Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
l't tt
Ava
@tl
6zo3s(
Juertisserment L
+ 11,,,' tcliflion, ( ith* 3B
lr. l'rogrhète 3B
,9$"-'R tlrl, sa uie, son éyoque 6 I
I rsl,rrrr, ses obédiences, ses rites 41
La filiation d'lbn Rushd 6 Ce qui est commun à tous les musulmans 41
{
d
g
i )')\1. ir
l'occasion du huit centième anniversaire de la mort d'Averroès, se
, r, nil\ rrn lr'ès grand nombre de colloques, de rencontres en France, en
,, rrLr I)ortugal,enItalie,danslestroispaysduMaghreb,etaussiàBagdad,
,',':.
()()-f sc tiennent à Marseille les rencontres d'Avemoès, qui cherchent à
; ,11 l
'rr , r'rr rt'lrrtion les deux rives de la Méditerranée.
' ..rrr(' ,.\vcrroès, son nom latin, c'est reconnaître l'héritage transmis par ce
i , r |l11' rrrLrsulman à I'Occident chrétien au Moyen Age.
i,r,rlr(' llrrr Rushd, son nom arabe, c'est restituer au monde musulman une
' ,1, '.:r ( ultLlre longtemps inconnue, encore niée, par I'Occident européen et
Fillill* r/e; {-lc.dr;rfnrlcfdri q'iJ" tî rfu {.1ç:nfu;ttr:, rtar rJ*: &4étèiw*t tti"f'*kr*,
tttiti{*ft: di{'.t {Jrrir.1'-VcrJd's d"*f^,,lrrd*;/rns {ittttl{e par t\ftÉ *i-lt#latïiçts lJf *xl S':i$" l',rr lrt' tltr rttonde musulman.
\ ,r()('s lr lbn Rushd, n'est-ce pas participer au rapprochement de deux
,'' 1, , t1ui. cncore aujourd'hui, s'ignorent plus qu'ils ne se rencontrent ?
irr, ,,|\ntc
islamique braque le projecteur sur une minorité, certes agissante
I rrr,'r'rr'usc. mais dangereuse pourtout le monde, non-musulmans et musul-
,r \ ne voir I'islam qu'à travers le prisme intégriste, ne pousse-t-on pas
rr ir \c situer par rapport à ce fanatisme plutôt que par rapport au fonde-
rri rrr'nre de cette civilisation ?
I rrr \ lll' au XVI" siècle, Ibn Rushd incarne la rationalité philosophique qui
lrrt l'rure dcscomposantesdelacultureoccidentale.Ilestàlasourcedesdébats
plriloso;rhiques et religieux de cette époque. Au-delà, il appartient à cette
l,rrrgrrt'lignée de philosophes arabes qui participèrent au renouvellement de
L'Aleph, Jorge Luis Boncss, 1967. l,r plrikrsophie grecque et à sa transmission à I'Occident juif et chrétien.
**ffiry cç'{,ut ffirrr{uâ,., ,t .\('li {tlit"{gff{'
F
tÊ
i:;i'
L.
$(;ont
n â'.9 [n'Ru'l,d .)rr
f
r,rutr* t' it,n
':' En urabc. Ibn Rushd si Ibn Rushd*, Averroès de son nom latin, est un philosophe r , ,lu, ,rrrot) (pl'a reçue Averroès est celle de tout intellec_
gnilie < lils clc la rectitude >
arabe issu d'une fâmille de juristes et de magistrats. ,,,, r ,l, l (.I)()(Fle. auprès de maîtres andalous. Jusqu,au
'r"r'Vrir p. 10.
Son ancêtre le plus célèbre fut son grand-père, Abû-l-Walîd '. | .r('( l('. lcs étLrdiants allaient de maître en maître, dans
N'++ Cadi : juge chargé dc b.Rushd, né à Cordoue en 1058. Il se rallie au pouvoir almo- "" ',1,111111111'r' en Orient, pour recevoir un enseignement * Une madrasâ est une
làire appliquer la loi reli-
gieuse. Cette loi concerne ravide*'k dès que ce dernier s'impose en al-Andalus. En ' rrrrr'llr,ntcnl oral. Au début du XII" siècle, al-Andalus école où I'on apprend le
()us les actes de Ia vie et pas 11l7 ,11reçoit la charge de
rr,, r,,ut(.\ lcs formations souhaitées et le voyage en Orient droit musulman. A I'origine,
<< cadi'*'&* de la communauté >, dans I'empire abbasside.
seulement la religion.
c'est-à-dire juge suprême > jusqu'en ll20,date àlaquelle ' ' .t l,lrrr nciccssaire. elles étaient privées, puis au
" XI" siècle, les madrasas
**** Ilatwa : consultation il démissionne de sa charge. ;t ' li rr.,lrtl rittrrlie d'abord le Coran et la grammaire arabe : pa.ssent sous I'autorité de
.julidirlue prtcisant l'avis de
la rclision sur un problème Ses consultations juridiques, les fatwasx*xx, firent long-
. L'r,ilr (.\t transcrit dans une écriture utilisant de nom- I'Etat. Les professeurs
r,, ir,.,tr'n('\ uu-dessus ou en-dessous du motpourpréciser nommés par le gouverne-
tlonnei. Unc cles fàtwas les temps autorité. Il reste de ce fait un personnage très influent ment ont la charge
plus célèbres au.jourcl'hut
après son retrait, gardant la direction de la prière de la grande
, , rr.. rlt.cc ntot, cette grammaire doit être connue pour former des fonctionnaires
de
conccrne Salmarr Rushclic
clle lc condamne à mort
:
mosquée de Cordoue.
. , r, r Ir.s (.l lcurs de lecture. En al-Andalus on apprend l'é_ efficaces.
pour avoir écrit Les Versets r r' r lt's lc plus jeune âge, alors qu'elle reste XII'
Le père d'Ibn Rushd, Abû-l-Qasim, né en 1094, est Ie moins
r r r
réservée aux Au siècle, les madra-
.\(îtill i q u e s, lrvre considéré ,; | | r'l,rl)ltc\ cn Orient. sas sont aussi des lieux où
par les islamistes comrne un brillant de toute la famille. Il fut néanmoins cadi l'étude de la loi religieuse
outrage à l'islam
quelques années à une époque où le pouvoir r' ., llrrr l{rrshd passe aux sciences religieuses avec l'étude participe à la lutte contre les
almoravide s'affaiblit. Il meurt en I 168. ' ' 1r,,11 ( 'e rt'est qu'après une croisés.
r. r,rr' l{)nllation religieuse qu'il
Abû-l-Walîd, dit le < petit-fils > ou le < plus
., -,r, [. ll plrysique comprenantla
jeune >> pour le distinguer de son grand- 1 r.ur(lu(,. la zoologie, I'astro-
père, naît en novembre 1126, un mois à
'"'r,', lir rrréclecine et la philoso-
peine avant la mort de son arèul. r,r, ( (.\ tle Lrx derniers domaines
On sait peu de choses sur la vie r rr, lt'r slrvoirs considérés comme
I",
!i
privée d'Ibn Rushd.Il a été . 'r .ilrr'('t\. tl'ecs essentiellement.
. marié, on lui connaît deux
I fils ; aucune fille n'est men-
I r lrt rlr rnné son origine familiale
,r l,rrrrlicu dans lequel il agrandi,
l;: tionnée, ce qui ne signifie pas
,1, \ r(.nt rrrédecin etjuriste, spé-
qu'il n'en ait pas eu... r.r Ir rlr' tllr droit musulman.
tr ,
Ji{Jtappe{,
I I | \lrrroltrvicles s'imposent en promettant de
II
aur .Atmorauides r,'r ,l,lrr r t' tpr'ils considèrent comme lalégalité
,,,,,.rrlnr,rrc. c'est-à-dire le rite juridique mali-
o Les nouvelles s'étaient succédé rapportant que l'émirYûsuJ' I rrr " ' ' , oplx)sé à toute forme de spéculation qui
ibnTâchfin était venu du Sahara à la tête d'une communauté ut rln(' nlener à I'hérésie. Ils suppriment les
'1,: l.r
à I'islam neuf, vigoureuse et résolue, proclamant sa déter- ,rlrlr.,t\ n(rn canoniques : ceux qui ne sont justi-
mination àfaire triompher la vérité et à combattre ceux qui l':'. rrr rl;rns lc Coran, ni dans les Hadith**** du
déviaient de la loi religieuse ; qu'il venait de soumettre le 1"r,.1'111'1.' lls renfbrcent le centralisme, mettant
Maghreb et en avait unifé la plus grande partie. Pesant les *ir!,.r lrr ;r l'indépendance des Taifas.
* Al-Mu'tamid est le roi choses, al-Mu'tamid* estima qu'il fallait l'appeler au Ir rt r' \ olol ltci de revenir à une vie plus conforme
< taifà
" de Séville ; il a secoLrrs** 1...1. Il consulta ses proches à ce sujet. Sonfils, al-
conquis Cordoue en I 069. ri l.rrrr cntraîne des persécutions contre les
r',
Rachid, lui tint ce langage : " Essaie de régler les chose.s par
** Pour se défendre contre \l,.r.rr,rlrr.s'r"t"t'** qui se révoltent et font appel
tespropres moyens avec le chrétien et ne te presse point d'in-
Alphonse Vl de Castille qui il' r,,r (l'r\r'irgon. La réaction est brutale, s'ac-
venait de reprendre Tolède. troduire ici quelqu'un qui nous ravira la royauté et nous divi- , ,*.rl,,rl,nlult d'expulsions et de déportations à
sera : ces gens, tu sais bien qui ils sont" ; al-Mu'tamid \lr \ rrr's ( Maroc actuel). La politique autoritaire
répondit : "Monfils, il est préférable seLon moi de mourir ,s,. \ | rt rrirv icles entraîne aussi des révoltes parmi
r r
berger au Maghreb que de rendre l'Andalousie terre d'in-
rr r nrr\ulnrans, dont celle des Cordouans en
rtdéhté, car alors les Musulmans me maudiraient.iusqu'à la r1 'rl
fin des temps !" Son fils lui dit : " Père, fais ce que Dieu t'a
indiqué." > | * ll.l l. la mort du souverain 'Ali ibnYûsuf
Ibn 4t-Khatib. A'mâl al-a'lâm.
{ri,rrrlil(' trn affàiblissement du pouvoir almora-
.,,1' rLrnt lcs clans rivalisent. Leur autorité s'ef-
Ainsi fut fait : en 1086, Yûsuf ibn Tâchfîn débarque à {,irr' ,rlolS clue menacent les Almohades (al-
Algésiras et bat les Castillâhs à Sagrajas. Il prend le titre \l,rrr,rlrltitlûrr ou << unitaristes >).
d'< émir des muqulnâns ,> que lui reconnaît le califat abbas-
side de Bagdad à qui il fait allégeance. Les Almoravides (en
' '' \lrllkltr.s : voir p.43.
arabe al-Murâbitûm) sontdes Berbères originaires du Sahara
occidental. Entre 1060 et 1082, ils ont conquis le Maghreb '" - llurliths : taits et
jusqu'à Alger. t. .lrr l'rophète rap-
!, -r, t'.rr l,r tlirtlition orale.
. , rrrl,lc tlcs Hadith
Srrtttit' ou la
,,.,, l;'
""' \loritrrbes : chré-
, r\,rnl ;r ltt rnode arabe
, l, . tcrlitoires d'al-
Site tlt Qsnr Antra,
.lonlartie attualle.
I'etite résidenrc I"resques de Qsar Anra, début du VIII" siècle,
otrteyyade .lordanie actuelle, Ces Jresques, très abîmées,
du VIII' sièclc, \(,,t1 rat'es dans le monde musttlman où la religion
Iieu dc repos tt de tr voulu exclure la représentatiort d'êtres animés,
pktisir pour les caliJas Ici, on devine une danseuse,
AvrRnoÈs - lsN Rusr ro InN Rusuo, sA vrE, soN Éroqut
'r"r' Voir p. 13. É}dgÂ" ,.Ægo*u,dJsxsfs.ç L ( i)r(l()Lrc', il accomplit sa n quête du savoir ) auprès dcs sages de I'Orient
efïort sur soi même pour d'une grande partie d'al-Andalus à partir de I 150. Ils réta- r
li,rlrirlc'nrcnt, il est pourchassé par les autorités qui voient en lui un dangereux
atteindre la pertèction. . r r,ntrc dans la clandestinité à partir de 1124 dans l'extrême sud marocain,
blissent I'ordre dans une région très agitée par les rivalités
arabes et menacée par la reconquête chrétienne. ' ,.rrist'une communauté aulour de sa doctrine: les Muwahhidûn (les unita
I ,., prot-lame alors Madhi, le u bien guidé , désigné par Dieu qui doit rétablir
Les souverains ahnohades ont alors la résolution d'appli- , , ,.rr lCTre.
quer la réfbrme religier-rse préparée par Ibn Tûmart'r'r. C'est
' li l; l
dans cette perspective que les souverains forment une nou-
',r,,lr,rrlcs proclament l'unicité de Dieu, c'est pourquoi ils se nomment < unita-
velle élite destinée à remplacer les docteurs de la loi mali- 'lronrnre ne peut être que persuadé de l'existence de Dieu qui l'a créé ainsi
kites qui avaient soutenu le régime almoravide. C'est aussi rl,'.. lcs .iutres choses. Comment pourrait-il en être autrement ?
dans cette perspective qr"r'il est demandé à Ibn Rushd la :/,,rr lr ndces-çité de la raison que l'homme connaît I'existence du Créateur. , La
rél'lexion qui préciserait la légitirnité du régime almohade. ,r r( r('la.ve de la raison.
Almoravides et Almohades représentent une réaction , | ,'Ll n/€rst pas de même nature que sa créature: il y a transcendance.
religieuse, morale et politique aux régimes précédents. rrrr' lccture littérale des Textes dont il est interdit de faire une interprétation
Dans les deux cas, ils s'appuient sur une idéologie ,f (
l(|
('.
È de retour à la pureté primitive de l'islam. La conquête
* ' i l r'!ii.i:l
se fàit chaque fois au nom de I'idéologie religieuse
rloil s'énoncer à partir du Texte révélé.
islamique, autour d'un chef reproduisant avec ses
r r,rrt Tcfuse l'effort individuel d'interpréta-
compagnons le modèle du Prophète et de sa com-
;rt'Lrt être source d'erreur. o La raison
munauté primitive" lls se situent dans la môme . ,1,' ltl,tce dans Lt loi '. ce qui nc
Itrgique de iihuçl'r'r'r ou guerrc sainte. , l),rs que la raison n'intervtennc
Il ne suffit pas de prendre le pouvoir par les , i r r' l'organisation de la Ioi.
, rr('nt, pour lbn TÛmart, on ne
armes, mais il faut le justifier en s'appuyant
I
læ sur la loi religieuse et pour cela, les chef's ont
r( 'r ( l(\Lrx conséquences différentes
' r)('lll(' SOUfce.
1&,&f, besoin d'hommes de loi : c'est le rôle que va
Wi tenir Ibn Rushd auprès des Almohades.
W
AvrRnoÈs - laN Rusnp leN Rusuo, sA vtb soN ÉPoQUE
Ptolémée et un compendium (paraphrase) de logique. r , r.rrsnris par le chroniqueur Al-Manâkusht O^"t *:j:U"ir!rïiJ",1"1,.
Récit des deux premières rencontres avec Abû Ya'qûb teller'
qu'Ibn Rushd les rapporle à un de ses disciples : , l,,111 1'..5,ç1l[iellement sous le règne d'AbûYa'qûbYûsuf
< lnrsque j'entrai chezle prince des croyants, AbûYa'qûb, ie Le I i
.illrirrr sous lenomdeYûsufI*(1163-1184)etàsa
trouvai avec Abû Bakr b.Tufayl, et il n'y avait aucune outre per- r ..,1,' t1r' ltrr.r Rushdrédigelaplus grandepartie des com-
sonne avec ear. Abû Bakr se mit à.faire mon éloge, parla de ma i . ri: tl'Aristote. Dans le même temps, il occupe des
famille et de mes ancêtres, et voulut bien, par bonté, aiouter à .,rr'. trll'icicllesimportantes : en 1169,llestnommécadi
celades choses que j'étais loinde mériter. lz pince des croyants, | .. rllr', prris en 1180 grand cadi de Cordoue. En 1182, il
après m'avoir demandé mon nom, celui de mon père et celui de
i , ,. ,' lbn Tuf'ayl comme médecin auprès du sultan. Dans
mafamille, m'adressa de prime abord ces paroles : "Quelle est , : | . ,)il\ r'ages, Ibn Rushd fait allusion au temps qui lui
l'opinion des philosophes à l'égard du ciel ? Le croyaient-ils , lLrr' l)r)u| approfondir un sujet, à l'éloignement de sa
éteruel ou créé 7 " Saisi de confusion et de peur; j'éludai la ques- i , 'rlrt'(luc clui I'empêche de vérifier certains points.
tion et je niai m'être occupé de philosophie, carie ne savais pat ! .:;, li'n)e nt àcetravail demandéparle sultan, il poursuit
ce qu'Ibn frf"yl lui avait affirmé à cet égard. Le prince des
croyants s'étant aperçu de ma frayeur et de ma confusion, se
r,l,r,' r ri l1cxion philosophique dans le Tahâfut al-Tahâfut
ti, trrttrtion de la Réfutation) contre al-Ghazali, Le
touma vers lbn fufayl et se mit à parler sur la question qu'il ,,,t t tllt'isif et une æuvre sur le fondement du droit, la
m'avait posée ; il rappela ce qu'avaient dit Aristote, Platon et ',i rroirp. 19etsuiv.).
tous les philosophes et cita en même temps les arguments allé-
,,rr'.rrrt son travail sous le règne de Ya'qûb al-Mansûr
gués contre eur par les Musulmans. Je remarqwai en lui une
. I I l()()). fils de Yûsuf I"'. En 1197, aTors que I'empire x Voir p. 43
vaste érudition que je n'aurais même pas sowpçonnée dans aucun
,,lr,rr[' est en crise, Ibn Rushd est mis à l'écart. Pour se
de ceur qui s'occupent de cette matière et qui lui consacrenttous
, rrr'li I lru pouvoir alors que les troupes chrétiennes se font
leurs loisirs. Il fit tout pour me mettre à I'aise, de sorte que je r
Ê tt {a
cultivé s'intéresse, réfléchit à tous les domaines de la pensée
de l'époque. Comme il n'est pas un spécialiste de tous lcs ll r, f.'1111111 a reçu une formation médicale ; à ce titre, il lui
thèmes qu'il aborde, il se contente parfois de rappeler ce , . r ,ir nr,ur(lé de présenter le long poème de médecine d'Ibn
que I'on sait à l'époque, les questions que I'on se pose sans '.
',' ' ' \1iecnne, 980-1037, voir p. 34).
chercher à y répondre lui-même. Néanmoins, il n'est pas r. ,, tif rnci;ral ouvrage sur la médecine, le Kulliyât (les
un simple compilateur qui saurait bien lire l'æuvre des r-"',1 1,1111si5) de 1161, précise la méthode de travail qu'il
autres. A chaque ouvrage, il apporte son propre regard, sa ,,,,,r ,l.rlrs toutes sesrecherches. Cetouvrageregroupe < toutes {inlien, enluntinurt
vision des choses. A chaque ouvrage, il applique la mêmc .,tnttti.\',\ances médicales à partir des premiers auteurs tl'u.tt tvuité
méthode s'appuyant sur la logique d'Aristote. : ,utt'n'ot7t toutes les opinions qui méritent d'être repro- de médecine
... tlu XXtrI' sièele.
it \ ('t t'n éliminant ce
Iliblioth.àque de Laon.
A' i',u rrttc analyse rai-
{ {d.\fi'{,il{'fJl{{' '.",,', tlrtit être rejeté >.
i , . .rlt('r.lrs auxquels fait
Les premières æuvres d'Ibn Rushd traitent de l'astronomic , r.i,.rr)n lbn Rushd sont
qu'il considère aussi < nécessaire à la perfection dc , -.rt r r'r . rr rédecin grec du II"
l'homme >> que la logique ou la physique. Il s'intéresse à , ;. lt' tlont la théoriedes
I'astronomie mathématique à partir del'Almageste dc !, ,,,rri.nt\'1' fàit autorité, Ibn
Ptolemée (v. 90-v. 168) dont il fait un abrégé en 1158. Il ,- i i't \utloutAbû Marwân
reprend l'æuvre d'Ibn al-Haytham (fin X"-début XI" siècle) i" ,!rrlrr (Avenzoar, 1073-
traitant de I'astronomie physique, à partir d'une étude de r' 't, t|tri fut un de ses
la réalité concrète de l'univers et non plus uniquement . ,rtr('\ lrvec Ibn Tufayl.
mathématique ; ainsi, il
est amené à émettre des réserves
sur le système de Ptolémée. Ibn Rushd souligne << ce sul
t , ,lr'llrtles connaissances
ri.l'r rtla'cS à partir des
quoi les experts de I'art ne sont pas en désaccord >, c'est
à-dire ce qui fait I'unanimité à l'époque, laissant de côté
, ,.r('ll \ cités, Ibn Rushd
.,rlrr'rrc que son ouvrage $qF q'ffi
ce qui lui paraît le plus contestable.
, ,r r'r'ril clans << un langage æss€.
Aussi, pour Ibn Rushd, une nouvelle astronomie serait néces- :'\ t'(t!t, inCOnnU deS
saire afin de coniger les erreurs de Ptolémée, mais ses res- ,,!,'r'irr,s de l'Antiquité et
ffiÊ
ponsabilités publiques ne lui en laissent pas le loisir : < Nous ,' t u \ tlLti m'ont précédé,
nous lrouvons dans la situation d'un homme dont la demeurt, ,, tlL'.t démonstrarions
serait Ia proie des.flammes et qui s'empresserait de sauvet .'.,,r, irrtics dans la philo-
ce qwi lui semble le plus indispensable pour assurer sott ';'ltit'truturelle >.
d;r
[-J I
LES a OUTIIS DE RAISÔNNEMENT I
Le syllogisme démonstratif rrr **rr,,rcsr d,une *:.1,:::j, rui-même cadi pen-
ll est aussi appelé syllogisme rationnel. Ce syllogisme est dit ternaire: on distingue une furt rL' ttotttbreuses années. Le contexte politique est impor-
jeure
orémisse ma'ieure, une prémisse mineure et un moyen. Le moyen est sujet dans la ma
disparaît dans l'énoncé de la conclusion.
flrt la rlvrtastie almohade doit légitimer son pouvoir face
et attribut dans la minËure. Le moyen des Almoravides et des juges malikitesx. Ibn
alr l{n;rnls + Voir p. 13
Tous les hommes sont mortels. llrlxl pnrticipe à cette légitimation en élaborant les fon-
un homme.
\tcragest , {çlrx'rrtt tlu clroit sur lesquels les sultans almohades pour-
Donc Socrate est mortel.
homme
fttrl r'itlrllttye r.
L", prérnirr", sont contenues dans les deux premières phrases ; le terme n > est
le moyen.
r f 'rr rrrlrlt/ en tant que tel ne peut avoir d'autre but que
Dun, i",
Topiques, Aristote précise qu'il y a syllogisme démonstratif o quand il pan de
* tr hrn'hcr lavérité, et non de semer le doute et de rendre
prémisses vraies et premières ou encore de prémisses telles que la connaissance que $t c rltt il'r ltcrplexes'
'nou, Ibn Rushd dansLa Réfutation rle ra Réfutcttion
n orc pr"nd elle-même son origine dans des prémisses premières et vraies >.
"n
Le syllogisme dialectique ou iuridique llfirr ,tttvrages contiennent la pensée d'Ibn Rushd sur le
Dans le même ouvrage, Aristote designe par ce terme un syllogisme à partir de prémisses ful
probables qui sont dés n opinions qui sont reÇues par tous les hommes ou par la plupart h llttltn'tt ou Début pour qui s'efforce (à un jugement per-
d'entre eux ou par les sages ,.
*rux'f l, lirr ltour qui se contente (de I'enseignement reçu) ;
pour Aristote ce syllogisme est utilisé dans les domaines de l'éthique et de la politique. lbn
Rushd assimile à ce syllogisme, le syllogisme juridique utilisé par les juristes musulmans.
h l,rr/ ul-Maqâl ot Le Livre du discours décisif et de la
*tctrtritrttlion du rapport entre la loi et la sagesse.
[e syllogisme rhétorique
a" ri1.iOrn" part de prémisses auxquelles on croit tout en sachant que le contraire est
oBtloua
possible.
-0o û rss)
llanalogie
r .lltnt lutl, dans ce livre, est de me fixer en mémoire les
Quand une situation n'est pas abordée dans une des sources du droit, on procède par
analoeie avec un cas explicitement évoqué: par exemple, le Coran interdit la consom- ir.+rr,r,l,T cle staturs juridiques sur lesquelles il y a accord
matioi du vin. L'analogie permet d'étendre cette interd.iction à toutes les boissons alcoo- çt : tllrt tur lesquelles ily a désaccord, avec leurs preLves. )>
lisées puisque, comme le vin, elles peuvent mener à l'ivresse' *+ Voir zll.
llrt Rrrslrrl analyse les différents rites juridiques** en jus- P.
18
AvrnnoÈs - leN RusHo
L'(ruvnr o'lgN Rusno
21
20
L'cuvrc o'lnN Rusno
Les quatre vertus morales sont toutes quatre des vertus poi'
tiques. Ainsi, les préceptes du droit conduisent à I'acquisr
ll, 7n'{ ,,{- ,at,.,tlà1
tion de vertus morales auxquelles pourront se référer Lr tln ''l)i,r,',,,,r' ,lértr;,f (, rrru)
Almohades.
I ln nrusulman a-t-il le droit de philosopher ?
Averroàs totùersant .,,lrlric. Pour Ibn Rushd la justification est dans les textes'
avec le phibsophe ''',r lirrshd pose son hypothèse : < Si la révélation recom-
Iatin Porphyre tt,lt' bien aux hommes de ré;fléchir sur les étants [ce qui
(234-305) qui étttdia La Bida-,-a aborde le statut de la femme. Ibn Rushd réfute
, r'.tr'l ct les y encourage, alors il est évident que I'activité
.
particuliè rement autant les idées de Platon que celles des juristes musulmans
. \tt:n/( sous ce nom lla philosophie] est, en vertu de la
Aristote. en affirmant qu'< i/ n'y a pcts une dffirence .ftindamentale
Miniatnre entre lo natLrre de lafemme et celle de I'homme qtti pour- ', soit obligatoire, soit recommandée. >
tt;t't1lée,
du XIII'siècle,
rait jwstifier son erclusion de certaines.fonctions réservées i .r r('l)()nse est contenue dans le Coran, sourate (chapitre)
France. BN,
aut hlmme,s >. t | \. vcrset 2: < Réfléchissez donc, ô vous qui êtes doués
'r' lmam : chcl'de la pr-ière Ainsi la femme, selon Ibn Rushd, peut être juge, imam'k,
, , ltrit'voyance. > Cet énoncé est clair et ne souffre pas de
.{ ussion. Ainsi, I'obligation de raison est contenue dans
ou chef de la communauté. ll déplore les discriminations
tlans une moscluée. 1r
Le verset 2 dela sourate LIX peut être considéré comme lrr ,, ,, rl rt lt ion et d'interprétation des Textes. Ibn Rushd peut
profession de foi d'Ibn Rushd. Le Coran dit expressément .,r .r.. r('nrcttre en cause I'analyse de certains de ses prédé-
que ceux qui le peuvent doivent philosopher. ' .r'll|s sans être accusé de blasphémer pour n'avoir pas
', .1't'r'tc' lc consensus, ou pour le remettre en cause.
, , rrc vcrsion énonce un deuxième fait très important : tous
Y a-t-il sujet à philosopher t, lr' |illrne s ne sont pas égaux devant les Textes. Néanmoins,
dans les Textes révélés ? I ii \ ir pas de versets incompréhensibles ; dans ce cas à qui
'
Irrtr'nlir€ l'étude des ouvrages de philosophie à ceux qui ,lu certtre, I'laton
< Il est impossible d'établir l'existence d'un consens,ls sr1/'
Ievort.t le doigl r(rs
une question donnée à une époque donnée sans avoir rigott- , \,,ttt (tl)les parce que l'on supposerait que c'est à cause le tiel :lristuttt'
el
reusement circonscrit cette époque. ,, Ainsi, la réflexion du ,t, i r'trttlr, cle ces ouvrages que certains hommes parmi les tentlunl h Tttruttte dt
philosophe n'est pas entravée par celle de ceux qui I'onl , ,,rt rtlti(r'ls se sont égarés, ne revient à rien de moins qu'à lo nmitt vcrs lu lerrr.
,'tt trlift, à une personne assoffie de boire de I'eaufraîche A gauthe, t'n ltuul
précédé. Les contradictions que I'on peut relever dans les tlet escdiers, orr
Textes signalent qu'il doit y avoir interprétation. , : ,tt:,t;(tl)le au goût, et que cette personne meurt de soiJ, au reconnuît de proJil
."..'ttl (lu( tl'autres, en en buvant, ont suffoqué et en sont Socrate et efi bas
de refuser l'apport des prédé'
Il n'est pas question pour autant
rrière
de s es t'al ie r s, de
cesseurs. Chaque philosophe hérite de leurs recherches : .. 11 I'ythagore écrivatil,
est évident que nous n'atteindrons notre but, connaître lc: llverroès en lurbun.
étants [ce qui existe] que si dans cette étude les uns relaietrt
les autres, et que le chercheur antérieur s'appuie sltr s()n
prédécesseur [...] ,
La matière est trop complexe pour être appréhendée par un
seul individu: o Il n'en est aucune [de sciences pratiquesl
qu'un homme pourrait concevoir à lui seul. Alors, n'est-ce yt:
le cas afortiori pour la science des sciences, laphilosophie ? "
N ln ttr t rl t k!,ti'ii n t rt ir! rt chrétienne où le droit n'est pas de même nature qLle r r,rrrtlc partie de sa vie à
,ri {-'at'rlutrt le droit musulman. Cependant, tout ce qr-ri , ,,rrrrrronter tout ce qui était
( péripatéticiens > (ceux qui se promènent) donné aux dis- ,, rrrr:t hérésies
dont trois principales : 1'éternité du monde,
ciples d'Aristote. ll meurt en 322 à Calcis en Eubée. l,r rrr-'gation de la connaissance des particuliers par Dieu et
L'æuvre d'Aristote est très vaste mais seule une petite partie l{' t('ict de la résurection des morts.
nous est connu e: la Logique, les Catégories,les Analytiques
où il traite du syllogisme et de la démonstration, Ies Topiques
llrn I{uqhd s'appuie sur la pensée d'Aristote pour réfuter al-
présentant la théorie du raisonnement dialectique, la Physique t ilrrrzali et expose sa propre pensée dans La Réfutation de
sur la nature, le mouvement, la Métaphysique, la Morale, ,t lit:luration (l 180 ?).
le Politique et aussi Rhétorique et Poétique.
30 3l
AvrnnoÈs - leN RusFlo
]l' L'æuvrc o'lsN Rusuo
L'étenité du monde est une idée aristotélicienne par excel- contenues dans le Coran. Néanmoins, Ibn Rushd pense
lence. Or cette notion s'oppose à la création telle qu'elle er;r c1u'elles peuvent être objet d'interprétation pour ceux qui
décrite dans la Bible, comme dans le Coran. Commert rrn sont capables. Ces versets peuvent être lus dans leur
accorder le dogme religieux avec la pensée d'Aristote ? Al sens littéral pour le peuple qui a besoin d'images pour
Ghazali considère que la création du monde a été voulul croire. Les autres peuvent les étudier pour accéder à un
par Dieu à un moment donné. Pour Ibn Rushd, si on pensr sens caché.
ainsi, il faut admettre I'apparition d'une cause qui aurai ,,\t"i!;tt)fu.
entraîné un changement en Dieu, ce qui nie sa perfection. ltaleilld en uç-ç{tt,
{)....,,",.:
-/*tt t
('{,IIItrlf ,9,9{dI1{'{, r{t":",r ," l. prt
< Chez l'homme el I'animal, le sens du terme volonté es: t{.t{{It !'.\ tt w te ww rr,; !.t u lt:t fu r
"
trlrtt.{ i t.t strv wtnt rit T
nl r.l't I t t! rl I ir il |
celui d'un désir qui suscite un mouvement en vue de par Selon al-Ghazali, Dieu voit tout. Dieu sait tout sur chacun {f, it' t'n t: :,; ii.t t'ri' t' I * lt tt u f t, t t t
achever une imperfection dans leur essence, mais il esi cl'entre nous : il est omniscient. Mais, pour Ibn Rushd, Dieu
tltr, t':ltrit(t,
inconcevable que Ie Créateur puisse éprouver un désir erL ù tit::; t;Iudiatrt';
connaît les hommes d'une science constante, c,est-à-dire 4\ ti|,:t f,' I d., I r {. ( \
raison d'une imperfection de son essence, car ce serait alor,t cl'une science divine qui n'est pas de la même espèce que
"
ft,f u tt u.ttt"i !
la cause d'un mouvement ou d'une action en lui-même oLt la science humaine. Il ne faut pas prêter à Dieu un raison- tlt, t re t t t ts i.î it:
!.r't X:srt tw i
en quelque chose de dffirent de lui. > nement humain. du )î{n!'siùc[u.
Cette notion d'éternité du monde permet à Ibn Rushd d'in- liiftliotftèr1we du wut sée
rl r' lkt k atrt i li uwrq, f ,
sister sur le fait qu'on ne peut appliquer à Dieu la termi- I r tu n
X.t
Ibn Rushd s'inscrit dans une longue lignée de penseurs musul- trt, t'aide, toi, en îe séparant de ces
compagnons. Mais main_
mans auxquels il fait référence ou auxquels il s'oppose. I(ttonl l'heure de cette séparation n'est pas encore venLte :
u,t terme lui estfixé, que tu ne peux anticiper Il.faut
donc te
,.,
"l
{- t, rIt'il1'I
./r ,
{|f('-!),;{')
\
I t)ntenter pour le moment d,unvoyage
tt('tion; tontôt tu es en route, tantôt tu
coupé de halte et d,in_
fréquentes ces com_
l,(t,qtnns.Chaque fois que tu t,esseules pour poursuivre ta
Philosophe turc d'expression arabe, il vit à Bagdad et Damas tttttt't'he avec une pa{oite ard.eur, moi je
fais route avec toi,
sous les Abbassides, à l'époque où le califat s'affaiblit facc e't Iu €s séparé d'eux. Chaque que
fois tu soupires après eux,
à la montée en puissance des émirs arabes puis iraniens e-t ttr ttt'complis un revirement vers eux, et
îu es alors iéparé de
enfin celle des sultans du clan des Seldjoukides. ,,toi : ainsi en sera-t-il jusqu'à ce que vienne
le moment où
La réflexion d'al-Fârâbî s'organise autour de deux axes. I I tu n)iltpras totalement avec eLlx. >)
cherche à concilier la religion et la philosophie d'une par"t. Extrait de Hayy ibn yaqzân traduit par Henry Corbin
et d'autre part à accorder les philosophies d'Aristote et cle l.)rrns ce.conte initiatique, il met en présence
un homme pré_
Platon. Pour lui, le chef politique doit réaliser I'unité de lrr ,lrrlxrsé à découvrir un monde inconnu et un vieillard
étemel-
religion et de la philosophie : c'est I'imam-philosophe. ll flrrrc'rrt jeune, Hayy ibn yaqzân,le Vivant
justifie ainsi I'idée d'un pouvoir fort, à la fois religieux ct Fils du Mgilant. Le
rrcillard représente l'intellect agent (voir p.32) qù permet
politique, dans une période de remise en cause de ce potr l .rr't'ùs à la connaissance. Les co-pugnonJde l,homme
sont
voir : le califat. !'r lrrcr-rltés de l'âme qui peuvent le gêner dans sa quête de l'idéal.
| ,r lrcrrsée, selon Avicenne, peut être un progrès quotidien,
"9'[r, .$inri ()t,t . ''tt,icerwrc (sr{'-tt', rllt' 1)crfiet une assimilation progressive de la sagésse.
\r rr'c,ne est proche des soufis* dont la démarche ésotérique * Soufisme : doctrine
Ibn Sînâ est un philosophe persan. Son æuvre est tradtrrt, hrt unc place importante à I'illumination, que I'on peut mystique qui s'est déve-
cotn_
en latin à Tolède : ibn Dauf, juif arabophone, traduit ,1, 1*.rrt'r'ir I'extase, et qui permet d'atteindre I'Unité divine. pour loppée à I'intérieur de I'is-
l'arabe en castillan ; Dominique Gondisalvi, chrétien. tlrr ljur, tl n'y a pas de contradiction entre ce qui est donné par le
lam depuis le VIII" siècle.
Par des exercices phy-
duit du castillan en latin. Ainsi 1' æuvre d' Avicenne est-c I I, d.r \r )n ncment philosophique et
ce qui l, est par I' illuminàtion, siques et spirituels. le soufi
la première grande æuvre philosophique portée à la connrri' ,1,rr ,rlrporte une plus grande clarté. tente de libérer son esprit
35
i
Lrs pnÉcunsruns
raN RusHo
1
ll llF:i:ln;+"
lir
L'arrêt qui départage la croyance de Ia mécréance
Dans
al-Ghazalt distingue ce qui sépare I'infidèle du croyant 'l(,n ''[Jt ijç1 (rLt ,, ,1uor',yru:e (fin ,I[ -trtrt)
l'infidèle ne reconnaît pas la parole du Prophète, le croyani { )r'iginaire de Saragosse en Espagne, il doit se replier vers le
croit que tout ce qui est énoncé par la Révélation existt:
rrril après la prise de la ville par les chrétiens. Il meurt en
d'une façon ou d'une autre.
I I 19. C' est d' abord un scientifique. Il a commencé ses études,
ou L' I n c o hé ren c e d e s p h il op h e't
D ans Tahâfut a I- Fatâ s fo os
,lit- il, par la musique et I'astronomie, a poursuivi par la logique
il réfute al-Fârâbî et Ibn Sînâ, deux philosophes aristotéli- ,r rravers 1'étude d'al-Fârâbî avant d'aborder la physique.
ciens. Al-Ghazali distingue dans la pensée d'Aristote les | 'rtuvre centrale d'Ibn Bajja a pour titre Le Régime du soli-
sciences telles que les mathématiques et la logique, qui n'ont
t,tit'c. Elle est élaborée à 1'époque des Almoravides, époque
aucune incidence sur le dogme religieux, de celles qui peu ,l'intolérance religieuse et d'hostilité à la philosophie. Ibn
vent se ftouver en contradiction avec lui comme la physiqut: llrryya imagine I'idéal de la sagesse dans le solitaire, qui par
et la métaphysique. Il repère seize propositions métaphy- I r!r constant et profond travail sur lui-même arriverait à I'ascèse
siques et quatre physiques en contradiction avec le dogmc' rrrlcllectuelle en se tenant à l'écart du monde.
Trois d'entre elles sont très graves car elles sont en oppo-
l'orrr lui c'est par la raison que l'homme accède à la connais-
sition avec la pensée divine.
\,u)ce pure de I'au-delà, alors que pour al-Ghazali c'est I'expé-
- Sur la science divine : Dieu, d'après le philosophe, nt rrcnce mystique qui y mène. Le sage d'Ibn Bajja n'est pas
connaît pas les particuliers mais l'humanité en général. Ai l'rrrram-philosophe d'al-Fârâbî, puisque au départ il s'agit
Ghazali réfute en disant qu'à ce titre, Dieu ne connaîtratt ,l'rrn homme comme les autres et non de quelqu'un désigné
pas Muhammad en particulier. , r)n)lne dans le cas de I'imam. Le solitaire d'Ibn Bajja n'est
- L éternité du monde soutenue par Aristote contredit lrr l';rs le moine chrétien, car il vit dans le monde où il se veut
création. i'trf un citoyen idéal. Ce sage n'a autorité sur personne et
d'Aristote, al-Fârâbî ainsi qu'Ibrr |('lsonne n'a d'autorité sur lui.
- A partir de la pensée
Sînâ soutiennent que I'essence de I'homme est intellee:
Dieu, il doit se débarrasser de toute ,lt 7 I I lt t rt,t :lfr. .-l
tuelle. Pour rejoindre
mat&ialtté: il n'y a donc pas résurrection des corps aprÙs ['tt ')ttltttl[
| rtt l{'rtku't't' (rk:l'til \ Il' - t tt;1
la mort alors qu'elle est explicitement contenue dans !t'
\r' ir Guadix en Espagne au début du XII" siècle, il reçoit
Coran. ,l'rrbtlrd à Cordoue une formation de médecin. C'est d'abord
La doctrine d'al-Ghazali cherche à fusionner la démarcl't' r'n r'ctte qualité qu'on le connaît: il est 1'auteur d'un long
philosophique, la démarche juridique et le mysticistne 1,,,i'rne mnémotechnique de 8 000 vers sur la médecine. Il fut
cette conciliation est tentée dans La Revivification dt': l,' rrrédecin privé à la cour du sultan Abu Ya'qûb Yûsuf. Il
sciences de la religion. 11 s'agit d'appliquer intégralemeiit 'ti'rnissionne de ce poste en I 182, date à laquelle il est rem-
la Loi. La parole divine en est la source principale. Une fors l'lrrr'é par Ibn Rushd. Il meurt en 1185 à Marrakech.
celle-ci exposée, il n'est pas nécessaire de foumir des preuves ' f 'lrilosophe, on lui connaît une æuvre essentielle, Le Vivant
on peut néanmoins argumenter, la raison intervient a po:' I tlt tluVigilant (Hayy ibnYaqzân).Il veut < révéler ce qu'il
teriori. Ce dernier ouvrage fut brûlé en 1109 devant la mo:'
;', jut't'u des secrets de la philosophie illuminative communi-
quée de Cordoue à la demande du sultan almoravidc ,1rtt;t' par le maître, le prince [des philosophesl Abu 'Ali ibn
L' individualisme prôné par al-Ghazali apparaissait comnre \tttti >. Ce roman initiatique reprend le titre de 1'æuvre d'Ibn
un f'acteur de discorde. rrrri rnais s'en démarque sur le fond.
tt il
' -]-$l*--$
'1,{"0 r"r,{irg * I l.ç {'wpg ffi fiffifi*
L islam est une religion monothéiste apparue au VII' sièclt \1ul-rammad parle de ces révélations et le cercle de ses adeptes
en Arabie. Le mot islam sisnifie littéralement << soumissiol i onrrleflce à s'élargir. Sa prédication inquiète les riches com-
à Dieu >. rrrcrçants, qui craignent en particulier qu'elle pofte toft aux
:retivités liées à la présence de la Piene noire. De plus' les
;,r'crniers disciples se recrutent parmi ceux
qui souffrent le
L{).."ft". ",/.r.r..(
t' t I't'lltt({ lrlrrs des mutations de l'époque - les esclaves, les vaga-
lronds -, très sensibles à la dénonciation de l'injustice et à
Muhammad naît vers 570. Après une éducation auprès cll .ulle de I'usure. Aussi les menaces se font-elles de plus en
tribus nomades, il entre au service d'une veuve commerçantr: plrrs précises contre Muharnmad. Il se résout à quitter La
de La Mekke (La Mecque), Khadîja, qu'il épouse. \lckke pour Yatrib, qui prend le nom de Médine, en 622 :
Cette première période de la vie de Muhammad témoignt' r. cst l'Hégire (dtmothiirasignifiant < émigration >)' L Hégire
des mutations que connaît la société, qui jusqu'à présenl lnrrrque le début du calendrier musulman . De 622 à 632, de
était dominée par les pasteurs nomades, les Bédouins, alorr; \{édine partent plusieurs expéditions pour soumettre La
que se développent des villes en liaison avec le commerc(: \'lckke ainsi que l'ensemble de la péninsule Arabique'
caravanier. Les nomades étaient organisés en tribu, à la foir; l:.n 629,les Mekkois se convertissent à f islam tout en conser-
unité économique, sociale, politique et militaire, autour d'urt r lrrt leurs privilèges. Le pèlerinage est maintenu puisqu'il est
ancêtre commun. ,lrrns les obligations que doit respecter tout musulman' La
Le développement du commerce ne pouvait accepter lr' ( ()nversion des tribus alentouret de la péninsule Arabique suit'
a Razzia: incursion faite système des razzias* auxquelles se livraient les tribus. Lr
en territoire ennemi afin long des routes caravanières grandirent des villes commr-
d'enlever les troupeaux, de
lnire du butin. La Mekke installée sur un point d'eau et près d'un sanc-
tuaire pré-islamique autour de la Ka'ba, monument dant;
lequel est ensemée la Pierre noire donnant lieu à de nom
breux pèlerinages.
Dans ces cités, une nouvelle hiérarchie sociale s'impose
Au sommet, on retrouve les grandes familles riches. En bal
se situent les esclaves.
+* Oligarchie : régime po- L autorité est assurée par une oligarchie** dirigée par lr
litique où I'autorité est entre
clan des Banû 'Umayya (nom qui donne Omeyyade).
les mains de quelques per-
sonnes ou fàmilles. C'est dans ce contexte que Muhammad, délaissant de plu:
en plus ses activités commerciales, fait de longues retraite',
Mausolée de
dans une des grottes proches de La Mekke. Selon la tradi
Salâh al-Din
tion, c'est là qu'il voit à plusieurs reprises l'ange Gabrie, (Saladin), I l9-1,
qui lui apporte des messages de Dieu. L'ensemble de ces ù l)ttmas
x** Coran : récitation > messages forme le Coran***, véritable parole de Dieu pour (près de la Mosquée
"
en arabe. ameyyade).
les croyants.
39
38
I
AvrnnoÈs - leN RusHo L'tstau
Iran actuels ; de son côté. l'Omevvade est reconnu caliiu' [)()rter. Tous les aspects de la vie courante sont concernés
en Syrie, Palestine, Égypte. Hlj;;.Il transforme alors l,-' ['rrr la loi religieuse : I'héritage, le divorce, les peines à
(utnptmtut rIrrrneren cas de crime, etc. Il n'y apas de loi larque. Comme
desAukd Suitl duns califat en monarchie héréditaire.
k's Textes peuvent être interprétés, cela donne lieu à diffé-
le dësefi rnu Sittui'
Cette histoire mouvementée des débuts de l'islam expliqr.,t rt'rrtes écoles juridiques, donc à des différences très sen-
pur D" liabtr{s,
1,t'"19. les divisions, encore actuelles, qui existent depuis '
'.rbles pour les sociétés concernées.
VII'siècle.
10 4l
I
Iran. Pour eux, l'imam est désigné par Dieu parmi les ' i'rrrpltète, puis celle des
cendants d'Ali. Pour certains il y en a eu sept, pour d'au .,nrl)agnons du prophète et enfin le consensus (voir p. 18).
douze, et depuis ils parlent de << I'imam caché >, appel' rl i.,uirr)Ll toutes les possibilités ont été envisagées, alors on
Mahdi, dont on attend le retour pour délivrer le moncl ;' Lrt laire appel au libre examen ;
Les alaouites en Turquie et Syrie, les ismaïliens ainsl 1rr l(' rite hanbalite refuse le raisonnement par analogies car
les druzes du Liban sont des groupes minoritaires de l"' ' ', .rilnifie une opinion personnelle par opposition au texte
dience chiite. , ,, rti. De plus, il croit à la prédestination.
Le sunnisme regroupe aujourd'hui 80 7o des musulllr rr
Iladhère aux quatre actes de fbi (voir ci-dessus) et pli r
Le bassin méditerranéen au XII' siècle est un carrefour otl Dans la Méditeruanée musulmane, le pouvoir n'est plus dans
se côtoient, se connaissent. s'affrontent aussi les mondes; les mains desArabes, ni à I'Occident, ni à 1'Orient. Le monde
musulman et chrétien chrétien ne présente pas plus d'unité.
llJVers 1180,
Motton vusutatx | )règne
I Jde Manuel I"'
[l Possessiozs f;:l
) )berbères
I| lalmoravides
| puis almohades
.l
f Posse^çsions l-] Comté d'Edesse
I lara.bes
l' ) t+ nls)
I| lPuts turques
| (Seldioukitles)
et kurdes llPrincipauté
(Ayyubides) " I d'Antioche
lo)Comté
r 'ldeTripoli
DU PAPE
llÉrort
l.l llRoyaume
f,,] I l lde .lérusalem
!-t
44 MiJNICIFAt€ 45
.oil-!tl .llr':'lj
I
l
ll
AvrRnoÈs - lsN Ruslo La MronmneNÉr au XII' sÈcLE
tl
S ,:-.r
î tt
':4.-'{-. rprrirrrls r/tt"ôf{eyt
1...'',, o t tf ,,,'r, {,t7 :r*t tin {,, ll,,,rt*r,in
Il se considère comme le seul successeur de l'Empire romarl
dont il a hérité I'organisation politique, s'appuyant sur Li r
dt"t A{ sièt"fu,
la ville et conservent leurs biens et leur mosquée. Tolè,
lidélité de la traduction soit entière et qu'aucune erreur ne it''t t t t tj t t r t u t'L eu *.qTls i'
est la première ville musulmane qui passe intacte dans l, uu Klf'stvt.:k:,
vienne fausser la plénitude de notre compréhension, aux tra-
mains des chrétiens. it'{ u I i: d t: 1' [:.çrr-r,grr i.
tlucteurs chrétiens j'en ai adjoint un sarrasin. [...] Ce travail
r:
Au cours du XII" siècle, Tolède, essentiellement une vir u étéfait l'année du Seigneur 1142. >
frontière, subit de nombreuses attaques almoravides pri l'armi les traducteurs, un des plus célèbres fut Gérard de
almohades. Elle résiste grâce à son solide site défensif. C'r i
('rémone. né en Lombardie vers I 114.
aussi une ville de contacts entre le monde chrétien et
,, Par amour de l'Almageste (de Ptolémée) qwi ne se trou-
monde musulman, avec dans les deux la présence de no
trtit pas chez les kting il se rendit à Tblède. Y voyant l'abon-
,
50 51
AvrnRoÈs - leN RusHo Le MnnmnnNÉr nu XII' stÈctr
',Ir | ! t r t r,'
I t{1il.\ {{i {'!il't'{l('lfldit
i)(!t.\t'('
Au XIII" siècle, dans les universités nouvellement créées
à Paris, Montpellier, Bologne... I'enseignement consiste
dans la lecture et la discussion d'æuvres commentées sur
L æuvre d'Ibn Rushd est accessible en trois langues
des textes traduits au siècle précédent. En disposant des
arabe, en hébreu, en latin ; parfois en arabe eil cârâclr
commentaires d'Ibn Rushd les universités ont non seule-
hébraïques ou uniquement dans sa version hébraïque e
rnent l'æuvre d'Aristote (sauf La Politique), mais aussi
latine, le texte arabe étant perdu.
toutes les études précédentes qui avaient été rapportées par
Ibn Rushd.
rr J, .'
/lrrrr.q {u 'yt'rt,r*tr [)ans un premier temps Ibn Rushd fournit les instruments
llrurrcr qu'ils ont été définis parAristote :
tlu travail intellectuel tels
Toutes les grandes æuvres d'Ibn Rushd sont disponibli la classification : connaître c'est classer. Le verbe << être >>
Au-delà, Ibn Rushd introduit une pensée philosophique foi et la raison, les dogmes du christianisme et la logique
indépendante de la pensée religieuse : la philosophier d'Aristote, en attaquant de front les thèses averroïstes.
d'Aristote propose un système rationnel de compréhensiorr < S'il n'y a qu'un seul intellect pourtous les hommes, néces-
du monde sans faire référence à une divinité quelconque" sairement il n'y n qu'un seul être voulant, un seul être uti-
Au XIII'siècle, à I'université de Paris, la faculté des arls lisant - au gré de sa volonté - tout ce qui fait la dffirence
où on enseigne la philosophie, est distincte de la faculté dtr des hommes entre eux. En outre si I'intellect, en qui rési-
théologie mais sous son autorité. La faculté des arts cherchr: dent la principttwté et le pouvoir d'wser de tout le resle, est
à s'émanciper sans être condamnée par la faculté de théo- un et le même en divers hommes, il s'ensuit encore qu'il n'y
logie. En reprenant la réflexion d'Ibn Rushd, elle affirmr a pas de différence entre les hommes quant au libre choix
que la foi et la philosophie ne peuvent se contredire si eller, de lavolonté, mais qu'elle est la même pour tous. Tout cela
restent chacune à leur place. Siger de Brabant (1240-1284 t est manifestement faux et impossible. C'est absolument Ï,*r'l'ri+mrphr
joue un rôle important dans la transmission de la pensét, contraire auxfaits les plus évidents, cela détruit toute espèce ele 'fl'hclmt;
r t{':\tX*rill"
d'Ibn Rushd. de science morale et même tout ce qui touche à la conser- Irutqwe rful .Y,i'tr" :rià'ir'
rit,l"{:1ylir;t
Aubry de Reims revendique l'autonomie de la pensée phi vation de l'ordre civil laqwelle est pourlant naturelle à tout 5an1u &'lnria Àk*rllc,
losophique : < Qui ignore la phiLosophie n'est pas un hommc. le monde, comme le dit Aristote. > it {:lorent:t.
"l'
.'{ rr.r' ;rr'rrl.r' d e h a w us,
sinon en un sens éqwivoque. Car comme I'a écrit Averroè:.
,4yerroÈs.
dans son Prologue sur le livre VIII de /a Physique t...1 1,
nom d'homme se dit équivoquement d'un homme rendu pat
fait par les sciences théorétiques et des autres hommes, tou:
comme le mot animal se dit éqwivoquement d'wn animttt
vivant et d'un animal peint en.fresque sur un mu.r. >)
56 57
AvrnnoÈs - lsN RusHo L'uNtvrnsaurÉ or ta prNsÉr o/lsN Rusno
En conclusion à son ouvrage intitulé De l'unité de l'intei Nulle part dans l'æuvre d'Ibn Rushd on ne peut trouver
lect contre les averroi'sles, Thomas précise : trace de cette << double vérité >. < ktvérité ne sawrail t'ontre-
< Voilà donc ce que nous avons écrit pour déîruire I'erreu dire à la vérité, elle s'accorde avec elle et témoigne en sa
(voir
en question, non en invoquant les dogmes de lafoi, mais et faveur > souligne Ibn Rushd dans l,e Discours décisif
recourant aux raisonnements et aux dits des philosctphe, p.23). Il y a une vérité et deux voies d'accès qui peuvent
eux-ruêmes. Si quelqu'unfaisant gloriewsemefi éraLage tit mener à différents niveaux de connaissance. I1 ne s'agit en
faux nom de lct science veut dire quelque chose contre t: aucun cas d'exiger du philosophe de croire vrai ce qu'il
que nous rrons écrit, qu'il ne s'exprime pas dans les coin pense être faux comme certains I'ont interprété.
sombres ow devant des gamins qui ne savent pas juger d En attaquant Ibn Rushd et les << averroÏstes >>' E. Tempier
matières si ardues, mais qu'il réplique à cet écrit par Lti attaque la philosophie. Pour lui, elle ne peut être une voie
écrit, s'il I'ose. Il trouvera face à lui non seulement moi d'accès à la théologie. De plus, elle peut mener à l'agnos-
qui suis le dernier de tows, mais bien d'autres zélateurs c!. ticisme, à l'incroyance puisqu'on pourrait s'abstenir de
la vérité, qui sawront résister à son erreur ow éclairer so, croire ce que la raison ne peut expliquer.
ignorance. > aiIrtlut tit: f.ltgrllr t r;çr'r'
A cette même époque, I'anti-averroÏsme est aussr
{:rt{ t:4rtWt: dl ,.tr/r/l','r
Dans le De unitate intellectus contra Averroistas, Thom:r lutte contre I'infidèle. Pour le chrétien, l'islam { {tu!it'}.
ne se contente pas de réfuter les thèses d'Ibn Rushd. i doit être combattu, au mieux c'est une hérésie,
reprend le texte De anima d'Aristote, lui applique la mêm, mais la plupart considère que ce n'est pas
rigueur d'analyse qu'Ibn Rushd pour arriver à des conclLr une religion.
sions différentes. Au-delà du simple commentaire, Thoma
Ibn Rushd est accusé de dissimuler der-
élabore une théorie générale de 1'âme et de la pensée.
rière I'image de la religion musulmane
son athéisme. On lui fait dire
i {t /ir,*lt' a;rull11{'t,,r't'{',; tfi' qu' < aucune religion n' est v raie même
58 59
:: AvrtnoÈs - lsN RusFJo L'uNtvrnsaurÉ or u rtNsÉr o'lsN Rusno
Mais, dans le même temps, Pétrarque (1304-1374) lance - une perspective positive et laïque qui
une attaque anti-arabe virulente dans Sar ma propre igno- voit dans le rationalisme d'Ibn Rushd
rance et celle de beaucoup d'awtres : le moyen d'intégrer la modernité
- << fles averroïstes] méprisent tout ce qui
est conforme à la occidentale ,
religion catholique > ;
- une perspective qui vise à concilier
- < ils combattent sans témoin, vérité et religion, et dans I'islam et la modernité.
les coins, sans se faire voi4 tournent le Christ en ridicule. Actuellement, ces deux courants tendent
pour adorer Aristote qu'ils ne comprennent pas f...1 lors- à se rapprocher pour faire front commun
qu'ils en arrivent à une discussion publique, ils n,osent contre l'intéerisme.
point vomir leurs hérésies, ils ont coutume de protester
qu'ils dissertent indépendamment de tafoi et en la laissant
de côté. >
Dans une lettre àLuigi Marsili, il traite Ibn Rushd de < chien
-{J' {t6 rittuçu rir#ttié
enragé >.
< Ibn Rushd appartient à trois histoires
Aux XV'et XVI" siècles, à Padoue, c'est à la fois I'apogée de la pensée : musulmane, juive, chré-
et la fin de l'averroïsme. On y enseigne Ibn Rushd, Siger tienne mais pas à trois mémoires :
de Brabant... mais aussi, en 7497,on y crée une chaire d'en- mémoire de l'Occident mais oublié par
seignement d'Aristote à partir des textes grecs. On n'a plus l'Orient. >
besoin de passer par les Arabes. A. de Libéra
Fali* nndsltw
< Ibn Rushd a été vaincu mais, en son
temps, Galilée aussi. Les Occidentaux l'ont réhabilité pour
,f
Clou.o tu, fJsl'ê.çs{. pprre.çerlir î{t!t# le considérer auiourd'hui comme un des principaux contri-
I buteurs à l'émergence de la pensée libre. Si les musulmans
Dès la mort d'Ibn Rushd, les juristes ont refusé sa philoso- reprenaient les pensées de leurs philosophes éclairés,
phie sous prétexte que la logique peut ruiner la foi religieuse. Averroès redeviendrait lbn Rushd. >
Le monde musulman retourne à la pensée d'al-Ghazali pour Farida Faouzia Charfi,dans Libération du 9 août
qui < tous les processus naturels représentent l,ordre fixé
Dans le monde musulman actuel < ce sont les juristes, les
par la volonté divine que celle-ci peut rompre à tout moment >.
faqihs, les moins ouverts à la pensée, qui détiennent le pou'
Le monde musulman se met alors en marge de la moder- voir de la pensée > (Mohamed Talbi dans L'Héritage
nité scientifique. andalou).
< Les sciences rationnelles de nos jours ont émigré yers lu Il ne s'agit pas de revenir à un âge d'or qui n'a d'ailleurs
-
rive septentrionale de la Méditerranée et j,ai appris que pas existé - mais de réfléchir sur les problèmes de notre
ces sciences, à Rome et aux alentours, ont aujourcl,hui de temps autrement que par anathèmes et exclusion. Pour recon-
fervents adeptes et une ffiuence sans pareille d,étudiants. > naître I'autre, il faut le connaître.
(Ibn Khaldun, 1332-1406.)
< J'appelle à des Andalousies toujours recommencées, dont
Au début du XX' siècle, des intellectuels arabes réhabi_ nous portons en nous à lafois les décombres amoncelés et
litent Ibn Rushd dans le monde musulman. selon deux l' inlassable espérance. >
perspectives :
Jacques Berque, leçon de clôture au collège de France, 2juin 1981.
60 6l
6k
*{tL{T
fi w*ir yfur
. Les Voies de l'islam, approche lai'que des faits islamiques de M.-C. FBnram et D.
8 nu, on, {,;{,ttoy, oy/rigu*, CussNrsn, É4. Cnop Franche-Co mtélCefi , 1997 .
. L'Islam, images d.'hier et tl'aujourd'hui, La Documentation photographique
ffielvres d'tr[rn Rnshd n'6 055, Éd. Documentation française, 1981.
. Le Discours décisif d' Averroès, traduction de M. Geoffroy, notes d'A. de LreÉna, . Les Pays d'islam, VIf -XV" siècle, La documentation photographique n' 8 007,
GF no 871 Bilingue (arabe et français), Éd. Flammarion,1996. Éd. Documentation francaise. I 999.
' L'Intelligence et la Pensée, commentaire du De Anima d'Aristote,Iradtction, notes
parA. de LrsÉRe, GF no 914,Ed. Flammarion, 1998. Sur les JuËfs
. Matmonide ow l'autre Moi'se de M.-R. H.tvouN. Ed. Lattès. 1994.
"{iur lbn Rushd
. Averroès, les ambitions d'un intellectuel musulman de D. Unvot Coll. < Grandes
biographies o, Éd. Flammarion, 1998. -;f
. Averroès et Averrol'sme de M.-R. Hayoun
t {.pw rtr4rmy{nir
etA. de LrsÉRa, < Que sais-je >> no 263I,
Ed. PUn r991. Le Destin de Youssef CuemNB. 1998.
. Averroès, un rationaliste en Islamde R. Arnald ez, Coll. < Le Nadir o, Éd. Balland,
| 998.
' L'Unité de I'intellect contre les averroi'stes suivi des Textes contre Averroès anté-
rieurs à 1270 de Thomas d'Aquin, traduction et notes d'A. de LBÉna, GF n" 713 ,%{, tt "r{ rywe nr n{; ** wewîm,{a vr,E e
Bilingue, Éd. Flammarion, 1994.
CD en vente à I'Institut du monde arabe :
$un al-Andalus . Nuba de Los Poetas de Al-Andalus no 2 Sanaa, Muwashshah, poème d'Ibn an-
'L'Héritage andalou dans la culture méditerranéenne de T. Fasnp (actes des Khatib, par I'orchestre al-Brihi de Fès. Disque El Legado Andalusi.
Premières rencontres d'Averroès) de 1994, É4. Oe l'Aube, 1995. . Musica Andalusi lbn Baya no 4,Mizan sari', par I'ensemble Ibn Baya. Omar
. Tblède, XIf -nft siècle, Arabes, chrétiens er juifs : le savoir et la tolérance, série Metoui et Carlos Paniagua, Disque 5K62262 (Madrid).
<< Mémoires ,, flo 5, Éd. Autrement, 1991.
.Cartas al Rey Moro no 1, Apiadate de mi pequeflo corazon, chanté par Begona
$ur la phËlosophÊe au &ttoyen Âge Olavide, chant et qânûn, Ensemble mudejar, disque Jubal JMPAOO1 (Madrid).
. Penser au Moyen Âge d'A.de LreEnn. * Points Essais > no 329. É4. au Seuil, 1996.
Un livre : La Mwsique arabo-andalouse de C. PocsÉ, Éd. Actes Sud, 1999, avec un
Snr I'islarm, les Arabes CD audio.
. La Fascination de l'islam de M. RoorNsoN, collection Agora >> n"132,Éd. Pocket,
<<
t993.
. Les Arabes suivi de Anclalouszes de J. Bnnqun, Coll. < Babel-sindbad >> n" 250.
Éd. Actes Sud, 1997.
62 o-,
(Euvre collective réalisée et écritt: st'tr'
I' ICEM-PÉDAGOGIE FREINET.
Auteur : Averroès - Ibn Rushd, un combutluttl tlr ltt pt'nsée du XII" siècle aété
conçu par Marie-France PUTHOD avec I'aidc Lltr t hrrrr(ie r BT2'
Coordination du projet : Colette HOURTOLLII.
Collaborateurs de I'auteur : Hélène COMITO, ('laLrclc FOURNET' Jeanne
VIGOUROUX et leurs élèves, ainsi que Marité BROISIN. Elsa BRUN, Annie
DHÉNIN, Maguite EMPRIN, Mohamed-chérif FERJAN[, Antoine MICHELOT,
Michel MULAT, François PERDRIAL et Christine SEEBOTH.
Coordination générale du chantier BT2 de I'Institut coopératif de l'École
moderne : Michel MULAT.
Site PEMF : http://www.pem f .Tr - Rédctction : Ié1. :04 92 284284 - Fax : 04 92 284 299 - Mél : redaction@pemf.fr
Loi n'219956 du t6juillet 1949 sur les publications destinées à lajeunesse - Dépôt légal : tévrier 2000
N'ISSN :0005 - 3414.
\ottsr ttltltrrr,tIttur'llr' ]11'Il .'OO{) l() ll I Il(l ilil ililillll lllllll lllllll
tt78281r5tt26091
ll ttrntrto .l ' I
1 I
9 ,\1