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Bulletin de l'Association de

géographes français

Interprétation hydrique de la notion d'étage de végétation selon L.


Emberger : application au Maroc (Meteoric water and Emberger's
vegetation levels in Morocco)
Claude Calvet

Résumé
Résumé. - Le rapport de l'évapotranspiration réelle à l'évapotranspiration potentielle est constant sur les limites d'étages
bioclimatiques méditerranéens définis par L. Emberger. Les valeurs fournies du rapport permettent un contrôle des bilans
hydriques à l'aide des cartes d'étages de végétation. Il apparaît que les précipitations ont été sous-estimées sur le littoral
marocain et en montagne.

Abstract
Abstract. - The ratio of actual to potential evapotranspiration is constant along the limits of mediterranean bioclimatic areas
described by L. Emberger. The deduced values of ratio allow checking of water balance using maps of bioclimatics areas.
Therefore, it appears that meteoric water has been underestimated both on the moroccan coast and in the mountains.

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Calvet Claude. Interprétation hydrique de la notion d'étage de végétation selon L. Emberger : application au Maroc (Meteoric
water and Emberger's vegetation levels in Morocco). In: Bulletin de l'Association de géographes français, N°464, 56e année,
novembre 1979. pp. 331-339;

doi : 10.3406/bagf.1979.5126

http://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1979_num_56_464_5126

Document généré le 19/04/2016


Bull. Assoc. Géogr. Franc., Paris, 1979, N° 464

Communication écrite

Claude CALVET *

INTERPRETATION HYDRIQUE DE LA NOTION D'ETAGE


DE VEGETATION SELON L EMBERGER : APPLICATION AU MAROC
(METEORIC WATER AND EMBERGER'S VEGETATION
LEVELS IN MOROCCO)

RESUME. - Le rapport de l'évapotranspiration réelle à l'évapotranspiration


potentielle est constant sur les limites d'étages bioclimatiques
méditerranéens définis par L. Emberger. Les valeurs fournies du rapport permettent
un contrôle des bilans hydriques à l'aide des cartes d'étages de végétation.
Il apparaît que les précipitations ont été sous-estimées sur le littoral
marocain et en montagne.

ABSTRACT. - The ratio of actual to potential evapotranspiration is


constant along the limits of mediterranean bioclimatic areas described by L.
Emberger. The deduced values of ratio allow checking of water balance using
maps of bioclimatics areas. Therefore, it appears that meteoric water has
been underestimated both on the moroccan coast and in the mountains.

I. — LES BIOCLIMATS SELON L EMBERGER

Le nom de L. Emberger reste attaché à l'étude de la répartition


naturelle des groupements végétaux, en liaison avec les éléments
climatiques, dans les aires géographiques relevant du « climat
méditerranéen » caractérisé par l'existence de saisons thermiques et de
précipitations concentrées dans la saison froide.
La démarche de L. Emberger part d'une conviction, c'est l'unicité entre le climat
défini par ses paramètres et la nature de la végétation naturelle. Parlant des
différents climats méditerranéens, Ch. Sauvage (1963) note «qu'à chacun de ces
climats correspond un ensemble de groupements végétaux qui ont les mêmes
aptitudes générales. Cet ensemble est l'étage de végétation : sa définition est
uniquement climatique mais son expression est dans la végétation ; il est la « réplique
biologique du climat» (L. Emberger, 1939). D'où le nom d'étage bioclimatique qu'on
lui donne le plus souvent. La dénomination adoptée pour les étages est la même
que celle des climats correspondants. On distingue donc les étages bioclimatiques
suivants : Saharien, Aride, Semi-Aride, Subhumide, Humide, et de Haute Montagne ».

* Ingénieur de la Météorologie Nationale, 26, boulevard Jourdan (Montsouris), 75014 Paris.


332 CL. CALVET

Cette double définition du complexe bio-climatique, à travers les


données de la végétation et du climat, permet d'associer à la gradation
qualitative de l'aridité tirée d'une certaine expérience botanique, une
gradation quantitative obtenue en combinant divers paramètres
climatiques. Dans ce but, L Emberger crée en 1930 le quotient pluviother-
mique, fonction des précipitations et de la température. Dans ce
quotient, l'apport en eau intervient au numérateur par le total P en
mm de la moyenne des précipitations annuelles. Pour les
températures, L. Emberger tient compte du fait que la vie végétale se déroule
entre deux extrêmes thermiques, que l'on peut en première
approximation assimiler à la moyenne des minimums du mois le plus froid m
et à la moyenne des maximums du mois le plus chaud M. Ces deux
variables thermiques permettent d'introduire dans une formule clima-
ttique, d'une part une température moyenne —~ — (voisine en
général de la température moyenne annuelle vraie), et d'autre part
l'amplitude thermique extrême moyenne (M — m). L. Emberger note
que cette amplitude exprime la continentalité et qu'elle varie le plus
souvent comme l'évaporation. Ces deux valeurs interviennent par leur
produit au dénominateur du quotient, mais aucune interprétation n'est
donnée à cette opération. Une telle formulation ne permettant pas de
discriminer les valeurs positives et négatives de m, le quotient est
modifié par L. Emberger en 1955. La température moyenne est alors
exprimée en degrés Kelvin et le quotient pluviothermique prend sa
forme actuelle :
1 000 P
°2 ~
M + m (M - m)
II apparaît donc que L. Emberger cherche à cerner la réalité
climatique à travers les contraintes biologiques, sans trop se soucier de
la nature physique du quotient pluviothermique, le considérant comme
un outil de travail empirique destiné à différencier les nuances
internes du climat méditerranéen dans ses rapports avec la végétation.
Cependant, le quotient pluviothermique est très loin de traduire univoquement la
vision que se fait L. Emberger de l'aridité. Ainsi Draguignan, en plein étage Humide,
présente la même valeur du quotient qu'Alger, station classée en étage Subhumide,
et presque à la limite du Semi-Aride. En fait, le quotient Çh serait d'une piètre
utilité si L. Emberger n'avait pas remarqué que le couple (Ç>, m) était en mesure
d'exprimer l'unicité qu'il cherchait. Le climagramme pluviothermique est le résultat
de cette mise en évidence. Dans sa notice explicative à la carte des étages
bioclimatiques de l'Atlas du Maroc, Ch. Sauvage (1963) note: «Sur un graphique rapporté
à deux axes de coordonnées rectangulaires (fig. 1), toute station climatique peut être
représentée par un point dont l'abcisse est la valeur de m (en degré C) et l'ordonnée
la valeur du quotient pluviothermique. A l'aide des stations de base dont le climat
et la végétation sont bien connus, L. Emberger (1930) a délimité sur ce graphique
des zones correspondant aux différents climats méditerranéens »... « Ces limites qui
séparent les différents climats reposent donc sur un choix», elles traduisent une
certaine Idée que L. Emberger se fait de l'aridité à partir des données de la végétation.
Les étages bioclimatiques groupent des localités dont les
caractères climatiques sont encore très généraux, et la nécessité s'est fait
BILANS HYDRIQUES MAROCAINS 333

Essaouira

hiver 0 hiver 3 hiver 7 hiver


froid frais tempéré chaud
Fig. 1. - Climagramme pluviothermique, stations du Maroc, période 1951-1975.

sentir de subdiviser ces étages en fonction de la température


hivernale. L Emberger (1942) a proposé m = 0° C pour distinguer les
étages à hiver froid et Ch. Sauvage (1960) a montré, dans l'étude
des subéraies marocaines, l'importance de la valeur m = 3° C pour
la végétation. La classification suivante a donc été adoptée dans le
tracé des cartes d'étages bioclimatiques :
334 CL. CALVET

m (°C) : 0° 3° 7°

sous-étage ,f5> •.«.>■« .-


à hiver : froid frais tempéré chaud

La méthode de L. Emberger se révèle efficace dans ses applications


et sert de trame à de nombreuses études de biologie végétale
effectuées dans le domaine méditerranéen. Elle possède cependant deux
limites. La première est liée à son caractère empirique dont nous
reparlerons, la deuxième à l'hypothèse d'unicité entre climat et
végétation, acceptable au plan de la géobotanique pour cartographier à
grands traits les étages de végétation, mais trop sommaire à échelle
fine lorsqu'interviennent d'autres variables, comme par exemple la
nature du sol. Enfin cette méthode reste muette sur la nature même du
couple climat-végétation. Pour l'écologiste le climat est une cause et
la végétation un effet. En réalité, les écosystèmes « naturels » sont
modifiés par l'homme, et l'on doit se souvenir que, dès la Préhistoire,
le surpâturage du Sahara a transformé en désert une savane
arborée (1).

II. — INTERPRETATION HYDRIQUE

Le quotient pluviothermique se présente comme un indice d'aridité


dont le dénominateur traduit l'agressivité du climat. Or la formulation
à laquelle aboutit L. Emberger en 1955 fait irrésistiblement penser à
une loi de diffusion moléculaire de la vapeur d'eau dans l'air, la
température moyenne en degré K variant comme le coefficient de diffusion,
et l'amplitude thermique donnant une image déformée du déficit de
saturation de l'air sous certaines conditions (C. Calvet, 1964). Vu
sous cet angle, le dénominateur de O2 exprimerait l'évapotranspira-
tion potentielle ETP, c'est-à-dire la consommation d'eau maximale
imposée par la demande climatique.
Le rôle de l'évapotranspiration dans la vie végétale n'avait bien
évidemment pas échappé à L. Emberger, mais les difficultés
rencontrées dans la détermination et l'interprétation de ce paramètre l'avaient
conduit à se contenter d'une méthode faisant empiriquement dépendre
la végétation des seules précipitations et températures à travers le
climagramme.
Cette adaptation de la végétation aux paramètres pluvio-thermiques
se fait en réalité par la mise en œuvre de divers procédés de
régulation dans la consommation de l'eau, lorsque l'offre pluviométrique, ou
du moins ce qu'il en reste après écoulement, devient inférieure à la
demande climatique. Le plus important de ces procédés est la
régulation stomatique qui permet aux plantes de résister à la dessication

(1) Ou du moins, a participé à cette transformation (N.D.L.R.).


BILANS HYDRIQUES MAROCAINS 335

des sols. Cette capacité d'adaptation est variable avec chaque espèce
et peut servir à caractériser l'aridité.
Dans cette optique, le rapport de l'évapotranspiration réelle ETR à
l'évapotranspiration potentielle ETP donne une interprétation physique
à la notion d'étage de végétation que Q2 n'arrive pas à exprimer. Il a
en particulier été montré, en utilisant les données marocaines, que ce
rapport, nommé quotient évapotranspiratoire, est constant sur la limite
qui sépare les étages Aride et Semi-Aride (C. Calvet, 1966). Il restait
à préciser les valeurs effectives du rapport pour toutes les limites
d'étages définies par L. Emberger. Ce travail suppose la détermination
de ETR et ETP annuelles moyennes pour l'ensemble des stations du
domaine méditerranéen. Le problème est seulement dégrossi à l'aide
des valeurs marocaines.
La détermination expérimentale de ETR et de ETP n'est pas d'une pratique courante.
Seules deux stations, Casablanca et Beni-Mellal sont équipées de cuves lysimétriques
permettant la mesure de. ETP. Différentes formules climatiques ont pu ainsi être
testées ; celle de L. Turc (1961) s'est révélée la plus efficace (voir Annexe I).
Les deux méthodes usuelles pour déterminer ETR à l'aide des
données climatiques sont, une formule due à L. Turc (1951), et le
processus d'évolution hydrologique imaginé par Thornthwaite (1948). La
formule de Turc a été retenue après étude du bilan hydrique du bassin
versant de l'Oued Mda, en amont de la station de jaugeage de
Moulay-Ali-Chérif. Ce bassin, situé au Nord de la plaine du Gharb, a
été choisi pour sa faible surface (390 km2) et la qualité des trois
stations climatiques qui y sont installées (voir Annexe II).
Il est donc aisé de calculer le quotient évapotranspiratoire (noté Qe)
pour les stations mesurant la durée de l'insolation et l'humidité, en
plus des classiques hauteurs de précipitations et températures. Leur
nombre est de 18 au Maroc, et la nature de l'étage bioclimatique de
chacune apparaît sur le climagramme pluviothermique (fig. 1).
Ce nombre de stations est évidemment insuffisant pour déterminer rigoureusement
la valeur de Qe correspondant à chaque limite d'étage. Un choix sera fait en fonction
de considérations portant sur le climagramme et sur les cartes de précipitations et
d'étages de végétation figurant dans l'Atlas du Maroc. Ceci nous mènera en
particulier à discuter la validité des mesures de précipitation effectuées en montagne
et sur les régions littorales.
En partant de l'étage Saharien, on peut estimer que la transition avec
l'étage Aride se fait pour Qe = 0,1 c'est-à-dire pour des précipitations
égales au dixième de l'évapotranspiration potentielle, l'écoulement
étant pratiquement nul dans ces régions. On sait que ETP annuel est
de l'ordre de 2 m d'eau dans les régions continentales au Sud de
l'Atlas et d'environ 1,5 m sur le littoral saharien. On vérifie en effet
que l'isohète 200 mm, puis 150 mm, coïncide avec la limite de l'étage
Saharien figurant sur la carte des étages de végétation. L'enclave
saharienne de Missour, dans le bassin de la Moulouya, présenterait
bien un Qe inférieur à 0,1 avec ses précipitations de 150 mm.
Le passage de l'étage Aride à l'étage Semi-Aride peut s'étudier en
336 CL. CALVET

considérant la portion de limite qui s'étend de Sidi-Bennour


(P = 305 mm) à Oued-Zem (P = 396 mm) sur la carte des étages de
végétation. La constance de l'aridité le long de cette limite s'explique
par l'augmentation de ETP (effet de continentalisation) qui compense
celle des précipitations. L'évapotranspiration potentielle n'est pas
calculable à Oued-Zem, mais les mesures effectuées dans une station
voisine permettent de l'estimer à 1 500 mm, ce qui conduit à un Qe de
0,26. Par ailleurs, la station d'Oujda sert de référence grâce à la bonne
qualité de ses données climatiques. Tout ceci conduit à fixer
Qe = 0,25 sur la limite qui sépare les étages Aride et Semi-Aride,
correspondant à des précipitations voisines du quart de ETP puisque
l'écoulement est encore peu important à ce niveau d'aridité. Mais alors,
dans ces conditions, Midelt (station de montagne) et Agadir (station
littorale) présentent des quotients évapotranspiratoires trop faibles,
ces deux stations étant voisines de la limite étudiée. Le problème de
la mesure des précipitations en montagne sera évoqué à propos de la
station d'Ifrane située en étage Humide. Pour les stations littorales,
on sait que les condensations occultes nocturnes (phénomène de
rosée) qui ne sont pas comptabilisées en tant que précipitations,
procurent un apport en eau non négligeable, de l'ordre de 50 mm par
an (C. Calvet, 1966). Si l'on ajoute, pour Agadir, cette valeur aux
246 mm récoltés au pluviomètre, on aboutit à Qe = 0,24 compte tenu
des 1 240 mm d'évapotranspiration potentielle.
Il n'existe pas au Maroc de station au voisinage de la limite entre
les étages Semi-Aride et Subhumide. La valeur Qe = 0,45 est proposée
à titre provisoire. Il faut noter qu'à ce niveau d'aridité, l'écoulement
intervient dans des proportions non négligeables, principalement en
montagne.
La station d'Ifrane est seule disponible pour le calcul de Qe en
étage Humide. Or la valeur de 0,53 trouvée à l'aide des données
climatiques est manifestement trop faible si on la compare au Qe = 0,54
de Larache et de Tanger-Aérodrome, ces deux stations étant situées
en étage Subhumide. Si L. Emberger a classé Ifrane en étage Humide,
ce n'est certainement pas sans de bonnes raisons, et il faut donc
expliquer la faiblesse apparente de Qe. Le dénominateur n'est pas en
cause, car la valeur de ETP calculée par la formule de L. Turc (1961)
recoupe les résultats obtenus par d'autres méthodes : il reste à
suspecter le numérateur. On sait que les mesures de précipitations sont
toujours entachées d'une sous-estimation systématique, liée
principalement aux remous de turbulence créés par le vent autour des
pluviomètres. Ce phénomène est particulièrement sensible lorsque les
précipitations ont lieu sous forme de neige. Selon un document de
l'O.M.M., « les valeurs fournies par les nivo-pluviomètres, y compris
par ceux munis d'écran, sont incertaines et inférieures aux quantités
de neige réellement tombées, l'erreur pouvant atteindre 50 à 70 %
dans le cas des instruments non protégés =», c'est-à-dire les
pluviomètres classiques. Pour les stations de plaine, moyennement ventées
et sans neige, l'erreur ne devrait pas dépasser 5 à 10%. La sous-
BILANS HYDRIQUES MAROCAINS 337

estimation est bien plus grande pour les stations de montagne, par
suite de l'augmentation de la vitesse de vent avec l'altitude et de
l'importance des précipitations neigeuses. Or Ifrane, comme tout
l'étage humide marocain, se trouve en altitude et bénéficie de 22 jours
de neige en moyenne par an sur une centaine de jours de
précipitations. Un autre phénomène est responsable de la sous-estimation
des précipitations en montagne : les fines gouttelettes d'eau des
nuages qui se présentent sous forme de brouillard à l'altitude d'Ifrane
ne sont pas mesurables avec un pluviomètre standard.
Des expériences faites sous un climat semblable avec des capteurs spéciaux, sur
la Montagne de la Table en Afrique du Sud, ont montré que « 56 jours de brouillard
et de bruine ont donné 2 027 mm d'eau alors que les pluviomètres n'en avaient
enregistré que 123» (R. Furon, 1963). Or on note en moyenne 92 jours par an avec
présence de brouillard à Ifrane. Ainsi la hauteur d'eau de précipitations, et par suite
ETR calculée par la formule de L Turc (1951), sont très largement sous-estimées par
les données climatiques. Si l'on fixe le quotient évapotranspiratoire de l'étage Humide
au niveau d'Ifrane à Qe = 0,60, il en résulte une valeur de ETR = 652 mm compte
tenu de la base assez sûre de ETP = 1 086 mm. Les précipitations qui
correspondraient à cette valeur de l'évapotranspiration réelle sont beaucoup plus proches
des deux mètres d'eau annuels que des 1 135 mm officiellement tombés dans le
pluviomètre. La valeur Qe = 0,60 peut provisoirement être prise pour limite entre
les étages Subhumide et Humide en ne perdant pas de vue les difficultés liées à
l'évaluation de ETR.
L'étage de Haute-Montagne n'est pas clairement défini par L. Em-
berger et n'apparaît pas sur le climagramme pluviothermique. Il n'est
pas possible de tirer de conclusion sur le plan hydrique. Les
remarques faites pour la station d'Ifrane s'appliquent a fortiori. D'autre
part, les fortes pentes doivent draîner l'eau d'une manière plus
importante que ne l'indique la relation de L. Turc (1951).

CONCLUSION

II peut paraître anachronique, à une époque où les progrès


permettent des bilans hydriques et hydrologiques réputés précis, de faire
appel à la végétation pour contrôler les paramètres intervenant dans
le cycle naturel de l'eau. Et pourtant cette voie met en évidence une
sous-estimation importante des précipitations mesurées sur les
littoraux et en montagne. La méthode utilisée, qui part d'une analyse des
processus de régulation (stomatiques en particulier) auxquels la
végétation est soumise, a montré que le rapport moyen annuel de
l'évapotranspiration réelle à l'évapotranspiration potentielle est constant sur
les limites d'étages bioclimatiques méditerranéens définis par
L. Emberger. Ce rapport, nommé quotient évapotranspiratoire Qe, a
pour valeurs :

Etages : Saharien Aride Semi-Aride Subhumide Humide


Qe : 0,1 0,25 0,45 0,6
338 CL CALVET

ANNEXE I

Calcul de l'évapotranspiration potentielle par la formule de L. Turc (1961)

(0,37 pour février)


ETP évapotranspiration potentielle mensuelle en mm
t température moyenne mensuelle en degré C
G rayonnement global (solaire) en calorie/cm2/jour
U humidité relative en % (intervient pour U < 50 %)
II est possible de déterminer G par la relation suivante :
G = Go (0,18 + 0,62-^-)
Oo
— S— fraction moyenne d'insolation

Go rayonnement solaire global extra-terrestre (C. Calvet, 1970).
L'ajustement expérimental établi à Casablanca montre que la formule de
L. Turc surestime de 10% les valeurs de ETP calculées pour les stations
littorales. Il serait possible d'affiner le terme en humidité de la formule en
le remplaçant par
M U
v 1 oocrj
pour les humidités supérieures à 50 %.

ANNEXE II

Calcul de l'évapotranspiration réelle annuelle par la formule de L Turc


(1951).
ETR = P

avec L = 300 + 25 t + 0,05 t3


P précipitations annuelles en mm
t température moyenne annuelle en degré C
pa
pour r-2 < 0,1 on prend ETR = P

On dispose, pour le bassin du Mda, de trois années de mesures


quotidiennes de débit (septembre 1971 à août 1973) qui représentent une hauteur
d'eau moyenne annuelle de 83 mm. Compte tenu des 789 mm d'eau de
précipitation mesurés sur le bassin on en déduit ETR = 706 mm en admettant
BILANS HYDRIQUES MAROCAINS 339

que la variation de réserve d'eau du sol est négligeable. En appliquant la


relation de TURC au bassin dont la température moyenne est de 17,9° C
durant cette période, on calcule ETR = 648 mm. L'estimation expérimentale
ne prétend pas vérifier la formule de Turc, mais elle montre que ETR
calculée n'est pas trop élevée comme on lui en fait parfois reproche.
Pour fixer les idées, considérons le bassin de l'Oued Sebou en amont de
Mechra-Bel-Ksiri. Ce bassin a une superficie de 26 000 km2 dont environ
10 000 km2 en plaines qui bordent le bassin du Mda. En admettant que le
débit mesuré sur le Mda se transpose aux plaines du Sebou, la participation
de ces plaines au débit du Sebou serait de 26 m3/s en moyenne pendant
la période étudiée : or le débit moyen du Sebou à Mechra-Bel-Ksiri a été
de 165 m3/s. La conclusion immédiate, et finalement bien classique, est que
les plaines ne participent pratiquement pas à l'alimentation en eau des
grands fleuves dans les régions méditerranéennes.

Mots clés : Maroc, évapotranspiration, bilan hydrique, étages de végétation.

BIBLIOGRAPHIE

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