt:,t;(tl)le au goût, et que cette personne meurt de soiJ, au reconnuît de proJil
."..'ttl (lu( tl'autres, en en buvant, ont suffoqué et en sont Socrate et efi bas
de refuser l'apport des prédé'
Il n'est pas question pour autant
rrière
de s es t'al ie r s, de
cesseurs. Chaque philosophe hérite de leurs recherches : .. 11 I'ythagore écrivatil,
est évident que nous n'atteindrons notre but, connaître lc: llverroès en lurbun.
étants [ce qui existe] que si dans cette étude les uns relaietrt
les autres, et que le chercheur antérieur s'appuie sltr s()n
prédécesseur [...] ,
La matière est trop complexe pour être appréhendée par un
seul individu: o Il n'en est aucune [de sciences pratiquesl
qu'un homme pourrait concevoir à lui seul. Alors, n'est-ce yt:
le cas afortiori pour la science des sciences, laphilosophie ? "

Le philosophe musulman peut-il appuyer sa réflexion


sur des philosophies non musulmanes ?

Le musulman ne doit pas refuser I'apport des peuples anciens.


c'est-à-dire grecs surtout, non musulmans :
< Puisqu'il en est ainsi, il nous faut donc, si nous trouvott.\
que nos prédécesseurs des peuples anciens ont procédé ir
l'examen rationnel des étants et ont réfléchi sur eux d'unt
manière conforme aux conditions requises par la démon,s
tration, étudier ce qu'ils ont dit et couché dans leurs écrit.:.
Ce qui, de cela, sera en accord avec la vérité, nous I'accelt
terons de leur part, nous nous en réjouirons et leur en serott.\
reconnaissants. Quant aux choses qui ne le seront pas, nou:'
éveillerons sur elles I'attention, nous trertirorzs fies gensl
d'y prendre garde et nous excuserons leurs auteurs. >
26
AvrnnoÈs - leNr RusHo L'ctuvnr o'lpN Rusno

Le Discours décisif est aussi une æuvre politique écrite li


une époque où les Almohades veulent combattre le confor-
/)c
misme des juristes malikites. Ils souhaitent un retour aux
sources en matière de droit et encouragent la pratique de la
(,t |t,tw€wÊmr*E
philosophie. La chute desAlmohades entraîne avec elle cellc
dl Discours décisif lors du retour des juristes. Ce texte n'a
rlc { nuurr,ru
aucune influence à l'époque. Il n'est redécouvert qu'à la fin ,l' , lris',*{e
du XIX'siècle dans le monde musulman.
Dans le monde latin, ce texte ne corespond pas à la société ll'rr lir"rshd a passé une ir.."

N ln ttr t rl t k!,ti'ii n t rt ir! rt chrétienne où le droit n'est pas de même nature qLle r r,rrrtlc partie de sa vie à
,ri {-'at'rlutrt le droit musulman. Cependant, tout ce qr-ri , ,,rrrrrronter tout ce qui était

concerne la démarche philosophique, la néces- ,,'rrrrrr d'Aristote. sauf La


saire réflexion philosophique, c'est-à-dirc t',,lititlue, comme le lui
les premiers pas vers une pensée non uni- s.,rr I rlcmandé AbûYa'qûb.
quement religieuse, sera repris et dis- ildlrrru;:t.r'lr':t/ a ru k t: d u
l1 ,'\t (l'usage de distinguer ( Jl"uffi c.T d lrr-En.ll*ltllaïre
XIII' sièclc.
cuté dans les universités du [ '. 1r1'1pdt commentaires, les commentaires moyens et le dr T;r ,!{d{*p{rlriqu*
C'est la pensée juive qui continuc ,
"rrrlrcndium ou paraphrase. En fait la distinction n'est pas cl',1 nistrlfu.
l'ceuvre d'Ibn Rushd. Maïmonide. r'.rr l( )rl rs évidente. ir1il" rÊ r,{'Ï[j,& {.f"lis{ld"
-h fll' riiyrrlr"
dans Le Guide des égarés, avancc | ,'r 11r'lllrds commentaires sont une approche très minutieuse
des analyses assez proches clc lrr tr'rtt: d'Aristote. Chaque chapitre commence par une
celles d'Ibn Rushd, mais bierr ',t.rtirrrr textuelle précédée par < il a dit >, puis Ibn Rushd
que contemporain, il ne connaîl
t"r,'cr't)te tous les avis formulés sur le point étudié depuis
pas Le Discours décisif qtantl ', \rrtiLluité jusqu'à Avicenne. Ibn Rushd travaille sur plu-
il écrit son livre. La transmis r.r'lr s traductions en arabe et non sur le texte grec. Sa connais-
l
ir sion se fait par Isaac Albalag ,.irrr'r' globale de l'æuvre d'Aristote lui permet de combler
drl,
..
(vers 1270) et Moïse cir i'r,rincs lacunes ;elle lui permet aussi de mettre en évi-
Narbonne (1300-1362). sr rrr'r' certâifles incohérences dans la pensée d'Aristote dont
,'ri .rr r'uSe les traducteurs ou les copistes.
\ttu.\' udressons des louanges sans fin à Celui qui a dis-
(et homrne [Aristote]par lapefection et qui I'aplacé
',1,:u(;
,,.r1 rttt plus haut degré de la supériorité humaine auqwel
' ,', utt ltomme dans aucun siècle n'apu arriver ; c'est à lui

1.,, I )i c tt afait allusion en disant : " Cette swpériorité, Dieu


','. .t, r ttrd€ à qui Il veut." >
g, ,, lrlirnds commentaires ne sont pas une simple explica-
,,",ir rlc texte. Ibn Rushd ouvre des voies dépassant la pensée
Illillvsgple grec, comme d'autres penseurs arabes avant
i-r
1',,* ( 'e sont ces commentaires qui servent de base d'études
r',1\ ulriversités du XIII' siècle.
;
29 !-**d
AvrnnoÈs - leN Rusno L'(ruvnr D'lBN RU;HD

Aristote naît en 384 avant notre ère à Stagire, ville grecque


de Chalcidique au sud-est de la Macédoine. Le monde grec
ti
LE %l*if* n{-fî*ltâft*
est alors sous la domination du roi de Macédoine. Vers 366,
il va à Athènes pour étudier à l'Académie de Platon où il
reste jusqu'à Ia mort de ce dernier en 347 . En 343, Philippe
de Macédoine l'appelle à la cour de Pella pour assurer l'é-
!,, Rélntati*rt'Io {,r'Rôl**tir*t
ducation de son filsAlexandre jusqu'en 336, date à laquelle
Alexandre devient roi. Aristote retourne alors à Athènes où I r.rrrs le Thhâfut al-Falasifa (laréfutation de la philosophie)
il fonde une école dans le ouartier du Lvcée. ll avait cou- r,',lrsé vers 1094-1095, al-Ghazali tentait de donner un coup
tume de discuter en se promenant, de là vient le nom de ,| rr r ôt définitif à la philosophie grecque en islam. Il dénonçait
.

( péripatéticiens > (ceux qui se promènent) donné aux dis- ,, rrrr:t hérésies
dont trois principales : 1'éternité du monde,
ciples d'Aristote. ll meurt en 322 à Calcis en Eubée. l,r rrr-'gation de la connaissance des particuliers par Dieu et
L'æuvre d'Aristote est très vaste mais seule une petite partie l{' t('ict de la résurection des morts.
nous est connu e: la Logique, les Catégories,les Analytiques
où il traite du syllogisme et de la démonstration, Ies Topiques
llrn I{uqhd s'appuie sur la pensée d'Aristote pour réfuter al-
présentant la théorie du raisonnement dialectique, la Physique t ilrrrzali et expose sa propre pensée dans La Réfutation de
sur la nature, le mouvement, la Métaphysique, la Morale, ,t lit:luration (l 180 ?).
le Politique et aussi Rhétorique et Poétique.

1 y''0,tr,,,t 1,, {'/tc,'ttité ltt ttt{'nl(:


I lrrrrrent se pose le problème Le Coran, comme la Bible,
?
,f rt rlue le monde a été créé par Dieu.S'il a été créé à un
ir{)nlent donné, qu'y avait-il avant ? Dieu aurait-il changé
,l'rrlée ? Dans ce cas, peut-on encore dire que Dieu est par-
l,rrl 'l S'il change d'idée, qu'est-ce qui le distingue de
l lrontme ?

)rt nous demande comment Dieu peut bien avoir créé le


(

,,t!ut(le à partir du néant et enfaire un être à partir du non-


, t n'. Voici notre réponse : cet Agent doit être tel que sa puis-
t,ut('c soit proportionnelle à sa volonté et sa volonté pro-
:'tn tionnelle à sa sagesse, faute de quoi sa capacité serait
;'lrr,t .fàible que sa puissance, sa puissance plus faible que
'tt \'olonté et savolonté plusfaible que sa sagesse. Et si cer-
:,ttrrcs de ses puissances étaient moindres que celles d'autres,

'l rr'.t'aurait alors plus de différences entre les siennes propres


, t lt.s nôtres, tandis que I'imperfection l'affecterait comme
rllt' nous affecte. Quelle pensée blasphématoire... Aristote
,r rlit : tout ce qui existe au sein de l'univers n'est assemblé
,lur par la puissance qui provienT de Dieu ; si cette puis-
'\ t'it;lult
dlo{i*' ntnminu trut('e venait à faire défaut aux choses, celles-ci ne perdu-
de tr u lplnre lr€rdlt r (. ,,'rutient pas même l'espace d'un clin d'æil. >

30 3l
AvrnnoÈs - leN RusFlo
]l' L'æuvrc o'lsN Rusuo

L'étenité du monde est une idée aristotélicienne par excel- contenues dans le Coran. Néanmoins, Ibn Rushd pense
lence. Or cette notion s'oppose à la création telle qu'elle er;r c1u'elles peuvent être objet d'interprétation pour ceux qui
décrite dans la Bible, comme dans le Coran. Commert rrn sont capables. Ces versets peuvent être lus dans leur
accorder le dogme religieux avec la pensée d'Aristote ? Al sens littéral pour le peuple qui a besoin d'images pour
Ghazali considère que la création du monde a été voulul croire. Les autres peuvent les étudier pour accéder à un
par Dieu à un moment donné. Pour Ibn Rushd, si on pensr sens caché.
ainsi, il faut admettre I'apparition d'une cause qui aurai ,,\t"i!;tt)fu.
entraîné un changement en Dieu, ce qui nie sa perfection. ltaleilld en uç-ç{tt,
{)....,,",.:
-/*tt t
('{,IIItrlf ,9,9{dI1{'{, r{t":",r ," l. prt
< Chez l'homme el I'animal, le sens du terme volonté es: t{.t{{It !'.\ tt w te ww rr,; !.t u lt:t fu r
"
trlrtt.{ i t.t strv wtnt rit T
nl r.l't I t t! rl I ir il |
celui d'un désir qui suscite un mouvement en vue de par Selon al-Ghazali, Dieu voit tout. Dieu sait tout sur chacun {f, it' t'n t: :,; ii.t t'ri' t' I * lt tt u f t, t t t
achever une imperfection dans leur essence, mais il esi cl'entre nous : il est omniscient. Mais, pour Ibn Rushd, Dieu
tltr, t':ltrit(t,
inconcevable que Ie Créateur puisse éprouver un désir erL ù tit::; t;Iudiatrt';
connaît les hommes d'une science constante, c,est-à-dire 4\ ti|,:t f,' I d., I r {. ( \
raison d'une imperfection de son essence, car ce serait alor,t cl'une science divine qui n'est pas de la même espèce que
"

ft,f u tt u.ttt"i !
la cause d'un mouvement ou d'une action en lui-même oLt la science humaine. Il ne faut pas prêter à Dieu un raison- tlt, t re t t t ts i.î it:
!.r't X:srt tw i
en quelque chose de dffirent de lui. > nement humain. du )î{n!'siùc[u.
Cette notion d'éternité du monde permet à Ibn Rushd d'in- liiftliotftèr1we du wut sée
rl r' lkt k atrt i li uwrq, f ,
sister sur le fait qu'on ne peut appliquer à Dieu la termi- I r tu n
X.t

f; w I {'l'tt rtXu it: ).


nologie humaine. Il appuie sa démonstration sur la notion
de temps : si on considère que le temps est créé à uir
momenq il existe après avoir été non-existant ; or la notion
< après >> est une dénomination d'une partie du temps ; le
temps aurait donc existé avant d'être produit, ce qui est
absurde.

X y.r,'r,yrr,', nlo l',n,i{r!


'lr'
* Intellect agent : < prin- /'intc{{r:r't
cipe actifde la connaissance
intellectuelle qui illumine S'appuyant surle De Anima d' ArisIote, Ibn Rushd présente
les intelligibles contenus en
puissance dans l'âme hu- la pensée comme une substance unique et séparée, jointe
maine. Dans la tradition phi- occasionnellement aux âmes humaines. Il y aurait un seul
losophique gréco-arabe, esprit universel et éternel qui anime tout I'univers, donc tous
I'intellect agent est assimilé
à une substance séparée, une les hommes aussi. Chaque individu reçoit cet intellect* le
intelligence du cosmos temps de sa vie.
unique à tous les hommes.
Dans la tradition latine, l'in- A partir de cette théorie, certains en déduisent qu'il ne
tellect agent est au contraire peut y avoir de résurrection, ni de vie après la mort. Ibn
considéré comme une par-
tie de l'âme >. Rushd ne va pas jusqu'à remettre en cause le sens littéral
A. de Libéra dans Penser au du Coran à propos de ces deux derniers points. La résur-
Moyen Âge. rection des morts et la vie éternelle sont deux affirmations
32
-) -l
fil
lll* t {,.{ j}l't" i t' t/"{
I

Ibn Rushd s'inscrit dans une longue lignée de penseurs musul- trt, t'aide, toi, en îe séparant de ces
compagnons. Mais main_
mans auxquels il fait référence ou auxquels il s'oppose. I(ttonl l'heure de cette séparation n'est pas encore venLte :
u,t terme lui estfixé, que tu ne peux anticiper Il.faut
donc te

,.,
"l
{- t, rIt'il1'I
./r ,
{|f('-!),;{')
\
I t)ntenter pour le moment d,unvoyage
tt('tion; tontôt tu es en route, tantôt tu
coupé de halte et d,in_
fréquentes ces com_
l,(t,qtnns.Chaque fois que tu t,esseules pour poursuivre ta
Philosophe turc d'expression arabe, il vit à Bagdad et Damas tttttt't'he avec une pa{oite ard.eur, moi je
fais route avec toi,
sous les Abbassides, à l'époque où le califat s'affaiblit facc e't Iu €s séparé d'eux. Chaque que
fois tu soupires après eux,
à la montée en puissance des émirs arabes puis iraniens e-t ttr ttt'complis un revirement vers eux, et
îu es alors iéparé de
enfin celle des sultans du clan des Seldjoukides. ,,toi : ainsi en sera-t-il jusqu'à ce que vienne
le moment où
La réflexion d'al-Fârâbî s'organise autour de deux axes. I I tu n)iltpras totalement avec eLlx. >)
cherche à concilier la religion et la philosophie d'une par"t. Extrait de Hayy ibn yaqzân traduit par Henry Corbin
et d'autre part à accorder les philosophies d'Aristote et cle l.)rrns ce.conte initiatique, il met en présence
un homme pré_
Platon. Pour lui, le chef politique doit réaliser I'unité de lrr ,lrrlxrsé à découvrir un monde inconnu et un vieillard
étemel-
religion et de la philosophie : c'est I'imam-philosophe. ll flrrrc'rrt jeune, Hayy ibn yaqzân,le Vivant
justifie ainsi I'idée d'un pouvoir fort, à la fois religieux ct Fils du Mgilant. Le
rrcillard représente l'intellect agent (voir p.32) qù permet
politique, dans une période de remise en cause de ce potr l .rr't'ùs à la connaissance. Les co-pugnonJde l,homme
sont
voir : le califat. !'r lrrcr-rltés de l'âme qui peuvent le gêner dans sa quête de l'idéal.
| ,r lrcrrsée, selon Avicenne, peut être un progrès quotidien,
"9'[r, .$inri ()t,t . ''tt,icerwrc (sr{'-tt', rllt' 1)crfiet une assimilation progressive de la sagésse.
\r rr'c,ne est proche des soufis* dont la démarche ésotérique * Soufisme : doctrine
Ibn Sînâ est un philosophe persan. Son æuvre est tradtrrt, hrt unc place importante à I'illumination, que I'on peut mystique qui s'est déve-
cotn_
en latin à Tolède : ibn Dauf, juif arabophone, traduit ,1, 1*.rrt'r'ir I'extase, et qui permet d'atteindre I'Unité divine. pour loppée à I'intérieur de I'is-
l'arabe en castillan ; Dominique Gondisalvi, chrétien. tlrr ljur, tl n'y a pas de contradiction entre ce qui est donné par le
lam depuis le VIII" siècle.
Par des exercices phy-
duit du castillan en latin. Ainsi 1' æuvre d' Avicenne est-c I I, d.r \r )n ncment philosophique et
ce qui l, est par I' illuminàtion, siques et spirituels. le soufi
la première grande æuvre philosophique portée à la connrri' ,1,rr ,rlrporte une plus grande clarté. tente de libérer son esprit

sance de I'Occident à la fin du XII'siècle, avant que ce llt


des exigences de son corps
pour atteindre une union
d'Aristote n'ait été traduite. personnelle avec Dieu.
It /'tt t
< Alors ie demandais au Sage de me guider sur le chetttt'
du v oy ag e, de me mont re r c omment e nt re p re n d re Llt't r o.\ t t' r
Il-\ilru:tli ( tr',is- | | | t)
*A 'origine.
tel qu'il enfaisait lui-même. Je le fis sur le ton dont ltlrr ll ( ihrrzali est né en Iran oriental. Sa formation le met
en
f le kûaluntra-
duisait le terme grec logos,
vait l'en requérir l'homme qui en brûlait d'envie et en ttt ,t: i,,'nt,rr'l lvec tous les courants de pensée .. la parole. Puis il dési-
de l,époque : la phi_ "
le plus ardent désir Il me répondit : Toi et totts ceLtx tl"t lr,'r.'l'hrc grecque, l'ésotérisme soufi, la gna une théologie fbndée
théologie musulmàne. sur I'usage de la raison.
la condition est semblable à latienne, vous ne pouv€z€ttttr !pp1'1,'; ir la cour de Nizâm al-Mulk, vizir des
sultans seld_ Læuvre philosophique de
prendre le voyage que je fais moi-même' Il vous esî inte t,lt ir"n'\rrlt's qui avaient pris le contrôle du califat abbasside, il al-Chazali eut un grand re-
tt,,,'n , lrrlgé tentissement dans tot-lt le
à vous la voie en est fermée à moins que ton heureux dt's r r d'enseigner le khalam ash'arite** à Basdad. monde musulman.

35
i

Lrs pnÉcunsruns
raN RusHo
1
ll llF:i:ln;+"
lir
L'arrêt qui départage la croyance de Ia mécréance
Dans
al-Ghazalt distingue ce qui sépare I'infidèle du croyant 'l(,n ''[Jt ijç1 (rLt ,, ,1uor',yru:e (fin ,I[ -trtrt)
l'infidèle ne reconnaît pas la parole du Prophète, le croyani { )r'iginaire de Saragosse en Espagne, il doit se replier vers le
croit que tout ce qui est énoncé par la Révélation existt:
rrril après la prise de la ville par les chrétiens. Il meurt en
d'une façon ou d'une autre.
I I 19. C' est d' abord un scientifique. Il a commencé ses études,
ou L' I n c o hé ren c e d e s p h il op h e't
D ans Tahâfut a I- Fatâ s fo os
,lit- il, par la musique et I'astronomie, a poursuivi par la logique
il réfute al-Fârâbî et Ibn Sînâ, deux philosophes aristotéli- ,r rravers 1'étude d'al-Fârâbî avant d'aborder la physique.
ciens. Al-Ghazali distingue dans la pensée d'Aristote les | 'rtuvre centrale d'Ibn Bajja a pour titre Le Régime du soli-
sciences telles que les mathématiques et la logique, qui n'ont
t,tit'c. Elle est élaborée à 1'époque des Almoravides, époque
aucune incidence sur le dogme religieux, de celles qui peu ,l'intolérance religieuse et d'hostilité à la philosophie. Ibn
vent se ftouver en contradiction avec lui comme la physiqut: llrryya imagine I'idéal de la sagesse dans le solitaire, qui par
et la métaphysique. Il repère seize propositions métaphy- I r!r constant et profond travail sur lui-même arriverait à I'ascèse
siques et quatre physiques en contradiction avec le dogmc' rrrlcllectuelle en se tenant à l'écart du monde.
Trois d'entre elles sont très graves car elles sont en oppo-
l'orrr lui c'est par la raison que l'homme accède à la connais-
sition avec la pensée divine.
\,u)ce pure de I'au-delà, alors que pour al-Ghazali c'est I'expé-
- Sur la science divine : Dieu, d'après le philosophe, nt rrcnce mystique qui y mène. Le sage d'Ibn Bajja n'est pas
connaît pas les particuliers mais l'humanité en général. Ai l'rrrram-philosophe d'al-Fârâbî, puisque au départ il s'agit
Ghazali réfute en disant qu'à ce titre, Dieu ne connaîtratt ,l'rrn homme comme les autres et non de quelqu'un désigné
pas Muhammad en particulier. , r)n)lne dans le cas de I'imam. Le solitaire d'Ibn Bajja n'est

- L éternité du monde soutenue par Aristote contredit lrr l';rs le moine chrétien, car il vit dans le monde où il se veut
création. i'trf un citoyen idéal. Ce sage n'a autorité sur personne et
d'Aristote, al-Fârâbî ainsi qu'Ibrr |('lsonne n'a d'autorité sur lui.
- A partir de la pensée
Sînâ soutiennent que I'essence de I'homme est intellee:
Dieu, il doit se débarrasser de toute ,lt 7 I I lt t rt,t :lfr. .-l
tuelle. Pour rejoindre
mat&ialtté: il n'y a donc pas résurrection des corps aprÙs ['tt ')ttltttl[
| rtt l{'rtku't't' (rk:l'til \ Il' - t tt;1
la mort alors qu'elle est explicitement contenue dans !t'
\r' ir Guadix en Espagne au début du XII" siècle, il reçoit
Coran. ,l'rrbtlrd à Cordoue une formation de médecin. C'est d'abord
La doctrine d'al-Ghazali cherche à fusionner la démarcl't' r'n r'ctte qualité qu'on le connaît: il est 1'auteur d'un long
philosophique, la démarche juridique et le mysticistne 1,,,i'rne mnémotechnique de 8 000 vers sur la médecine. Il fut
cette conciliation est tentée dans La Revivification dt': l,' rrrédecin privé à la cour du sultan Abu Ya'qûb Yûsuf. Il
sciences de la religion. 11 s'agit d'appliquer intégralemeiit 'ti'rnissionne de ce poste en I 182, date à laquelle il est rem-
la Loi. La parole divine en est la source principale. Une fors l'lrrr'é par Ibn Rushd. Il meurt en 1185 à Marrakech.
celle-ci exposée, il n'est pas nécessaire de foumir des preuves ' f 'lrilosophe, on lui connaît une æuvre essentielle, Le Vivant
on peut néanmoins argumenter, la raison intervient a po:' I tlt tluVigilant (Hayy ibnYaqzân).Il veut < révéler ce qu'il
teriori. Ce dernier ouvrage fut brûlé en 1109 devant la mo:'
;', jut't'u des secrets de la philosophie illuminative communi-
quée de Cordoue à la demande du sultan almoravidc ,1rtt;t' par le maître, le prince [des philosophesl Abu 'Ali ibn
L' individualisme prôné par al-Ghazali apparaissait comnre \tttti >. Ce roman initiatique reprend le titre de 1'æuvre d'Ibn
un f'acteur de discorde. rrrri rnais s'en démarque sur le fond.
tt il
' -]-$l*--$
'1,{"0 r"r,{irg * I l.ç {'wpg ffi fiffifi*

L islam est une religion monothéiste apparue au VII' sièclt \1ul-rammad parle de ces révélations et le cercle de ses adeptes
en Arabie. Le mot islam sisnifie littéralement << soumissiol i onrrleflce à s'élargir. Sa prédication inquiète les riches com-
à Dieu >. rrrcrçants, qui craignent en particulier qu'elle pofte toft aux
:retivités liées à la présence de la Piene noire. De plus' les
;,r'crniers disciples se recrutent parmi ceux
qui souffrent le
L{).."ft". ",/.r.r..(
t' t I't'lltt({ lrlrrs des mutations de l'époque - les esclaves, les vaga-
lronds -, très sensibles à la dénonciation de l'injustice et à
Muhammad naît vers 570. Après une éducation auprès cll .ulle de I'usure. Aussi les menaces se font-elles de plus en
tribus nomades, il entre au service d'une veuve commerçantr: plrrs précises contre Muharnmad. Il se résout à quitter La
de La Mekke (La Mecque), Khadîja, qu'il épouse. \lckke pour Yatrib, qui prend le nom de Médine, en 622 :
Cette première période de la vie de Muhammad témoignt' r. cst l'Hégire (dtmothiirasignifiant < émigration >)' L Hégire
des mutations que connaît la société, qui jusqu'à présenl lnrrrque le début du calendrier musulman . De 622 à 632, de
était dominée par les pasteurs nomades, les Bédouins, alorr; \{édine partent plusieurs expéditions pour soumettre La
que se développent des villes en liaison avec le commerc(: \'lckke ainsi que l'ensemble de la péninsule Arabique'
caravanier. Les nomades étaient organisés en tribu, à la foir; l:.n 629,les Mekkois se convertissent à f islam tout en conser-
unité économique, sociale, politique et militaire, autour d'urt r lrrt leurs privilèges. Le pèlerinage est maintenu puisqu'il est
ancêtre commun. ,lrrns les obligations que doit respecter tout musulman' La
Le développement du commerce ne pouvait accepter lr' ( ()nversion des tribus alentouret de la péninsule Arabique suit'
a Razzia: incursion faite système des razzias* auxquelles se livraient les tribus. Lr
en territoire ennemi afin long des routes caravanières grandirent des villes commr-
d'enlever les troupeaux, de
lnire du butin. La Mekke installée sur un point d'eau et près d'un sanc-
tuaire pré-islamique autour de la Ka'ba, monument dant;
lequel est ensemée la Pierre noire donnant lieu à de nom
breux pèlerinages.
Dans ces cités, une nouvelle hiérarchie sociale s'impose
Au sommet, on retrouve les grandes familles riches. En bal
se situent les esclaves.
+* Oligarchie : régime po- L autorité est assurée par une oligarchie** dirigée par lr
litique où I'autorité est entre
clan des Banû 'Umayya (nom qui donne Omeyyade).
les mains de quelques per-
sonnes ou fàmilles. C'est dans ce contexte que Muhammad, délaissant de plu:
en plus ses activités commerciales, fait de longues retraite',
Mausolée de
dans une des grottes proches de La Mekke. Selon la tradi
Salâh al-Din
tion, c'est là qu'il voit à plusieurs reprises l'ange Gabrie, (Saladin), I l9-1,
qui lui apporte des messages de Dieu. L'ensemble de ces ù l)ttmas
x** Coran : récitation > messages forme le Coran***, véritable parole de Dieu pour (près de la Mosquée
"
en arabe. ameyyade).
les croyants.
39
38
I
AvrnnoÈs - leN RusHo L'tstau

A la morl de Muhammad, en 632, se pose le problème de I {)'^ I


succession : les tribus nomades veulent le retour à leur autc * d,\ff,dlJf"
nomie ; Médinois et Mekkois revendiquent chacun la suc I 't'
.ç{:1,ç rri:cr;{eEf'fr-:9.ç, .89,5 fa/E"ç
cession ; dans le clan des Mekkois, la famille de Muhammarl
s'oppose aux autres clans qui refusent le cumul des pouvoir,,
l.'cnsemble de la communauté musulmane ne présente
religieux et social dans les mains d'une même famille.
;rucune unité religieuse. La connaissance des différentes
Une consultation ne concernant qu'un petit nombre d.' obédiences et des différents rites est nécessaire pour com-
familles désigne un Mekkois, Abû Bakr, père de 'A'isha, i,r prcndre ce qui a pu être un enjeu politique à l'époque d'Ibn
plus jeune épouse de Muhammad, comme premier calit!. Itushd, car f islam est une religion mais aussi une organi-
Les deuxième et troisième califes furent désignés de la mêm,r
façon, mais dans une atmosphère de violence ; ils furer,i 'rrtion politique et sociale.
t lnc obédience regroupe des personnes qui se reconnais-
tous deux assassinés.
rr'rrt dans un certain nombre de grands principes. Elle peut
Ali, gendre du Prophète, se proclame alors calife à Médinir. rtfc religieuse, philosophique. Les rites précisent, à I'inté-
ce qui est contesté par deux camps : celui regroupé autot.l' rieur d'une obédience, les différences d'organisation, les
de 'A isha, celui soutenant le cousin du dernier calife assar- r)uances d'interprétation des textes de référence.
siné qui appartient à la famille des Omeyyades gouverneu.r s
I )rrns I'islam, les rites sont liés à des écoles juridiques. Les
de Damas. Les partisans d'Ali, après avoirréduit le premit:r
It'rtes (Coran, Hadith essentiellement) ne disent pas seu-
camp, doivent accepter un arbitrage en faveur du gouvel
lr'nrert ce qu'il faut croire, mais comment on doit se com-
neur de Damas. En 660, Ali est reconnu calife en Irak i. r

Iran actuels ; de son côté. l'Omevvade est reconnu caliiu' [)()rter. Tous les aspects de la vie courante sont concernés
en Syrie, Palestine, Égypte. Hlj;;.Il transforme alors l,-' ['rrr la loi religieuse : I'héritage, le divorce, les peines à
(utnptmtut rIrrrneren cas de crime, etc. Il n'y apas de loi larque. Comme
desAukd Suitl duns califat en monarchie héréditaire.
k's Textes peuvent être interprétés, cela donne lieu à diffé-
le dësefi rnu Sittui'
Cette histoire mouvementée des débuts de l'islam expliqr.,t rt'rrtes écoles juridiques, donc à des différences très sen-
pur D" liabtr{s,
1,t'"19. les divisions, encore actuelles, qui existent depuis '
'.rbles pour les sociétés concernées.
VII'siècle.

?o 11,ti c.\t ((,rlttttttn


û lr,tt's la,s tlnt,\trlttt(tn.\
I r' Coran fut d'abord un texte transmis oralement, ce qui
{' \ l) I ique sa structure d'ensemble proche de celle du poème.

1 cs versets sont regroupés en 1 14 chapitres appelés sou-


,;rlcs, par ordre décroissant de longueur. Le texte n'a été
lrrc' par écrit qu'après la mort de Muhammad, entre 634 et
t'5 l. I y eut plusieurs versions jusqu'en 935, date à laquelle
seule a été retenue. Aujourd'hui, tous les musulmans
'rrrc
rrr' r'cconnaissent qu'un Seul texte.

10 4l
I

AvrnnoÈs - leN Rusln L'tstau

Tout musulman doit adhérer à quatre actes de foi : l)ieu et en Muhammad


son prophète, les cinq
- la foi en un Dieu unique qui est à I'origine du monde ;
prières quotidiennes, le
- la foi en la prophétie en général et à celle de Muhamma'X 1cûne du ramadan,
en paniculier ;
l'uumône légale et le
- la foi dans le fait que le Coran. l'Évangile et la Torah sor,l
Pù'lerinage à La Mekke
des livres de Dieu :
I)ollr ceux qui le peuvent.
- la foi dans le Jugement dernier. \Lr.jourd'hui, le sun-
Pour le reste, les lectures du Texte (dans le sens de cotl nisme se répartit en
préhension) peuvent se multiplier à f infini, ce qui expliqi '' r[ratre rites qui corres-
les différentes obédiences musulmanes. pondent à différentes
cr'oles juridiques :

{,) i I ' l" le rite hanafite


l* l'.', 1t'i,{.', lll"ill{'ili{,1{{,,\ {,d'g{'1di'li('{',1 ( {)ncerne la moitié des
t! \ilnnites. Il retient
L'ibadisme est 1a première obédience distincte de I'isl;lr;r , onrrrre référence dix-
Elle est née de la dissidence d'une partie des partisitrrs
d'Ali en 657 (voir p. 40). Ses adversaires I'appellent i,' 't'pt Hadith, ce qui laisse
rrnc large place à I'in-
kharijisme.
r'' I I)rétation personnelle
Aujourd'hui très minoritaire (lo/o des musulmans), ou l,' ,lt's.juristes ;
trouve essentiellement dans le sultanat d'Oman, le M; 'rl,
le rite malikite se pré-
en Algérie, dans l'île de Djerba en Tunisie. Ils vivent a' ,',
:('ntc comme étant le
discrétion en pratiquantla kitmân, c'est-à-dire la dissir-i,ir
1'lrrr proche des Textes :
lation.
It' rite shafite procède
Le chiisme concerne 15 à 20 o/a des musulmans. Il n" ,
cepte d'imam que parmi la descendance du Prophète plr ,'
i'.u étapes : pour
i'r('ndre position sur un
fille Fatima et son gendre Ali. Il ne reconnaît pas la Sti l ',rr;t't. On prend en
(voir note p. 10). ,
' rrr
r pte d'abord le
Parmi les chiites on distingue les imamites, majoritairt-' { rrlttl, puis la Sunna du
(

Iran. Pour eux, l'imam est désigné par Dieu parmi les ' i'rrrpltète, puis celle des
cendants d'Ali. Pour certains il y en a eu sept, pour d'au .,nrl)agnons du prophète et enfin le consensus (voir p. 18).
douze, et depuis ils parlent de << I'imam caché >, appel' rl i.,uirr)Ll toutes les possibilités ont été envisagées, alors on
Mahdi, dont on attend le retour pour délivrer le moncl ;' Lrt laire appel au libre examen ;
Les alaouites en Turquie et Syrie, les ismaïliens ainsl 1rr l(' rite hanbalite refuse le raisonnement par analogies car
les druzes du Liban sont des groupes minoritaires de l"' ' ', .rilnifie une opinion personnelle par opposition au texte
dience chiite. , ,, rti. De plus, il croit à la prédestination.
Le sunnisme regroupe aujourd'hui 80 7o des musulllr rr
Iladhère aux quatre actes de fbi (voir ci-dessus) et pli r

les cinq piliers de I'islam : la profession de fbi en ul


42
,#* ,r%{arirteyr,{Â& l ttt ,ffff' e\ {l
sî{! {:t€,

Le bassin méditerranéen au XII' siècle est un carrefour otl Dans la Méditeruanée musulmane, le pouvoir n'est plus dans
se côtoient, se connaissent. s'affrontent aussi les mondes; les mains desArabes, ni à I'Occident, ni à 1'Orient. Le monde
musulman et chrétien chrétien ne présente pas plus d'unité.

li.,:t ft,'[ { rl i I't: t' t'':r :r It


r'Pcli
r-,t',, .1',f ./",1
nJ
V
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q
n/ PnrrucrpnurÉs
1 ,loru
* | Russes
Snrrr-EurprRe \
i')E
ROMAIN .loL I Evunn BvZANTIN
GERMANIQUE
llfEn 1118,
| 1t, du règne
I ltl'Alexis Comnàne
L_l

llJVers 1180,
Motton vusutatx | )règne
I Jde Manuel I"'
[l Possessiozs f;:l
) )berbères
I| lalmoravides
| puis almohades

Erars urtNs o'ONsur


f )Terres
I lreconqutses flRoyaume
I| lp", les royaumes | ' .1 de Petite Arménie
) chrétiens

.l
f Posse^çsions l-] Comté d'Edesse
I lara.bes
l' ) t+ nls)
I| lPuts turques
| (Seldioukitles)
et kurdes llPrincipauté
(Ayyubides) " I d'Antioche

lo)Comté
r 'ldeTripoli
DU PAPE
llÉrort
l.l llRoyaume
f,,] I l lde .lérusalem
!-t
44 MiJNICIFAt€ 45
.oil-!tl .llr':'lj
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ll
AvrRnoÈs - lsN Ruslo La MronmneNÉr au XII' sÈcLE
tl

S ,:-.r
î tt
':4.-'{-. rprrirrrls r/tt"ôf{eyt
1...'',, o t tf ,,,'r, {,t7 :r*t tin {,, ll,,,rt*r,in
Il se considère comme le seul successeur de l'Empire romarl
dont il a hérité I'organisation politique, s'appuyant sur Li r

effrcace réseau de fonctionnaires et sur une armée permr


nente.
Haut-lieu de culture ininterrompue depuis l'Antiquité, l'en,
pire byzantin a pu préserver cette civilisation de l'écrit qrri
conserve les lois, transmet les ordres, enregistre les impô{:;.
garde la mémoire du passé. Cet Orient chrétien de langi,,'
grecque ignore le latin occidental. 5én* nil u t:"

tn a nrs.t; ! ù rc t'i:; tl e ru: ie t t


En 1054, le schisme religieux provoqué par le patriarchrr Malgré ces faiblesses réelles, I'Occident entame une phase d* Xf {' siltls
Michel Keroularios (Cérulaire) éloigne un peu plr s tl'expansion, en particulier face aux musulmans. C'est la prùs de f,iuwles"
Constantinople de Rome. lleconquête en Espagne dès le VIII' siècle, c'est la reprise rla.ws lt \/uurîust:,
dlsI c$tttitr rî; il {l{tt !.\
Au XII' siècle, la puissance byzantine est en retrait sur ll tlc I'Italie du sud et de la Sicile par les Notmands au XI' siècle,
un vu{!*tt rtîitr,:
plan économique. Son territoire est attaqué sur toutes kt \ e 'est la formation des Etats latins d'Orient au XII' siècle. Ir$';tt't;ti
frontières. En 1071, des chevaliers normands mercenairc:, ytur lu.,!itnartt ol,t "
r ( r !'tr i *
du pape et des Lombards conquièrent le sud de I'Italie ; lc. {..} rl !.:; t i t t.it t t,.
l-.{"r { ,{rtf ,,; {u{iu.ç d t'l t'intf
t

It:; lt'rti.:, 7:t*t'iiit :i


Byzantins sont battus par les Turcs à Mantzikert. Le bas trci tl i.! i.rs t n r ! !':,;
* Basileus : nom donné leus* fait alors appel au pape pour obtenir son aide à recrutr:r
s

lrn appelant à la première croisade en 1095 pour délivrer t-l'titm n'mntt/.i.tt t: :


à I'empereur byzantin.
des mercenaires. C'est I'origine de la première croisade. lcs Lieux saints pour les chrétiens, c'est-à-dire le saint lsr- Jir:rr.r' tlr tr:tt'i.i':t'r "
éy4list ut t*tî.trr: ^",
La rupture avec I'Occident est totale après le sac ci,' sépulcre à Jérusalem, le pape veut s'affirmer comme puis-
!vt lictt.:t tlt: o,ti.t:

Constantinople lors de la quatrième croisade en 1204. rance spirituelle et temporelle. d de trwv,*i.[


Au cours du XII'
siècle se déroulent quatre croisades : la tlpt *utiitet
r,i. f ( hàlitil.t:tt1
'l , ('!!t'L,ltut
!.{'/l\ /('t"t{{(,il1 I ,,. lrremière (1096-1099) et la deuxième (1147-1149) sont des pn;r r *t'r:'unt#it
succès pour les Francs. Ils affrontent des Turcs affaiblis par !tt t,!r;iit ttr,s
rles divisions.
Cet ensemble apparaît très en retard par rappofi à 1'Empir
byzantin. Le morcellement politique juxtapose de petitc , Les Francs forment des Etats politiquement et militairement
entités rivales ; les monarchies capétiennes ou du Sairri plrissants, s'appuyant sur les villes et les fbrteresses qu'ils
Empire romain germanique sont faibles, à I'autorité contesté, eonstruisent, mais ils restent fragiles socialement. Ils sont
i solés à f intérieur de leurs propres Etats. Ils sont aussi isolés
Sur le plan économique, I'activité rurale domine, les villr,
tlans I'ensemble de la région : les Byzantins n'ont que peu
alnorcent une renaissance, mais seules les villes d'Italie sor
de considération pour ces êtres insolents, brutaux, grossiers.
r

très actives grâce à la reprise du commerce en Méditerranér


I)e plus, les Latins n'ont pas tenu leur promesse de rendre
.

La culture est essentiellement orale. Les monastères sot I


lcs territoires d'Antioche et de Tripoli, qui faisaient partie
les seuls lieux où I'activité intellectuelle aété oréservée. rle I'empire byzantin.
16 11
AvrnnoÈs - leN RusHo
F La MrotrcnnaNÉr eu XII, stÈcLt

Les deux croisades suivantesl


celle de 1 1 89- 1 792 et celle cir Ufd MÉ$ËC*N AftÂ&f
1202-1204, marquent le reflur T$fr,lûtçNIË
des Latins. A partir du milier
< On me prés€nta un chevalier qui
du XII' siècle, on assiste à urr avait une tumeur à Ia jambe et une
renouveau de la puissance pol r femme atteinte de consomption*.
tique et militaire de I'islam. C,, Je mis un emplâtre au chevalier,
redressement est dû à Nûr ai la tumeur s'ouvrit et s'améliora ;
Dîn, puis à son neveu et suc je prescrivis une diète à la femme
cesseur Salâh al-Dîn (Saladin r
pour lui rafraîchir le tempérament.
Mais voici qu'arrive un médecin
A la mort de Salâh al-Dîr', franc, lequel déclare: "Cet homme
l'unité musulmane de cettr ne sait pas les soigner !" et s'adres-
région éclate à nouveau au profi i sant au chevalier, il lui demanoa :
des Mamelouks, esclaverl "Que préfères-tu ? Vivre avec une
soldats qui prennent le pouvo seule jambe ou mourir avec les
deux ?" Le patient ayant répondu
en Egypte, et des Mongol'
qu'il aimait mieux vivre avec une
venant d'Asie continentale. L,:
seule jambe, le médecin ordonna :
XIII' siècle voit Ia disparirio "Amenez-moi un chevalier solide
progressive de tous les Etar et une hache bien aiguisée."
latins d'Orient. Arrivèrent le chevalier et la hache
Kr:ruk, jorteresse
tandis que j'étais toujours présent.
troit;ée (l 142) Le médecin plaça la jambe sur un
daffiinnn.l frt rive billot de bois et dit au chevalier :
g n.ttt h t du .f u t; rdaiw, 9,,n{ l,it,n, e,sr,tr*is,ser' ? "Donne-lui un bon coup de hache
ew,fnrrlnwie u*uelft. f(:ut-(,tt pour la couper net !" Sous mes
l,r krnli de llf sah
Pour 1'Occident, I'expansion territoriale au Moyen-Orier,r yeux, l'homme la frappe d'un pre-
{ Ner* i;) e!;t taw stt'u it
fut sans lendemain. Sur le plan économique, seules les villc mier coup, puis ne l'ayant pas bien Illastratian d.'un traité ile chirargic
srtt' ti tt l:tfu.ttr:au ù italiennes ont profité du transport des troupes. Les échange coupée, d'un second ; la moelle (Ttu*quic, 1466) reprenant l' en+yclapédie médiealc
9ûû m d'a{titzule. culturels et scientifiques ont lieu en Espagne et en Sicii . de la jambe gicla et le blessé d'Ahulcosis, médecin ù Cordoue aa X' siàclc.
llef.it, les r:rais'ët; mourut à l'instant même.
nt r'ôl sie n.t
(voir p. 50 et suiv.).
ca N N v&st e Examinant alors la femme, le médecin dit : "Elle a dans la tête un démon qui est amou-
esntutt s'étendnwl Pour l'Orient, Byzance sort ruinée du sac de la ville par lc ,
reux d'elle. Coupez-lui les cheveux !" On les lui coupa et elle recommença à manger
.iusrsw'u {.* mer Maile. Vénitiens qui ont détourné les objectifs de la quatrièni de leur nourriture, avec de l'ail et de la moutarde, ce qui augmenta la consomption.
croisade. "C'est donc que le diable lui est entré dans la tête", trancha le médecin, et saisissant un
rasoir, il lui fit une incision en forme de croix, écarta Ia peau pour faire apparaître l'os
Pour les musulmans, les croisades ont provoqué une réar
de la tête et le frotta avec du sel... et la femme mourut sur le champ. le demandai alors :
tion sur le plan religieux : ils cherchent à approfondir ler,r
"Vousn'avezplusbesoindemoi ?"llsmeclirentquenonetjemlenrevinsaprèsavoir
réflexion pour prouver I'excellence de I'islam face au chri:, appris de leur médecine bien des choses que précédemment j'ignorais. ,
tianisme. Sur le plan politique, le bilan est moins positi
Raconté par Usâma (1095-1 1BB) dans Des enseignements de la vie.
Les guerres renforcent le poids social des militaires au ,
dépens de la bourgeoisie commerçante, ce qui entraîne un * Consomption : amaigrissement, affaiblissement dus à une maladie grave r:t prolongéo.
ceftaine sclérose des économies et des sociétés.
48
AvennoÈs - leN RusHo La MronrnneNÉr au XII' stÈcrc

"{}r., {iuu,*' ,l'i.,tlrn trTr


Pierre leVénérable, abbé de Cluny, demande
la traduction du Coran afin de mieux lutter
contre f islam:
Deux lieux témoignent de la rencontre féconde des culturc < Qu'on donne à l'erreur mahométane le
musulmane, juive et chrétienne, Tolède et la Sicile.
nom hontewx d'hérésie ou celui, iffime, de
paganisme, ilfaut agir contre elle, c'est-à-
:-/ t. I dire écrire. Mais les Latins et surtout les
' I ( ,l t'(l{' ,
modernes, l'antique culture périssant 1...1
i,l
'i/tft/,'{'f
ryt'{ttt{f f,,u7uo'
, t!,' {"{l},'u"lrlsrrl ne savent pas d'autre langue que celle de
lewr pays natal. Aussi n'ont-ils pu ni recon-
La rencontre des différentes cultures qui cohabitent dans r tmître l'énormité de cette erreur ni lui barrer
monde méditerranéen impose des centres de traduction t,', la route. 1...1Je me suis indigné de voir les
se côtoient des hommes d'origine et de formation difi' ltttins ignorer la cause d'une telle perdition
rentes. Tolède est un de ces principaux centres. at leur ignorctnce leur ôter le pouvoir d'y
Son histoire explique le rôle qu'elle a joué aux XII"-XIll résister ; car personne ne savait. Je suis donc
siècles. En 1085, Alfonso VI, roi de Castille et Ledn, conqui, , i tillé trouver des spécialistes de la langue
la ville qui était sous l'autorité musulmane depuis la conquô urabe qui apermis à ce poison mortel d'in-
du VIII' siècle. Les chrétiens récupèrent alors I'ancien, l'ester plus de la moitié du globe. Je les ai
5*u {Jltri,tat dt îc {ru:."
capitale du royaume wisigothique. ltersuadés àforce de prières et d'argent de sncfurtnt' ntostyuir
traduire d'arabe en latin I'histoire et la doctrine de ce mal- * tt :;Tyn i.{ t: ti u d {i f; u t
Les musulmans de Tolède sont libres de rester ou de quitl r

Ireureux et sa loi même qu'on appelle Coran. Er pour que la


t:

dt"t A{ sièt"fu,
la ville et conservent leurs biens et leur mosquée. Tolè,
lidélité de la traduction soit entière et qu'aucune erreur ne it''t t t t tj t t r t u t'L eu *.qTls i'
est la première ville musulmane qui passe intacte dans l, uu Klf'stvt.:k:,
vienne fausser la plénitude de notre compréhension, aux tra-
mains des chrétiens. it'{ u I i: d t: 1' [:.çrr-r,grr i.
tlucteurs chrétiens j'en ai adjoint un sarrasin. [...] Ce travail
r:

Au cours du XII" siècle, Tolède, essentiellement une vir u étéfait l'année du Seigneur 1142. >
frontière, subit de nombreuses attaques almoravides pri l'armi les traducteurs, un des plus célèbres fut Gérard de
almohades. Elle résiste grâce à son solide site défensif. C'r i
('rémone. né en Lombardie vers I 114.
aussi une ville de contacts entre le monde chrétien et
,, Par amour de l'Almageste (de Ptolémée) qwi ne se trou-
monde musulman, avec dans les deux la présence de no
trtit pas chez les kting il se rendit à Tblède. Y voyant l'abon-
,

breux juifs. Aussi n'est-il pas étonnant que Tolède devieri ,

rlunce des livres écrits en arabe dans chaque discipline et


un important centre de traduction une cinquantaine d'annr'
rléplorant lapénurie des Latins dont il connaissait l'étendue,
après sa conquête. De nombreux ouvrages scientifiquer
sont disponibles grâce à la politique culturelle suivie par
' ltoussé par le désir de traduire, il apprit la langwe arabe.
('onfiant dans son double savoir scienîifique et linguistiqwe
rois des Taifas (voir p. 9) qui attiraient à leur cour poèter r

| . . .l il passa en reyue tout ce qui était écrit en arabe. C'est


scientifiques.
ttinsi qu'il ne cessa jusqu'à la fin de sa vie de transmettre
L'Occident chrétien vient chercher les textes de base ù la latinité, comme à wn très cher héritier, les li.vres qui lui
I'Antiquité, profitant ainsi du travail de commentaire et d'a
l,uraissaient les plus élégants dans diverses disciplines, de
lyse qui avait été fait par les musulmans. Au-delà de la recheri Irr.façon la plus claire et la plus intelligible possible. >
de manuscrits, Tolède offre la possibilité à des hommes ver
Eloge funèbre de Gérard de Crémone prononcé en I I 87,
d'horizons divers de pafiager leurs connaissances. cité dansArc/rlves de l'Occident de J. Favier. Ed. Favard.l992.

50 51
AvrnRoÈs - leN RusHo Le MnnmnnNÉr nu XII' stÈctr

ll g I is e liu irtt- F ftitr ih e r t


ei' Iirrrr';lrr.ç | l'r*trt: t i "
l-'rr 5r"*.'i1*'
l:,* {,!::t:irf.et*,
Ir utrrintit:n de f* vie cullur"t C'est un monde à part, à la charnière des trois mondes chré-
:;'tlt fi.tit griit:t: it l'uctivité tien, byzantin et musulman.
itt fu ll e t: tt t t lf t: tl tti rn g t ttt :;l è r*
A la fin du XI" siècle, des chevaliers normands avaient
conquis le sud de l'Italie aux dépens de Byzance. Sous la
conduite de Roger Guiscard, entre 1012 et 1091, ils conquiè-
!,ï; r,,;1j1;,','1
rent la Sicile qui était sous domination arabe depuis 902.
ilts;.,-i 1; t,;,i1,,
Roger II (1 101-1 154), reconnu roi de Sicile en 1 130, fonde .iijy' .r;'t,:-'r,:.
Gérard de Crémorr,' une dynastie et s'installe à Palerme.
vient à Tolède pour tn! Une mosaïque de peuples témoigne des occupations suc-
duire I'Almageste :i Il y a 1à Italiens
cessives de l'île.
parlir d'un texte écrit e , r
et Normands, Grecs, Arabes, des
arabe, alors que dans [' minorités juives, arméniennes,
même temps. en Sicil, slaves. Chaque peuple conserve
une lraduction est fai' son droit, sa langue.
àpartirdu manuscril tlr L administration emprunte son
ginal en grec. Si Gérar 'i organisation à l'Orient grec
choisitTolède, c'est qu i I
comme aux Arabes. Les actes
pense avoir des contacts avec des savants et avec d'autr'.rr.
officiels sont écrits en trois
æuvres qui critiquaient les conclusions de l'Almageste.
langues : en grec, en latin et en
Uéloge funèbre prononcé par ses disciples fait allusion rr arabe. Les ministres sont indiffé-
quelques soixante-dix traductions dans les domaines k , remment grecs, lombards, arabes
plus variés : Aristote, Euclide, al-Faârâbî, I'optique d'r ou normands. Le roi vit à I'orien-
Kindi et surtout des textes de médecine : Galien, Ibn Sîr, r
tale avec eunuques et harem, va
(Avicenne), la chirurgie d' Al-Zahràwi (Albucassis). .Â,, r
au hammam, lit et parle I'arabe,
Moyen Age, toutes les sciences concourent à la connai,. se fait représenter en basileus.
sance de la création ; la relieion est indissociable de i,r
La politique culturelle brillante
science.
entreprise par Roger II est pour-
C'est àTolède, dans la deuxième moitié du XII" siècle, qu'e , i suivie par la famille des
traduit le traité De l'âme d'Ibn Sînâ. Marc de Tolède tri, Hohenstaufen après la défaite
duit, fin XII"-début XIII" siècle, tout ce que les Arabes o,,r des Normands contre l'empereur
transmis de l'æuvre de Galien ainsi que la science arabe ti,' du Saint Empire romain germa-
la médecine. Michel Scot traduit une partie de l'æuvru nique en 1194. A Palerme sont
d'Aristote et participe à la transmission de l'æuvre d'It',r traduits et commentés Aristote,
Rushd avant de rejoindre la cour de Frédéric II de Sicil' Euclide, Platon, Homère,
Le travail de traduction se poursuit au XIII'siècle avec c,rr Ptolémée à partir de textes ori-
particulier Hermann I'Allemand qui traduit Aristote, Itrrr ginaux ou des commentaires
Sînâ. al-Fârâbi. Ibn Rushd. arabes.
52 53
,,,.=ffi re;pea#r* r.rn'uN6 # | pews6s, d'r#{,n *u {rd
lireîuwairaure nral;e Moïse de Narbonne (vers 1300- 1362) cherche à rapprocher
r{w Xl[{'siùrlç la tradition talmudique* et la philosophie gréco-musulmane * Talmud : dans la religion
reytrésenîu.wl judaïque, recueil compre-
à travers celle d'Ibn Rushd, qui est pour lui le plus fidèle
,t!
N [lrt}tqte d' ho mmes nant la Loi orale et les
tli.scrtl.twtt. interprète d'Aristote. Il en commente les Commentaires enseignements des grands
< car la majorité des sages de notre pays ne semble pas en rabbins. Il fburnit un ensei-
gnement complet et les
avoir une idée claire
". règles à suivre sur tous les
I1 reprend fidèlement I'opinion d'Ibn Rushd lors de la cri- points de la vie religieuse
et civile des juifs.
tique de l'æuvre d'al-Ghazali, d'Ibn T[rfayl ou de Marmonide.
< La cause de nombreuses divergences à propos de l'âme
provient de ce qu'Aristote s'est exprimé de façon équivoque.
Énnt donné qu'Aristote est le prince cles philosophes sur
lequel nous nous appuyons tous, et que son traité admet des
inte rp rétations contradictoire s, chaque commentateur a lui-
même choisi ce qui lui semblait la véritable opinion du
Stagirite** f...f C'est enfait lbn Rushd qui est en réel accord ** On appelle ainsi Aristote

avec les principes d'Aristote. > car il est né à Stagire.

D'autres comme Gersonide (1288-1344) adhèrent de façon


plus critique à la pensée d'Ibn Rushd :

',Ir | ! t r t r,'
I t{1il.\ {{i {'!il't'{l('lfldit
i)(!t.\t'('
Au XIII" siècle, dans les universités nouvellement créées
à Paris, Montpellier, Bologne... I'enseignement consiste
dans la lecture et la discussion d'æuvres commentées sur
L æuvre d'Ibn Rushd est accessible en trois langues
des textes traduits au siècle précédent. En disposant des
arabe, en hébreu, en latin ; parfois en arabe eil cârâclr
commentaires d'Ibn Rushd les universités ont non seule-
hébraïques ou uniquement dans sa version hébraïque e
rnent l'æuvre d'Aristote (sauf La Politique), mais aussi
latine, le texte arabe étant perdu.
toutes les études précédentes qui avaient été rapportées par
Ibn Rushd.
rr J, .'
/lrrrr.q {u 'yt'rt,r*tr [)ans un premier temps Ibn Rushd fournit les instruments
llrurrcr qu'ils ont été définis parAristote :
tlu travail intellectuel tels
Toutes les grandes æuvres d'Ibn Rushd sont disponibli la classification : connaître c'est classer. Le verbe << être >>

hébreu. Du XIII' au début du XVI'


siècle, la philoso, ,
tléfinit chaque chose ;
juive lut profondément influencée par Ibn Rushd, sur l'induction et la déduction :
après la mort de Maïmonide en 1204.
le svllosisme.
55
AvrnnoÈs - lsx RusHo L'uNtvrns,qutÉ or m prNsÉt o'laN Rusuo

Au-delà, Ibn Rushd introduit une pensée philosophique foi et la raison, les dogmes du christianisme et la logique
indépendante de la pensée religieuse : la philosophier d'Aristote, en attaquant de front les thèses averroïstes.
d'Aristote propose un système rationnel de compréhensiorr < S'il n'y a qu'un seul intellect pourtous les hommes, néces-
du monde sans faire référence à une divinité quelconque" sairement il n'y n qu'un seul être voulant, un seul être uti-
Au XIII'siècle, à I'université de Paris, la faculté des arls lisant - au gré de sa volonté - tout ce qui fait la dffirence
où on enseigne la philosophie, est distincte de la faculté dtr des hommes entre eux. En outre si I'intellect, en qui rési-
théologie mais sous son autorité. La faculté des arts cherchr: dent la principttwté et le pouvoir d'wser de tout le resle, est
à s'émanciper sans être condamnée par la faculté de théo- un et le même en divers hommes, il s'ensuit encore qu'il n'y
logie. En reprenant la réflexion d'Ibn Rushd, elle affirmr a pas de différence entre les hommes quant au libre choix
que la foi et la philosophie ne peuvent se contredire si eller, de lavolonté, mais qu'elle est la même pour tous. Tout cela
restent chacune à leur place. Siger de Brabant (1240-1284 t est manifestement faux et impossible. C'est absolument Ï,*r'l'ri+mrphr
joue un rôle important dans la transmission de la pensét, contraire auxfaits les plus évidents, cela détruit toute espèce ele 'fl'hclmt;
r t{':\tX*rill"
d'Ibn Rushd. de science morale et même tout ce qui touche à la conser- Irutqwe rful .Y,i'tr" :rià'ir'
rit,l"{:1ylir;t
Aubry de Reims revendique l'autonomie de la pensée phi vation de l'ordre civil laqwelle est pourlant naturelle à tout 5an1u &'lnria Àk*rllc,
losophique : < Qui ignore la phiLosophie n'est pas un hommc. le monde, comme le dit Aristote. > it {:lorent:t.
"l'
.'{ rr.r' ;rr'rrl.r' d e h a w us,
sinon en un sens éqwivoque. Car comme I'a écrit Averroè:.
,4yerroÈs.
dans son Prologue sur le livre VIII de /a Physique t...1 1,
nom d'homme se dit équivoquement d'un homme rendu pat
fait par les sciences théorétiques et des autres hommes, tou:
comme le mot animal se dit éqwivoquement d'wn animttt
vivant et d'un animal peint en.fresque sur un mu.r. >)

Toute différente est I'approche d'Albert le Grand ou celL


de Thomas d'Aquin.
Albert le Grand (v.1193-1280), maître en rhéologie à I'uni
versité de Paris, introduisit dans son enseignement la phi
losophie d'Aristote et certains points de vue néoplatoni
ciens. A ce titre, il réfute Ibn Rushd en philosophe et nor,
en théologien. Parlant de l'intellect et de l'âme, Tlveut < fair,
voir par le raisonnement et le syllogisme ce qu'ilfawt sott
tenir et penser au sujeî de questions si incertaines >>.
< C'est pourquoi nows laissons entièrement de côté ici tott
ce qw'enseigne nolre religion et n'acceptons que ce qui pet,,
recevoir une démonstration par le syllogisme. > (De uni
raîe intellectus)
Thomas d'Aquin (1228-127 4) fut l'élève d'Albert avant cl,
devenir lui-môme maître en théologie à Paris, puis à Ronr,
et Naples. Toute son æuvre théologique vise à accorder {,

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AvrnnoÈs - lsN RusHo L'uNtvrnsaurÉ or ta prNsÉr o/lsN Rusno

En conclusion à son ouvrage intitulé De l'unité de l'intei Nulle part dans l'æuvre d'Ibn Rushd on ne peut trouver
lect contre les averroi'sles, Thomas précise : trace de cette << double vérité >. < ktvérité ne sawrail t'ontre-
< Voilà donc ce que nous avons écrit pour déîruire I'erreu dire à la vérité, elle s'accorde avec elle et témoigne en sa
(voir
en question, non en invoquant les dogmes de lafoi, mais et faveur > souligne Ibn Rushd dans l,e Discours décisif
recourant aux raisonnements et aux dits des philosctphe, p.23). Il y a une vérité et deux voies d'accès qui peuvent
eux-ruêmes. Si quelqu'unfaisant gloriewsemefi éraLage tit mener à différents niveaux de connaissance. I1 ne s'agit en
faux nom de lct science veut dire quelque chose contre t: aucun cas d'exiger du philosophe de croire vrai ce qu'il
que nous rrons écrit, qu'il ne s'exprime pas dans les coin pense être faux comme certains I'ont interprété.
sombres ow devant des gamins qui ne savent pas juger d En attaquant Ibn Rushd et les << averroÏstes >>' E. Tempier
matières si ardues, mais qu'il réplique à cet écrit par Lti attaque la philosophie. Pour lui, elle ne peut être une voie
écrit, s'il I'ose. Il trouvera face à lui non seulement moi d'accès à la théologie. De plus, elle peut mener à l'agnos-
qui suis le dernier de tows, mais bien d'autres zélateurs c!. ticisme, à l'incroyance puisqu'on pourrait s'abstenir de
la vérité, qui sawront résister à son erreur ow éclairer so, croire ce que la raison ne peut expliquer.
ignorance. > aiIrtlut tit: f.ltgrllr t r;çr'r'
A cette même époque, I'anti-averroÏsme est aussr
{:rt{ t:4rtWt: dl ,.tr/r/l','r
Dans le De unitate intellectus contra Averroistas, Thom:r lutte contre I'infidèle. Pour le chrétien, l'islam { {tu!it'}.
ne se contente pas de réfuter les thèses d'Ibn Rushd. i doit être combattu, au mieux c'est une hérésie,
reprend le texte De anima d'Aristote, lui applique la mêm, mais la plupart considère que ce n'est pas
rigueur d'analyse qu'Ibn Rushd pour arriver à des conclLr une religion.
sions différentes. Au-delà du simple commentaire, Thoma
Ibn Rushd est accusé de dissimuler der-
élabore une théorie générale de 1'âme et de la pensée.
rière I'image de la religion musulmane
son athéisme. On lui fait dire
i {t /ir,*lt' a;rull11{'t,,r't'{',; tfi' qu' < aucune religion n' est v raie même

si elle peut être utile >. On I'accuse


A cette même gpoque, alors qu'Ibn Rushd est mort depurr d'avoir dénoncé les < trois imPos-
soixante ans, Étienne Tempier, évêque de Paris, lance un, tewrs qui ont trompé le monde :
attaque virulente contre lui et ses disciples latins. En 127[i Molse. Jésws, Mahomet >>.

puis en 1271, ll énonce 219 thèses dites ,. averroïstes ,


Au XIV'siècle I'averroisme est sur-
contraires à la foi chrétienne. Les principales accusation tout italien. Dante Alighieri (1265 -
portent sur l'éter-nité du monde, le monopsychisme, la néglr 1321) considère I'existence du phi-
tion de la résumection des morts et celle de la vie éternellr losophe comme la fin suprême de
et la non-connaissance des particuliers par Dieu. C'est sul la société. Son analyse concerne la
tout l'accusation de la < double vérité > : cité et non le ciel. Il reprend I'idée
< Ils disent qwe certaines choses sont vraies selon lu phik; de I'unité de I'intellect pour étayer
sophie qwi ne le sont pcrs selon lufoi catholique comnte s't la théorie de la nécessaire unité du
y avait deux vérités contraires, comme si la vérité des soinît, pouvoir temporel, la monarchie.
écrilures pouvait êîre contredite par la vérité de,s textes d,
ces palens que Dieu a clamnés. > (Prologue du Syllabus clt
1277 par E. Tempier)

58 59
:: AvrtnoÈs - lsN RusFJo L'uNtvrnsaurÉ or u rtNsÉr o'lsN Rusno

Mais, dans le même temps, Pétrarque (1304-1374) lance - une perspective positive et laïque qui
une attaque anti-arabe virulente dans Sar ma propre igno- voit dans le rationalisme d'Ibn Rushd
rance et celle de beaucoup d'awtres : le moyen d'intégrer la modernité
- << fles averroïstes] méprisent tout ce qui
est conforme à la occidentale ,
religion catholique > ;
- une perspective qui vise à concilier
- < ils combattent sans témoin, vérité et religion, et dans I'islam et la modernité.
les coins, sans se faire voi4 tournent le Christ en ridicule. Actuellement, ces deux courants tendent
pour adorer Aristote qu'ils ne comprennent pas f...1 lors- à se rapprocher pour faire front commun
qu'ils en arrivent à une discussion publique, ils n,osent contre l'intéerisme.
point vomir leurs hérésies, ils ont coutume de protester
qu'ils dissertent indépendamment de tafoi et en la laissant
de côté. >

Dans une lettre àLuigi Marsili, il traite Ibn Rushd de < chien
-{J' {t6 rittuçu rir#ttié
enragé >.
< Ibn Rushd appartient à trois histoires
Aux XV'et XVI" siècles, à Padoue, c'est à la fois I'apogée de la pensée : musulmane, juive, chré-
et la fin de l'averroïsme. On y enseigne Ibn Rushd, Siger tienne mais pas à trois mémoires :
de Brabant... mais aussi, en 7497,on y crée une chaire d'en- mémoire de l'Occident mais oublié par
seignement d'Aristote à partir des textes grecs. On n'a plus l'Orient. >
besoin de passer par les Arabes. A. de Libéra
Fali* nndsltw
< Ibn Rushd a été vaincu mais, en son
temps, Galilée aussi. Les Occidentaux l'ont réhabilité pour
,f
Clou.o tu, fJsl'ê.çs{. pprre.çerlir î{t!t# le considérer auiourd'hui comme un des principaux contri-
I buteurs à l'émergence de la pensée libre. Si les musulmans
Dès la mort d'Ibn Rushd, les juristes ont refusé sa philoso- reprenaient les pensées de leurs philosophes éclairés,
phie sous prétexte que la logique peut ruiner la foi religieuse. Averroès redeviendrait lbn Rushd. >
Le monde musulman retourne à la pensée d'al-Ghazali pour Farida Faouzia Charfi,dans Libération du 9 août
qui < tous les processus naturels représentent l,ordre fixé
Dans le monde musulman actuel < ce sont les juristes, les
par la volonté divine que celle-ci peut rompre à tout moment >.
faqihs, les moins ouverts à la pensée, qui détiennent le pou'
Le monde musulman se met alors en marge de la moder- voir de la pensée > (Mohamed Talbi dans L'Héritage
nité scientifique. andalou).
< Les sciences rationnelles de nos jours ont émigré yers lu Il ne s'agit pas de revenir à un âge d'or qui n'a d'ailleurs
-
rive septentrionale de la Méditerranée et j,ai appris que pas existé - mais de réfléchir sur les problèmes de notre
ces sciences, à Rome et aux alentours, ont aujourcl,hui de temps autrement que par anathèmes et exclusion. Pour recon-
fervents adeptes et une ffiuence sans pareille d,étudiants. > naître I'autre, il faut le connaître.
(Ibn Khaldun, 1332-1406.)
< J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont
Au début du XX' siècle, des intellectuels arabes réhabi_ nous portons en nous à lafois les décombres amoncelés et
litent Ibn Rushd dans le monde musulman. selon deux l' inlassable espérance. >
perspectives :
Jacques Berque, leçon de clôture au collège de France, 2juin 1981.

60 6l
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' L'Unité de I'intellect contre les averroi'stes suivi des Textes contre Averroès anté-
rieurs à 1270 de Thomas d'Aquin, traduction et notes d'A. de LBÉna, GF n" 713 ,%{, tt "r{ rywe nr n{; ** wewîm,{a vr,E e
Bilingue, Éd. Flammarion, 1994.
CD en vente à I'Institut du monde arabe :

$un al-Andalus . Nuba de Los Poetas de Al-Andalus no 2 Sanaa, Muwashshah, poème d'Ibn an-
'L'Héritage andalou dans la culture méditerranéenne de T. Fasnp (actes des Khatib, par I'orchestre al-Brihi de Fès. Disque El Legado Andalusi.
Premières rencontres d'Averroès) de 1994, É4. Oe l'Aube, 1995. . Musica Andalusi lbn Baya no 4,Mizan sari', par I'ensemble Ibn Baya. Omar
. Tblède, XIf -nft siècle, Arabes, chrétiens er juifs : le savoir et la tolérance, série Metoui et Carlos Paniagua, Disque 5K62262 (Madrid).
<< Mémoires ,, flo 5, Éd. Autrement, 1991.
.Cartas al Rey Moro no 1, Apiadate de mi pequeflo corazon, chanté par Begona
$ur la phËlosophÊe au &ttoyen Âge Olavide, chant et qânûn, Ensemble mudejar, disque Jubal JMPAOO1 (Madrid).
. Penser au Moyen Âge d'A.de LreEnn. * Points Essais > no 329. É4. au Seuil, 1996.
Un livre : La Mwsique arabo-andalouse de C. PocsÉ, Éd. Actes Sud, 1999, avec un
Snr I'islarm, les Arabes CD audio.
. La Fascination de l'islam de M. RoorNsoN, collection Agora >> n"132,Éd. Pocket,
<<

t993.
. Les Arabes suivi de Anclalouszes de J. Bnnqun, Coll. < Babel-sindbad >> n" 250.
Éd. Actes Sud, 1997.

62 o-,
(Euvre collective réalisée et écritt: st'tr'
I' ICEM-PÉDAGOGIE FREINET.

Auteur : Averroès - Ibn Rushd, un combutluttl tlr ltt pt'nsée du XII" siècle aété
conçu par Marie-France PUTHOD avec I'aidc Lltr t hrrrr(ie r BT2'
Coordination du projet : Colette HOURTOLLII.
Collaborateurs de I'auteur : Hélène COMITO, ('laLrclc FOURNET' Jeanne
VIGOUROUX et leurs élèves, ainsi que Marité BROISIN. Elsa BRUN, Annie
DHÉNIN, Maguite EMPRIN, Mohamed-chérif FERJAN[, Antoine MICHELOT,
Michel MULAT, François PERDRIAL et Christine SEEBOTH.
Coordination générale du chantier BT2 de I'Institut coopératif de l'École
moderne : Michel MULAT.

Photographies: Marie-FrancePUTHOD :p.4,1,10, 11, 13, 43,4'/,48,51,53,59 -AKGParis:p' 27,


54 - ARTEPHOT/Sa1ou : p.52 - Jean-Loup CHARMET : p. 6 - J.-F. DHÉNIN : p' 39 -
REGA-RAPHO : p. 12 ; /R. et S. Michaud : p.24-25 - GIRAUDON : p.17,22,33,49 - SCALA : p' 57 -
Isabelle BELLISSENT :p. 28,61 - MAGNUMÆ. Lessing : p. 30 - DR : p. 25' 40'
Couverture : buste du philosophe et médecin Averoès, XII" siècle, Cordoue (photographie ARTEPHOT/
Oronoz).
Recherche iconographique : Christiane FRANCHETTI'
Maquette et photogravure : Pascale de BAGNEAUX.
Correctrices : Sophie GERBAUDO, Elisabeth ANFOSSO.
Cartographie : PEMF.
Maquette de la couverture : Bernard TRINCAVELLI.

. Publication éditée, imprimée et diffusée par PEMF


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06370 Mouans-Sartoux (France).
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Un hommage à Averroès a été rendu par le cinéaste
égyptien Youssef Chahine dans son film intitulé Le
Destin.ll a touché un public relativement large parce
que ce grand philosophe a beaucoup d'importance,
autant pour la civilisation musulmane que pour
l'Occident juif et chrétien.
lbn Rush (Averroès), médecin, philosophe et juriste, a
en effet participé au renouvellement de la philosophie
grecque (Platon et Aristote en particulier) et à sa
transmission au monde occidental.
Le personnage étant replacé dans son époque, c'est
l'occasion pour nous de mieux connaître la richesse
culturelle et intellectuelle de l'Espagne musulmane (Al-
Andalus) au Xll" siècle. Une Espagne déchirée par des
débats qui ressemblent fort à ceux qui opposent les
protagonistes des guerres.saintes d'auiourd'hui : les
démocrates tenants d'un Etat laïque et les intégristes
tenants d'un État religieux.

Mots clés (compatible Motbis 3)


. Aquin o christianisme . lslam '. Moyen Â8e
(Thomasd') . croisades . monde philosophie
. Aristote . Espagne musulman ' théologie

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