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La barrière intestinale et ses pathologies 1

Du microbiote au leaky gut syndrome


L'intestin constitue une frontière entre l'organisme et l'environnement extérieur. Son rôle est
crucial dans la protection contre les éléments potentiellement dangereux. En outre, dans un
contexte particulier, il exerce les deux fonctions vitales que sont l’absorption et la digestion des
nutriments. Il est en permanence colonisé par une communauté riche de micro-organismes, la
plus dense sur terre, le microbiote intestinal. Un équilibre entre toutes ces composantes est le
seul garant de l’efficacité de la barrière intestinale et, de là, de l’intégrité de tout notre
organisme.

DR KHADIJA MOUSSAYER

Spécialiste en médecine interne

Doctinews N° 69 Août / Septembre 2014

L ’épithélium intestinal humain est la plus grande surface de contact avec le milieu
extérieur. Il représente 300 m2 de muqueuse, contre 140 m2 pour le poumon et 2 m2 pour la
peau. Il a la particularité de n’avoir qu’une couche de cellules se renouvelant toutes les 36
heures et reliées entre elles par des jonctions serrées assurant le rôle de barrière. Par ailleurs,
l'intestin contient la plus forte concentration de cellules immunologiquement compétentes, et
la flore qu’il renferme représente 10 fois le nombre de cellules de l'organisme.
L’altération de cette flore, de plus en plus importante depuis les deux derniers siècles, a
fragilisé notre système immunitaire et a favorisé le développement de maladies dites « de
civilisation » : phénomènes allergiques et maladies inflammatoires chroniques.
L’augmentation de la perméabilité intestinale ou leaky gut syndrome est de plus en plus
incriminée dans certains désordres auto-immuns et dans plusieurs autres pathologies telles
l’obésité, l’arthrose, l’autisme…

Le microbiote : un centre de gravité


Antérieurement appelé flore intestinale, le microbiote est l’ensemble de la microflore résidant
dans l’intestin. Le nombre de bactéries est de 1 014, soit 10 fois le nombre de cellules de
l’organisme. Il comporte environ 100 fois plus de gènes que le génome humain avec plus de
500 espèces réparties le long du système digestif. La diversité bactérienne est maximale dans
le gros intestin.
À la naissance, le tube digestif est stérile. Sa colonisation commence à l'accouchement et
dépend de son mode, de l'environnement et de l'alimentation. Le microbiote est mature à l'âge
de 2 à 4 ans. Chaque individu possède un microbiote qui lui est propre. Il s’agit d’une vraie
carte d’identité biologique.
Il a des fonctions capitales de protection contre la colonisation par d'autres bactéries, de
production de molécules antibactériennes, d'aide à la maturation du système immunitaire et

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http://www.doctinews.com/index.php/dossier/item/3445-la-barri%C3%A8re-intestinale-et-ses-pathologies

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d’induction de la réponse immunitaire. Il contribue également à la maturation de l'épithélium
intestinal et au renforcement des jonctions cellulaires.
De plus, sa fonction métabolique est incontournable, avec la production de vitamines et
d'acide gras à courte chaîne, à partir de polyosides non absorbés, la synthèse d'acides aminés
et la fermentation des substrats non digérés par l'homme.
Des découvertes passionnantes faisant état d’un lien entre anomalies du microbiote et
plusieurs pathologies ont récemment été rendues possibles, grâce à l’arrivée d’outils de
détection moléculaire permettant d’identifier les bactéries de la flore intestinale et de détecter
des anormalités : avec la PCR quantitative, les sondes d’hybridation in situ et la possibilité
d’étudier le transcriptome (ARN messager), le métabolome (protéines) et même le potentiel
génétique des gènes non exprimés (méta-génomique), les paysages bactériens et les
écosystèmes sont identifiables aujourd’hui. Il existe un échange de matériel génétique entre le
microbiote intestinal et l'organisme humain faisant de ce dernier un "méta-organisme".

Le GALT : premier organe immunitaire


Le tissu lymphoïde associé au tube digestif ou GALT, (gut-associated lymphoid tissue)
contient plus de lymphocytes que tous les organes lymphoïdes secondaires, abritant ainsi plus
de 70 % des cellules du système immunitaire. Il est composé de structures organisées en
follicules (plaques de Peyer et ganglions mésentériques) et d’une autre, diffuse, la lamina
propria.
Il fait partie de la grande famille du MALT (Mucosae Associated Lymphoid Tissue), qui
comprend, entre autres, le NALT pour la muqueuse Nasale et le BALT pour le tissu
Bronchique. Ils partagent la migration des cellules entre les différents sites et des effecteurs
identiques : les IgA sécrétoires. Ces dernières participent à l’inhibition de la translocation
bactérienne et de la multiplication virale dans les entérocytes. Elles peuvent également
neutraliser les toxines et bloquer l’adhésion des bactéries à la muqueuse intestinale.
De connaissance récente -fin des années soixante-dix-, le système immunitaire digestif utilise
les mêmes acteurs moléculaires et cellulaires que le système immunitaire systémique, tout en
présentant la particularité de distinction entre les antigènes inoffensifs contenus dans les
aliments et les bactéries commensales, d’une part, et les agents pathogènes, d’autre part. Les
cellules épithéliales de ces sites sécrètent des peptides antimicrobiens (défensines et
cathélicidines) qui bloquent la croissance des cellules bactériennes et fongiques.
Le MALT couvre un territoire de plus de 600 m² confronté à différents types d'antigènes. Les
antigènes alimentaires sont les plus importants en volume et représentent environ une tonne
par an chez un humain. La majorité des antigènes de l’environnement parviennent également
dans le tube digestif par le biais des secrétions ORL et lacrymales avalées constamment et des
secrétions bronchiques remontant au carrefour oro-pharyngé.

Infusion fécale
Nouveau traitement du Clostridium difficile
Quinze à 25 % des patients infectés par le Clostridium difficile ne répondent pas au traitement
antibiotique, des prescriptions répétées et de longue durée de vancomycine sont souvent
nécessaires et leur efficacité ne fait que diminuer.
Dans une étude ouverte randomisée, un traitement bref de vancomycine associée à une
infusion de 150 g de selles normales diluées dans 500 ml de solution saline instillée par sonde
nasogastrique a été comparé à un traitement standard par vancomycine ou à un lavage
intestinal.
Le taux de guérison a été important dans le groupe avec infusion fécale. Cependant, l’étude a
été interrompue prématurément à cause du haut taux de rechutes et du faible taux de guérison
des groupes sans infusion fécale.

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Le traitement par infusion de selles normales devrait prendre de l’importance vu l’importance
grandissante des diarrhées parfois mortelles à Clostridium difficile. Il est également possible,
qu’à l’avenir, un cocktail de bactéries adéquates remplace l’infusion de selles pour une
meilleure acceptation par les patients !

Un second cerveau dans l’intestin


Le tube digestif est innervé comme tout organe périphérique par une composante extrinsèque
du système nerveux autonome (SNA), les corps cellulaires des neurones étant en dehors de
l’intestin. Mais sa grande particularité est représentée par le système nerveux entérique
(SNE), une composante intrinsèque du SNA. Il est formé de plus de 200 à 600 millions de
cellules nerveuses, soit approximativement le même nombre que celles de la moelle épinière
(le cerveau en contient une centaine de milliards). Les neurones du SNE et le SNC (système
nerveux central) partagent la même origine embryonnaire, des similarités fonctionnelles et
chimiques : vingt neurotransmetteurs ont été répertoriés dans le SNE (sérotonine,
acétylcholine, noradrénaline …). La sérotonine est produite à 95 % dans l’intestin.
Le SNE est connecté au système nerveux central via le nerf pneumogastrique qui joue un rôle
fondamental dans la régulation végétative (digestion, fréquence cardiaque…) ainsi que dans le
contrôle sensorimoteur du larynx, et donc de la phonation. Il véhicule un courant permanent
de messages entre le cerveau et l’intestin. Il existe donc un axe intestin-cerveau qui contrôle
les processus digestifs, le comportement alimentaire, le système immunitaire gastro-intestinal
et la réponse au stress, à la douleur ou aux émotions. Ce SNE s’apparente au cerveau,
souffrant parfois des mêmes maux. Il est également capable de lui transmettre les siens en
générant des émotions. Le stress, ressenti au niveau du SNE, agit directement sur la muqueuse
intestinale et provoque la sécrétion de sérotonine. Le SNE serait aussi capable de se souvenir
et participerait à la phase de rêves pendant le sommeil en produisant également de la
sérotonine.
A contrario, le SNE peut être lésé lors de maladies qui touchent le cerveau comme la maladie
de Parkinson. Les lésions spécifiques observées dans les pathologies neuro-génératives se
retrouvent dans les neurones du SNE. Les substances chimiques neuro-actives
(antiparkinsoniennes, neuroleptiques …) agissent également au niveau du SNE, provoquant
ainsi de nombreuses manifestations digestives (troubles du transit, spasmes, irritations …).

Perméabilité intestinale
Test de mesure
Dans ce test, il s’agit de comparer la concentration urinaire de deux sucres, un sucre A, dont
la grande taille empêcherait son passage à travers la barrière intestinale (lactulose, cellobiose,)
et un sucre B, de petite taille, permettant de traverser facilement la bordure en brosse (le
mannitol et le L-rhamnose). Le dosage est en général effectué sur les couples
lactulose/rhamnose, ou lactulose/mannitol.
Ce test est simple, non invasif avec une sensibilité et une spécificité de 70 à 80 %. (Bouhnik,
et al., 2008). L’ingestion des sucres a lieu le matin, à jeun, dès 6 heures au moins. La récolte
des urines est réalisée sur 5 à 6 h, le patient étant autorisé à boire de l’eau non sucrée au bout
de deux heures.
Si le rapport A/B est élevé, ceci démontre l’entrée anormale de molécules entre les
entérocytes (facteur tendant à augmenter la récupération urinaire de A) et/ou l’assimilation
réduite des micronutriments par ces entérocytes (facteur réduisant la récupération urinaire de
B).

Barrière intestinale et maladies auto-immunes


La rupture de la barrière intestinale serait à l’origine des troubles auto-immuns par la mise en

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relation d’un environnement perturbateur avec des gènes prédisposants. En cas
d’hyperperméabilité de la barrière intestinale, une entrée massive de molécules provenant
d’aliments mal digérés ou de substances xénobiotiques issues de l’alimentation ou de prises
médicamenteuses peut déclencher, selon le terrain génétique, des troubles auto-immuns
intestinaux et extra-intestinaux affectant la peau, les articulations, les tendons, les muscles, la
thyroïde, les poumons, le système nerveux…
Ce nouveau paradigme suggère que les processus d’auto-immunité sont susceptibles d’être
arrêtés si cette interaction est empêchée en rétablissant la fonction de la barrière intestinale.

Le diabète de type 1
Des scientifiques ont comparé récemment la composition et l’interaction du microbiote chez
des enfants développant des auto-anticorps spécifiques au diabète avec les mêmes données
chez des enfants en bonne santé. L’existence d’interactions, chez les diabétiques de type 1,
entre leur microbiote et certains anticorps typiques du diabète des années avant même que ces
anticorps soient détectables dans le sang apporte la preuve de l’implication du microbiome, ou
ADN microbien, dans le développement de ce diabète.
Cette étude montre, en outre, que l’information génétique contenue dans le microbiome
influence l’hôte par sa composition et aussi par la manière dont le microbiote interagit à
l’intérieur de l’hôte. Et ainsi, qu’à bactéries similaires, les interactions sont différentes.
Le microbiome serait donc influencé par des facteurs épigénétiques. L’alimentation, l’hygiène
ou encore le mode d’accouchement influencent à la fois la composition de la flore intestinale
et la façon dont ses bactéries interagissent. Identifier les facteurs les plus puissants sur le
microbiome permettrait de développer de nouvelles approches pour prévenir le diabète de
type 1.

La polyarthrite rhumatoïde
Selon une étude new-yorkaise, l’inflammation des articulations et l’inflammation systémique
caractéristiques de la polyarthrite rhumatoïde (PR) précoce sont associées à un profil altéré de
la colonisation microbienne de l’intestin. En utilisant une méthode de séquençage globale des
gènes, cette étude a révélé que 75 % des patients avec une PR d’apparition récente non traitée
avaient une nette expansion de Prevotella copri, une bactérie pro-inflammatoire.
Les implications cliniques de cette étude sont énormes. En manipulant le microbiome
intestinal par l'alimentation, une antibiothérapie ciblée ou par la mise à disposition de «
bonnes » bactéries qui pourraient déplacer Prevotella, le traitement de la polyarthrite
rhumatoïde pourrait être révolutionné.

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)


Le rôle du microbiote dans le déclenchement des maladies inflammatoires chroniques de
l’intestin (MICI) n’est pas avéré, mais diverses observations appuient cette hypothèse. Des
différences significatives existent entre la microflore intestinale de sujets sains et celle de
sujets atteints de MICI. Plusieurs travaux ont montré qu’il existait une diminution de la
proportion de Clostridium leptum ainsi qu’une augmentation de la population d’Escherichia
coli chez les patients atteints de la maladie de Crohn. Dans la rectocolite hémorragique, une
diminution de Clostridium coccoides est observée. Les modifications de la composition du
microbiote ne sont pas limitées aux zones ulcérées, mais sont également retrouvées à distance
des lésions inégalement réparties dans la muqueuse.
Une étude a montré que la plupart des modèles animaux de colites inflammatoires sont
protégés de la maladie lorsqu’ils sont maintenus en conditions axéniques (sans flore
intestinale). D’autre part, il a été montré que le transfert de la flore de souris mutantes,

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développant spontanément une colite ulcéreuse, à des souris sauvages axéniques induisait le
développement de la pathologie chez ces dernières.

Bisphénol A
Action délétère sur l’intestin
Le Bisphénol A (BPA) est largement utilisé dans la fabrication industrielle des récipients en
plastique, tels que certains biberons, et dans les revêtements intérieurs de boîtes de conserve
pour aliments ou canettes de boissons. Il est capable de s’extraire de ces plastiques et résines,
spontanément et à très faibles doses, et plus largement lorsque ces derniers sont chauffés. Or,
le BPA est un leurre hormonal, capable de mimer l’effet des œstrogènes essentiels au
développement du cerveau et du système cardiovasculaire.
Pour la première fois, une équipe de chercheurs de l’Inra de Toulouse vient de démontrer chez
le rat que l’exposition au Bisphénol A a des conséquences sur la perméabilité intestinale.
L’exposition pré et post-natale au BPA pourrait freiner le développement des défenses
immunitaires intestinales, altérant ainsi leur capacité à reconnaître plus tard des substances
potentiellement nocives pour l’organisme. Ces effets ont essentiellement été observés dans la
descendance femelle, naturellement plus sensible aux effets des œstrogènes que les mâles.

Atrophies villositaires et pathologies associées


Les villosités intestinales jouent un rôle
important dans la barrière intestinale. Leur
appréciation par l’anatomopathologiste nécessite
une orientation parfaite des biopsies de manière à
obtenir des coupes perpendiculaires à la surface
et à visualiser l'axe cryptes-villosités. La fixation
doit être immédiate et pas trop prolongée (au
maximum de 12 à 24 h).

La maladie cœliaque
La maladie cœliaque (MC), ou intolérance au
gluten, est la cause la plus fréquente d'atrophie
villositaire (AV) en Europe. Son diagnostic est fondé sur un faisceau d'arguments. Les critères
histologiques permettant d'évoquer le diagnostic de MC sur une biopsie intestinale associent
une AV, une augmentation du nombre des lymphocytes intra-épithéliaux (LIE). Les lésions
histologiques peuvent, de plus, atteindre l'ensemble du tube digestif. Une gastrite
lymphocytaire est observée chez 39 % de malades cœliaques non traités ; elle apparaît même
plus fréquemment dans la MC que dans la gastrite à Helicobacter pylori (13 %). Une colite
lymphocytaire est retrouvée dans 30 % des cas de MC. La persistance de la diarrhée au cours
d'une MC traitée doit d’ailleurs faire rechercher une colite lymphocytaire.

Causes inflammatoires et infectieuses


Les causes infectieuses d'AV sont nombreuses, l’examen histologique apporte le plus souvent
une preuve formelle en mettant en évidence l'agent pathogène.
La sprue tropicale est essentiellement rencontrée en Extrême-Orient et en Amérique du Sud ;
une durée de séjour minimale de trois semaines en zone d'endémie est nécessaire pour
contracter cette affection dont la cause n’est pas connue et pourrait être bactérienne, virale ou
parasitaire. L'agent pathogène agirait au moins en partie par l'intermédiaire d'une
entérotoxine.
La maladie de Whipple, une affection systémique avec des symptômes digestifs graves, est
rare. Elle est due à Tropheryma whippelii et affecte les hommes de race blanche entre 40 et 50

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ans, essentiellement en Amérique et en Europe du Nord.
La maladie de Crohn peut comporter des lésions gastroduodénales proximales. Une AV de
degré variable est rare.
Giardia est le parasite le plus fréquemment rencontré en Europe et aux Etats-Unis. Sa
présence est favorisée par un déficit en IgA. L'AV, de degré variable, le plus souvent partielle,
régresse après traitement.
Lors de la cryptosporidiose intestinale, les lésions peuvent atteindre tout le tube digestif ;
l'intestin grêle est cependant la localisation préférentielle. Une AV de degré variable peut être
trouvée.
La coccidiose est due à un parasite intracellulaire, Isospora belli et hominus, essentiellement
répandu en Afrique, en Amérique du Sud et dans le Sud-Est asiatique. L'AV y est aussi
variable. De nombreux autres agents pathogènes peuvent entraîner une AV de degré variable,
le plus souvent corrélée au degré d'infestation. Citons la schistosomiase, la strongyloïdose et
la microsporidiose.
Au cours des états de pullulation microbienne, tel le syndrome de l'anse stagnante, une AV
partielle peut être présente.

La maladie des chaînes lourdes alpha


Elle est caractérisée par la synthèse monoclonale d'une chaîne lourde alpha anormale, par
prolifération diffuse du système lymphoïde B responsable d'une synthèse d'IgA dans le tube
digestif. La maladie atteint des enfants et adultes jeunes (10 à 32 ans), ayant un terrain
génétique particulier, vivant au Moyen-Orient et dans le bassin méditerranéen. Sa fréquence
augmente cependant en Amérique du Sud et au Nigéria. Cette entité serait due à une
stimulation antigénique infectieuse excessive du tube digestif chez des sujets porteurs d'un
déficit immunitaire induit par la malnutrition. Sur le plan histologique, il existe d’abord un
infiltrat muqueux dense de plasmocytes normaux, entraînant une AV variable, avec, ensuite,
apparition d’un infiltrat de plasmocytes atypiques et d'immunoblastes. L'AV est alors totale.
In fine, une transformation lymphomateuse peut survenir, le plus souvent de type
lymphoplasmocytaire et plus rarement centroblastique, voire immunoblastique.
L’entéropathie auto-immune
Les diarrhées auto-immunes touchent essentiellement l'enfant, mais peuvent s'observer
également chez l'adulte. Elles sont définies comme des diarrhées graves rebelles, en l'absence
de déficit immunitaire connu, associées à un syndrome dysimmunitaire se manifestant par la
présence d'auto-anticorps anti-entérocytes. Dirigés contre le cytoplasme et/ou la bordure en
brosse, leur rôle est mal connu. L'AV est le plus souvent sévère.
Le syndrome d’IPEX est une entéropathie sévère, rare, exclusivement pédiatrique (diarrhée
profuse qui apparaît dans les premiers jours de vie) avec manifestations auto-immunes de type
diabète auto-immun, AHAI. Il y a destruction massive de l’épithélium intestinal.

Déficits immunitaires
Au cours du déficit sélectif en IgA, la muqueuse digestive peut apparaître normale, présenter
une AV totale, ou prendre l'aspect d'une maladie cœliaque qui peut d’ailleurs lui être associée.
La confirmation de la MC porte alors sur la mise en évidence d'anticorps spécifiques.
Dans les déficits immunitaires communs variables, l'aspect de la muqueuse peut être normal
ou voisin de celui observé au cours d'une entérite ou d'une maladie coeliaque. Une AV
partielle peut être constatée, en particulier dans les hypogammaglobulinémies à expression
variable. Le diagnostic repose essentiellement sur le dosage des immunoglobulines sériques et
l'étude de la fonction anticorps.

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Intolérance aux protéines du lait de vache
Elle constitue le principal diagnostic différentiel de la maladie cœliaque chez l'enfant, mais
l'AV est souvent partielle et l'augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux est
exceptionnelle.

Les atrophies villositaires


Peuvent également être dues aux entéropathies par HIV, à des dommages causés par des
radiations ou à une chimiothérapie récente, à une ischémie chronique, à la gastroentérite
éosinophilique ou au syndrome de Zollinger-Ellison.

Probiotiques
Amis des intestins
Les probiotiques sont des micro-organismes vivants utilisés pour rétablir l’équilibre du
microbiote, renforcer les défenses immunitaires, améliorer la digestion, ou encore soulager les
désordres intestinaux.
De nombreux aliments sont considérés comme probiotiques. Le yaourt contient au minimum
10 millions de bactéries lactiques vivantes par gramme. Elles libèrent la lactase qui va
permettre de digérer correctement le lait même chez les personnes dépourvues de lactase
physiologique.
D’autres aliments comme les fromages fermentés, la choucroute surtout crue, le kéfir, les
préparations à base de soja, les cornichons au vinaigre, les olives, les charcuteries, les
poissons, crustacés, fruits, légumes verts, pain au levain, levure de bière peuvent être cités.
Plusieurs pathologies pourraient être améliorées par les probiotiques : intestin irritable,
maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, pochite. Les probiotiques peuvent améliorer
également le système immunitaire et la réponse vaccinale et joueraient aussi un rôle positif
dans certains types de cancer, dans l’eczéma atopique ou encore dans la prévention de
l’entérocolite ulcéro-nécrosante du nourrisson. Ils ont également un rôle antitoxique et un
impact sur l’activité cérébrale et dans la cirrhose hépatique.

Leaky gut syndrome : la barrière criblée


Le syndrome d’hyperperméabilité intestinale ou Leaky gut syndrome décrit un état de
muqueuse intestinale altérée ou endommagée qui ne remplit plus son rôle de barrière et laisse
passer organismes étrangers, toxines et nutriments incomplètement digérés. Le passage de ces
derniers dans l’organisme va créer un état inflammatoire, d’autant plus chronique que les
troubles de filtration persistent. Ces molécules non filtrées vont augmenter et surcharger le
travail du foie qui relarguera à son tour ces toxines dans les intestins, et diminuer au fur et à
mesure l’assimilation des nutriments. Cette perméabilité intestinale est soupçonnée être la
cause de maladies inflammatoires chroniques, allergies, infections ORL à répétition,
colopathies fonctionnelles, maladies neuro-dégénératives, troubles articulaires et troubles du
comportement. Une fatigue chronique, une altération de l’état général, un excès de poids, des
dépressions et troubles du sommeil et certains problèmes cutanés (eczéma, psoriasis, acné…)
peuvent être rattachés au leaky gut syndrome
Les sucres raffinés, les aliments transformés, l'alcool, les médicaments peuvent endommager
la barrière intestinale tout comme le déséquilibre de la flore intestinale ou dysbiose, en
particulier la prolifération du candida albicans qui peut migrer à travers la barrière intestinale
et altérer son étanchéité.
Actuellement, le monde médical connaît de grandes polémiques sur l’impact de certains
aliments, en particulier le lait et le gluten, sur l’intestin.

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La barrière intestinale
Effet des médicaments
La métabolisation des médicaments entraîne une augmentation de la quantité d’oxydants,
notamment une augmentation des radicaux libres, ayant pour conséquence une élévation de la
perméabilité intestinale.
Les exemples les plus courants sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les
salicylés, les corticoïdes, les antibiotiques, les cytotoxiques. Les AINS et salicylés augmentent
la perméabilité intestinale et favorisent ainsi l’agression de la muqueuse par le contenu
luminal, principalement les sels biliaires et les bactéries, provoquant une réaction
inflammatoire et éventuellement des ulcérations.
Les complications intestinales des AINS représentent 10 à 40 % de l’ensemble des
complications digestives sévères associées à la prise de ces médicaments. La toxicité digestive
des AINS s’exerce aussi au niveau du côlon et du rectum.
La prescription concomitante d’inhibiteurs de la pompe à protons, en diminuant l’acidité
gastrique, déséquilibre la flore intestinale et aggrave ainsi la toxicité intestinale des AINS.

Conclusion
L’intestin, longtemps considéré comme ‘un tube inerte’ est actuellement au centre des
recherches et d’essais thérapeutiques novateurs.
Le microbiote intestinal, constitué de milliards de bactéries et dont le rôle a aussi été
longtemps sous-estimé, est désormais considéré comme un organe à part entière dont les
dérèglements pourraient provoquer des troubles aussi divers que l’obésité, le diabète, les
maladies inflammatoires intestinales ou même des changements de comportement.
Le mode de vie et d’alimentation, l’usage de produits chimiques, l’aseptisation sont tous des
éléments qu’il faut reconsidérer pour une meilleure santé.

Références utiles
- Stéphanie Morin, ‘Influence de la présence de la composition du microbiote intestinal sur le développement et la prévention des allergies
alimentaires’- Thèse 2012.
- P. Bernanose, ‘le Diabète de type 1, le Microbiote intestinal, le Microbiome’ - Diabetes 2014.
- Scher J, et al "Expansion of intestinal Prevotella copri correlates with enhanced susceptibility to arthritis" eLife 2013 ; DOI : 10.7554/eLife.01202.
- P. Seksik, “Probiotiques et maladies inflammatoires chroniques intestinales,” Cah. Nutr. Diet., vol. 42, pp. 51–59, 2007.
- S. Coudeyras and C. Forestier, “Microbiote et probiotiques : impact en santé humaine,” Can. J. Microbiol., vol. 56, no. 8, pp. 611–650, 2010.
- Gastroentérologie clinique & biologique2000 ; 24 : 436-446 © Masson, Paris, 2000.
- Van Noord E, et al. New Engl J Med. 2013;368:407–
- Braniste V, Jouault A, Gaultier E, Polizzi A, Buisson-Brenac C, Leveque M, Martin PG, Theodorou V, Fioramonti J, Houdeau E. Impact of oral
Bisphenol A at reference doses on intestinal barrier function and sex differences after perinatal exposure in rats. PNAS. 2010 ; 107(1) : 448-53.
- Gastroenterology. 2011 Oct ; 141(4 ) : 1314-22, 1322.e1-5.
- Rofes Camille ‘ intérêt du microbiote intestinal et probiotiques’ - Thèse 2014.

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