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Une parenthèse enchantée

Première partie

Une nuit d’été, sous les glycines, à la lueur des bougies, devant des profiteroles
au chocolat, tu m’as inspiré cette histoire. Je te la dédie avec tout mon amour.

Chapitre I

Lisa n’avait pas vu qu’à cet endroit le trottoir était défectueux, un trou dans la
chaussée rendait sa descente périlleuse. Absorbée dans ses pensées, elle ne vit pas
la passante lui faire des signes pour lui signaler le danger. Trop tard ! Une douleur
fulgurante l’arracha de sa rêverie, son pied gauche avait glissé dans le nid de
poule, tordant du même coup sa cheville. Un cri puis des petits sauts sur sa jambe
valide, Lisa devait absolument s’asseoir, un malaise vagal l’envahissait. Des
sifflements dans les oreilles, une sueur froide lui parcourant le dos et le torse, la
sensation de la perte de connaissance imminente, le trou noir enfin. Quand elle
reprit connaissance, les pompiers s’activaient autour d’elle. L’inconnue avait
appelé les secours et était restée à ses côtés. Le médecin diagnostiqua une fracture
de la malléole et ordonna un transfert à l’hôpital le plus proche pour effectuer les
premiers soins d’urgence. Le témoin de l’accident laissa ses coordonnées aux
secouristes au cas où son témoignage serait réclamé. En effet cet accident serait
amené à se reproduire si la mairie n’ordonnait pas rapidement la réfection de cette
chaussée déformée.

Lisa fut plâtrée après une radio de contrôle qui confirma la fracture. Elle en avait
pour six semaines d’immobilisation minimum et ensuite elle devrait subir de la
rééducation si elle ne voulait pas garder une fragilité ligamentaire ni une perte de
souplesse au niveau de l’articulation. Lisa, prévoyante, avait une bonne assurance
qui couvrait les accidents de la vie. Elle serait remboursée de ses frais et de ses
pertes de salaire. Si son témoin pouvait par écrit confirmer son récit de l’accident
ce serait mieux, ainsi l’assurance pourrait se retourner contre celle de la
municipalité. Lisa n’eut aucun problème pour récupérer les coordonnées de sa
bonne samaritaine. Ce serait l’occasion de la remercier, de nos jours qui se soucie
de porter secours à son prochain. L’inconnue avait une voix charmante au
téléphone. Elle était heureuse d’avoir de ses nouvelles. C’était tout à fait normal
pour elle d’avoir été là pour lui venir en aide. Elle avait eu tout juste le temps de
la prendre dans ses bras au moment où Lisa s’était sentie mal, il n’aurait pas fallu
qu’en plus elle se retrouve avec une fracture du crâne ou des points de suture. Lisa
se confondit en remerciements, elle ignorait tous des détails qui avaient suivi sa
chute. Elle voulait vraiment lui gratifier toute sa reconnaissance, acceptait-elle
qu’elle lui envoie un cadeau. Des fleurs, des chocolats, une bonne bouteille de vin
? Les chocolats lui convenaient, elle était gourmande. Lisa lui demanda de
confirmer son adresse, dès qu’elle irait un peu mieux elle irait lui porter. Lisa
apprit ainsi que sa sauveuse se prénommait Pascale.

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Trois mois furent nécessaires à Lisa pour se remettre de son accident. Elle qui
adorait la marche ne pouvait plus faire cent mètres sans que sa cheville ne se
mette à gonfler et à devenir très algique. La rééducation fut plus longue que
prévue car le kinésithérapeute n’estimant pas le cas de Lisa suffisamment
intéressant, la laissa se débrouiller seule avec des exercices qui s’avérèrent peu
efficaces. Lisa boitillait légèrement en fin de journée et elle décida qu’elle se
passerait du professionnel pour récupérer sa mobilité. Marche et natation, cela
devrait faire l’affaire.

Lisa pensait toujours à Pascale. Elle lui avait promis une boîte de chocolats. Un
soir après le travail, elle passerait chez elle lui déposer. Afin de ne pas se trouver
devant une porte close, elle s’assura par téléphone que Pascale serait là le jour dit.
Une chance elle était libre. Lisa prit un assortiment chez le meilleur artisan de la
ville. Avec un plan elle localisa facilement la rue située dans un quartier
tranquille. La résidence se trouvait dans un écrin de verdure, idéalement entourée
de deux parcs. Lisa avait failli devenir propriétaire d’un appartement il y a
quelques années mais ses moyens ne lui avaient pas permis de réaliser son rêve.
En plus de remercier Pascale, Lisa aurait le plaisir de satisfaire sa curiosité. Elle
n’avait pas renoncé à habiter cet endroit. Un coup bref sur l’interphone, Pascale
lui annonça l’étage, il n’y avait pas d’ascenseur. Le hall était accueillant avec sa
réplique d’un jardin japonais placé en son centre et protégé par des vitres.
D’emblée une ambiance apaisante s’en dégageait. Pascale habitait le premier
étage, sa porte était légèrement entrouverte, elle attendait derrière son invitée. Lisa
aurait été bien incapable de la reconnaître si elle l’avait croisée dans la rue, le
temps avait estompé le vague souvenir de cette femme. La douleur avait tellement
envahi à ce moment son champ de conscience qu’il masquait tout le reste.

Pascale la fit entrer immédiatement et proposa de la débarrasser. Elle prendrait


bien une boisson. Lisa n’osa pas refuser, elle tendit son paquet et Pascale l’invita à
s’asseoir. Préférait-elle un café ou un thé pour déguster un chocolat ? Pas question
que Lisa ne les goûte pas ! Lisa en profita pendant que son hôtesse était en cuisine
pour observer le décor. Un canapé de cuir dans lequel elle était confortablement
installée, un fauteuil disposé en face, de l’autre côté d’une table basse en verre et
en métal. Le salon salle à manger était sobrement ordonné. Une table à manger
avec quatre chaises, un meuble au bois assorti sur lequel trônait une photo. Les
parents de Pascale sans doute. En dehors de ce cadre aucune trace personnelle ne
laissant deviner si quelqu’un partageait sa vie, si elle avait des enfants. Une
télévision et une chaine stéréo complétaient le mobilier. Une sensation d’espace se
dégageait du volume de la pièce. Depuis sa place, Lisa apercevait de la fenêtre les
branches d’un immense marronnier. Pascale revint avec un plateau chargé de
tasses, d’une théière, d’un sucrier, de petites cuillères, de serviettes en papier, de
quelques rondelles de citron et d’un pichet de lait. Pendant qu’elle déchargeait son
plateau, Lisa s’avança et proposa à Pascale d’ouvrir la boite de chocolats. Lisa se
sentait à l’aise, Pascale savait recevoir et elle sentait qu’elle avait plaisir à le faire.
Lisa ne prenait ni sucre ni lait, juste une rondelle de citron. Pascale mélangea le
lait et le sucre avant de verser son thé. Elle s’assit dans le fauteuil et dévisagea
Lisa tout en lui souriant :
« Comment allez-vous ?
- Mieux. Je ne sais comment vous remercier. Quelle chance que vous ayez été là !
Sans vous je préfère ne pas imaginer ce qui aurait pu arriver.

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- Vous auriez pu vous faire encore plus mal. J’ai juste eu le temps de vous
attraper. J’ai bien vu que vous alliez chuter. Vous étiez dans vos pensées et quand
je vous ai vu traverser juste à ce niveau, je vous ai fait des signes, rien n’y a fait.
Ensuite j’ai couru à votre secours. Je vous ai allongée sur le macadam et je vous ai
couverte avec mon blouson. Je suis rentrée dans le café qui était juste en face et
j’ai demandé au patron qu’il prévienne les secours. Je suis retournée auprès de
vous, vous n’aviez pas repris connaissance. J’étais effarée par l’indifférence des
passants, personne ne s’est arrêté ou si juste pour regarder et vous envoyer des
regards de pitié, comme si vous étiez ivre sur la voie publique.
- Je n’ai aucun souvenir de tout cela. Je me rappelle juste de vous au moment de
l’arrivée des pompiers, leur camion puis l’hôpital. En fait je me souviens d’un
visage flou je dois l’avouer. J’étais submergée par la douleur, cela a totalement
altéré ma mémoire.
- Et comment va votre cheville ?
- Je n’ai toujours pas récupéré. En particulier je vois bien que lorsque je la plie,
l’angle n’est plus le même qu’avant. Et lorsque je marche trop longtemps, elle
s’œdématie. Mon médecin traitant m’a adressé à un kiné qui ne s’est pas donné la
peine de me rendre ma mobilité. J’étais livrée à moi-même avec d’autres patients
dans une salle, à tenter de reproduire des exercices succinctement expliqués. Je ne
vous le recommande pas si jamais un jour vous avez besoin de ce professionnel.
- J’éviterai tout commentaire déplacé sur le sujet.
- Vous le connaissez ?
- Non. D’ailleurs vous ne m’avez même pas donné son nom.
- Une expérience similaire ?
- Non pas du tout. Mon frère est ostéopathe. Son approche est complémentaire du
kiné et il reproche à certains d’entre eux de vouloir prendre trop de clients au
détriment de la qualité du soin pour au passage leur faire une concurrence
déloyale. Ils profitent des remboursements de la sécurité sociale pour attirer la
clientèle et par là-même délaissent ceux qui relèvent de leur domaine de
compétence. Laissez-moi deviner. Votre kiné ce n’est pas Dunnois ?
- C’est lui. Bien vu. A la fin de la période de rééducation il m’a proposé des
séances d’ostéopathie mais comme j’ignorais ce que c’était j’ai refusé. De toute
façon je n’avais plus confiance en lui.
- Je peux vous prendre rendez-vous avec mon frère si vous voulez, vous aurez un
autre avis sur votre cheville et surtout vous en récupérez enfin l’usage.
- Ne vous dérangez pas !
- Attendez, je l’appelle ! »

L’appel fut bref, il voyait son dernier client, il pouvait recevoir Lisa dans une
heure. Pascale lui proposa de l’accompagner, son cabinet était à l’autre bout de la
ville. Elles dégustèrent leur thé tout en appréciant les délicieux chocolats. La
discussion continua sur les suites financières de l’accident, Lisa expliqua son
parcours mouvementé avec son assurance et celle de la mairie. Heureusement
pour elle, les indemnités reçues couvraient largement les frais engagés.

Lisa qui était venue en bus ne vit pas d’inconvénient à monter dans la voiture de
Pascale qui la déposerait chez elle au retour. Lisa qui n’avait pourtant pas besoin
de se justifier lui confia qu’elle était célibataire, que rien ni personne ne
l’attendait, pas même un animal de compagnie. Pascale la rassura aussi, elle non
plus. Ainsi Lisa n’avait pas à se sentir mal à l’aise de l’arracher à sa soirée

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télévision. Pascale savait manier l’humour, une façon aussi pour elle de ne pas
avoir à trop se dévoiler.

Lisa connaissait mal ce quartier résidentiel, encore plus calme que celui de
Pascale. C’était la soirée des découvertes. L’ostéopathe les attendait, son dernier
client venait juste de partir. Il embrassa sa sœur et sans doute pressé de rentrer
chez lui, il invita Lisa à entrer sans se préoccuper plus des présentations. Pascale
s’installa dans la salle d’attente. Le praticien fit asseoir Lisa sur sa table d’examen
et lui demanda de décrire ses troubles. D’emblée il remarqua l’angulation réduite
de la cheville. Une séance, tout au plus deux, suffirait à un retour à la normale.
Lisa se laissa faire et au bout d’une heure de manipulation, elle fut impressionnée
du résultat.
« Je ne sais quoi dire ! C’est tout simplement bluffant.
- Je suis ravi d’avoir pu vous soulager. Si jamais vous avez quelques douleurs,
n’hésitez pas à m’appeler. Je m’arrangerai malgré mon emploi du temps chargé
pour vous trouver une petite place.
- Merci. Je vais finir par croire que votre sœur est mon ange gardien. Je vous dois
combien ?
- Mais rien ! Vous faites partie de la famille !
- Ah ?
- Je suis content que Pascale ait enfin une compagne équilibrée, sa relation
commençait à tous nous inquiéter.
- Je crois qu’il y a méprise. Pascale a été témoin de l’accident et elle m’est venue
en aide. Je lui ai porté ce soir des chocolats pour la remercier et au décours de la
conversation, c’est elle qui m’a proposé de vous consulter.
- Quel gaffeur ! J’espère que je ne vous ai ni choquée ni blessée. Veuillez oublier
ce que je viens de vous raconter.
- Je vous dois combien ?
- Rien.
- Merci, votre geste me touche.
- C’est à moi de vous remercier. Il y a très longtemps que je n’avais pas vu
Pascale aussi détendue et souriante. Vous ne pouvez pas savoir quel plaisir c’est
pour moi, quel soulagement aussi. Si vous pouviez éviter de lui répéter mes
propos je vous en serais reconnaissant.
- Ne vous en faites pas, je saurai me montrer discrète.
- Bonne soirée !
- Vous de même ! »

Pascale se leva à peine la porte ouverte. Elle était pressée de connaître les
premières impressions de Lisa. Fantastique fut l’adjectif qui lui vint
immédiatement à l’esprit. Pascale était ravie. Et si elle invitait Lisa à diner. Etant
donné l’heure, elle devait être affamée. Lisa ne voulait pas abuser. Elle était
fatiguée. Tant pis, ce serait pour une autre fois. Lisa tenait à remercier Pascale,
sans elle que serait-il advenu de sa cheville. Elle n’y était pas pour grand-chose.
Durant le trajet retour, Lisa observa en coin Pascale. Un look très androgyne dans
son jean, tee-shirt et blouson de cuir près du corps. Les cheveux courts et une
petite poitrine accentuaient son genre qui laissait nettement deviner que Pascale
aimait les femmes. Les révélations du frère l’avaient troublée. Ainsi Pascale avait
souffert en amour. Cela la rendait très attirante. Pascale savait camoufler ses
blessures, Lisa n’avait rien perçu. Pourtant elle était assez fine habituellement, elle

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savait renifler à cent mètres ce type de situation. Elle n’eut pas la possibilité d’en
savoir plus, Pascale s’était mise en double file et déjà un automobiliste impatient
klaxonnait pour qu’elle dégage. Un au revoir et un merci rapidement lâchés et
Lisa vit les phares arrières disparaitre dans la nuit. Pascale n’était pas partie
qu’elle lui manquait déjà atrocement.

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Chapitre II

Jour de marché. Lisa déambulait à la recherche d’idées pour ses repas du week-
end. Elle avait déjà les légumes, elle les accommoderait avec des cuisses de poulet
pour les midis et pour les soirs avec un poisson en papillote. Cela ne la dérangeait
pas de déguster deux fois la même chose, des habitudes de célibataire. Elle adorait
cuisiner. Ce qu’elle craignait dans sa solitude était un jour de manger à même
dans la casserole ou de se servir de l’emballage comme d’une assiette. Cela
signerait une forme de déchéance, un renoncement aux plaisirs culinaires et à
l’envie de se sentir exister. Elle était donc assez attentive à maintenir cette
rencontre avec elle-même, aux horaires des repas et à la qualité de ses mets. Son
panier était rempli, elle pouvait rentrer. En passant devant l’étal du fromager, son
œil fut attiré par des fromages blancs battus avec de la crème chantilly. Pour cette
spécialité fromagère elle était capable de se damner et rares étaient les occasions
de s’en procurer. Pour des raisons obscures, ce crémier était le seul à en avoir et
en quantité tellement limitées, qu’il les réservait à une clientèle triée sur le volet.
Ces deux là la narguaient et une irrésistible impulsion lui ordonna de les acheter.
Personne dans la queue, une chance, elle ne risquait pas, impuissante, de les voir
partir sous son nez. Aussi d’une voie forte et assurée, elle demanda au
commerçant un des deux Fontainebleau. Il était désolé mais ceux-ci étaient déjà
vendus. C’était trop beau pour être vrai ! Tant pis. Est-ce qu’elle pouvait en
commander pour la semaine prochaine ? C’est que son carnet était déjà plein, il y
avait de la demande, dans trois semaines seulement. Pire que le caviar, un vrai
produit de luxe. Trois semaines, c’était loin, elle ne savait pas si elle serait là. Elle
le remercia et au moment de prendre son cabas posé à terre, elle vit s’approcher
Pascale. Jamais elle ne l’avait vue au marché, pourtant Lisa était une habituée.

« Bonjour comment allez-vous ?


- Bien et vous ?
- Bien. Un peu contrariée, je voulais un Fontainebleau mais ceux-ci sont réservés.
- Ils sont pour moi, je venais les chercher.
- Ah !
- Je peux vous en laisser un si vous voulez ?
- Je ne voudrais pas abuser.
- Non pas du tout ! Ou bien venez à la maison, nous les dégusterons ensemble.
- Vraiment ?
- Avec plaisir ! A moins que vous n’ayez quelque chose à faire.
- Pas du tout, je finissais mes courses et je m’apprêtais à cuisiner. Et pourquoi
vous ne viendriez pas plutôt chez moi, je prépare le repas, vous amenez le
dessert !
- Volontiers ! J’adore moi aussi me mettre aux fourneaux. Vous avez prévu quoi ?
- Une ratatouille avec des cuisses de poulet !
- Ma spécialité !
- Vous voulez qu’on le prépare ensemble ?
- J’adorerais ! Je prends mes fromages et je vous suis ! »

Pascale avait stationné sa voiture non loin de là. Lisa lui conseilla de la laisser à
cet endroit car devant chez elle, elle aurait du mal à trouver une place. Elle
habitait à quelques centaines de mètres, elles en avaient pour à peine dix minutes

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de marche. Pascale lui proposa de porter ses commissions, à bout de bras elles
devaient commencer à peser. Elles marchèrent silencieusement, chacune intimidée
par l’autre. En arrivant devant son immeuble, Lisa expliqua à Pascale que son
appartement était au deuxième étage sans ascenseur. A l’ouverture de la porte,
Pascale se sentit mal à l’aise de s’être imposée, elle stoppa net.

« Je vais vous laisser, je n’aurais jamais du accepter votre invitation. Tenez les
deux fromages vous les dégusterez en pensant à moi !
- Restez, je vous en prie. Je n’avais rien prévu pour mon après-midi. Au contraire,
j’aurai plaisir à avoir de la visite. C’est si rare.
- Bon d’accord.
- Mettez vos affaires là, je vais me préparer un café vous en voulez un ?
- Volontiers. »

Pendant que Lisa s’affairait en cuisine, Pascale détailla la pièce dans laquelle elle
se trouvait. Comme chez elle, le style était assez dépouillé si ce n’était de ci de là
sur les meubles des bibelots qui devaient surtout avoir une grande valeur
sentimentale. Des photos de famille également, de ses parents très certainement
vu l’air de ressemblance. En dehors de cela, rien ne trahissait l’intimité de Lisa,
tout comme chez elle, rien ne laissait transparaitre une quelconque relation
sentimentale. Pascale nota également que ses moyens financiers devaient être plus
modestes que les siens, les meubles n’étaient pas de très bonnes qualité et la
décoration n’était pas très recherchée, elle devait sortir de la solderie.

Lisa revint avec une tasse qu’elle lui tendit et l’invita à passer en cuisine. Elle
avait sorti un tablier pour Pascale. Elle lui expliqua comment elle comptait
procéder. Tout d’abord elle lui montra où se rangeaient les ustensiles. Ensuite elle
lui indiqua l’ordre dans lequel elle comptait préparer son plat afin d’optimiser ses
deux plaques de cuissons. La cuisine était étroite, mal conçue. Cependant Lisa ne
s’en plaignait pas car elle composait une pièce. Cela lui évitait de dormir dans les
odeurs de cuisine. Lisa ne possédait qu’un studio, son salaire ne lui permettait pas
autre chose. Pascale s’empara des légumes. D’abord épépiner les poivrons et les
mettre au four pour décoller leur peau. Ensuite cuire chacun des légumes
séparément, pour elle c’était le secret d’une ratatouille bien réussie. Pendant ce
temps Lisa s’occuperait de préparer la volaille en papillote. Elle adorait cette
recette basique qui donnait à cette viande toute sa saveur. Malgré l’étroitesse du
lieu, elles savaient se déplacer sans se gêner dans un ballet assez harmonieux.
Leurs corps s’effleuraient sans se toucher, elles se tournaient autour sans se
cogner. A croire que toute leur vie elles avaient répété cette savante chorégraphie.
Le plat commençait à prendre tournure, les odeurs se mélangeaient les unes aux
autres dégageant un parfum délicieux. D’ici une demi-heure tout serait prêt pour
le déjeuner. Après avoir lavé la vaisselle, Lisa dressa assiettes, verres et couverts.
Elles mangeraient sur son unique table d’où l’importance de bien maitriser son
espace et son temps. Pascale était admirative devant l’organisation de Lisa. Elle
lui en fit la remarque.

« Je déteste voir les affaires trainer, j’adore quand tout est rangé.
- C’est pareil pour moi. Dans un studio vous n’avez pas le choix si vous ne voulez
pas être envahi. Pendant des années j’ai été en couple. Rien de pire qu’un

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conjoint qui en met partout et qui ne comprend pas que c’est insupportable. Je ne
retrouvais pas mes affaires et en plus je déprimais à la vue de tout ce bazar.
- C’est sur. Ce n’est quand même pas cela qui vous a séparé ?
- Qui vous dit que je suis séparée ?
- Excusez-moi, je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Encore que vous avez
dit : pendant des années j’ai été en couple. Cela laissait supposer une rupture.
- Vous avez raison, c’est moi qui suis sur la défensive. Ce n’est pas un secret
d’état, je suis actuellement célibataire.
- Si ça peut vous mettre à l’aise moi aussi. Et puis je vais être honnête, votre frère
m’a dit que vous aimiez les femmes.
- Ah ?
- Oui.
- Qu’est-ce qu’il peut être maladroit quand il cherche à me protéger ! Cela vous
dérange ?
- Pas du tout. Pourquoi cela devrait me déranger ?
- Je ne suis pas dans la norme, vous avez du être choquée pour avoir besoin de
m’en parler.
- Non détrompez vous, si c’était le cas je ne vous aurais pas invitée.
- Je me suis imposée.
- Calmez-vous Pascale je ne tiens pas à vous déstabiliser. J’aime aussi les
femmes.
- Ah !
- Oui. Cela vous étonne ?
- Un peu. Je vous croyais hétéro, rien ne laisse transparaître votre orientation
sexuelle.
- Il ne faut pas se fier aux apparences.
- Effectivement. Je suis désolée de m’être emportée. Vous devez me trouver bien
ridicule.
- Pas du tout. Quand on souffre on s’enferme dans une bulle qui vous coupe des
autres. Il n’y a pas que les signes extérieurs qui peuvent vous mettre sur la voie.
J’ai été troublée par le fait de me sentir si bien avec vous quand je vous ai rendu
visite. Pas vous ?
- Si mais je l’ai mis sur le compte d’autre chose. Je ne me sens pas prête pour une
autre histoire d’amour et je me connais, parfois je m’emballe. Et quand je
redescends sur terre, c’est assez douloureusement.
- Pourquoi parler d’amour ? Une histoire d’amitié me conviendrait. Ce n’est pas
parce que nous sommes lesbiennes que nous devons obligatoirement aimer toutes
les femmes qui nous attirent. Nous pouvons aussi avoir des amies.
- Je suis d’une stupidité à toute épreuve aujourd’hui.
- Je ne le dirai pas comme ça. Disons qu’il y a bien longtemps que vous ne vous
intéressez plus au monde qui vous entoure. C’est normal que votre vision en soit
totalement faussée.
- Comme c’est joliment dit. Vous savez parler aux femmes.
- Il vaudrait mieux non ?
- C’est sur ça facilite les rencontres.
- C’est pour cela que je suis toujours célibataire.
- Qu’est-ce qu’on va devenir alors ?
- Si on s’ouvrait une bouteille de vin, on se consolerait de toutes nos histoires
d’amour ratées.
- Vous avez raison !

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- Et si on se tutoyait ? On peut passe à table c’est prêt !
- Trinquons à notre amitié !
- Tchin ! »

Lisa dressa les assiettes, elle ne voulait pas se couper l’appétit avec des gâteaux à
apéritif. Elles se régalaient, ce plat composé à quatre mains était une réussite.
Elles se dévoraient des yeux. Elles se sentaient attirées l’une par l’autre pour
autant ce n’était pas à proprement parler un coup de foudre. Leurs histoires
passées mettaient un frein à une alchimie subtile qui s’était créée depuis leur
rencontre. Elles en avaient envie sans en avoir envie. La peur de l’échec, de
souffrir à nouveau. L’amitié leur semblait plus sure, plus réconfortante. Elles
échangèrent des banalités durant le repas. La dégustation du fromage blanc battu à
la crème chantilly, tant attendue, fut un régal. Le crémier avait glissé deux pots de
coulis de fruit rouge dans le colis. C’était meilleur en vrai que dans le souvenir
que Lisa en avait. Elle ne regrettait pas d’avoir succombé à son impulsion. Et à
plus d’un titre. Elles prendraient le café dans son salon, ce serait plus agréable. La
vaisselle fut expédiée et après un si bon déjeuner, quoi de plus agréable que de se
caler dans le canapé et de ne plus bouger.

« On forme une bonne équipe tu ne trouves pas Lisa ?


- J’ai adoré partager ces instants de cuisine avec toi. C’est tellement plus agréable
à deux. Ma solitude ne me pèse pas, ce n’est pas ce que je veux dire. J’avais juste
oublié le plaisir d’être deux.
- Je dois me protéger tellement que je suis incapable d’éprouver quoi que ce soit.
Cependant je reconnais que je me suis bien amusée avec toi à composer ce plat.
- Je ne sais pas ce que ton ex t’a fait mais apparemment tu as morflé.
- Tu peux le dire. Je sais que je devrais tourner la page mais je n’y parviens pas.
J’ai perdu totalement confiance en moi et en les autres.
- C’est dommage. Tu lui donnes un pouvoir sur toi qu’elle ne devrait plus avoir.
- Comment ça ?
- Comme si le mal qu’elle t’avait fait ne suffisait pas, tu lui donnes le droit de
continuer à gâcher ta vie. Alors que je suppose qu’elle doit poursuivre la sienne
sans penser à toi.
- C’est certain. Et quelle recette tu me proposes pour casser ce cercle vicieux ?
- Je n’ai pas de baguette magique. En plus je serais mal placée pour te donner des
conseils je me les serais déjà appliqué à moi-même.
- Quelle association on forme !
- Le seul point positif c’est qu’on doit à toutes ces garces de savoir ce qu’on ne
veut plus !
- Elles ont du nous voir arriver. Si je te racontais je pourrais écrire une
encyclopédie. Question imagination aucune n’en a manqué. Je ne sais pas choisir
mes partenaires.
- Pareil. J’ai le chic pour toujours tomber sur des cas sociaux qui savent profiter
de mon grand cœur. Au final je suis ressortie essorée de toutes mes relations dans
tous les sens du terme. Cela doit être écrit dans mon karma que je ne serai jamais
heureuse en amour.
- A mon tour de te consoler. Tu mérites de trouver la bonne partenaire.
- Toi aussi Pascale. On finira par y arriver, j’y crois. Il faut juste que le hasard
nous donne le coup de pouce nécessaire à la rencontre qui transformera nos
existences.

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- Il a déjà bien fait les choses, nous nous sommes rencontrées. L’amitié est une
valeur plus sure que l’amour.
- A l’amitié !
- A l’amitié ! »

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Chapitre III

Lisa et Pascale s’étaient revues régulièrement. Elles s’appréciaient de plus en


plus. Elles se découvraient non seulement beaucoup d’affinités mais jamais elles
ne s’étaient senties aussi bien avec quelqu’un. Au bout de quelques mois, il devint
une évidence pour elles deux que leur histoire d’amitié n’en était plus une. Elles
s’aimaient. Pas le coup de foudre. Non plutôt une relation apaisée où les
sentiments primaient sur le sexe. Elles s’entendaient bien de ce côté-là mais ce
n’était pas l’essentiel pour elles. C’était sans doute lié à leur rencontre. Elles
doutaient d’elles, de leur capacité à redémarrer leur vie affective. Elles avaient eu
tellement besoin de réassurance que toute leur énergie pour construire leur couple
avaient été dépensée dans les ajustements nécessaires pour réussir leur histoire. Le
souci dans un couple de femmes c’était le trop de paroles. Lisa était passée maitre
dans l’art de se taire quand elle sentait les tensions monter. Quant à Pascale elle
acceptait de remettre à plus tard ce qu’elle avait à reprocher à Lisa. Bien souvent
le problème se résolvait de lui-même. C’est comme cela qu’elles avaient surmonté
unes à unes toutes les petites vicissitudes du quotidien, avant que les défauts de
l’une ne viennent taper sur les nerfs de l’autre. Elles s’appréciaient aussi dans ce
respect de l’autre, cette envie de réussir leur relation. Ces compromis avaient sans
doute tiédi le désir, c’était le prix à payer pour la stabilité de leur union. Elle
durait et à leurs yeux c’est ce qui comptait le plus !

Huit ans déjà. Lisa s’était installée chez Pascale pour son plus grand bonheur. Elle
avait vécu ce changement comme une victoire sur ses origines modestes. Pascale
lui ouvrait les portes d’un monde qui la fascinait et qu’elle avait cru jusque là
inaccessible. Durant toutes ces années Lisa avait absorbé comme une éponge tout
ce qu’elle découvrait. Elle craignait qu’un jour cela cesse, que Pascale la quitte.
Lisa avait bien conscience que si leurs différences avaient été force, elles
deviendraient une faiblesse avec le temps. Pascale un jour se lasserait d’avoir à
servir de locomoteur à leur couple. Lisa avait toujours su que si Pascale n’avait
pas été autant blessée en amour, jamais elle ne l’aurait regardée. Ce que Lisa
ignorait c’est que l’amour se moque des conventions et du milieu social, qu’il est
un mystère qui ne sera jamais percé. Pascale de son côté craignait que Lisa ne se
lasse de son côté intellectuel, qu’elle aurait envie un jour d’une relation en miroir
avec une femme qui lui ressemble. Elle sentait bien que parfois Lisa décrochait
sur certains sujets, qu’elles ne partageaient pas tous ses centres d’intérêt et que
bien souvent elle était seule pour sortir, aller au théâtre ou au cinéma. Pascale
regrettait ce manque de partage mais par ailleurs elle adorait quand Lisa, qui avait
bien les pieds sur terre, savait l’aider à redescendre de ses hauteurs. C’est que
Pascale, souvent prise dans ses lectures, ses occupations, oubliait la réalité et Lisa,
en bonne intendante, veillait au confort des deux. Le ménage et les courses étaient
de son ressort. Néanmoins la paperasse incombait à Pascale. Chacune son
territoire et aucune rivalité de compétences ne venait troubler leur relation. C’est
aussi comme ça qu’elle durait, dans leur complémentarité et la reconnaissance
tacite que l’autre en avait.

Lisa et Pascale formait un couple fusionnel qui excluait les autres de leur relation.
Elles aimaient être ensemble et ne recherchaient pas beaucoup le contact. Si les
circonstances l’obligeaient elles savaient se montrer sociables sans pour autant

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chercher à prolonger la rencontre. Chacune travaillait de son côté, toutes les deux
salariées d’entreprises différentes, l’une comme cadre, l’autre comme employée.
Elles s’arrangeaient pour toujours être en congé ensemble et chaque week-end,
elles sortaient. Balade et restaurant étaient au menu, elles avaient en commun
d’aimer marcher et manger. C’est ainsi qu’elles avaient sillonné la France, adorant
découvrir de nouvelles saveurs, de nouveaux paysages. Puis les années venant,
des régions avaient eu leurs préférences et elles y retournaient volontiers. De
l’extérieur, on aurait pu qualifier leur vie de banale mais de l’intérieur, elles y
puisaient une vigueur et un équilibre qui leur rendaient la vie belle.

Ce tableau presque idyllique en aurait fait oublier la seule ombre. Lisa, peu portée
sur le sexe, avait petit à petit imposé ses règles. Jamais deux fois de suite puis
jamais plus d’une fois par semaine même en congé, à Pascale de choisir le jour
puis enfin plus jamais. Pascale, compréhensive au début, avait fini par en souffrir.
Malgré les demandes d’explication sans réponse, les remises en question sur elle-
même – était-elle une bonne amante ? Lui inspirait-elle de la répulsion ? – Pascale
avait fini par capituler. Elle devait admettre que Lisa l’aimait sans la désirer ou du
moins sans la désirer physiquement. Tout le reste de sa relation la rendait
heureuse, Pascale ne s’imaginait pas rompre pour cela. Justement trop d’unions se
brisaient lorsque la passion n’était plus au rendez-vous, que l’excitation sexuelle
du début avait fait place à la routine. Pascale se voulait au-dessus de tout cela, à
elle de sublimer ses pulsions afin de ne ressentir ni amertume ni frustration. C’est
ainsi qu’elle s’était mise à cuisiner, à prendre des cours auprès de grands chefs et
enfin à tenir un blog sur le sujet.

Pascale savait captiver l’intérêt de ses lecteurs. En mettant en scène ses plats et en
racontant une histoire autour qui mêlait à la fois trucs et astuces, son origine et sa
vision personnelle de sa réalisation ou de ce qui lui avait donné envie de le faire
partager. La presse l’avait également remarquée et elle avait eu le droit à des
billets dans des quotidiens et des hebdomadaires à forts tirages la comparant de
manière fort flatteuse à Dumas qui avait rédigé en son temps un dictionnaire
culinaire. Là encore Lisa et Pascale avaient su être complémentaires. Pendant que
Pascale écrivait, Lisa photographiait. Et les plats étaient toujours à quatre mains,
la collaboration de Lisa se situant au niveau des taches ingrates : épluchage de
légumes, préparation des ingrédients, surveillance des cuissons et bien sur la
vaisselle !

Ce blog devint ainsi une passion dévorante, occupant en majorité le temps libre de
Pascale et de Lisa. Le succès fut croissant. A force d’être remarqué, les liens
pointaient sur son blog optimisant son référencement. C’est ainsi qu’avec certains
mots clés, elle était en première page d’un célèbre moteur de recherche ce qui lui
assurait un trafic important. Les commentaires se multipliaient, les uns lui
demandant quand elle comptait publier ses recettes, les autres la félicitant de son
originalité et de sa créativité. Pourtant Pascale n’avait rien inventé, elle copiait des
recettes, le plus souvent de grands chefs. Sa force avait été de les rendre
accessibles à tous, amateurs ou initiés. Il y en avait pour tous les goûts et les
niveaux. En fait ce qui la rendait si populaire étaient les récits qui illustraient les
photos et qui par les mots qu’elle choisissait, l’angle qu’elle saisissait pour
l’aborder, savaient parler à chacun en réveillant des émotions enfouies. Le blog
complétait ce sentiment de proximité, l’interactivité invitant le lecteur à interpeller

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l’auteur et ainsi personnaliser les échanges. Pascale était à la fois proche et
distante, cachée derrière son écran par son anonymat. Elle s’était bien gardée de
donner son nom ou de mettre sa photo, encore moins d’afficher son orientation
sexuelle.

En plus des commentaires, certains internautes lui écrivaient par mail. Souvent
pour lui expliquer qu’eux aussi cuisinaient mais que jamais ils n’oseraient se
lancer dans des recettes compliquées. Ils l’encourageaient à continuer, avaient
hâte de lire chaque jour ses pages personnelles sur internet. D’autres lui
envoyaient des recettes qu’ils voulaient voir mises en scène sur son blog. Pascale
les incitait à créer le leur, elle ne voulait pas s’approprier ce qui n’était pas à elle.
Elle mettait son point d’honneur à toujours répondre. La plupart du temps, un mail
suffisait, l’inconnu ému que Pascale lui ait accordé de son temps ne voulait pas la
déranger plus. D’autre fois, une relation virtuelle s’installait quand un lecteur
souhaitait approfondir une recette ou partager son centre d’intérêt pour la
pâtisserie ou un type de cuisine en particulier. Pascale aimait ces discussions car
elles lui permettaient d’entretenir son blog et ainsi répondre aux attentes des
gourmands. Elle restait dans la tendance et avait une source d’inspiration
inépuisable. Quant à ses correspondants privilégiés, ils étaient toujours cités et
complimentés dans son blog ce qui poussait d’autres à le devenir.

Voilà comment petit à petit les soirées de Pascale s’étaient remplies et Lisa voyait
d’un bon œil cette occupation. Pendant qu’elle parlait cuisine, elle ne pensait pas à
autre chose. Pascale tout à sa passion culinaire ne voulait pas voir que cette fuite
en avant masquait sa souffrance grandissante. Toutes ces douceurs sucrées
exposées à la vue de tous et qui dans le réel l’apaisaient ponctuellement ne
suffiraient bientôt plus pour la combler.

Tout d’abord à force de goûter et tester chaque jour de nouvelles friandises,


Pascale se mit à grossir. Un puis deux kilos, enfin dix. Un matin qu’elle passait
nue devant la glace, elle tressauta d’horreur devant sa silhouette méconnaissable.
Des bourrelets et de la cellulite avaient envahi son corps dont elle était pourtant si
fière. Qui la regardait ? Qui la désirait ? Qui la touchait ? Rapidement elle chassa
ces pensées de son esprit. Régime et sport, elle ne voyait que ça. Lisa suggéra
d’arrêter temporairement le sucre, au moins elle ne grossirait plus et la baisse de
calories l’aiderait à amorcer l’amaigrissement. Ah le bon sens de Lisa, Pascale le
reconnaissait bien là !

Pascale ne manqua pas de raconter ses déboires sur son blog et de l’orienter vers
des recettes minceurs. Lisa qui n’avait pas pris un gramme l’accompagna dans sa
démarche. Herbes et condiments furent mis à l’honneur. Pascale avec humour
passionna la majorité de ses lectrices qui compatissaient à son malheur. Il n’y
avait pas que la malbouffe qui faisait grossir et le débat fit rage sur son blog entre
des privations pour continuer à rester svelte ou bien accepter ses rondeurs et
continuer à se faire plaisir. Les questions soulevées ne furent pas tranchées, il y
avait autant de partisans dans un camp que dans l’autre, les uns pour le diktat de la
minceur, les autres pour une féminité assumée et les formes qui allaient avec.

Les courriers dans sa boite mail se multipliaient. Pascale recevait des articles sur
des régimes les plus farfelus les uns que les autres, voire même des pubs pour des

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produits illicites ou des gourous qui se vantaient de la faire maigrir rapidement
sans effort et sans restriction alimentaire. C’est terrible combien la faiblesse
pouvait être exploitée et le nombre de charlatans qui surfaient sur cette vague.
Pascale enrageait car ses kilos ne fondaient pas mais surtout elle sentait qu’au plus
profond d’elle ils risquaient bien de s’installer. Cette bouée la protégeait de sa
colère qu’elle ne pouvait pas retourner contre Lisa qui la narguait à rester mince.
Se priver de manger elle en était incapable et si son régime devait durer, combien
de temps le pourrait-il ? Quelques mois, quelques années ? Et si elle acceptait son
corps boursoufflé, n’était-ce pas la solution ?

Ce mal-être durait depuis six mois. La tenue de son blog s’en était ressentie. Il
faut dire que poisson légumes vapeur, ça va bien un peu mais on épuise vite sa
créativité. La monotonie de l’assiette se reflétait dans ses écrits et l’aspartam ne
faisait pas rêver, pas plus que les autres produits de substitution. Un soir Pascale
décida provisoirement d’arrêter d’alimenter son site, elle avait besoin d’une
coupure avec la nourriture. Ses fans pleurèrent sa décision, c’est promis elle
reviendrait. Elle savait qu’entre temps elle serait imitée et qu’une autre bloggeuse
capterait l’attention de son public délaissé. Les réputations et les succès se font
vite sur le net et se défont encore plus rapidement. Dans quelques temps elle serait
oubliée. A elle de se retrouver une autre passion et de repartir vers une autre
aventure.

Effectivement les mails se tarirent et bientôt le vide absolu se fit dans sa boite. Le
trafic de son blog chuta et le référencement la relégua à la deuxième puis
troisième page. Sa visibilité serait bientôt perdue, son blog retournerait à
l’anonymat. Une de ses correspondantes lui écrivit quelques mois plus tard pour
s’excuser de son infidélité et lui apprendre qu’elle avait été vite remplacée sur la
toile. Une copieuse avait occupé le créneau laissé vacant comme elle s’y attendait.
Cependant elle ne lui arrivait pas à la cheville et ses supporters rêvaient encore de
son retour.

Pour autant Pascale n’était pas restée inactive. Ce temps retrouvé, elle s’en était
servi pour reprendre l’écriture de ses recettes. Après tout elle pouvait aussi goûter
ces plats dans sa tête, son palais était suffisamment développé pour qu’elle puisse
faire des associations sans avoir besoin de les tester. C’est ainsi qu’elle retrouva le
plaisir de manger. Elle perdit quatre kilos sans faire d’efforts particulier, la baisse
de la pression avait suffi. Les quelques rondeurs qui lui restaient, elle s’en
accommoderait, elle avait renoncé à séduire, elle se moquait bien de faire une
taille de plus. Ainsi va la vie et la nature féminine philosophait-elle !

Un an s’était passé depuis la fermeture de son blog et Pascale avait accumulé de


nombreux écrits. Elle s’était documentée et lors de ses congés avec Lisa elle
s’était plongée avec délice dans la littérature du terroir, riche en descriptifs de
plats oubliés. C’est que nos ancêtres savaient manger. Malgré cette nourriture
riche, ils savaient garder la ligne. Cependant ce n’était pas tous les jours
bombance et le travail manuel très développé dans le passé expliquait aussi que
l’obésité était réservée aux bourgeois. Finalement quelle que soient les époques, le
gras et le sucré n’étaient pas mieux métabolisés. La différence avec maintenant
c’est que la nourriture ne coulait pas à profusion et que la sédentarité n’était pas si
répandue. A moins d’avoir une machine à remonter le temps, Pascale ne voyait

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pas comment elle allait modifier son alimentation et sa manière de vivre pour
ressembler à ses femmes menues sur les photos des livres. Au fond, elle
n’acceptait toujours pas ses rondeurs même si en surface elle assumait le
contraire. Le diététiquement correct avait beau avoir frappé, c’était plus facile à
dire qu’à faire.

Encore un an de passé et les kilos perdus étaient revenus, ils avaient même fait des
petits. Cela désespérait Pascale. Elle se blâmait intérieurement d’avoir perdu le
contrôle de la situation. Le seul avantage c’est que maintenant sa souffrance était
visible et qu’elle pouvait l’exprimer. Lisa écoutait les plaintes pour mieux les
banaliser quand ce n’était pas pour les étouffer avec une sucrerie. « Allez va, ce
n’est pas ça qui te fera du mal ! ». Et Pascale de l’avaler pour ne pas s’étrangler
avec sa colère qu’elle refusait d’entendre.

Lisa et Pascale s’aimaient. L’ombre du départ avait pris de plus en plus de place
dans la vie de Pascale alors que Lisa continuait à rayonner. Après la pluie le beau
temps dit le proverbe. Oui mais avant le beau temps la pluie.

C’est ainsi que la première goutte tomba. Fine. Transparente. Insignifiante. Sous
la forme d’un banal mail.

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Chapitre IV

Pascale avait pris l’habitude tous les matins avant d’aller travailler de relever ses
mails. C’était sa pause détente, le mug de thé à la main. Lisa respectait ce
moment, elle savait que Pascale en avait besoin avant de se lancer dans la
compétition professionnelle. Ce matin là, parmi les spams et les newsletters, un
titre d’un correspondant inconnu de Pascale nommé Chuao attira son attention.
Une petite question. Encore une publicité déguisée pour lui vendre des logiciels
piratés ou des copies de médicaments. Elle faillit le mettre directement à la
poubelle et se ravisa. On ne sait jamais, peut-être un rare lecteur de son blog.

« Bonsoir, Comment fait-on après la lecture de l’Amadeus, avec une irrésistible


envie de chocolat alors qu’il est 23 heures et qu’il n’en reste plus un gramme à la
maison ? Merci pour ces recettes, je reviendrai lire la suite. Bonne continuation.
Chuao »

Réponse immédiate de Pascale.


«Bonjour Chuao. Bonne question ! Ou tu réveilles tes voisins en pleine nuit ou tu
patientes jusqu'au lendemain... Trêve de plaisanterie, merci de ce petit mot, ça me
fait plaisir de savoir que tu apprécies mes recettes. Salutations. Pascale »

Ce mail avait intrigué Pascale. Rien dans le pseudo ou les quelques lignes qui
trahissent le sexe de son correspondant. Et ni de tu ou de vous pour savoir à quelle
distance se situait son interlocuteur. Pascale l’avait tutoyé d’emblée afin de le ou
la faire réagir. Elle connaissait Chuao. C’est une région du Venezuela productrice
d’un cacao du même nom. Surnommé la Romanée-Conti des chocolats, le Chuao
est le plus puissant et intense des cacaos. Comme un grand vin, la persistance
aromatique de ce chocolat est d'une extraordinaire longueur. Le choix d’un pseudo
n’est jamais anodin, il dévoile bien plus qu’il ne le voudrait l’intimité de
l’internaute. Il s’inspire de soi, de ses goûts, de ses aspirations. Parfois même il
libère les fantasmes, une envie de séduire. Ou bien il permet de se lâcher voire de
révéler une petite part de son inconscient. Ainsi cet internaute se verrait comme
quelqu’un d’exceptionnel comme ce grand cru chocolaté. Mégalomanie ou
réalité ? Pascale avait hâte d’en savoir plus. Elle découvrit l’explication à l’heure
du thé matinal en allumant l’ordinateur.

« Bonsoir Pascale. Patienter jusqu'au lendemain sans chocolat, c'est


effectivement le seul choix qui s'offrait à moi. J’ai une toute petite question
(encore une), quand tu décris ta sciatique paralysante qui t’a inspiré ta recette
revisitée de l’Amadeus, véritable calmant à ta douleur, tu t'y connais un peu ? Le
côté droit est-ce un hasard ? C'est difficile à formuler... Voilà je m'explique, je
suis très intéressée par tous les messages que notre corps nous envoie, on ne se
fait jamais mal quelque part par hasard. Dans ton récit tout colle, le coté droit
symbolique yin (la mère, la sœur, la fille, la femme...) et la jambe : le relationnel.
Qu'est ce qui te fait peur ? Quel changement te perturbe ? Le trajet de la sciatique
est sur le méridien de la vessie et nous indique une peur du changement. Voilà
c'est débile excuse-moi mais j'avais envie de te le demander. En espérant ne pas
t'avoir saoulée. Bonne journée. Chuao»

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Pour être direct, c’était direct. L’inconnue était une femme. Elle n’écrivait que la
nuit, vu l’horodatage des envois. Quant à la question, c’était davantage une
analyse, comme si Chuao lisait à livre ouvert en Pascale. Le relationnel avec une
femme qui la faisait souffrir la renvoyait à Lisa. Quant au changement, son
surpoids, le fiasco de son régime qui la désolait, elle ne pouvait nier que cela la
perturbait. Mais ce qui la dérangeait encore plus c’est que quelqu’un lui parle de
sa souffrance, sans la connaitre. Elle l’avait étalée à longueur de blog, Lisa l’avait
sous les yeux et il aura fallu des années avant que cette femme mette des mots là
où elle mettait des kilos. Chuao. Ce pseudo lui allait comme un gant. Allait-il
remplir ses promesses ? Pascale était trop secouée pour répondre immédiatement.
Elle avait besoin de réfléchir. Pourquoi se confierait-elle à cette internaute ? Elle
la connaissait de nulle part et elle ignorait ce qu’elle ferait de ses confidences. Elle
opta pour une missive en demi-teinte, entre mensonge et vérité qu’elle mit la
soirée à composer. Chaque mot fut pesé.

« Bonsoir Chuao.

Tu vas certainement être déçue mais cette histoire est sortie tout droit de mon
imaginaire. Il n’y a de vrai que la recette du gâteau que j’ai empruntée à un
champion du monde de la pâtisserie et que j’adore. Tu me diras comment ai-je pu
tomber aussi juste ? Parce que je suis comme une éponge… Je ne suis pas
indifférente au monde qui m’entoure. Et je capte à mon insu bien des joies et des
souffrances… Lorsque j’ai écrit cette histoire, j’étais dans un moment
d’apaisement, je vis une relation de couple très harmonieuse. Ce qui me trouble
dans ton analyse c’est qu’elle pourrait s’appliquer à pas mal de femmes qui
vivent mal leur vie de couple, j’imagine très bien comment tout cela peut résonner
en elles avec ton éclairage… Au départ j’étais partie sur l’expression « en avoir
plein le dos » et j’ai voulu en connaître plus sur son signifiant… Tu vois la
création ça part de pas grand-chose… C’est cette exploration de la nature
humaine qui me fascine et la description de l’émulsion praliné sur ce fondant au
chocolat comme remède n’est que l’expression d’un désir inavoué… Celui de plus
de douceurs dans un monde de brutes. Je suis assez sensible aussi à tout ce qui
touche l’être, à ce qui nous révèle un sens à notre existence.

Je suis heureuse d’avoir pu t’apporter un peu de rêve, c’est aussi cela le sens que
je donne à mon écriture…

Et accessoirement il me permet de belles rencontres comme la tienne.

Bien à toi. Pascale »

Pascale était assez contente de sa formulation. Cela devrait calmer cette curieuse.
A quoi bon les déballages intimes ? Cette correspondance l’excitait. Elle était
fascinée par la capacité de Chuao de si bien la percevoir et en même temps elle
était énervée qu’on puisse aussi bien la deviner. Enfin aussi bien, c’était vite dit
car jusqu’à présent personne n’avait osé une telle incursion dans un domaine aussi
privé. Culottée Chuao ? Pascale redoutait de passer pour une menteuse et
lorsqu’elle découvrit le mail le matin dans sa boite elle attendit un peu avant de
l’ouvrir.

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«Bonsoir Pascale.

Je ne suis pas déçue par ta réponse. Au contraire je préfère l’inattendu et je le


pense d’autant plus que c’était bien construit. En tout cas tu fais une très belle
éponge naturelle. Si tu savais le nombre de personnes qui vivent mal leur
sexualité, c’est effarant. Et pourquoi seulement les femmes ? D’ailleurs je voulais
revenir sur mes tentatives d’explications. Je ne voulais pas être catégorique étant
bien entendu que personne ne peut donner une explication précise aux maux, mais
plutôt une incitation à la réflexion, une direction vers laquelle aller dans sa
propre histoire. Plutôt donner un sens à sa souffrance que chercher à la faire
taire à tout prix. Je te remercie de m’avoir fait rêver, tout le plaisir est pour moi.
Et réciproquement, c’est une belle rencontre que la tienne. Au revoir ? Chuao »

Tiens, Chuao doute qu’il y ait une suite à ces échanges. Pascale avait apprécié de
ne pas avoir été démasquée. Elle sentait que Chuao cherchait à engager la
conversation, qu’elle souhaitait pousser plus loin la relation. Si cela devait être le
cas, il faudrait qu’elle cesse de se réfugier dans des généralités d’usage. Il y a une
voie entre le grand déballage et la vacuité. A elle de la trouver.

«Bonjour Chuao. Je voudrais d'abord dire que la correspondance que j'ai avec toi
n'a rien à voir avec celle que j'ai habituellement. C'est un ECHANGE. Véritable.
J'aime beaucoup ta manière de voir le monde. Je n’ai pas été très honnête avec
toi. Tu as vu juste, j’ai traversé une période délicate et cette sciatique a coïncidé
avec une prise de poids que je supportais mal. A mon tour d’être directe avec toi.
Si j’ai parlé uniquement des femmes, c’est à cause de mon orientation sexuelle.
J’espère que je ne te choque pas. Je n’ai pas l’habitude de me raconter, je suis
sans doute maladroite. Si tu souhaites couper le contact, je ne m’en formaliserai
pas. A bientôt ? Pascale»

Pascale éprouva un grand soulagement en cliquant sur envoyer. Depuis trois jours
que duraient ces échanges, toutes ses pensées tournaient autour de Chuao. Elle
tentait de se la représenter, de deviner la région où elle résidait. Elle en oubliait
ses problèmes d’image corporelle, reprenait goût à l’écriture. Après s’être exposée
pendant des mois, elle appréciait de posséder un quant à soi dans ses échanges
privés. L’analyse de Chuao lui restituait cette part d’elle qui lui échappait et
qu’elle aurait sans doute aimé garder secrète.

«Bonjour Pascale. Je ne suis pas choquée, je suis en couple avec ma compagne


depuis huit ans si ça peut te mettre à l’aise. Merci pour l’honnêteté, j’apprécie. Et
pour tout t’avouer, depuis trois jours que dure notre correspondance, je pense à
toi constamment. Je n’ai jamais ressenti ça de ma vie, c’est une première. Et toi ?
Cordialement. Chuao »

Pascale sourit en lisant ces lignes. Ainsi Chuao aimait les femmes. Au moins un
point en commun. Et puis elle n’était plus la seule à être troublée par cette
correspondance. Pascale hésita avant de répondre. Certes, Chuao lui révélait son
homosexualité avec une franchise déconcertante. Mais qui sait ? Et si ces phrases,
elle les avait déjà écrites à d’autres. Le genre qui ferre le poisson et qui voit si ça
mord. Après tout sur le net se ballade un bon nombre de tordus de tout poil,
pourquoi pas Chuao ? Elle avait peut-être découvert à travers les récits de Pascale

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son goût pour les femmes et s’en servait pour jouer d’elle. Pascale opta pour le
même ton direct. Chuao finirait bien par révéler sa stratégie. Si elle en avait une.

« Moi aussi j’aime une femme depuis dix ans. Pourquoi penses-tu que je
ressentirais le même émoi ? Cordialement. Pascale »

Contre toute attente, Chuao n’entra pas dans la joute verbale dans laquelle Pascale
voulait l’entrainer. Elle préféra un long mail que Pascale découvrit en rentrant du
travail.

«Chère Pascale.

Alors pas ou commencer ? (D'abord tu réponds à une question par une autre
question toi mais je ne t'en veux pas je pratique aussi.) Je voudrais revenir sur ce
qui m’a poussé à t’écrire, sur mon raisonnement en te lisant afin que tout soit
bien clair entre nous. Je ne sais pas si raisonnement il y a, je dirais plutôt constat.
Je me disais donc qu'en regard de ce que tu décris de ta douleur, tu étais on ne
peut plus juste (localisation, latéralité). Comme je suis une petite curieuse je me
suis instantanément demandé comment tu avais pu écrire cela. Soit c'est un coup
de bol (je n'y crois pas trop.) Soit tu es bien rencardée (tu as l'air rigoureuse
pourquoi pas ?) Soit c'est du vécu total cette douleur sans peut-être pour
autant avoir tout analysé (dans le sens cause à effet.) C'est la solution pour
laquelle je pencherais pour l'aspect vécu en tous cas. Au départ ça n'allait pas
plus loin. En fait ce que je ne t’ai pas dit, c’est que je suis passionnée par les
médecines complémentaires et par ailleurs je suis thérapeute. Pour moi le corps
et l’esprit sont liés. En te pratiquant quelques points de digipuncture pour te
détendre, j’en aurais aussi profité pour te demander si tu ne vivais pas une
tension avec une femme et vers quoi tu avais peur d'aller. La sciatique est une
douleur de trajet qui exprime notre difficulté à abandonner nos vieux schémas ou
modes de pensées, les choses dans lesquelles nous sommes bien installés. Désolée
de t'abreuver de détails techniques ! Je ne sais pas si je suis très claire dans mes
explications. Pour le reste d'un coté plus personnel je n'avais jamais lu de telles
recettes et c'était rigolo de découvrir les émotions que ça m'a procuré. Tu as
suscité chez moi comme interrogation : comment vivre le couple sans se perdre
tout à fait. Te dire aussi que le trip de l’émulsion praliné sur le cœur fondant au
chocolat m'a bien fait rêver toute la journée. Merci pour le rêve et l'évasion. Célia
(qui espère ne pas avoir été trop longue) »

Pascale fut émue par tant de sincérité. Enfin un prénom, Célia. Difficile de feindre
à ce point la sincérité. Pascale avait envie de la croire et de lui faire confiance. A
son tour de se dévoiler.

«Bonsoir Chuao.

Je ne sais pas par quel bout commencer, si je m'éparpille ça va devenir


incompréhensible. Si ça t'intéresse je reviendrai sur certains points, j'aimerais
assez vite rentrer dans le vif du sujet. Lisa et moi, nous sommes rencontrées il y a
dix ans. Lisa n’avait pas vu que le trottoir était défectueux et malgré les grands
signes que je lui faisais pour qu’elle ne tombe pas dans le trou creusé dans la

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chaussée, elle s’est cassé la malléole. Je lui ai porté secours et c’est ainsi que
notre relation a débuté. D’abord de l’amitié, ensuite de l’amour. Ce ne fut pas le
coup de foudre. Plutôt un amour profond et partagé, nous avions tant souffert en
amour que nous nous réparions l’une l’autre. Petit à petit j'ai appris à la
connaître mieux alors que tout nous opposait. Le milieu social, le caractère, les
goûts. Les contraires doivent s’attirer c’est certain. A force d’ajustements et de
compromis nous avons fini par trouver un équilibre. Jusqu’au moment où Lisa se
refusa sexuellement à moi. Sans explication. Je ne sais comment te dire, elle était
devenue une boule de souffrance et sa détresse me mettait dans un tel sentiment
d'impuissance que je me mis moi aussi à en souffrir. J'étais totalement dépassée
par les événements, je ne savais plus où j'en étais et je culpabilisais de la voir
dans cet état. C’est à ce moment là que j’ai eu cette sciatique paralysante. Mon
blog, mes recettes furent l’occasion de gérer la situation, toutes mes pulsions
sexuelles inassouvies me donnaient cette énergie créatrice. Cela m’évitait surtout
de remettre en question mon couple car j’associais Lisa à cette activité. J’avais le
sentiment de réussir ma vie sentimentale, je considérais la sexualité comme un à-
côté dans le couple. Tant mieux s’il y en avait. Et s’il n’y en avait pas, ce n’était
pas si grave, ce qui comptait étaient les sentiments et tout ce qui avait été
construit, les projets en commun. Le reste tu le connais, je l’ai mis sur mon blog.
Mes kilos, ma sciatique et mon combat pour maigrir. Aussi tu comprendras bien
que ton analyse a été déstabilisante, en mettant le doigt là où ça fait mal, tu m’as
obligé à ne plus me voiler la face. Je me mentais depuis trop longtemps. Pourtant
il n’y a qu’à soi qu’on doit la vérité. Bon ce sont les grandes lignes, je ne suis pas
rentrée dans les détails. Cependant je dois reconnaitre que tu as vu assez juste.
Pascale qui s’excuse d’avoir été aussi bavarde.»

En envoyant son message, Pascale s’était mise à trembler. Jamais elle ne s’était
autant livrée. Célia commençait à l’obséder. Elle aurait aimé en savoir plus sur
elle. Pour tomber aussi juste, l’analyse ne suffisait pas. Elle avait forcément vécu
elle aussi. Mais quoi ? Sa curiosité allait vite être satisfaite.

« Bonsoir ma belle,

Ça décoiffe !!!!

Comme tu ne me vois pas, j’ai la main gauche sous l’aisselle droite et ma main
droite sous le menton soutient ma tête. Je suis devant l’écran comme ça depuis un
bon moment et là il faut bien que je réagisse sinon ça va durer longtemps… Mais
franchement je ne sais pas par où commencer… Un peu stone de tant
d’informations, d’émotions, de sincérité ! Je reviendrai sur ton mail plus tard si tu
veux bien. Je vais te raconter à mon tour l’histoire de Célia et Dominique.

Nous nous sommes rencontrées tout bêtement au boulot. J’étais derrière le bar à
préparer un café car à l’époque j’étais serveuse dans un bistrot et j’ai vu arriver
Dominique et une autre nana. Dominique était la propriétaire de l’établissement
mais nous ne nous étions jamais croisées. Elle était accompagnée d’une
architecte d’intérieur car elle voulait transformer le lieu en un endroit branché.
Je leur ai servi des boissons et l’architecte, très agressive, suggérait à la patronne
de changer également de personnel si elle voulait accéder à plus de standing.
Mon physique ne devait pas lui revenir ou bien elle devait avoir des problèmes

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avec son homosexualité refoulée. Dominique ne savait plus où se mettre car elle
n’avait aucune intention de me licencier. Elle s’arrangea pour expédier
rapidement son rendez-vous professionnel et je les vis disparaitre comme elles
étaient venues. Le lendemain, Dominique est revenue pour s’excuser. De quoi ?
Peuchère elle n’y était pour rien ! C’est ainsi qu’elle est revenue tous les autres
jours. Nous avons fait connaissance tranquillement, je la trouvais sympathique,
voilà tout. Je n’avais aucune idée derrière la tête, je vivais en couple avec une
Céline depuis trois ans. J’appris quelques mois plus tard qu’elle était tombée
raide amoureuse le premier jour, quand n’y tenant plus elle me fit sa déclaration.
Il faut que je te dise que Dominique est 100% hétéro. De toute sa vie, pas une
seconde, l’idée de faire l’amour avec une femme ne l’avait effleurée. Quand je la
charrie en lui disant, que si, elle est lesbienne, elle devient folle, je me marre. Elle
soutient que pas du tout elle n’aime pas les femmes seulement moi, que si on se
quittait jamais elle ne vivrait avec une autre femme, que c’est parce que c’est moi
et puis c’est tout. Pour la charrier encore je dis oui mais ça t’est arrivé une fois
pourquoi pas deux… Non, non, non, elle n’est pas homosexuelle mais
Céliasexuelle ! Elle est bien bonne celle là !

Pendant les trois premiers mois de notre histoire, elle a galéré comme une folle
alors que tous ses fondamentaux s’écroulaient. Elle s’était lancé à reprendre un
restaurant d’altitude dans les Alpes pour s’éloigner le plus possible de moi afin
de recouvrer ses esprits. Avant de partir, elle a finalement osé me parler ou plutôt
m’écrire. Elle était en face de moi à quelques tables alors que je lisais sa lettre et
elle me regardait liquéfiée sur sa chaise avec ses beaux yeux verts dans lesquels
j’ai eu envie de plonger. Je n’ai pas compris ce qui se passait mais une force me
disait qu’il fallait que je vive cette histoire. J’ai donc plongé et nous avons mis
chacune de l’ordre dans notre vie. Les deux séparations ne furent pas évidentes,
nous avons essayé de gérer au mieux. Mais finalement nous nous en moquions,
nous étions trop amoureuses.

Dominique et moi sommes très différentes je ne sais pas si on peut faire plus.
Nous sommes chacune assez carrées mais pas pour les mêmes choses, Dominique
est aussi speed que je suis zen, aussi terre à terre que je suis rêveuse, aussi
angoissée que je ne le suis pas, assez largement hypocondriaque, moi pas. Elle est
du petit matin, je suis de la nuit. Nous n’avons absolument pas les mêmes goûts
musicaux (et la musique est essentielle à ma vie), nous ne rions pas des mêmes
films, j’aime l’humour absurde et Dominique a du mal, elle tripe sur la
Toscane moi sur l’Andalousie, J’adore partir en bateau, elle n’est pas très à
l’aise en mer. Bref, tu vois, rien qui ne nous prédisposait à une alliance. Mais la
vie est surprenante, un grain de folie, une émotion profonde, cette intime
conviction que ça va coller !

C’était génial, nous étions de vraies adolescentes… Nos différences étaient


drôles, nos ébats délicieux, je ne te dirai pas que Dominique découvrait l’orgasme
mais presque, ce n’est pas moi qui le dis, c’est elle. Deux années géniales … Et
Dominique vendit toutes ses affaires pour ouvrir un complexe hôtelier de luxe
avec spa. Je te ne raconte pas le changement de vie que ce fut, nouvelle région,
nouveau cadre, nous avons été propulsées dans un monde qui n’était pas le notre.
Un jour, une cliente, une riche américaine qui avait fait fortune dans l’immobilier
s’enticha de moi. Elle ne jurait plus que par mes massages. En effet je m’étais

- 21 -
reconvertie dans les massages en tout genre : californien, thaï… Je ne voulais pas
être entretenue par Dominique et comme je voulais toujours susciter le désir
physique, je m’étais imaginé que les caresses érotiques mêlées à un massage
classique mettraient du piment dans nos ébats ! Jane. Cette femme me cherchait,
je le voyais bien, mais bon je m’en moquais, j’étais amoureuse et je suis très
fidèle (hormis cette pauvre Céline, c’est sur…), tout au plus flattée par de tels
égards. Par contre pour Dominique, c’était devenu un truc dingue ! Elle
m’imaginait en train de faire jouir cette vieille rentière, la jalousie est entrée dans
notre vie façon séisme tu vois.

Je n’étais pas prête. J’ai du mal avec la jalousie, le sentiment d’appartenance me


gêne surtout quand il n’est pas justifié. J’aime Dominique mais elle ne
m’appartient pas elle m’aime c’est différent ! Elle ne pensait pas tout à fait la
même chose. Alors je te passe les crises. Elles m’épuisaient, je suis du genre très
tranquille comme fille ! J’ai discuté des heures, pleuré des litres, rien n’y faisait
ou pas longtemps. Ce qui m’exaspérait c’est que Dominique coinçait sur un truc
qui n’en valait pas la peine. D’ailleurs je n’ai jamais su si cette Jane était une
lesbienne ou une hétéro qui s’amuse. Et je ne pouvais m’empêcher de penser :
tout ça pour ça ! Quel gâchis ! C’est à cette époque que Dominique se mit à boire
du gin. Nous n’étions plus trop en phase, elle partait dans ses délires alcooliques
que je ne pouvais suivre. Deux ou trois fois elle a été maladroite alors que nous
faisions l’amour et sur le coup nos ébats se sont stoppés net, de mon fait bien
entendu. J’ai eu beau lui dire aucun problème, ça sera mieux la prochaine fois,
pire c’était. Elle n’osait plus me toucher, se disait qu’avec son passé hétéro elle
ne connaissait rien au corps de la femme, ne me donnait aucun plaisir. Je
continuais à lui faire l’amour parce que j’adore ça et elle prenait beaucoup de
plaisir, et comment dire, elle a oublié mon corps. Nous ne faisions pas l’amour, je
lui faisais l’amour… J’étais à l’origine de 99% de nos câlins et ça ne me gênait
pas trop parce que j’ai toujours été plus préoccupée par le plaisir de ma
compagne que par le mien et je me suis oubliée aussi. Un jour j’ai décidé de ne
plus lui faire l’amour, pour voir. Nous n’avions aucun rapport, ça pouvait durer
des mois … Et curieusement nous nous entendions bien à nouveau, nous avions
mis plein de choses sur le tapis, nous étions complices et câlines mais nous ne
faisions plus l’amour. Dominique était heureuse, plus jalouse, elle me faisait des
tas de surprises, des cadeaux… Mais nous ne faisions plus l’amour.

Cela dura jusqu’à ce que Dominique décide de revendre l’hôtel pour se lancer
dans le commerce bio. Elle sentait que c’était porteur, qu’il y avait de l’argent à
se faire. Elle n’en pouvait plus de la clientèle exigeante. J’étais d’accord avec
elle. Changement vie, changement de décor, elle rêvait de s’installer dans une
grande ville, la vie urbaine lui manquait terriblement. Elle partit prospérer avec
un associé, elle se voyait déjà à la tête d’un grand réseau de distribution. Alors
que j’étais seule, une grande entreprise décida de réserver tout l’hôtel pour
organiser un séminaire. Dominique accepta, elle avait besoin de cash et elle me
délégua la gestion du groupe. Je pourrais me débrouiller sans elle, le personnel
était là, rodé. Avec un peu de chance, ils seraient enfermés toute la journée. A
part les repas et le soir, ce serait calme. Dominique ne s’était pas trompée. Que
des gens sympathiques, décontractés de travailler dans un endroit de rêve, de se
laisser servir et choyer par les professionnels mis à leur disposition. Tout était
payé par la boite, ils ne déboursaient que pour leurs extras. Autant dire que

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financièrement, ce fut une bonne opération. Figure-toi pour mon malheur que
dans le groupe il y avait une Capucine ! Ce prénom raisonne encore à mes
oreilles.

Très agréable, drôle, pas vraiment belle avec un charme fou. Aventurière,
beaucoup de voyages, de voile, de destinations dont je rêve. Pour elle non plus, je
n’ai jamais su si elle était vaguement bisexuelle. Elle était chargée de
l’organisation du séminaire. A ce titre, elle venait souvent me voir pour parler
intendance, régler les détails des journées. Toujours est-il qu’elle était très tendre
avec moi, m’observait avec attention. Quand elle se tenait près de moi, elle me
frôlait la main, le bras. Je suis très sentimentale, je ne délire pas sexe, à part avec
ma chérie. Cependant quand quelqu’un me trouble, qu’il m’effleure
volontairement le bras ou la main, je frémis pendant des heures.

Je t’avoue qu’elle m’a assez chamboulée, je n’avais pas envie de relation avec
elle et finalement je pense qu’elle non plus. C’était seulement très très tendre
entre nous. Je ne l’aimais pas, j’aimais sa vie, sa liberté, ses voyages autour du
monde, son bateau en Bretagne. Toute l’évasion dont j’avais besoin et j’ai
réfléchi sur ma vie peut être perdue à ne pas avoir couru le monde.

A la fin de cette semaine, je ne touchais plus terre, rêvant d ‘embruns sur le pont
d’un bateau. A son retour, Dominique a bien vu que quelque chose s’était passé
malgré mes démentis, Capucine avait sans le savoir déverrouillé un truc en moi.
Après ce que nous venions de traverser, je ne me voyais pas raconter mon trouble
à Dominique, je le répète absolument dénué de sexe. Cette aventurière m’a
envoyé des cartes du monde entier. Je t’avoue que les premières ce fut chaud,
Dominique me demandant qui était cette Capucine. Elle avait une façon de
prononcer Capucine, tu n’imagines pas. Je sortais ma paire d’avirons pour
expliquer que non je n’avais pas couché avec elle et que je n’en avais aucune
envie...

Je n’avais qu’une envie : voyager. Ça va tu ne dors pas ? Une compagnie


maritime qui organisait des croisières de luxe m’a embauchée comme masseuse,
Dominique eut la gentillesse de m’écrire une bonne lettre de recommandations.
Quelle année merveilleuse ! La séparation nous a fait beaucoup de bien. Nous
avons réalisé comme nous nous aimions, à quel point nous étions en non-
communication, et nous nous sommes retrouvées. En accord avec Dominique j’ai
entrepris une formation pour devenir thérapeute énergéticien. Assurément une des
plus belles choses de ma vie ! J’ai ouvert mon cabinet et Dominique son magasin
bio à deux cents kilomètres de là. Nous nous retrouvions dans des hôtels à mi-
chemin, sans bouger de la chambre tout le week-end à nous aimer et à rire
comme des folles. Beaucoup d’amour retrouvé. Je ne l’ai jamais trompée. J’étais
et je suis toujours heureuse d’avoir surmonté les crises, de ne pas m’être débinée
aux premiers gros orages, de vouloir aller plus loin même si parfois j’ai baissé
les bras, avec toujours cette intime conviction que nous deux malgré les
apparences, c’est vraiment du sérieux.

Maintenant entre nous tout va bien. Nous ne passons pas toutes nos nuits
ensemble mais nous nous envoyons des texto, nous nous appelons, et quand nous
dormons ensemble à l’hôtel, nous sommes sur un tapis volant.

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Désolée Pascale je n’ai pas pu faire plus court ! Pourtant j’ai pratiqué beaucoup
de coupes !

Et voilà je viens de voir qu’il est 5 heures du mat’ et que je bosse dans 4
heures. Youpi !

Pour mes fautes, on dit qu’il n’y en a pas, j’ai la flemme de relire …

Cordialement

Célia »

Pour le coup, ce fut Pascale qui fut décoiffée. Elle était totalement sous le charme
de Célia. Son instinct ne l’avait pas trompée. Si Célia avait si bien lu en elle, c’est
que ses recettes avaient su faire écho à son histoire. Mais jusqu’où ?

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Chapitre V

« Bonsoir Célia.

A mon tour d'avoir pensé à toi toute la journée...

L’autre jour je t'écrivais il n'y a qu'à toi que tu dois la vérité, je ne pouvais pas
mieux dire. J'ai bu littéralement tes mots, tout allait très vite dans ma tête ce
matin. Je me suis vue à ta place, la chair aurait-elle été faible si j'avais été
confrontée à pareilles circonstances ? Tous ces passages à l'acte m'ont renvoyée
aux miens, à mes interrogations sur le couple. Au premier coup de vent, pas mal
auraient pris la tangente, pourquoi nous sommes nous autant accrochées à nos
compagnes respectives ?

Une fois de plus je suis sidérée par nos points communs. Notre couple s'est
construit sur une profonde altérité, le votre tout autant. La fragilité de nos
compagnes a fait notre force, elles nous ont obligés à nous révéler à nous-mêmes
notre désir d'exister autrement. Avant que je ne la rencontre, Lisa a eu des
problèmes avec l'alcool. Elle m'en a parlé une fois, juste pour me dire à demi-
mots qu'elle était abstinente. Afin de ne pas la mettre en difficulté dans notre vie
sociale, nous sommes définitivement à l'eau et aux jus de fruits et je prends
l'initiative de dire que c'est moi qui ne bois pas et que Lisa me soutient là dedans.
Pas de tabac non plus, Lisa était une grosse fumeuse et elle a décroché, quand
elle tousse ça graillonne bien.

Vous avez été très loin dans la reconversion et le changement, Nous ne sommes
pas prêtes à lâcher prise ainsi. Je t'envie d'avoir eu ce courage. On avance
lentement mais sûrement.

Ne t'épuise pas trop derrière ton écran, nous avons tout notre temps pour
apprendre à nous connaître...

Bon je me lance même si ça fait tartignolle. Au stade où on en est, je ne vois rien


d'irrespectueux à t’écrire bises. Pascale»

Pascale eut du mal à se concentrer sur son travail. Cette correspondance


envahissait son esprit. Elle avait hâte en rentrant chez elle d’aller lire son courrier
et d’y répondre. Lisa avait constaté un changement et s’en inquiétait. Que cachait
cette fébrilité ? Pascale se sentait-elle de nouveau mal dans sa peau ? Lisa avait
remarqué que Pascale avait pas mal surfé ces derniers temps sur des sites
inhabituels. Le dernier parlait de shiatsu, Lisa ignorait ce que c’était. A l’insu de
Pascale, elle s’était renseignée dans la journée auprès de collègues. L’une d’entre
elles lui avait raconté qu’elle avait expérimenté ces massages lors d’une cure de
thalassothérapie. Elle avait des problèmes de poids et ce séjour lui avait fait le
plus grand bien. Il lui avait servi de déclic pour prendre soin d’elle et depuis elle
avait perdu ses bourrelets disgracieux. Cela rassura Lisa, ainsi Pascale était
toujours obsédée par ses kilos. En attendant que Pascale rentre du travail, elle était
allée imprimer la brochure d’un institut marin réputé et l’avait glissée avec le

- 25 -
courrier. Pascale en découvrant les documents cacha sa surprise. Lisa se doutait-
elle de quelque chose ?
« Comment s’est passée ta journée mon amour ?
- Bien et toi ? C’est quoi cette publicité ?
- Une collègue cet après-midi m’en a parlé. J’ai pensé qu’une petite cure te ferait
du bien. Tu as vu, il y a du shiatsu ?
- C'est pour les mémés, tu nous vois toute la journée dans des peignoirs à attendre
que ça se passe ? C'est quoi le shiatsu, tu connais ?
- Et toi ? J’ai vu l’autre jour que tu t’y intéressais.
- Tu m’espionnes maintenant ?
- Pas du tout. A moins que tu ne me caches quelque chose ?
- Que veux-tu que je te cache ?
- A toi de me le dire. Je vais te faire couler un bain chaud, ça va te détendre. Je te
sens ailleurs en ce moment. Des soucis au travail ?
- Je suis fatiguée, rien de plus. Demain après une bonne nuit ça ira mieux ! »

La boite aux lettres était vide. Tant mieux. Pascale apprécia de décrocher un peu.
Lisa commençait à s’apercevoir du changement. Elle avait envie de garder pour
elle cet échange. Pour l’instant ce n’étaient que des mails, rien de plus. Elle
aviserait le moment venu.

«Bonsoir ma belle.

Et moi non plou, yé né pas changé…Yé soui touiours … Toujours pareille,


derrière mon écran. Je ne te refais pas le coup de la main sous l’aisselle, du
menton, de la tête, mais tout y est ! Pareille, pareille ! Belles expirations pour la
concentration et je ne sais pourtant pas par où commencer. Ou je ne sais plus que
dire, tellement il y a dire et par quel bout le dire.

Je t’ai écrit hier ça décoiffe, c’est sur, allez ! Au moins force 7, c’est balèze ! Un
véritable tsunami… La vague Pascale… Je voudrais revenir sur tant de choses
que l’on a déjà dites, auxquelles je te l’avoue je pense dans la journée, le soir
quand je te lis j’ai envie de répondre immédiatement. Oui mais par où commencer
? J’ai pensé à des trucs dans la journée sur lesquels je voudrais revenir, je ne
voudrais pas les perdre, alors ça tourne là dedans, un vrai bordel. Je maintiens :
Force 7 ! Et t’expliquer tout ça est un travail de titan !

Je ne crois pas au hasard. C’est très étrange ce qu’il m’arriva ce jour là. Après je
ne sais plus quelles errances, je me suis retrouvée sur ton blog, j’ai lu toutes tes
recettes. Et là je ne peux pas te dire pourquoi, j’ai senti qu’il fallait que je
t’écrive, même pas comme fan tu vois (même si j’aime ce que tu écris …) Il me
semblait que j’avais plus important à te dire que te féliciter. Mais c’est terrible, je
ne savais pas quoi, je ne pouvais décemment pas t’écrire : wouai, alors moi euh,
c’est Célia, bonjour euh ! Voilà, j’ai un truc à te dire, euh, mais j’sais pas quoi…
J’avais l’impression (je te préviens c’est un truc de dingues !) qu’il fallait que je
laisse un mot, un signe, un peu comme un fil, voilà c’est ça, comme si je voulais
laisser un fil, une empreinte. J’avais la sensation invraisemblable d’une énergie,
d’une âme, je ne sais pas comment dire (après tout ça vient de me tomber
dessus… hein ?) qui m’était familière et qui ne pouvait engendrer que du bon. Je
ne pouvais pas vraiment m’expliquer ce qui avait résonné en moi, tes textes

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oui, mais c’était au-delà. Je me disais alors si ce n’est pas les textes, qu’est-ce
donc ? Et je me répondais tout, rien … Au-delà de je ne sais même pas quoi ...
Mais un super good feeling.

J’ai tergiversé un bon moment, pour finir par te dire (débile que je suis) : je n’ai
plus de chocolat. Tu me conseillas d’aller chez la voisine (ce que je ne fis pas !)
Je te remerciais pour cela. Et la tempête a commencé. Depuis je n’ai que des
questions. Toutes ces correspondances dans nos vies, ces similitudes, c’est
troublant. C’est ce que j’essayais de te dire l’autre jour, troublant parce que j’ai
trouvé la vitesse … sidérale ! 3 ou 4 jours et je te raconte des trucs que je n’ai
racontés qu’à moi-même. Ces âmes seraient-elles familières ? Il faut que je te
dise que depuis toujours je suis fascinée par la culture africaine. J’ai depuis
développé en musique une bonne oreille, qui me permet en général quand j’écoute
un morceau que je ne connais pas de situer le pays, aux instruments, voix. Bref,
avec les potes de la cité où j’ai grandi, c’était devenu un jeu. Ils me faisaient
écouter des trucs. Je perdais. Je trouvais. Je progressais… Un jour, j’ai écouté un
truc dingue, une musique que je ne connaissais pas, un instrument d’un son si pur
que je suis tombée raide. La Kora, harpe africaine, malienne et
sénégalaise, Afrique de l’Ouest en tous cas, 21 cordes. Ce son a résonné en moi
comme jamais. J’écoutais ce disque et j’avais l’impression de l’avoir écouté toute
ma vie. Je fredonnais la mélodie un peu comme quand nos chansons d’enfance
nous reviennent. Le truc, ça m’a décalqué. J’ai pu vérifier depuis à quel point
l’art Malien me bouleverse. Je m’égare mais pas tout à fait.

Trois fois dans ma vie, j’ai ressenti un truc dingue comme ça, un truc qui vient tu
ne sais d’où, profond, ancien, familier, un truc à part qu’il faut que tu fasses, un
truc dont tu sens qu’il va te faire grandir, tu vois ce que je veux dire ?
Et ces trois fois dans l’ordre :
- La Kora et la musique malienne.
- Mon plongeon dans les yeux de Dominique.
- L’instant où je t’ai écrit : je n’ai plus de chocolat.

Tu m’envoyas chez la voisine, je t’ai trouvée là-bas ! Ah tiens ! Je me revois sur


ton blog, tranquille avec ma p’tite lumière comme mon ami Pierrot, voir s’il y
avait quelqu’un. J’ai tendu l’allumette et poum j’ai pris un feu d’artifice dans la
tête.

Tu comprendras aisément mon trouble, mon étonnement qu’après la description


de ta sciatique, nous en soyons arrivées là.
Tu as la réponse à ta question en quelques jours, c’est une bonne chose si on
considère le peu de chances qu'on avait de se rencontrer.
J’ai le début de la mienne qui est une bonne chose aussi car il tombe à point
nommé pour me faire progresser.
J’aime cette correspondance avec une volonté d’être foncièrement honnête
d’abord avec moi-même et ensuite avec toi.

Je pense que le voyage va être intéressant….

Je voudrais bien savoir pourquoi tu m’as écrit : « Tous ces passages à l'acte m'ont
renvoyé aux miens, à mes interrogations sur le couple. Au premier coup de vent,

- 27 -
pas mal auraient pris la tangente, pourquoi nous sommes nous autant accrochées à
nos Lisa respectives ? »

Au fait pas de risque que je m’épuise derrière mon écran. Un jour je te


raconterai comme c’est magique la nuit pour moi depuis mon enfance. Alors pas
de problèmes. Tu sais, je me suis couchée à 5 heures 30 et je me suis levée à 8, en
pleine forme. Tu sais ça m’arrive souvent de me coucher tard et quand je suis
seule j’en use et j’en abuse. J’ai bien bossé toute la journée, pas de coup de
barre, en pleine forme, mentalement absente mais en pleine forme. Tu vois une de
mes belles contradictions : j’aime Dominique et j’aime aussi me trouver seule à la
maison. La nuit, j’écris, je chante, je me cultive. J’adore ces moments à moi, rien
que pour moi, j’y tiens énormément. Je me répète j’aime Dominique. Avant de la
rencontrer j’étais très indépendante. J’ai fait des progrès mais c’est quand même
chez moi une nette tendance. Je reviendrai là-dessus.

« Nous avons tout notre temps pour apprendre à nous connaître. » Tant mieux …
Tant mieux.

Etant prise d’une soudaine crise de timidité à l’idée d’écrire le mot … bises. Ah
merde je l’ai dit, non je rigole … Mais je l’ai dit.

Voilà je n’ai pas abordé le dixième du quart de ce que je voulais dire… C’est mal
barré…

Célia, qui atteste jouir d’ordinaire de toutes ses capacités mentales. »

Pascale avait cogité une bonne partie de la nuit devant la tournure des
événements. Lisa ne devait rien savoir pour l’instant de cette correspondance. Il
fallait qu’elle la protège. Le plus simple était de créer une nouvelle adresse mail
avec un mot de passe. Ainsi ce soir elle pourrait répondre tranquillement à Célia
et transférer les anciens messages sur la nouvelle boite pour pouvoir les effacer de
l’autre. Mais l’inspiration lui manqua au moment de créer le nom. Elle verrait tout
cela ce soir, si elle continuait à passer trop de temps devant l’écran, elle allait rater
son train et arriver en retard au travail. C’est à son retour qu’elle répondit.

«Bonsoir Célia.

Ce n'est pas possible depuis que t'es rentrée dans ma vie Lisa a changé.
M.E.T.A.M.O.R.P.H.O.S.E.E !!!

Ce matin donc me voilà à faire des essais pour changer de boite aux lettres car
elle nous est commune à Lisa et à moi. Enfin c'est une expression car Lisa est
réfractaire à Internet, c'est moi qui m'en charge. Mais parfois quand l'ordinateur
est allumé, elle lit le courrier qu'on m'envoie. Elle est assez dans le contrôle, rien
ne lui échappe. Ce n'est pas que je veux lui cacher quelque chose mais j'aime bien
mon petit jardin secret. Aussi ce matin l'idée m'a pris d'ouvrir une boite rien que
pour toi mais l'essai ne fut pas concluant, je ne trouvais pas une adresse qui me
plaise. Je te passe sur la journée professionnelle un peu chargée, en plus j'avais

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la tête ailleurs, le boulot qui me tombe dessus comme jamais et me voilà rentrée
une heure plus tard que d'hab.

D'habitude Lisa se morfond à m'attendre pour sortir ou alors elle est scotchée
devant la télé. C'est rituel je lui pose la question « alors ma chérie ta journée ? »
Et elle de me répondre « De merdeeee ! » Et là, qu'entends-je derrière la porte.
De la musique, du Johnny celui de la grande époque, c'est une fan... Moi pas...
Lisa, le son tonitruant, qui pianotait sur l'ordinateur. Elle s'initiait à Internet,
faisait des recherches sur le shiatsu et me demandait comment faire pour avoir
une adresse email. J'étais la bouche ouverte, on avait du me la changer au service
après vente cet après-midi pendant que je m'éreintais à gagner trois sous. Elle me
réglait sans le savoir mon problème de courrier avec toi. Je me suis empressée
d'en faire une à son nom, fallait voir comment elle était fière. On a discuté un
moment pour savoir si entre le nom et le prénom on mettait un point ou pas. C'est
d'importance n'est-ce pas ? Pendant qu'on y était je lui ai créé sa propre session.
Comme cela chacune la sienne. Très pédagogiquement j'ai pris la peine de lui
faire des raccourcis, lui créer ses favoris en lui expliquant comment le refaire.
Comme ça c'était encore mieux je changeais mon mot de passe et elle n'aurait
plus à utiliser mes fichiers. Et puis elle a voulu mettre une nouvelle recette sur le
blog, voir comment on ajoutait un commentaire... La femme qui a compris que
j'en avais une autre en tête...

Bref moi qui voulais tranquillement prendre le temps de t'écrire me voilà


accaparée par ma douce et tendre. J'ai cru après ça qu'elle revoudrait faire
l'amour et je voyais le coup que je ne pourrais pas faire autrement que de dire
oui. Une chance elle avait faim et s'est mis en tête de me mitonner un bon petit
truc. Elle s'aperçoit qu'une partie de moi lui échappe et ce soir, à sa manière elle
me le renvoie dans un mélange de gratitude et de jalousie larvée...

C’est dommage, je vais manquer de temps pour développer mais tu ne peux pas
savoir ce que ça m'a fait que tu me parles du Mali. Tu as touché à quelque chose
de profond de mon histoire, c'est tout un engagement personnel. Je ne vais pas
déflorer mais dès que je le pourrai je te raconterai.

Je vais donc conclure rapidement car les bruits de couvert me font dire qu'elle
met la table, ça va être prêt dans cinq minutes. J’espère pouvoir m’y remettre plus
tard sauf si Lisa s’arrange pour que je m’occupe encore d’elle.

Bonne soirée à toi. Je t’embrasse. Pascale. »

Alors que Lisa était sous la douche, Pascale s’empressa d’aller voir ses mails. Elle
avait reçu celui qu’elle venait d’écrire, elle se l’était envoyé. Quel bel acte
manqué ! Comme elle l’avait prévu, Lisa l’avait sollicitée toute la soirée et ne lui
avait laissé aucune occasion de pouvoir lire ses mails. Elle s’empressa de le
renvoyer avec un petit mot d’explication. Laconiquement Célia répondit un quart
d’heure plus tard. « Bonjour Pascale. Bonne soirée. Je t’écris plus tard. Célia. »
Pascale sentit que son silence l’avait blessée à moins que ce ne soit le contenu du
mail ou les deux à la fois. Le lendemain matin la boite était vide. Pascale décida
de devancer Célia en lui écrivant dès son retour du travail.

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« Bonjour Célia.

Celle là elle est bien bonne quand même... Lisa a réussi à induire en moi de ne
pas t'envoyer le mail, elle qui avait tout fait pour que je l'écrive le plus tard
possible...

Elle a une peur panique que je la quitte. C'est aussi cette angoisse qui lui a
permis de trouver les ajustements et faire en sorte que notre relation dure malgré
nos différences. Aujourd'hui elle a eu le contrecoup de son hyper activité d'hier.
Devine ! Elle s'est coincé la colonne cervicale... Elle m'a appelée en pleurs (ce qui
chez elle est très rare) du boulot tellement elle avait mal. Je lui ai conseillé de
rentrer et d'appeler le médecin, elle a rendez-vous demain en fin d’après-midi.
Elle va un peu mieux ce soir mais ce n'est pas la grande forme. Bien évidemment
je l'ai maternée, elle adore... Il n'y a que comme ça qu'elle s'autorise quelques
régressions...

Pour en revenir aux Maliens, j'ai été confrontée pour la première fois à leur
réalité quand j'avais 20 ans. J’étais idéaliste. Je militais dans une association
pour le droit au logement. C'est ainsi que je me suis retrouvée dans des squats
insalubres, des hôtels meublés tenus par des marchands de sommeil. Des enfants
partout, des coépouses, la promiscuité. Et une chaleur dans l'accueil, une détresse
aussi. Ils n'avaient rien à manger mais ils t'invitaient quand même. Ils
m'attendaient impatiemment, me préparaient le thé ou le café. Ils parlaient mal le
français. J'étais mal préparée à cette misère, à ces odeurs si particulières. Je
refusais de manger, je buvais une ou deux gorgées pour ne pas les froisser. J'étais
mal car témoin de cette exploitation organisée, de ce discours raciste ambiant qui
cache en fait une réalité sordide qui profite à tout le monde. J’ai préféré cesser de
militer dans ce collectif et je me suis engagée dans une autre association qui
s’adressait aux femmes qui voulaient apprendre le français. Ce fut le choc et la
révélation. Ces femmes que j'avais vues chez elles, je les découvrais sous un autre
jour. Loin de leur milieu elles exprimaient ce que j'avais perçu. Cette vie était loin
de leur convenir. Ces maternités forcées, ces coépouses qu'elles ne supportaient
pas. Je leur ai appris ce qu'était la contraception, elles m'ont initiée à leur
culture. Et là j'ai pu partager avec elles, aller chez elles quand elles m'invitaient,
j'étais enfin prête. J’ai découvert dans leurs récits les ravages des génocides et du
SIDA en Afrique. Mais aussi les esprits, les sorts contre lesquels ils se
protégeaient par des rites, des masques, des grigris. Là encore je résume mais
c'est ce sont des années de ma vie ouvertes sur l'Afrique, le Mali essentiellement
car la majorité de ces femmes venaient de là. Quant à la musique je n'ai pas ton
oreille mais que de souvenirs de ces soirées festives pour fêter la venue au monde
d'un fils, d'une fille...

Je voudrais te dire tellement de choses mais c'est trop d'émotion...

Je suis pas mal bousculée en ce moment au boulot, mon chef de service part en
séminaire la semaine prochaine et je dois boucler tous les dossiers avant son
départ. J'ai ramené du boulot à la maison pour être auprès de Lisa qui va mal.

C'est une période frustrante car j'aimerais avoir plus de temps pour moi, je
déteste sentir cette pression intérieure et ce manque de sommeil chronique qui

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s'accumule car mes journées deviennent trop courtes. Et Lisa sait toujours bien
me le faire ressentir. Elle a raison, le boulot n'est pas tout, je dois aussi cultiver
mes relations. Et pas seulement avec elle...

J'espère que ta journée aura été bonne.

Comme tu sembles avoir des difficultés avec les embrassades, je te laisse trouver
le mot de la fin.

A + Pascale. »

Enfin le week-end. Pascale pourrait souffler un peu entre deux dossiers. Si elle
adorait ces échanges, ils lui prenaient aussi énormément de temps. Mine de rien,
tout cela l’interrogeait sur ses priorités. Son travail, son couple, cette amitié
naissante ?

« Bonsoir Pascale,

Quelle journée, je n'ai pas arrêté une seconde, seulement à 23 heures. Je suis
cuite.

Et j'aimerais avoir plus de temps pour t'écrire, parce que déjà, en une semaine de
correspondance j'ai pris un bon mois de retard !

Ce soir je suis avec Dominique. Exceptionnellement elle dort à la maison, elle


restera jusqu’à lundi soir car des affaires l’appellent dans la région. Ce n’était
pas prévu, elle a voulu me faire une surprise. Je la sens qui piaffe d’impatience,
elle veut faire l’amour. J’ai du prétexter un mail professionnel, je me suis inscrite
à une formation pour t’envoyer ce petit mot.

Pascale, il faut que je te parle ! (Là, je prends un air très sérieux...) C'est quoi ce
truc ? On est dans un de tes récits ou quoi ? Je suis restée coincée sur ton site
c'est ça ? T'écris une nouvelle recette et tu ne me l'a pas dit alors que je me crois
encore dans la vraie vie, c'est ca ? Mouais... Mouais... Mouais…

Comme j’aimerais revenir sur ton mail d'aujourd'hui. J’ai monologué dessus
toute la journée, il faut bien que j'arrive à t'en dire quelque chose, quand même...
Tu sais Pascale, je n'ai pas de problèmes avec tes bisous, seulement avec les
miens ... Pour l'instant... Mais si je veux ... Je peux le faire … Oui c'est vrai...

Allez, je t'embrasse... Célia »

Pascale eut un pincement au cœur en lisant ce mail. La réalité reprenait le pas.


Elles étaient chacune en couple, leurs compagnes respectives ignorant tout. C’était
normal que Célia continue sa vie conjugale tout comme elle avec Lisa. Elle se
refusait de ressentir une quelconque jalousie, ce n’était que de l’amitié, rien
d’autre. Pascale aimait Lisa et tant bien même qu’elle trouvait Célia sympathique,
tout ceci n’était que virtuel. Ce n’était que l’excitation du début, dès qu’elles se
seraient racontées un peu plus, elles finiraient bien par se lasser de ces longues
lettres. Tout allait très vite, trop vite. Pascale sentait qu’elle ne tiendrait pas le

- 31 -
rythme et Célia non plus. Lisa commençait à réagir, la connaissant, elle se
rebellerait si elle estimait que Pascale la délaissait.

- 32 -
Chapitre VI

« Bonjour Célia,

Si tu veux on fait une petite pause et on laisse passer le week-end...

Comme ça tu pourras profiter pleinement de ta compagne et aussi prendre soin de


toi. Il est important de se ménager du temps à soi même si je sais que m'écrire
c'est du temps à toi.

Maintenant c'est comme tu le sens. C'est juste une proposition pour te mettre à
l'aise...

Lisa s'est levée ce matin en super forme. « Je n'ai plus mal, je vais annuler le
rendez-vous chez le toubib». « Non, tu y vas et au besoin je t'accompagne ! ».

Non je ne suis pas dans une recette, je suis comme d'hab une sacrée éponge.
Super douce qui nettoie sans agresser... Lisa est repartie pour un tour, elle va
nous laisser maintenant correspondre tranquillement, son angoisse est levée...

Passe une bonne journée.

Je t'embrasse moi aussi. Pascale. »

Une heure plus tard.

« Bonjour Pascale.

Je me sens bien dans notre relation, très décoiffée mais bien. C'est juste que je
suis timide quand je suis troublée, et là le virtuel me ... je ne sais pas comment
dire. Quand je recadre je me dis je t'embrasse et je ne t'ai jamais vue. Ce n’est
pas ma logique habituelle, mais bon je te l'ai dit j'aime l'inattendu.

Je n'ai pas la moindre envie de ne pas t'écrire ce week-end, t'es folle c'est trop
long !!!

Alors à ce soir

Je t'embrasse. Célia »

Un grand sourire illumina le visage de Pascale. Cela lui donna des ailes pour
traiter ses dossiers, en fin d’après-midi elle avait fini. Elle accompagna Lisa chez
le médecin. Sciatique cervicale. Tiens, tiens ! Peur du changement Lisa, pensa
intérieurement Pascale. Elle appela son frère pour qu’il la prenne en consultation.
Celui-ci en profita pour les inviter à diner. La soirée fut délicieuse. A leur retour,
un mail l’attendait.

« Je n'ai pas eu le temps de te dire ce matin comme j'avais trouvé ton mot délicat,
tendre et attentionné. Je ne peux plus me passer de cette correspondance. Tu veux

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arrêter c’est ça et tu n’oses pas me le dire ? Je peux quand même t’écrire un
dernier mail ?»

Ce n’était pas signé, pas de formule de politesse. Pascale sentit qu’elle avait
déstabilisée Célia et qu’elle paniquait elle aussi à l’idée de la perdre. Il fallait
qu’elle la rassure.

« Je t'ai fait cette proposition car je ne savais pas comment réagir après cette
semaine d’échanges fournis. Bien sûr ce sera avec plaisir que je te lirai,
apparemment ma proposition n'était pas une bonne idée... Dis moi ce qui te ferait
plaisir pour que tu te sentes bien dans notre relation, c'est toi qui donnes le
rythme je suivrai comme les joueurs de djambé...

Bonne nuit, je vais me coucher, je suis claquée ! Je t’embrasse. Pascale. »

Cette fille dormait quand se demanda Pascale en cliquant sur le notificateur de


messages. Elle qui avait besoin de ses huit heures de sommeil pour se sentir en
forme admirait Célia. Il faudrait qu’elle lui demande son secret pour tenir. Etait-
elle une adepte de la sieste ? Des cafés serrés ? Ou bien était-ce lié à l’excitation
de la rencontre ?

« Bonsoir Pascale,

Personnellement ce fut une bonne semaine.

Ma première cliente hier matin, une Allemande avec un accent délicieux, que je
voyais pour la première fois, cinquante balais, bien conservée, de beaux yeux
bleus, (ouh…) ultra speed ! Je lui explique bien le concept de la thérapie
énergétique, ce que j’allais lui faire et pourquoi. Ensuite je lui dis : couché pas
bouger (ça fait marrer Dominique) en plus poli bien sûr mais ça revient au même.
Je lui ai fait une séance de feu et je ne l’ai pas entendue pendant une heure. J’ai
même regardé si elle respirait encore ! lol Décalquée l’Allemande… Elle a eu du
mal à sortir de ma pièce de consultation parce que ça mate bien une séance. Au
moment de payer, très dignement, avec son accent que je ne t’imite pas parce que
tu ne m’entends pas, elle m’annonce qu’elle prend un forfait de dix séances pour
commencer et qu’ensuite elle viendra une fois par semaine pour toute sa vie !
Mignon, non ? Quant à ma cliente de 15 heures, elle m’a accueillie dans la salle
d’attente alors que je venais la chercher, avec un : Célia, vous êtes une véritable
magicienne ! Alors là, moi, je me la pète. Non je rigole ça c’est vraiment un truc
que j’ai du mal à faire. Mais bon ces compliments en si peu de temps, c’est ma foi
très plaisant. Un jour une cliente, légèrement timbrée, m’avait déjà appelée sa
Joséphine ange gardien. Tu le crois ça ? Qu’est ce que ça a pu nous faire rire
Dominique et moi. Les autres clients disent plus généralement : merci Célia, je
me sens mieux depuis que je vous vois, (si, si) tout aussi plaisant mais drôlement
moins fun.

Je ne sais pas pourquoi je te raconte ça, à cause de la béatitude peut-être.

Depuis hier Dominique a un comportement étrange, enfin pas habituel dirons-


nous. Jamais elle ne vient chez moi et je ne sais pas si c’est ce qui attise son désir,

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mais elle me cherche. Entre deux portes, m’embrasse fougueusement, quand elle
passe derrière moi me caresse le bas des reins comme ça d’une manière très …
Ce n’est pas son genre de me mettre la main aux fesses, ça non ! Plutôt le mien, je
l’avoue. J’aime bien la charrier et quand il y a du monde, je lui glisse parfois des
choses érotiques à l’oreille, parce que je sais qu’elle va rougir et ça me plait de la
voir en public se troubler par ce que je viens de lui dire… Je ne sais pas ce
qu’elle me mijote.

Dominique se fiche pas mal de l’ordinateur et d’internet comme de sa première


chemise. Elle joue parfois, cherche quelques trucs, sans plus. Elle se moque de
mes fichiers parce qu’elle se moque de l’ordinateur. Alors que nous ne nous
étions pas vues de la semaine, je ne sais pourquoi mais elle m’a posé une série de
questions bizarres. Tu surfes encore ? Qu’est ce que tu fais, tu cherches quoi
quand je ne suis pas là ? Tu t’es couchée à quelle heure cette semaine ? Ah bon ?
Jusqu'à cette heure-ci sur internet ? Mais qu’est ce que tu fais ? Elle ne l’a jamais
vraiment formulé mais je sais qu’elle a peur qu’un jour je rencontre quelqu’un.
Pas de risques, je ne chat pas, ne forum pas. Je n’ai jamais cherché la bagatelle,
non vraiment je suis une chic fille très sage qui quand elle est seule écrit, chante
et se cultive. Rien de bien méchant tu vois. Et là normalement on entend les
violons. Tu les entends ?

Maintenant c’est différent, tu es là.

Je n’ai pas parlé à Dominique de notre relation et je ne le ferai pas, pas pour
l’instant en tous cas.

Dominique je te l’ai dit se sent hétéro à 350%. Je la connais par cœur. Tu vois je
m’imagine très bien lui dire : mon cœur, j’ai rencontré une nana très chouette,
elle écrit des recettes sur un blog et vit avec une femme. J’aime beaucoup
correspondre avec elle, je lui raconte en quelques jours des trucs que je n’ai
jamais dit, pas même à toi ma chérie. Je partage avec elle des moments d’intimité
perdue depuis longtemps. Nous nous écrivons généralement le matin et le soir, je
suis contente d’attendre de ses nouvelles. Tu vois ma chérie, en quelque sorte une
amie virtuelle, à laquelle je me suis attachée en quelques jours parce qu’il me
semble que nous appartenons à la même famille, comment te dire, émotionnelle,
spirituelle… Rien de grave ma chérie, la vie, les rencontres, avec certaines plus
intenses que d’autres.

Oui, je me vois très bien. Dominique hétéro 350%, 24 heures sur 24, mais
cependant Céliasexuelle, pense très sincèrement que quand une lesbienne
rencontre une autre lesbienne ça ne peut finir que par une histoire de lesbienne à
savoir : very sexe. (je te fais un résumé, hein …) Je la connais par cœur ma
chérie, elle va monter sur ses rails. Et oui, Dominique a des rails et aussi de jolis
petits wagons. Et quand elle monte dans l’un d’entre eux, je sais exactement à
quelle station elle va s’arrêter. Il y en a pas mal de stations et toutes ont le même
terminus : la scène du grand II.

Et là, je t’avoue j’ai assez donné ! J’ai bien du l’admettre, visiblement quand
l’autre ne peut pas comprendre quelque chose, il ne le peut pas et c’est tout. Je ne
veux pas discuter des heures, j’ai passé l’âge de me justifier pour rien. Je n’ai pas

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envie d’être fliquée. C’est terrible quand je dis tout ça, parce que c’est ma chérie.
Mais ma chérie elle est comme ça, elle ne raisonne pas elle est jalouse, c’est
viscéral… Je ne sais pas toujours tout à fait ce que je veux dans la vie mais je sais
exactement ce que je ne veux plus !

Et moi tu vois, je ne veux plus sortir ma paire d’avirons, je ne veux plus monter
dans le train pour la scène du grand II, je veux juste être paisible pour le peu de
temps que je possède sur terre et profiter tranquillement de ma relation avec toi
sans orage, ni tourment. Voilà chère Pascale pourquoi te voilà top secret défense,
bien à l’abri, ça oui !

Quant à moi je ne voudrais pas te déranger, t’emmerder dans ton couple, te


prendre du temps que tu n’as pas, enfin quoi que ce soit qui pourrait te nuire….
Alors si toi, tu as besoin d’un break, dis le moi…

Je suis stabilisée… Mes moteurs ont chauffé, je te l’accorde, mais je vole


désormais à belle altitude, bonne vitesse de croisière. Alors si tu en as besoin
prends tout ton temps. Je serai là.

J ‘espère que ta journée ne sera pas trop tendue…

Je t’embrasse et je t’embrasse, (c’est pour le week-end) Célia »

Lisa avait préparé le petit déjeuner. Couchées tard mais pas de grasse matinée.
Lisa détestait trainer au lit, elle jugeait que c’était du temps perdu. La séance et les
cachets l’avaient soulagée. Pascale culpabilisait de faire passer Célia avant elle.
Sa première pensée en se levant était de courir lire ses mails. Lisa était là, bien en
chair et en os. Avec ses qualités et ses défauts. De Célia, elle ne voyait que les
qualités. Elle l’idéalisait. Si elle ne prenait pas garde, Pascale allait faire souffrir
Lisa qui ne résisterait pas face à une femme parfaite. Lisa sentait-elle que quelque
chose bouleversait Pascale ? Alors qu’elles avaient fini de déjeuner, Lisa entraina
Pascale sous la couette et lui fit tendrement l’amour. Cela ne lui était pas arrivé
depuis des mois. Pascale en était toute retournée. Célia reprenait sa place, celle
d’une amie virtuelle. Elle venait de passer une semaine trépidante. Elle veillerait
la semaine suivante de mieux équilibrer son temps entre Célia et Lisa et de
privilégier le réel.

« Bonjour Célia.

Si entre nos deux compagnes il y a des similitudes il y a aussi des différences.

Tout d'abord je te mets à l'aise, tu ne me prends pas du temps sur Lisa. Je passe
beaucoup de temps sur mon ordinateur c'est comme ça et même si parfois elle
râle elle finit par accepter. Pour la simple et bonne raison que quand je suis avec
elle je suis à 3000 % disponible, que je lui donne à elle ce que les autres n'ont
pas. Je lui suis fidèle physiquement, virtuellement c'est autre chose si on se place
de son point de vue. Comme toi je ne lui ai pas encore parlé de notre
correspondance. Pourtant je compte le faire. Cet après-midi ? Pourquoi pas ?
Elle m'aime trop pour m'empêcher de m'épanouir, le manque de temps en ce
moment c'est surtout le boulot... Elle connait mon besoin d'indépendance et est

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assez intelligente pour comprendre qu'elle n'a pas d'intérêt à être étouffante.
J'accepte son contrôle, sa jalousie et sa possessivité. Entre nous les conflits sont
brefs. Il n’y a pas de psychodrames et Lisa entend très bien les limites que je lui
pose. Je pense aussi que ça nous donne l'occasion à toutes les deux d'entretenir
notre désir, nous ne restons pas ensemble par habitude ou par peur d'un
hypothétique ailleurs. Et puis tu sais je la trouve craquante quand elle se
déshabille psychiquement devant moi, quand elle se fait câline et tendre parce
qu'elle craint que je la quitte pour « mieux qu'elle » ! Elle me dit je t'aime avec
ses maux de petite fille à jamais meurtrie et je fonds devant elle... Son enfance n’a
pas toujours été rose, je l’ai aidée à réparer ses blessures enfantines. Aussi ne
t'inquiète pas pour notre couple il est très solide et je suis très au clair dans mes
sentiments pour elle. D’ailleurs ce matin ma chère et tendre avait envie de moi.
Autant te dire que j'ai failli tomber du lit mais j'ai préféré rester dedans avant
qu'elle ne se ravise. Jamais au grand jamais elle n'avait eu ce genre d'audace...

Je ne sais pas toujours tout à fait ce que je veux dans la vie, mais je sais
exactement ce que je ne veux plus !

Cette phrase est le ciment de notre couple, c'est là dessus que nous nous sommes
rencontrées. Je ne voulais plus mentir, passer aux yeux des autres pour une
hétéro que je n'avais jamais été, vivre des histoires merdiques avec des femmes
mariées ou qui ne s'assumaient pas. J'ai trouvé la voie de mon désir dans ce que
je ne voulais plus. Lisa m'a permis d'explorer cela. La rencontre avec une
lesbienne bien dans ses bottes a été un catalyseur qui m'a rendu une harmonie
intérieure perdue. Tu traverses une période de questionnements et tu cherches des
aménagements confortables pour garder Dominique. Notre relation restera top
secret. Et si un jour je dois débarquer dans ta région, on ne se connaitra pas ! Ah
ce putain de hasard, c'est dingue. Pour le coup il fera mal les choses ! Cela dit si
jamais cela devait se produire, Lisa à mes côtés, Dominique serait rassurée. Lisa
saurait lui couper l'envie d'une scène de jalousie quand Dominique verrait le petit
cerbère qui gronde dès qu'on s'approche...

Continue à m'écrire à ton rythme, j'y répondrai du mien. Malgré mon planning un
peu serré mais qui devrait s'assouplir à partir de la semaine prochaine je crois
qu'on a pu pas mal échanger non ?

En tout cas j'aime bien cette relation. Parce que si elle te fait du bien, à moi aussi.
J'aime cette sororalité de cœur et d'esprit

Une proposition à moins que ça ne soit un peu tôt. Veux-tu que je t'envoie une
photo de Lisa et de moi par mail ? Ou de moi tout simplement...

Lisa m'a laissé t'écrire sans me déranger une seconde elle m'a même apporté mon
thé pour que je n'ai pas à me lever. C'est y pas beau l'amour ?

Je t’embrasse. Pascale »

Pascale en relisant son mail ne changea rien. Jusqu’à présent elle avait abondé
dans le sens de Célia, sans jamais lui chercher la contradiction. C’était aussi une
des raisons pour lesquelles ces échanges lui paraissaient aussi apaisants. C’était

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lisse, sans frottement. Pas besoin de s’ajuster. Juste de s’idéaliser. Si la relation
devait continuer, Pascale devait poser ses limites. Autant avec Lisa qu’avec Célia.
Elle attendit le déjeuner pour se lancer à l’eau.

« Délicieux ce poulet Lisa ? Tu as eu raison de le prendre au marché ? Finalement


le poisson aurait été moins bon.
- C’est surtout qu’il était cher. Je déteste me faire plumer.
- C’est sur, c’est pour ça que tu t’es rabattue sur la volaille ! Te faire plumer !
- Elle est bonne, je ne l’ai pas fait exprès.
- J’ai bien vu, c’est pour cela que tu m’as fait rire.
- Je voulais te dire pour ce matin…
- Oui !
- Rien. Finalement rien.
- J’ai quelque chose à te dire !
- Ah ?
- Oui. Depuis une semaine je corresponds avec une femme qui a aimé une de mes
recettes sur mon blog. Tu sais l’Amadeus !
- Oui et alors ?
- Ben rien, je voulais juste te le dire.
- Tu veux relancer ton blog ?
- Non pourquoi tu dis ça ?
- On dirait que tu veux me dire quelque chose mais que tu tournes autour du pot
pour le dire.
- Tu me connais bien !
- Je voulais juste te dire que je correspondais avec une femme.
- Vas-y ! Tu n’oses pas m’avouer qu’elle est lesbienne car tu as peur que je me
fasse des idées !
- C’est exactement ça !
- Et tu te rendais malade pour ça ? J’ai bien vu que depuis quelques jours tu te
prenais la tête pour rien. Que tu étais ailleurs !
- Je te suis fidèle Lisa.
- Je le sais. Je ne vais pas t’attacher. S’il doit arriver quelque chose, il arrivera
quelque chose. Je ne l’empêcherai pas.
- Tu es sûre ?
- Ce serait le meilleur moyen de te perdre. C’est en te laissant libre que je te
garde. Je sais qu’un jour tu me quitteras pour une autre. Je me suis fait une raison.
- Pour l’instant ce n’est pas à l’ordre du jour. C’est juste une correspondance, nous
apprenons à nous connaitre. Tu veux que je te parle d’elle ?
- Pas maintenant, je ne veux rien savoir. Elle est célibataire ?
- Non en couple ?
- Bon alors si ça doit bouger, ce sera des deux côtés. Merci de m’en avoir parlé.
Préviens-moi si ça devient sérieux entre vous !
- Nous n’en sommes pas là. Ce qui s’est passé ce matin m’a beaucoup plu. Cela
me manquait de ne plus faire l’amour avec toi.
- Je sais… J’ai bien compris d’où venait le danger.
- Tu veux du dessert ? »

Pascale se sentit soulagée d’un grand poids. Elle proposa à Lisa de louer un dvd et
de passer l’après-midi tranquillement devant la télévision à regarder un film. Elles
se blottirent l’une contre l’autre en se prenant la main, captivées par l’histoire

- 38 -
d’amour. Le dimanche passa ainsi, amoureusement. Pascale en avait oublié Célia.
A tel point qu’elle ne regarda même pas son mail. Lisa avait marqué un point.

« Bonsoir Pascale,

Week-end très chargé. Dominique a décidé de reprendre la vie commune. Elle


m’a annoncé que ses magasins étaient suffisamment rentables et qu’elle comptait
créer des franchises. En attendant de savoir ce qu’elle ferait de son argent, elle
souhaite que nous déménagions pour partir dans le Sud dans une villa avec
piscine, près de la mer. Je dois lui donner une réponse rapidement.

J’aime bien notre correspondance mais parfois un truc me manque : l’intonation.


C’est super important l’intonation pour le sens des mots. Et finalement je trouve
ça plutôt bien parce que ça m’oblige à repenser et à reformuler mes propos.

Tout d'abord je te mets à l'aise, tu ne me prends pas du temps sur Lisa. Je passe
beaucoup de temps sur mon ordinateur c'est comme ça et même si parfois elle râle
elle finit par accepter. Pour la simple et bonne raison que quand je suis avec elle je
suis à 3000 % disponible, que je lui donne à elle ce que les autres n'ont pas. Je lui
suis fidèle physiquement, virtuellement c'est autre chose si on se place de son
point de vue. Comme toi je ne lui ai pas encore parlé de toi. Pourtant je compte le
faire. Cet après-midi ? Pourquoi pas ? Elle m'aime trop pour m'empêcher de
m'épanouir, le manque de temps en ce moment c'est surtout le boulot... Elle
connait mon besoin d'indépendance et est assez intelligente pour comprendre
qu'elle n'a pas d'intérêt à être étouffante. J'accepte son contrôle, sa jalousie et sa
possessivité. Entre nous les conflits sont brefs. Il n’y a pas le psychodrame et Lisa
entend très bien les limites que je lui pose.

Je pourrais écrire quelque chose comme ça (sauf pour le psychodrame) et ce ne


serait pas mentir. Bien sûr que ma chérie m’aime et ne veut pas m’étouffer,
qu’elle m’a vraiment aidée à réaliser mes projets parce qu’elle me préfère
heureuse et épanouie, qu’elle ne me fait pas que des scènes. Depuis l’achat de ses
boutiques bio, nous menons une drôle de vie, nous nous croisons pas mal.
Dominique a toujours eu peur que je la quitte, c’est comme ça. Quand je dis que
notre relation est top secret défense c’est que pour l’instant je n’éprouve pas le
besoin de lui en parler, pas que je veuille à tout prix lui cacher. Je sais que même
si elle me fait confiance, elle s’inquiétera parce qu’elle est comme ça et il me
semble que nous avons autre chose à vivre en ce moment. Voilà. Et quand il sera
temps je lui parlerai de toi. Mais je reviendrai là-dessus. Je réfléchis à sa
proposition. Je ne la vois pas de la semaine, c’est un peu long. Nous avons de
supers coups de fil, des texto. Elle me manque terriblement. Nous avons fait
l’amour tout le week-end et ce soir c’est notre dernière nuit, je compte bien en
profiter.

Je te fais part de mes questionnements en effet, et j’aime l’éclairage que tu


apportes. Me raconter comme ça et te lire aussi est très spécial pour moi parce
que justement on ne se connaît pas et qu’il est fort enrichissant si on veut jouer le

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jeu, de se regarder sans tricher pour donner à l’autre le plus sincère et plus
honnête portrait de soi. Pas toujours facile mais passionnant.

En tout cas moi j'aime bien cette relation. Parce que si elle te fait du bien à moi
aussi. J'aime cette sororalité de cœur et d'esprit.

Sororalité : merci pour ce mot nouveau que je ne connaissais pas ... ou que
j’avais oublié, depuis fort longtemps.

Aussi ne t'inquiète pas pour notre couple il est très solide et je suis très au clair
dans mes sentiments pour elle...

Je ne m’inquiète pas une seule seconde.

Je crois qu'on a pu pas mal échanger non ?

Oui, je crois qu’on peut dire ça ; -) pour mon baptême virtuel, plutôt balèze.

Une proposition à moins que ça ne soit un peu tôt.

Alors maintenant tu fais les questions et les réponses ? ;-)

Veux tu que je t'envoie une photo de Lisa et de moi par mail ? Ou de moi tout
simplement...

Je ne peux pas te dire mieux, Pascale, fais exactement ce que tu as envie de faire !

Lisa m'a laissé t'écrire sans me déranger une seconde elle m'a même apporté mon
thé pour que je n'ai pas à me lever. C'est y pas beau l'amour ?

Si si, très beau l’amour… Alors merci Lisa…

J’espère que ton week end fût bon.

Bises. Célia »

Comme elle se l’était promis, Pascale commença cette nouvelle semaine par
mettre un peu de distance.

« Bonjour Célia,

Aujourd'hui je ne travaille et Lisa non plus...

Nous nous occupons aujourd'hui d’acheter un ordinateur portable car Lisa veut
s'initier à Internet. Je lui laisserai celui qu’elle connait, comme ça je pourrai
t’écrire tranquillement sans la priver de surfer. Et puis comme ça je suis sure
qu’elle ne lira pas nos courriers, je prendrai soin de mettre des mots de passe
partout.

- 40 -
Là je vais aller chercher les croissants, nous allons déjeuner tranquillement
toutes les deux, nous remettre au lit ensuite...

Comme tu l'auras compris je t'écrirai longuement plus tard.

C'était juste un petit coucou avant que tu ne vaques toi aussi à tes occupations.

Te dire que je t'ai lue... Bises. Pascale »

- 41 -
Chapitre VII

« Bonsoir Célia,

Je ne la vois pas de la semaine, c’est un peu long. Nous avons de supers coups de
fil, des texto. Elle me manque terriblement. Nous avons fait l’amour tout le week-
end et ce soir c’est notre dernière nuit, je compte bien en profiter.

Je ne connais pas de meilleur moyen moi aussi pour faire vivre en moi les
personnes que j'aime. Je ne sais pas pour toi mais certains texto sont tellement
chargés d'émotions qu'il y a comme un débordement qui rend impossible tout
plaisir à le lire. Il faut attendre et s’imprégner des mots. C'est cet apprivoisement
qui rend le manque supportable et le temps passé à cette activité est pour moi
aussi un partage, un moment avec celui ou celle qui est loin. Avec Lisa nous nous
envoyons pas mal de sms tendres et amoureux.

J'aime bien notre correspondance mais parfois un truc me manque : l'intonation.


C'est super important l'intonation pour le sens des mots. Et finalement je trouve ça
plutôt bien parce que ça m'oblige à repenser et à reformuler mes propos.

C'est parfaitement vrai. C'est bien pour ça que parfois le virtuel devient réel…
Remarque il y a la webcam, ça peut aussi être un bon compromis. Mon ordinateur
est équipé d’une caméra intégrée, si tu veux que nous la testions ensemble.

Dominique a toujours eu peur que je la quitte, c’est comme ça. Quand je dis que
notre relation est top secret défense c’est que pour l’instant je n’éprouve pas le
besoin de lui en parler, pas que je veuille à tout prix lui cacher. Je sais que même
si elle me fait confiance, elle s’inquiétera parce qu’elle est comme ça et il me
semble que nous avons autre chose à vivre en ce moment. Voilà. Et quand il sera
temps je lui parlerai de toi.

Chacun a besoin d'écrire les scénarii de ses fantasmes pour entretenir son désir
de l'autre. La peur d'être quitté est un puissant moteur pour certains, pour
d'autres cela peut être d'entretenir des relations qui satisfont les besoins qui ne
peuvent trouver un exutoire dans le couple. Ce qui compte c'est de se sentir bien,
que les liens se resserrent au lieu de se dénouer. Votre relation est complexe,
notre correspondance est un espace de liberté que tu t'es créé, une bouffée
d'oxygène dans une relation que le quotidien et la routine ont quelque peu
asphyxié. C'est aussi parce que tu l'aimes que tu cultives le secret, parce que tu ne
sais pas très bien où tu vas en ce moment, parce que tu aspires à autre chose avec
elle mais que tu ne sais pas comment l'obtenir. Tu la protèges de tes
interrogations, de tes désirs inavoués, tu essaies d'explorer une voie acceptable
pour elle et pour toi sans que cela ne mette en péril votre couple. C'est tout à ton
honneur et je ne peux que t'encourager à poursuivre ta quête d'un autre possible
au sein de votre relation. Tant mieux si notre correspondance a relancé son désir
et le tien...

Me raconter comme ça et te lire aussi est très spécial pour moi parce que
justement on ne se connaît pas et qu’il est fort enrichissant si on veut jouer le jeu,

- 42 -
de se regarder sans tricher pour donner à l’autre le plus sincère et plus honnête
portrait de soi. Pas toujours facile mais passionnant.

Tu es mûre pour une analyse ;-) A moins que ça ne soit déjà fait...

Une proposition à moins que ça ne soit un peu tôt.


Alors maintenant tu fais les questions et les réponses ? ;-)
Veux tu que je t'envoie une photo de Lisa et de moi par mail ? Ou de moi tout
simplement...
Je ne peux pas te dire mieux, Pascale, fais exactement ce que tu as envie de faire !

Tu aimes que je fasse les questions et les réponses alors ! Parce que là
franchement tu ne m'aides pas ! ;-) Alors je me lance... Narcissiquement... Toute
seule... Tu as en pièce jointe ma photo ! :-)

Sinon j'ai passé un très bon week-end, assez inracontable en fait. Ou alors sous la
torture car franchement Lisa a battu là des records, jamais elle n'avait été comme
ça. Si je n'avais pas confiance en elle, je croirais qu'elle a une maîtresse. Notre
correspondance a un puissant effet érogène sur elle, elle a osé ce qu'elle
interdisait jusque là. Le hic c'est que je crains que ça ne soit qu’occasionnel,
chassez le naturel et il revient au galop. Je lui ai également parlé de toi. Sans
entrer dans les détails car elle ne voulait rien savoir. Elle n’a pas été très
loquace, je n’ai guère eu de commentaires. Si ce n’est qu’elle a encore verbalisé
sa peur que je la quitte.

J'espère que ta journée a été bonne.

Je t’embrasse. Pascale. »

A peine envoyée qu’une réponse fusait.

« Tu sais quoi ? T'as une bouille trop craquante je suis morte de rire. Bises, à
plus tard. Célia »

Et la réplique fut tout aussi foudroyante.

« Tant mieux si ma bouille t'a fait mourir de rire, y en une autre qui en meurt de
plaisir à la contempler tous les jours... ;-) »

Deux minutes plus tard, l’échange fut clos.

« Sur la photo tu as un sourire auquel le mien a instantanément répondu, the very


big sourire, et c’était plutôt le sens de morte de rire. L’expression morte de
sourire n’existant pas, je n’en ai pas trouvé de plus approchant. Demain je pars
en avion avec Dominique dans le Sud visiter des maisons. Ce sera silence radio. A
mardi. Bises. Célia. »

Pascale profita de sa soirée libre pour se reposer. Depuis une semaine elle
toussait, le médecin consulté au retour du travail diagnostiqua une bronchite.
Antibiotiques et trois jours d’arrêt maladie, si ça n’allait pas mieux avec ça, il

- 43 -
faudrait le revoir. Pascale n’en pouvait plus de ce rythme et son corps lui imposait
le repos malgré elle. Elle n’alluma pas l’ordinateur de la soirée. Ces trois jours de
repos lui firent le plus grand bien, elle profita également de ses soirées avec Lisa
qui apprécia. Le mercredi matin elle trouva un long mail dans sa boite.

« Bonsoir Pascale,

Dominique a choisi d’acheter une maison dans un quartier chic d’une ville
balnéaire. Maison fin de XIX ème siècle, escalier double, jardin, terrasse en pierre,
piscine… Bref, très cool. L’intérieur est sympa, marbre au sol, hauts plafonds,
grande cheminée. Il y a aussi un escalier, que j’aime particulièrement puisqu’il
conduit à une pièce, THE pièce, ma pièce, celle qui sera mon repère, mon antre
secret. J’ai donné mon accord de principe. J’ai décidé de partir avec elle. Le plus
délicat sera de recommencer mon activité professionnelle, refaire une clientèle.
J’en ai pour deux ans avant que ça ne tourne bien. Je ne suis pas inquiète, si je
manque de clients, je me ferai engager dans les palaces de la région comme
masseuse. J’ai toujours la main et je ne risque pas de chômer vu la demande.

Ça m’a prit un peu de temps c’est sûr mais je l’ai fait ! Depuis le début j’ai tout
relu ! J’ai tout trié dans un dossier sentimentalement appelé Amadeus. Au début
fastoche, ensuite ça se complique. L’objectif visé était de mettre de l’ordre dans
mes idées afin de te répondre et je dois dire que ce n’est pas du tout réussi. Tous
ces mails, wahou, ça m’a donné le tournis. Une quinzaine de jours à faire
connaissance, à penser à toutes ces années et essayer de te les décrire, te lire,
j’ai l’impression d’avoir fait un voyage beaucoup plus long. Et j’ai relu des
choses très intéressantes (ah ah !) sur lesquelles je reviendrai. Voilà et puis aussi
en fait, je crois que j’ai envie de te raconter les choses comme elles me viennent,
sans chronologie particulière, comme ça, à l’émotion du moment… Si tu n’y vois
pas d’inconvénient bien sûr. En fait c’est ce que j’ai toujours fait non ?

Du plus loin que je me souvienne j’ai toujours aimé les femmes. J’ai des flashs de
mon enfance, pas de longues périodes de souvenirs, en tous cas une enfance très
heureuse, joyeuse et choyée. Je devais avoir huit ans et je matais déjà les filles de
ma classe. J’ai bien compris que je ne serais pas dans la norme. Un jour une
grande brune est entrée dans ma vie. La sœur aînée d’un copain, des espagnols.
Elle s’appelait Inès, je devais avoir 10 ans, elle 16. Elle était très sympa très
tendre, tu parles j’étais une gamine. Elle était très câline avec son frère et avec
moi aussi, elle me caressait les cheveux, enfin tu vois comme quand on câline un
enfant et moi j’en profitais… L’extase ! D’y repenser je frissonnais pendant des
jours. En fait je crois que depuis toujours ce qui me plait le plus, qui me trouble et
m’émeut profondément c’est la tendresse. Pourtant je n’en ai pas manqué ou
bien j’en ai trop eu et c’est ce manque que je recherche (enfin bon je ne sais pas
si je suis très claire là …) Quand je suis entrée en 6 ème, je suis tombée
éperdument amoureuse de ma prof d’histoire-géo. J’étais béate. Je faisais des
détours dingues pour la croiser dans les couloirs, je la voyais partout. En cours je
buvais ses paroles, je dévorais ses explications. Je lui dois ma passion pour la
géographie, mon délire des destinations lointaines même à seulement regarder

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sur l’atlas. Ce furent mes premiers émois de collégienne. C’est avec elle que j’ai
vraiment compris que je serais définitivement hors normes. Et pourtant j’ai eu pas
mal de petits copains entre 12 et 16 ans dirons-nous. Rien de terrible, des bisous,
des petites caresses de rien, toujours tendre donc ça m’allait. Tu vois finalement
j’en reviens toujours là, la tendresse, toujours la tendresse.

Vers 15 ans à l’âge où les caresses se font plus précises, avec les garçons il
n'y avait pas moyen, j’étais toujours sur mes gardes, aucun laisser aller, aucun
lâcher prise, pas de plaisir à laisser un homme explorer mon corps. J’ai donc
cessé d’avoir des flirts.

Je gardais des enfants à l’époque pour gagner mon argent de poche. C’étaient
chez des grands bourgeois, plein aux as. Ils avaient aussi une employée à plein
temps, pour le ménage, la cuisine… Elle vivait chez eux. Elle avait pris l’habitude
de venir me voir quand les enfants faisaient la sieste. Nous allions dans la cuisine
au cas où les patrons rentreraient à l’improviste, assises sur des chaises, face à
face, dossier contre dossier. Nous nous enlacions, nous caressions les cheveux, le
visage, des tas de trucs très doux sans jamais s’embrasser. Jamais ! Nos séances
pouvaient durer deux heures, sans dire un mot, à se cajoler. C’était trop tendre
(tu vois encore), je planais à 15 000 et elle aussi visiblement. Je ne sais plus du
tout comment ça a commencé, mais nous y prenions goût. Nous avons passé des
heures dans les bras l’une de l’autre sans jamais sortir ensemble ni même en
parler.

Puis nous avons déménagé. Premier amour avec une jeune femme de mon âge,
pas très claire sur ses intentions. Elle me plaisait, j’avais ma vie homosexuelle à
découvrir. Un soir que ses parents n’étaient pas là, elle m’invita chez elle à
passer la nuit. J’avais 17 ans à peine et j’allais découvrir l’amour dans les bras
d’une femme aussi inexpérimentée que moi mais beaucoup plus audacieuse. Nous
sommes restées ensemble 4 ans, c’était une relation très forte, très joyeuse, très
naturelle. Et puis j’avoue je l’ai quittée…

Voilà c’était le feuilleton du soir… Si tu ne veux pas un jour la suite, il suffit de te


désabonner.

Sinon pour en revenir à ton mail tu as globalement raison quand tu écris :


« Chacun a besoin d'écrire les scénarii de ses fantasmes pour entretenir son désir
de l'autre. (…) C'est tout à ton honneur et je ne peux que t'encourager à poursuivre
ta quête d'un autre possible au sein de votre relation. »

Quant à la photo quand tu as écrit : « Parce que là franchement tu ne m'aides pas


! ;-) », c’est vrai ! Je souris parce que je crois que j’ai aimé ça, ne pas t’aider
(dans ce cas précis bien sûr…)

Voilà, je sais j’ai fait long, alors avec toutes mes excuses.

Prends soin de toi. Bises tendres Célia »

- 45 -
Pascale retrouva sa fébrilité des autres jours devant son ordinateur et Lisa regretta
la fin de la récréation. Elle avait pris goût à ses soirées tranquilles avec Pascale.
Maintenant qu’elle savait ce qui se déroulait, elle était moins sereine.

« Bonsoir Célia,

Je ne suis prête à rien et en ce moment l'éponge boit un peu le bouillon... Je traine


une bronchite depuis une petite semaine, j'ai du mal à émerger. C’est vrai que tu
ne m’as pas aidée pour la photo. Avec toi je n’avais pas envie de rester dans du
virtuel, pas avec quelqu'un qui travaille sur le corps. Internet c'est quand même
bien désincarné non ? J’ai pris un risque je le sais avec cette irruption du réel
dans ton imaginaire. Je ne sais pas comment tu me fantasmais, cette épreuve de la
réalité pouvait amener chez toi une certaine déception...

Je me trompe peut-être mais je sens que tu as besoin de mener une vie parallèle à
ta vie de couple parce que Dominique, malgré votre amour réciproque, génère
chez toi des frustrations intenses. Si elle était ouverte à cela, accepter ses limites,
en particulier ce que son refus d'assumer son homosexualité réveille en toi, elle ne
te ferait pas des scènes à l'idée que tu te fasses des amies en tout bien tout
honneur. Sa jalousie est un poison pour vous deux. Etant donné tout ce que tu me
racontes sur la tendresse, je devine que la barre de définition de l'adultère est
chez toi très basse. Sentiments amoureux + gestes de tendresse = histoire
d'amour.... Je comprends que Dominique fasse des bonds !!! Quand je parlais de
tes désirs inavoués c'est parce que je pense que pour toi la barrière est floue entre
amour et amitié, qu'il ne faut pas grand chose pour que ça bascule. Voilà
pourquoi tu la protèges de tes errements car te connaissant, elle ne peut
qu'imaginer le pire. Maintenant je me trompe sans doute, ce n'est pas sur
quelques mails qu'on peut comprendre le fonctionnement intime de quelqu'un.

Voilà et puis aussi en fait, je crois que j'ai envie de te raconter les choses comme
elles me viennent, sans chronologie particulière, comme ça, à l'émotion du
moment.si tu n'y vois pas d'inconvénient bien sur. En fait c'est ce que j'ai toujours
fait non ?

Est-ce que j'ai vu un inconvénient à quelque chose depuis le début ? ;-) Plus c'est
spontané plus j'adooooooooooooooooooore !!!!!!!!!!!!!!!!

Désolée je fais court, petite forme comme je te l’ai écrit.

Je te souhaite une bonne soirée.

Bises. Pascale »

Contrairement à son habitude Célia répondit au mail dans le quart d’heure qui
suivit.

« Bonjour Pascale,

Je t'écrirai plus longuement tout à l’heure... Juste te dire que je pense à toi, à ce
que tu m'écris... Ça agite mes neurones et j'aime plutôt ça... Je te sens en petite

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forme et ça me blesse… Je te livre les choses telles que je les découvre… Je
t'envoie.... En fait je ne sais quoi.... Des vibrations positives...
Bises. Célia »

Pascale qui voulait que Célia la lise avant de vaquer à ses occupations posta
rapidement sa missive.

« Merci pour les vibrations positives... Tu n'as pas à te sentir blessée parce que je
suis en petite forme... C'est ainsi... Bises. Pascale »

Le message avait été bien reçu !

« Je sais bien tout ça … Mais ça me touche… Voilà pourquoi j’ai écris : je te livre
les choses comme je les découvre …. ;-) Je t’embrasse et te souhaite une bonne
soirée. Célia »

Pascale profita de sa soirée pour se coucher tôt. Depuis le début de sa


correspondance, elle avait accumulé du sommeil en retard. Cette relation lui
prenait plus de temps qu’elle ne le désirait. Elle avait le sentiment d’être sur le
grand huit et de ne plus rien contrôler. Elle commençait à ne plus savoir où elle en
était. Elle ne pensait plus qu’à Célia alors qu’elle ne la connaissait pas. Le pire
était que le réel ne l’intéressait plus, elle consacrait toute son énergie à cette
correspondance. Elle en payait le prix. Elle aurait tellement voulu atterrir. Mais le
pouvait-elle ?

« Bonsoir Pascale

J’ai pris un risque je le sais avec cette irruption du réel dans ton imaginaire. Je ne
sais pas comment tu me fantasmais, cette épreuve de la réalité pouvait amener
chez toi une certaine déception...

Ça changeait quoi de rester dans le virtuel ? L’épreuve de la réalité et bien tu y


vas fort. Comment je te fantasmais ? Déception ? Alors quoi ? Tu penses que je
me crois dans le catalogue de la Redoute, je te fantasme, finalement tu ne me
plais pas et j’oublie tout, je passe à autre chose. Déception de quoi je ne saisis
pas. Bien sûr qu’il est plaisant de voir ta bouille aujourd’hui, de mettre un visage
sur tes mots et tes maux mais j’aurais très bien pu m’en passer ce n’est pas
l’important pour moi. Le corps est une enveloppe, un véhicule, ce qui m’intéresse
est : qui vit là ? Tu vois mon genre à moi quand je délire ce sont des questions
aussi essentielles que : es-tu gauchère ou bien droitière, quelle est ta couleur
favorite, quelle musique te fait vibrer, quels films t’émeuvent, que mets tu en fond
d’écran, lèves tu parfois la tête pour regarder les étoiles, où te recueilles tu le
mieux ? Enfin tu vois ce genre de trucs, mes teintes à moi qui m’aident à dessiner
un portrait, un portrait de sensibilité dirons nous. Alors tu vois chère Pascale, je
suis à des années lumière de la déception après l’épreuve de la réalité. ;-)

Je me trompe peut-être mais je sens que tu as besoin de mener une vie parallèle à
ta vie de couple.

- 47 -
Bingo Pascale, j’ai besoin de mener une vie parallèle à ma vie tout court ! C’est
très ancien, depuis mon enfance, un pouvoir et un besoin d’évasion immenses…
Vitaux… Je ne sais pas encore très bien pourquoi. C’est très difficile pour moi de
te décrire cette sensation. En fait pour caricaturer j’ai toujours raffolé du plaisir
d’être là sans être là, ça me fascine ce genre de clandestinité, personne ne sait où
tu es. Ton corps est là, mais la tête est si loin, si loin… Je peux tout à fait atterrir
et faire la conversation et bien sûr vivre ma vie quand même mais je repars
toujours avec un plaisir plus intense, je donne dans le cérébral. Et pourtant ma
vie ne me déplaît pas … Je me suis toujours assez bien entendue avec mes envies
et leurs concrétisations. Je me sens bien en phase, bien dans le présent mais c’est
plus fort que moi … Je maintiens très dur pour moi de t’expliquer ça.

Parce que Dominique, malgré votre amour réciproque, génère chez toi des
frustrations intenses.

Pas tant que ça… Nous sommes sur le même chemin avec des sensibilités
différentes mais qui conduisent au même résultat final.

En particulier ce que son refus d'assumer son homosexualité réveille en toi,

Ah oui et quoi ? ;-)

Elle ne te ferait pas des scènes à l'idée que tu te fasses des amies en tout bien tout
honneur. Sa jalousie est un poison pour vous deux.

En étant honnête je dirais qu’il y a longtemps que Dominique ne m’a pas fait de
scène et qu’elle a fait depuis qu’on est ensemble beaucoup d’efforts et de progrès.
Pas de scènes tu me diras, je ne lui en donne pas l’occasion, je te l’ai dit je suis
très paisible. Depuis Capucine c’est plutôt calme. Avec toi c’est sûr j’ai fait une
omission parce que j’ai un peu peur de marcher sur des braises même s’il n’y a
pas lieu. Et puis aussi je tiens à mon jardin secret et ça ne concerne pas que
Dominique.

Je devine que la barre de définition de l'adultère est chez toi très basse.

Je sais très bien ce qu’il faut faire pour sombrer dans l’adultère ;-)

Sentiments amoureux + gestes de tendresse = histoire d'amour.

Ce n’est pas comme ça que je dirais. Sentiments amoureux + gestes de tendresse


= histoire de tendresse, ce qui est pour moi absolument, complètement, totalement
différent mais tout aussi fort. Seulement de la tendresse tu comprends ?

Je pense que pour toi la barrière est floue entre amour et amitié, qu'il ne faut pas
grand chose pour que ça bascule.

Pas du tout, je suis très au clair là-dessus. Déjà je n’ai plus d’amitiés masculines,
et ensuite …. J’ai une amie depuis 15 ans et jamais je n’ai confondu. Elle est
pourtant très mignonne je l’adore mais c’est mon amie, c’est très clair. Je ne
ressens pas ce feeling particulier d’une âme familière, tu comprends ? C’est très

- 48 -
différent. On pourrait résumer en disant que chez moi il existe : histoire d’amitié,
histoire de tendresse et histoire d’amour et je suis très bien cadrée dans chacune,
les besoins ne sont pas les mêmes.

Je traine une bronchite depuis une petite semaine, j'ai du mal à émerger.

C’est sûr. C’est pourquoi il serait bon qu’à l’aide de techniques énergétiques tu
travailles tout ça, c’est important de relancer ton système immunitaire, tu as
besoin plus que jamais que ton énergie circule d’une manière efficace,
harmonieusement sans vide ni excès. Nous avons des points très importants sur le
ventre, des sortes de télécommandes des méridiens énergétiques. Chaque point est
en contact avec un méridien différent qui lui, alimente certaines parties du corps.
Dans le cas de ta bronchite par exemple, on travaille le point du méridien
concerné. Idem pour les autres symptômes : douleurs, angoisses … La panoplie
quoi… C’est une technique efficace et pas très compliquée. Je te dis ça parce
qu’avec Lisa vous pourriez facilement vous faire ce genre de points, ça ne vous
ferait pas de mal à toutes les deux et vous aiderait à préparer l’hiver. Tu as
intérêt à palier le déficit énergétique. Si tu veux je t’explique comment faire !
Voilà ce n’est que mon humble avis de thérapeute et toutes mes excuses si je me
suis aventurée un peu loin sur tes terres

J’ai vu cet après midi ma cliente allemande. Elle a toujours de beaux yeux bleus,
mais je peux te le dire maintenant parce que je le sais, moins beaux que les
tiens… ;-)

Allez, je t’embrasse. Bonne journée. Célia »

Etait-ce l’effet des médicaments ? Pascale ressentit comme un malaise en lisant ce


mail. Pourtant il n’avait rien de différent. Célia se confiait ainsi à elle depuis un
moment. Une phrase l’interpela : Et puis aussi je tiens à mon jardin secret et ça
ne concerne pas que Dominique.

Ce fut la deuxième petite goutte de pluie. Celle qui annonce le changement de


temps. Et si ça la concernait aussi ? Que Célia pouvait-elle lui cacher ? Et
pourquoi le lui dire ? Pascale dont les capacités intellectuelles étaient diminuées
par la maladie ne poussa pas le raisonnement plus loin. Sous le charme de Célia,
elle écartait de son esprit tout ce qui était dérangeant. A force d’être sur un nuage,
elle ne voyait plus ce qui était en dessous !

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Chapitre VIII

« Bonsoir Célia,

L’épreuve de la réalité et bien tu y vas fort. Comment je te fantasmais ? Déception


?

Mon interrogation était avant tout un doute. Mais apparemment mon idée de
photo n'était pas si incongrue à te lire un peu plus loin... J'ai vu cet après midi ma
cliente allemande. Elle a toujours de beaux yeux bleus, mais je peux te le dire
maintenant parce que je le sais, moins beaux que les tiens. ;-)

En tout cas c'est moins évident qu'il n'y parait d'envoyer sa photo, pas si anodin
que ça...

Je sais très bien ce qu'il faut faire pour sombrer dans l'adultère ;-)

Moi pas, explique ! ;-) Pour Lisa, je la trompe virtuellement dès lors que
j'éprouve des sentiments pour une femme. Tout dépend sur quelle définition on
s'accorde. J'ai eu le droit à quelques crises de jalousie qui se font plus rares
maintenant mais le début de notre histoire fut rude...

Sentiments amoureux+ gestes de tendresse = histoire de tendresse, ce qui est pour


moi absolument, complètement, totalement différent mais tout aussi fort.
Seulement de la tendresse tu comprends ?

Il faudra qu'on y revienne car le totalement différent mais tout aussi fort n'est pas
très clair pour moi.

On pourrait résumer en disant que chez moi il existe : histoire d'amitié, histoire de
tendresse et histoire d'amour et je suis très bien cadrée dans chacune, les besoins
ne sont pas les mêmes.

Tu me mettrais dans quelle catégorie ?

Voilà ce n'est que mon humble avis de thérapeute et toutes mes excuses si je me
suis aventurée un peu loin sur tes terres.

Non, non pas du tout. Je suis très intéressée par tout ça. Je commence à y penser
plus sérieusement depuis que j’ai grossi car jusqu’à présent tout ce que j’ai pu
essayer a été un échec. Je me suis renseignée sur des solutions alternatives, tu ne
fais que me rassurer dans cette démarche. Aussi je suis toute ouïe sur ce savoir
inédit qui me fascine déjà...

Je ne relis pas, tant pis mais là j'avoue que je manque de courage, je sais que
pour les fautes de frappe et d'orthographe j'ai toute ton indulgence... Bisous.
Pascale »

- 50 -
Pascale avait botté en touche, elle avait répondu sur tout sauf l’essentiel. Elle était
trop troublée par les sentiments qui commençaient à l’envahir et surtout avec
quelle facilité Célia savait gérer ses histoires. Malin ces relations de tendresse,
l’art de dépasser la ligne jaune tout en se racontant le contraire. Pascale avait trop
de scrupules pour s’inventer ces petits arrangements. C’est sûr, cela devait être
plus confortable pour Célia. Pascale souffrait de son sens moral trop rigide. Elle
avait conscience qu’il était en train de se passer quelque chose avec Célia. Certes
pour l’instant tout cela n’était que virtuel. Mais les sentiments, eux, étaient bien
réels. Elle s’attachait à Célia plus qu’elle ne le devrait. Et Lisa était devenue
transparente. Depuis que cette correspondance avait commencé, elle n’existait
plus que dans ses récits. Elle la négligeait et s’en sentait coupable. Elle rectifierait
le tir quand Lisa s’en plaindrait. Elle comptait sur elle pour lui remettre les pieds
sur terre. Ce n’était pas la première fois que Pascale perdait le sens du réel et Lisa
avait toujours su l’y ramener. Sa bronchite n’était pas totalement guérie. Elle se
sentait encore faible physiquement, la toux l’épuisait. Elle ne retournerait pas voir
le médecin. Elle avait envie de reprendre le travail. Ainsi, fatiguée par sa journée,
elle espérait secrètement passer moins de temps devant son ordinateur. Lisa
s’occuperait d’elle et leur relation reprendrait tranquillement. C’était leur
fonctionnement, jusqu’à présent cela leur avait toujours réussi. Quand Pascale lut
le mail dans la matinée, elle ne se précipita pas pour y répondre. Elle éprouvait le
besoin de prendre du recul.

« Bonjour Pascale,

En tout cas c'est moins évident qu'il n'y parait d'envoyer sa photo

Tu n’as pas idée à quel point j’en ai conscience … Je trouve ça très fort de l'avoir
fait. Et j’ai des soucis d’honnêteté. Tu vois parfois quand je t’écris, un clic sur un
dossier, c’est quand je réfléchis en général, et je te fais apparaître. Là j’ai
instantanément le sourire et ensuite je fais le tri dans mes pensées ou plutôt
j’essaye de les ordonner pour te répondre … Un peu comme si on discutait dans
le salon tu vois… Enfin comme si je monologuais surtout… ;-) Et je ne trouve pas
très juste de découvrir ça en restant planquée derrière mon écran…

Pas si anodin que ça...

Allez Pascale, un petit développement ? ….

Je sais très bien ce qu'il faut faire pour sombrer dans l'adultère ;-)

Moi pas, explique ! ;-)

Comme disent les Tahitiens : et ça te rigole ? ;-)

Tout dépend sur quelle définition on s'accorde.

J’ai connu ça… ;-) Bien sûr, sur quelle définition s’accorder sachant que chacun
a son propre référentiel non ? Ça donne encore quelques nuances…

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On pourrait résumer en disant que chez moi il existe : histoire d'amitié, histoire de
tendresse et histoire d'amour et je suis très bien cadrée dans chacune, les besoins
ne sont pas les mêmes.

Tu me mettrais dans quelle catégorie ?

Joker ! Non je rigole mais comment répondre à cette question ? Tu sais que je
suis dans une dimension nouvelle… Totalement inconnue que je découvre…
D’ordinaire quand je vis une histoire d’amitié, de tendresse ou d’amour c’est
avec des gens que je connais ou que je découvre en les côtoyant et les liens se
tissent selon… En les côtoyant tu vois ! L’écriture c’est tellement différent… Avec
toi je ne sais pas, trois semaines environ de correspondance et j’ai l’impression
de te connaître depuis bien plus longtemps, à cause de ce qu’on s’est dit
sûrement, tout est à l’envers, je peux dire seulement oui quand je te lis ou que je
t’écris je ressens une émotion tendre. Je découvre…

Aussi je suis toute ouïe sur ce savoir inédit qui me fascine déjà...

Ok. Je prends quelques jours pour te faire un truc clair.

Bonne journée à toi. Bises. Célia. »

Pascale remarqua comment avec habileté Célia s’était arrangée pour ne pas
répondre à ses deux principales interrogations. Alors que c’est Célia elle-même
qui lui avait affirmé savoir comment faire pour sombrer dans l’adultère, elle
s’ingéniait maintenant à refuser de le lui expliquer. Quant à lui confier dans quelle
catégorie elle la mettait, là encore elle se gardait bien de le lui dire. Pourquoi jouer
les anguilles ? Sauf à pousser Pascale à dire les choses pour elle, elle ne voyait
pas ! Cette manière de procéder, un brin manipulateur, l’agaçait. Célia ne croyait
pas si bien dire quand elle affirmait avoir des soucis d’honnêteté. Pascale hésita
entre l’attaque frontale ou latérale. Elle opta pour la méthode douce.

« Bonjour Célia,

Tu n’as pas idée à quel point j’en ai conscience …Je trouve ça très fort de l'avoir
fait. Et j’ai des soucis d’honnêteté.

Nous dialoguons, ce discours tu l'adresses autant à une autre qu'à toi et tu prends
le risque que je rebondisse dessus. Tu peux aussi garder ton jardin secret avec ce
que ma photo te fait penser ou faire...

Allez Pascale, un petit développement ? ….

Plus tard…

Joker !

On garde le joker pour l’instant ça me convient. Le pouvoir des mots dans la


séduction j'ai une petite expérience avec mon blog ... Impossible aussi de savoir

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ce que toi ou un(e) autre ressent dans ses échanges. Tout est possible, rien n'est à
exclure...

Bonne journée à toi. Bisous. Pascale »

Pascale était contente d’elle. L’art de dire sans dire, c’était du Célia dans le texte.
A son tour de rebondir sur ce que cette dernière phrase suggérait sans l’affirmer
vraiment. Ce que Pascale ressentait confusément depuis quelques jours devenait
de plus en plus évident. Pour elle, Célia déployait ses filets pour mieux la mettre
sous son emprise. Elle exerçait sur Pascale une domination certaine. En
l’empêchant d’investir autre chose que leur relation, en la coupant de Lisa par des
sentiments inavouables, elle affaiblissait ses défenses. Son corps parlait et elle ne
l’entendait pas. Que cherchait-elle à expulser avec sa toux ? Quelle folie
s’emparait-elle d’elle ? Elle en voulait à Lisa de ne pas réagir plus. Elle aurait tant
aimé une crise de jalousie, une scène, quelque chose qui la sorte de cette situation
scabreuse. Mais non, Lisa assistait muette à son naufrage. Le mail de réponse fut
des plus surprenants.

« Je ne peux pas t’écrire, Dominique est à deux pas, je joue avec le feu ce soir.
Bises. Célia »

Tiens, tiens, Dominique était là. En pleine semaine ! Et à quel feu jouait-elle ?
Avec elle ou Dominique ? Célia savait manier les phrases à double sens, un art
chez elle ! Pascale souriait intérieurement. Si Célia ne lui disait pas tout, elle
savait aussi se trahir. Pascale se demandait si Célia était si séparée que ça de
Dominique. Ou bien l’inverse ! En effet Célia devait ressentir la peur de Pascale
vis-à-vis de l’adultère. Une femme en couple est moins suspecte qu’une
célibataire en chasse. C’est que Célia en avait du temps pour écrire. Même
jouissant d’une certaine liberté dans le couple, le quotidien à deux nécessite de s’y
consacrer quelques heures, Pascale n’avait pas autant de disponibilité. Elle décida
de ne pas répondre juste pour voir comment Célia réagirait à son silence.

« Bonsoir Pascale,

Je regrette de t’avoir laissée sans nouvelle mais Dominique a débarqué comme ça


sans prévenir. Elle est pleine de ces petites malaises, mal être je ne sais pas
comment dire… Pleine de petites douleurs, estomac, intestins, tête, … Sauf quand
elle prend le temps de faire une séance avec moi, elle convient que ça lui fait
beaucoup de bien. Mais il faut prendre le temps… C’est le hic… Je suis souvent à
rappeler le week-end, il est temps de faire une séance, de proposer des points
pour les maux de tête… Oui Célia tout à l’heure, je me prépare
psychologiquement parce que ça fait mal, c’est vrai mais c’est efficace ! Parfois
je me fâche et ça marche, parfois je laisse tomber. Je peux t’ouvrir les placards, il
y a plein de trucs que j’ai achetés pour elle, compléments alimentaires,
pharmacopée chinoise, tisanes… Tout est là, peut-être au mieux, dix gélules
manquent dans chacune des boites…. Il y a plein de trucs qui lui prennent la
tête… Non, non elle ne veut pas en parler tout de suite ça lui prend la tête, avec
ça on avance….N’empêche que parfois même si ça prend la tête à un moment il
faut bien bouger… Je veux bien être aidante, aimante mais il y a des trucs, ce
n'est pas à moi de le faire, je ne peux pas changer les choses à sa place, c’est son

- 53 -
chemin de vie… Je veux aider mais plus faire à la place, ce qui finalement ne
pousse pas à se sortir de ses schémas… Je ne sais pas si je suis claire. Et j’aime
profondément Dominique, je suis avec tous ces constats, je la protège du mieux
que je peux mais ... Il faut bien qu’à un moment les choses évoluent…. Bien sûr il
y a du progrès, mais alors …

J’aime profondément Dominique. Je la connais par cœur. Elle a ouvert en moi de


grandes portes, j’ai appris à parler avec elle, avant jamais je ne m’étais livrée à
quelqu’un de la sorte…. Et puis Dominique a une générosité qui me sidère, elle
est vraiment en décalage par rapport à ce qu’elle ressent, perçoit, elle a un
feeling particulier et en plus c’est une vraie mère Teresa. Un don de soi, j’en ai
rarement vu de tel. Elle a une manière de faire confiance à des gens qu’elle
connaît à peine et elle n’a jamais de problème… Difficile de résumer Dominique
en quelques lignes, un drôle de cocktail, pas commun du tout…Avec un feeling
très spécial.

Voilà tout ce laïus pour te dire que parfois les bras m’en tombent un peu…Et que
je suis partagée entre l’envie de la booster, de la comprendre, de l’aider, la
conseiller et celle de ne plus m‘en occuper du tout... Mais bon nous passons
quand même de très bon moments je ne voudrais pas dresser un sombre bilan…
Do you know what I mean ?

Bonne journée à toi. Bises. Célia »

Etonnante lettre se dit Pascale en la lisant. Tout d’abord Célia inverse la situation,
c’est Pascale qui la laisse sans nouvelle. Et la fin ! Bien sûr que Pascale lit dans
ses pensées et sait ce qu’elle veut dire. Surtout que si elle le lui demande elle lui
sortira un joker ou un collier de fleurs tahitien en guise d’explications.

« Bonjour Célia,

Je veux bien être aidante, aimante mais il y a des trucs, ce n'est pas à moi de le
faire, je ne peux pas changer les choses à sa place, c’est son chemin de vie… Je
veux aider mais plus faire à la place, ce qui finalement ne pousse pas à se sortir de
ses schémas…

Vu le portrait de Dominique je ne sais pas trop ce que tu y gagnerais. Je t'imagine


mal avec une vie trop calme, trop plate, toi l'aventurière. Toute cette folie
ambiante justifie tes retranchements dans ton bunker mental, tes moments
d'évasion qui ne regardent que toi. Tu ne peux pas te contenter que de Dominique
pour te combler, c'est aussi parce qu'elle est frustrante que tu t'accommodes si
bien d'avoir d'autres relations aux contours bien flous... ;-) Vous avez trouvé votre
équilibre, pourquoi vouloir mettre un grand coup de pied dans l'édifice ? Si
encore tu voulais la quitter pour refaire ta vie ailleurs avec une autre, son
changement serait celui de votre dernière chance. Mais là !

J'ai eu le sentiment en te lisant que ce désir de changement chez Dominique


cachait un mal-être profond chez toi, quelque chose d'indéfinissable comme si toi-
même tu étais en propre questionnement sur toi. Je te l'accorde qu'un changement
chez un des deux entraîne obligatoirement un changement dans la relation et par

- 54 -
ricochet chez l'autre. Je te sens prisonnière de quelque chose mais je ne sais pas
quoi. Es-tu en train de me dire que ta vie actuelle avec elle ne te satisfait plus, que
tout ce que je viens de décrire un paragraphe au-dessus ne te convient plus ? Je
me trompe sans doute, c'est à toi de me le dire...

Passe une bonne soirée !

Je t’embrasse. Pascale »

Pascale n’attendait rien de ce mail. Elle sentait arriver le dérapage et elle tenait à
rester actrice de la situation. Si elle n’y prenait garde, elle allait se faire happer
dans une histoire dont elle ne voulait pas. Célia commençait à dévoiler son jeu.
Elle était en pleine rupture sentimentale et Pascale allait l’aider à passer d’une
relation à une autre. Que son couple explose c’était regrettable mais pas le sien.
Pascale était pour la paix des ménages surtout le sien. Quand elle lut le matin son
mail, Pascale ne fut pas surprise de son contenu.

« Bonsoir Pascale,

Quand j’ai lu ton mail, j’ai été plongée dans un abime de réflexions. Et je me suis
dit ma pauvre Célia comment as-tu encore expliqué les choses ? Ma vie avec ma
chérie me convient, je souhaiterais seulement qu’elle prenne plus soin d’elle. Je
ne la définirais pas comme frustrante, non, un peu trop sensible et speed. Nous
arrivons à nous parler quand même tu sais … Sinon pas huit ans de vie
commune… Pas avec moi en tous cas…

Mais il faut que je relise ton mail….

Je m’accommode d’avoir des relations aux contours bien flous ? Ah bon… Mais
encore ?

Je te souhaite une bonne journée. Bises. Célia »

Pascale avait repris du poil de la bête. C’est elle maintenant qui déstabilisait Célia.
Elle avait du se sentir percée à jour et réfléchissait à une stratégie de repli. La fuite
en est une. Pascale continua à enfoncer le clou.

« Bonjour Célia,

Non tu n'as pas mal expliqué, j'ai bien compris ta relation avec elle...

C'est juste que j'adore te pousser dans tes retranchements... ;-)

Tu n'as toujours pas compris comment je fonctionnais ? :-)

Ma question était pourquoi tu veux du changement pour elle si elle-même n'en


veut pas... ?

Bon allez, je sais que tu ne veux que son bien à Dominique, c'est sûr que huit ans
de vie commune ce n'est pas rien...

- 55 -
Sauf que quelque fois, dans tout ça, on prendrait bien les voiles, histoire de
changer d'air pour mieux revenir au port... ;-)

Allez, cesse de t'inquiéter pour ce que je t'ai dit, tu es heureuse avec Dominique
c'est l'essentiel...

Tu as la réponse à ta question toi aussi... ;-)

Affectueusement :- ) . Pascale »

Pascale avait du mettre dans le mille car un échange soutenu eut lieu à peine le
mail envoyé.

« Tu as la réponse à ta question toi aussi... ;-) c'est à dire ? Bises. Célia»

« Que vouloir qu'elle change, même si c'est pour de bonnes raisons, va t'entraîner
bien plus loin que simplement qu'elle se sente bien... ;-). Bises. Pascale »

« Je sais très bien tout ça.... Et les contours flous de mes relations alors ? »

« Ils sont en rapport avec ce changement qui ne peut advenir... C'est ta soupape
de sécurité pour maintenir ta relation avec elle... C'est ce que je disais
précédemment, tes petits arrangements... Et si je dis flous, c'est parce que pour
l'instant tu ne peux pas trancher : tu veux à la fois qu'elle change et qu'elle ne
change pas... :- ) »

« C'est le : MES relations qui me gêne ;-)


J'aurais bien papoté un peu devant un bon thé vert japonais que j'adore, mais je
dois aller bosser. Bises. Célia »

« Je te citais c’est tout ! Bon courage. Pascale »

Visiblement les mots de Pascale avaient visé juste. Célia, contrairement à


d’habitude, ne prit pas la fuite. Au contraire, elle chercha à convaincre Pascale
qu’elle se trompait sur son compte. Son mail du soir revint sur leurs échanges du
matin. Elle avait du y penser toute la journée au travail.

« Bonsoir Pascale,

Je t'imagine mal avec une vie trop calme, trop plate, toi l'aventurière

Alors là je suis bidonnée ! Eh ! Pascale, ne le prend pas mal, tu ne délires pas un


petit peu ? (Je pleure de rire.)

Toute cette folie ambiante justifie tes retranchements dans ton bunker mental, tes
moments d'évasion qui ne regardent que toi.

- 56 -
Mon bunker mental ? Ça ne va pas ta tête ? ;-) Tu as déjà vu comme c’est moche
un bunker !
Non mademoiselle, moi je donne dans les jardins andalous….

Tu ne peux pas te contenter que de Dominique pour te combler.

Et toi ?

J'ai eu le sentiment en te lisant que ce désir de changement chez Dominique


cachait un mal-être profond chez toi, quelque chose d'indéfinissable

Non, non pas de mal être profond chez moi. Je ne veux pas que Dominique
change je l’aime comme elle est, je souhaiterais seulement qu’elle retire ses
mains du feu quand ça brûle…

Comme si toi-même tu étais en propre questionnement sur toi.

C’est sûr … Je ne suis pas angoissée de nature, je réfléchis et puis tu arrives alors
je réfléchis plus encore, et j’aime bien ces coups de lampe torche que tu me mets
dans la figure.

Je te sens prisonnière de quelque chose mais je ne sais pas quoi.

Tu ressens ça comment ?

Es-tu en train de me dire que ta vie actuelle avec elle ne te satisfait plus Je me
trompe sans doute, c'est à toi de me le dire...

Ma vie me satisfait pour l’instant ensuite on ne peut jamais savoir… Disons plutôt
que pour l’instant mes interrogations sont plus tournées vers le je que vers le
nous… C’est comme ça, il y a des périodes, celle là est importante pour moi …

C'est juste que j'adore te pousser dans tes retranchements... ;-)

L’effet lampe torche … ;-)

Tu n'as toujours pas compris comment je fonctionnais... :-)

Ça vient, faut juste que je finisse de me caler sur le virtuel… Mais j’ai comme
l’impression qu’on joue dans la même tonalité.

Ma question était pourquoi tu veux du changement pour elle si elle-même n'en


veut pas... ?

J’ai répondu plus haut.

Sauf que quelque fois, dans tout ça, on prendrait bien les voiles, histoire de
changer d'air pour mieux revenir au port... ;-)

En fait tu as raison, j’aurais pu résumer en écrivant ces deux lignes….

- 57 -
Allez, cesse de t'inquiéter pour ce que je t'ai dit

C’est gentil de prendre soin de moi, merci…

Affectueusement :-)

Quel est ce sourire derrière affectueusement ?

Je t’embrasse. Célia »

Pascale sentit qu’il fallait passer à autre chose. Le et toi ?, limite agressif mais elle
l’avait bien cherché, sonna comme un signal.

« Bonjour Célia,

Je vais arrêter de te mettre en transe, tu passes tes nuits à me répondre... ;-)

Je répondrai plus tard à ton mail, journée de boulot chargée pour cause de retour
de congé de maladie :-(

Dis-moi si ce que je te dis te dérange trop, je connais aussi un registre plus léger
d'échanges... ;-)

Mais là on risque de jouer avec le feu... Et comme Dominique, je doute que tu


retires tes mains... Mdr

Je te souhaite une bonne journée.

Bisous. Pascale »

La réponse ne se fit pas attendre.

« Ce que nous vivons me va très bien. Bises. Célia »

Chapitre IX

Bon ! Célia ne lui laissait pas le choix. Elle ne devait compter que sur elle-même
si quelque chose ne lui convenait pas. Le ton de son mail marqua le virage pris.

« Bonjour Célia,

Mon bunker mental ? Ça ne va pas ta tête ? ;-) Tu as déjà vu comme c'est moche
un bunker !
Non mademoiselle, moi je donne dans les jardins andalous.

- 58 -
Va pour la poésie miss ! Mais le bunker c'est parce que pour moi je me faisais
l'idée que tout ça c'était « streng verboten »... Tu laisses rentrer tout le monde
dans ton jardin ou bien il est mieux gardé que la banque de France ? ;-) Mdr

Non, non pas de mal être profond chez moi. Je ne veux pas que Dominique
change je l’aime comme elle est, je souhaiterais seulement qu’elle retire ses mains
du feu quand ça brûle…

Et quand elle a le feu au derrière tu mets la main ? ;-)

Je te sens prisonnière de quelque chose mais je ne sais pas quoi.


Tu ressens ça comment ?

J'ai sorti la table et je l'ai fait tourner. Ensuite j'ai regardé dans la boule de
cristal. J'ai eu la confirmation dans le marc de café ! L'intuition féminine quoi ! ;-
)

Affectueusement ;-)
Quel est ce sourire derrière affectueusement ?

C'est le joker pour l'histoire d'amour ? D'amitié ? De tendresse ? Et si c'était


affectueusement ? Une histoire d'affectif ? :-) Tu n'arrêtes pas de me dire qu'avec
moi c'est la première fois que tu as une relation virtuelle. Je sais que même si c'est
virtuel les émotions sont bien réelles par contre... Tu ne fais pas semblant
d'éprouver ni de fantasmer ;-)

Je t’embrasse. Pascale »
Pascale était contente de sa missive. Elle provoquait Célia et la poussait dans ses
retranchements. A ce niveau de leur relation, Pascale sentait que derrière la
tendresse revendiquée par Célia se cachait de l’amour qu’elle refusait d’admettre.
Pascale éprouvait de l’attirance pour Célia mais l’amour, le vrai, elle le réservait
pour Lisa. Elle était dans un entre-deux, elle attendait un déclic pour que la
flamme s’allume. Elle verrait si par son mail, Célia allait faire craquer l’allumette.

« Bonsoir Pascale,

Tu laisses rentrer tout le monde dans ton jardin ou bien il est mieux gardé que la
banque de France ? ;-) Mdr

Très très bien gardé….

Et quand elle a le feu au derrière tu mets la main ? ;-)

Ah ! Je reconnais cette poésie que j’aime tant chez toi …. ;-)

Et pour la main aux fesses il n’y a pas de règles…

J'ai sorti la table et je l'ai fait tourner. Ensuite j'ai regardé dans la boule de cristal.
J'ai eu la confirmation dans le marc de café ! L'intuition féminine quoi ! ;-)

- 59 -
Ah ! Tu me fais trop rire….

C'est le joker pour l'histoire d'amour ? D'amitié ? De tendresse ? Et si c'était


affectueusement ? Une histoire d'affectif ? :-)

Tu as trouvé alors…

Je vais arrêter de te mettre en transe, tu passes tes nuits à me répondre... ;-)

Tu peux toujours essayer … Pour voir…

Dis-moi si ce que je te dis te dérange trop, je connais aussi un registre plus léger
d'échanges... ;-)

Pas le moins du monde …

Mais là on risque de jouer avec le feu...

???????????????????????????? allez ………. ;-)

Je doute que tu retires tes mains

Ça dépend, c’est pour les poser où ?

Je serais bien restée davantage mais il faut que je file….


A plus tard de toutes manières …
Bises Célia »

Célia avait bien répondu à la provocation de Pascale. Cela excitait à mort Pascale.
Jusqu’où Célia pouvait-elle aller ? C’est fou comme le virtuel désinhibe. Plus de
carcans, plus de morale, le total défouloir. Chacune pouvait libérer son
imagination et se lâcher.

«Bonjour Célia,

Je vois que le ton de mon mail t'a plu... ;-)

On boit le petit coup de l'amitié virtuelle ?

Un verre seulement parce que sinon... Bonjour les dégâts...

Passe une bonne nuit ma belle !

Ce soir je suis seule, Lisa travaille de nuit toute la semaine.

Affectueusement. Pascale »
Célia devait attendre son mail du matin car la réponse fusa aussitôt.

- 60 -
« Bonjour Pascale,

On boit le petit coup de l'amitié virtuelle ?

Avec grand plaisir !

Un verre seulement parce que sinon... Bonjour les dégâts...

Sinon quoi ? Tu te déshabilles quand tu as bu… ?

Bises. Célia »

« Quand une femme me plait et que j'ai envie d'elle, je n'ai pas besoin de boire
pour me déshabiller... ;-) Tendrement. Pascale »

« Et toi avec ta lampe torche, tu réponds aux questions quand ça te chante...? Je


les pose où mes mains ?

Bisous doux...dans le cou .... ;-) Célia »

« Et toi avec ta lampe torche, tu réponds aux questions quand ça te chante...?

Comme j'étais célibataire cette nuit, j'ai préféré réserver l'utilisation des piles
de ma lampe torche à un autre usage... ;-)

Bisous doux...dans le cou .... ;-)

Tu veux que j'use mes piles à toute vitesse ou quoi ! Mdr

Bises. Pascale »

« J’adore rire dès le matin.

Sais-tu qu’il y a un mois je t’écrivais pour la première fois ? Ah je suis trop


sentimentale, ça me perdra…

Chère Pascale, je te souhaite une bonne journée emplie de soleil.

Bisous ... Doux… Sur la nuque… Au creux des petits cheveux… .J’adooooore…
Célia »

Pascale pensa à cet échange toute la journée. Célia était plus sentimentale qu’elle,
elle n’avait pas du tout fait attention à la date. Et puis surtout, ça prenait une
tournure qui l’effrayait un peu. Célia était la reine du non-dit. Elle tournait autour
des sujets sans les aborder frontalement. Elles étaient toutes les deux en couple, à
part une histoire d’adultère, Pascale n’envisageait pas dans l’immédiat de quitter
Lisa, ni même de la tromper. Pascale se devait de réagir et ne pas laisser
s’installer une situation ambigüe. Ainsi elle pourrait décider de la suite. Elle opta
pour un mail bref.

- 61 -
« Bonsoir Célia,

J'ai été touchée que tu penses à la date de notre rencontre, je ne pensais pas que
tu investissais autant notre relation.

Je te souhaite une bonne soirée. Bises. Pascale »

Pascale avait fait mouche.

« Alors Pascale, tu ne m'as pas captée du tout... Quand je suis touchée c'est à
300% ! J'en suis la première désolée mais tu m'as touchée, que dire de plus...

Je te laisse tranquille ce soir... Bises. Célia »

Pascale devait trancher dans le vif, elle avait compris que jamais Célia ne
dévoilerait ses sentiments. Cependant elle savait qu’elle prenait un risque. Celui
d’ouvrir le feu et de se faire piéger à son propre jeu. Mais une vie sans risque, est-
ce une vie ?

« Chère Célia,

Alors Pascale, tu ne m'as pas captée du tout...quand je suis touchée c'est à 300% !
J'en suis la première désolée mais tu m'as touchée, que dire de plus...

Si au contraire je crois que je t'ai bien captée et je m'en suis défendue


maladroitement... Cela me plonge dans un certain abîme de le ressentir parce que
tu réagis exactement comme Lisa quand je l'ai rencontrée. Tu lui ressemble sur
bien des points, dans ta manière de m'exprimer ta tendresse, de te cacher derrière
tes émotions, de penser à moi.

Autant avec Lisa je me sentais libre d'exprimer en retour mes sentiments autant
avec toi j'ai peur que ça ne devienne vite un jeu cruel. Voilà pourquoi par moment
je te mets la lampe torche dans la figure, je crains de te faire mal...

C'est vrai que pour moi ce serait plus simple si je savais ce que tu attends, si ce
que je peux te donner en affection est compatible avec ma relation avec Lisa. La
tendresse, l'amitié ça m'est acceptable, l'amour certainement pas. Lisa est trop
sensible, elle a besoin de se sentir en sécurité par rapport à ça pour me
laisser aller en toute confiance vers les autres.

Là elle dort contre moi, elle est rentrée du boulot à 8 h, nous avons déjeuné
ensemble puis nous avons cuisiné un bourguignon pour ce soir. Papotages en
épluchant les légumes, comme on se croise nous allions à l'essentiel. Je lui livre
quelques bribes de ma vie réelle et virtuelle, elle m’a parlé de son équipe
davantage préoccupée à s’empiffrer des restes de nourritures d’un buffet dressé
pour un départ à la retraite que du travail. Rien que du banal mais qui fait du
lien.

- 62 -
Puis vint le moment où après un bon bain je sentis que Lisa voulait dormir. Elle
refusa que je ferme les volets : « Laisse grand ouvert, il fait bon, je sais que tu
aimes bien quand la fenêtre est ouverte ». J'insiste, elle a besoin d'un sommeil de
qualité. Imperturbable devant mes arguments elle me répond avec un sourire :
« Je veux que tu me désires encore et toujours ! Installe toi dans le lit, je veux te
sentir contre moi ». C’est comme ça que je me suis installée avec l’ordinateur
portable sur les genoux.

C'est cela ma vie, elle n'a rien d'extraordinaire mais elle est ainsi construite.

Lisa n'est pas dupe de ma relation avec toi, elle sait aussi que j'ai besoin d'aller
voir ailleurs à ma manière à condition que physiquement je lui sois fidèle,
amoureusement aussi... Sa possessivité a des limites, sa jalousie aussi...

Je ne veux pas te faire souffrir en te la racontant, n'ignorant rien de tes sentiments


pour moi. Alors c'est vrai que j'ai préféré m'en défendre et reculer le plus
longtemps possible le moment de cette révélation.

Que tu penses à notre date de rencontre m'indique que ce moment est venu.

Tes mails m'indiquent aussi que ma phrase t'a blessée... Savoir que je ne t'avais
pas captée alors que ce n'est pas une lampe torche que tu m'as mise dans la
figure, c'est carrément des appels de phare que tu m'as fait, ne pouvait que
t'atteindre. ;-)

Alors comment on continue ensemble ?

On se tourne autour indéfiniment ou bien tu te lances ?

Passe une bonne soirée ma douce.

Affectueusement. Pascale »

Pascale attendit avec impatience la réponse qui n’arriva que le lendemain matin.
Tiens, tiens, Célia aurait-elle du mal à trouver ses mots ?

« Bonsoir Pascale,

Comme j’ai regretté mon habileté à taper des conneries sur le clavier !
En fait quand j’ai été prise par nos échanges et sur le dernier j’ai très mal réagi
car des images me sont venues en tête sur Lisa et toi. Je n’ai eu aucun contrôle,
les vannes de mes yeux se sont ouvertes, pas de sanglots, pas de respiration.
Bloquée. Juste mes yeux qui déversaient des litres de larmes. Je connais ça, il
m’arrive souvent d’avoir les yeux humides quand je ressens fort un truc ou que
j’évoque un souvenir de proches disparus. Devant les films une vraie pleureuse,
même si les dénouements sont très heureux et plutôt si d’ailleurs, je suis comme
ça. Avec les années j’assume totalement, je suis tout à fait capable de terminer ma
conversation avec des larmes plein les yeux et ce qui est dingue c’est le décalage
je ne suis pas triste. Je dis souvent mes yeux pleurent, parce que moi je n’ai pas
l’impression et ce n’est pas ce que je ressens. Je ne suffoque pas, je continue

- 63 -
tranquillement mon histoire même si parfois ma voix cheeevvrroootte un peu.
Bref, ensuite il y avait aussi ton premier message, tout gentil, et il n’y avait pas
moyen… Une vraie fontaine…. J’étais ennuyée, pas de pleurer ça fait du bien
mais de ne plus pouvoir t’écrire. Alors je suis restée devant l’écran, à lire et à
relire… Je voulais te répondre mais incapable, trop démunie et le seul truc sur
lequel j’ai tilté c’est la date de notre rencontre. Débile, une manière de dire, oui
je me souviens de la date de notre rencontre, parce que ça m’importe et que je
suis effondrée par ce que je viens de lire. C’était idiot et maladroit, mais c’était
moi…

Autant avec Lisa je me sentais libre d'exprimer en retour mes sentiments autant
avec toi j'ai peur que ça ne devienne vite un jeu cruel. Voilà pourquoi par moment
je te mets la lampe torche dans la figure, je crains de te faire mal...

Je ne comprends pas jeu cruel …

C'est vrai que pour moi ce serait plus simple si je savais ce que tu attends,

Je n’attends rien Pascale, je prends ce que tu donnes, je fais connaissance…


Je t’ai expliqué pourquoi je t’ai écrit après la lecture de ton blog et de ta recette
de l’Amadeus, j’en suis toujours là, l’impression, la sensation qu’on peut se
parler et s’aider à grandir... Mais ça c’est moi… Mes émotions à la con…

La tendresse, l'amitié ça m'est acceptable, l'amour certainement pas.

Pascale, penses tu que j’en sois là ? L’amour ? Mon dieu. Toi et ta chérie, moi et
la mienne…
Sentimentale, romantique, oui, je suis ! Je te livre souvent les choses comme je
les découvre je ne devrais pas… Mais rassure toi je ne suis pas folle transie
d’amour pour toi, juste émue, intriguée, bouleversée, amusée, des émotions que
j’aime je te l’avoue, mais tout va bien…

Je ne veux pas te faire souffrir en te la racontant, n'ignorant rien de tes sentiments


pour moi

Mes sentiments pour toi…. Si tu peux m’éclairer …

Lisa n'est pas dupe de ma relation avec toi,

???

Tes mails m'indiquent aussi que ma phrase t'a blessée... Savoir que je ne t'avais
pas captée alors que ce n'est pas une lampe torche que tu m'as mise dans la figure,
c'est carrément des appels de phare que tu m'as fait ne pouvait que t'atteindre. ;-)

Si j’ai fait des mauvais appels ou si j’ai roulé plein phares, je suis désolée.
Ce n’est pas ta phrase qui m’a blessée, plutôt le : tu voulais savoir maintenant tu
sais, qui m’a fait mal… Après je suis partie en live.

- 64 -
Alors comment on continue ensemble ? On se tourne autour indéfiniment ou bien
tu te lances ?

Je ne sais pas si j’ai répondu à ta question.

Bonne soirée. Je t’embrasse. Célia »

Pascale était abasourdie par le mail de Célia. Incroyable de jouer à ce point les
anguilles. Quelle habileté pour lui expliquer que la date anniversaire de leur
rencontre n’avait été qu’une banale phrase prononcée pour meubler un blanc et lui
ôter également au passage toute sa charge émotive. Du grand art ! Pascale
ressentait une colère en elle car Célia la poussait à aller plus loin qu’elle ne
l’aurait voulu pour savoir ce qu’elle avait dans le ventre. Elle se sentait
manipulée. Célia la forçait à parler à sa place et ainsi elle pourrait encore se
défausser si ce que Pascale raconte ne lui convenait pas. Oui, vraiment, du grand
art !

- 65 -
Chapitre X

Lisa ne supportait plus de voir Pascale devant son ordinateur. Elle se réveillait
dans l’après-midi et attendait avec impatience son retour. Travailler de nuit
désocialisait et Lisa avait besoin de contacts. Elle s’horripilait de la voir allumer
son ordinateur avant même de lui dire bonjour. Quand ce n’était pas de parler à un
mur. Pascale avait la tête ailleurs et n’écoutait que d’une oreille les récits de Lisa.
Cet après-midi là, ce fut le pompon. Pascale fonça directement sur son PC et ne fit
même pas semblant de s’intéresser à Lisa. Cette dernière explosa

« J’en ai marre d’être en compagnie d’un fantôme. Dis-le si ma présence te


dérange !
- Pas du tout, Lisa, pourquoi ces idées ?
- Tu peux me répéter ce que je viens de te raconter.
- Euh, tu parlais de ton boulot.
- Et ?
- Et…
- Et qu’est-ce qui s’est passé ?
- Euh ….
- Tu vois tu n’écoutais pas.
- Désolée, j’ai eu une dure journée.
- Alors tu dois en avoir tous les jours depuis des semaines !
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que tu es absente à toi-même et aux autres. Tu es là sans être là. Ton esprit
est préoccupé par quelque chose qui te dévore de l’intérieur.
- Tu trouves ?
- Oui. Fais attention Pascale, tu es en train de te perdre et moi aussi ! »

Pascale venait de recevoir un uppercut en pleine mâchoire. Elle était sonnée par le
coup. Elle devait y réagir sinon elle courait un danger. Lisa savait la faire
redescendre sur terre.

« Bonsoir Célia,

Je suis désolée que cela ait provoqué en toi toute cette tristesse, ce n'était pas mon
but. J'ai bien vu que tu avais été blessée.

Je ne comprends pas jeu cruel.

On est en plein dedans je t'ai fait pleurer comme une madeleine parce que je ne
me suis pas sentie libre d'exprimer avec toi mes sentiments. J'aurais du avoir le
courage de te dire « joker » ou bien ce que j'ai vraiment ressenti, ce que tes mails
avaient généré en moi...

Je n'attends rien Pascale, je prends ce que tu donnes, je fais connaissance.

Tu vois j'ai eu pas mal de correspondances virtuelles mais jamais jusqu'à présent
je n'ai été dans l'émotion comme avec toi. Ou du moins les sentiments éprouvés
n'étaient pas réciproques...

- 66 -
Alors je vais être franche et honnête. Oui tu me troubles, oui je ne sais plus très
bien où j'en suis avec toi. Parce que ça réveille en moi bien des souvenirs. Oui j'ai
le sentiment par moment de tromper Lisa parce que je partage de l'intimité avec
toi et que je me sens mal de le vivre ainsi même si je sais que la réalité est autre.
Je sais bien que nous ne déraperons pas physiquement parce que la distance est
là. Cependant je ne suis pas certaine qu'intellectuellement ce ne soit pas déjà
commencé. Ce n'est sans doute pas ce que nous cherchions l'une et l'autre, toi en
m'envoyant ce mail sur le chocolat, moi en y répondant.

???

Elle a vu dans quelle confusion des sentiments j'étais en ce moment, elle m'a
reproché cet après-midi d'être absente même si physiquement j'étais là et que si
elle pouvait elle jetterait l'ordinateur par la fenêtre.

Cela m'a demandé du courage de te l'écrire mais je te le devais, mon malaise est
trop perceptible pour que tu ne le sentes pas.

Bonne soirée. Affectueusement. Pascale »

Pascale se sentit soulagée d’un poids en envoyant son mail. Tant pis c’était dit.
Qu’au moins une des deux verbalise ce qui se passait entre elles. Pascale aurait
préféré que Célia le fasse la première. Elle sentait que des deux, c’était Célia qui
était tombée amoureuse la première. Pascale se mettait trop de barrières mentales
pour succomber. Son couple, s’il traversait une période de fragilités, était plus
solide que celui de Célia. D’ailleurs Pascale se demandait si Célia n’avait pas déjà
rompu avec Dominique. Les quelques confidences lui laissaient penser que Célia
était seule plus qu’à son tour. Est-ce que cela expliquerait les difficultés de Célia à
avouer ses sentiments ? En effet si elle racontait sa rupture, son célibat, Pascale
pourrait sentir une pression. Et si elle n’était pas encore prête à quitter Lisa, mettre
un terme à leur aventure naissante. Chacune prenait des risques mais ils étaient
plus importants du côté de Célia que de Pascale.

« Bonjour chère toi,

J’espère que tout va bien et que tu es en forme.

Je suis désolée que cela ait provoqué en toi toute cette tristesse, ce n'était pas mon
but.

Surtout, ne sois pas désolée, je t’assure, je t’ai trop bien ressentie voilà tout.

On est en plein dedans je t'ai fait pleurer comme une madeleine.

Je n’appelle pas ça jeu cruel, plutôt partage ou du moins ressenti….

Alors je vais être franche et honnête. Oui tu me troubles, oui je ne sais plus très
bien où j'en suis avec toi. Parce que ça réveille en moi bien des souvenirs. Oui j'ai
le sentiment par moment de tromper Lisa parce que je partage de l'intimité avec

- 67 -
toi et que je me sens mal de le vivre ainsi même si je sais que la réalité est autre.
Je sais bien que nous ne déraperons pas physiquement parce que la distance est là.
Cependant je ne suis pas certaine qu'intellectuellement ce ne soit pas déjà
commencé.

Je pense ma belle que nous en sommes au même point. Seulement je ne me pose


pas de questions, juste vivre ce qui arrive, rien attendre, recueillir au fil des jours
des émotions nouvelles….Te découvrir, découvrir mon trouble, l’attente des tes
mails…Tendresse amitié amour, je n’en sais rien et je m’en fous, je ne sais qu’une
chose, tu es entrée dans ma vie … Je ne te demande rien, et ne veux pas te mettre
mal à l’aise… Tu me troubles et ça me plait c’est tout ce que je vois…. Je me
rends quand même bien compte que je pense beaucoup à toi… Des fois je fais des
trucs pas nets, genre laver deux fois les mêmes assiettes. Je découvre les choses
comme elles m’arrivent et c’est bon…

Pascale, c’est vrai, j’ai parfois des élans de tendresse qui me submergent, je gère
au mieux (pas toujours facile) et je te respecte trop pour vouloir t’importuner.

Et jamais je ne suis allée te chercher sur un terrain plus léger…

Cela m'a demandé du courage de te l'écrire mais je te le devais, mon malaise est
trop perceptible pour que tu ne le sentes pas.

Tu me fais trop craquer…

Après cette drôle de semaine, ce que l’on vient de se dire, j’ai une envie très
tendre de te prendre dans mes bras…. Be quiet Pascale, une envie tendre…

Bon courage à toi et souviens-toi dans le petit matin Sarah Vaughan n’est jamais
loin…

Je t’embrasse tendrement petite éponge… Célia »

Enfin Célia se livrait. Pascale apprécia son honnêteté. C’est clair que ces
confidences avaient du lui coûter. Mais au moins elles savaient maintenant où
elles mettaient les pieds. Cela leur permettrait d’avancer. D’en parler allait leur
faire le plus grand bien !

« Bonsoir Célia,

Je pense ma belle que nous en sommes au même point. Seulement je ne me pose


pas de questions, juste vivre ce qui arrive, rien attendre, recueillir au fil des jours
des émotions nouvelles... te découvrir, découvrir mon trouble, l'attente des tes
mails…

C'est sans doute là que nous ne vivons pas la relation de la même manière. Ce
n'est pas que je me pose des questions mais je ne suis pas de marbre quand je
t'écris des mots doux alors que Lisa est dans la même pièce. Je n'ai pas non plus
ton fonctionnement, la tendresse compte beaucoup pour moi mais ce n'est pas
tout. Je ne peux pas m'en contenter, j'ai aussi besoin de relations sexuelles. Mon

- 68 -
trouble est là également. Je ne voudrais pas un jour faire l'amour à Lisa en
pensant à toi. Par respect pour elle autant que pour toi...

Pascale, c'est vrai j'ai parfois des élans de tendresse qui me submergent, je gère au
mieux (pas toujours facile) et je te respecte trop pour vouloir t'importuner.

C'est plus que de la tendresse qui me submerge, parce que comme je te l'ai dit je
fonctionne autrement. Et je le gère du mieux que je peux mais ça ne me convient
pas.

J'ai connu d'autres femmes avant Lisa, d'autres corps à aimer. C'est avec elle que
j'ai connu l'épanouissement total, nous osons nos désirs mais rien qui ne sortent
de l'ordinaire, nos fantasmes sont on ne peut plus gentils et proprets. Je n'ai pas
de fantasmes inavoués, ni le désir d'aller voir ailleurs. Jusqu'à ce que je te
rencontre, c'était un jeu verbal entre nous qui n'avait aucune réalité. Mais là
encore, ma fidélité et mon amour pour Lisa sont fondamentaux pour moi.
Aujourd'hui je ne sais plus très bien, je vis une certaine confusion, je joue avec le
feu avec toi et je crains de te brûler...

J'aimerais trouver avec toi une relation qui ne me mette pas si mal avec ma
conscience. Te donner sans pour autant que mes émotions ne me débordent ni
faire souffrir Lisa ...

Il y a des signes qui ne trompent pas. Comme la puissance des mots écrits qui
peuvent t'emporter très loin dans ton désir de l'autre. Et tu me rappelles trop Lisa
par certains moments...

J'espère que tu auras passé une agréable journée ma douce.

Tendrement. Pascale »

Rien ne les arrêtait plus dans les confidences.

« Salut ma belle,

Ce n'est pas que je me pose des questions mais je ne suis pas de marbre quand je
t'écris des mots doux alors que Lisa est dans la même pièce.

Je ne suis pas de marbre non plus, seulement Dominique n’est pas souvent dans
la même pièce.

Je n'ai pas non plus ton fonctionnement, la tendresse compte beaucoup pour moi
mais ce n'est pas tout. Je ne peux pas m'en contenter, j'ai aussi besoin de relations
sexuelles.

Je connais ça tu sais, moi aussi j’ai besoin de relations sexuelles je ne suis pas
que dans la béatitude….

- 69 -
Mon trouble est là également. Je ne voudrais pas un jour faire l'amour à Lisa en
pensant à toi. Par respect pour elle autant que pour toi...

Je comprends ce que tu veux dire…. Personnellement je ne peux pas garantir que


ça ne m’arrivera jamais. Je suis trop troublée et tu surgis n’importe quand… Je
sais très bien le respect mais que faire contre un tsunami ? ;-)

Pour l’instant Dominique et moi nous nous croisons plutôt alors ce n’est pas à
l’ordre du jour… Mais pour être tout à fait honnête, il n’y a pas longtemps ça
m’est arrivé en l’embrassant. J’étais dans la cuisine, à planer à 15000 en pensant
à toi, avec une boule de feu dans le ventre, et ma chérie s’est approchée pour un
tendre câlin, je n’ai pas eu le temps de réintégrer mon corps et je t’ai embrassée.
Je ne suis pas fière, je n’ai rien contrôlé, voilà pourquoi je ne peux rien
garantir… Mais je pourrais te dire aussi que si en fait j’ai envie de toi, il est peu
probable que je m’abandonne dans les bras de Dominique. Ça, je ne contrôle pas
bien, mais chez moi ce n’est pas très compatible…

Voilà où je suis rendue après huit ans de vie commune et 34 jours de


correspondance… Je dis souvent : on ne peut jamais savoir… J’en ai l’illustration
parfaite…

C'est plus que de la tendresse qui me submerge,

Tu sais ça m’arrive sans doute plus que tu ne penses … ;-)

Nous osons nos désirs mais rien qui ne sortent de l'ordinaire, nos fantasmes sont
on ne peut plus gentils et proprets. Je n'ai pas des fantasmes inavoués, ni le désir
d'aller voir ailleurs.

J’aurais pu écrire tout pareil… Après, je t’ai rencontrée…

Aujourd'hui je ne sais plus très bien, je vis une certaine confusion, je joue avec le
feu avec toi et je crains de te brûler...

Pourquoi depuis deux jours veux-tu absolument me faire mal ? Me brûler… ;-) Je
rigole… Jamais je n’ai essayé ça … Et toi tu ne te brûles pas avec le feu ?

J'aimerais trouver avec toi une relation qui ne me mette pas si mal avec ma
conscience. Te donner sans pour autant que mes émotions ne me débordent ni
faire souffrir Lisa ...

As-tu une solution ? Tu veux qu’on fasse un break ma jolie ?

Il y a des signes qui ne trompent pas. Et tu me rappelles trop Lisa par certains
moments...

Tu as peur que je sois amoureuse de toi Pascale ?

- 70 -
Tu sais toi et moi apparemment nous avons les mêmes lèvres, la supérieure fine et
l’autre plus charnue. Mes yeux ne sont pas bleus plutôt chocolat praliné ;-) Mes
cheveux sont plus bruns que les tiens un peu plus longs aussi … A vue de nez nous
devons avoir à peu près la même taille, tu es assise sur la photo, mais je pense…
Le même âge aussi...

Tu sais Pascale je voudrais sortir de ma clandestinité, moi qui aime tant ça


d’ordinaire, mais je suis bien embêtée, je fuis en général tout ce qui ressemble à
un objectif et je n’ai pas trop de photos, j’en ai trouvé deux pas trop vieilles mais
pas terribles qui te donneraient quand même une idée de ma dégaine…

Passe une bonne journée ma douce.

Je pense à toi. Célia »

Pascale frissonna devant son écran. Enfin Célia avouait ses sentiments. Elle
voulut lui faire signe avant de partir travailler.

« Bonjour Célia,

C'est justement parce que j'ai senti la chaleur que j'ai dégoupillé l'extincteur en
t'en parlant.

Je ne sais pas si c'est une bonne idée le break...

Tu as peur que je sois amoureuse de toi Pascale ?

Oui

Tu sais Pascale je voudrais sortir de ma clandestinité

Ne te presse pas de sortir de ta clandestinité si tu ne le sens pas.

Nous avons tout notre temps et peut-être que la prochaine fois qu'un objectif
trainera tu lui présenteras ton minois en pensant à moi... :-)

Bonne journée ma tendre et belle. Je t’embrasse. Pascale »

« Bonsoir Pascale,

Je ne sais pas si c'est une bonne idée le break...

Ce n’est pas comme ça que je dirais mais puisque tu l’as ressenti ainsi soit… Tu
sais Pascale si tu as besoin d’un break ce n’est pas compliqué il suffit de le dire…
J’ai comme l’impression que tu as besoin d’un peu d’air, de recul, retrouver ta
chérie… Pas de problèmes pour moi, je survivrai tu sais… Je retournerai à ma
vie…

Je te garderai comme un beau cadeau, pas objet de fantasmes non, une belle
rencontre, un bout d’humanité… Un rayon de soleil comme le ciel nous en envoie

- 71 -
parfois. Que l’on s’écrive encore ou pas, ne m’affaiblira pas, je prends ce que le
ciel m’envoie et quoi qu’il se passe j’en tirerai toujours un enseignement…
Finalement n’est ce pas ça grandir ?

Tu as peur que je sois amoureuse de toi Pascale ?


Oui

Rassure-toi, même si j’adore m’envoler je suis très lucide,…. Sois tranquille tout
va bien…

Affectueusement. Célia »

Célia avait répondu le matin, ce n’était pas dans ses habitudes. Pascale sentit
qu’elle avait besoin d’être rassurée. Elle attendit que Lisa soit couchée pour lui
répondre.

« Bonsoir Célia,

J'ai comme l'impression que tu as besoin d'un peu d'air, de recul, retrouver ta
chérie.

Je n'ai ni besoin d'air, ni de recul, ni de retrouver ma chérie puisque je ne l'ai pas


perdue ! ;-)
Je t'ai parlé de mes différences avec Lisa. Dès le départ, elle savait qu'elle ne me
comblerait pas sur certains points en particulier intellectuels. Elle a
eu l'intelligence de me laisser aller vers les autres satisfaire certains de mes
besoins relationnels pour mieux me garder. J'ai eu l'intelligence de ne pas la faire
souffrir inutilement. Elle sait que je t'écris mais ne sait rien de ce que je t'écris.
Pour Lisa j'étais la femme inaccessible, elle me porte une admiration sans borne.
Tu ne peux pas imaginer tout ce qu'elle me donne, je suis tout pour elle. Elle est
prête à tout pour me garder, notre couple est en perpétuel mouvement, depuis le
départ nous évoluons ensemble. De plus nous avons traversé un certain nombre
d'épreuves ce qui nous a soudées. Je l'aime depuis dix ans, d'un amour sans faille
et toutes ces fenêtres sont pour elles le moyen le plus sûr de me garder.

Sa possessivité, sa jalousie sont pour elle une façon de se mettre faussement en


rivalité. Elle veut juste que je lui dise que c'est elle que j'aime, elle qui compte le
plus.

Jusqu'à présent dans mes relations virtuelles, je ne me suis pas engagée autant
affectivement. J'étais avec ces personnes dans la superficialité. J'ai rencontré des
gens sympa et j'ai pas mal rigolé. Avec d'autres j'ai été dans l'échange intellectuel
ou technique... C'était très balisé et sans surprise parce que bien cadré.

Avec toi ça ne ressemble à rien de ce que j'ai connu. Je me sens bien avec toi. Je
n'ai pas envie de faire un break car je nous pense capable toi et moi de discuter
de tout cela. Comme je te l'ai dit je me sens bien aussi avec Lisa, nous ne
traversons pas de crise, je ne cherche pas une aventure. Je souhaite seulement
concilier ma vie réelle et notre relation.

- 72 -
Rassure-toi, même si j’adore m’envoler je suis très lucide,…. Sois tranquille tout
va bien…

Moi aussi je suis très lucide et c'est bien ça qui m'effraie. Parce que s'il y a bien
une chose que je ne contrôle pas ce sont mes sentiments.

J'ai un très grand sens moral, malgré la liberté que me donne Lisa. Ce n'est pas
elle qui me retient d'agir, c'est ma p... de conscience.

Ce serait beaucoup plus simple pour moi si nous ne faisions que coucher
ensemble.

Alors tu vois pourquoi je te donne des signes physiques d'affections (bisous,


affectueusement, tendrement...), c'est pour moi quelque chose d'acceptable.

Je t'ai sentie malheureuse dans ce mail, tu te préparais à une rupture. Ce n'est pas
mon souhait. J'ai encore beaucoup à partager avec toi.

Je ne sais si tu peux saisir ma relation avec Lisa. Il y a une place pour toi dans
ma vie, dans mon cœur également. Une amitié particulière...

Je te souhaite une bonne soirée. Je t'embrasse. Pascale »

Les mots de Pascale avaient dû faire mouche.

« Bonsoir Pascale.

Je suis trop crevée ce soir pour te répondre. A demain ma belle. Tendrement.


Célia »
Pascale sourit quand elle découvrit le mail du matin. Célia était soulagée que
Pascale ne cherche pas à rompre. La voilà rassurée momentanément. Elle
prendrait le temps de lui écrire ce soir.

« Bonsoir Célia,

Pour t'écrire j'aime avoir du calme et de la tranquillité. C'est souvent après ma


journée de boulot. Quand j'ai fini de répondre à ton mail, j'aurais envie un peu
plus tard de t'en réécrire un autre, pour te parler, te raconter mes
émotions... Mais je suis tellement crevée que je remets à plus tard... Souvent le
matin au réveil mais je manque de temps... Ou juste avant de commencer le
boulot... Bref pas le moment le plus propice... Aussi je comprends pour hier soir…

J'aurais dû aussi te dire que dès ton premier mail quelque chose en toi m'a
beaucoup plu, je ne saurais te dire quoi. Sans doute ton envie de chocolat, ça a
réveillé en moi des souvenirs...

Il ne m'a pas fallu longtemps pour ressentir pour toi une profonde affection. Tu es
tout à fait le genre de femme qui me plait et avec laquelle j'aurais aimé faire un
bout de chemin si je n'avais pas été en couple. Je me suis sentie immédiatement

- 73 -
bien avec toi, dans le partage, dans la confidence. Nous ne nous connaissions pas
mais nous nous sommes tout de suite trouvées.

Tes mots m'ont emmenée très loin dans l'imaginaire. J'ai aimé tout de suite ton
univers, ceux qui le composent. Ta personnalité est extrêmement attachante.

Je voyais bien que je ne t'étais pas indifférente. Pour autant je minimisais, en me


disant que je projetais sur toi mes sentiments.

A tes réactions j'ai compris que notre affection était partagée et réciproque. J'ai
regretté mes provocations d'un mauvais genre. Mais c'était trop tard pour les
remords...

Cela m'a mis très mal. Je t'avais stupidement allumée pour me rendre compte que
je ne pourrais rien éteindre.

Qu'est-ce que je pouvais te proposer ? En dehors d'un banal adultère je ne voyais


pas trop. Mais de ça je ne le voulais pas. Pour les raisons que je t'ai expliquées
mais aussi parce qu'au moment où j'ai rencontré Lisa j'étais engluée dans une
relation triangulaire qui m'avait bien fait souffrir. J'étais la maîtresse d'une
femme mariée... Elle s'appelait... Capucine... (Et oui ça ne s'invente pas comme
coïncidence !). Comme toi aujourd'hui je sais ce que je ne veux plus.

J'ai rencontré Lisa suite à un accident de la voie publique. Nous nous sommes
très vite plues. J'ai été très touchée et émue par elle mais je n'étais pas amoureuse
d'elle comme elle l'était de moi. Je l'aimais bien mais c'était tout. J'avais besoin
de temps alors qu'elle, elle savait que j'étais la femme de sa vie. J’étais
traumatisée par ma précédente relation.

Lors de fêtes de fin d'année, étant seule, j'avais choisi pour le nouvel an de me
rendre dans un bar lesbien. L'ambiance était festive, je m'étais installée au zinc,
les tables étaient occupées par des groupes ou des couples. A un moment ma
voisine, que je ne connaissais pas est allée aux toilettes et m'a demandé de lui
garder son sac. Deux heures plus tard elle n'était toujours pas revenue. C'est ainsi
que j'ai rencontrée Capucine. Elle était seule et a engagé la conversation sur ce
qu'elle croyait être ma copine et qu'elle pensait être partie avec une autre. Elle
m'a d'emblée menti, omettant de me parler de son mari et de ses enfants, elle était
célibataire. Elle n'a pas mis longtemps à comprendre que la maternité était un
sujet sensible et a senti la faille chez moi. Nous avons fait la fermeture du bar et je
l'ai raccompagnée au métro. Il était fermé. Je l'ai donc raccompagnée chez elle en
voiture. Nous ne pouvions plus nous quitter. Nous bavardions depuis une heure
dans la voiture dans le noir quand un exhibitionniste est venu nous narguer en se
masturbant devant nous. Capucine m'a invitée, contrainte par les événements, à
venir chez elle, en fait ses enfants et son mari étaient chez sa belle-mère. Comme
c'était prévisible nous avons fait l'amour... Dans le lit conjugal....

Capucine a été très disponible les quinze premiers jours de notre relation. J'allais
la chercher à son boulot, nous filions chez moi faire l'amour et je la ramenais
chez elle. Elle ne voulait pas dormir chez moi et m'avait inventé une histoire pas
possible avec sa mère soi-disant malade. Puis très vite, elle a commencé à me

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parler de son « cas d'école ». Elle avait décrété que j'étais bisexuelle puisque
j'avais vaguement connu un homme, la relation à deux c'était une énorme
fumisterie, le bonheur se vivait à trois. Elle et moi formions ce « cas d'école ». Et
là c'était l'apologie de un homme deux femmes, quel bonheur pour deux femmes
qui s'aimaient d'avoir des enfants du même père. Et comme je ne voulais rien
entendre, je lui répondais que la bigamie était interdite en France et que le
système des coépouses ne rendait pas les femmes africaines très épanouies. Elle
en avait plein la bouche de son « cas d'école », je ne savais pas ce que je perdais,
combien c'était excitant de mettre un homme entre nous, que nous pourrions avoir
des enfants, elle les garderait pendant que j'irais bosser... Jusqu'au jour où j'eus
le malheur de dire « encore faudrait-il que le type me plaise ». Le samedi suivant
elle m'invitait à dormir chez elle. Sauf qu'elle avait oublié de me dire que nous
dormirions à trois.

Quand je suis arrivée, il était installé sur le canapé à ses côtés. Leurs deux
enfants étaient là. J'ai pensé qu'elle avait invité des amis et que nous attendions
les autres avant de prendre l'apéritif. Quand elle m'a annoncé que nous
mangerions dans la cuisine dans dix minutes, que son fils lui donna du maman, je
fus prise d'un malaise. Je pris ce prétexte pour rentrer chez moi.

Le lendemain elle était derrière ma porte. Elle m'avoua m'avoir menti, je plaisais
beaucoup à son mari. Moi par contre il ne me plaisait pas avec sa gueule
d'obsédé sexuel. Elle m'expliqua qu'au début je ne coucherais pas avec lui, juste
elle et moi devant lui. Pas question ! Je ne devais avoir aucune crainte c'était un
éjaculateur précoce la pénétration n'était jamais longue avec lui. D'ailleurs elle
se saoulait à la vodka avant d'y passer, pas besoin de se déshabiller elle avait une
culotte à trou (qu'elle me montra plus tard). J'étais sous le choc. Tout cela
devenait bien glauque, je m'étais embarquée dans une histoire que je ne
contrôlais plus. J'exigeais de la voir seule et chez moi. Pendant quinze jours elle
fut charmante, au lit c'était super. Puis du jour au lendemain, elle refusa de me
voir. Son mari devait s'impatienter. Un soir elle m'appela. Elle me proposait de
partir une semaine en vacances avec moi, elle voulait avant me présenter à sa
meilleure amie qui nous invitait à manger chez elle. Ce fut la honte de ma vie. En
fait ils me présentèrent comme leur maîtresse à tous les deux, leur fantasme était
ancien et connu de tous. La soirée s'est finie autour d'un joint. Comme je ne
fumais pas, je n'ai pas adhéré à leur délire collectif. Par contre je me suis vengée
du mari en roulant une pelle à Capucine devant tout le monde, cela mit fin à la
soirée très rapidement.

Capucine me tanna pour que je prenne une semaine de vacances, que je réserve
un hôtel je ne sais plus où. Quelque chose me retint de le faire. Nous étions à deux
jours du départ et une fois de plus, je n'avais plus de nouvelles. Je lui téléphonais
pour lui demander comment nous organiser pour le jour J. Très froidement elle
me claqua le combiné au nez. Je rappelai aussi sec. Et pour toute réponse j'eus
droit à un « j'ai besoin d'intimité, tu me déranges ! ». Il était évident que je ne
faisais pas partie de son intimité !

Ce fut sa dernière humiliation. Je lui envoyais un mot très bref de rupture. Elle
me harcela, me fit du chantage au suicide. J'avais eu l'imprudence de lui parler
de Lisa qu'elle salit tant qu'elle put. J'eus trop honte pour raconter à Lisa ce que

- 75 -
je viens de te dire. Je ne lui parlais pas trop de Capucine, cela m'évita de lui
mentir.

Je me suis promis que plus jamais je me laisserai entraîner dans une histoire
d'adultère ni n'entraînerai quelqu'un avec moi.

J'ai compris mais un peu tard que la peur d'un engagement profond et durable
m'avait poussé à cette fuite en avant dans une histoire dont j'avais pressenti la fin
avant même qu'elle ne commence...

C'est cette blessure que tu es venue réveiller. Quelque part, ça rejoint ton analyse
sur mes chakras...

J'ai trop de respect pour Lisa et toi, trop d'affection pour vous deux.

C'est pour cela que j'aurais voulu avoir avec toi une belle histoire d'amitié, où tu
ne sois pas le numéro deux mais bel et bien l'unique dans mon cœur, chacune
aurait sa place de choix. C'est ce que j'ai appelé une amitié particulière, à nous
de la définir et de savoir ce qu'on y met dedans.

Ce n'est qu'une proposition. Tu as ton mot à dire et peut-être as-tu envie d'autre
chose...

Je regrette d'avoir repoussé toujours et encore ce mail.

J'ai été maladroite avec toi et je m'en excuse.

Une fois de plus j'ai été bien égoïste, je n'ai pensé qu'à moi...

Ce mail n'a pas été facile à écrire, depuis ce matin j'y pense. Là je vais aller me
coucher, je suis vidée...

Je te souhaite une bonne soirée. Je t'embrasse. Pascale »

Pascale en envoyant ce mail savait qu’elle ne contrôlait plus rien. Elle n’avait pas
envie de quitter Lisa pas plus qu’elle ne voulait renoncer à vivre quelque chose
avec Célia. Au plus profond d’elle, une petite voix lui disait qu’elle regretterait
toute sa vie de ne pas vivre jusqu’au bout cette aventure. Seulement elle ne voulait
pas en payer le prix et pour l’instant, elle voulait le beurre et l’argent du beurre.
Jusqu’à quand ?

- 76 -
Chapitre XI

« Douce Pascale,

Je pense que je lis ton mail depuis une heure environ (si si je peux le faire) parce
que quand j’ai fini je me dis, attends, attends, as-tu bien compris ce que tu viens
de lire ? Et je recommence … Certains de tes mails m’ont occupée des heures
pendant la lecture, et ensuite… C’est ce que j’appelle le double effet Kiss Pascale
(drôlement mentholé… J’adore la menthe qui décoiffe, je me fais de ces
sensations…)

Donc quand je pense avoir tout bien compris j’envisage de te répondre et là c’est
par où commencer, ça peut aussi durer un moment… Alors j’ai recours au copier-
coller et là je te réponds. Mais il y a aussi plein de trucs que je voudrais te
raconter et moi aussi je manque de temps, j’y pense dans la journée, certains
jours ce n’est même pas un carnet qu’il me faudrait mais un dictaphone … Je
rigole, mais le pire c’est que c’est vrai…

Alors je me lance.

Pour t'écrire j'aime avoir du calme et de la tranquillité. C'est souvent après ma


journée de boulot. Quand j'ai fini de répondre à ton mail, j'aurais envie un peu
plus tard de t'en réécrire un autre, pour te parler, te raconter mes émotions... Mais
je suis tellement crevée que je remets à plus tard... Souvent le matin au réveil mais
je manque de temps... Ou juste avant de commencer le boulot... Bref pas le
moment le plus propice...

Prends tout ton temps Pascale, tu me l’as dit n’est ce pas, nous avons tout notre
temps…

J'aurais dû aussi te dire que dès ton premier mail quelque chose en toi m'a
beaucoup plu, je ne saurais te dire quoi. Sans doute ton envie de chocolat, ça a
réveillé en moi des souvenirs...

Tu vois depuis des années je surfe, je lis des tas de pages partout, je vais traîner
sur des forums musicaux ou de techniques complémentaires, d’infos, sans jamais
laisser de mot, comme une voleuse. Souvent je n’ai rien à dire, rien de plus
intéressant en tous cas et la polémique pour la polémique ne m’intéresse pas.
Et chez toi, je n’ai pas tout compris de ce qui se passait, mais je t’ai déjà expliqué
ça, hein mon âme familière ;-)
Je vis une relation de tendresse remarquable avec le chocolat depuis mon plus
jeune âge, avec le sucre en général. Bref je raffole de chocolat. Quand j’ai lu ton
texte sur l’Amadeus, il m’a semblé entrevoir derrière les textes autre chose… Je
t’ai écris, je ne le fais jamais, tu vois à quoi ça tient…

A tes réactions j'ai compris que notre affection était partagée et réciproque. J'ai
regretté mes provocations d'un mauvais genre. Mais c'était trop tard pour les
remords... Cela m'a mis très mal. Je t'avais stupidement allumée pour me rendre
compte que je ne pourrais rien éteindre.

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Pas grave tout ça Pascale… Ce que je trouve fort c’est de pouvoir en parler…

Elle s'appelait... Capucine... (Et oui ça ne s'invente pas comme coïncidence !).

Mortel le coup des Capucines… ! A te lire franchement je ne regrette rien. ;-)

Par contre je me suis vengée du mari en roulant une pelle à Françoise devant tout
le monde, cela mit fin à la soirée très rapidement.

Excellent, j’adore…

C'est pour cela que j'aurais voulu avoir avec toi une belle histoire d'amitié, où tu
ne sois pas la numéro deux mais bel et bien l'unique dans mon cœur, chacune
aurait sa place de choix. C'est ce que j'ai appelé une amitié particulière, à nous de
la définir et de savoir ce qu'on y met dedans.
Ce n'est qu'une proposition. Tu as ton mot à dire et peut-être as-tu envie d'autre
chose...

Moi en fait j’ai envie de te découvrir ….

J'ai été maladroite et je m'en excuse.

Arrête Pascale, tu ne m’as pas fait souffrir… Pourquoi tu dis ça ?

Une fois de plus j'ai été bien égoïste, je n'ai pensé qu'à moi...

Eh oh, ça ne va pas la tête ? Moi en tous cas je ne t’ai jamais perçue comme ça …

En fait je rêve d’un jour rien que pour moi, un jour entier dans mon vaisseau où
je pourrais reprendre tes mails tranquillement parce que j’ai plein de réponses en
retard, des trucs que tu dis qui me font rebondir… Je pourrais t’avouer que j’ai
beaucoup aimé nos baisers virtuels... Je trouve ça très poétique de dire à
quelqu’un je t’embrasse alors qu’il n’est pas là….Mais ne cherche pas, ça c’est
moi… Parfois je me dis que je ne suis pas très normale… Je m’arrête à des trucs
que personne ne remarque et ça me fait planer des heures…

Ne prends pas peur, quand je te dis des choses comme ça… Je le répète je suis
très lucide et sais très bien ce que nous pouvons vivre ou pas… Je suis seulement
trop sentimentale… Mais je gère ça plutôt pas mal… Je rêve voilà tout…

Dis-moi Pascale, petit jeu de géographie : connais-tu la préfecture de la Haute-


Garonne ?

Je pense que ce soir j’ai battu mon record de fautes toutes catégories confondues.
Ne m’en veux pas, tu me connais un peu maintenant….

Je me demande même si finalement je ne vé pa tecrir com lé d’jeunes. Tu es un


beau cadeau Pascale, et modestement je me félicite de mon instinct… J’aurais
aimé te connaître juste avant …Voilà tout…

- 78 -
Je continue demain …

Je pense que tu vas te réveiller bientôt, j’espère que tu as dormi d’un sommeil
réparateur.

Je te souhaite une bonne journée pleine de soleil….

Inutile de te dire que je pense à toi, je crois que tu le sais…

Je t’embrasse tendrement. Célia »

Pascale en découvrant cette missive sentit le battement de son cœur s’accélérer.


Elle se sentit prise dans un engrenage. Elle aurait voulu appuyer sur stop pour voir
à quel moment elle avait dérapé. En fait elle paniquait. D’un côté elle avait très
envie d’aller plus loin, de l’autre raisonnablement et moralement elle s’interdisait
d’envisager quoi que ce soit. Elle sentait que le virtuel démultipliait les
sentiments, que le réel ne faisait plus le poids. Et surtout que dans la balance il y
avait dix ans de vie commune avec Lisa, une relation apaisée et au fond assez
satisfaisante. Son envie de grand amour tiendrait-il la route une fois l’ordinateur
débranché ? Lâcher la proie pour l’ombre n’était pas dans le tempérament de la
sage Pascale. Empêtrée dans ses états d’âme, elle fut lapidaire.

« Bonjour Célia,

Ce n'est pas de toi dont j'ai eu peur mais de moi.

Tu es un beau cadeau Pascale, et modestement je me félicite de mon instinct…


J’aurais aimé te connaître juste avant …Voilà tout…

Juste avant quoi ?

Dis-moi Pascale, petit jeu de géographie : connais-tu la préfecture de la Haute-


Garonne ?

Toulouse, j’y suis passée avec Lisa il y a quelques années mais je ne connais pas
plus que ça.

Baisers tendres. Pascale »

Réponse immédiate de Célia, à croire qu’elle l’attendait !

« Juste avant quoi ?

Juste avant, qu’on se marie toi et moi avec nos compagnes respectives…

Toulouse, j’y suis passée avec Lisa il y a quelques années mais je ne connais pas
plus que ça.

C’est tout à fait ça…. Toulouse…

- 79 -
Là il faut que je file….

A plus tard, douce Pascale,

Je t’embrasse fort et tendrement.

Fort et tendre en même temps ? Si si c’est possible…

Même si je n’en ai pas envie il faut que je m’extirpe de ce fauteuil…

Alors … C’est parti…

Bises, très chère et bonne journée… Célia »

Pascale était estomaquée. Quand dormait Célia ? Il s’était écoulé à peine trois
heures entre le long message et celui là. Pascale avait besoin de ses huit heures de
sommeil. De l’énergie, Célia en avait et même à revendre ! Pascale la sentait
portée par cette relation pendant qu’elle s’engluait dans un conflit moral. Elle
avait oublié ses problèmes de poids avec cette correspondance mais ils étaient
toujours présents. Certes, elle s’était stabilisée. Sauf que là, elle remarquait que les
sucreries l’attiraient et que pour chasser la boule qu’elle avait dans le ventre, rien
ne valait de la nourriture pour la calmer. Comme elle sentait une envie venir elle
préféra verbaliser ce qui la bouleversait.

« C'est ça mon dilemme ... Le temps...

C'est sûr que si je t'avais rencontrée avant Lisa, j'aurais craqué pour toi. Je sais
que tu m'aurais rendue heureuse... ;-)

On peut s'embrasser fort et tendrement à la fois. Cela s'appelle passionnément...


;-)

Je vais penser à toi toute la journée maintenant.

Je vais avoir toutes les peines à me concentrer sur mon boulot aujourd’hui...

Je t'embrasse de tout mon cœur. Pascale »

Pascale pensa toute la journée à Célia. Le conflit intérieur était puissant. Plus elle
se raisonnait, plus elle avait envie de Célia. Elle commençait à fantasmer
sexuellement sur elle. A imaginer son corps, au grain de sa peau, son odeur. Des
flashs érotiques la traversaient. La pointe d’un sein dressé. Une caresse furtive sur
la fesse. Elle en rougissait toute seule. Ce n’était pas du tout son style tellement
rangé. Elle ne se reconnaissait plus. Elle avait envie d’explorer son corps et celui
de sa partenaire. Plus elle cadenassait ses désirs, plus ceux-ci s’imposaient à elle.
On aurait dit une adolescente qui découvrait l’amour. Et les risques qui vont avec.
Saurait-elle s’en protéger ?

- 80 -
« Bonsoir ma douce,

Ce n'est qu'une proposition. Tu as ton mot à dire et peut-être as-tu envie d'autre
chose...
Moi en fait j'ai envie de te découvrir ...

C'est plein de promesses tout ça ma belle. J'aime beaucoup l'ambiguïté de la


phrase... Le double sens du mot « découvrir ». Une envie de me mettre à nue ? :-)

Arrête Pascale, tu ne m’as pas fait souffrir… Pourquoi tu dis ça ?

Ta conjonctivite qui a viré à la myxomatose derrière ton écran... Le break que tu


m'as proposé, le si ça doit s'arrêter ça aurait été une belle parenthèse...

Eh oh, ça ne va pas la tête ? Moi en tous cas je ne t’ai jamais perçue comme ça …

Un point pour toi, tu n'as pas le monopole des phrases du type : Comme j'ai
regretté mon habileté à taper des conneries sur le clavier !

Je le répète je suis très lucide et sait très bien ce que nous pouvons vivre ou pas…
Je suis seulement trop sentimentale… Mais je gère ça plutôt pas mal… Je rêve
voilà tout…

Je n'ai plus peur, maintenant je me sens bien depuis que j'ai pu t'exprimer mes
sentiments. Sans doute que je suis capable de rêver plus que toi parce que je sais
que parfois nous pouvons vivre des choses insensées. J'ai envie de continuer à me
dévoiler pour que tu comprennes mieux ce qui m'a tant angoissé ces derniers
jours.

Avant de rencontrer Capucine et Lisa, j'ai connu une autre femme. A l’époque je
travaillais à la direction financière d’un hôpital. Elle avait été opérée d’un cancer
du sein. Elle avait eu une tumorectomie car elle avait refusé la mastectomie. Son
cancer avait métastasé au foie, il se généralisait, elle avait six mois à vivre. Elle
était divorcée, mère de deux enfants. Je la rencontrais dans le couloir quand elle
allait fumer ou bien se chercher un café. Un sourire, un bonjour c'était tout.

Un après-midi, je la croise en pleurs, je lui demande si ça va, si elle veut que


j'appelle un médecin. Elle venait d'en voir un qui lui avait brutalement asséné la
vérité et la mettait face à la réalité. Elle devait mettre ses affaires en ordre et
régler le problème de garde de ses enfants. Ne voulant pas poursuivre la
conversation dans le couloir je l'invitais dans mon bureau. Je n'avais aucune
raison de le faire, ce n'était pas mon boulot, c'est simplement que sa détresse ne
m'avait pas laissée insensible. Elle avait parfaitement saisi la cruauté de la
situation. Mais elle ne pouvait s'y résoudre. Elle fondait des espoirs insensés dans
les progrès de la science. Mais surtout ce qui la faisait le plus souffrir, c'est
qu'elle ne connaitrait jamais l'amour, elle quitterait la vie sans savoir ce que
c'était. Je m'en étonnais étant donné qu'elle avait été mariée, qu'elle avait deux
enfants. Elle me répondit que c'était le drame des grands malades, ils font fuir, ils
ne sont plus désirables. Oui mais pourquoi m'avait-elle dit qu'elle ne connaitrait
jamais l'amour ? Et comme quelqu'un qui n'a plus rien à perdre, qui est au plus

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près de sa vérité et de ses sentiments, elle m'avoua son penchant pour les femmes,
combien elle avait été toujours attirée par leur douceur... J'ai mis fin à l'entretien
qui prenait un tour qui me déplaisait. J'étais au boulot, les réflexes professionnels
avaient repris le dessus.

Le lendemain et les jours suivants elle a tout fait pour être à mon contact. Elle
m'invitait à prendre un café, à manger un chocolat... Elle était tombée amoureuse
et ne s'en cachait pas. Dans le service quand on parlait d'elle on l'appelait « ta
fiancée ». C'était devenu très embarrassant.

Notre relation a commencé quand elle a quitté le service. Je ne sais comment elle
s'est procuré mon numéro de téléphone personnel. Elle avait vu mon nom et mon
prénom sur mon badge, en le cherchant sur les pages blanches, avec les
départements limitrophes au département où je travaillais, elle n'a pas dû avoir
trop de mal à me trouver. C'était une très belle femme et je n'ai pas été insensible
à son physique. Elle avait une poitrine superbe, le cancer n'avait pas eu raison de
sa féminité. J'ai aimé son corps lardé de cicatrices, son crâne chauve quand la
chimio a fait des ravages, son pubis pubère... Je l'ai aimée jusqu'à sa mort, notre
amour lui a fait gagner six mois sur le pronostic initial. J'ai adouci sa fin de vie,
elle a connu l'amour qu'elle désespérait de ne jamais rencontrer.

Après son décès, je suis partie à sa recherche à travers les lieux et les gens qu'elle
avait pu connaitre. J'ai découvert cette femme pour la deuxième fois. Plus tard j'ai
compris pourquoi j'ai été aussi amoureuse de Lisa, tant il y avait des similitudes
dans leurs enfances et leurs vies...

Elle non plus pensait ne pas pouvoir vivre un tel amour...

Voilà pourquoi j'ai eu si peur. Parce que je sais que l'amour peut parfois être le
plus fort...

Je te souhaite une bonne soirée !

Je t'embrasse très tendrement et j'en frissonne de plaisir... Pascale »

Les vannes étaient ouvertes, Pascale lâchait tout ce qu’elle retenait en elle depuis
tant d’années et qui l’étouffait. Des amours malheureux, une fascination morbide
pour des histoires douloureuses. Le bonheur lui faisait peur et c’est bien pour ça
qu’une part d’elle repoussait cet amour.

« Bonjour très chère toi,

Je ne sais que répondre à ce que je viens de lire alors je laisse tes mots cheminer
en moi… Ça changera… ;-)

Sans doute que je suis capable de rêver plus que toi parce que je sais que parfois
nous pouvons vivre des choses insensées.

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J’’en ai bien conscience… Tellement … Qu’avec toi ça ne m’arrange pas de le
savoir ou d’y penser… Ce serait comme une porte ouverte, que dis-je une baie
vitrée… ;-) Tu comprends ?

C'est plein de promesses tout ça ma belle. J'aime beaucoup l'ambiguïté de la


phrase... Le double sens du mot « découvrir ». Une envie de me mettre à nue ? :-)

Pascale, tu n’es pas sérieuse ! J’ai dit que j’allais être sage comme une image, ne
me cherches pas ma jolie… ;-) J’aime aussi le double sens… ;-)

Ta conjonctivite qui a viré à la myxomatose derrière ton écran... le break que tu


m'as proposé, le si ça doit s'arrêter ça aurait été une belle parenthèse...

Je te l’ai dit les larmes soulagent mon foie, j’ai pleuré de grande émotion c’est
différent, le break parce que je ne te sentais pas bien. Pour la parenthèse je te
l’accorde… Mais tout ça Pascale ce n’est pas de la souffrance…

Un point pour toi, tu n'as pas le monopole des phrases du type : Comme j'ai
regretté mon habileté a taper des conneries sur le clavier !

Ah je vois ...Tu ressors les vieux trucs… ;-)

Je t'embrasse très tendrement et j'en frissonne de plaisir...

WARNING ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !
Fais gaffe ma douce ce genre de trucs me rend dingue… Que du virtuel me diras-
tu… Oui mais ça je ne sais pas encore bien faire… Et finalement je n’ai pas de
chance ou pas au bon moment… Pour ma première fois (je sais je l’ai répété mais
c’est la vraie dernière fois…) je tombe sur l’ex-futur femme de ma vie… Ça
secoue… ;-)

Je t’embrasse… comment dis-tu ? Passionnément ?

Oui, je crois que c’est ça …

J’espère qu’à cette heure-ci tu dors bien…

Je pars me coucher avec ton baiser tendre… Tendrement. Célia »

Pascale avait perdu la notion du temps. Elle ne savait plus dans quel espace temps
elle évoluait. Ces échanges étaient bien plus personnels que dans un journal
intime, elle s’y livrait sans retenue. Le week-end était arrivé et elle ne l’avait
même pas vu. La seule chose qui l’animait dorénavant était de lire Célia et de
fantasmer sur ses écrits jusqu’aux prochains.

« Bonjour Célia,

Petite nuit, je suis crevée, il y a eu de la scène de ménage dans l'immeuble jusqu'à


3 h du matin, j'ai dû appeler la police. En effet l'excité qui tapait sur sa femme et
qui hurlait a passé le lit avec les draps et les oreillers par l'escalier, au passage il

- 83 -
m'a refait ma porte, qui y sont encore à cette heure-ci avec les fringues de sa
blonde. Il est temps qu'elle parte, elle a déménagé samedi, je me demande
pourquoi elle est revenue cette nuit. Le temps de retrouver le calme, j'ai dû
m'endormir sur le coup des 4 h.

Lisa est rentrée à 8h, nous venons de déjeuner ensemble et de dormir un peu. Je
me lève à l'instant... Fatiguée... Je trouve ça super de commencer une journée de
repos dans cet état...

J'aime aussi le double sens. ;-)

Mademoiselle est connaisseuse ;-) Que de plaisirs en perspective...


Hummmmmmmm que c'est bon...

Fais gaffe ma douce ce genre de trucs me rend dingue… Que du virtuel me diras-
tu… Oui mais ça je ne sais pas encore bien faire… Et finalement je n’ai pas de
chance ou pas au bon moment… Pour ma première fois (je sais je l’ai répété mais
c’est la vraie dernière fois…) je tombe sur l’ex-futur femme de ma vie… Ça
secoue… ;-)

C'est toi qui le dis mais ça n'engage que toi. Ce que j'aime dans la vie, ce sont ses
surprises. Et comme l'amour est à réinventer... Tu viens d'ouvrir une porte
pourquoi cherches-tu sans cesse à la fermer ? On peut tout de même se laisser à
un peu de tendresse non ? Et trouver ça bon ?

Bonne journée à toi aussi.

Je penserai à toi mais tu t'en doutes.

Je t'embrasse très sagement sans rien éprouver ça t'évitera de mettre en transe...


Mdr

Bisous....t...... Pascale »

Son week-end commençait bien ! Pascale espérait qu’il en serait autrement pour
Célia.

« Salut ma belle,

Je pourrais presque dire enfin...

Je viens de rentrer donc de te lire... Et j'ai le sourire jusqu'aux oreilles, il est


bloqué, coincé ... Je souris...

Je file sous la douche, je pue la clope et je n'aime pas ça...

Et je te réponds...

Juste une irrésistible envie de t'embrasser

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Alors, je t'embrasse très teeeennnnndddrreeemmmeeeennttttttttt. Célia »

Célia ne fut pas longue à sortir de la douche, elle avait trop hâte de répondre à
Pascale.

« Me voilà dans mon vaisseau et la nuit s’écoule lentement, en plus c’est une nuit
spéciale….

Je n’ai pas beaucoup dormi mais je suis en pleine forme…

La soirée d’hier : avec Dominique nous sommes allées dans un restaurant et on


est sorties vers 23h30 pour se rendre dans un bar qu’on connait bien où il y avait
quelques habitués sympas, le patron est un ami. Dominique qui ne voulait pas se
coucher trop tard m’a dit à un moment - Célia, veux- tu mettre des disques ?- Je
n’étais pas sure d’avoir bien entendu …J’en avais quelques-uns dans la
voiture….J’ai donc fait DJ et je ne sais pas si c’était une bonne idée… Ça a fini à
5 heures…
Ils ont dansé comme des fous… C’est rigolo les soirées comme ça totalement
improvisées… Tout le monde à la tequila rapido … Joyeux … J’ai dansé moi
aussi c’est plutôt rare, enfin je danse très souvent sur ma chaise quand j’écoute
sur l’ordi… Mais j'ai dansé comme une folle, pour au moins deux ans… ;-)

Voilà mes dernières nouvelles...

C'est toi qui le dis mais ça n'engage que toi. Ce que j'aime dans la vie, ce sont ses
surprises. Et comme l'amour est à réinventer...

Effectivement ça n’engage que moi. Et je me rends compte que j’ai oublié le e à


ex future… Un petit e comme électrifiant, énigme, élévation, éloignement, énergie,
élan, émotion, envie, étreinte, érotisme, émouvant, éphémère, éveil, éponge de
mer… Fichtre c’est sorti d’une traite… C’est rigolo je réessaierais bien avec une
autre lettre…

Tu viens d'ouvrir une porte pourquoi cherches-tu sans cesse à la fermer ?

Parce que je me connais….

On peut tout de même se laisser à un peu de tendresse non ? Et trouver ça bon ?

C’est sûr …

Je penserai à toi mais tu t'en doutes.

Comme c’est bon de le lire…

Je t'embrasse très sagement sans rien éprouver ça t'évitera de mettre en transe...


Mdr

La transe n’est pas douloureuse…Mdr

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Enfin je me lance. J’ai retrouvé une photo de moi. Je suis en corse, et il fait froid,
j’ai 3 couches de polaire sur le dos… Je viens de poser mes gants pour déguster
un morceau de chocolat et je suis prise en flag, je suis en train de dire un truc du
genre : espèce de s… !…Cette photo a un petit peu plus de 2 ans… Je n’ai pas
trop changé, pas plus de rides, les cheveux un peu plus longs, quelques kilos en
moins, voilà.

De la musique, un bateau, du chocolat finalement ça me résume bien…

Je te souhaite un bon week-end. Je t’embrasse. Célia »

Comment dire pour la photo ? Pascale eut un choc parce qu’elle l'imaginait
exactement comme cela mis à part les cheveux un peu plus longs et plus
châtains clairs. Son écriture lui avait révélé beaucoup de son physique, tel le petit
poucet elle avait semé bien des petits cailloux blancs. Physiquement elle lui
plaisait énormément. Il y avait chez Célia, comme chez Lisa, un côté
« enveloppant » et rassurant, on dirait qu’elle avait le chic pour plaire aux femmes
protectrices. Elle était heureuse de la voir dans son élément, sur ce bateau. Cela
aurait été tellement plus simple si ça avait été le contraire. L’histoire aurait prit fin
tout naturellement. Au lieu de ça, Pascale avait maintenant une image pour
fantasmer. Et elle n’allait pas s’en priver.

- 86 -
Chapitre XII

La journée de dimanche s’était écoulée tranquillement. Célia avait dû dormir une


bonne partie de la journée car elle n’eut aucune nouvelle. Elle ne s’étendit pas
trop sur la réponse, elle n’avait pas vraiment envie de commenter la soirée avec
Dominique. Célia lui en disait ce qu’elle voulait, elle allait et venait dans sa vie.
Apparemment il restait encore quelque chose entre elles mais quoi ? Couchaient-
elles encore ensemble ? Pascale préférait ne pas trop se poser la question afin
d’éviter d’avoir la réponse. Ceci dit la réciproque devait être vrai, Célia aussi
devait se poser la question à son sujet avec Lisa. Après tout, Célia n’était pas
obligée de la croire quand elle lui avait raconté qu’entre Lisa et elle il n’y avait
plus rien.

« Bonjour Célia,

Effectivement ça n’engage que moi. Et je me rends compte que j’ai oublié le e à


ex future… Un petit e comme électrifiant, énigme, élévation, éloignement,
énergie, élan, émotion, envie, étreinte, érotisme, émouvant, éphémère, éveil,
éponge de mer… Fichtre c’est sorti d’une traite… C’est rigolo je réessaierais bien
avec une autre lettre…

Lapsus révélateur le manque de e ? En oubliant le e ça laisse des perspectives


intéressantes sur le futur, tu adores vraiment les doubles sens... ;-)

Tu viens d'ouvrir une porte pourquoi cherches-tu sans cesse à la fermer ?

Parce que je me connais….

Je n'aime pas les portes battantes... Mdr

J’espère que tu auras pu te reposer.

Baisers tendres. Pascale. »

Que l’après-midi et la soirée furent longs ! Pascale ne cessait d’aller vérifier que
dans sa boite aux lettres si un message était arrivé. Rien. Pas un mot. Ce n’était
pas le genre de Célia de la laisser sans nouvelle. Que se passait-il ? Pascale
imagina tous les scénarii possible dont bien évidemment celui de la journée au lit
avec Dominique. Au moment de se coucher n’y tenant plus, elle ne put se retenir
de la provoquer. Juste pour voir comment elle y réagirait !

« Tu ne veux pas me faire un massage virtuel ce soir, j'en ai très envie ?

Je m'allonge sur le ventre en t'attendant... Pascale »

Pascale attendit une demi-heure. Et rien ! Demain une rude journée l’attendait.
Elle devait aller se coucher. Elle espérait bien avoir une explication cohérente à ce
silence inexpliqué dans sa boite le lendemain matin. Sauf que…

- 87 -
« Bonjour Célia,

C'est l'horreur ! J'aurais mieux fait de me taire hier soir avec mon histoire de
massage.

Cette nuit je me suis réveillée avec une douleur horrible dans le bas du dos, la
vraie douleur de lumbago. Je suis complètement bloquée. C'et la première fois
que ça m'arrive !

Alors évidemment comme je n'ai pas voulu tenir compte de ce que mon corps
m'envoyait comme signal, je suis partie bosser. Deux malaises vagaux dans le
train sous l'effet de la souffrance à chaque fois que j'ai dû me lever.

Là j'ai pris un petit cocktail et j'attends l'heure de l'ouverture du cabinet médical


pour aller m'y présenter.

Pur jus psychosomatique !

Je ne sais pas ce qui se passe mais maintenant je ne peux plus l'ignorer.

Des fois je ferais mieux de me taire...

Bisous du bout des lèvres, tout mouvement est un exploit... Pascale »

Ce qui se passait c’est que Pascale avait osé exprimer son désir physique. Et que
son corps avait dit non en se bloquant. Comme ça elle pouvait désirer Célia sans
pouvoir passer à l’acte. Le conflit intérieur était plus qu’actif et ça n’avait pas
échappé à Célia.

« Bonjour Pascale,

Je suis désolée de t’avoir laissé sans nouvelle mais ma connexion internet était
complètement plantée. Impossible de te joindre autrement, je me doutais que tu
serais dans tous tes états…

Alors évidemment comme je n'ai pas voulu tenir compte de ce que mon corps
m'envoyait comme signal, je suis partie bosser. Deux malaises vagaux dans le
train sous l'effet de la souffrance à chaque fois que j'ai dû me lever.

C'est bien ma jolie tu progresses... Pas contente du tout Célia...

Les douleurs sont ressenties au niveau des lombaires qui sont au nombre de cinq
et qui correspondent aux cinq principes ou plans de vie basique de chaque
individu : le couple, la famille, le travail, la maison, le pays. Quand nous avons
du mal à intégrer ou accepter des changements, le lumbago exprime notre refus
ou notre crainte non consciente de ces changements. Souvent parce qu'ils
perturbent nos repères ou habitudes et que c'est difficile de les accepter sans
« crispation ». Difficulté à accepter les remises en cause plutôt dans le domaine
familial et professionnel... Difficulté à changer de position, d'attitude
relationnelle....

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Vois si ça te parle et réfléchis à comment faire pour libérer ces tensions...

P.. si je t'avais sous la main...

Prends soin de toi ma douce et rentre chez toi... Bordel...

Je pense fort à toi et je m'inquiète...

Je t'embrasse. Célia »

En fait Pascale était rentrée chez elle, elle ne pouvait pas tenir assise sur une
chaise, c’était debout ou couchée. Sentant qu’elle aurait mieux fait de se taire, elle
envoya un mail qu’elle voulait rassurant à Célia.

« Professionnel ça me parle... En ce moment, je fais le boulot d’un collègue, le


mien n’avance pas et notre supérieur hiérarchique le soutient.

Je ne sais pas si j'ai eu une bonne idée de... t'inquiéter...

Je suis à la maison, au lit. Mon frère qui est ostéopathe doit venir me remettre sur
pied.

Tendres et doux baisers. Pascale »

Célia ne fut pas étonnée du déni de Pascale qui lui expliquait qu’elle pouvait
circuler, il n’y avait rien à voir. Aussi elle n’insista pas.

« Il faut que je file....

Je pense bien à toi et me concentre sur ton lumbago...

Bises très très tendres et si j'osais un bisou magique sur tes lombaires...

A ce soir. Célia »

Pascale sauta sur l’occasion pour dédramatiser la situation et en revenir à des


échanges plus légers.

« Bises très très tendres et si j'osais un bisou magique sur tes lombaires...

L'effet placebo chez moi ça marche très bien quand j'ai établi un bon contact avec
le soignant... ;-)

Bises très tendres également :-) Pascale »

Et contre toute attente Célia y répondit.

« Alors voilà j’ai appliqué le protocole d’urgence…

- 89 -
Enveloppement de bisous sur la zone à traiter…
Caresses ultra douces pour prolonger l’effet de chaleur…
Et beaucoup d’amour ...
A réitérer toutes les heures jusqu'à soulagement...

Bises tendres de ta thérapeute très dévouée ..;-) »

Pascale attendit son frère qui diagnostiqua une sciatique. Il lui conseilla d’aller
voir le médecin pour avoir un arrêt de travail pour la journée et si possible le
lendemain car avec les manipulations qu’il allait exercer, elle serait certainement
éprouvée. Le soulagement de Pascale ne fut pas que physique. Tout cela lui
permettait d’économiser la réflexion pourtant bien nécessaire si elle ne voulait pas
connaitre une récidive. Elle n’avait plus mal, pourquoi s’interroger sur la cause du
déclenchement. L’alibi professionnel était bien suffisant. C’était sans compter sur
Lisa qui le soir s’étonna de la voir rentrée avant elle. Quand Pascale lui servit la
même explication qu’à Célia sur l’origine de son lumbago, elle fit la moue.
Professionnellement, Pascale était à la hauteur. C’était juste une question de
temps car son collègue était sur le départ. De plus la restructuration annoncée lui
était favorable, elle savait gérer le présent malgré le surcroit de travail. Par contre
elle l’attribuerait plutôt à sa correspondance qui la dévorait littéralement. Comme
cette analyse dérangeait Pascale, elle mit fin rapidement à la discussion en partant
se préparer un bon bain chaud. Et comme un tacle ne vient jamais seul, dans sa
boite, elle y trouva le deuxième.

« Professionnel ça me parle
Je crois que tu as du ménage à faire… »

Pas signé, pas de formule de politesse. Pour être sec, c’était sec. Et salutaire.
Pascale n’avait pas le talent de Célia pour jouer les anguilles. Après toutes les
confidences déversées au fil des mails, pourquoi d’un seul coup utiliser le déni ?
Elle espérait convaincre qui avec son explication qui ne tenait pas la route. Elle
avait un conflit intérieur, qu’elle l’assume ! Au lieu de ça, elle somatisait,
tellement plus douloureux de mettre les mots en maux. Abrutie par la douleur, elle
préféra aller se coucher sans répondre. Elle verrait ça demain.

La nuit fut moyenne. Pascale se réveilla souvent. Le médecin lui avait donné une
semaine de congé, elle pourrait se remettre d’aplomb pour le travail ainsi qu’un
traitement à base de codéine et d’anti-inflammatoires pendant quinze jours.
C’était une sciatique avec compression du nerf en L4-L5. Ce qui l’étonna, c’est
que pour une première, elle soit si cognée d’emblée. Pascale qui avait une peur de
la maladie, paniqua à l’idée que la prochaine fois elle serait carrément coincée.
Elle savait qu’elle récidiverait à chaque fois qu’une crise de conscience viendrait
l’agiter. Elle pouvait toujours se retrancher derrière ses mensonges mais son corps
parlerait à sa place. Elle attendit que Lisa parte au travaille pour allumer son
ordinateur. Inutile elle aussi de l’inquiéter, elle lui avait promis de rester sagement
au lit à se reposer.

« Bonjour Célia,

Je m'allonge sur le ventre en t'attendant...

- 90 -
Je crois que tu as du ménage à faire…

Je ne devais pas penser à ce type de massage... ;-)

Bises. Pascale »

Célia devait guetter un signe de Pascale.

« Bonjour Pascale,

Je ne devais pas penser à ce type de massage... ;-)

Pour le thaï c’est sur le dos pour commencer, ça dure deux heures. Tu pensais
plutôt à un massage californien ? Avec un baume aux huiles essentielles
bouleversant l’odorat ? Avec mes mains douces n’en finissant pas de dessiner des
arabesques sur ta peau ?

J’ai dû me défendre de ça… Et pourtant …

Affectueusement. Célia »

Commencèrent alors une série d’échanges du tac au tac entre Pascale et Célia.

« Tu pensais plutôt à un massage californien ? Avec un baume aux huiles


essentielles bouleversant l’odorat ? Avec mes mains douces n’en finissant pas de
dessiner des arabesques sur ta peau ?
J’ai dû me défendre de ça….
- Je ne suis pas la seule à me défendre... ;-) Oui c'est exactement à cela que je
pensais... :-)
- J'en ai rêvé souvent... Si je suis honnête...;-)
- Et moi donc !
- Warning ………………………….
- Tant que c'est en rêve ! ;-) ;-) ;-)
- Si tu le dis…
- C'est une réalité non ?
- Je pense à toi très fort et ...
- Je m'imagine m'abandonnant sous tes doigts experts mon dos libérant enfin ses
tensions... Que c'est boooooooooooooooon !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
- Je t'imagine t'abandonnant ... Et je déraille...
- Tu le colles à la place des points de suspension et tu as ta réponse...
- I beg your pardon ?
- Je pense à toi très fort et je m'imagine m'abandonnant... Je déraille...
- J'en frémis, un super massage plein de tendres baisers et mes mains qui
découvrent ton corps avec une envie dingue.... Et ton dos, ça va comment ?
- La douleur a disparu, ça va mieux ce matin. Les effets de la recette magique ! ;-)
- En tous cas je l'ai fait de tout mon cœur...;-)
- J'ai senti... :-)
- Voilà une bonne nouvelle...;-) Mais il ne faut pas arrêter les bisous magiques
trop vite... Mdr...

- 91 -
- J'ai continué à les appliquer toutes les heures... :-)
- C'est tout à fait çà... Et pendant un moment encore... J'en profite...;-)
- Au départ j'ai même fait tous les quarts d'heure tant ça me lançait... C'est grave
si je n'ai pas respecté la dose prescrite ? ;-)
- Non tu peux en abuser vraiment ....
- C'est normal alors que ça me donne de drôles d'envie ? Mdr
- Du genre ?
- Plus j'en ai plus j'en veux... ;-)
- Je connais ça ... Avec toi...
- C'est une envie réciproque et partagée ? ;-)
- Qu'en penses-tu ?
- Je ne pense plus à cet instant, je suis dans une autre dimension... ;-) Allez, file tu
vas être en retard... ;-)
- J'ai beaucoup de mal, surtout si je sais que tu es là …
- Attention à l'heure, ne soit pas en retard...
- Encore 2 minutes et je pars en footing... Ça me remettra les idées d'aplomb mais
je ne suis pas bien sûre...
- T'as le bain de siège glacé aussi c'est très efficace ! Mdr. Lisa me propose
souvent d'aller faire un tour sur la banquise aussi...
- Finalement je reste comme ça ... Dominique aussi en d'autres termes...
- Ce n'est pas désagréable de rester ainsi... ;-)
- Plutôt tonique le matin...
- Des réveils comme je les aime !!!!
- Cette fois c'est la der... Je file... Je t'embrasse fort et encore pardon, je n'ai de
nouveau pas fait exprès de frôler tes lèvres...
- Que c'est bon... Allez file... Et que j'envie tes patients ce matin...
- J'habite en ville... Là je pars sans sac, les mains dans les poches et je cours le
plus vite que je peux. Bises ma douce.
- Allez file !
- J’ai envie de t’embrasser.
- Ah oui ? Et comment le baiser ?
- Long et interminable.
- Et où ça le baiser ? Quel genre ? ;-) Parce que tu sais j'adore ça, embrasser ...
- Au point ou j'en suis je peux bien te le dire... Très sobrement sur les lèvres pour
commencer, avec mes mains dans ta nuque au creux des petits cheveux que j'aime
tant...
- Huuuuuuuuuuuuummmmm !!!!!!!!!!!! Que j'aime ça !
- Là faut vraiment que je file. J’ai de la glue sous les chaussures. Je suis à la
masse. Je dois y aller…
- Bonne journée ma belle ! »

Pascale passa sa journée à somnoler. La fatigue accumulée et la douleur eurent


raison d’elle. Elle se réveilla vaseuse. Elle n’avait pas trop envie de se mettre sur
sa messagerie. Elle resta au lit jusqu’au retour de Lisa. Il fallut attendre la fin du
diner pour qu’un peu d’énergie lui revienne. Et bien entendu elle la mit à profit
pour consulter ses mails. C’était une invitation à une discussion virtuelle sur sa
messagerie instantanée.

« Je peux t’embrasser Pascale ?


- Ouuuuuuuuuuuiiiiiii !!! Et où veux-tu m'embrasser ?

- 92 -
- Absolument partout ...
- Partout ?
- J'en ai bien peur...;-)
- Avec Lisa à côté j'ai ma sciatique qui me lance... :-)
- Désolée, je ne le ferai plus ... A faire plusieurs fois bien sur !
- C'est comme les bisous magiques ? ;-)
- Les bisous magiques j'en ai fait beaucoup mais sans succès... Pourtant je
continue....
- Tu me considères comme un échec ? Mdr
- Pas du tout, je vis une nouvelle expérience, comme tout début il y a des
modifications à apporter... Je persévère...
- Que souhaiterais-tu modifier ? Ou ne pas modifier ?
- Les bisous je crois que ça va.... Mais je me perfectionne.
- Oui pour l'instant on n'a pas encore tout expérimenté ! Mdr
- Les massages peut être, plus, plus,...
- Oui, oui, oui, oui !!!!!!!!!!!!!!!
- Je voudrais te donner une adresse pour que tu consultes. C’est du shiatsu mais
aussi de la psychologie corporelle appliquée, ça tape sur les deux niveaux...
- Fallait le dire ! ;-) Je ne suis pas hermétique à la psy si c’est ce que tu crains.
- Je ne voulais pas te brusquer ou m'aventurer trop loin sur tes terres, c'est très
perso, c'est ton cheminement, chacun sa vitesse...
- J'ai été claire avec toi sur le sujet. C'est juste que je ne pensais pas être aussi
mal...
- Il te fallait le réaliser ....
- Faudra aussi que je te parle fidélité... :-)
- Ça m'intéresse...
- Mon conflit inconscient il est là aussi, j'ai l'impression de faire un petit dans le
dos de Lisa. Elle me fait confiance, elle est là à côté, elle m'encourage à t'écrire.
J'ai le sentiment de la tromper alors qu'il n'en est rien mais je ne sais pourquoi
chez moi ça coince !
- J'ai la même sensation sauf que Dominique ne m'encourage pas à t'écrire
puisqu'elle ignore ton existence... J'ai une forte culpabilité et pourtant je vis
pleinement ce qui m'arrive et je trouve ça bon... Je te disais l'autre jour huit ans
de vie commune et 34 jours de correspondance.... J'ai une forte culpabilité et
beaucoup de mal à renoncer à cette relation qui m'emporte malgré moi... La vie
est long fleuve tranquille n'est ce pas ?
- J’ai une forte culpabilité. On peut dire ça comme ça ! Je sais jusqu'où je peux
aller avec toi. L'idéal pour moi serait d'avoir une relation « assez intime » qui me
permette de lui rester fidèle. Penses-tu que nous pourrons y arriver ?
- Quelle est ta notion de « assez intime » ?
- Que mes sentiments ne soient pas amoureux. On peut avoir une amitié poussée...
On s'arrête au seuil de la relation purement sexuelle... Un flirt poussé...
- Alors je crois que nous allons avoir des problèmes. Pas très compatible chez
moi, l'un sans l'autre....
- Explique-moi !
- Je n'ai jamais envie de quelqu'une qui ne m'aie pas fait chavirer... Je n'ai pas
envie d'une brune ou d'une blonde seulement parce qu'elle est bien gaulée... J'ai
envie d'une relation quand je suis... Appelle ça comme tu veux...
- Ne me dis pas que tu es amoureuse ?
- Je ne te le dis pas ...;-)

- 93 -
- J'ai besoin de le savoir.
- Je pense que tu le sais déjà.
- Et tu t'étonnes que j'aie une sciatique ! ;-) Que ne t'avais-je écrit au début de
notre relation ? Je suis obligée d'arrêter, je dois prendre mon traitement et il va
m’abrutir. Nous en reparlerons ma belle ! Je t'embrasse très tendrement, douce et
bonne nuit...
- Bonne nuit à toi !
- Triste ?
- Lucide.
- Tu sais où ça risque de nous entraîner toi et moi...
- Très bien. »

Célia éclata en sanglots derrière son écran. Oui elle était amoureuse de Pascale.
Elle la savait en couple et comprenait qu’elle n’était pas prête de quitter Lisa
même si elle s’ennuyait avec. Elle se demandait comment elle pouvait faire pour
rester avec elle. Pourtant Célia refusait de renoncer à Pascale. Elle l’avait attendue
depuis si longtemps. Elle mit du temps à se calmer. Elle éprouva le besoin de
s’expliquer.

« Je pense que tu le sais déjà.


Et tu t'étonnes que j'aie une sciatique ! ;-) Que ne t'avais-je écrit au début de notre
relation ?

Oui je sais ... C’est beau tout ça … Mais ce sont des mots… Je pensais les
mêmes… Des mots du genre je contrôle tout ce qui m’arrive… Je le découvre…
J’ai été très faible ou très touchée par les tiens… Je t’ai parlé de cette force, c’est
le premier mot qui me vient, qui m’a poussé à t’écrire… J’ai tergiversé un
moment parce que ça m’a fait peur…. Comme si en ne le faisant pas je passais à
côté de quelque chose de grand… Et pourtant …. J’ai écrit, je n’ai plus de
chocolat merci pour la lecture… Pas franchement intime ou puissant…On écrit
des trucs plus trash sur l’internet n’est ce pas ?

Et au fil de nos mails nous avons fait connaissance….


Que veux tu que je te dise ? ...J’ai découvert les choses à mesure où elles
m’arrivaient….
Oui tu me troubles, oui tu me plais, oui j’aurais aimé faire un bout de chemin avec
toi….
Oui j’aurais aimé te rencontrer avant quand toi et moi aurions été disponibles…
Mais que veux tu, ta sensibilité a percuté la mienne, avant, après, mon cœur ne
fait pas la différence… C’est une sensibilité voilà tout …

Et je suis très consciente que ce n’est pas ma première expérience virtuelle qui me
trouble… Mais bien toi…

Je veille suffisamment la nuit pour pouvoir m’éclater, délirer, fantasmer, je ne


suis pas niaise et trouverais des tas de sites … Ça ne m’a jamais branché…. Et
pourtant sexuellement parlant je suis assez comment dire…. J’adore faire l’amour
à celle que j’aime, à chaque instant… .C’est sûrement ça mon problème… Qu’à
celle que j’aime…

- 94 -
Alors pas de délires….Je suis sure que j’aurais pu correspondre avec des tas de
filles… Il y en a des rigolotes sur les forums que je visite, des qui cherchent un
morceau ou un album, j’ai souvent la réponse… Je ne la transmets pas… Va
savoir pourquoi… Certaines m’ont fait beaucoup rire et j’adore rire… Mais non
….Pas envie d’écrire…C’est idiot pourtant d’écrire par exemple : ce que tu
cherches se trouve sur l’album 5 de Ben Harper… Plutôt sauvage Célia…

Toi je ne sais pas… La vague Pascale c’est dépassé… Météorologiquement


parlant nous en serions plutôt à El Niño (l’enfant Jésus en espagnol, je n’ai pas
trop le cœur mais ça me fait rire…) Et El Niño est terrible… Il a surpris tout le
monde… Y compris les plus grands scientifiques… Bouleversements de climat,
modification de la faune et la flore….Bref le truc qui décalque…

Il fallait bien qu’à un moment on aborde le sujet, c’est ce soir, et que moi aussi
j’accepte cette idée…

Je ne t’ai pas parlé des mes tensions, douleurs, au majeur et au genou droit. Peut
être parce qu’elles sont trop parlantes justement…Et je les découvre avec toi…

Tu sais que je ne crois pas au hasard…. Seulement à des énergies mises en route
et qui se rencontrent quand elles doivent… C’est souvent le décalage dans le
temps qui nous fait croire au hasard…

Et en ce qui nous concerne ça ne m’arrange pas de croire en ça … Je m’en


défends d’où mes tensions…

Les tiennes ne sont pas mal non plus …

Heureusement que je n’écris pas à l’encre, ce serait illisible…

Rassures toi je n’attends rien, je ressens voilà tout…

Et quand je dis que je suis lucide, c’est très vrai… J’ai bonne conscience de la
situation…

Tu as dis : explique-moi …

Voilà…

Très bonne journée à toi douce Pascale

Je t’embrasse tendrement. Célia »

Maintenant que les choses étaient dites des deux côtés, restait à savoir ce qu’elles
décideraient !

- 95 -
Chapitre XIII

En découvrant le message de Célia, Pascale ressentit un serrement au cœur. Elle


percevait sa détresse à travers sa déclaration d’amour. Elle avait hâte que Célia se
connecte sur sa messagerie instantanée. Elle n’eut pas longtemps à attendre.

« Bonjour Célia. Sache que pour toi j'ai aussi de profonds sentiments… Tu ne vas
pas t'excuser d'être humaine… Une fois de plus la petite éponge aura tout
absorbé...
- Bonjour Pascale. Non je ne m’excuse pas.
- Avant, après... Tu as tout dit. Notre histoire c'est juste une question de timing...
J'aime profondément Lisa et je n'ai aucune raison de la quitter... J'aimerais
t'aimer différemment d'elle, te donner une place dans ma vie et dans mon cœur qui
ne soit pas en rivalité avec ce que j'éprouve pour elle. Je suis très fidèle en amour
comme en amitié. Pour ma part, j'estime avec toi ne pas avoir encore franchi la
ligne jaune en matière d'adultère. Ce que je vis avec toi est une amitié
particulière. A t'avoir lue hier il me semble que cela ne te convienne pas, du
moins pas comme je l'entends. Je trouvais que c'était un compromis raisonnable
étant donné la réalité de nos deux vies et de nos deux amours respectifs.
J'aimerais bien qu'on réfléchisse ensemble à cela...
- Je n'ai pas dit que ça ne me convenait pas, je répondais seulement à une de tes
questions. Rassure-toi je n’attends rien, je ressens voilà tout…
- C'est bien pour cela que tu es tombée amoureuse… C'est aussi pour cela que je
me suis laissée surprendre parce que j'étais dans un état d'esprit plus intellectuel
et plus ludique. J'accepte que mes émotions me débordent mais pour autant nous
ne sommes pas seules au monde et la réalité est là pour nous rappeler à l'ordre...
- Pourquoi dit-on toujours : tomber amoureuse... Il s'agit vraiment d'une chute ?
- Sans doute parce que le sentiment amoureux est aussi un sentiment douloureux.
Tu es bien toi ? Parce que si ça me plonge dans un abîme délicieux par ailleurs je
souffre également...
- Quand je sors de l'abime délicieux, oui je souffre !
- Alors tu es tombée amoureuse ;-)
- Oui. J'ai dit relation sexuelle sans amour difficile pour moi, jamais arrivé
d'ailleurs...
- Avec Capucine, c'était sans amour... On appelle ça de la baise... Pour être
vulgaire... C'est bien pour cela que je tentais un compromis pour les sentiments
comme pour le sexuel... Qu'est-ce qu'on appelle relation sexuelle entre femmes ?
- Ça t’a pourtant fait souffrir…
- Pas le sexe sans amour... D'avoir été manipulée et prise pour ce que je n'étais
pas : une bi. J'assume mon homosexualité même si cela a été douloureux de
l'admettre...
- Si tu me voyais, je pleure comme une madeleine devant mon écran.
- Tu pleures ma douce ?
- Sur un bonheur ancien, perdu…
- Lequel ?
- Avant, après, le timing…
- J’ai une furieuse envie de faire l’amour avec toi.
- Moi aussi. Mais je suis amoureuse.
- C'est bien pour ça que je vais m'en débrouiller toute seule... ;-)

- 96 -
- Je n’en peux plus de te désirer, ça me déchire le ventre. Je censure aussi toutes
les pensées qui me traversent l’esprit. Je dois aller bosser. Prends soin de toi ma
belle.
- Bonne journée. Je t’embrasse tendrement. »

Pascale resta un moment devant son écran. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Elle ne
connaissait pas Célia, elle ne l’avait jamais vue. Mais elle la désirait. Et le lui
écrivait crument. Elle n’en revenait pas de son audace. Elle commençait à aller
mieux. Elle ressentait encore des flammèches dans le dos mais rien à voir avec
l’autre jour. La manipulation et le traitement faisaient effet. En fait elle aurait pu
se passer du traitement médicamenteux, le repos au lit aurait suffi. Mais elle
recherchait l’effet sédatif des antalgiques. Tout allait trop vite dans sa tête, son
corps. Elle avait besoin que ça ralentisse, que ça se calme. Elle choisit de se
recoucher et de dormir un peu. Elle n’avait ni envie de lire, ni de regarder la télé.
En fait elle n’avait qu’une envie, penser à Célia. Elle s’endormit paisiblement, elle
s’était mise sur le côté, avait replié les jambes, c’était la seule position acceptable
sinon une décharge électrique la rappelait à l’ordre. Elle dormait depuis deux
heures quand une douce chaleur entre les cuisses la réveilla, une tension agréable
qu’elle ne connaissait pas. Spontanément, elle mit sa main. Son sexe était gonflé,
trempé. L’effleurement suffit à déclencher une onde de plaisir. Jamais de sa vie
elle ne s’était retrouvée dans un tel état d’excitation. C’était délicieux. Pascale se
mit péniblement sur le dos, cala bien ses oreillers. Son index commença un lent va
et vient. Une chaleur diffuse envahit ses lombaires, les tensions se relâchaient.
Elle se mit à fantasmer. Elle imaginait Célia nue, la poitrine offerte. Elle
embrassait ses seins, les pointes se dressaient. Cela suffit à la faire jouir tant elle
était excitée. Mais pour autant cela ne fit pas retomber la tension sexuelle. Elle en
avait toujours autant envie. Elle attendit quelques minutes et recommença en
prenant soin de faire durer. Elle changeait le rythme et quand elle sentait qu’elle
allait jouir, se retenait. Elle s’imaginait faisant l’amour à Célia. Que c’était bon !
Depuis combien de temps n’avait-elle pas fait ça ? Des mois ? Des années ? Avec
Lisa, depuis déjà deux ans qu’elle n’avait plus fait l’amour si elle ne comptait pas
ce dimanche étonnant. Comment avait-elle pu s’en passer ? Elle se le demandait.
Au troisième orgasme, elle s’endormit. Quand elle se réveilla, ses douleurs
avaient disparu. Elle fit néanmoins attention de ne pas sauter du lit. Elle se dit
qu’elle devrait recommencer quand Lisa ne serait pas là. C’est sûr que la relation
avec Célia avait réveillé en elle des désirs enfouis. Si Lisa y avait renoncé,
apparemment pas Pascale.

L’après-midi passa à toute vitesse. Lisa rentra du travail et se réjouit de voir


l’amélioration de Pascale. Un collègue lui avait prêté un dvd et elle avait promis
de lui rendre le lendemain. Elle proposa à Pascale de le regarder avec elle. C’est
ainsi qu’arriva l’heure de diner et Lisa, fatiguée, partit se coucher sitôt le repas
avalé. Depuis trois jours, elle dormait mal à cause de Pascale. Elle était soucieuse
de sa santé. Elle savait aussi que la relation avec Célia la perturbait. Tant que ça
restait virtuel, elle ne courrait aucun danger. La sciatique lui indiqua que Pascale
n’était pas prête de la quitter. Lisa avait choisi de ne pas se projeter et de vivre au
jour le jour. Elle aviserait le moment venu.

Pascale qui avait dormi une bonne partie de la journée n’était pas fatiguée du tout.
Elle en profita pour se connecter et discuter avec Célia.

- 97 -
« Coucou Pascale ! Ça va comment ?
- Ça va mieux. J’ai dormi une bonne partie de la journée.
- Juste dormi ?
- En fait j’ai fermé les yeux et je me suis laissé aller. J'ai repensé à nos échanges,
je n'en pouvais plus de te désirer comme cela. Cela me déchirait le ventre...Je
préfère ne pas raconter le reste de mes pensées... censure@#'@'#~@
- Quel dommage que tu ne me racontes pas.
- Pour que tu sois dans le même état indescriptible ? ;-)
- Oui.
- Je t'ai fait l'amour...
-
Wahouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu
uuuuuuuuu
Tu m'en dis un peu plus ? S'il te plait !
- Un peu plus tard si tu veux.
- Tu sais ça m'est déjà arrivé de m'imaginer te faire l'amour tellement tendrement,
des heures... A te découvrir...
- Pour moi c'était la première fois...
- Alors il faut faire un vœu ... Mdr. Et c'était comment comme première fois ?
- Comme toutes les premières fois, belle et émouvante, sensuelle et délicieuse, un
ravissement... Une jouissance indescriptible... ;-)
- Tu veux me faire mourir ? Oui tu as raison c'est moi qui demande... Moi c'était
pareil mais je n'en n'ai pas abusé tu sais...
- Je peux t'en parler tout à l'heure je suis au bord de l'orgasme... ;-)
- Désolée :-)
- Je me demande comment je vais tenir... ;-)
- Respire !
- Je serre les jambes pour l'instant... ;-)
- Je connais ça … Mdr
- Et alors ça te fait quel effet ? ;-)
- Je suis également au bord de l’orgasme…
- Cela dit je ne vais pas tenir longtemps, je sens que...
- Que quoi ?
- Que je vais jouir... Un mot de toi et je fonds... :-)
- Ma belle, si tu savais où je t'embrasse avec une envie folle ...
- Je jouis :-)
- Moi aussi… Trop bon ma belle, merci !
- Y avait longtemps ?
- Que quoi ?
- Tu n’avais pas joui comme ça ?
- Franchement : OUI et je ne hurle pas ... Tu me fais trop d'effet... Et toi ?
- Je ne hurle pas non plus sinon je vais réveiller Lisa. Je ne pensais pas avant de
te rencontrer aller jouir ailleurs.
- Je suis dans tous mes états.
- Attends le téléphone sonne je vais répondre, je ne veux pas que ça réveille Lisa.
- Vas-y ma belle je t’attends. »

Célia patienta une vingtaine de minutes. Quand elle vit la fenêtre apparaitre, elle
sut que Pascale était de retour.

- 98 -
« Coucou tu es là ?
- Oui.
- Je viens d’avoir une explication avec Lisa. Elle a lu nos échanges pendant que je
répondais au téléphone, un faux numéro en plus !!!
- Aïe.
- Comme tu dis.
- Ça va ? Tu veux que j’arrête de t’écrire ?
- Crevons l’abcès jusqu’au bout !
- C’est-à-dire ?
- Au stade où j’en suis ce soir, autant que les choses soient posées à plat !
- Et bien !
- Elle a mal pris d’apprendre comme ça notre relation. Remarque elle s’en
doutait parce qu’elle m’a dit texto : ta sciatique c’est parce que tu as le cul entre
deux chaises entre elle et moi ?
- Pascale, je suis bien consternée derrière mon écran et j’en suis bien désolée de
ce qu’il vous arrive. Je ne trouve pas les mots.
- J’assume mes conneries, personne ne m’a poussée à les faire.
- Moi peut-être ?
- Non, pour faire des conneries je suis assez grande pour les faire toute seule...
Elle m'a aussi dit qu'elle ne voulait pas faire ménage à trois et qu'elle voulait
continuer à me faire confiance. C'est d'être passée pour une conne qui lui a déplu.
Elle en a été blessée et m'a montré sa souffrance.
- Alors nous allons en rester là, qu'en penses-tu ? Ça m'est assez intolérable de
vous savoir mal, alors que je me suis bien protégée...
- Je n'ai pas caché que je ne pouvais pas me protéger ni que j'étais amoureuse de
Lisa. Notre couple est très solide tu sais, je n'ai jamais été tentée par l'adultère et
Lisa m'a donné un joker ce soir... ;-)
- Que veux-tu que l’on fasse Pascale ?
- Je n’en sais rien !
- Tu veux faire un break ?
- A cette heure-ci je suis incapable de raisonner correctement... J’ai pleuré
comme une madeleine à l'idée d'avoir fait souffrir Lisa ?
- Et qu’a fait Lisa ?
- Elle m’a consolée ! Lisa n'est pas idiote. Elle sait que si j'ai fait une pareille
connerie c'est que quelque part je ne vais pas bien... Pour elle je traverse une
période difficile.
- Je vais vous laisser les filles .... Ça parait bien... Je suis vraiment désolée et je
dirais bien à Lisa ce qu'il m'arrive et que moi aussi je vis en couple.
- Lisa est retournée se coucher et nous ne sommes pas du genre à nous consoler
sur l'oreiller... :-)
- Tu veux parler un peu ?
- Oui.
- Je t'écoute Pascale ... De tout mon cœur ... Je viens de faire apparaitre ta photo
et je pleure comme une madeleine aussi.
- Il est clair que je me suis arrangée inconsciemment pour qu'elle le sache...
- Trop belle journée. Ça se paye on dirait !
- J'ai failli foutre mon couple en l'air ce soir... Lisa n'a pas craché le morceau tout
de suite elle a su me culpabiliser en me faisant la tête et en s'arrangeant pour que
je sache qu'elle savait...

- 99 -
- Tu sais depuis quelques jours Dominique me dit qu’elle vit très mal nos
séparations. Je me suis sentie minable de ne rien trouver à lui répondre.
- Nous ne nous sommes pas rencontrées par hasard. Tu sais, j'en souffre que Lisa
ne me sollicite pas sexuellement. Elle a entendu le message, elle me fait confiance,
c'est pourquoi elle a passé l'éponge. Je ne crois pas qu'on doive se sentir
minables. Nous avons simplement voulu exister pour nous-mêmes...
- J’aurais pu écrire cela. C'est vrai parce que tu sais en huit ans j'ai beaucoup
donné et je sais que je me suis oubliée... C'est tout ça qui cognait à ma porte
quand je t'ai rencontrée...
- Je n'ai pas envie d'arrêter avec toi et j'ai toujours autant envie de toi, c'est ça
qui me met le plus mal...
- Moi aussi ma douce et je ne sais pas ce que nous allons faire...
- Fais moi l'amour tout de suite maintenant j'en ai envie... Pour ce soir nous
avons eu notre dose de larmes. Caresse moi, embrasse moi, j'ai envie de ton
corps, de tes baisers....
- Ça me perturbe de savoir que tu n’es pas seule.
- Le joker c'est pour la soirée et toutes les frustrations sexuelles qu’elle m’a
imposées. Fais-moi l'amour je n'en peux plus de t'attendre... J’ai envie de jouir
sous ta langue.
- Je t'embrasse ma douce en caressant doucement tes épaules, j'aime glisser le
long de ta colonne et emplir la réserve de bisous magiques... En fait je découvre
ton corps en l'embrassant du bout des lèvres et de la langue.... Jusqu’à venir te
découvrir mieux dans toute ton intimité que je goûte tendrement…
- Je m'abandonne sous tes caresses en gémissant doucement...
- Si tu savais comme j'aime faire jouir avec ma langue...Un bonheur, un délice
toute ma nuit avec toi...
- Je laisse ta langue aller et venir, une douce chaleur m'envahit le bas du ventre,
une onde de plaisir me caresse les reins... Je suis au bord de l'orgasme tellement
je suis excitée...
- Je sens ton clitoris frémir sous ma langue et tes seins tous dressés recherchent
ma main...
- Je me caresse en pensant à toi, je vais jouir...
- Jouis sous ma langue ma belle…
- J'ai le clitoris tout gonflé, je suis mouillée....
- Ça j'adore ma belle, je te lape si tendrement …
- Je jouis…
- Je suis dans la 1033 ème dimension.
- Je suis dans un ailleurs.
- Ce que j'aime quand tu as jouis c'est laisser ma tête sur ton ventre et caresser tes
hanches et tes fesses, en humant encore la trace de ton excitation.
- On est faites pour s'entendre... :-)
- Ça va ma belle ?
- Oui. Ça a fait tomber brutalement les tensions de la journée... Je regrette de ne
pouvoir te serrer dans mes bras...
- Moi aussi si tu savais... J'adorerais prendre ta tête dans mes mains, caresser tes
cheveux... Et t'embrasser.
- Et toi ? Ça va ?
- Ça va ma douce je suis satellisée... Et ne m'en veux pas mais je suis de plus en
plus amoureuse...
- On va éviter le sujet pour ce soir... ;-)

- 100 -
- Oui.
- Je suis de nouveau en train de pleurer... Avec tout le plaisir que tu viens de me
donner je sais que toi et moi ça aurait marché...
- J'ai pleuré la nuit dernière pour ça ... Je bois tes larmes ma douce.
- Je m’en doutais…
- Comment ça ?
- J'ai cette faculté de ressentir si bien les choses que ce soir c'est moi qui les
éprouve à mon tour...
- Et tu en penses quoi de cette sensation ma douce ?
- C'est douloureux d'en avoir une conscience aussi aigue...
- Oui et j'ai l'impression de l'avoir toujours su, depuis le début, ex future femme
de ma vie...
- Que tu as dû souffrir…
- Oui mais qu'est ce que je t'ai aimée ... Aimes-tu quand je t'embrasse comme ça
doucement derrière l'oreille alors que mes mains sont sur ton ventre et que je suis
derrière toi à embrasser ensuite ta nuque ? Mais tout doucement sans me presser
parce que je sais que tu viens de jouir, et que je veux tendrement que l'envie de
moi te reprenne...
- J'adore... J'ai envie qu'on se quitte sur ce baiser, je suis en train de m'endormir
dans tes bras...
- Dors ma belle, je ne t’oublie pas !
- Je t'embrasse très tendrement dans le cou en me lovant contre ton épaule au
contact de tes seins...
- Je m’endors en rêvant de toi ma douce.
- Je suis bien dans tes bras. A demain.
- A demain ma belle, je suis bien moi aussi ! »

Pascale s’écroula comme une masse à peine l’ordinateur éteint. La douleur, la


jouissance, la levée d’inhibition, l’avaient plongée dans un marasme total. Deux
heures plus tard, elle était réveillée. Elle prenait conscience de ses actes. Lisa d’un
côté à qui elle avait menti et qui avait fini par savoir la vérité d’une manière
brutale et Célia, qui était de plus en plus amoureuse et qui n’allait pas vouloir en
rester là. Pascale devait faire un choix et elle en était bien incapable. Elle n’avait
pas cherché ce qui lui arrivait. Cette correspondance aurait dû rester superficielle.
Comment avait-elle pu déraper à ce point ? L’accumulation de frustrations ne
pouvait pas tout justifier. Elle aimait Lisa, elle avait construit sa vie avec et ne
comptait pas la quitter. Elle était attachée à Célia, elle l’aimait mais pas du même
amour que Lisa. C’est plus de l’ordre de la passion, du désir à l’état brut. Elle était
dans la pulsion, elle ne se projetait absolument pas dans l’avenir avec elle. Pour ça
il faudrait qu’elle la rencontre. Tant qu’elle restait dans le virtuel, elle n’aurait pas
à trancher. Mais elle savait que tôt ou tard la réalité prendrait le dessus et qu’elles
se verraient. Elle eut du mal à se rendormir. Elle luttait pour ne pas s’effondrer.
Foutu timing…

La petite goutte de pluie avait fait place à l’orage. Et Pascale ne savait pas
comment se mettre à l’abri.

- 101 -
Chapitre XIV

Pascale se sentait mal. Elle devait le faire savoir à Célia.

« Bonjour Célia,

Impossible d'émerger ce matin, je me sens hyper mal à l'intérieur, j'ai à peine


dormi... Je pleure par vagues, heureusement que Lisa ne revient du boulot que ce
soir...

Je ne me reconnais plus. Pourquoi t'ai-je mis en danger hier, mon couple, le


tien ? Je n'avais aucune raison rationnelle de le faire sauf à tout détruire autour
de moi...

Ma sciatique, c'est encore pire que les derniers jours. Je suis en train de me
demander si je ne suis pas en train de faire une dépression... Hier soir, toi et moi
ça a été de l'ordre du passage à l'acte... Suicidaire pour moi...

Je ne vais pas tenir longtemps dans cet état et je ne veux pas entraîner tout le
monde dans ma souffrance...

Lisa hier soir m'a dit en parlant de toi : « Tu t'attaches à elle et tu m'aimes, sauf à
faire ménage à trois, tu ne trouveras aucune solution acceptable pour toi. Mais
sans moi ! »

En partant ce matin Lisa m'a laissé un petit mot. Elle me pardonne pour hier soir
et tire un trait sur ce que j'ai fait avec toi. Elle sait que je ne suis pas ainsi, c'est la
première fois que je suis dans un tel état de confusion émotionnelle. Elle
m'accorde encore toute sa confiance. Elle est inquiète pour ma santé et me
demande de reprendre rendez-vous avec le généraliste.

Et toi comment tu vas ma douce ?

Je pense à toi si tu savais...

Je t’embrasse tendrement. Pascale »

Elle laissa sa messagerie instantanée ouverte. Célia ne tarda pas à se connecter.

« Bonjour Pascale. Ça va si mal que ça ?


- Oui.
- Tu as beaucoup de choses à mettre dehors ma douce, moi y compris.
- Hier j’ai été d’un égoïsme fini avec toi.
- Ne t’inquiète pas pour moi, je t’ai prise comme tu es et j’aime ça. Si j’avais su
que ça te mettrait dans un tel état je me serais abstenue.
- Abstenue de quoi ?
- De répondre à ta demande hier soir.

- 102 -
- De toute façon il fallait qu'on le fasse. Je regrette seulement de ne pas t'avoir
rendu la pareille et de m'être laissée aller à mon plaisir sans t'en donner. Mais en
même temps j'étais tellement mal...
- Te faire l'amour a été un orgasme total pour moi. Tu m'as donné bien du
plaisir !
- Je suis très active habituellement, je prends toutes les initiatives, là j'ai été d'une
passivité... d'une féminité... totale...
- Ça te déplait ?
- Non au contraire, c'est que j'attendais depuis toujours... Voilà pourquoi je
déprime...
- Je suis dingue ou inconsciente mais j'ai très envie de toi, de te faire l'amour
- Ni l’un, ni l’autre tu es amoureuse.
- Oui amoureuse.
- Là j’ai froid et je tremble comme une feuille.
- Tu trembles de quoi ?
- De malaise.
- Quel genre ?
- Méga souffrance de te savoir mal, d'être si loin, de connaitre notre situation, de
me laisser comme ça submerger par toi ma douce, de savoir que Lisa va rentrer et
que je te quitte...Va falloir qu’on apprenne à gérer dans le secret.
- Pas bon pour le corps ma belle.
- Je sais.
- De ma vie je n'ai jamais tremblé comme ça, je n'arrive pas à me calmer.
- Tu sais à quoi on reconnait l'amour ? Ça dévaste tout sur son passage...
- Je le sentais venir. La vague Pascale d'abord, puis le tsunami, et maintenant El
Niño qui fait des ravages sur 8000 km dans le Pacifique...
- Comme tu dis.
- Tu sais ce matin avant d’allumer mon ordinateur, j’ai pensé que tu avais discuté
avec Lisa et que tu ne m’écrirais plus.
- Je ne suis pas comme ça et je n'utilise pas les gens à mes fins personnelles... Je
voudrais trouver une solution pour nous trois...
- J’ai bien peur qu’il n’y en ait pas. Et nous sommes quatre !
- Je vais être obligée de te laisser, je vais aller me reposer car la douleur est trop
vive... Ne soyons pas pessimistes. Laissons les choses en l'état pour l'instant, j'ai
dit nous trois car Dominique n'a pas été mise devant le fait accompli comme Lisa.
Je t'embrasse tendrement. J’essaierai de me connecter dans une heure mais là, je
dois aller m’allonger. Tu seras là ?
- Oui ce matin je commence à 10 heures. Repose-toi bien ma belle. Tu me
manques déjà. »

Pascale ne réussit pas à dormir mais la position dans le lit fut antalgique. Cela lui
fit le plus grand bien. Comme promis, elle se connecta, Célia l’attendait.

« Le calme est revenu en moi. Ce qui s'est passé hier soir n'a pas altéré ma
relation avec Lisa, elle a je crois assez de finesse et d'intelligence pour gérer ce
qui vient d'arriver... C'est très douloureux de ne jamais être désirée physiquement
par la femme qu'on aime. Hier soir je me suis retrouvée face à mon désir depuis
trop d'années refoulé. J'ai dérapé avec toi parce que je n'en pouvais plus de me
contenir. Je ne sais pas ce que nous allons devenir toi et moi, quelle relation peut
être viable. Sache que je suis très attachée à toi, que je n'ai pas envie de te perdre.

- 103 -
Mais en même temps je suis lucide sur la réalité... C'est un peu décousu et confus,
je suis désolée...
- J’aurais pu écrire ces lignes. Je n'ai pas bougé d'un pouce depuis tout à l'heure
et je tremble toujours autant... J'ai beau me frotter les avants bras les jambes
comme les secouristes, rien n'y fait...
- Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
- Rien Pascale.
- Je ne crois pas aux hasards, moi non plus... J'ai envie de vivre dans le présent et
« l'intemporalité » de cette relation. J'ai éprouvé hier soir une jouissance
inconnue, je pense que nous pouvons nous donner énormément même sans
nous « voir ». J'ai envie de continuer à faire l'amour avec toi et préserver notre
relation de l'extérieur. Est-ce possible pour toi ?
- En fait je crois que pour toi je suis prête à tout... Je viens à peine de te trouver,
je n'ai pas envie de te perdre.
- Tu es encore en train de t'oublier et ça je ne le veux pas. Mon égoïsme d'hier
soir m'a énormément culpabilisée...
- Tu as tort parce que j’ai vécu un grand moment.
- Tu me rassures j'espère que nous en aurons d'autres... ;-) De toute façon les
choses vont se mettre en place petit à petit. Les changements que nous allons
apporter dans nos couples respectifs vont nous amener à gérer une crise. Soit ça
passe soit ça casse… A nous de trouver un équilibre, le bon... L’idéal serait de
mener de front nos deux relations.
- Réelle ou virtuelle ?
- Les deux sont intimement liées et le virtuel a une certaine réalité.
- Je vais parler à Dominique ce soir si elle vient.
- Ce n’est pas un peu tôt ?
- Seulement que je ne trouve pas ça juste.
- Pour l'instant l'ouragan il n'est que dans notre tête, dans la réalité le calme
règne encore... Que Lisa sache m'a mise encore plus mal que quand elle
l'ignorait. La notion de transparence est une fumisterie... :-( J'aurais dû garder
mon jardin secret...
- Tu vois en quelque sorte c'est toujours ce que j'ai essayé de te dire.
- Ne change en rien ce qui te réussit... ;-)
- Tu sais toi et moi je crois qu'on fonctionne un peu de la même manière,
surement plus qu'on ne pense...
- J'en ai bien conscience... Tu sais moi aussi je suis amoureuse de toi...
- Je suis sous oxygène.
- Ça devrait t'aider à sortir de ton malaise et calmer tes tremblements ;-)
- Je dois te quitter, je dois aller bosser.
- File !
- Je t’embrasse tendrement.
- Moi aussi.
- A plus ! »

Pascale était sur un nuage. Elle espérait bien que Célia la suive dans cette voie.
Elle s’imaginait déjà dans cette relation clandestine, à l’abri des regards. Elle
aurait parallèlement sa vie avec Lisa et son aventure avec Célia. Pas vraiment un
couple à trois, en fait deux relations côte à côte. A elle d’avoir le consentement de
Lisa et Célia, à elle de savoir se partager entre les deux. Elle souhaitait que Célia

- 104 -
conserve sa relation avec Dominique, qu’elle aussi jonglerait entre les deux
femmes. Dans l’après-midi Pascale reçut un mail de Célia.

« Dominique vient d'appeler, elle arrive dans une demie heure....

Je ne sais pas si je me connecterai.

Je pense à toi en tous cas et j'espère que tu vas un peu mieux...

Je vais prendre un bain pour tenter de me ressaisir, avec la tête que j'ai et les
yeux chocolat griotte Dominique ne va pas comprendre...

Tu es avec moi sans arrêt....

Je t'embrasse tendrement ma douce et fais de mon mieux pour te parler ou te


lire... Célia »

Voilà qui arrangeait bien les affaires de Pascale, l’occasion était trop belle et elle
sauta dessus.

« Bon bain...

Profite bien de celle que tu aimes, c'est important que ce qui se passe entre nous
ne nous coupe pas des autres... Et te permette d'être pleinement avec elle ... ;-)

Je suis même contente et soulagée qu'elle vienne te voir...

Je vais rester connectée jusqu'à ce que je me couche... Je ne peux pas mieux te


dire...

Je t'embrasse partout, partout, partout...

Je pense à toi très fort...


Je me suis endormie dans tes bras et je t'ai fait l'amour pendant deux heures...
Divin.... ;-) Je ne te raconte pas comment j'étais au réveil...

Très tendrement. Pascale »

Célia resta absente une vingtaine de minutes. Pascale avait senti sa contrariété.
C’est sûr que pour Célia la situation était plus facile. Elle n’avait pas en
permanence sous les yeux sa compagne. Pascale culpabilisait de tromper Lisa
sous ses yeux qui de surcroit lui faisait confiance. Elle n’en pouvait plus de se
contorsionner intellectuellement pour cloisonner ses deux vies. Son corps venait
de dire stop. Célia ne put s’empêcher de lui répondre sur sa messagerie
instantanée.

« Tu sais dans mon bain j'ai pensé à ce que tu m'as dit hier, et je suis partie ... .Je
t'ai fait l'amour avec une tendresse infinie... Je frissonne en y pensant, c'est si bon
de te désirer. J'ai un peu de mal à concentrer mon esprit sur autre chose que toi
ou alors pas longtemps...

- 105 -
- Va pourtant falloir.
- Ne m’engueule pas ma douce.
- Va pourtant falloir... ;-))))))))
- Alors tu t’y prends comment ?
- Bonne question ! Des conneries je ne me contente pas de les faire, je les dis
aussi... ;-)
- J’adore le goût de ta peau.
- Et moi la douceur de la tienne, sa texture et son odeur... Je suis très sensible au
toucher et à tout ce qui me met en état d'apesanteur...
- Très sensible aussi…
- Déformation professionnelle ou bien est-ce ce qui t'a motivé professionnellement
de toucher les gens ?
- Je pense que j'ai ça en moi depuis longtemps... Mais sur toi ce toucher est si
différent que quand je pose mes mains sur ton corps, j'ai une sensation incroyable
de sensibilité, de profondeur, difficile à décrire.... Un truc qui vient de loin ...
- Ce qui est dingue c'est que tes mains je les sens sur moi, et que ça me déclenche
des envies incroyables, j'ai une chaleur qui m'irradie le bas ventre, j'ai le sexe en
émoi... Je ferme les yeux et je pense à toi... Je suis emportée aux portes de la
jouissance...
- Voilà ! Chez moi aussi !
- C'est incroyablement bon cet état de tension, je sens mon envie monter...
- J’ai la même…
- T'as fini de me troubler ? ;-)
- J'espère que non ...;-)
- C'est mal parti... ;-)
- Dans quel sens ?
- Tu me réponds que tu espères ne pas me troubler... Je pense que c'est mal parti,
je suis troublée par toi... ;-)
- C'est bon de le lire..;-) Je te laisse 2 minutes il faut que j'aille m'habiller je suis
encore en peignoir de bain...
- Vas y... Fais-toi belle ;-)
- Je te laisse un peu plus tôt Dominique est déjà là ! Dommage j'étais pleine
d'envie de toi, de ton corps, de ton plaisir, de te sentir jouir sous ma langue.... Je
vais vivre ça seule.... A tout à l'heure ma belle..... Je pense à toi très fort et te
parle ou te lis dès que je peux... Tu me manque déjà !
- Vas-y cours ! Et reste connectée... à la réalité ! ;-))))) Bisous sensuels.
- Tu connais ma réalité actuelle Pascale. Salut ma belle je t’embrasse absolument
partout.
- Allez file !
- Je ne sais toujours pas qui a renversé ce pot de glue devant l’ordi !
- FILE !!!!!!!!!!!!!!
- Encore une fois ma douce ? :-)
-
FILE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!!
- A plus tard, je t’embrasse fort là où tu sais !
- Moi aussi je t'embrasse partout, partout, partout… Et je vais aller me calmer....
:-)
- J’ai envie de toi.
- Ne néglige pas Dominique, nous avons tout le temps de faire l’amour … ;-)

- 106 -
- Je sais c'est seulement que mon envie de toi m'emporte…
- Oui mais elle l'ignore... C'est important de cultiver ses relations. Tu sais que je
suis là, tu ne m'as pas perdue alors cool avec elle ;-)
- Bien j’obéis.
- Non c'est pour toi, c'est tellement bon d'être bien avec tout le monde... Un amour
épanoui est un amour équilibré...
- C'est beau ce que tu écris ma douce... C'est vrai que tu es amoureuse.
- Oui et j'ai bien l'intention que ton amour m'épanouisse... Laissons-nous le temps
de le voir grandir... Et ne faisons pas souffrir les autres par nos sentiments qui
nous éloigneraient d'eux...
- Cette fois je file, je t’………………………..
- J'en suis heureuse ! Je ne veux pas te couper des autres mais faire en sorte que
tu sois bien avec eux ... ;-) »

La journée avait filé à toute vitesse, ponctuée par ses échanges électroniques.
Quand Lisa rentra du travail, elle trouva Pascale au lit. Elle vint s’asseoir au bord
et prit la main de sa compagne.

« Tu sais Pascale, j’ai réfléchi à ce qui s’est passé hier soir. Je ne peux pas
t’empêcher d’écrire à cette femme. Ce serait même contre-productif car je te
pousserais encore plus sûrement dans ses bras. J’ai des torts, je le reconnais. Je ne
veux plus faire l’amour avec toi. Et toi tu as des besoins à satisfaire. Si tu veux
coucher avec elle, je suis d’accord. Mais pas que tu sois amoureuse. Coucher ce
n’est pas tromper. C’est quand tu as des sentiments. Si ça peut te déculpabiliser,
fonce. Je ne veux pas te perdre je t’aime.
- Je ne sais pas quoi te dire.
- Je te fais confiance Pascale. Il n’y a que toi qui sais ce que tu veux. Si notre
histoire a encore un sens pour toi, tu sauras faire ton choix. Si, je t’ai déjà perdue,
je préfère le savoir. Je ne veux pas souffrir inutilement. Il y a longtemps que je
m’attends à ce qui nous arrive.
- Je ne sais pas encore ce que je vais faire Lisa. Je t’aime. Et je la désire. Je n’en
peux plus de ces frustrations sexuelles que tu m’as imposées. Je n’ai rien cherché,
ça m’est tombé dessus par hasard. Mais je n’ai rien repoussé et je l’ai même
encouragé une fois là. Je te le dirai si jamais il se passe quelque chose.
- Ne trahis pas ma confiance Pascale.
- Ne t’inquiète pas, je m’en montrerai digne. »

Célia ne se connecta pas de la soirée. Lisa que ces événements avaient déstabilisée
proposa à Pascale de passer la soirée au lit, dans les bras l’une de l’autre. Demain
elle n’avait pas à se lever, c’était samedi. Pascale accepta. Elle avait besoin de se
rassurer. Dans la chaleur de ce corps, elle oublia un moment le virtuel. Après tout,
Célia était peut-être en train de faire l’amour à Dominique. Lisa finit par craquer
et pleura. Elle relâchait la pression. Elle avait gagné un sursis mais pour combien
de temps. Elle avait face à elle une rivale fantasmée et idéalisée. Comment se
battre ? Célia avait foncé dans la faille qu’elle avait grande ouverte. Lisa gardait
pour elle une blessure secrète. Elle n’en parlerait jamais et surtout pas maintenant.
Pascale aurait l’impression qu’elle l’invente pour la récupérer. Elle était
prisonnière de ses blessures intimes et de son passé. Pascale avait dans ses bras
une enfant qui ne demandait qu’à être consolée de son immense chagrin. Lisa finit
par s’abandonner au sommeil dans les bras maternants de Pascale. Quand Lisa se

- 107 -
fut endormie, Pascale se mit à penser à Célia. A minuit elle se leva afin de savoir
si Célia lui avait laissé un mot. Rien. Elle devait être occupée. Pascale aurait aimé
l’attendre car Célia était un oiseau de nuit et ce n’était pas rare qu’elle se couche
au petit matin. Elle lui souhaita bonne nuit à sa manière.

« Ne m'en veux pas je vais me coucher...

Ton attente a été très douce, très belle, je me suis laissée envelopper par un halo
de chaleur, j'étais bien.

Que c'est délicieux de désirer quelqu'un et de sentir ce désir réciproque...

Je suis en pensée avec toi, nous faisons tendrement l'amour, je te caresse les
seins, le ventre. Tu m'embrasses et ta langue procure à la mienne une sensation
exquise. Je sens entre mes cuisses une brûlure que je reconnais entre mille. Je
pose ma main sur ton sexe qui est gonflé, les lèvres sont turgescentes, mes doigts
glissent sans problème de ton clitoris à ton vagin. Mon index, lentement caresse
ton intimité, je te sens mouiller davantage. J'accélère le rythme, tu t'abandonnes...
Tu écartes les cuisses et ma langue vient se poser délicatement sur ce que mon
doigt a si délicieusement excité...

Il n'y a que nous deux, la nuit, le bruit de nos corps faisant l'amour. Puis un
gémissement... Le mien... J'ai joui... Trop vite... Et toi qui te donnes à moi, sans
retenue... Je continue à te faire l'amour... Et là c'est toi qui jouis...

Bonne et douce nuit mon ange...

A demain.

Amoureusement. Pascale »

- 108 -
Chapitre XV

Le premier réflexe en se levant fut d’allumer son ordinateur. Pascale s’étonna de


ne pas trouver de réponse à sa missive nocturne. Elle pâlit. Visiblement
Dominique et Célia avaient dû bien profiter de leurs retrouvailles. C’est sûr que
l’anonymat ça protège. Elles se racontaient leurs désirs, leurs envies, leurs projets
mais après tout, tout cela ne pouvait être que des mots, rien que des mots. La
preuve. Pascale n’irait sans doute pas raconter l’intermède avec Lisa et Célia
passerait sans doute sous silence sa soirée.

La matinée passa, aucune nouvelle de Célia. Lisa était partie se balader en début
d’après-midi, elle avait une course à faire. Pascale commençait à s’interroger. Elle
avait bien fait de ne pas se hâter à prendre une décision concernant son couple.
Elle commençait à se demander si elle ne s’était pas emballée avec Célia et si elle
n’était pas en train de faire l’erreur de sa vie. Certes Lisa n’était pas parfaite mais
au moins elle était prévisible et elle ne risquait pas d’avoir envie d’une aventure
extraconjugale. Rassurante Lisa sur ce plan là. Pascale était désœuvrée. Elle ne
savait pas comment s’occuper. Toutes les deux minutes elle cliquait sur envoyer /
recevoir, sans succès. Enfin, un mail lui arriva.

« Ma jolie je suis verte, je me bats depuis hier 22 h 30 pour me connecter... J'ai


même restauré le système... Bref mon acharnement paie à l'instant. Que je suis
soulagée, tu m'as tellement manquée ma douce.

Je viens de te lire et j'ai le ventre en feu, c'est exquis...

Je ne bouge pas de la journée et reste connectée enfin si tout va bien... Ça a l'air


stable...

Je t'embrasse ma douce et tendre très amoureusement. Célia»

Quel soulagement ! Un problème technique ! Pourquoi n’y avait-elle pas pensé


plutôt ? Pascale se connecta immédiatement sur sa messagerie instantanée.

« Je suis soulagée d’avoir de tes nouvelles, je commençais à m’inquiéter.


- Et moi donc ! Je ne savais pas comment te joindre. J’ai pratiquement passé la
nuit sur mon ordinateur.
- Tant mieux si tu as pu réparer.
- J’ai trop envie de t’embrasser.
- Moi aussi mais pas que ça... ;-)
- Que de bons moments en perspective…
- J'ai toujours le ventre en feu, je pense à tes mots... Si ... Si...
- Et moi donc, si tu savais comme j'ai envie de toi...
- Moi là c'est de pire en pire, si je ne me retiens pas... Tu sens mes baisers tendres
dans le creux de tes reins ?
- Oui. Ne te retiens pas... ;-) Je n'en peux plus non plus... J'ai terriblement envie
de toi, j'ai le sexe en feu... Nous avons eu hier une discussion avec Lisa. Elle a
très peur que je la quitte.

- 109 -
- Le genre de truc qui me fait retomber très vite quand je réalise notre situation...
P... de timing...
- Oui moi aussi... A moins d'apprendre à vivre deux amours à la fois... Pour
l'instant profitons de ce qui nous arrive, nous pouvons aussi trouver bien de
l'épanouissement dans ce timing à contre temps. Nous n'avons pas l'épreuve du
quotidien, nous avons en permanence envie l'une de l'autre. De ma vie je ne crois
pas avoir été traversée d'autant d'énergie libidinale. ;-)
- Idem pour moi ma belle.
- Tu en as toujours autant envie ? Tu es seule dans la pièce ? Je n'en peux plus de
te désirer... Je pense à toi, j'ai tes mains et ta langue sur moi, je les sens légères et
insoumises... Je me caresse....
- Pascale, ma douce tu me fais perdre la tête. Dominique part bientôt. J’embrasse
ton ventre comme jamais.
- Ne t’en fais pas je t’attends.
- C’est dingue ça fait une heure et demie que Dominique doit partir. Je viens te
lire, je repars… Je reviens ma belle.
- J’ai pris un peu d’avance :-)
- Tu n’es qu’une coquine…
- Comment résister à tes caresses ?
- Je rêve de te serrer dans mes bras et après nos retrouvailles te déshabiller
lentement... Scène 12 acte 22 : Dominique vient de se coucher pour une demi-
heure !
- Mdr.
- Moi un tout petit peu moins...
- Je me doute mais elle doit se sentir bien avec toi … :-)
- Tu t'en doutes ma belle ? Et pourquoi ça ?
- Vu comment tu m'as répondu...
- ????????
- Tu n'as pas aimé mon humour... ;-)
- Ah, pas du tout ma belle... Je te situais juste où j'en étais.... Tu sais que tu me
fais rire.... Voilà les moments parmi d'autres où le manque d'intonation me gêne...
Je l'ai très beaucoup aimé ton humour ma douce et je t'embrasse tendrement. Tu
sais si j'ai dis scène 12 acte 22 c'était pour te faire rire...
- J'utilise souvent l'humour quand je veux prendre de la distance avec des
événements désagréables. D'accord avec toi manquent les intonations... ;-) C'est
pour ça que j'ai rigolé, ton côté exaspéré ne manquait pas d'humour ma belle... ;-)
- 14h38. La représentation est terminée. 25 actes, mais nous avons connu plus...
Très très bizarre cette soirée et demie journée... J'ai l'impression d'avoir vécu 48
heures... Que de drôles de trucs... Je te raconterai... Un peu long... Avec tout ça
tu ne m'as rien dit de ta sciatique...
- Ça coince encore par moment j'ai des décharges électriques... Mais quand je
pense à toi, je n'ai plus mal... ;-) Dominique a un inconscient. Et à moins d'être
aveugle elle a dû voir le changement... ;-)
- C'est sûr... Je t'expliquerai... Enfin je suis seule ! C'est parce que je fais plein de
bisous sur le trajet... Peut-être ?
- Ah je me disais bien aussi ! ;-) Tu ne veux pas l'évacuer maintenant ? Ça
m'interpelle le mot représentation dans le contexte...
- Dis m’en plus pour voir…
- Comme si chacune de vous avait joué un rôle...

- 110 -
- Je parlerai plutôt de la représentation de Dominique… Comme souvent… Si je
te raconte on va en avoir pour un bon moment.
- La patience est une de mes qualités ;-)
- Ce qui veut dire ?
- Je sais attendre le bon moment. Rien ne peut empêcher ce qui doit arriver. Il y a
longtemps que j'ai cessé d'être dans le contrôle c'est en pure perte... Mieux vaut
gérer à vue ou à la boussole .... ;-)
- Voilà un discours intéressant ... C’est tout à fait ce que je pense...
- A ton avis pourquoi ai-je libéré nos deux paroles ? ;-)
- Tu vas me le dire mon chou.
- Toi et moi on sait ce qu'il en est de nos deux désirs, nous ne sommes plus dans le
non-dit... On peut aussi surmonter tout ce que cette relation va générer… Et puis
ça nous a permis de connaitre des plaisirs dignes des hauteurs de l'Everest... ;-)
Moi aussi dans mon genre je suis une thérapeute énergéticienne... Question
énergie libidinale j'en ai libéré chez toi ... ;-)
- Et des vagues de l'Océan Indien... Elles sont redoutables ! Alors là tu as raison
ma belle, je n'avais de ma vie vécu ça 24 heures sur 24 h... De l'écrire je
frissonne... Alors merci collègue. Mdr.
- Ça va comment ta petite culotte ? Bonne à essorer ?
- Franchement j'en fais une consommation, le truc dingue...
- Ah ce point ? ;-)
- Et oui ma belle... L'Everest, les mers du Sud... Pas sec comme climat...
- Exact... Au fait on s'en était arrêté où ? ;-)
- Avait-on commencé ?
- Je me disais aussi... Encore que tu me parlais de mon ventre dans un précédent
message... ;-)
- Oui, je l'embrassais tendrement avec mes mains allant de tes hanches à tes
genoux et parfois sur tes seins mais rapidement pour t'exciter davantage...
- Continue que c'est bon....
- Tu as bien fais de libérer nos paroles tu sais ...
- Je ne cherche pas une aventure tu sais, je suis débordée par ce qui m'arrive bien
plus que tu ne peux l'imaginer...
- Tu sais que j'aurais pu écrire ces phrases n'est ce pas ?
- C'est aussi ça qui te fascine chez moi... ;-)
- C'est la conscience de nos ressentis, nos failles, nos blessures, indescriptible...
Je l'ai perçue sans te connaitre avec la lecture de ton blog.
- C'est ce qu'on peut appeler une rencontre... Et dans ma vie c'est la deuxième... ;-
)
- En ce qui me concerne : The rencontre... Je t'embrasse pour fêter ça ma douce...
- Je suis flattée... ;-) Et j'en sais bien plus sur toi que tu ne le crois... ;-)
- Dis-moi quoi ma douce.
- Je sais très bien que toi aussi tu ne cherches pas une aventure et que tu éprouves
en toi bien des sentiments difficiles à exprimer... Je ressens trop de choses qui ne
m'appartiennent pas à ton contact et que je te restitue sans que cela ne t'étonne...
;-)
- Un peu bouchée Célia peut-être ? Je ne comprends pas très bien...
- Auras-tu remarqué que je devance ta parole et que la mienne tombe juste à
chaque fois ? ;-)
- C’est vrai…
- T'es pas si bouchée que ça... ;-)

- 111 -
- Sincèrement des fois je me demande...
- Tu me fais craquer... ;-) Dans le sens je craque pour toi... Au cas où tu serais
bouchée... Mdr
- Salope.
- Continue tu m'excites... Mdr
- Et bien tu vois je viens de te griffer l'épaule...Mdr
- Fais gaffe ça laisse des traces... Mdr
- Surement pas un hasard... Mdr
- Je vois... ;-) Sauf que tu oublies que l'amour est aveugle... Mdr
- Excellent, je suis pliée ...
- Tu le peux !
- Lisa ne va pas tarder à rentrer.
- Je te laisse alors ?
- Je me reconnecte dans la soirée.
- A plus ma douce.
- A tout à l’heure. Je t’embrasse tendrement.
- Je t’embrasse amoureusement. File !
- A plus ! »

L’air triste de Lisa n’échappa pas à Pascale. Elle lui proposa à l’heure du goûter
de partager une tasse de café et des petits gâteaux. Comme cela si elle avait envie
de parler elle pourrait se livrer et dans le cas contraire, elles partageraient un
moment de convivialité.

« Ça ne vaut pas tes gâteaux Pascale !


- Depuis que j’ai grossi, j’ai cessé toute recette de pâtisserie. Je le regrette,
j’adorais ça. Surtout quand tu venais m’aider. J’aimerais tant retrouver ces
moments avec toi !
- C’est à cause de ton régime, tu as tout arrêté. C’est dommage parce que j’adorais
ça aussi.
- On devrait s’y remettre. Ça te dirait si je te faisais l’Amadeus ?
- C’est mon gâteau préféré.
- Tu n’es pas la seule !
- Tu ne me parles plus de ton régime. Tu en es où avec ?
- J’ai abandonné l’idée de maigrir. C’est désespérant les légumes bouillis.
- Au boulot, j’ai une collègue qui a pas mal fondu. Pourtant elle mange ! Comme
je pense à tes problèmes de poids et que je sais que je n’ai pas toujours été cool
avec toi, je me suis renseignée. En fait ce n’est pas un régime mais une nouvelle
façon de s’alimenter. C’est tout simple. Tu manges gras le matin, dense le midi,
sucré au goûter et léger le soir. Le matin elle mange du pain, du beurre, du
fromage. Le midi, de la viande et des féculents. Au goûter du chocolat et des
fruits. Le soir du poisson et des légumes. Et tiens je t’ai acheté le bouquin au
cours de ma balade. Je l’ai lu en partie dans la librairie. Si tu veux on le fait
ensemble. Comme ça tu te sentiras moins seule.
- Alors là, je ne sais pas quoi te dire Lisa. Merci. Viens que je t’embrasse !
Pourquoi tu as pensé à moi ?
- Tu vas vouloir rencontrer Célia. Je te connais, tu vas vite te sentir complexée
avec tes kilos. Je veux que tu te sentes bien dans ta peau.
- Si ce n’est pas de l’amour, je ne m’y connais pas !

- 112 -
- Je ne veux pas que tu me quittes. Et si tu dois le faire, c’est parce que tu ne
m’aimeras plus. Alors je fais tout pour que tu continues à m’aimer.
- Je t’aime toujours Lisa. J’en suis toujours au même point qu’hier soir. Je n’ai pas
l’intention de te quitter et je ne sais pas où j’en suis avec Célia. Tant que ça reste
virtuel, tu ne risques rien !
- Tu sais j’ai réfléchi. Je me bats contre plus fort que moi. Célia tu l’idéalises. Elle
n’est pas usée par le quotidien. Elle ne te contredit pas, elle cherche à te séduire et
fait tout pour te plaire. Je n’ai pas le beau rôle, je le sais. Finalement, le mieux
serait que tu la rencontres. Si ça se trouve, la baudruche va se dégonfler, elle ne te
plaira pas. Une fois couchées ensemble, vous vous apercevrez que vous n’avez
rien en commun. Que la gaudriole face à dix ans de vie commune, ça ne fera pas
le poids. D’ailleurs elle ne semble pas pressée de te rencontrer ta belle. Vous en
parlez de vous voir ?
- Non, ce n’est pas à l’ordre du jour.
- Un mois et plus de correspondance, plus ce que j’ai lu. Et pas de date ? C’est
suspect tu ne trouves pas ?
- Non. Pourquoi tu dis ça ?
- Elle est en couple elle aussi. Elle n’a pas plus que ça l’envie de rompre. Elle
s’envoie en l’air via le net. C’est une habituée. Elle se raconte des histoires et à toi
aussi. Tu as envie d’y croire. Mais pas question de te voir, trop peur que tu
t’accroches. Tu vas voir que si tu lui proposes elle va avoir plein de bons
arguments pour ne pas être disponible. Elle doit se marrer derrière son écran de
savoir qu’elle met la zizanie entre nous. C’est peut-être ça qui l’excite ! Détruire
des couples !
- Je n’ai pas du tout ton ressenti. Tu ne m’en voudras pas ?
- C’est normal, elle ne m’a pas hypnotisée ni baratinée.
- Je voudrais que tu me promettes quelque chose.
- Quoi ?
- Si un jour tu couchais avec elle, tu le fasses sans être amoureuse.
- C’est si important pour toi ?
- Oui. Ça voudrait dire que tu me trompes et j’en souffrirais énormément.
- Je ne veux pas te faire souffrir. Promis. Entre elle et moi il n’y aura jamais autre
chose que de l’amitié.
- Merci.
- Je vais le lire ce bouquin. Je ne connais pas du tout la chrono-nutrition. Encore
merci Lisa.
- Si tu veux on commence ce soir. Si tu te sens en forme on va faire les courses.
On va aller directement sur les recettes comme ça on aura une base de départ.
Quand tu l’auras lu, on les adaptera à nos goûts. Et qui sait, tu pourras te remettre
à ton blog avec des recettes plus savoureuses les unes que les autres !
- Je m’habille et on y va ! »

Pour la première fois depuis un mois, Pascale oublia l’ordinateur. Elle adora
passer la soirée avec Lisa. Elles retrouvaient leur complicité passée, quel plaisir de
se sentir de nouveau en phase avec elle. Pascale culpabilisait tellement de la
situation qu’elle était prête à tout pour en être soulagée. Surtout ce qui plaisait à
Pascale c’était enfin de manger à sa faim et des aliments qu’elle s’interdisait.
Quand elle lut la quantité de chocolat autorisée, elle n’en crut pas ses yeux.
Depuis longtemps elle se limitait à cinq grammes, elle avait le droit à trente,
c’était le bonheur assuré ! Pascale avait hâte de s’y mettre. Elle était

- 113 -
reconnaissante à Lisa de ne pas avoir lâché l’affaire, de l’avoir si bien comprise.
Elle la trouvait touchante dans sa manière de lui dire je t’aime. Lisa était un
mystère pour Pascale. Pourquoi l’aimait-elle sans la désirer ? Jamais cette
question ne l’avait autant tourmentée ! Pour Célia, c’était une telle évidence et pas
pour Lisa. Elle écarta vite de son esprit ce vain questionnement. Pour l’heure, elle
avait de dévorer le bouquin offert par Lisa. En deux heures il fut lu. C’était simple
comme bonjour. Pour une femme organisée comme elle, ce serait facile à suivre.
Les courses étant faites, ne lui restait plus qu’à prendre ses mesures : seins, tailles,
hanches, poignet. Son poids elle le connaissait. Quelques calculs lui étaient
demandés pour connaitre ses mensurations idéales. Elle avait sa feuille de route.
Le bouquin indiquait qu’il lui faudrait au moins un an avant de les obtenir. En
attendant si elle perdait deux trois kilos pour se sentir mieux dans sa peau, ça lui
suffirait. Elle avait envie d’y croire mais elle se protégeait aussi d’une déception.

Lisa l’avait aidée à préparer du saumon en papillote avec des petits légumes. Les
quantités indiquées lui semblait énorme pour le poisson et ridicules pour les
légumes. D’habitude elle inversait les proportions. Elle se donnait un mois pour
voir. A la lecture des aliments, même s’ils étaient variés, elle craignait de se lasser
car elle n’avait pas l’habitude de les manger dans cet ordre. Cela dit ce qu’elle
avait lu l’avait convaincue. Il faut dire que le message, qui à contre-courant des
idées reçues, était répété quasiment toutes les pages. Validé par une étude
clinique, ce procédé mis au point par l'Institut de recherches européen sur la
nutrition, autorise bel et bien à manger au quotidien des aliments d'ordinaire
interdits en cas de taux de cholestérol dans le sang trop élevé. Même du fromage !
Pour ce médecin c'est un formidable médicament contre le cholestérol, si on le
mange en temps utile. Le but, c'est de respecter la chronobiologie humaine.
Chacune de nos cellules est programmée dans le temps et effectue chacune de ses
fonctions dans une tranche horaire précise. La chrono-nutrition, c'est le bon
aliment, au bon moment et dans la bonne quantité. Pas trop de légumes non plus.
En résumé, on mange gras dans l'heure du lever, lourd quatre à six heures après,
sucré dans l'après-midi et léger le soir. Le nutritionniste explique qu’il n'est pas
prudent de manger léger toute la journée pour tenter de vaincre le cholestérol car
on court le risque de provoquer des carences. Or toute carence entraîne un effet de
correction de l'organisme toujours supérieur à la carence elle-même. Quant aux
légumes, autre idée reçue battue en brèche, rien ne sert de s'en gaver. Les légumes
chargent le corps en sels minéraux et lui font stocker beaucoup plus d'eau. Manger
herbivore donne des fesses et de la culotte de cheval ! Lundi elle appellerait le
médecin afin qu’il lui prescrive un bilan sanguin qu’elle ferait durant son arrêt de
travail.

Célia avait dû se connecter sur la messagerie électronique durant la soirée car


Pascale trouva trace de ses passages. Il était tard, Lisa s’était couchée. Pascale
tenta sa chance.

« Tu es là ?
- Oui. Ça va ma belle ?
- Oui. J’ai lu toute la soirée. Je n’ai pas vu passer l’heure.
- Tu as bien eu raison de te faire plaisir. Tu veux que je te laisse ?
- Je sais ce qui me ferait plaisir maintenant… ;-) Tu passes avant la lecture dans
ma vie :-)

- 114 -
- Waouh, c'est beau... J'ai de plus en plus envie de caresser tes cuisses... Je te
ferai découvrir la caresse des cuisses, c'est très comment dire, j'adore jouer dans
cette zone là, en fait partout… Ça dépend à quel moment.
- Les gens que j’aime passent avant tout. A bien y réfléchir je me demande quelle
zone n'est pas sensible chez moi ? ;-)
- Ce que je pense pour moi aussi... Cela dit tu m'as l'air extrêmement initiée...
- Pas plus que toi ma douce :-)
- J'en ai marre presque de dire moi aussi... Mdr...
- T'as qu'à faire un copier-coller ! Mdr
- En pleine forme ma belle… Arrête tu vas m’exciter … :-)
- Ce n'est pas bien de commencer avant le début de la leçon, tu triches... Mdr
- Je viens de me rendre compte qu'il n'est que 22 h 30, je croyais beaucoup plus
tard....
- Tu perds la notion du temps ma belle ?
- Avec moi le temps n’a pas la même longueur…
- Alors avec toi, c’est époustouflant…
- Je remarque.
- Je voudrais te faire un cadeau. T’offrir une nuit et un repas dans ce palace dédié
à la gastronomie.
- Je ne peux pas accepter.
- Pourquoi ?
- J'ai encore du travail à faire sur l'estime de moi-même... :-) Si tu veux vraiment
me faire plaisir, je te dirai comment... ;-)
- Je t’écoute attentivement…
- Ça me gêne…
- Why ?
- T'as l'art ce soir de mettre le doigt là où ça fait mal... :-) Parce que ça me
bouleverse que tu m'aimes à ce point... Je pleure de nouveau…
- Je ne sais pas quoi te dire Pascale et je me sens bien démunie.
- Je sais... J'ai des fragilités... Le problème c'est que moins je les cache, plus on
m'aime... ;-)
- Moi aussi tu sais… Je dois apprendre à vivre avec… Je t'ai aimée très vite tu
sais...
- Tu me donnes du temps, de ta présence, de ton amour, pour moi c'est énorme...
Je n’arrive pas à calmer mes pleurs…
- Je veux tout de toi ma belle…
- Je suis un petit animal effarouché, apprivoise-le, rassure-le... :-)
- Nous sommes deux mon ange…
- Je vais faire les questions réponses ça t'évitera les copier-coller... Mdr. C’est ta
manière de m’aimer qui me bouleverse.
- Tant que tu es bouleversée tu peux me dire ce qui te ferait plaisir....
- J’ai envie de toi. Attends je vais voir si Lisa dort profondément. Je ne veux pas
qu’elle me voit jouir…
- Je ne sais pas quoi répondre à ça, bien sûr…
- C'est trop intime la jouissance... Et avec toi je ne jouis pas comme avec elle...
- Libère ta parole ma douce…
- Tu as décidé de me faire pleurer toute la nuit … Ou tu veux que je libère mes
chakras… :-)
- Tu veux vraiment savoir ?
- Oui.

- 115 -
- Avec elle je partais souvent à froid, le plaisir s'installait progressivement et ma
jouissance était avant tout la concrétisation de notre amour... C'était diffus,
violent, doux, sensuel, c'est selon notre relation... Avec toi ça a été l'implosion
totale, j’étais dans un état émotionnel tel que je me suis sentie aspirée par une
force tellement puissante qu'elle me dominait totalement. Et que lorsque je m'y
suis abandonnée, j’ai été complètement vidée, hébétée. Je me suis retrouvée dans
un espace psychique que je ne connaissais pas jusqu'à présent. L'orgasme porte le
nom de « petite mort » et c'est cette impression que j'ai eue avec toi avant-hier...
- Je fais copier-coller pareil ma douce ou tu comprends que moi aussi... J'ai
souvent eu du mal à m'abandonner tu sais, sûrement pour ça que je suis plutôt
active. Avec toi c'est tridimensionnel... Je sais que tu me désires et ça me
bouleverse... J'ai envie de te transmettre tout ce que je ressens à l'idée même de te
toucher ou de laisser mes mains sur ton corps... Me voilà prise de tremblements,
ca recommence...
- Ne tremble pas ma douce nous avons tout le temps de recommencer... Ce soir
par exemple.... Dis- moi ce qui te ferait plaisir ? Veux-tu que ce soit moi qui initie
les choses et tu t'abandonnes ?
- Dès que je ne pleure plus je te parle…
- Là c'est moi qui me sens démunie... Tu ne m’as pas dit ce qui te ferait plaisir…
- J’ai Dominique au téléphone, difficile de se concentrer… Ambiance zarb…
- Tu veux que je te laisse ?
- Surtout pas ma belle. Je l’expédie…
- Tu ne m’as pas dit ce qui te ferait plaisir… ;-)
- Tes baisers ma douce amoureuse.
- C’est le bon moment ? Dis-moi quand tu es prête !
- A quoi ?
- A ce que je te fasse l'amour... Si tu es au téléphone ce n'est peut-être pas l'instant
choisi...
- Tu en as beaucoup des comme ça ? Je ne suis plus au téléphone, ça y est.
- Tu voulais un baiser…
- Des baisers ma douce…
- Tu es tout contre moi et je te saisis la nuque pour amener tes lèvres aux
miennes... Ma langue cherche la tienne et la trouve... Elles s'enroulent l'une sur
l'autre frénétiquement... Difficile de se contenir... Ma langue trouve ton palais et
son bout en explore chaque recoin... Mes mains caressent tes seins... La pointe est
durcie, sensible... Ta peau est douce, elle sent la coriandre...
- Ça me plait ça alors !
- Le dos de ma main se met à aller et venir sur ton corps... Mon autre main
t'enlace pour te coller tout contre moi... Nous sommes nues, je t'allonge sur le lit
et je me couche sur toi tout en continuant à t'embrasser. Ta cuisse se colle à mon
clitoris et doucement je commence à onduler pour éprouver du plaisir au contact
de ton corps... Tu te mets toi aussi à bouger à mon rythme, lent... Le plaisir monte
doucement en nous deux, je mouille tellement que je sens que ça t'excite... Mon
bras est enroulé à ta nuque, je t'embrasse, nous fusionnons nos corps ne font plus
qu'un. Je sens que tu t'abandonnes... Je remonte sur toi pour que mon clitoris soit
collé à ton pubis. Mon doigt va alors à la rencontre de ton intimité. Je le glisse
dans ta fente, elle est gonflée, gorgée de sève. Cela m'affole de te sentir aussi
excitée et je ne veux pas que tu jouisses trop vite...
- J'ai envie que tu viennes sur ma bouche...

- 116 -
- Si tu veux... Je suis au-dessus de toi et ainsi je pourrai aussi te faire jouir avec
ma langue... Mes mains se collent sous tes fesses....
- Tout mon visage est dans ton sexe. J'en respire son odeur que je découvre... Je
l'adore... Je m'en régale... C'est salé et doux à la fois, un nectar... Ma langue va
fouiller profondément ton vagin puis va laper doucement tes lèvres turgescentes
pour terminer sa course sur ton clitoris qui m'implore... La pointe de ma langue
imprime des mouvements réguliers sur ton clitoris qui n'en finit plus de gonfler...
J'ai du mal à ne pas gémir sous tes caresses... Je sens que je vais jouir... Je ne
veux pas le faire tout de suite... J'ai encore envie de toi mon ange... Je veux jouir
en même temps que toi... Ma langue se régale sur ton clitoris aussi doux que du
velours aussi chaud que ton amour... Un de mes doigts va te caresser le bord du
vagin pendant que ma langue continue son œuvre.... Je n'ose le rentrer sans ton
accord... Ça va ma belle ?
- Mon dieu Pascale j'ai joui à l'instant même où tu es venue sur ma bouche... Et
puis encore ensuite..... A retardement le double effet kiss Pascale méga
tridimensionnel. Je n'arrivee ^pas a ecrire sur ce p. de clavier tellemtn je suis
aware.
- Je n'ai pas encore joui... ;-) Tu veux que je le fasse comment ?
- Euh je ne sais plus bien où j'habite là... Désolée pour jouir ensemble ma douce
mais là, ce n’était pas possible, il y a trop longtemps que je te désire...
- Récupère... Ce n'est pas grave.... Je suis trop heureuse d'avoir pu t'amener à cet
état... :-))))))))))
- C'est que je suis à moitié morte, mais ça va aller ma douce...
- Je suis là, ne dis rien, viens dans mes bras...
- Je craque et je pleure ma belle, je ne pleure même pas je sanglote.
- Pourquoi après l'amour tu n'as pas l'habitude d'être prise dans les bras... ?
- Si mais pas dans les tiens après le plaisir que tu viens de me donner... En fait je
t'attire contre moi parce que j'aimerais que tu t’asseyes sur ma bouche en me
faisant face... J'ai mes mains sur tes hanches et tes fesses et je caresse ton dos en
t'entrainant doucement sur ma langue…
- J’adore ça… Je jouis…
- J’adore et je pleure deux fois plus… Ça va toi ?
- Oui… J’ai encore envie de toi…
- Tu es donc assise sur ma bouche et doucement vraiment tout doucement je lape
ton nectar ton bassin ondule sous mes bains et ma langue... Je caresse tes seins ...
Et doucement je te colle à moi pour pouvoir les embrasser, jouer avec ma langue
sur tes pointes dressées, embrasser tes seins à pleine bouche mais très tendrement
pendant que ma main caresse l'intérieur de ta cuisse…
- Je suis en train de m'abandonner... Je suis super excitée... Je me cramponne
pour ne pas gémir...
- L'intérieur de ta cuisse est doux et humide, mes mains sont douces à ce moment
là et je me rapproche de ta fente que je caresse furtivement très furtivement... Et
ma main revient sur ta cuisse que je prends soin de caresser de haut en bas
toujours très à l'intérieur, me rapprochant davantage de ton clitoris...
- Je suis collée à mon ordinateur, je ne peux plus respirer... Tellement c'est
puissant...
- Alors que j'embrasse encore tes seins et que tu es collée contre moi, mes
caresses se font moins furtives et je pose ma main bien à plat sur ton sexe pour
bien sentir tout ton désir. Et là doucement en te prenant par les hanches je te
conduis de nouveau sur ma langue…

- 117 -
- J'ai le sexe en feu, j'ai une bombe dans la tête qui vient d'exploser...
- Pascale ça va ?
- Je j…
- Viens doucement dans mes bras ma belle…
- Oui.
- Pascale… Je t’aime…
- C'est trop pour moi ce soir... Je ne peux ni te le dire ni te l'écrire... Sinon je vais
péter un plomb...
- Moi je peux, je suis seule… Comment ça péter un plomb ?
- J'ai joui elle était à côté, elle dort... Il faut être solide quelque part pour faire ce
que j'ai fait avec toi...
- C’est sûr…
- J’ai franchi ma ligne jaune ce soir…
- C’est-à-dire ?
- Joker…
- Ne me fais pas ça … !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
- Si…
- Non !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
- Va pour le joker. J’ai rompu ma promesse faite à Lisa…
- Tu ne l'avais pas fait avant ?
- J'ai joui en étant très amoureuse et ça j'avais promis...
- Tu regrettes ?
- Je navigue à vue. Je ne peux pas rayer d’un coup dix ans de vie avec Lisa...
- Personne n’a jamais parlé de ça…
- Sérieusement tu penses qu'on se contentera longtemps du virtuel ? Si tu réponds
oui alors nous réglons tous nos problèmes de conscience...
- Je n’en sais rien… Joker…
- Accordé. Tu veux la suite ?
- Oui.
- J’ai promis qu’entre toi et moi, il n’y aurait rien d’autre. Je pense qu’on peut
dire que j’ai franchi la ligne jaune.
- Effectivement. Tu sais j’ai franchi la mienne avant-hier, c’était un grand
moment et je ne le regrette pas de l’avoir vécu… Je n’ai pas envie de somatiser…
Les choses arrivent et je ne peux pas les nier…
- Je suis bien d'accord... C'est juste que la réalité est très présente et que ça non
plus on ne peut pas la nier... Il faudrait juste que cette histoire soit comme la
cerise sur le gâteau, qu'elle ne détruise rien...
- Oui... Et qu'on ne se rencontre jamais...
- T'as tout compris... Sinon il nous faudra quitter nos compagnes…
- Should I stay or should I go.
- On a le temps d'y réfléchir... La réponse pour moi est non pour l'instant j'ai
aussi mon boulot, ma vie en général...
- Excuse-moi la réponse de quoi ?
- Dois-je rester ou partir... Je n'ai pas la capacité de trancher cette question pour
l'instant...
- Je parlais pour moi... Sortir de ta vie...
- C'est te dire que c'est une éventualité qui ne m'a même pas frôlée l'esprit... ;-)
- Tu veux faire un break Pascale ?
- Ça changera quoi à ma réalité... ;-)
- Je ne sais pas, si tu veux réfléchir et te dire que toi et moi on a peut être déliré ?

- 118 -
- On n'a pas déliré... C'est juste que l'on n'est libre ni l'une ni l’autre. Je serais
célibataire le problème ne se poserait pas en ces termes... On vit en couple, on
s'aime... Tu en connais des solutions acceptables ?
- J’en connais deux : la résignation ou l’abandon.
- Explique-toi !
- Tu ne veux pas aller te coucher Pascale ?
- Réponds à ma question. Je verrai après…
- Dans mon cas soit je me résigne à te perdre à cause du timing et ça c'est très
douloureux... Soit je m'abandonne totalement à cet amour même si je le vis
seule… Ce qui suppose quand même de l'ordre dans ma vie...
- Je me sens vraiment lâche à te lire...
- Je ne vois pas pourquoi…
- Je vais être honnête avec toi : ce soir je ne suis pas en état de choisir entre vous
deux, voilà en quoi je me sens lâche...
- Je n'ai jamais demandé ça en tous cas.
- Je le sais mais c'est lâche de vouloir le beurre et l'argent du beurre... Lâche
aussi de ne pas te laisser la possibilité de choisir...
- J’ai le choix…
- Pas vraiment… Sauf celui de souffrir…
- Ou de me libérer et d’être qui je veux vraiment être.
- C'est autre chose... Pour moi tu t'en doutes c'est avec toi un problème de timing
et rien d'autre... ;-) Ce que j'ai fait avec toi est pour moi une trahison à ce qui
m'unit à Lisa, notre couple fonctionne sur la confiance et le respect. Disons que
c'est une parenthèse dans notre relation ... Je ne veux rien te promettre que je ne
pourrais tenir... En particulier parce que pour Lisa j'ai des sentiments très forts...
- Je ne t'ai rien demandé comme promesse ... Moi aussi j'ai des sentiments
profonds pour Dominique, toujours est il que j'ai découvert un truc nouveau avec
toi et qui m'emporte… Et que par rapport à l'amour que j'ai pour elle, il faut que
je me pose les bonnes questions...
- C'était la réponse à ma question... Merci ma douce...
- Ça va ?
- Moyen.
- C’est douloureux je sais.
- Pour moi aussi c'est une trahison... Que j'ai pu devenir amoureuse d'une autre
me fait demander si je l'aime vraiment ... Je ne sais pas…
- C'est une bonne question... ;-)
- Et toi tu vas comment ?
- Ça va parce que je ne suis pas dans la même problématique que toi, mon
problème ce n'est pas mon couple... ;-) Tu sais ce que je te propose car là je
commence à fatiguer c'est que nous en reparlions. Voici ce que je te propose. Tant
que nous restons dans le virtuel nous pouvons tout nous autoriser. Ta parole s'est
libérée, tu as énormément pris conscience d'un tas de choses. Ensuite nous
verrons ce que nous ferons dans le réel...
- C'est pour ça que quand j'aurai la réponse à ma question, je quitterai ou pas
Dominique pour ne pas la trahir davantage ...
- Tu ne la trahis pas, je t'aide à mettre de l'ordre dans tes sentiments... ;-)
- Ça ce n'est pas sur du tout, pas en pleine tempête en tous cas ...Mdr
- Ça chavire l'amour mais je suis un bon capitaine matelot ! ;-) L'amour le vrai je
le connais et c'est ce cadeau que je voudrais te faire... :-)
- Tu m'en reparles bientôt ? Parce que là ... No comprendo.

- 119 -
- Si Dominique t'aimait vraiment et bien tu ne serais jamais tombée amoureuse de
moi comme ça, de cette violence là. Je t'ai ouvert sur un univers inconnu de toi.
Or pour t'aimer et te donner comme je viens de le faire, on ne le peut que si soit
même on a reçu un amour vrai...Tu me suis ? Je voudrais que tu éprouves dans
ton cœur, ton corps et ta chair un amour vrai qui t'emporte et te chavire mon
ange... ;-)
- Et qui serait cette apparition ?
- En te donnant certaines clés tu pourras ouvrir des serrures jusque là
cadenassées... :-) Peut être oublieras tu de t'oublier avec elle ?
- Un peu subtil pour moi là de suite... Je n'arrive pas à affiner ma pensée pour
comprendre vraiment ces phrases, leur vrai sens, pas planqué…
- Tu veux qu'on reprenne ça tranquillement parce que c'est important pour toi...
Tu sais Célia tu aimes encore Dominique et tu ne sais pas comment lui exprimer
tes désirs. J'aimerais t'aider en cela...
- Ma psy en quelque sorte ...
- Non parce que là je serais franchement nulle. C'est une faute professionnelle
que de coucher avec un analysant... ;-)
- Merci en tous cas ma douce, pour tout le plaisir que tu m'as donné... Je
t'embrasse tendrement.
- Explorons ensemble ton désir ma belle ... Tu veux refaire l'amour ?
- C'est toi qui poses la question... Et ma belle il faut que tu dormes ...
- Je te sens tellement mal que je n'ose te laisser...
- Non, non, Pascale, je suis une grande fille... Tellement mal à ce point ? Ah bon ?
- Ça t’arrive d'écouter tes émotions ? ;-)
- Allez va te coucher je me débrouille très bien avec mes émotions ...
- T'es sûre ?
- Certaine ma belle.
- Pas trop triste ?
- Non je suis habituée, tu sais depuis quelques temps, à alterner les loopings et les
chutes libres... Allez file, va te coucher. Je t’embrasse tendrement.
- Je suis concernée ? Avant de nous souhaiter bonne nuit ce que je voulais te dire
c'est que si je dois prendre une décision concernant Lisa et moi j'aimerais savoir
si je le fais pour de « bonnes » raisons...
- Bonnes ?
- Ton amour pour Dominique est loin d'être mort, il est même encore très vivant.
Ce serait dommage de ne pas souffler sur les braises pour faire repartir le feu...
- Et toi, je claque des doigts et je t'oublie ? Allez va te coucher ma douce, demain
tu ne vas pas être bien...
- Non j'ai répondu à ta question sur « bonnes ». Tu devrais aller te coucher mon
chou tu es fatiguée... :-)
- Pas tout de suite.
- Tu vas faire quoi ?
- Essayer de me trouver des petites copines sur le net, tiens pourquoi pas... Mdr...
- T'as raison vas sur le site chattesenchaleur.com, tu devrais trouver... Mdr
- Allez file, va te coucher.
- Oui. Je t'embrasse très tendrement... Je suis toute chavirée par toi j'essaie de
garder la tête hors de l'eau et ce n'est pas évident... J'ai encore envie de toi...
- Moi aussi alors endormons nous comme ça mon ange...
- Excellente idée... Déjà je sens ta langue... A demain mon ange...
- C'est vrai je le fais. Dors bien à demain. Un plaisir de m'endormir dans tes bras.

- 120 -
- Egalement, on prend de sales habitudes... ;-) »

Pascale ne se fit pas prier. Elle était épuisée par la discussion. Elle se sentait
acculée. De sa vie, elle n’avait jamais dû prendre une telle décision. Quel que soit
son choix une femme souffrirait. Si c’était Célia, ce serait Lisa, si c’était Lisa, ce
serait Célia. Et si elle ne choisissait pas, ce serait elle. Ecartelée entre deux
amours, culpabilisée de sa lâcheté. Qui devrait souffrir ? C’est en répondant à
cette question qu’elle ferait son choix !

- 121 -
Chapitre XVI

La vérité on ne la doit qu’à soi-même. Malgré la fatigue Pascale n’arrivait pas à


fermer l’œil. Cela se bousculait trop dans sa tête. Célia était arrivée dans sa vie,
avec ses questions, son amour, sans qu’elle ne s’y attende ou ne le cherche…
Avant-hier, elle avait dû se rendre à l’évidence, elle aimait Célia et la désirait
physiquement. Lisa s’est bien rendue compte qu’il se passait quelque chose, voilà
pourquoi elle lui avait demandé de lui promettre de ne pas en être amoureuse.
Pascale n’avait pas hésité à le lui promettre alors qu’elle savait pertinemment
qu’elle lui mentait. Pascale la trouvait très digne dans son amour blessé. Elle était
complètement bouleversée par son intelligence de cœur.

Le problème, c’est qu’aucune des deux ne lui demandait quelque chose. Elle se
sentait prise dans un conflit de loyauté avec Lisa. Si elle la quittait matériellement
sa vie serait difficile. L’appartement lui appartenait et ce n’est pas avec son petit
salaire que seule elle s’en sortirait. Lisa l’aimait, elle était heureuse avec elle et
Pascale l’aimait aussi. Professionnellement, elle ne se voyait pas quitter son poste
dans lequel elle se plaisait. Tout recommencer ailleurs, même par amour, ne
l’emballait pas.

Pascale retournait le problème dans tous les sens, elle n’entrevoyait pas de
solution satisfaisante.

La tolérance de Lisa avait ses limites. Elle la laisserait vivre avec Célia
pleinement cette relation uniquement sur le plan sexuel. Pas question de plus.

Pourtant de sa vie jamais elle n’avait été aussi bien avec quelqu’un, jamais elle
n’avait autant joui ni eu autant de désir sexuel. Elle d’habitude si insatiable avait
eu sa dose sans avoir à en réclamer plus que nécessaire.

Le bonheur était à portée de main et elle ne pouvait le saisir….

Elle ne voulait rien précipiter qui soit irréversible. En particulier pour Lisa. Elle
ne savait pas ce qui allait arriver. Elle aimait deux femmes et elle ne voulait en
sacrifier aucune. Elle savait pourtant qu’il lui faudrait prendre une décision.
Laquelle ?

Il lui restait deux heures à dormir. Elle se leva et envoya un mail : « Je t’aime et je
voulais que tu le saches. Pascale »

Et elle s’effondra d’épuisement. Quand le réveil sonna, elle se leva comme un


zombie. Au moins ses collègues verraient sur sa tête que son arrêt n’était pas
bidon, qu’elle n’était pas au mieux de sa forme. Elle n’eut pas le temps de
consulter ses mails. Elle retrouva celui de Célia en rentrant du travail.

« Bonjour ma belle, Merci pour ton mail de la nuit, je crus que je rêvais encore…
Je file travailler. Prends soin de toi mon ange et souviens toi que je t’aime.
J’attends de tes nouvelles. Tendrement. Célia. »

- 122 -
Avec la fatigue de la reprise, Pascale alla directement au but.

« Bonjour Célia,

J'aimerais bien qu'on ne précipite rien, qu'on laisse venir les choses, qu'on
protège celles qu'on aime... Qu'on apprenne à se connaitre et se découvrir dans le
réel... Qui sait si le virtuel résistera à cette épreuve... Construire sans détruire....

Peut-être pourrions-nous envisager de nous rencontrer en terrain neutre. Nous


trouver une petite ville sympa à découvrir... Et nous aimer...

Qu'en penses-tu ma douce ?

Si tu savais combien à cet instant j'ai envie de faire l'amour avec toi.

Je t'embrasse tendrement. Pascale »

Lisa attendait Pascale pour goûter. Un rituel de plus entre elles deux qui les
souderait un peu plus. Lisa fit remarquer à Pascale sa mine défaite. Maintenant
qu’elle avait repris le travail, elle devrait songer à se coucher plus tôt. Pascale
n’avait pas besoin qu’elle lui dise. C’est parce que les échanges s’étaient accéléré
qu’elle en était arrivée là. En les ralentissant, Pascale espérait pouvoir prendre un
peu de distance avec les événements. Sa hantise était de prendre une mauvaise
décision dans le feu de l’action. Son pire ennemi c’était elle !

Elle se connecta sur sa messagerie instantanée. Célia était déjà là.

« Ça s’est bien passé la reprise ?


- Oui. Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit. Ce soir je me couche tôt.
- Ce soir, je sors avec Dominique. Je ne pourrai pas rester connectée.
- Ça tombe bien !
- Tu as lu mon mail ?
- Oui.
- Et alors ?
- Je suis d’accord avec toi. J’aimerais qu’on se trouve un endroit qu’on ne
connaisse ni toi ni moi, un endroit neutre qui deviendrait à nous et qu’on
découvrirait ensemble.
- J'ai en fait envie avec toi de nous créer quelque chose qui n'appartienne qu'à
nous. Ne pas te dire ce que je dis à Lisa quand je l'aime, ne pas faire l'amour avec
toi comme avec une autre...
- Je dois bientôt filer, on en rediscute tu veux bien ?
- Oui.
- Je n’ai pas trop envie d’y aller. Difficile de redescendre quand on me parle, j'ai
le sourire béat.... Et je suis dans un état d'excitation que je n'ai jamais connu je
crois. Ça m'arrive n'importe quand dans la journée, je discute par exemple et d'un
coup tu surgis, je sens des frissons qui me parcourent le corps et j'ai le ventre et le
sexe en feu... J'adore cette clandestinité ... Mdr.
- Tu fais comment ? J'ai l'impression d'être une obsédée sexuelle je passe mon
temps à y penser et quand ce n'est pas y penser c'est aller me calmer...
Manuellement...

- 123 -
- Je me douche, je me change, c'est selon les possibilités et je t'aime aussi par
procuration. Je n'ai pas l'impression d'être obsédée même si je n'ai jamais eu
envie de quelqu'un à ce point, seulement très amoureuse...
- Moi tu ne me quittes pas c'est pire...
- Mais moi non plus ma belle, quand je suis seule aucun problème, c'est quand il
faut un minimum vivre en société
- On a le même problème à ce que je vois... ;-) Tu ne m'es pas d'un grand secours
pour une fois... Mdr
- Je crois qu'on a le même problème en général, avec des nuances bien sûr, nous
n'avons pas vécu la même vie, mais je pense qu'on attendait la même chose...
- Je ne sais pas si j'étais dans l'attente. Si justement c'est si violent et que ça me
dépasse c'est parce que je n'attendais rien... Y a quelque chose en particulier qui
t'excite plus qu'autre chose ?
- Ma belle pour l'instant seulement imaginer te toucher me propulse dans un autre
temps... J'ai envie de tout mais j'avoue qu’imaginer goûter tendrement ton intimité
me chavire...
- L'envie est partagée et réciproque... ;-)
- On est faites pour s’entendre … ;-)
- Je le pense mon corps ne me trahit jamais quand il est question de désir... ;-)
- Je pense que Dominique sent un truc, elle est très câline et elle a envie de
pleurer pour un rien…
- Tu comptes faire quoi avec Dominique ?
- C'est à dire ?
- J'ai le sentiment que ce genre de situation, ce n'est pas la première fois que tu
gères... :-)
- Tu m’expliques ?
- Je pense que tu réfléchis déjà depuis très longtemps à ta relation avec
Dominique qui par certains aspects ne te conviennent plus... A mon avis tu as déjà
dû chercher des compromis acceptables sans vraiment les trouver... Je me trompe
?
- Non.
- Tu m'étonnes mais je te crois... Ou alors ce n'était pas verbalisable et notre
rencontre a permis que ça émerge ?
- Comment ça ? J'ai dit non tu ne te trompes pas... Est-ce ce que tu as compris ?
- Tu peux m'en dire un peu plus ?
- Tu te posais des questions dimanche sur elle, tu as trouvé des réponses ?
- Je pense que j'ai mes réponses mais je ne suis pas très sûre d'être objective, je
ne vois que toi...
- C’est quoi tes réponses ?
- Il y a un moment que je réfléchis à notre relation
- Et tu la vois évoluer comment ? Et tu souhaiterais qu'elle évolue comment ?
- Je ne la vois pas trop évoluer justement...
- Tu trouves qu'elle n'a pas évolué ? Tu penses qu'elle va se figer ?
- Je pense qu'elle l'est... Pour moi en tous cas...
- Tu n'as pas répondu à ma question de comment tu souhaiterais qu'elle évolue...
Comment ça figée, je ne comprends pas... ?
- Tu veux vraiment parler de ça maintenant ? Et pourquoi maintenant ?
- Parce que je te sens prisonnière d'un conflit inconscient mais surtout que tu es
en train de te mettre des barrières qui vont te faire mal. Ne crois-tu pas que toi et
moi on pourrait vivre une merveilleuse histoire d'amour ? Rien qu'à nous …

- 124 -
Pourquoi ne pourrais-tu pas vivre deux amours complémentaires ? Je ne suis ni
jalouse ni possessive et je pourrais avoir de toi que le meilleur... Et inversement je
te donnerais le meilleur...
- Je suis sûre... L'évidence même ... Quelles barrières ?
- Tu vois déjà notre relation figée alors qu'elle est archi-vivante !!!
- J'ai du mal à aimer deux femmes à la fois ...
- Comment ça ? Je te jure ce n'est pas une lampe torche que tu as ce soir mais une
vraie centrale électrique... Mdr
- Je t'écoute Célia bien plus que tu ne le crois... :-) Tu veux vivre avec moi c'est ça
ton désir ?
- Trop rapide pour moi comme question et qui n'a rien à voir avec Dominique
seulement avec moi... Vivre avec toi ou pas ? Mais si c'est toi que j'aime
profondément avec personne d'autre en tous cas...
- On avance... Donc qu'est-ce qui empêche notre relation d'évoluer puisque ce
n'est pas le prochain stade que tu veux atteindre ? ;-)
- Rien mon chou. Je ne pensais pas qu'il pouvait y avoir quelque chose de figé
entre Dominique et moi... Ça vient de moi... Nous sommes très complémentaires
mais plus vraiment sur la même longueur d'onde... Je réfléchis à ça depuis un
moment...
- Ça pourrait le redevenir si je te donne ce qu'elle ne peut te donner... ;-)
- J'ai bien des questions dans la tête tu sais... :-)
- Pose- les !
- As-tu l'intention de la quitter ? Ou bien est-ce impossible ?
- Pas impossible.
- Que se passerait-il pour elle ?
- Et toi tu voudrais vivre avec moi ?
- Dans l'absolu oui parce que c'est très agréable de vivre avec quelqu'un qu'on
aime... ;-) Mais je me vois mal annoncer à Lisa que je la quitte.
- Tu crois qu'on peut vivre une belle histoire d'amour toi et moi ?
- Oui et j'en ai même une idée assez précise... ;-)
- Tu peux m'en dire plus ma douce ?
- Ça t’intéresse ? Mdr
- A ton avis ? Rigolote !
- Je n'ai pas d'avis, je suis fatiguée. Mdr
- Allez !
- J'aimerais qu'on procède par étapes. La première c'est se rencontrer et
confirmer ce que nous ressentons « virtuellement ». On ne sait jamais... La
deuxième...
- Je te l'ai dit Pascale, les choses se font quand elles doivent se faire...
- La deuxième c'est qu'on fasse l'amour jusqu'à plus soif... La troisième c'est qu'on
se fabrique des parenthèses enchantées, on se retrouve quelque part pour vivre
des heures inoubliables... La quatrième c'est qu'on ne touche rien à nos vies
actuelles on jongle avec... La cinquième si on voit que vraiment entre nous c'est
pour la vie, on prendra les décisions qui s'imposent... Alors tu en penses quoi ?
- Quel plan de bataille... Dans l'absolu je ne suis pas sûre de tout bien gérer... Tu
vois avec mon envie de toi permanente j'ai du mal à aller vers Dominique, et je
supporte moyennement qu'elle vienne à moi... Quant à faire l'amour je ne te
raconte même pas... Remarque peut-être qu’en me voyant tu fuiras…
- Réfléchis... Tu vois une autre solution ?

- 125 -
- Pas vraiment... Mais il y a des choses que je ne peux pas faire c'est plus fort que
moi.
- Comme quoi ?
- Faire l'amour à Dominique si j'ai envie de toi... Et je ne peux pas avoir envie de
deux personnes en même temps. Dans mon esprit, mon cœur et mon corps il n'y a
qu'une case pour ces choses là ...
- Je croyais qu'elle ne voulait plus tellement... ;-)
- Disons qu'elle n'est pas très portée là-dessus même si elle aime quand on fait
l'amour... Elle est du genre à me faire toujours plaisir mais à oublier que le sexe
est aussi important... Si je ne la sollicite pas ça peut durer un moment... Et parfois
elle a de grands élans... Et je sens que ça approche surement parce qu'elle me
sent ailleurs...
- Qu'est-ce que tu veux dire ? J'ai peur de mal comprendre... Et si tu refuses de lui
faire l'amour que va-t-il se passer ?
- Elle va me poser des questions.
- Une bonne chose pour sortir d'une relation figée... ;-) C'est peut-être l'occasion
de lui dire tes désirs... ;-)
- Un peu tard et ce n'est pas elle qui les suscite...
- Vous n'en seriez pas là si elle les avait suscités. Tu la déresponsabilises de sa
part en disant ça...
- Non je sais très bien lui en parler... Mais elle a du mal... Dominique est
comment te dire, assez victime ...
- C'est ce que je dis, tu rentres dans son jeu en la déresponsabilisant à bon
compte. Qu'elle assume ne pas aimer te faire l'amour !!!
- Qu'elle assume déjà notre relation homo !
- C'est un ensemble... ;-) Moi je l'assume... Mdr. Il doit y en avoir de la souffrance
en toi mon chou...
- Je crois que je vais y aller. Je ne sais pas qui a encore répandu un pot de glue
devant l’ordinateur. J’ai envie de pleurer.
- Qu’est-ce qui ne va pas ?
- Rien je suis seulement amoureuse et je n'ai pas envie de partir... Aussi simple
que ça. Malgré les apparences tu me fais beaucoup de bien. Un bien fou même…
- J'espère bien... :-)
- Je vais bouger ma belle ... Je t'embrasse tendrement Et tu sais comme je pense à
toi... Tu as évoqué un plan de bataille tout à l'heure mais pas vraiment répondu à
ma question… Penses-tu qu'on peut vivre une belle histoire d'amour ?
- Oui. Parce que nous en avons envie toutes les deux et que nous ne nous mettrons
pas en échec !!!
- Oui je voulais te le dire moi aussi : je t'aime mon ange et de le dire je tremble ...
- Ne tremble plus je suis là avec toi à tes cotés et je t'aime... Réfléchis à mon plan,
j'en ai autant envie que toi... Juste toi et moi sans rien autour... Une parenthèse
enchantée...
- Merci ma belle, ça fait du bien, d'un coup là je me sens ravigotée et je pars avec
tes mots dans la tête... Tu vois souvent on fait bien de redemander les choses.... Je
t'aime et t'aimerai toute la nuit.
- Allez file !!!! On fera l'amour dans le noir et sous les draps ça te va ? Mdr
- Ça me va ;-) Je t’aime.
- Moi aussi... Ça va mieux ? Rassurée ? Génial donc deuxièmement... Mdr
- J'ai voté à fond pour le deuxièmement…
- Alors faudra qu'on reprenne le premièrement de jour et sans les draps... Mdr

- 126 -
- Si tu veux ma belle j'adore le n'importe quand tout de suite…
- Moi aussi…
- D'accord ma belle. Je ne quitte pas en fait. Douce nuit. Et que ma langue soit
avec toi... Mdr
- Elle y est déjà, j'ai commencé... ;-)
- Bises mon cœur je suis partie. »

Pascale resta un petit moment devant son écran. Son malaise était palpable. Elle
était dans une fuite en avant depuis quelques jours et elle devait arrêter cet
emballement. Malgré la fatigue, elle prit son courage à deux mains. Elle ne savait
pas comment aborder le sujet avec Lisa. Autant que ça soit brutalement.

« Lisa, je dois te parler.


- Oui.
- Je t’ai menti.
- Ah !
- Je ne sais pas ce qui m’arrive avec Célia, je ne me reconnais plus depuis que je
la connais.
-…
- Aide-moi un peu !
- Pas question ! Assume ! Va jusqu’au bout ! Tu m’as menti, je t’écoute !
- J’aime Célia et je ne veux plus te le cacher.
- Je ne veux pas te perdre.
- Moi non plus.
- J’ai deux solutions. Ou je te quitte mais il en est hors de question ou bien
j’accepte que tu l’aimes.
- Tu as tout compris Lisa.
- Ce sera notre secret. Tu vis avec elle ce que tu as à vivre mais tu ne me parles de
rien, je ne veux rien en savoir. Et on garde notre vie d'avant, ça te va ?
- Viens que je te prenne dans mes bras ! »

Lisa s’endormit tranquillement. Pascale malgré la fatigue se leva pour écrire à


Célia. Elle n’en pouvait plus de ce rythme effréné et pourtant elle sentait l’urgence
en elle de régler tout cela au plus vite.

« Mon amour,

Tu n'étais pas partie que déjà tu me manquais. J'avais le sexe en feu, ta langue
venait de se poser sur moi que je jouissais aussitôt.

Je ne sais pas ce qui m'arrive avec toi, je ne me reconnais plus depuis que je te
connais. Tu employais des termes météorologiques pour parler de l'effet que je
te faisais et en bien pour toi c'est encore pire...

Alors je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai appuyé sur la télécommande de la
télévision et j'ai dit: « Lisa faut que je te parle, c'est important ».

Un silence s'est installé, elle a voulu savoir ce que je voulais faire. Je lui ai dit
que je t'aimais et que je ne voulais pas le lui cacher. Re silence. Maintenant je
l'écoutais elle avait peut-être elle aussi envie de me parler. « Je ne veux pas te

- 127 -
perdre. Je n'ai que deux solutions : ou je te quitte mais il en est hors de question
ou bien j'accepte que tu l'aimes - T'as tout compris Lisa ! »

Alors Lisa m'a dit : « ce sera notre secret. Tu vis avec elle ce que tu as à vivre
mais tu ne me parles de rien, je ne veux rien en savoir. Et on garde notre vie
d'avant, ça te va ? »

Bien sûr que cela m'allait. Mon désir est de vous aimer toutes les deux je ne veux
en sacrifier aucune au stade où nous en sommes aujourd'hui...

Je l'ai embrassée (chastement...) et là nous nous sommes mises à pleurer dans les
bras l'une de l'autre...

Digne Lisa, digne...

Je t'ai sentie triste tout à l’heure mon ange. Je ne sais comment te rassurer, te
dire combien je t'aime. Depuis cinq jours j'ai pas mal avancé avec toi et dans ma
relation avec Lisa. Je ne peux pas aller plus vite, j'ai moi aussi besoin de temps
car je voudrais savourer chaque seconde de notre histoire sans rien précipiter de
ce que je ressens tant c'est trop fort...

Je te sens impatiente par moment, je le suis aussi. Mais ce qui nous arrive est très
beau, ne gâchons rien, profitons de cet état de béatitude dans lequel nous plonge
ce désir si délicieux qui nous dévore les entrailles...

Je te tiens la main mon amour, je suis là... Ne crains rien, tu n'es plus seule...

Tu me manques...

Nous avons toi et moi maintenant une belle histoire d'amour à vivre. Ce soir je
voulais te donner plus. C'est fait...

Le rêve devient réalité....

Je t'aime...

Fais de très beaux rêves ma belle....

Je pense à toi...

Très tendrement. Pascale »

Pascale se traina péniblement au travail. Elle avait une terrible envie de dormir.
Elle enchaina les cafés et put traiter ses dossiers. Elle profita du voyage en train
pour une micro sieste réparatrice. L’énergie lui revenait quand elle était
tranquillement assise devant son ordinateur. Cela dit, anticipant sa soirée, elle se
hâta de se coucher après avoir goûté. Dormir une heure lui fit le plus grand bien.
Elle avait laissé sa messagerie instantanée allumée. Un message de Célia
l’attendait.

- 128 -
« Je ne suis pas impatiente tu sais, et je ne sais pas ce qui peut te le faire croire
sûrement ma maladresse à m'exprimer...
- Tes allers et retours... Je m'explique : parfois tu veux quelque chose et quand je
le propose tu recules... ;-)
- Comme quoi ? Je les imagine bien… Mdr
- Comme hier soir où concrètement je te proposais de vivre une belle histoire
d'amour et d'un seul coup, miss se ravise et doute !!! :-(
- Que je doute de moi est une chose, et que je me ravise en est une autre... Je n'ai
pas eu l'impression de me raviser... Et toi aussi ma belle tu fais de beaux allers
retours...
- Moi c'est normal ! ;-)
- Ah ? Et pourquoi ?
- Tu mènes, je suis... ;-) Qui c'est la première qui a commencé à tomber
amoureuse ? Mdr
- Ah c'est malin mais tu fais bien de la ramener... J'ai une question. Comment
peux-tu me dire un soir : ne me dis pas que tu es amoureuse ? Que ne t'avais-je
écris au début de notre relation ? Et m'écrire 2 jours après un matin : tu sais moi
aussi je suis amoureuse de toi.
- On est d'accord 2 jours plus tard... C'est donc après, la deuxième... ;-)
- Si tu veux ... Mais c'est arrivé comme ça un matin, le matin du deuxième jour ?
- Qu'est-ce que tu essaies de me faire dire ?
- Quand as-tu ressenti ton désir amoureux ?
- Excuse moi ce soir je suis un peu ralentie, tu veux savoir quand je suis tombée
amoureuse de toi c'est ça ?
- C’est ça !
- Ça a été progressif.
- On avance ma belle…
- Au début j'ai bien aimé l'originalité de ta démarche j'ai donc répondu. Ensuite
j'ai été touchée par ton côté néophyte. Puis petit à petit je suis rentrée dans ton
univers. J'ai fini par attendre tes mails alors qu'au début pas plus que cela, c'était
une correspondance comme j'en avais déjà eu. Puis ça a basculé quand...
- Le côté néophyte ??????????????????
- Le fait que c'était la première fois pour toi... ;-)
- Ouais la pauvre fille qui sort de sa campagne profonde ... Mdr.
- Je n'ai pas envie de rire Célia parce que là tu ne peux pas savoir comment tu
m'as émue avec tes failles, j'en ai les larmes aux yeux en te l'écrivant...
- Qu'est ce qui t'es arrivé mon chou ? Pourquoi je t'ai émue ?
- C'est indicible... Et cela me parait trop violent de te le dire...
- Tu penses que je te cache les miennes ?
- Oui. Mais ça ne me gêne pas car je les devine...
- Que veux-tu savoir de moi ma douce ?
- Quand tu te sentiras prête tu m'en parleras...
- Quoi ? Alors là déconne pas ma belle, dis-moi ce que tu as à dire...
- T'es sûre ?
- Oui.
- J'ai eu très peur de toi au début quand je t'ai vue passer des nuits blanches à
m'écrire. J'ai eu le sentiment de quelqu'un qui se noyait et qui envoyait une
bouteille à la mer avec un SOS dedans... C'est cela qui m'a profondément ému et
remué en toi... C'est pour cela que je parle de détresse, comme la balise...

- 129 -
- Tu sais ma belle je passe souvent des nuits blanches ou presque... C'est ancien
chez moi ... Tu es mon sauveteur alors ?
- Non parce que je n'ai pas cherché à te sauver à ce moment là ni même
maintenant... :-) Je t'aime c'est tout...
- Et donc tout a basculé quand ?
- Puis ça a basculé quand j'ai compris que j'avais de la merde dans les yeux. Je ne
voulais rien voir de tes appels de phare, j'y répondais maladroitement. C'est
quand tes réponses décalées par rapport à mes délires me sont parvenues que j'ai
compris ce qui se passait... Je me suis défendue maladroitement... Puis là tu m'as
touchée en plein cœur en te défendant à ton tour et en niant :-). C'est arrivé là
exactement...
- Tout a basculé là ?
- Quand j'ai commencé à te dire de ne pas t'accrocher alors que c'était fait depuis
longtemps et que j'avais refusé de le voir. Tu m'as renvoyé à quelque chose de
mon histoire avec Lisa et tu m'as fait craquer...
- Si tu pouvais m’en dire plus ça me rassurerait peut-être sur ma santé mentale.
- Elle est bonne je te rassure... T'as un inconscient ma belle et il s'est exprimé ! ;-)
J'ai appelé ça tes appels de phare... :-) Si je m'étais trompée dans mon
ressenti crois-tu que nous en serions là aujourd'hui ?
- Tant que nous y sommes là aussi tu peux m’en dire plus mon ange…
- Je ne pourrais pas te dire pourquoi mais j'ai eu un flash j'ai ressenti quelque
chose de très très fort te concernant, ta détresse m'a interpellée au plus profond
de moi-même car elle résonnait avec mon désir... Quelque chose m'anime dans
cette vie je ne sais quoi mais qui représente une énergie vitale qui me pousse à
des moments particuliers à prendre des directions importantes. Tu es arrivée à la
croisée des destins. Tu répondais à quelque chose de ma problématique sur le
corps et la féminité...
- Alors ma douce on repart avec ma détresse... Tu m'en dis plus mon chou ?
- Tu es curieuse ce soir ? ;-) Tu t'en défends Célia mais elle est là... ;-)
- Oui ma douce protège-moi... Mdr... Comme chez tout le monde non ?
- Un peu plus que la moyenne pour être sensible à une parole désincarnée,
physiquement tu ne me connais pas, pas plus que le son de ma voix... ;-) Et si
j'étais un homme et la photo c'est celle de ma concierge ? Mdr.
- Je peux te renvoyer la question.
- Je n'ai jamais caché mes fragilités mon amour... ;-) Je les assume comme mon
homosexualité...
- Je me suis défendue et j'ai nié ?
- Oui. Quand j'ai commencé à comprendre que tu tombais amoureuse je t'ai posé
la question et tu as nié. Ensuite j'ai contourné la question et tu t'en es défendue. Il
aura fallu que j'avoue mes sentiments pour toi pour que tu m'avoues les tiens... ;-)
- C'est vrai, je ne voulais rien perturber, mais il y a eu une belle vague et j'ai
lâché la barre... »

La discussion s’arrêta brutalement. Impossible de redémarrer la connexion pour


Célia. Une fois encore, c’était planté. Au bout d’un moment Pascale se douta d’un
problème technique. Cela l’arrangea car elle put se coucher tôt et ainsi récupérer
le sommeil en retard qu’elle avait accumulé ces derniers jours.

Au matin Pascale trouva un mail dans sa boite.

- 130 -
« P… de connexion, elle m’a encore lâchée. Tu étais sans doute couchée quand
elle est revenue. Moi aussi mon ange je voudrais tant te donner tellement plus et
que tu te sentes dans mes bras et mon amour comme dans un refuge rassurant...
Une terre verte et fertile regorgeant de fruits murs et de fleurs somptueuses...
Après une traversée sur des océans pas toujours cléments...

Je n'ai jamais aimé quelqu'un comme toi mon trésor et ça me porte si tu savais ...
Je t'embrasse mon ange et pense à toi sans arrêt... Célia »

Pascale répondit rapidement car elle était en retard : « Je t’aime et tu me manques


déjà. »

La réponse de Célia fusa laconique : « Bonne journée. Célia »

Pascale sentit que Célia allait mal. Elle n’avait pas le temps de lui parler et le
regrettait déjà. L’explication arriva au moment où elle s’apprêtait à éteindre son
ordinateur.

« J’ai dit cette nuit à la femme avec qui je vis depuis hui ans que je la quittais
parce que j'aime une autre femme que je ne connais pas. »

Pascale resta tétanisée devant son écran. Célia avait quitté Dominique ! Vite elle
avait son train à prendre. Elle éteignit sauvagement son PC et courut à la gare.
Tout cela allait trop vite, bien trop vite. Il est clair que maintenant ce n’était plus
la même histoire. Célia attendrait que Pascale en fasse de même avec Lisa. Elle se
demandait si depuis le début elle ne s’était pas fait avoir. Elle verrait bien ce soir
en discutant avec Célia ce qu’elle imaginait pour la suite.

- 131 -
Chapitre XVII

Pascale avait hâte d’écrire à Célia. Elle voulait en savoir plus sur ce qui c’était
passé. Toute la journée elle avait repensé aux quelques lignes du matin. Elle
n’était pas prête pour l’instant à quitter Lisa, ce d’autant que cette dernière lui
donnait les coudées franches pour cette aventure. Pascale ne voulait rien
précipiter. Pour elle, c’était très confortable. Si jamais avec Célia, ça ne
fonctionnait pas, Lisa l’attendrait sans reproche à la maison. Aussi elle n’avait
aucune urgence à rompre mais plutôt à faire les choses dans l’ordre. D’abord
rencontrer Célia et ensuite aviser. En rentrant, elle se jeta sur son ordinateur. Célia
était déjà là.

« Je t’ai sentie mal ce matin mon amour, Je peux faire quelque chose pour
t’aider ?
- Pas grand-chose en fait.
- Je ne sais plus quoi penser, ni quoi te dire. J'ai le sentiment que notre rencontre
a précipité quelque chose dans votre couple et que mon amour pour toi te permet
d'exprimer à Dominique bien des choses. Pour autant est-ce que la rupture est la
solution ? Ne pouvez-vous pas communiquer et repartir sur des bases plus saines
?
- Alors ne dis rien... Pas grand chose à dire de toutes manières. J'ai déjà dit bien
des choses à Dominique avant de te rencontrer... Elle entend autrement
aujourd'hui... Peut-être un peu tard…
- Je te sens très agressive et sur la défensive...
- Pas agressive… Démontée…
- Je ne t'ai jamais vue mal comme ça mon amour...
- Moi non plus, pas trop l'habitude... Je suis d'ordinaire plutôt tranquille...
- Qu'est-ce que je peux faire ? J'ai le sentiment que moi aussi quelque part tu m'en
veux...
- Je ne t'en veux pas, je t'aime et je me demande ce que je vais faire avec ça... Il
faudrait qu'on s'écrive elle et moi on se marrerait peut-être.
- Je comprends ton immense déception à son égard car si elle entend aujourd'hui
pourquoi n'a-t-elle pas voulu ou pu entendre hier ? Il est vrai qu'on peut se
demander si la blessure d'amour propre d'être délaissée pour une autre la fait
réagir... Mais pour autant entend-elle vraiment ou bien pleure-t-elle sur elle-
même ?
- Elle pleure sur tout. Dominique a voulu faire l'amour cette nuit... J'ai refusé...
Toute la nuit...
- En même temps tu te prives de ce que tu attends d'elle depuis des années. Et si
justement tu affrontais ton désir et le sien, sans doute serais-tu moins mal ? Je
trouve dommage au moment où enfin vous vous parlez vraiment, tu coupes aussi
brutalement le contact... Cela ne m'empêchera pas de t'aimer car mon amour va
bien au delà de la possession physique... ;-)
- Je ne me prive pas, je n'en ai pas envie... Je dois faire semblant ? Je te l'ai dit je
ne sais pas désirer deux femmes en même temps ! Couper les liens brutalement
quoi faire de mieux quand je sais ce que je sais…
- Ok le message est clair, je n'insiste pas... Je ne peux que dire ma tristesse devant
cette rupture que je ne vous souhaitais pas. Le malaise entre vous est sans doute

- 132 -
bien plus grand que je ne l'imagine, si tu ne la désires plus c'est aussi que tu ne
l'aimes plus...
- Je ne peux avoir qu'un seul désir amoureux, rien que tu ne saches déjà.
- Ça j’ai bien compris … ;-) Mais éprouves-tu encore des sentiments pour
Dominique ?
- Oui, mais pas amoureux si je suis honnête et déjà avec moi même... Je ne peux
pas ou plus éprouver des sentiments amoureux pour elle puisque je les éprouve
pour toi, très primaire Célia ! Une case !
- Très romantique Célia... Très remuée par ses sentiments et par notre rencontre...
;-) Pas l'habitude d'éprouver autant d'amour et de désir...
- En fait c'est toujours les salopes qui ont la vie belle, c'est vrai...
- Je dois le prendre comment ? ;-)
- Ne pas se poser de questions, aucun sens moral, tu vois quoi... Je suis honnête je
ne sais pas faire mieux... Si lapin.
- C'est quoi lapin ?
- Le lapin aux yeux rouges.
- Et ça te fait rire ?
- En fait je me sens mieux ça me fait du bien de te parler.
- Tu m'en vois ravie... : -)
- Je suis en pleine tempête et malgré ca je t'aime comme une bienheureuse. Tu
sais j'ai une terrible envie de toi qui me déchire le ventre.
- Je t'aime mon amour... Tu veux que je te donne du plaisir là tout de suite ? ;-)
- Non ma douce, ca va, j'aime cette sensation, la garder présente...
- Je sens que tu t'apaises... Ça va mieux ?
- Je t'aime en tous cas et tous ces moments volés me font beaucoup de bien...
Merci. Je crois que je vais aller voir Dominique pour discuter.
- Elle a ses fragilités... Prends soin d'elle ! Je sais que c'est une période délicate
mais sache que quelle que soit ta décision je la soutiens et la respecte... Je t'aime
très fort... Je ne pense qu'à toi mon amour... ;-) Tiens-moi au courant...
- Merci ma douce pour tous tes mots réconfortants... Je t'aime et je ne pense qu'à
toi, pour le reste je fais de mon mieux....
- Mes baisers et mes pensées t'accompagnent mon amour... Tu as une place dans
ma vie et dans mon cœur, je veux te donner la meilleure et tu sais avec le recul tu
verras que ce seront les meilleurs moments ! ;-) Je sais que toi et moi pouvons
construire une histoire originale, extraordinaire et c'est aussi cela qui me fait
rêver en toi... Tu es assez indépendante et moi aussi pour construire un tel
amour... ;-)

Pascale profita de sa soirée avec Lisa. Elles se préparèrent un gratin de poisson et


une ratatouille. Pascale avait repris plaisir à passer derrière les fourneaux. Elles
retrouvaient leurs marques. Cette histoire leur avait fait du bien. Elles
redessinaient leurs rapports. La nourriture n’était plus un calmant, il devenait un
allié dans un jeu de séduction qui les dépassait. Pascale aimait ce nouveau mode
alimentaire. Surtout le goûter. Depuis des mois elle s’était privée de tout ce qui
pouvait être gras et sucré. Et là elle en mangeait sans se culpabiliser. Elle
n’éprouvait plus non plus des fringales, ni de baisse de régime. Après le diner,
Lisa lui proposa de retourner sur son blog et de parler de sa nouvelle expérience.
Elle l’encourageait dans l’espoir que son témoignage susciterait des réactions et
qui sait de nouvelles correspondances. Ce serait moins de temps pour Célia. Lisa
était une redoutable adversaire qui ne se laisserait pas prendre son amour. Pascale

- 133 -
était la femme de sa vie et elle comptait bien qu’elle le reste. Pascale apprécia de
reprendre l’écriture. Au fur et à mesure qu’elle s’épanchait sur son blog, elle
revisitait ses recettes qu’elles pourraient très bien adapter à son nouveau mode
alimentaire. Que de récits en perspective, de photos, d’essais culinaires !
L’excitation gagnait Pascale et Lisa ne fit rien pour la retenir.

Pascale partit au travail sans un mot de Célia. Elle espérait que leur soirée s’était
bien passée. A son retour, Célia n’était pas connectée. Pascale se connecta sur sa
messagerie instantanée et en l’attendant commença à répertorier les recettes de
son blog. Les grands classiques avaient sa préférence, rien de tel qu’une
blanquette de veau et du riz pour le midi. Elle salivait tout en se régalant de
chocolat. Ah quel bonheur ! Surtout que le chocolat avait maintenant une place
particulière dans son cœur. C’est grâce à la recette de son Amadeus qu’elle avait
rencontrée Célia. Elle dîna sans que Célia ne se montre. C’est à son retour qu’elle
découvrit ces mots.

« Coucou mon cœur, je me suis battue avec l'ordi et j'ai vaincu...


- Cela t'as fait du bien qu'on parle hier ? J'ai le sentiment que tu as énormément
besoin d'être rassurée en ce moment. Tu sais j'essaie de tenir une position qui
n'est pas facile, j'aime deux femmes et aucune d’elles ne mérite d'être abandonnée
ni d’être en souffrance. Je sais que parfois tu voudrais plus mais précipiter les
choses seraient en ta défaveur mon amour. Voilà pourquoi j'aimerais que tu
apprennes la patience et le compromis, Lisa et Dominique bougent et on doit
aussi leur laisser le temps d'aller à leur rythme... J'ai confiance en l'avenir et en
notre amour... ;-)
- Je suis patiente... Seulement c'est vrai les jours derniers avec toute cette
souffrance... J'étais plutôt fragile concernant notre amour... Je sais ce que je
ressens pour toi... Mais il m'arrive de me dire que tu vas peut être te réveiller et
penser que notre amour est une aberration... Une chose est sûre je suis très
amoureuse de toi, et je ne saurais te dire pourquoi j'ai l'intime conviction que toi
et moi ça ne peut que marcher...
- Je suis comme toi je gère à vue... Et sans boussole... ;-))) Il me semble important
pour notre amour de voir comment nous nous comportons avec nos compagnes, le
respect que nous avons pour elles car c'est cette base qui nous sert aussi à
construire notre histoire et notre couple. Imagine que demain l'une de nous est à
nouveau amoureuse d'une autre ? C'est une rencontre qui est angoissante car
nous ne sommes ni libres ni l'une ni l'autre et forcément ça pose question. Que
deviendrai-je si jamais demain ce coup de foudre se répète avec une autre ?
Quelle est la force de cet amour ? Jusqu'où la croire dans sa sincérité ? ... Je suis
en train d'inventer une nouvelle façon d'aimer, j'ignore tout de ce qui va
m'arriver, je ne sais rien de mon avenir avec toi pas plus qu'avec Lisa. Elle n'est
pas passive et peut aussi me quitter... C'est une histoire très ouverte sur
l'inconnue. C'est ça qui rend l'aventure excitante mais aussi inquiétante... Je nous
pense assez intelligentes toutes les 4 pour nous sortir de là sans trop de casse...
Du moins je le désire... Pour l'instant vivons notre parenthèse enchantée, le reste
viendra...
- Je peux essayer d'imaginer... Mais je sais profondément que le coup de cœur, de
foudre, d'amour que j'ai eu pour toi ne se produit (en tous cas pour moi) pas
souvent... Tu sais hier je n’avais pas trop la frite…

- 134 -
- J'ai bien senti qu'hier tu allais mal... J'essaie de t'entourer du mieux que je peux,
de jongler avec plein de choses... Je veux te donner un maximum de temps et de
présence et j'espère y parvenir...;-) En particulier au niveau de ma disponibilité...
- Je vois bien tout ca et je t'en remercie... En regard de ce que nous pouvons vivre
de part l'éloignement, tu es mon amour on ne peut plus disponible... Et tendre et
aimante et passionnée ... Ça me comble... J'espère aussi parvenir à te faire du
bien...
- Oui également... Je voudrais tellement te rassurer. Je préfère l'honnêteté que le
mensonge afin que tu restes actrice de tes désirs et de ta vie. Il y a des choses que
pour l'instant je ne peux te donner même si je le voudrais. Et je pense que c'est
mieux ainsi c'est une base solide pour construire quelque chose de durable et
fort... :-)
- Mon cœur, je dois y aller. Dominique m’attend. On commence à se partager les
affaires… Tu vas me manquer mais penser à toi est si bon ... J'adore toujours
autant cette clandestinité de pensées, de rêves... Au milieu des autres, être ailleurs
avec toi dans la bulle... Oui je sais mon cœur notre amour doit être ouvert sur
l'extérieur et je dois m'occuper de ceux qui m'entourent... Je fais les deux mon
amour... Je t'aime en m'occupant des autres, et de moi quand je suis avec toi... Tu
vas me manquer c'est sûr mais je te porte en moi... Je t'aime fort... Tu sais que
mes baisers, mes pensées t'accompagnent... Et mon désir aussi... Et il est très
puissant... ;-)
- Tu ne t'oublies plus mon amour et c'est ça qui me comble dans mon amour pour
toi... Tu es une belle personne, très riche intérieurement, c'est pour cela que je
t'aime… Je penserai à toi mes pensées te porteront mon amour jusqu'à toi... »

Célia n’avait pas parlé de sa soirée avec Dominique. Juste du partage des affaires.
Avaient-elles seulement cherché à se réconcilier ? Pascale sentait Célia tellement
pressée de passer à autre chose. C’est vrai que son couple avec Lisa n’était pas au
mieux de sa forme quand elle l’avait rencontrée. Mais ces échanges avaient
relancé quelque chose entre Lisa et elle et Célia venait combler un manque.
Pascale avait bien conscience qu’elle ne pourrait pas tenir sa position très
longtemps. Si la vague qui l’avait submergée sur le net, la fauchait de la même
manière dans la réalité, elle n’allait pas se planquer longtemps derrière sa
parenthèse enchantée. Elle serait bien obligée de choisir. A moins qu’elle refuse
d’admettre qu’un banal adultère l’attirait et qu’elle se racontait des histoires ainsi
qu’à Célia pour lui faire avaler la pilule.

Célia porta le coup le soir suivant. Pascale se doutait qu’il ne tarderait pas à venir.
Mais pas si vite.

« Maintenant que j’ai fait du ménage dans ma vie, tu comptes le faire quand ?
- C'est vrai qu'en ce moment je suis obligée de réfléchir à toute vitesse, moi qui
aime prendre mon temps je suis gâtée... ;-) Tu dis vrai sur plein de plans... En
même temps je m'aperçois que tu vas bien plus vite que moi et ça m'effraie car je
ne peux pas suivre... Je respecte mon rythme, je me connais... Je ne sais pas si ça
à voir avec des vieux schémas, je suis dans l'inconnu avec vous deux, j'ai plutôt
l'impression de quelque chose d'inédit... Mon fonctionnement avec Lisa me
convenait tout à fait jusque là, j'étais très heureuse avec elle et je le serai encore
si toutes les deux nous n'étions pas plongées dans cette souffrance… Ce n'est pas
pour te culpabiliser que je te dis ça, juste pour te dire que je ne sais pas où je

- 135 -
vais, que je ne sais pas quelle route choisir... Je ne veux vous faire souffrir ni
l'une ni l'autre. Je ne sais pas si j'arrive à bien t'expliquer ce que je ressens...
- Ne te casse pas la tête Pascale, vis ta vie, il est arrivé ce qui est arrivé voilà
tout... Il y a toujours des leçons à tirer de toutes manières, ce n'est pas tout à fait
pour rien... Mais excuse-moi d'être franche, je doute pour parfaitement heureuse,
je relis beaucoup tes mails et plein de choses transparaissent... Sûrement n'as-tu
pas envie de les voir... Mais tu t'es oubliée sérieux Pascale, beaucoup plus que
moi finalement...
- Dis-moi lesquelles parce que tu vois là j'ai vraiment l'impression d'avoir de la
m... Dans les yeux... ;-)
- Je te prépare un copier-coller comme ça je ne dénaturerai pas tes propos.
- Tu peux aussi rajouter ta petite analyse perso, tu sais que j'y suis sensible... ;-)
- Mon analyse perso mon amour c'est que toi et moi nous sommes fourvoyées dans
nos histoires pendant des années et je comprends de mieux en mieux notre
rencontre... Même si nous étions et même si tu es encore amoureuse c'est dur ce
que je dis mais je le pense... Je pense que nous nous sommes beaucoup oubliées,
nous avons laissé taire notre vrai moi qui souhaitait autre chose. On trouve
toujours plein de bonnes raisons à tout, mais je pense profondément que tu le sais
et que ça te fait peur... En fait toi et moi nous sommes en phase de libération, c'est
peut être la chose que nous avons à faire ensemble... Je ne sais pas... Si tu étais si
heureuse dans une relation, si épanouie, pourquoi être amoureuse de moi ?
Comment est-ce possible ? Pourquoi dire alors : je t'attendais depuis si longtemps
sans oser y croire, je ne veux pas te perdre ! Qui parle ? Pascale qui tente de
faire de son mieux ou ses entrailles ? Je sais pour ma part que je t'aime et même
seule ... Je suis en phase avec ce que je ressens profondément. Je travaille à ça
depuis des années... Alors quoi qu'il arrive, c'est bon pour moi de toutes manières,
je ne veux plus de décalage, il est temps, entre ce que je ressens et ce que je fais
effectivement de ma vie...
- Sache que je ne sais pas où je vais mon amour et que j'accepte tout ce qui
m'arrive... Je n'ai pas d'idées préconçues ni sur ma relation avec Lisa ni sur la
notre... Je suis prête à aller très loin et à suivre ma voie... Seulement pour
l'instant je suis dans le flou le plus total, je ne parviens pas à remettre de l'ordre
dans mes sentiments et mes idées... Ce que tu me dis m'ébranle, je t'entends...
Pour autant j'ai aimé une femme pendant dix ans, je ne pense pas avoir été dans
l'erreur ni avoir construit sur du vent... Je me dois de trouver du sens pour rendre
ce qui m'arrive cohérent mon amour...
- Peut-être ... Et alors ? Je ne trouve pas ça malsain... Le fait que des situations
nous fassent réfléchir... Quoi qu'il arrive il ne me semble pas que nos sentiments
l'étaient... malsains... En tous cas... Si j'étais ou suis un outil pour toi-même, si tu
n'en as pas tout à fait conscience, pas de problème pour moi, l'essentiel c'est
l'échange que l'on a eu que l'on a, qui nous rendra plus fortes, plus grandes, et ce
que l'on en gardera...
- Pour moi tu es avant tout une personne, je ne t'instrumentalise pas mon amour !
C'est bien pour cela que je réagis avant tout avec mes tripes et tant pis si ça fait
mal ou que tu me mettes le nez dedans...
- Tu as voulu que je m'exprime... Peut-être n'aurait-il pas fallu ? Je pense que tu
sais très bien où sont tes décalages, alors ne perds pas de temps pour toi, pour ta
vie... Si je n'y suis pas, pas d'importance, tu avances mon amour dans ta
construction et c'est ce qui m'importe par dessus tout.

- 136 -
- Si ! Si ce n'est pas consciemment demandé ça l'est inconsciemment... ;-) Une
relation en miroir je crois avoir dit de nous deux non ? Oui je t'aime, oui je t'ai
attendue.
- La vraie question Pascale : que te manquait-il ? Qu'attendais-tu ?
- C’est vraiment trop perso. Je ne sais pas si je peux y répondre maintenant ?
Repose-moi la question un peu plus tard. En attendant ce que je peux te dire c’est
que vous êtes très complémentaires toutes les deux et vous m'apportez des choses
totalement différentes... J'attendais la plénitude mais surtout d'atteindre une unité
qui me permette de ne plus ressentir mes souffrances intérieures... Que je ne
parviens plus à bâillonner ...
- Et alors ?
- Mes souffrances s'expriment, ma sciatique me fait un mal de chien ce soir... :-
(Cela dit je sens que ça bouge en moi, dans le bon sens du terme... :-) Je suis en
train d'essorer l'éponge, c'est normal qu'elle dégouline vue qu'elle n'absorbait
plus rien ou presque... ;-) Je t'aime c'est une certitude mais je ne peux pas régler
des années de souffrance en trois mois... Cela dit de mon point de vue je trouve
que je progresse à pas de géant depuis que je t'ai rencontrée... Cela dit je peux
comprendre que de ton point de vue ça n'aille pas assez vite ! ;-)))
- Jamais dit ça mon amour... Seulement tu as laissé tomber la lampe torche et je
l'ai rattrapée c'est tout...
- Mdr ! Je t'adore mon amour ! ;-)
- Tu sais j'ai vécu avec Dominique huit ans en l'aimant, en ayant une vie
confortable qui me satisfaisait, même si au plus profond de moi je savais que ce
n'était pas l'amour comme je le conçois vraiment... C'est dur de s'avouer ça, parce
qu'il faut avant se dépêtrer avec sa culpabilité, et tout ce qui ne nous appartient
pas mais qui nous handicape... Tu parlais d'unité... Voilà où était mon problème...
Malgré mon amour pour Dominique, cette unité me manquait et j'ai fini par
croire que c'était un rêve de mon pauvre cerveau malade, une utopie... En le
sentant quand même vivre au fond de moi... Tellement... Et tu arrives... Et je sais
que tu es celle que j'attendais... Je n'ai jamais été en phase comme avec toi...
L'unité... Je la ressens bien là... Ça ne me pose pas de problèmes de la prendre en
pleine face... Après tout j'en rêvais... Je sais maintenant où est ma voie... Je veux
me libérer de ce que je ressens et que mes actes soient conformes à ma pensée,
mon ressenti, mes émotions, mes désirs, mes envies, mes plaisirs... Que je vive en
profond accord avec moi même... Je sais maintenant où est ma voie... Avec ou
sans toi. Mais plus avec Dominique... Avec ce que je viens d'entrevoir ce n'est
plus possible... Je ne veux pas faire semblant de me battre parce que ça me mets
mal de la voir souffrir, je souffre aussi, mais je sais que ce combat est vain, je suis
déjà partie... Autant en finir et ne pas faire souffrir plus dans une relation qui
n'aurait plus rien à voir avec l'amour. Voilà pourquoi je supporterai de vivre
seule... Il le faut d'ailleurs... Si je suis honnête avec moi, j'ai des sentiments très
forts pour Dominique qui m'ont beaucoup aidée aussi tu sais, mais je ne l'aime
plus puisque c'est toi que j'aime... Il faut que j'aille au bout de mes pensées et sois
honnête, c'est pour moi la meilleure chose à faire... J’écoute la voix qui me parle
et même si ça fait mal, je sais que c'est bon pour moi... L’accord ! L’accord du
maitre et du cocher sur le chemin de la vie...1
- Je vais me coucher, je n’en peux plus.

1
http://nouvelleslesbiennes.pagesperso-orange.fr/Roman/Amour-VII.htm

- 137 -
- Douce nuit ma belle, des baisers magiques sur ta sciatique. Va voir ton frère, ne
reste pas dans cet état.
- Oui. Je t’aime et je t’embrasse partout.
- Je t’embrasse sur la bouche... Dors bien ma belle. »

Pascale eut beaucoup de mal à s’endormir. Comme elle aimerait revenir en


arrière, faire en sorte que rien ne ce soit passé. La situation était devenue trop
compliquée pour elle et elle ne savait pas la gérer. En fait elle ne voulait pas
trancher. Du coup elle avait obligé Célia à le faire. C’est à se demander si elle ne
laissait pas les autres décider à sa place. Pourtant elle n’avait eu besoin de
personne pour déraper avec Célia. D’où lui venaient tous ces atermoiements ? La
peur de choisir ? Ou celle d’affronter son désir ?

Quand elle se leva, Pascale était de mauvaise humeur. Elle n’en pouvait plus de ce
rythme éreintant. Elle trainait une fatigue chronique qu’elle n’avait jamais connue
jusqu’à présent. Si elle pouvait se mettre en mode pause, elle adorerait. C’est
pourquoi, elle ne remarqua pas au petit déjeuner la mine défaite de Lisa. La
regardait-elle encore vraiment ? Elle ne voulait pas la faire souffrir mais elle était
bien incapable de savoir où elle en était. Cet amour l’avait totalement rendue
égocentrique. En dehors de Célia, plus rien ne comptait. Depuis sa rencontre avec
Célia, elle se levait, se jetait sur l’ordinateur, partait travailler et se jetait sur
l’ordinateur jusqu’au diner. Lisa était devenue transparente, elle n’existait plus
que par ses mots. Dans la réalité, elle n’avait plus droit à beaucoup d’attentions,
seulement ponctuellement quand Célia était indisponible. Il aura fallu l’intermède
de la chrono-nutrition pour qu’elle la redécouvre. Mais très vite, elle était
retournée dans sa bulle virtuelle. Cela dit Lisa savait lui remettre les pieds sur
terre. Et c’est ce qu’elle fit.

En rentrant du travail, scotché sur le frigo, un post-it. « Je te quitte. Je n’en peux


plus. Vis ta vie avec Célia. Sois heureuse, tu le mérites. Lisa. »

Pascale entendit une déflagration dans sa tête. Le sol se déroba sous ses pieds et
elle dut s’asseoir pour lire et relire le mot. Pourquoi ne l’avait-elle pas vu arriver ?
Elle n’avait jamais imaginé que Lisa l’abandonnerait. Elle se mit à pleurer toutes
les larmes de son corps. Lisa, sa Lisa. Les grandes douleurs sont muettes. Elle
n’avait émis aucune plainte qui aurait pu lui faire soupçonner une telle issue. Mais
où était-elle partie ? Pascale remarqua qu’il manquait un sac et que des affaires
avaient disparu. Connaissant Lisa, elle savait qu’elle viendrait récupérer le reste
en son absence. Elle tenta de la joindre sur son portable et arriva directement sur
sa messagerie vocale. Et si elle appelait sa sœur.

Lisa s’était bien réfugiée chez elle mais refusait de lui parler. Elle souffrait trop à
cause d’elle et sentait que si elle lui adressait la parole, ses mots dépasseraient sa
pensée. Il fallait qu’elle en parle à Célia. Ça tombait bien, elle était déjà
connectée.

« Salut ma belle, tu vas bien ?


- Non, je vais très mal.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Lisa m’a quittée.

- 138 -
- Aïe… Vous vous êtes disputées ?
- Pas du tout. Quand je suis rentrée du boulot, j’ai trouvé une note qui
m’annonçait qu’elle était partie afin que je vive ma relation avec toi.
- Et tu comptes faire quoi ?
- A ton avis ?
- Je ne sais pas.
- Comment ça tu ne sais pas ?
- Non.
- Je vais vivre avec toi.
- Comment ça ?
- Puisque l’obstacle pour vivre pleinement la relation avec toi, c’était Lisa, il n’y
a plus rien qui m’en empêche.
- Tu ne vas pas un peu trop vite ?
- Comment ça trop vite ? Hier c’est toi-même qui m’as demandé ce que je
comptais faire alors que tu venais de faire du ménage dans ta vie.
- Oui. Mais tu m’as répondu que tu n’étais pas prête… Que tu avais ton rythme.
- Et bien là vous m’avez bousculée toutes les deux, je suis prête !
- Tu as peut-être encore besoin de réfléchir ?
- C’est tout vu. Je viens chez toi et je me chercherai du boulot sur place. Je
trouverai toujours quelque chose à faire. J’ai quelques économies en attendant
comme ça je ne serai pas à ta charge.
- Ce n’est pas la question… Tu sais tu vas vite t’ennuyer ici.
- Ah bon ?
- Oui.
- Cache ta joie de me voir arriver !
- Ce n’est pas ça.
- C’est quoi alors ?
- J’aimerais mieux que ce soit moi qui m’installe dans ta région mais pour
l’instant je ne peux pas lâcher le cabinet comme ça.
- Et si on se voyait ?
- Quand ?
- Le week-end prochain par exemple.
- Je ne suis pas libre…
- Alors quand ?
- Je ne sais pas…
- Tu as bien un calendrier chez toi ? Alors regarde quel week-end tu es libre.
- Je n’ai pas de calendrier sous le nez…
- J’attends, j’ai tout mon temps. Prends le temps d’en chercher un.
- Je n’en ai pas…
- Tu as bien un agenda où tu notes tes rendez-vous.
- Non.
- Tu fais comment avec ta clientèle ?
- Attends je crois que j’en ai trouvé un...
- Je m’en réjouis.
- En fait pas avant trois mois…
- Tu plaisantes ?
- Non.
- Je crois que ce n’est pas ma journée. Je me sens d’un seul coup moins désirable
une fois célibataire. C’est la femme pacsée qui t’excitait en moi ?
- Pas du tout…

- 139 -
- Je te sens distante ce soir.
- Pourquoi tu dis ça …?
- Ton envie pressante de me voir sans doute.
- Ce n’est pas ce que tu crois…
- Et je dois croire quoi ?
- J’ai très envie de te voir sauf qu’en ce moment j’ai un emploi du temps chargé…
- Et beaucoup de temps à passer sur le net… Tu me caches quoi ?
- Rien.
- Si.
- Tu sais j’ai très envie de te voir…
- Bon alors donne-moi une date même dans trois mois !
- Demain, il faut que je voie mon agenda, je l’ai laissé au cabinet…
- Je suis en train de me demander pourquoi je me suis embarquée dans une telle
galère avec toi. Lisa avait raison.
- Ce n’est pas ce que tu crois…
- Tu te répètes…
- Je te sens énervée…
- Tu le serais à moins. C’était quoi ton trip ? Briser des couples ?
- Pas du tout. Je t’aime.
- Tu n’as pas quitté Dominique et tu ne veux pas me voir débarquer chez toi, c’est
ça ?
- Non pas du tout…
- Alors c’est quoi ?
- Rien…
- Je sens qu’on tourne en rond.
- Pas du tout…
- On va arrêter là parce que je sens que je vais devenir méchante.
- On pourra s’écrire demain ?
- Pourquoi faire ?
- Je t’aime.
- Là tu vois ce soir je ne le sens pas trop.
- Il y a un endroit où tu voudrais aller ?
- Arrête de me mener en bateau !
- Je t’aime.
- Bonsoir.
- Je t’enlace tendrement.
- C’est ça ! »

Et Pascale se déconnecta brutalement. Elle venait de se prendre deux fois le ciel


sur la tête dans la même soirée, c’était trop pour elle. Elle n’avait qu’une envie
c’était se coucher pour oublier et fuir. La place vide de Lisa la plongea dans une
grande détresse. Comment avait-elle pu perdre si bêtement la femme de sa vie ?
Demain elle tenterait de s’expliquer avec elle.

Après la pluie le beau temps. Là c’était après la pluie l’orage. A quand le beau
temps ?

- 140 -
Chapitre XVIII

Début du week-end. Impossible pour Pascale de sortir du lit. Elle était coincée par
une douleur fulgurante qui l’empêchait de bouger. Une panique l’envahit.
Comment allait-elle faire ? Elle se saisit de son portable. Elle appela son frère.
Mais il était sur la route avec femme et enfants à destination de sa maison de
campagne. Il lui conseilla de consulter un médecin, ce n’était pas normal qu’elle
se bloque sans cesse. Il faudrait au moins faire une radio pour voir ce qu’il y avait.
Elle appela alors Lisa. Evidemment son appel fut rejeté. Néanmoins elle put
laisser un message sur son répondeur. En pleurs elle lui demandait d’appeler le
médecin à sa place car elle ne pouvait atteindre son répertoire. Dans la minute qui
suivit Lisa appela, elle arrivait.

Lisa trouva Pascale au fond du lit, pâle comme un linge. Précautionneusement,


elle l’aida à se redresser. Pascale se mordait les lèvres pour ne pas crier. Lisa lui
conseilla de prendre les restes de son traitement en attendant de consulter. Pascale
appela elle-même le médecin qui lui donna un rendez-vous en fin de matinée.

« Tu as bien fait de m’appeler. Même si je suis partie tu sais que tu peux toujours
compter sur moi.
- C’est ça que j’aime chez toi. Au moins je peux compter sur toi.
-…
- Je voudrais que tu reviennes.
- Pas question. Pour que tu continues à ne plus me regarder et que je te vois
roucouler avec Célia, non merci.
- C’est fini.
- Comment ça fini ?
- Tu avais raison, c’est une briseuse de ménage, c’était ça son but.
- Elle te l’a dit ?
- Pas exactement.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Hier je lui ai proposé de se voir et elle n’a pas pu me trouver de date. Je l’ai
sentie peu enthousiaste à l’idée de savoir que j’étais célibataire.
- Tu t’es bien fait avoir !
- C’est sûr et je n’en suis pas très fière.
- Attends ! Je ne suis pas revenue. Ne te réjouis pas trop vite !
- Je me suis trompée Lisa, j’aurais dû davantage t’écouter. Je me suis laissée
aveugler par ses mots d’amour.
- Là je te reconnais bien, l’intello qui plane à 10 000 au-dessus des nuages. Et en
plus je te découvre fleur bleue. Si la situation n’était pas aussi pathétique, j’en
rigolerais.
- Je voudrais recommencer avec toi comme avant !
- Minute. Je ne suis pas certaine que tu aies bien compris la leçon. Elle va revenir
t’embobiner et toi tu vas courir derrière. Je ne suis pas la roue de secours. Tu as
fait une connerie, assume-la !
- Tu es dure.
- Pas autant que toi ! Tu veux bien faire souffrir les autres mais toi faut te consoler
très vite, tu ne supportes pas le quart de ce que tu fais aux autres.
- Je te promets, c’est fini avec elle !

- 141 -
- Je ne te crois pas. Je t’emmène chez le médecin et ensuite tu te débrouilles. Je
vais en profiter pour prendre d’autres affaires pendant que je suis là. Il faut aussi
que tu tires les conséquences de tes actes sinon jamais tu n’avanceras dans la
vie ! »

Lisa avait clos le chapitre rapidement. Le traitement avait commencé à produire


ses effets et Pascale put se rendre chez le médecin. Il renouvela le traitement et
prescrivit une radio. Il s’étonna de l’intensité de la récidive et arrêta Pascale
quelques jours. Lisa comme promis la laissa seule et retourna chez sa sœur.

Pascale dormit une bonne partie de la journée. Elle avait du sommeil en retard à
rattraper. Elle avait surtout envie de fuir le réel. Elle ne savait pas de la rupture ou
de la trahison ce qui la faisait le plus souffrir.

Comme à son habitude elle se connecta à sa messagerie instantanée. Célia n’était


pas là. Cela l’étonna à moitié. Elle en profita pour aller manger. A son retour un
« tu es là ? » l’attendait.

« Je suis là ! J’étais partie diner.


- Ça va ?
- Pas du tout. Ce matin je suis restée coincée, ma sciatique de nouveau.
- Tu n’as pas senti mes bisous magiques ? :-)
- Très légèrement. Tu ne veux pas continuer un peu pour voir ? ;-)
- Je vais y aller très très lentement pour que tu en profites ?
- J’ai réfléchi.
- Et alors ?
- Je vais demander à Lisa de revenir.
- Ah ?
- Oui.
- Je vois.
- Et tu vois quoi ?
- Je vois que tu ne me fais pas confiance.
- Je ne peux pas dire qu’hier soir tu aies sauté de joie au plafond à l’idée que je
vienne m’installer chez toi.
- Disons que je ne m’attendais pas à ce que ça aille si vite… Et puis je ne voulais
pas te donner l’impression d’en profiter… A peine seule et ça y est je te saute
dessus. Je respecte aussi la douleur de ta séparation.
- Mouais…
- J’ai des valeurs Pascale. Je ne profite pas de ton malheur. D’ailleurs tu vois, tu
veux la retrouver.
- Parce que tu ne veux pas de moi. Et que je n’ai pas demandé à être seule. Si
j’avais su que ça se terminerait ainsi j’aurais réfléchi à deux fois avant de
t’aimer.
- Tu regrettes ce qui s’est passé ?
- Oui. Je n’ai jamais voulu quitter Lisa. Je me suis sentie bien avec toi mais je
n’avais jamais pensé que ça me mènerait aussi loin.
- On en a déjà beaucoup discuté. Ce qui devait arriver, arriva… La vague
Pascale… Moi, je ne regrette rien…
- Je te propose qu’on se quitte maintenant.
- Je voudrais t’envoyer un lien avant. http://.....

- 142 -
- C’est quoi ?
- Regarde !
- C’est magnifique !
- Oui c’est un studio en fait. Comme cela on aura notre autonomie pour les repas.
C’est à mi-chemin pour nous deux. C’est libre le week-end prochain. J’ai appelé
pour m’en assurer. Si ça te plait, je réserve tout de suite, le propriétaire attend ma
confirmation.
- Je ne sais pas quoi dire.
- Oui ou non…
- C’est oui.
- Tu attends deux minutes j’appelle.
- D’accord. Si tu es libre vendredi on peut prendre deux nuits.
- Je le serai, je décalerai mes rendez-vous et je partirai en début d’après-midi. Ce
n’est libre qu’à partir de 15 heures de toute manière.
- Très bien.
- C’est bon. C’est réservé.
- Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?
- Je n’ai pas changé d’avis, je t’aime.
- Hier tu n’étais pas pressée de me voir.
- Ce n’est pas ça, je veux te voir, j’en ai très envie…
- Et très peur aussi ?
- Oui.
- Rassure-toi, moi aussi. Je suis morte de trouille. En plus je ne suis pas bien dans
ma peau.
- J’ai peur qu’en me voyant tu t’enfuies… Que tu te dises que tu as fait l’erreur de
ta vie… Je me protège de ta déception…
- Pourquoi serais-je déçue ?
- Que je ne te plaise pas physiquement.
- On est deux à avoir des problèmes d’image alors ?
- C’est que les photos que je t’ai envoyées datent un peu…
- On vieillit tous…
- Il n’y a pas que vieillir…
- Ah ?
- J’ai un peu…
- Toi aussi tu as des kilos en trop c’est ça…
- C’est un sujet sensible. Avec l’âge…
- On est deux alors ! Moi aussi, j’ai pris du poids, j’ai assez étalé ma souffrance
sur mon blog. D’ailleurs je suis en train de le reprendre, si tu veux aller y jeter un
coup d’œil…
- J’irai ma belle quand tu seras couchée…
- Comment tu savais que ça me plairait ? Il y avait très longtemps que je voulais
visiter cet endroit.
- Ton blog… Tu en dis plus que tu ne le voudrais… Dans une de tes recettes tu
évoques la visite que tu avais faite avec tes parents et qui t’avait laissé un
souvenir ému… Tu ne semblais pas y être retournée et tu masquais à peine ton
envie…
- A ce point ?
- Oui…
- C’est vrai que j’en ai rêvé souvent mais j’ai à chaque fois repoussé l’idée. Je ne
sais même pas pourquoi…

- 143 -
- Et bien voilà c’est fait. Je t’aime à un point, tu ne peux même pas imaginer…
- Je t’aime aussi.
- J’ai hâte de te voir, si tu savais…
- Et moi donc. Je rêve de tout ce que je vais pouvoir te faire…
- Ne prévois pas un week-end trop éreintant…
- Mdr. Je vais m’occuper de toi comme tu n’en as même pas idée… Déjà je vais
commencer par un massage aux huiles essentielles… Ça va bien te détendre…
Ensuite comme tu seras déjà nue, je t’embrasserai absolument partout…
- Continue, c’est trop bon…
- Je te caresserai l’intérieur des cuisses, les fesses…
- Je te ferai l’amour moi aussi…
- J’adore… Je sens que toi et moi on va passer un bon moment ensemble…
- Comme tu dis… Tu n’as pas envie de te reposer ?
- Je n’attends que les moments passés avec toi mon amour...
- Je regarde tes photos et des bouffées d’amour m’envahissent...
- C'est dérangeant d'aimer, ça remue alors forcément ça peut faire mal mais
qu'est-ce que ça fait du bien aussi ! ;-)
- Toute cette douleur autour me déchire et paradoxalement je suis sereine d'avoir
avoué mon amour pour toi et de me sentir en place, en phase avec moi même...
Dominique me reproche d'être trop zen, trop sereine, très loin d'ici... Très envie
de toi dans ma vie...
- A ce point tu te sens libre ?
- Oui mais ça n’engage que moi mon amour. C'est surtout que je me sens libre
d'assumer seule mes choix, mon choix de vie tu vois...
- En attendant je suis libre aussi ! :-)
- Ça je n'ai pas oublié mon amour ! ;-) - Très envie du jour où nous ferons
l’amour...
- Moi aussi très envie de ce jour. Très envie de te connaitre...
- Est-ce que tu m’aimes ? Mdr.
- Je n’en suis pas tout à fait sûre, je ressens des trucs tu vois...
- Donc pas de précipitation à ce qu'on se rencontre et que je me rende totalement
disponible pour cette histoire ! ;-) Mdr+++
- Voilà ;-) !
- Et dire que j'ai failli foutre mon couple en l'air, ça ne valait pas le coup alors ?
;-)
- Vois pour le mien mon ange .... ;-) Trêve de plaisanterie, très envie de toi dans
ma vie, je ne veux rien dire d'autre que je suis heureuse de me sentir tout à fait
disponible psychiquement pour t'aimer comme je l'entends et n'importe quand...
- Tu es constamment dans mes pensées y compris les plus intimes. ;-)
- Ah oui les plus intimes ?
- Sauf si avoir envie de te faire l'amour n'est pas très intime tout comme de
découvrir ton corps... ;-)
- :-)
- J’ai hâte d’y être si tu savais !
- La semaine va passer à toute vitesse. Je ne vais pas toucher terre cette semaine
car je déménage.
- Ah ?
- Oui je ne supporte plus cet endroit, il me rappelle trop Dominique... J’ai trouvé
un petit studio en ville qui m’ira très bien en attendant autre chose... J’ai prévu
tous les soirs après le travail de déménager petit à petit mes affaires. Je laisse les

- 144 -
meubles à Dominique, je fais table rase du passé... Aussi cette semaine je ne
serais pas connectée ... Je te donne mon numéro de portable... On pourra
s’envoyer des texto...
- Bien sûr...
- Demain, je dois aller faire un grand ménage dans le studio... Ce soir je vais
commencer à emballer mes affaires...
- Tu veux que je te laisse ?
- Non pourquoi ?
- Il est déjà tard. Et je suis fatiguée.
- Dans ce cas là...
- Je t’embrasse tendrement mon amour et je te souhaite une douce nuit... Et bon
courage aussi pour ce déménagement...
- Douce nuit mon cœur, je te serre contre moi et dormirai comme toutes les nuits
dans tes bras.
- Je t’aime.
- Je t’aime. »

Pascale s’endormit soulagée de cette évolution. Enfin elle allait rencontrer Célia.
Elle redoutait autant ce moment qu’elle le désirait. La semaine fila à toute vitesse.
Comme prévu, Lisa vint chercher ses affaires en l’absence de Pascale. Lisa
commençait à lui manquer. Elle aimait sa présence rassurante, sa compagnie
silencieuse quand elle écrivait. A la différence de Célia, elle ne tirait pas comme
ça un trait sur dix ans de vie commune. Elle aimait toujours Lisa. Elle savait aimer
deux femmes car elles étaient complémentaires. En fait ce n’était pas l’amour qui
lui posait problème, c’était la fidélité. Elle avait trahi ses promesses, elle s’était
parjurée. La passion avait tout balayé mais son corps lui n’avait rien oublié de son
engagement vis-à-vis de Lisa. Il fallait maintenant qu’elle vive cette histoire
jusqu’au bout. Quelque chose la dépassait mais elle ne savait pas quoi ! Son corps
lui parlait et elle refusait de l’entendre. Sa sciatique ne lui laissa aucun répit
malgré les consultations chez son frère et le traitement donné par le médecin.
Pascale ne profita pas de son arrêt de travail, elle préféra s’abrutir dans la tache au
travail plutôt que d’avoir à réfléchir.

Quand le jeudi soir arriva, Pascale n’en revint pas. Elles s’étaient envoyé quelques
texto pour garder le contact et le sevrage virtuel lui avait permis de se reposer
physiquement. Fini les longues soirées devant l’ordinateur et les petites nuits peu
récupératrices. Pascale prépara son sac et regarda la route sur une carte routière.
Elle programma son GPS. Elle aurait trois heures de route et elle pourrait partir
après le déjeuner. Le vendredi matin le soleil était au rendez-vous. Pascale s’était
offert une grasse matinée. Et par chance son mal de dos l’avait laissée tranquille.

Pascale avala la route d’une traite. L’endroit fut facile à trouver. Une voiture
attendait déjà sur le parking. Célia avait déjà tout réglé avec la propriétaire du
studio et s’était installée pour attendre Pascale. Pascale ne s’attendait pas à ce que
ce soit une ancienne longère totalement réhabilitée. Elle prit son sac dans son
coffre et grimpa les marches allègrement. Célia avait laissé la porte entrebâillée.
Pascale frappa. Elle entendit un « entre » sonore et pénétra dans une grande pièce.
Au fond un lit à deux places, au milieu une table et des chaises. Une cuisine
ouverte dans un recoin était masquée par un mur. D’emblée Pascale s’y sentit
bien. Elle entendit de l’eau frémir. Célia préparait un thé pour l’accueillir. Pascale

- 145 -
sentit son cœur battre à tout rompre. Elle avait refermé la porte, posé son sac dans
l’entrée et se dirigea vers la cuisine. Elle vit Célia verser l’eau dans la théière.
Pascale eut un choc. Célia était exactement comme elle se l’imaginait. Célia eut
aussi la même impression. Pascale lui prit les deux mains et l’embrassa sur la
bouche. Célia avait les lèvres douces, elle adorait son odeur. Elles se regardèrent
droit dans les yeux. Presque deux mois s’étaient écoulés depuis leur première
rencontre et elles avaient le sentiment de se connaitre depuis des années. Célia ôta
la veste de Pascale et la posa sur le dossier de la chaise. Elle versa le thé et invita
Pascale du regard à le boire. Il était chaud. Pascale se saisit de la main de Célia et
l’entraina vers le lit. Au pied de celui-ci, elles commencèrent à s’embrasser
fougueusement. Elles basculèrent sur le lit. Elles se caressaient, se cherchaient, on
entendait que leurs deux souffles. L’excitation était à son comble. Célia
déboutonna le chemisier de Pascale pendant qu’elle lui dégrafait le pantalon.
Nues, elles se glissèrent sous les draps. Elles se sentaient gênées par la vue de
leurs corps. Elles continuèrent leur exploration. Célia s’allongea sur Pascale tout
en l’embrassant. Pascale lui caressait le dos. Dans un lent va et vient, peau contre
peau, sexe contre sexe, elles s’abandonnèrent au plaisir. Aucune des deux n’avait
envie que cet instant cesse. Une douce chaleur les irradiait. Célia était une femme
amoureuse et expérimentée. Pascale redécouvrait l’amour physique, elle ne se
souvenait plus combien c’était si bon. Elle se demandait même si un jour elle
avait connu une telle extase. Elle se retenait de jouir. Célia le remarqua ce qui
l’excita encore plus. Elle souleva les draps et vint se placer entre les cuisses de
Pascale où sa langue inspecta agilement son sexe. Un gémissement lui fit savoir
qu’elle avait touché un point sensible et Célia se mit en quête d’en trouver
d’autres. Pascale, totalement envahie par toutes ses sensations plus agréables les
unes que les autres, perdit le contrôle de la situation. Elle ne retenait plus rien. Son
corps ondulait, les gémissements se faisaient de plus en plus audibles et rapides.
Un long râle fit savoir à Célia qu’elle avait joui. Elle remonta les draps et serra
Pascale contre ses seins qui s’y blottit amoureusement.

« Ça va ma belle ?
- Oui.
- J’ai adoré te faire l’amour.
- Tu as joui ?
- Ne t’occupe pas de moi !
- Tu es en train de t’oublier Célia.
- C’est vrai. Mais tu sais j’ai eu beaucoup de plaisir à t’en donner.
- J’ai encore envie de toi.
- Moi aussi. »

Pascale jeta les draps par-dessus bord. Célia était allongée sur le dos et Pascale
enjamba son corps pour venir lécher son sexe. Célia attrapa les fesses de sa
partenaire pour venir coller sa bouche sur son clitoris. Dans des mouvements de
langues synchronisés elles faisaient monter leur désir. Avec leurs doigts elles
excitaient les zones attenantes. Jamais elles n’avaient eu autant d’audace avec
leurs anciennes compagnes. Célia souleva les fesses tout en serrant les jambes,
Pascale sut qu’elle avait joui. Elle atteint l’orgasme quelques secondes plus tard.
Comme la première fois, elles relevèrent les draps pour se réfugier dans les bras
l’une de l’autre. Célia serra Pascale contre elle et se mit à lui caresser les cheveux.
Elles se sentaient bien ensemble.

- 146 -
« Je t’aime Pascale.
- Moi aussi.
- J’avais tellement rêvé de ce moment où je te serrerais contre mes seins. Je suis
très amoureuse.
- Je trouve ce moment totalement irréel. Je n’arrive pas à croire ce qui nous arrive.
- Et pourtant ! Tu es là, dans mes bras.
- J’ai adoré faire l’amour avec toi. C’était d’une intensité...
- J’ai adoré jouir en même temps que toi.
- J’ai encore envie de toi.
- Nous avons tout le temps ma belle.
- J’ai envie de plus avec toi.
- Ah oui ? Et quoi ?
- Je voudrais faire un bout de chemin avec toi.
- Ah ?
- Oui. J’aime toujours Lisa je ne vais pas te le cacher. Mais quelque chose me dit
que si je ne vais pas jusqu’au bout de l’histoire avec toi, je vais le regretter toute
mon existence.
- Que comptes-tu faire ?
- Nous avons chacune notre travail et aucune des deux n’a envie de le quitter.
- Tu sais, j’ai déjà pas mal bougé dans ma vie professionnelle. Si je dois relancer
mon activité ailleurs, je le ferai. Par amour je suis prête à tout.
- Je te propose que pour l’instant on se voit des week-ends. Et si nous voyons que
nous ne pouvons plus nous passer l’une de l’autre.
- En gros tu m’expliques que tu vas retourner vivre avec Lisa la semaine et moi le
week-end.
- Pas du tout !
- Si. Pas dans l’immédiat. Mais c’est ce qui va se passer.
- Que proposes-tu alors ?
- De nous installer ensemble.
- Tu vas vite en besogne.
- Tu sais si je n’ai pas toujours su ce que je voulais, je sais ce que je ne veux plus.
Et je ne veux plus d’une femme que je vois de temps en temps.
- Je ne fonctionne pas comme toi.
- Je vois ça.
- Attendons au moins que je me trouve un travail dans ta région. Pas question je
sois à ta charge.
- C’est aussi ça l’amour.
- D’accord. Mais tu sais que je ne connais ni ton nom ni même ta région !
- Tu la connais !
- Ah bon ?
- Tu te souviens une fois je t’avais demandé de me donner la préfecture de la
Haute-Garonne. Et bien c’est là que j’habite.
- Voilà qui me plait.
- Tu vois, tu ne vas pas être difficile à convaincre.
- Un peu quand même.
- Tu as des compétences, tu te retrouveras facilement une activité. Sinon fais
comme moi, installe-toi à ton compte.
- C’est un changement radical que tu me proposes.

- 147 -
- Quitte à changer de vie, autant que ça le soit totalement. Ton problème ce n’était
pas que Lisa, c’est un ensemble.
- Le problème c’est que tout est allé très vite sans que je ne demande rien. Si
encore je n’en pouvais plus de ma vie, que je déprimais ou bien que je
réfléchissais depuis un moment à en changer. C’est qu’en fait il y a tout un
cheminement que je n’ai pas fait.
- Pourquoi réfléchir ? Fonce ! C’est ce que j’ai fait.
- Je ne suis pas le genre à agir d’abord et réfléchir ensuite.
- C’est pourtant ce que tu as fait ma belle.
- Oui.
- Et tu le regrettes ?
- Je ne serais pas ici.
- Tu veux encore un peu de temps alors ?
- Je te le disais. Commençons par des week-ends pour apprendre à nous connaitre.
- C’est déjà fait.
- Ce n’est pas parce que nous avons brûlé les étapes que nous devons continuer.
Maintenant que nous sommes dans le réel, comportons-nous comme nous
l’aurions fait dans une histoire classique. Que je sache tout le monde ne se lance
pas dans la vie commune après un premier rendez-vous.
- Tu as raison. Je n’ai pas compris que tu avais besoin de temps.
- Merci. »

Elles s’embrassèrent et refirent l’amour une bonne partie de la nuit. De fatigue,


elles s’endormirent dans les bras l’une de l’autre.

Alors que Pascale dormait encore, Célia s’éclipsa pour aller leur chercher un petit
déjeuner. Elles ne pouvaient pas se contenter de vivre d’amour et d’eau fraiche.
Quand elle revint Pascale avait installé les tasses, préparé les boissons chaudes.
Elles dévorèrent de bon appétit croissants et pains au chocolat. Elles venaient de
passer leur première nuit ensemble et avaient adoré ça. Elles apprenaient à trouver
leurs marques. Elles se partagèrent les tâches. Pendant qu’une lavait la vaisselle,
l’autre faisait le lit. Une fois lavées elles décidèrent d’aller au marché. Elles
déambulèrent dans les travées tout en composant leurs repas à venir. Célia qui
avait lu le blog de Pascale lui demanda de l’initier à la chrono nutrition. Même si
elle n’avait pas de problème de poids, celui lui ferait du bien de perdre quelques
petits plis qu’elle jugeait disgracieux et qui la complexaient. C’est ainsi qu’elles
choisirent avec soin fromage, viandes et légumes ainsi que les féculents. Pour leur
goûter elles prirent des fruits de saison et le chocolat étant leur passion commune,
elles avaient repéré en centre ville un artisan chocolatier. Elles avaient de quoi se
régaler.

En rentrant elles préparèrent leur repas et passèrent ensuite l’après-midi au lit à


faire l’amour. Ni l’une ni l’autre ne s’en lassait. Après le goûter Célia proposa à
Pascale un massage aux huiles essentielles. Pascale qui ne connaissait pas se
laissa vite aller sous les doigts experts de son amante. Elle sentit qu’elle se
détendait profondément, qu’enfin elle s’apaisait intérieurement. Elle était entre
veille et sommeil. Toutes ses tensions disparaissaient, Célia avait l’art et la
manière de faire sauter tous les nœuds qui depuis des jours la bloquaient. Quand
Célia eut fini, Pascale se trouvait dans un parfait état de béatitude, la détente était

- 148 -
complète. Après le diner elles refirent l’amour et c’est de fatigue et d’épuisement
qu’elles s’endormirent une fois encore dans les bras l’une de l’autre.

Au petit déjeuner, elles se régalèrent de fromage du pays. Célia jugea


dépaysement ce changement de prise alimentaire et apprécia agréablement
l’expérience. Elle proposa à Pascale de la masser encore, afin qu’elle reparte de
son week-end détendue. Elle ne voulait plus la savoir souffrant d’une sciatique.
Dans quelques heures elles reprenaient chacune la route, elles devraient affronter
leur première séparation. Elles n’en finissaient plus de se toucher, de se caresser,
de s’embrasser comme si chacune voulait faire le plein de tendresse et d’amour.
L’idée de retrouver leur désert sexuel les effrayait après tout ce temps passé à
s’aimer. Pascale avait mis entre parenthèses ses états d’âme et ses
questionnements. Au moment de se quitter elle craqua.

« Comment nous allons faire maintenant Célia ?


- Nous allons reprendre chacune nos vies jusqu’à notre prochaine rencontre ?
N’est-ce pas ce que tu voulais ?
- Oui !
- Tu as un mois pour réfléchir à ce que tu veux. Tu sais la distance au bout d’un
moment tu vas en avoir assez et moi aussi. Il nous faudra prendre une décision.
- Tu as raison Célia. Qu’est-ce qu’on fait alors ?
- Je t’aime, je sais ce que je ne veux plus.
- Je t’aime aussi.
- Crois-tu franchement qu’après une rencontre comme la notre et ce week-end
nous nous trompons d’histoire d’amour ?
- Je ne sais pas. Prends-moi dans tes bras !
- Oui ma belle. »

Elles s’enlacèrent tendrement et eurent toutes les peines du monde à se quitter.


Chacune reprit sa voiture pour partir dans la direction opposée. Pascale avait à
peine parcouru dix kilomètres qu’elle dut s’arrêter sur le bord de la route. Elle
s’écroula en pleurs dans sa voiture. Elle ne pouvait plus nier l’évidence. Célia
était la femme de sa vie. Elle devait régler sa rupture définitive avec Lisa. Si avec
elle ça avait été un amour de raison, avec Célia c’était un amour de passion. Une
parenthèse enchantée s’ouvrait à elle. Il ne tenait qu’à elle de ne jamais la
refermer. Mais ça c’est une autre histoire...

- 149 -
Deuxième partie

« La femme a une puissance singulière qui se compose de la réalité de la force


et de l’apparence de la faiblesse » Victor Hugo

Chapitre XIX

Pascale aurait dû ouvrir un dictionnaire avant de parler de parenthèse enchantée.


Elle y aurait découvert ses nombreux sens. Dont celui là : Ce qui est à côté, en
dehors de l'essentiel, du cours normal des choses, des événements.

Sa relation avec Célia aussi incandescente soit-elle ne s’était pas encore frottée au
quotidien. A part aller très vite, trop vite, Pascale imaginait mal sa nouvelle vie.
C’est que sa petite routine avec Lisa elle y tenait. Sinon elle ne s’y serait pas
installée. Durant tout le chemin de retour, Pascale rumina ses pensées. Changer de
boulot, quitter sa contrée, voir disparaitre à jamais de sa vie Lisa commençait à
prendre un tour anxiogène. Finalement elle se demandait si elle était faite pour la
passion amoureuse. Elle ne s’en sentait ni l’étoffe ni l’énergie. Elle avait su plaire,
elle était encore sexuellement désirable. C’était le côté positif de l’affaire.
Redémarrer une vie ailleurs, c’était moins dans son caractère même si la région
était attractive. Célia avait été très forte pour lui expliquer qu’elle était prête à tout
par amour mais que celle qui devrait changer radicalement tout c’était Pascale.
Elle devinait les réflexions sarcastiques que Lisa ne manquerait pas de lui faire
lorsqu’elle lui raconterait ses nouveaux projets.

Sa sciatique avait repris de plus belle en arrivant chez elle. Elle dû même laisser
son sac dans le coffre et une fois de plus piteusement appela Lisa à l’aide. Comme
d’habitude Lisa répondit rapidement présent. Elle déposa le sac dans la chambre
et s’assura que Pascale puisse depuis le lit où elle était couchée attraper ses
médicaments et son verre d’eau. Alors qu’elle s’apprêtait à partir elle se ravisa et
vint s’asseoir au bord du lit où Pascale y gisait en chien de fusil.

« Alors ce week-end ?
- Très bien !
- Tellement bien que tu es toujours coincée ! C’est sûr tu as réglé le problème !
- Tu m’énerves Lisa mais j’avoue que je l’ai bien cherché. Alors vas-y lâche-toi
comme ça on pourra parler d’autre chose après !
- Tu sais j’ai eu le temps de réfléchir chez ma sœur. Tout ça est allé bien trop vite.
Je me suis trompée avec toi. J’ai cru que notre relation ferait le poids face au
virtuel, que toute l’excitation du début retomberait comme un soufflet. En fait je
n’avais pas compris que les émotions ressenties derrière l’écran étaient les mêmes
que dans un face à face, qu’internet était juste un accélérateur de rencontres.
Ensuite le reste ressemblait à une histoire classique. On s’aime on se plait on
couche ensemble… J’espère au moins que c’était bien de ce côté-là…
- On va peut-être éviter d’en parler…

- 150 -
- D’accord. De toute façon je n’avais pas envie de savoir. Je suis contente que tu
m’épargnes certains détails.
- Vas-y continue avec ta réflexion ça m’intéresse.
- En fait je n’aurais pas dû te quitter.
- Et ?
- Je t’ai poussée dans les bras de Célia car j’étais trop sûre de moi. J’aurais mieux
fait de me battre pour te garder. Je reconnais mon erreur.
- Elle est faite. On ne peut plus revenir en arrière !
- Une erreur ça se répare !
- Ah oui ?
- Oui.
- Et tu comptes faire comment ?
- Je viens me réinstaller ici. C’est encore chez moi que je sache !
-…
- Tu ne dis rien ?
- Tu veux que je dise quoi ?
- Je ne sais pas. Cache ta joie si tu préfères.
- A cette heure-ci je ne sais plus où j’en suis. J’ai peur de dire quelque chose que
je vais regretter.
- Comme quoi ?
- Reste…
- Pourquoi tu as peur de le regretter ?
- Parce que je ne vais pas renoncer à ma relation avec Célia et que toi et moi nous
n’avons rien réglé du tout. Le problème reste entier.
- Voyons déjà comment tu passes la nuit !
- Nous avons tout le temps de reprendre cette conversation.
- Pour ce soir je retourne chez ma sœur. Je récupère mes affaires et demain nous
reprenons la vie commune.
- Ne t’emballe pas trop vite Lisa. Je ne peux pas faire comme s’il ne s’était rien
passé ce week-end. J’aime Célia. Je t’aime aussi. Et pour l’instant si chacune
d’entre vous me demande de faire un choix j’en suis bien incapable. Je vous aime
de deux amours totalement différents, tout aussi forts l’un que l’autre. J’ai besoin
d’un peu de temps tu comprends ?
- Je ne te demande rien ce soir Pascale. Juste de reprendre la vie commune. J’ai
ma part de responsabilité dans ce qui nous arrive. Je n’ai pas su te garder. Tu sais
si tu ne sais pas où tu en es, moi aussi.
- Comment ça ?
- En fait je ne sais pas si je dois me battre pour te garder ou pour te partager.
- Explique-toi !
- Soit je fais de Célia une rivale que je vais chercher à éliminer à tout prix. Soit
j’accepte que tu l’aimes et je trouve en moi la force de te partager avec elle.
- Et Célia ? Qui te dit qu’elle a envie de te partager avec moi ?
- Elle t’aime ?
- Oui.
- Elle fera comme moi. Elle va devoir se battre elle aussi car j’ai décidé de te
garder.
- Dommage que j’ai trop mal ce soir. C’est sans doute la plus belle déclaration
d’amour que j’ai entendue de ma vie. Je te reconnais bien là. Si je pouvais je te
prendrais dans mes bras pour te serrer très très fort.
- Je t’aime Pascale comme tu n’en as même pas idée.

- 151 -
- Je t’aime aussi Lisa.
- Passe une bonne nuit, à demain mon amour. »

Lisa n’avait pas franchi la porte que Pascale tenta lamentablement de sortir du lit
pour allumer l’ordinateur. Un cri déchirant lui imposa de rester au calme. Elle se
contenterait d’envoyer un sms laconique à Célia pour lui dire qu’elle était bien
rentrée et qu’elle était bien fatiguée par la route. Connaissant Célia si elle parlait
de sa sciatique elle en avait pour un moment à échanger sur le sujet.

La discussion et les calmants eurent raison de Pascale qui s’endormit très vite.

Le réveil fut douloureux et la journée de travail laborieuse. Chaque mouvement


lui coûtait, elle se sentait en permanence au bord du malaise. Elle ne se rappela
pas comment elle partit et rentra. Elle se souvint juste qu’à son arrivée Lisa
l’attendait souriante. Un aller et retour chez son frère et Pascale put enfin sortir de
la souffrance dans laquelle elle était enfermée depuis son retour. Lisa qui avait
décidé de repartir d’un bon pied dans cette relation ne dit mot quand Pascale
s’installa à son ordinateur. Même si elle avait souhaité une soirée rien que pour
elles deux, elle savait que Pascale avait aussi à régler des choses avec Célia. Elles
n’en étaient qu’au début de leurs ajustements et Lisa se refusait de répéter les
erreurs du passé.

Un mail l’attendait.

« Bonsoir mon amour,

J'espère que tu as bien dormi et que ton dos te laisse toujours tranquille.

Tu me manques atrocement et je viens de me faire une séance cinéma dans ma


tête, de nous, nues dans le lit….

Un peu claquée ce soir, juste envie de bisous avant la nuit...

Très envie de toi mon amour et pas que sexuellement...

Tendrement, intellectuellement, joyeusement.

Avec complicité et soif de découvertes et d'échanges en tous genres.

C'est rageant ce timing parce que je nous vois vraiment bien ensemble...

Mais c'est ainsi... Sûrement un sens à trouver...

Je vais de ce pas me blottir dans tes bras

Et t'envelopper de tout mon amour...

Je ne pense qu'à toi.

Tu me manques

- 152 -
Célia »

Pascale respira un grand coup et sans prendre le temps de réfléchir tapa cette
réponse.

« Bonsoir mon amour,

Je te sens de plus en plus amoureuse et il est légitime que tu aies envie de plus que
ce que je peux t'offrir pour l'instant.

La situation est loin d'être évidente pour moi. Lisa et toi savaient très bien vous
occuper de moi, chacune dans votre registre. Elle en a passé des nuits blanches à
me veiller, me rassurer...

Hier soir j’ai encore dû l’appeler car ma sciatique m’a totalement paralysée à
mon arrivée. Elle pas plus que toi n'a envie de vivre sans moi... Et nous avons
convenu de reprendre la vie commune…

Je ne sais pas vivre seule et ne peux pas vivre seule. J'ai besoin de mes repères...
La réalité est là aussi...

Nous construisons notre histoire petit à petit, laissons là s'étoffer, grandir et


s'embellir. J'ignore mon avenir, le tien. Il y a un an on m'aurait dit que j’allais
connaitre une passion dévorante pour une femme rencontrée sur le net je ne
l'aurais pas cru tant je me sentais bien avec Lisa...

Ne sois pas trop pressée mon amour, profite des ces heures magiques où nous
nous aimons... Je prends un plaisir infini à les savourer, le quotidien aura vite fait
d'user le temps qui s'est suspendu et je veux vivre intensément chaque rencontre
comme autant de moments de grâce et de bonheur infini.

Je t’aime comme tu n’en as même pas idée. Pascale »

Célia qui devait guetter Pascale ne tarda pas à se manifester.

« Tu as tout as fait raison et je vois les choses comme ça... Je te parle parfois de
ce que je souhaiterais dans l'absolu, souvent le matin au réveil d'ailleurs au
chaud sous la couette et dans tes bras… Instant fragile...

Je t'ai dit ce week-end que je ne veux surtout pas que tu vives seule alors tu vois je
n'attends rien de toi... Je connais tes fragilités et c'est le plus important pour
moi...

Je réfléchis à mon avenir tu sais ....

Et si tu le souhaites je peux être moins amoureuse ou du moins démonstrative...

Je t’aime. Célia »

- 153 -
Pascale soulagée du ton de la missive proposa à Célia de se connecter sur leur
messagerie instantanée afin de poursuivre le dialogue.
« Je suis contente d’avoir de tes nouvelles. Je commençais un peu à m’inquiéter
de ton silence.
- Je n’en peux plus de cette sciatique qui ne me lâche pas. Heureusement la
séance d’ostéopathie m’a fait le plus grand bien. Je peux enfin m’asseoir pour
t’écrire.
- J’ai l’impression que je t’ai bousculée ce week-end. Je me montre trop pressée
avec toi. J’ai participé pour beaucoup à cette rechute et je m’en veux terriblement
tu sais.
- C’est un ensemble en fait. Je ne peux pas te laisser porter seule la responsabilité
de mon état. C’est vrai que notre week-end m’a chamboulée. Je pensais y voir
plus clair mais c’est l’inverse qui s’est produit. Le corps a parlé une fois de plus.
- Tu peux m’en dire plus ?
- Je me suis sentie terriblement bien avec toi. Dans tes bras j’étais prête à tout
quitter pour te rejoindre. Mais dès que je me suis retrouvée seule dans ma voiture,
le trouble m’a submergé. La raison est alors venue balayer tout ce que la passion
avait déjà ravagé. Tu imagines le carnage dans ma tête. Et dans mon corps je ne
te dis pas. Totalement coincée.
- Si tu le souhaites je peux être moins amoureuse…
- Non je ne le souhaite pas, je ne veux pas que tu brides tes émotions et que tu te
retiennes de les exprimer et de les ressentir... J'accepte tes débordements et je ne
crois pas t'avoir reproché quoi que ce soit concernant ce sujet... Je tiens par
dessus tout à ce que tu te sentes heureuse et amoureuse... ;-)
- Quels sont mes débordements pour toi ? Je sais que tu ne m'as rien reproché.
- Des moments comme ce soir où tu ne me demandes rien mais où je sens que tu
voudrais bien que je sois libre... Même si tu sais que...
- Je te l'ai dit je l'accepte et si tu as besoin de l'exprimer exprime le... Tu sais que
le jour où tu en auras envie je saurais me rendre disponible pour être à plein
temps avec toi, ça c’est une certitude.
- Justement je ne le ressens pas.
- Comment ça ?
- Dans tes projets de vie à deux, c’était moi qui devais tout lâcher. Pour toi rien
ne changeait ou si peu.
- Pas du tout !
- Si !
- Pourquoi ne viens-tu pas t’installer ici ?
- Tu ferais quelle tête si je débarquais chez toi demain ? Et Lisa ?
- Je ne te parle pas de Lisa je te parle de nous deux.
- Tu sais très bien que ce n’est pas possible.
- Ah bon ?
- Et l’inverse par contre doit-être vrai.
- Tu sais très bien que c’est plus facile pour une salariée de recommencer
professionnellement qu’une libérale.
- Avec la crise actuelle j’en doute. C’est à mon avis tout aussi difficile.
- Je me suis rendue disponible pour cette relation pas toi ! Donne-moi des preuves
d’amour !
- Nous y voilà ! Je te savais poète, je te découvre comptable. Parce que tu crois
que je ne t’ai donné aucune preuve d’amour. Qui se coince le dos depuis des
semaines ? Qui fait souffrir une compagne toujours amoureuse ? Qui t’a écrit dès

- 154 -
le départ qu’elle ne voulait pas d’une banale histoire d’adultère encore moins
quitter Lisa ? Qui t’écrit alors qu’une autre femme aimerait passer la soirée avec
moi ? Et je ne te donne rien ? J’ai envie de pleurer vois-tu !
- Je suis désolée mon amour. Je me suis montrée maladroite. Je ne voulais pas
dire ça. Bien sûr que tu me donnes mille preuves d’amour tous les jours. On va
peut-être arrêter de discuter avant que ça ne dérape plus sérieusement. En plus ce
soir je dois sortir.
- Bonne soirée alors !
- Tu m’en veux ?
- Même pas. Cela va me permettre de réfléchir comme ça.
- Je rêve de ton sexe brûlant sous ma langue.
- Allez file, tu vas être en retard. Je ne voudrais pas que ça aussi tu me le
reproches !
- Bonne soirée mon amour !
- Bonne soirée à toi aussi ! »

Pascale resta un moment devant son ordinateur avant d’en décoller. Mille
questions tournaient dans sa tête. Où Célia était-elle pressée de filer ce soir ? Et si
Lisa avait raison ? Ne serait-elle pas une prédatrice du net qui se mettait en chasse
vers une autre proie ? Le film du week-end repassait en boucle. Pouvait-elle à ce
point s’être trompée avec Célia ? Certes elle s’était sentie bien avec elle mais
l’amour ne rend-il pas aveugle ? Pascale se découvrait jalouse ce soir. Après tout
Célia était libre de mener la vie qu’elle voulait à distance. La confiance était le
ciment d’une telle relation. Sinon autant rompre tout de suite que de vivre les
affres de la suspicion. Et puis elle était bien placée pour reprocher à Célia d’avoir
d’autres relations. Elle l’avait assez poussée dans le passé à continuer à voir du
monde, à ne pas se séparer de Dominique. Et elle de reprendre la relation avec
Lisa alors qu’elle avait fait l’amour des heures et des heures durant avec Célia.
Fin du chapitre pour ce soir. Elles s’aimaient, un point c’est tout. Pour le reste
Pascale était la première à ne pas s’engager. Qu’elle ne reproche pas à Célia de
s’en accommoder.

Quand Pascale vint s’asseoir sur le canapé, Lisa ne posa aucune question. Elle
lisait à livre ouvert sa déconvenue et tentait de masquer sa joie. Le torchon brûlait
déjà entre les deux tourterelles. Ne rien dire et ne rien faire pouvaientt se montrer
une arme efficace pour récupérer sa bien-aimée. Elle lui proposa de venir regarder
avec elle une série qu’elles affectionnaient toutes les deux. Pascale ne se fit pas
prier trop contente d’échapper à ses ruminations stériles.

Quand vint l’heure de se coucher Pascale remarqua que sa sciatique était moins
douloureuse. C’était déjà cela de gagné.

- 155 -
Chapitre XX

Au réveil un mail attendait Pascale.

« Je ne sais finalement pas si dans ta messagerie tu vois les fonds mais voilà de
quoi je rêve avec toi : d'espace.
Nous venons de nous quitter et je me sens toute chose... Te voilà en plein conflit
d'amour mon ange... Tu sais, quoi que tu penses ou fasses je serai toujours là....
Souviens t'en c'est important. Souviens t'en longtemps.

Je suis accroc à la messagerie instantanée c'est un fait. Je suis fébrile toutes les 2
heures espérant que mon portable va vibrer. Et il vibre ! Et moi aussi. Je savoure
ces moments comme jamais. Ils me donnent de la force pour patienter jusqu'a
l'instant suprême. Celui du soir où enfin on se parlera.

Je suis accroc à la messagerie instantanée c'est un fait. Et pourtant depuis que je


t'ai rencontrée parfois il me frustre. Parce que tout ça j'aimerais te le dire dans
tes bras. Je rêve chaque jour de te faire l'amour. Et tellement de fois par jour...
Maintenant que j’ai caressé ton corps… Glissé ma langue sur ton sexe… Pris un
plaisir infini à te sentir… Et à te voir jouir sur ma bouche… Je suis frustrée de
mes mains sur le clavier … Et de vivre à distance ce que j'ai adoré. Et ce soir j'ai
senti une grande proximité malgré tous tes déboires.

Je suis accroc à la messagerie instantanée c'est un fait. Et j'ai aimé que tu


jouisses sous mes caresses. Ce qui est frustrant c'est que maintenant je te vois…
Avec les souvenirs que j'ai en tête. Pas difficile. Je te vois frémir sous ma langue
et jouir. Et je ne peux te caresser et te serrer fort après ton orgasme. Tu es trop
belle quand tu prends du plaisir sur ma bouche. Et je revis souvent ces moments
délicieux.

Je dis souvent pour ne pas dire toujours, en espérant qu'un jour ça arrive de
nouveau. J'espère que tu dors à l'heure qu'il est. Et que la douleur te fiche la
paix.

Je vais partir demain... Et me rapprocher de la mer… Que de pensées je vais


avoir… T'imaginant à mes côtés...

Vers 10 heures je t'emmène mon ange sur les terres Cathares. Couvre-toi !

Je t'embrasse mon amour le plus tendrement du monde

Je file me glisser dans tes bras.

Je t'aime et je ne t'oublie pas une seule seconde …

A tout à l'heure mon ange. Célia qui t’aime comme tu n’en as même pas idée. »

Le mystère Célia s’épaississait. Maintenant elle partait près de la mer. Quand


avait-elle décidé de ce voyage ? Dans quel but ?

- 156 -
Toute la journée Pascale pensa à ce mail. Célia avait une double vie c’était
certain. Mais pourquoi le lui faire savoir alors qu’avec la distance il est si facile de
la dissimuler ? Elle sentait qu’elle projetait ses propres défaillances et
ambivalences sur Célia. Si elle voulait être honnête avec Célia, celle-ci ne cessait
de lui répéter son amour pour elle. Ses maladresses venaient de là. Le plus simple
était d’en discuter avec elle dès qu’elle serait disponible.

Lisa était rentrée du travail avant elle. Elle avait commencé la confection d’un
Amadeus. Comme si elle chercher à reconquérir sa belle avec ses propres armes.

« Je peux t’aider Lisa ? Tu sais que j’adore préparer l’émulsion.


- C’est pour cela que je l’ai laissée. Elle est au congélateur pour refroidir plus vite.
J’ai beurré les moules et mis l’appareil dedans. Le four est préchauffé. Et je t’ai
même gardé la casserole de chocolat chaud. Exprès je n’ai pas raclé avec la
maryse les rebords pour que tu puisses te régaler.
- Tu me connais si bien que ça ?
- Par cœur. Question chocolat tu es hautement prévisible.
- Et pour le reste ?
- Un peu moins. Mais je compte bien reprendre la main là-dessus.
- C’est une déclaration d’amour où je ne m’y connais pas. Le ventre, toujours le
ventre. On en revient toujours là pour conquérir puis conserver.
- C’est sûr que la bataille se joue là. Chacune son ventre. J’ai surtout compris que
je ne devais pas occuper le même terrain que …
- Que qui ?
- Tu sais bien !
- Vas-y dis-le ! On dirait que ce soir ça t’écorche la bouche.
- Pascale ! Stop ! Pas ce soir. On ne va pas encore se disputer. Ce moment est à
nous deux. Je ne veux pas le partager.
- C’est bien pourtant ce que j’attends de vous deux. Le partage.
- Oui mais pas ce soir.
- Alors quand ?
- D’accord. Tu ne vas pas me lâcher ! Finissons la pâtisserie ! Et quand nous
l’aurons mangé nous aborderons le sujet. Ça te va ?
- Très bien ! Tu as pris quel chocolat ?
- Celui à 70%, ton préféré !
- Tu es une amante redoutable ce soir !
- Et attends tu n’as pas tout vu. J’ai pris des photos de chaque étape, comme cela
tu pourras les mettre sur ton blog. Je suis certaine que ça plaira à tes lecteurs à qui
tu dois manquer.
- J’ai honte de moi. J’ai tout arrêté.
- Justement qui t’empêche de reprendre ? J’aimais bien partager cette activité avec
toi.
- J’ai vraiment sous-estimée la femme amoureuse qui est en toi.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Tu me fais le grand jeu ce soir ! Et tu sais que sur ce terrain je n’irai pas avec
Célia.
- Je le sais. C’est bien pour ça que je vais l’occuper pleinement. De la voir n’a pas
réglé ton conflit intérieur. C’est donc que tout n’est pas fini entre nous. Que tu
m’aimes encore.

- 157 -
- Je n’ai jamais cessé de t’aimer Lisa. Et je ne comprends toujours pas comment
j’ai pu être aussi disponible pour une autre histoire d’amour alors que je t’aime
autant.
- Ne me demande pas de te répondre. Si toi tu ne sais pas comment veux-tu que je
sache ?
- Tu es très fine Lisa. Et tu as su voir avant moi que je devenais amoureuse de
Célia.
- Enfin ça c’était pas compliqué à voir !
- Excuse-moi mais moi je n’avais rien vu !
- C’est vrai !
- Tu sais chez ma sœur j’ai eu le temps de réfléchir.
- Et ?
- Je pense qu’avec toi j’ai eu mes torts.
- Comment ça ?
- Tu ne veux pas goûter le chocolat ?
- Tu fais diversion ?
- Pas du tout. Je voudrais finir et déguster l’Amadeus. J’ai les odeurs de chocolat
et de praliné sous le nez depuis un moment, je n’en peux plus.
- Gourmande !
- Et toi ? Tu ne l’es pas ?
- Si. »

Elles s’affairèrent encore trente minutes en cuisine. Le gâteau était disposé dans
les coupes et Pascale mit une touche finale avec une pincée de fleur de sel de l’ile
de Ré. Elles s’installèrent dans le canapé où chacune en silence se régala de cette
douceur sucrée.
« Alors tu as aimé ?
- Je trouve ta recette bien meilleure que la mienne. Comment as-tu fais ?
- Je ne vais pas te livrer mes secrets Pascale. En fait j’ai juste ajouté un peu
d’huile de noisette dans le praliné, c’est ce qui a relevé son goût !
- C’est malin.
- Tu devrais reprendre ton blog et glisser quelques astuces. Je suis certaine que ça
plairait.
- Je n’ai pas trop la tête à ça en ce moment. Pourtant tu as raison je devrais m’y
remettre.
- J’adorais cette activité avec toi. J’aimerais qu’on la reprenne. J’ai plein d’idées
pour relancer ton blog.
- Et si tu me parlais de tes torts plutôt ?
- Si tu veux.
- Je t’écoute.
- Je ne sais pas par où commencer.
- J’ai tout mon temps maintenant que j’ai l’estomac plein. Les coupes peuvent
attendre sur la table.
- Attends je vais faire la vaisselle !
- Tu m’énerves Lisa ! Reste assise !
- Bon. D’accord. Qu’est-ce que tu veux savoir ?
- Qu’est-ce que tu veux me dire ? N’inverse pas s’il te plait !
- Euh…
-…
- J’ai eu des torts.

- 158 -
-…
- Je me suis trompée sur toi.
-…
- J’ai cru qu’avec Célia tu cherchais un plan cul. Je n’avais pas vu que c’était une
histoire d’amour.
-…
- En fait ça m’aurait bien arrangé que ce soit juste pour de la baise.
- On va arrêter la vulgarité Lisa. Si tu reconnais que c’est une histoire d’amour
alors ce n’est pas de la baise. Compris ?
- Tu veux que je le dise comment ?
- Purement sexuel me conviendrait mieux tu vois.
- D’accord. En fait je voulais juste que ce soit purement sexuel entre vous deux et
qu’il n’y ait pas de sentiments.
- Pour éviter que je te quitte c’est ça ?
- Oui !
- Et pourquoi tu étais d’accord pour le purement sexuel ? Tu sais bien
qu’inévitablement les sentiments et l’attachement font partie de l’histoire.
- Pas forcément. Il existe le sexe pour le sexe.
- Tu es en train de me dire que je suis une obsédée sexuelle ?
- Non.
- Ben explique-moi pourquoi j’aurais besoin de sexe en plus de nos relations ?
- En fait c’est là où j’ai mes torts.
- Alors là heureusement que je suis assise. Je sens le scoop !
- Je n’aime pas faire l’amour !
- Quoi ?
- Oui je n’aime pas faire l’amour !
- Attends ! Tu es en train de me dire que toi et moi, tu n’aimes pas ! Que tu te
forces ! Tu n’as pas fait semblant j’espère ? Parce que là je viens de me prendre le
ciel sur la tête. Pendant toutes ces années je n’ai rien vu.
- Je t’aime Pascale. Comme je n’ai jamais aimé. C’est parce que c’est trop fort,
parce que c’est trop pur que le sexe vient tout salir...
- Je ne comprends plus rien.
- Pourtant c’est simple. Je t’aime tellement que tu es intouchable. J’ai trop de désir
pour toi.
- Les bras m’en tombent ! C’est la première fois de ma vie que j’entends pareille
chose.
- C’est pour cela que tu peux coucher avec qui tu veux mais pas avoir de
sentiments pour elle.
- Je ne suis pas un animal Lisa. J’ai besoin d’un minimum de sentiments pour
faire l’amour.
- Oui j’ai fini par comprendre. Mais je ne l’accepte pas !
- Qu’est-ce que tu veux ? Je veux bien ne plus faire l’amour avec toi mais quand
la frustration sera là je ferai comment ?
- Faudrait que tu trouves une fille qui n’a pas envie de quitter son mari. Il y en a
plein des nanas sur le net qui cherchent des partenaires qui ne souhaitent pas
s’engager mais qui veulent simplement partager du bon temps.
- Je crois que j’en ai assez entendu pour ce soir. J’ai l’Amadeus qui me reste sur
l’estomac, je vais aller m’allonger.
- Tu es en colère après moi ?

- 159 -
- Même pas ! Je te découvre c’est tout. Et je me demande ce que nous avons
partagé toi et moi toutes ces années.
- Tu le sais tout ça Pascale. Sinon comment aurais-tu pu être disponible pour cette
aventure avec Célia ? Au fond de toi tu ne pouvais l’ignorer.
- Je me sens terriblement remise en question.
- Pas du tout. Je t’explique que le problème c’est moi. Tu as été chercher ailleurs,
avec mes encouragements pour compenser. Tu t’attaches à Célia ce qui peut se
comprendre. Et en même temps tu ne veux pas me quitter parce que tu m’aimes
aussi. Comme tu ne peux pas le verbaliser ton corps parle à ta place avec cette
sciatique. Il faut qu’on avance toutes les trois maintenant que les choses sont
dites.
- Qui te dit que Célia va accepter de jouer la variable d’ajustement ?
- Elle t’aime ?
- Oui !
- Tu as ta réponse.
- Facile à dire !
- Célia a la garantie que je ne coucherai pas avec toi. Que veut-elle de plus ?
- L’exclusivité de la relation avec moi !
- Qui a proposé la relation à trois en revenant de son week-end ?
- Moi.
- Pascale assume aussi tes choix ! Si tu avais voulu me quitter tu ne m’aurais pas
demandé de revenir.
- Je ne conçois pas l’amour sans le sexe. Ni le sexe sans amour.
- C’est sans doute bien là ton dilemme. C’est pour cela que tu es tombée
amoureuse de Célia. Et que pour moi tu n’as jamais rien voulu voir. Pour le coup
l’amour t’a bien rendu aveugle.
- Célia sait que tu ne veux pas me quitter. Et pourtant elle a accepté de te voir et
ne s’empresse pas de débarquer ici.
- Célia me met la pression pour que je te quitte et que je m’installe dans sa région.
- Tu me parles de celle qui n’avait pas de calendrier et qui ne trouvait pas de date
pour te voir ?
- Arrête ton ironie mordante !
- Regarde aussi les choses en face Pascale ! Pourquoi Célia est-elle amoureuse
d’une femme en couple qui ne veut pas quitter sa compagne et qui vit à des
centaines de kilomètres d’elle ? Dans le genre qui ne veut pas s’engager tu ne
pouvais pas mieux trouver. Ne crois pas mais la situation l’arrange autant que toi
et moi ! Sauf qu’elle, elle aime vivre seule en dehors de vos rencontres et pas toi !
- Tu me bluffes ce soir Lisa. Je ne te savais pas si fine psychologue.
- Excuse-moi mais ta Célia elle n’est pas difficile à déchiffrer ! Elle aime sa
liberté plus toi ! Et si tu veux mon avis, elle te remplacera vite si ta proposition ne
lui convient pas.
- Tu crois ?
- Essaie !
- Pour ce soir j’ai ma dose. Je verrai demain.
- Je sens que je vais aller faire la vaisselle.
- Merci. Je ne me sens pas très bien, je vais m’allonger un peu dans le canapé.
- Repose-toi ma belle ! Je suis désolée de t’avoir autant secouée.
- C’était salutaire ! Tu as bien fait ! C’est aussi ce que j’aime en toi ce côté franc
et direct.
- Prends ce coussin et cette couverture, tu trembles on dirait !

- 160 -
- J’ai froid.
- Allez, dors un petit peu ça va te faire du bien !
- Embrasse-moi !
- Je t’aime.
- Moi aussi ! »

- 161 -
Chapitre XXI

Le repos fut de courte durée. Pascale trouvait difficilement une position


antalgique. Sa sciatique la lançait et elle ne cessait de se répéter en boucle les
propos de Lisa. Elle aime sa liberté plus toi ! Je t’aime tellement que tu es
intouchable. J’ai trop de désir pour toi. Et Célia partie dans les terres Cathares.
Pourquoi un périple improvisé dans l’Aude ? Improvisé était vite dit. Et si Lisa
avait raison. Elle l’avait choisie car elle pouvait ainsi mener deux vies parallèles
de front sans avoir de compte à lui rendre en dehors de leurs rencontres. Une
explication s’imposait. Depuis son dernier mail elle n’avait reçu aucun sms, cela
ne lui ressemblait pas.

Pascale s’extirpa tant bien que mal du canapé. Lisa qui avait fini depuis bien
longtemps le rangement et le nettoyage en cuisine la dissuada de continuer. Mais
Pascale répliqua d’un ton sec qu’elle était assez grande pour savoir ce qu’elle
faisait. Lisa, vexée d’être si sèchement rembarrée alluma la télé en lui lançant un
regard noir. La soirée qui avait si bien commencé se terminait assez
lamentablement.

Sur l’écran de l’ordinateur que Pascal avait laissé allumé un message vieux de
deux heures clignotait : « tu es connectée ? » Zut elle avait loupé Célia. Tentant le
tout pour le tout elle répondit « oui ». Célia devait la guetter car un « bonsoir mon
amour » fusa.
« Bonsoir mon ange. Où es-tu ?
- A l’hôtel !
- Connectée ?
- La wifi est gratuite.
- C’est quoi ce voyage ?
- Nous avons avec Dominique une maison dans la région. Je viens de signer chez
le notaire la revente de ma part. Comme tu peux le voir mon amour je me libère
de toutes les entraves qui me ramènent à mon ancienne vie.
- Tu dis ça pour moi ?
- Non pour moi ! Je te sens sur la défensive ce soir.
- Je viens d’avoir une discussion avec Lisa à ton sujet.
- J’imagine qu’elle a dû te dresser un tableau assez peu flatteur de ma personne.
- Je ne le dirais pas comme ça.
- Alors comment le dirais-tu ?
- Plutôt une analyse assez juste de ta personne.
- Tu peux m’en dire plus ?
- Lisa pense que tu préfères ta liberté à notre amour.
- Mouais… Et comment elle peut affirmer ça ?
- Elle pense que tu aurais déjà débarqué derrière notre porte et que je ne serais
pas là à me coincer le dos en permanence.
- Je me vois bien débarquer derrière ta porte et me mettre au milieu de votre
couple.
- Tu ne te mettrais pas au milieu. Tu viendrais me chercher. Et fin de l’histoire
avec Lisa. Si elle est revenue c’est bien qu’elle sent que tu lui laisses la place.
- Faudrait savoir. Tu dis que je vais trop vite. Tu veux que je respecte ton rythme.
Là c’est courir à l’échec. Ce serait trop violent pour toi.

- 162 -
- En attendant tu ne me proposes rien de concret. A moi de changer toute ma vie.
Lisa ne fait que souligner ce point dans son analyse. Et de me rappeler que tu
avais eu du mal à trouver un calendrier pour notre première rencontre.
- Tu veux en venir où ? Tu es en train de rompre c’est ça ?
- Pas du tout. Je tente de clarifier ton désir. Je ne sais pas trop ce que tu attends
de moi.
- Je te retourne la question.
- Trop facile ! Réponds !
- Je t’aime que veux-tu que j’ajoute à ça ?
- Tu as peut-être un projet de vie ? Tu le vois comment notre avenir avec la
distance ?
- Justement nous devons régler le problème de la distance.
- Pourquoi ne pas s’installer à mi-chemin alors ?
- Où ça ? J’ai mon cabinet ma clientèle. En plus c’est une région tellement
agréable à vivre. Sans soleil je dépéris.
- Lisa avait raison tu vois !
- Arrête avec Lisa ! C’est bon j’ai compris !
- On est dans l’impasse. J’aurais dû me rappeler que par définition une
parenthèse ça s’ouvre mais ça se ferme aussi.
- Tu proposes quoi ?
- Et si déjà on vivait ce qu’on à vivre. Pourquoi tout de suite formaliser notre
histoire dans un couple bien installé ? Ce qui m’a plu chez toi justement c’est ce
sentiment de liberté. Cette promesse d’une passion amoureuse où le désir serait
sans cesse renouvelé par la distance. Une vie plan-plan en couple j’avoue que ce
n’est pas ce qui m’a fait rêver d’emblée avec toi.
- Et si je veux plus ?
- Et si déjà on voyait qu’on est faites pour vivre ensemble ?
- Nous le savons douce Pascale tu le sais.
- J’ai tellement envie de frémir sous tes caresses, loin des contraintes du
quotidien.
- C'est vrai et comment mon amour ? Avec quels fantasmes mon amour ?
- Ta langue sur mon sexe brûlant…
- J'en rêve…
- Et toi sur moi...
- J'aime beaucoup en fait…
- Moi aussi surtout le premier jour du week-end où on s’est vu.
- Pas trop expérimenté ça au début mais en fait j'adore comme préliminaire avant
que ma langue se glisse sur ton sexe brûlant …
- Je n'en peux plus…
- Ah oui ?
- Oui.
- Trop bon d'imaginer ça…
- Très excitée…
- Moi aussi
- Un peu en fait comme quand je suis sous toi mon amour…
- Je glisse ma langue sur ton clitoris… Et mes mains sont sur ta taille…Pour te
guider jusqu'à ma bouche… Envie de te prendre à pleine bouche… Et te sentir
jouir dans ma bouche…
- Ça j'adore… Ça me traverse et me transporte…
- Qu'est ce que tu adores ? Jouir dans ma bouche ?

- 163 -
- Oui j'adore…
- Ça me rend dingue d'y penser
- Je trouve ça trop doux…
- Je te trouve trop belle quand tu jouis mon amour et que tu es sur ma bouche.
- Ah oui ?
- Oui.
- Vraiment belle.
- Oui ?
- Tu préfères ma langue sur ton sexe ? Moi sur toi ?
- Oui j'adore quand tu es sur moi...
- Mon amour je me glisse sur toi en te serrant fort… Peau contre peau…
- Wooooow!
- Je cherche le contact au plus près …
- Moi aussi…
- Je t’aime.
- Je t’aime.
- Trop envie de toi.
- Je dois y aller. Lisa commence à me lancer un regard noir et me fait signe qu’il
est l’heure d’arrêter.
- Vas-y, pas la peine de la dresser encore un peu plus contre moi. Tu as ta dose
pour ce soir.
- Oui.
- A demain mon ange. Dors bien.
- Douce nuit toi aussi. A demain. »

Quand Pascale mit en veille prolongée l’ordinateur, elle se retrouva dans le noir.
Lisa avait éteint toutes les lumières et était partie se coucher sans lui souhaiter un
bonsoir. Cette relation à trois était mal engagée car la jalousie commençait à faire
des ravages. Lisa comme Célia réclamaient l’exclusivité et Pascale pressentait que
la relation la plus passionnelle ne serait pas celle que l’on croit. Ce qu’elle venait
d’ouvrir ce soir était une parenthèse désenchantée. D’autant plus désenchantée
que c’était avec les deux femmes qu’elle aimait le plus au monde.

- 164 -
Chapitre XXII

Un mail attendait Pascale dès le réveil.

« Pascale adorée,

Tu connais mon envie avant de me coucher de t'embrasser tendrement ...

Envie de t'envoyer du soleil mon ange. Et de la spéciale brise super énergisante.


T'en souviens-tu ? On a avancé mon amour depuis non ? Et en gérant toujours la
distance.

Finalement depuis presque 2 mois, nous ne nous sommes vues que 3 jours. Si je
compte bien environ 70 heures.

Ridicule non pour bâtir une histoire d'amour ? Et pourtant vois où nous en
sommes ...

Très amoureuses.

70 petites heures qui ont emplies ma vie d'un tel soleil qu'il me réchauffe encore.

70 petites heures dont j'ai pensé les avoir vécues toujours.

Tant c'était naturel. Maladroit ? Aussi ?

Mais pour une première fois.... Et puis non je ne trouve pas ...

Emouvant, naturel, tendre. Evident.

Je sais ce que tu m'as dis ce soir.

Qu'il me tarde nos retrouvailles mon amour. Qu'enfin on se parle dans les yeux.

Je te couvre de mille baisers amoureux.

D'autant de caresses coquines. Et pour m'endormir, ma main dans tes cheveux.

Je t'aime mon ange. Célia »

Pascale tapa à la hâte sa réponse.

« Bonjour mon amour,

Je compte moi aussi les jours qui me rapprochent de toi...

C'est court et c'est long à la fois tout comme ces trois jours ensemble...

Envie d'en profiter au maximum...

- 165 -
Je pense très fort à toi... A notre amour...

Je t’aime. Pascale »

A croire que Célia l’attendant car à peine avait-elle cliqué sur envoyer que le
notificateur de sa messagerie lui indiquait un nouveau mail.

« Bonjour mon amour,

Ma drogue du matin.

Tes lèvres.

Mais je ne dis pas lesquelles… mdr

Célia qui t’aime »

Pascale sentait Célia d’humeur coquine. Elle regarda l’horloge. Elle allait rater
son bus. Elle proposa à Célia de terminer cette discussion ce soir car elle ne
pouvait se permettre d’être en retard au travail. Un « file » fusa.

A son retour Lisa lui avait préparé un thé qui l’attendait sur la petite table basse du
salon. Pascale sentit qu’elle était d’humeur maussade quand elle s’installa à côté
d’elle sur le canapé.
« Ta journée c’est bien passée ?
- Bof ! J’ai dû supporter des cons toute la journée.
- Rassure-toi moi c’est pareil. Je ne sais pas ce qui se passe mais je trouve les gens
bien excités en ce moment. Surtout dans les transports en commun. Je ne supporte
plus le bus bondé.
- Tu comptes te remettre sur l’ordinateur ce soir ?
- Oui pourquoi ?
- Parce que je ne suis pas revenue pour faire plante verte. Hier soir j’avais
amoureusement préparé un Amadeus et j’ai fini toute seule devant la télé.
- Je devais régler quelque chose avec Célia.
- Ça va être comme ça tous les soirs ?
- Je ne sais pas.
- Quand tu as été avec elle je ne vous ai pas dérangées. La réciproque doit être
vraie.
- Minute Lisa. Je passe combien de temps avec elle ? Et avec toi ? On ne va pas
commencer à sortir la calculatrice pour savoir ce que je dois donner à chacune.
- D’accord. Mais dans ces cas là on va fixer des règles.
- Des règles ?
- Oui. De quand tu te connectes ? Quand tu la vois ?
- Je t’arrête tout de suite Lisa. Cela ne va pas être possible.
- Et pourquoi ?
- Parce que je te vois arriver avec ton organisation millimétrée. C’est aussi parce
qu’avec toi il n’y a plus de place pour le désir et l’inconnu que j’ai craqué pour
Célia.
- Qu’est-ce que tu peux être désagréable ce soir.

- 166 -
- C’est la vérité ! Assume aussi un peu ta part dans ce qui nous arrive. Nous Lisa.
Pas seulement moi.
- Tu proposes quoi ?
- Laisse-moi vivre ce que j’ai à vivre avec Célia. Après tout tu as peut-être raison.
Je l’ai idéalisée et c’est fort possible qu’après quelques rencontres elle perde tout
son charme. Pour l’instant à me poser des interdits tu ne fais qu’attiser le feu. Et
puis éprouver le manque ça peut aussi t’aider à y voir plus clair sur nous.
- Mais c’est tout vu Pascale. Tu es la femme de ma vie. Et je compte bien aller
jusqu’au bout avec toi. Célia ou pas Célia.
- Tu sais que tu es craquante quand tu es en colère.
- Je vais être craquante toute la soirée alors.
- Pourquoi ?
- Parce que dès que cette conversation va âtre terminée tu vas filer devant ton
ordinateur ce qui va me mettre bien en colère et je ne te verrai pas de la soirée.
Même pour manger car tu vas grignoter devant l’écran. Ne viens pas te plaindre
que tu grossis ensuite.
- On ne peut pas avoir une discussion sans se disputer ? J’en ai marre de cet état
de crise permanente.
- Tu veux parler d’autre chose. Est-ce qu’autre chose t’intéresse au moins ? On
peut se remettre au blog tu sais. J’ai des photos.
- Pas ce soir.
- Tu vois !
- Je suis fatiguée de cette lutte avec toi. Comment pourrions-nous apaiser notre
relation ?
- Quitte la et tu verras que le calme reviendra très vite !
- Tu sais bien que ce n’est pas possible.
- Alors assume tes choix ! Je veux bien faire des efforts mais n’exige pas que je
souffre en silence. J’en crève de savoir qu’elle couche avec toi !
- Tu es gonflée Lisa ! Qui ne veut plus faire l’amour ?
- Ce n’est pas de ma faute si je ne suis pas une obsédée sexuelle comme toi !
- Répète !
- Tu as très bien entendu !
- C’est ignoble de me sortir ça Lisa. Ce n’est pas moi qui ai un problème c’est
toi ! Je fais ce que je peux pour sauver notre couple. Parce que toi aussi tu es la
femme de ma vie et que je ne veux pas te quitter. Sauf que si j’accepte tes
conditions, ton abstinence nous séparera définitivement. Un jour qui ne sera pas
fait comme un autre je partirai avec Célia ou une autre. Parce que mon corps
parlera là aussi. Parce qu’il aura envie de se sentir vivant sous les caresses ou les
baisers d’une femme.
- Je suis désolée Pascale je ne voulais pas te blesser.
- On est en train de se faire mal Lisa avec cette histoire. Mais on va se faire encore
plus mal si je ne satisfais pas mes besoins sexuels. Je suis normalement
constituée. Je n’ai rien d’une obsédée. Tu devrais t’interroger sur ton manque de
désir.
- Je sais pourquoi.
- Et pourquoi ?
- Je n’ai pas envie d’en parler.
- C’est à cause de moi ? J’ai dit ou fait quelque chose ?
- Cela n’a rien à voir avec toi. Disons que c’est lié à une mauvaise expérience
d’une femme trop désirée.

- 167 -
- Tu ne veux pas m’en dire plus ?
- Non car ça sert à rien de remuer le passé.
- On peut faire une thérapie de couple si ça peut t’aider.
- Non. Je ne veux pas que tu changes ton regard sur moi.
- Je ne vois pas ce que je pourrais changer.
- J’en ai déjà parlé par le passé à mes ex. Elles m’ont toutes quittée pour ça.
- Pour d’autres raisons que ça tu le sais. Nous en avons beaucoup discuté de ces
garces grâce auxquelles nous leur devions d’être ensemble.
- Disons qu’avec elles j’ai fait moins d’efforts que toi au lit. Et que toi tu es la
seule à avoir pu me la faire en partie oublier.
- Je dois le prendre comment ?
- Je n’avais pas envie de te perdre car je t’aime plus que je ne l’ai aimée. J’étais
prête à tellement pour te garder.
- Et tu ne veux plus continuer ? Reprendre ta place ?
- Célia est une rivale redoutable. Elle aime faire l’amour et tu l’as tout de suite
perçu. Tu ne peux plus revenir en arrière de ce côté-là. Je ne pourrai jamais faire
aussi bien qu’elle. La comparaison me sera fatale. Et pour le coup ça nous
séparera autant que l’abstinence. J’ai retourné le problème dans tous les sens.
C’est pourquoi je t’ai proposé cette relation à trois.
- Mais qui ne passe pas.
- J’ai besoin de temps.
- Tu crois que c’est seulement une question de temps ? Comme toi je retourne le
problème dans tous les sens. Sur le papier c’est génial. Aller de l’une à l’autre,
être aimée de deux femmes. Dans la plus grande transparence. Pas de maitresse
cachée dans le placard à attendre. Mais une relation affichée et assumée. Sauf que
ça ne fonctionnera jamais. Célia est trop exclusive. Elle continuera à me mettre la
pression pour que je te quitte entre deux discours où elle affirmera l’accepter. Cela
aura pour effet de générer des tensions entre nous deux et nous finirons par nous
déchirer pour de bon.
- Depuis que tu la connais, c’est bien simple, on n’arrête pas de s’engueuler alors
qu’avant jamais. Elle a su te mettre sous son emprise et toi tu ne sais pas lui dire
non.
- Tu es dure !
- Lucide.
- Avec elle aussi je me dispute.
- C’est quoi l’intérêt d’une relation à trois alors ? Si c’est pour que tu sois mal
avec nous deux autant que tu fasses un choix. Le renoncement sera moins
douloureux.
- J’en reviens toujours au même avec mon non choix.
- Oui.
- Que proposes-tu ?
- Tu l’as dans la peau. Je peux te dire ce que je veux, tu écoutes cinq minutes et
ensuite tu lui répètes tout et elle t’hypnotise. Tu lui obéis au doigt et à l’œil
comme un petit toutou. Je ne reconnais plus la Pascale que j’aime.
- Là tu fais mal… Je… Je … (Pascale éclate en sanglots)
- Vas-y pleure ça te fera du bien… »

Lisa prit Pascale contre son épaule et resta ainsi sans lui parler. Elles avaient
autant besoin l’une que l’autre que leurs tensions s’apaisent. Le dialogue devenait
douloureux car les non-dits commençaient à s’exprimer. Les personnalités se

- 168 -
révélaient tout comme leurs fragilités. Jusque là leurs faiblesses avaient été leur
force. Lisa voulait qu’il en soit encore ainsi. Célia était une rivale redoutable.
Mais elle aussi avait ses failles. Lesquelles ? Lisa se devait de les percer à jour.

- 169 -
Chapitre XXIII

Les pleurs de Pascale finirent par se calmer. Elle embrassa Lisa sur la joue et se
leva.

« Tu vas où ?
- Me passer le visage à l’eau.
- Tu reviens, je voudrais continuer à discuter avec toi.
- Si c’est pour se disputer c’est non.
- Je te promets que non.
- D’accord je reviens ».

Lisa entendit l’eau couler dans la salle de bain. Elle en profita pour aller en
cuisine chercher une tablette de chocolat. Lisa la tendre venait de se transformer
en Lisa la guerrière. C’est à cause d’une irrésistible envie de chocolat que Célia
avait débarqué dans sa vie. Et bien c’est avec ce même chocolat que Lisa avait
décidé de repartir à la conquête de Pascale. Si Célia avait su l’enrober avec de
douces paroles, Lisa allait lui révéler que sous le sucre il y avait avant tout
beaucoup d’amertume.

Pascale avait le visage moins défait. Elle remarqua immédiatement le chocolat


posé à côté de sa tasse vide.
« Oh mon préféré. Je croyais que nous avions tout mangé qu’il n’en restait plus.
- Je suis allée en acheter en sortant du travail.
- Pourtant tu détestes aller dans ce quartier à cause du stationnement impossible.
- J’ai eu beaucoup de chance en fait. Si tu voyais tout ce que j’ai pris tu serais
surprise.
- C’est-à-dire ?
- J’ai pris toute leur gamme !
- Quoi les 28 !
- Oui.
- Mon Dieu.
- Comme tu dis. Mais quand on aime on ne compte pas.
- Je vois.
- Je ne veux plus me bagarrer avec toi Pascale. Je t’aime trop pour ça. Je voudrais
tellement que tu te sentes mieux. Que cette relation t’épanouisse. Tu dois la vivre
jusqu’au bout.
- Comment ça ?
- Organise des week-ends, des vacances. Apprends à la connaitre ! Notre couple
est assez fort pour supporter ces parenthèses.
- Tu crois ?
- Bien sûr ! Ton corps parle Pascale. Tu dois l’entendre. Tu as tes zones d’ombre
tout comme Célia. Vous devez découvrir ensemble ce qui se joue. Ensuite nous
aviserons sur la suite à donner ou pas à tout cela. Tant que rien n’est définitif ou
tranché, je ne me sens pas menacée par elle.
- Tu es sérieuse ?
- Je te ferai remarquer que je cherche des solutions pour que tu vives au mieux
cette relation et c’est plutôt à mon détriment qu’au sien ou au tien. Je ne peux pas
te dire mieux combien je t’aime.

- 170 -
- Je reconnais que Célia est moins à la recherche de compromis que toi.
- Elle est surtout pleine d’ambivalences ta Célia. Elle te met une pression folle
pour que tu me quittes et se montre moins empressée de t’avoir au quotidien dès
que tu envisages l’hypothèse. C’est « je veux, je veux » pas trop suivi d’actions
concrètes en ce qui la concerne. Et après elle s’étonne que ça coince de partout
chez toi.
- Tu marques un point Lisa. C’est fort bien vu. Tu as raison ma sciatique c’est elle
pas toi. Mais qu’est-ce que tu veux elle m’attire.
- Elle a de l’emprise sur toi surtout. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Sauf que je ne
supporte pas de voir la femme que j’aime souffrir. C’est bien pour cela que je ne
lui laisse pas un boulevard. Elle me déteste car elle sait que j’ai vu clair dans son
jeu. C’est un coucou cette fille.
- Comment ça ?
- Elle adore s’installer dans le nid des autres. C’est ça qui la fait jouir. Pas de
t’aimer mais de te piquer à moi.
- C’est le chocolat qui te met les neurones en ébullition ?
- Non l’amour. Je t’aime Pascale. Et ce ne sont pas des mots creux, vides de sens,
comme elle doit t’en servir pour te faire tomber dans ses filets de spider woman.
- En attendant je l’aime. Passionnément. Comme je n’ai jamais aimé. Certes elle a
ses ambivalences mais j’ai aussi les miennes.
- Tu te rends compte comme c’est douloureux à entendre.
- C’est la vérité Lisa. Je l’aime passionnément et toi intensément, profondément,
durablement. Et sans doute trop raisonnablement. Tu me rassures. Elle m’excite.
Tu m’apaises. Elle me met dans tous mes états. J’explore avec elle les facettes
d’une sexualité que je ne soupçonnais même pas.
- Pourquoi tu ne va pas explorer ça avec une autre ?
- Parce que je ne suis pas amoureuse d’une autre.
- Va jusqu’au bout de cette histoire avec elle alors ! De l’amour ou la raison
personne ne peut prévoir de quel côté va pencher la balance.
- Elle peut aussi rester à l’équilibre.
- Avec ta sciatique c’est mal parti Pascale.
- Chaque jour un petit pas.
- Chaque jour un petit pas ! »

Lisa alluma la télévision. Elle avait clos la discussion pour ce soir. Elle ne
laisserait pas Célia lui prendre Pascale comme ça mais ce n’était pas gagné
d’avance. Pascale comme elle avançaient en terre inconnue. A force de vivre dans
un climat émotionnel tempéré, on oublie que sous le volcan coule la lave. Célia en
parlant de tsunami ne s’était pas trompée. Lisa n’avait encore aucune idée des
dégâts que la vague Pascale avait commis sur Célia. Encore moins des étreintes
torrides virtuelles et réelles qui avaient réveillé en Pascale un appétit sans limite
pour le sexe à l’état brut. Pascale avait trouvé une partenaire à sa mesure pour
faire l’amour encore et encore, pour jouir sans entrave et loin du conformisme
ambiant qui l’avait vidé petit à petit de toute son énergie libidinale.

Célia était connectée.

« Bonsoir mon amour. Alors rentrée de ton escapade au bord de la mer ?


- C’était juste un aller et retour. Je n’avais aucune envie de m’éterniser dans ce
lieu qui m’en rappelait une autre. Et ta sciatique ?

- 171 -
- Comme ci comme ça. Tout dépend de la position dans laquelle je suis. C'est sur
va falloir que je me pose, quelque chose ne va pas et je dois l'entendre... Mais quoi
?
- Surement juste le tempo mon amour ... Il faut que tu prennes le temps du
combat... Ça se prépare n'est-ce pas et tu es fine stratège... Nous en reparlerons si
tu veux ... C'est bien que tu commences à l'entendre un peu .... Tu préfères que je
te laisse ?
- Non pas du tout. Tu me manques tu sais.
- Toi aussi tu me manques.
- J’aimerais te revoir. J’ai tellement envie de faire l’amour avec toi.
- Et moi donc. Ainsi tu as des envies ? Tu peux m’en dire plus ?
- Lisa n’est pas très loin, ce n’est pas une bonne idée.
- J’aimerais te revoir Pascale.
- J’en ai envie autant que toi.
- Tu veux que je nous organise quelque chose ?
- Oui.
- Tu as une destination en tête ?
- Je voudrais découvrir ta région. Ou aux alentours. Te connaître un peu mieux.
- Tu ne me vois pas c’est dommage. Mais sache qu’un immense sourire barre mon
visage. Laisse-moi m’en occuper ! Et dès que j’ai fini je te soumets mes
suggestions. C’est toi qui choisiras.
- Tu m’en vois ravie mon amour.
- Tu peux me dire combien de jours tu peux te rendre disponible. Un week-end ça
me parait un peu court.
- Cinq jours ça te convient ?
- J’aurais aimé plus mais je vais me contenter de ce que tu me donnes.
- Ne sois pas trop impatiente. Un jour viendra où nous partirons plus longtemps.
- Je suis tellement pressée que ce jour arrive.
- Quand souhaites-tu que nous partions ? Question travail je peux me rendre libre
dans trois semaines.
- C’est loin.
- Que veux-tu je suis salariée ? Je dépends aussi des autres pour m’absenter ! Il va
falloir aussi que tu t’y fasses.
- Je suis bien contrariée.
- Frustrée tu devrais dire.
- Frustrée. :-( C’est le mot.
- J’ai remarqué que tu étais assez intolérante à la frustration. C’est pourtant du
manque que nait le désir.
- J’ai envie de toi tout le temps. Je suis amoureuse comme je ne l'ai jamais été de
ma vie et je compte vraiment construire quelque chose avec toi mon amour... Il
n'y a pas que le sexe qui m'intéresse dans la vie... L'amour aussi... T'endormir dans
mes bras est pour moi le plus doux des fantasmes.
- Quel bonheur ;-))))))))))))
- Je t'aime si tu savais à quel point ;-))))))))))))))))))))))))))))))) Très envie de ma
langue sur ton sexe et de tellement d'autres choses et pas que sexuelles… Je te
serre fort dans mes bras mon amour pour un gros câlin. Contre mes seins je passe
ma main dans tes cheveux.
- Je t'attends ... Toute offerte mon amour ;-))))
- J’ai hâte si tu savais.

- 172 -
- Je ne veux pas te perdre c'est tout ce que je sais... L'envie qui tue, jouir avec ta
langue et sur ta bouche... Je t'aime
- Et c'est tout à fait cette envie là qui me tue ... Moi sur toi, ton sexe ... Ma langue
;-)))))))))))
- J’en rêve.
- Je m’occupe de nous trouver une destination et d’organiser un séjour et je te
soumets des propositions.
- D’accord mon amour ! Je t’aime
- Je t’aime. »

Les jours et les semaines filèrent à toute vitesse. Pascale avait convenu de
rejoindre en train Célia à la gare de sa résidence d’où elles partiraient en voiture
pour un périple itinérant dans sa région. Pascale avait laissé carte blanche à Célia,
elle voulait être surprise. Lisa assistait silencieuse à la préparation de cette
escapade amoureuse. Pascale était radieuse et sa bonne humeur déteignait sur leur
couple. Jusqu’à la dernière minute Lisa espéra que Pascale annulerait mais quand
la veille du jour J arriva, Pascale annonça à Lisa qu’elle ne communiquerait que
par sms, elle ne souhaitait pas parasiter sa relation avec Célia. Elle voulait vivre
pleinement ces cinq jours et y voir plus clair en elle. Elle voulait aussi convaincre
Célia du bienfondé de cette relation à trois. Lisa accepta. Elle savait que l’avenir
de son couple se jouait. Célia avait une faculté phénoménale pour retourner
Pascale comme une crêpe et lui mettre la tête et le cœur sans dessus-dessous. Lisa
devait empêcher qu’elle se retourne contre elle en la désignant comme la femme
jalouse et intrusive qui les empêche de vivre leur amour. Cinq jours sans quasi
nouvelle était supportable, elle avait vécu pire depuis l’intrusion de Célia dans
leur couple. Le départ de son train était prévu le lendemain à 8 heures 10. Lisa
souhaita à Pascale un bon séjour et la laissa partir non sans un pincement au cœur
vers sa rivale.

Le voyage dura cinq heures durant lesquels elle dormit. Elle voulait être en forme
pour leurs retrouvailles. Une chance il n’y eu aucun retard. Juste avant d’arriver
Pascale avala un sandwich acheté le matin même à la gare. Comme prévu Célia
l’attendait sur le quai de la gare face à son wagon dont elle lui avait communiqué
le numéro lors de sa réservation de billet. Avant de descendre Pascale avertit Lisa
par sms qu’elle était bien arrivée. Lisa lui souhaita de bien en profiter. Pascale
sentit à travers ces quelques mots affectueux toute sa détresse amoureuse.

Le dépaysement était total pour Pascale. Elle se sentit immédiatement en


vacances. Célia prit son sac après l’avoir embrassée sur les deux joues et lui
demander si elle avait fait bon voyage. Pascale la sentait pressée de partir et de ne
pas être vue en public avec elle. Célia annonça qu’il y avait une heure et demie de
route au moins avant d’arriver au gite.

Durant tout le trajet les deux femmes échangèrent des banalités. Leur désir était
palpable même si elles n’en disaient rien. Elles craignaient l’une comme l’autre de
ne pouvoir se contenir. Aussi elles se concentrèrent sur la route et la recherche du
gite. Célia annonça à Pascale qu’elle lui révèlerait au fur et à mesure de leur
périple leur destination. Pour leurs retrouvailles elles feraient étape dans un
endroit tranquille et assez reculé. Elles seraient libres de diner où elles voulaient la

- 173 -
formule ne comprenait que le petit-déjeuner. Pour le paiement elles verraient sur
place comment s’arranger. Cette première nuit elle lui offrait. Pascale était toute
excitée de ce programme.

- 174 -
Chapitre XXIV

Les vignes s’étendaient à perte de vue et la voiture n’en finissait plus de suivre les
lacets de cette départementale. Le GPS indiquait l’arrivée à 800 mètres. Pascale se
demandait où se trouvait le gite choisit par Célia au milieu de ce nulle part. C’est
alors que sur leur droite, à l’entrée d’un chemin forestier, elles virent un panneau
surmonté d’un voilier peint bleu azur, indiquant le « domaine des flots bleus ».
Pourtant ni mer ni cours d’eau à l’horizon. Le nom avait dû parler à Célia au
moment de la réservation pensa Pascale.

Parsemée de graviers la voie bordée de platanes n’en finissait plus. Enfin à la


sortie d’un virage elles aperçurent les grilles dorées en fer forgé ouvertes. Elles se
stationnèrent en face de la grande maison en pierre blanches de la région. Elles se
dirigèrent vers la porte principale et Célia activa la sonnette. Une brunette joviale,
la quarantaine passée leur ouvrit la porte. L’accueil fut simple et chaleureux. Elle
se présenta. Elle s’appelait Florence, elle était l’épouse du propriétaire, de 20 ans
son aîné, qui avait hérité de cette maison familiale. Après une carrière dans la
marine marchande il avait décidé de donner une seconde vie à cette demeure et de
la transformer en gite. Les flots bleus étaient un clin d’œil à sa femme et son
ancien métier. Elle leur proposa une visite de la demeure. D’abord la salle à
manger où serait servi le petit déjeuner. Puis les annexes où elles avaient leur
chambre ainsi que le parc où la piscine découverte était à leur disposition jusqu’à
20 heures. Un couple étendu sur un bain de soleil regardait s’agiter leurs trois
enfants dans l’eau. Célia et Pascale se regardèrent. Pour l’heure elles avaient
mieux à faire. Florence leur remit les clés de leur chambre et leur demanda si
celle-ci leur plaisait. Spacieuse, aux murs en chaux, elle était décorée avec goût.
Un large lit faisait face à la porte de la salle de bain, un canapé dans le coin
opposé permettait de contempler la piscine à travers la porte d’entrée. Célia
remercia Florence et aussitôt seule avec Pascale elle s’empressa de fermer les
volets après avoir posé leurs sacs près du lit.

Pascale s’approcha de Célia et la prit dans ses bras pour l’embrasser


langoureusement, tendrement, amoureusement. Leurs langues se cherchaient, se
caressaient. Leurs mains commençaient un ballet incessant sur leurs corps.
L’excitation montait. Le désir s’emparait de leurs sexes. Elles avaient envie l’une
de l’autre depuis leur rencontre à la gare. Elles entreprirent un lent déshabillage
tout en continuant à s’embrasser et se caresser. Avec l’été, l’effeuillage ne dura
guère. Elles étaient nues au milieu de la pièce et s’enlaçaient affectueusement.
Elles se respiraient, se reconnaissaient. Elles avaient envie de faire l’amour. Une
douce volupté les enveloppa. La chaleur de leurs corps opérait. Célia posa sa main
sur le sexe mouillé de Pascale. Elle l’entraina alors vers le lit. Pascale s’allongea
sur le dos, les cuisses écartées. Célia se tenait debout à l’extrémité du lit et
contemplait ce sexe offert. « Viens » l’implora Pascale tout en tendant une main
vers elle. Célia s’approcha à genou et vint se coucher sur son amante. Elle cala
son sexe contre le sien et commença un lent va et vient. Le plaisir montait au
milieu de leurs gémissements. Ni l’une ni l’autre n’avait envie de jouir trop vite.
Célia embrassa Pascale et glissa sa main entre leurs deux sexes pour calmer le
brasier qui les embrasait. Un plaisir diffus les envahit, l’excitation restait comme
en suspend. Célia glissa le long du corps de Pascale et chassa les draps du lit. Elle

- 175 -
mit sa tête entre le sexe de Pascale et d’une langue agile se mit à l’explorer.
Pascale sentit une vague de chaleur la submerger. Sentant qu’elle allait jouir,
Célia s’arrêta pour la pénétrer avec son doigt. La pièce résonnait des longs
gémissements de Pascale. Ce lent va et vient sembla durer une éternité pour
Pascale qui avait basculé dans une autre dimension. Son corps entier jouissait de
ces caresses, l’excitation était telle que l’orgasme lui arracha un cri. Célia très
excitée elle aussi vint recouvrir le corps de son amante du sien et le simple contact
de son sexe sur sa cuisse la fit jouir également. L’étreinte qui s’en suivit fut
secouée de leurs spasmes, de cet orgasme qui n’en finissait plus de propager son
onde. « J’ai encore envie de toi » murmura Pascale à l’oreille de Célia. Cette
dernière s’installa sur le dos et invita sa compagne à venir sur sa bouche.
Agrippée aux barreaux du lit, à cheval sur le visage de Célia, Pascale se laissa
aller au mouvement que lui imposait Célia en la tenant fermement par les hanches.
Les papilles humides sur ce sexe gonflé le rendaient de plus en plus sensible.
Pascale s’enivrait au rythme de cette transe aussi sensuelle que tendre. Quand elle
sentit qu’elle allait jouir elle se cambra et se figea sous la fulgurance du désir
qu’elle ressentait pour Célia. Elle resta quelques secondes comme déconnectée,
hors du temps et de son corps, elle était la volupté incarnée à l’état pur. Célia s’en
aperçut et l’aida à redescendre et la coucha contre elle tout en la couvrant du drap.
« Et bien ma belle ! Tu en es où ?
- Je n’avais jamais connu un tel orgasme. J’ai cru que j’allais m’évanouir tant
c’était intense.
- Tu m’as mise dans un de ces états. Il va falloir que j’aille me doucher, je suis
trempée.
- Tu veux que je te caresse ? J’ai tellement envie de te donner autant de plaisir.
- Embrasse-moi ! »

Et elles s’embrassèrent. Pascale ne put se retenir de passer son index entre les
petites lèvres de Célia. Au souffle accéléré de son amante elle sentit qu’elle
pouvait aller plus loin. D’un doigt elle la pénétra, de l’autre elle continua à
caresser l’intérieur de ses petites lèvres jusqu’au clitoris sans le toucher pour
éviter de lui faire mal. A la contraction du périnée elle sut quel rythme imprimer à
son savant ballet. Au moment où elle jouit Célia attira Pascale à elle. Les larmes
coulaient le long de ses joues. « C'est sûrement la plus belle chose qui me soit
arrivée au moment où j'en avais le plus besoin mais aussi une des plus belles
choses qui me soit arrivée dans la vie. Ça valait le coup de t'attendre si
longtemps» réussit-elle à articuler avant de sombrer dans un très long sanglot.
Pascale la serra tendrement dans ses bras. Leurs retrouvailles étaient chargées
d’émotion et leurs orgasmes leur avaient permis de libérer les tensions. Pascale
tendit la main vers son sac pour y chercher un paquet de mouchoirs jetables.

Elles restèrent un moment dans les bras l’une de l’autre. Elles entendaient les
enfants hurler de loin dans la piscine. Célia fut la première à sortir du lit. Elle
avait les yeux gonflés. Elle se dirigea dans la salle de bain. Pascale entendit l’eau
de la douche couler. Quand vingt minutes plus tard Célia sortit elle avait retrouvé
figure humaine. Elle proposa à son amante d’aller en ville, elle avait faim.
Pendant que Pascale se lava, Célia se connecta à internet pour trouver des adresses
gourmandes. Elle repéra trois adresses qu’elle soumettrait à l’approbation de
Pascale quand elles seraient en route.

- 176 -
La chaleur se montra écrasante quand elles franchirent le pas de la porte. Les
parents avaient déplacé les transats sous le préau ombragé et les enfants avaient
improvisé une partie de volley dans l’eau. Le thermomètre indiquait 42° C dans
l’habitacle de la voiture. Célia avant de démarrer commença par aérer. Etait-ce
judicieux de sortir par ce cagnard ? Elle proposa à Pascale de retourner faire
l’amour dans leur chambre. Mais Pascale affamée et assoiffée refusa. La ville la
plus proche n’était qu’à 10 kilomètres. Avec la vitesse les courants d’air
rafraichirent l’atmosphère oppressante. Pascale mit amoureusement sa main sur la
cuisse de Célia pendant que celle-ci conduisait prudemment sur ces petites routes
de campagne.

En moins d’une demi-heure elle avait rejoint le centre ville. Elles trouvèrent
facilement à se stationner près du marché couvert fermé à cette heure. Le quartier
était piétonnier et les rues à l’ombre. Les adresses repérées par Célia se trouvaient
dans un même périmètre. La première était fermée, le site mal réactualisé ignorait
le changement de propriétaire. La seconde ne proposait que des formules à
emporter sans possibilité de s’asseoir. Quant à la troisième, elle n’était fréquentée
que par des jeunes et des bobos, cela devait être le rendez-vous branché de la cité.
The place to be. A l’opposé exact de ce qu’elles recherchaient, à savoir un endroit
calme où elles ne souhaitaient pas être vues. Déçues elles décidèrent de se fier à
leur instinct et de trouver par elles-mêmes. Alors qu’elles arrivaient à la fin de la
zone piétonnière, elles aperçurent en terrasse des couples et des familles attablés
devant d’énormes coupes de glaces. Elles se regardèrent et d’un commun accord
entrèrent dans la boutique. Trois banquettes désertées par les touristes qui
préféraient goûter dehors les attendaient. Elles demandèrent l’autorisation de
s’installer et commencèrent à lire la carte. Il y avait une cinquantaine de coupes
composées proposées. Les photos qui les accompagnaient révélaient toute la
création de l’artisan glacier. Quand la serveuse passa pour la commande elles
avaient fait leur choix. Comme elles avaient vue sur les bacs elles regardèrent la
préparation de leurs coupes. Elles n’avaient pas imaginé qu’elles seraient si
énormes. Pascale sortit son téléphone portable et proposa à Célia de la prendre en
photo. Elle voulait avoir un souvenir de ce moment gourmand. Dans leurs yeux
brillait encore la flamme de leur extase commune. La serveuse qui avait observé
leur manège leur proposa de les prendre ensemble. Pascale s’installa à côté de
Célia sur la banquette. La première d’elles deux. Sous la table elles se serraient
tendrement la main tout en souriant à l’objectif. Chacune repensait à leurs ébats ce
qui eut pour effet de les faire rougir. La jeune femme proposa de recommencer
mettant cet érythème sur le compte de la chaleur.

Leurs glaces étaient délicieuses. Comme elles n’avaient pas pris les mêmes elles
se firent goûter les différents parfums. Chacune donnait la becquée à l’autre qui
sensuellement léchait la petite cuillère comme s’il s’était agi du sexe de son
amante tout en se regardant coquinement dans les yeux. « Tu m’excites » susurra
Célia. « Attends qu’on rentre et tu verras l’effet que tu me fais » rétorqua Pascale.
Elles ne purent finir tant c’était copieux. L’adresse était trop bonne comment se
faisait-il qu’elle n’était indiquée nulle part sur le net ? Tout simplement parce
qu’elle venait d’ouvrir leur apprit la serveuse quand elle vint pour le règlement.

Pascale et Célia ne s’éternisèrent pas en ville. Elles étaient trempées l’une et


l’autre de désir et avaient hâte de refaire l’amour. Le retour leur parut plus long

- 177 -
que l’aller. Elles retrouvèrent leur place de parking à l’identique devant le gite. La
famille avait été remplacée par un jeune couple amoureux qui s’étreignait
langoureusement au milieu du bassin. Célia referma les volets sur leur passage
pendant que Pascale se déshabillait rapidement. Célia en fit de même et les
vêtements volèrent à travers la pièce pour atterrir pêle-mêle sur le canapé. Pascale
attendait assise au milieu du lit que Célia vienne la rejoindre dans la même
position en face à face, leurs jambes se superposant pour que leur pubis se
touchent. Pendant que Pascale embrassait Célia tout en lui tenant le visage entre
ses deux mains, Célia se mit à caresser le clitoris de Pascale. Son sexe déjà trempé
ne mit pas longtemps à gonfler et Célia se tordit légèrement sur le côté pour la
pénétrer tout en maintenant son pouce sur son clitoris. Pascale fondit rapidement
de plaisir et jouit sans retenue. De l’autre main Célia caressa sa poitrine aux tétons
tout dressés. Pascale encore dans son orgasme attira Célia vers elle et se coucha
sur le dos. Son amante excitée, en tribade accomplie vint la pénétrer avec son
clitoris hypertrophié. Une délicieuse volupté enveloppa Pascale qui agrippa Célia
par le cou en l’enlaçant de ses deux bras. Les assauts ralentis mais fermes de Célia
la plongèrent dans l’extase. Ce lent va et vient entretenaient le précédent orgasme
qui ne demandait qu’à repartir. Pascale se redressa légèrement contre les oreillers
afin que Célia la pénètre mieux et son visage au contact des seins chauds et lourds
de Célia lui permit de les lécher alors qu’elle positionna ses mains sur les fesses
de son amante qu’elle caressait avec ardeur. Elles n’entendaient plus que leurs
râles et le bruit du frottement de leurs deux corps. Puis le souffle de Pascale
s’accéléra. Célia adapta son mouvement à cette cadence et d’un coup de rein plus
sec et plus brutal fit jouir Pascale qui le lui réclamait dans un soupir rauque. « Je
n’en peux plus, fais moi jouir mon cœur. » L’orgasme de Pascale provoqua celui
de Célia « Tu me fais jouir mon amour » les entrainant dans un spasme à deux
électrisé. Elles ondulaient ensemble pour prolonger le plaisir, le faire redescendre
pour mieux repartir. « J’ai encore envie de toi Célia. »

Elles firent l’amour encore pendant des heures jusqu’à ce que leurs sexes trop
irrités par tant de jouissance leur commandent l’arrêt. La soirée venait juste de
commencer. Les insectes qui s’étaient tu toute la journée envahissaient l’air de
leurs chants amoureux. La chaleur était redescendue et la lumière était moins crue.
La glace qui leur avait paru copieuse était déjà loin et elles étaient de nouveau
affamées de s’être tant données l’une à l’autre. Célia proposa de retourner en ville
diner. Elles se douchèrent rapidement et apprécièrent en sortant de ne pas
suffoquer. Célia toute à ses pensées coquines se trompa de direction en sortant du
gite. Pascale s’en rendit compte et elles décidèrent de faire demi-tour un peu plus
loin car la route était étroite et bordée de fossés. C’est alors que devant elles, un
village toute en hauteur surplombait les vignes. Comme Célia ne croyait pas au
hasard elle y vit un signe du destin. Elle décida de s’y rendre alors qu’elle avait
prévu de le faire le lendemain matin.

Un parking en bas de la côte les invita à se stationner et à rejoindre à pied le cœur


de la bastide située dans les hauteurs. La pente était raide et la visite se méritait
par l’effort qu’elle nécessitait pour y parvenir. Parfaitement conservée et
restaurée, l’architecture médiévale rendait les bâtiments imposants. Les
commerçants avaient décoré les rues de drapeaux, armures et autres blasons afin
de créer une atmosphère propice à l’impulsion d’achats. Trois échoppes sur quatre
proposaient des souvenirs en rapport avec le thème. Dans une petite rue, Célia

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remarqua en hauteur une enseigne de restaurant. Les prix à la carte étaient corrects
et les plats au menu ne sentaient pas l’attrape touristes. Elles entrèrent. A la
réception un homme leur demanda si elles avaient réservé. Il fit semblant de
regarder un grand livre et leur demanda de bien les suivre. Elles traversèrent une
salle aux tables dressées entièrement déserte et les accompagna dans une cour
ouverte où deux couples dinaient. C’était loin d’être la cohue. Il les installa à côté
d’un arbre grimpant et sarmenteux reposant sur un muret qui donnait à l’endroit
tout son charme. Après leur avoir donné la carte, il alluma les bougies sur la table.
C’est dans cette ambiance romantique qu’elles se déclarèrent tout leur amour.
« Je t’aime Pascale. Jamais avant toi je n’avais rencontré une amante comme toi.
Insatiable, gourmande, sensuelle, bouleversante quand elle se donne sans retenue.
Je te désire à un point que tu ne peux imaginer.
- Je t’aime aussi Célia. Avant toi je n’avais jamais connu de femme aussi experte.
Tu sais toujours où j’en suis, je suis en symbiose totale avec toi. Je me découvre
multi-orgasmique sous tes caresses et tes baisers. Tu me fais jouir rien qu’en me
touchant les seins.
- Je voudrais plus avec toi.
- Plus quoi ?
- Plus.
- Précise.
- Me marier avec toi.
- Ah !
- Cache ta joie Pascale. C’est tout l’effet que ça te fait ?
- Nous sommes vraiment obligées d’aborder le sujet maintenant ? Pourquoi ne pas
profiter de cet instant tout simplement ?
- J’en profite pour te demander en mariage.
- Ne gâche pas tout Célia !
- Dis-le si entre toi et moi c’est juste pour le sexe !
- Je n’ai pas dis ça non plus. Il existe une voie entre juste pour le sexe et le
mariage.
- Et comment tu l’envisages cette voie ?
- C’est notre parenthèse enchantée.
- C’est bien ce que je disais. C’est juste du sexe avec un peu de sentiments pour
éviter que l’histoire ne soit trop glauque. On ne baise pas, on fait l’amour. Ça fait
toute la différence pour toi c’est ça ?
- Pourquoi se disputer ?
- Réponds Pascale au lieu de te réfugier derrière ton petit doigt !
- Alors je vais te répondre et promets moi ensuite qu’on passe à autre chose !
- Promis !
- Je t’aime Célia. Pour toi ce fut un véritable coup de foudre. C’est la première
fois de ma vie que cela m’arrive. J’ai été capable de faire table rase de tous mes
principes, d’oublier mes valeurs pour toi. J’étais prête à tout plaquer pour toi. J’ai
fait souffrir Lisa pour vivre cette passion. Et toi tu me parles de l’enfermer dans
un cadre conventionnel et bourgeois alors que nous sommes loin d’avoir exploré
toi et moi toutes les facettes de cette merveilleuse histoire d’amour. Tu parles de
l’affadir quand je commence tout juste à me sentir pleinement femme. Alors oui je
veux plus avec toi. Plus de folie, plus de subversion, plus de jouissance. Et je te
promets que je m’engagerais avec toi si je sens que notre amour ne viendra pas se
fracasser contre le rocher de l’usure au quotidien.

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- Tu ne m’avais jamais dit que c’était un coup de foudre. Tu ne peux pas savoir le
bien que ça me fait de l’entendre.
- Ça a crevé les yeux de Lisa et tu n’as rien vu ?
- Je suis désolée Pascale d’être aussi maladroite avec toi.
- Tu ne veux pas appeler le garçon pour passer la commande ? J’ai trop envie
retourner faire l’amour avec toi.
- Bien sûr ma belle ! Je t’aime tellement si tu savais.
- Je t’aime aussi. »

Les brochettes de gambas servies avec le rosé local les régalèrent. La nuit était
tombée quand elles sortir du restaurant. Main dans la main elles déambulèrent
dans les rues du village afin de regagner leur voiture. Avant de remonter dans la
voiture elles s’embrassèrent longuement à l’abri des regards.

Cette fois ce fut Pascale qui referma les volets sur leur passage. Elles se jetèrent
l’une sur l’autre pour retirer leurs vêtements. Célia toute chamboulée de la
révélation de Pascale eut envie de l’aimer comme jamais. Elle invita Pascale à
s’allonger sur le ventre pendant qu’elle fouillait dans son sac à la recherche d’une
bougie de massage. Elle éteignit les lumières et alluma la chandelle. Pendant que
la cire fondait elle brancha des mini-enceintes à son baladeur et choisit dans sa
play list de la musique lounge. « Tu es prête ? Dis-moi si c’est trop chaud ! »
Célia fit couler un filet de mélanges d’huiles essentielles et de cire fondues le long
de la colonne vertébrale de Pascale qu’elle étala sur tout son dos. Elle reposa sa
bougie et commença un long massage à la fois enveloppant et ferme. Célia n’avait
oublié aucun de ses gestes professionnels. Pascale ressentit rapidement une
détente totale de son corps. Célia passait sur certains points sur lesquels elle
insistait pour relâcher les tensions. Pascale luttait pour ne pas s’endormir. Une
douce excitation envahissait son sexe. Elle dû sombrer dans le sommeil sans s’en
apercevoir car quand elle en émergea Célia lui massait le bas de jambes et elle
sentit qu’elle avait aussi les bras huilés. Elle n’avait souvenir de rien.
« Tu as dormi presqu’une heure, le massage est presque terminé.
- Je n’ai rien vu.
- Tu te sens comment ?
- Détendue comme jamais. Et j’ai une terrible envie de toi.
- Ce n’est pas fini tu sais. Je compte bien terminer mon massage par une détente
totale et absolue.
- Ah oui ?
- Laisse-toi faire ! »

Célia s’essuya longuement les mains avec une serviette. Elle vint s’allonger sur le
dos de Pascale et commença contre son corps un long va et vient facilité par
l’huile de massage. Son clitoris qu’elle frottait contre ses fesses gonfla
rapidement. Puis elle retourna son amante pour la pénétrer avec délice. Pascale y
avait pris goût elle le savait. Pascale totalement abandonnée sous les assauts
amoureux de Célia fut parcourue d’un orgasme interminable et diffus. Elle en
frémit de la tête au pied, son corps entier n’était que jouissance. Célia lui
maintenait les poignets pour qu’elle puisse bouger sans perdre le contact du sexe
avec le sien. Un long cri déchira l’air. Célia cessa tout mouvement et observa à la
lueur de la bougie le visage tordu de plaisir de Pascale. Elle la trouvait tellement
belle quand elle jouissait. Elle descendit du lit pour prendre le drap qui avait valsé

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au milieu de la pièce et recouvrit Pascale « Tu n’as pas joui mon amour »
murmura Pascale avant de sombrer dans le sommeil. Elle n’entendit jamais la
réponse de Célia « Non mais ça n’a pas d’importance. C’était tellement plus
puissant le plaisir que j’ai eu à te faire jouir. »

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Chapitre XXV

Les volets à persiennes avaient laissé filtrer des rais de lumière. Célia s’était
réveillée la première et regardait Pascale dormir. Sa montre indiquait 9h30. Le
petit-déjeuner n’étant servi que jusqu’à 10 heures, elle se leva pour se doucher.
Pascale émergea tranquillement, étonnée de ne plus sentir aucune douleur de
sciatique. Entendant encore des bruits d’eau, elle ouvrit la porte de la salle de bain
que Célia n’avait pas fermée à clé et se glissa avec elle sous la douche. Elle
l’embrassa et commença à la caresser. Célia lui rappela l’heure, elles auraient tout
le temps après, elles ne devaient libérer la chambre que pour midi.

Florence les attendait, elles étaient les dernières. Elles commandèrent pour l’une
du thé, pour l’autre du café. Sur la table située sur la terrasse était disposée une
panière avec des viennoiseries et des tranches de pain de campagne. Beurre et
confitures les accompagnaient. Elles avaient vue sur le parc et la piscine où
trempaient déjà les enfants. Quand Florence revint avec les boissons chaudes, elle
leur demanda si elles avaient bien dormi. En effet le couple avec enfants s’était
plaint d’avoir entendu du bruit dans la nuit. Dans sa manière gênée de le formuler
elles comprirent l’allusion aux cris de plaisir durant le coït. Pascale et Célia firent
les étonnées, non vraiment elles n’avaient rien entendu. Florence s’empressa
d’ajouter qu’elle hébergeait un couple en voyage de noces, celui aperçu la veille
dans la piscine. Florence ne soupçonnait pas que deux femmes puissent faire
l’amour et leur réponse rassurante ne la retint pas à leur table. Avec internet les
mauvaises réputations se font vite et Florence ne tenait pas à retrouver une
critique assassine sur les sites dédiés. Célia et Pascale décidèrent de partir après le
petit déjeuner, c’était plus prudent.

Célia donna la feuille de route à Pascale. Comme elles avaient visité hier soir la
bastide, elles prendraient la route plus tôt que prévu. Elles dormiraient encore
dans un gite, cette fois-ci perdu dans les montagnes à 3 km d’un village médiéval
là encore connu pour être un haut lieu de pèlerinage. La région étant située sur le
chemin de Compostelle, cela aurait été dommage de l’ignorer.

Le soleil chauffait déjà de bon matin. Pascale était toute heureuse de ne plus
ressentir aucune douleur. Elle se confia à Célia à ce sujet dans la voiture.
« Tu sais que ton massage hier m’a fait le plus grand bien. Ma sciatique a disparu.
Merci mon amour.
- J’en suis ravie. La prochaine fois que ça te reprend dis-le moi, je viendrai te voir
pour te masser.
- Tu sais j’ai un bon ostéopathe.
- Peut-être. Mais en attendant avec lui tu n’as jamais été aussi bien.
- Tu as raison. Mais je peux peut-être aller voir une masseuse si c’est ça qui me
fait du bien.
- Rigolote !
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que je suis la seule à posséder la technique.
- Tiens ça ?
- Oui madame !
- Et c’est quoi ta technique du siècle qui te vaudra le prix Nobel ?

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- La stimulation clitoridienne ma chérie. Avec tous les orgasmes que je t’ai
procurés tu as du libérer toutes tes tensions, expliqua Célia dans un fou-rire.
- Rigolote toi-même ! tança Pascale vexée de sa naïveté.
- On recommence quand tu veux ma belle !
- Pourquoi j’ai tout le temps envie de toi ?
- Rassure-toi, moi aussi ! Je suis déjà trempée. C’est une catastrophe. Avec toi je
devrais acheter un lot de petites culottes et me changer toutes les heures. Celle-ci
est bonne à essorer.
- Ah oui ? fit Pascale en glissant sa main entre les cuisses de Célia.
- Alors ?
- Ah oui, même le pantalon est mouillé ! fit Pascale qui n’en revenait pas.
- On fait quoi ?
- On change de sujet et on passe à autre chose. Sinon trouve-moi des toilettes que
je te saute dessus !
- Allume la radio Célia.
- Bonne idée. »

Elles avaient quitté la plaine pour des paysages plus boisés. Les routes en lacets
annonçaient les massifs montagneux. Coincées derrière un camion elles avaient le
sentiment de ne pas avancer. Célia n’osait doubler. Quand enfin elles virent le
panneau indiquant le nom du village, l’impatience redoubla ! Un point de vue
avait été aménagé pour le prendre en photo d’un point de vue panoramique. Célia
proposa de s’arrêter. Ainsi elle pourrait se débarrasser du camion et Pascale
pourrait s’immerger totalement dans ce lieu de pèlerinage. Pendant que Pascale
immortalisait le paysage, Célia appela la propriétaire du gite pour savoir si elle
pouvait déposer les bagages. Elle en profiterait ainsi pour se faire indiquer une
bonne adresse pour manger. L’accueil téléphonique fut charmant. Célia informa
Pascale qu’elles allaient au gite. Pascale suivit sans poser de questions.

Le gite se trouvait à deux kilomètres du village dans une cuvette au sommet du


mont. Comment se passait l’hiver avec la neige se demandèrent-elles alors que
40° C s’affichaient sur le thermomètre ? Rien à voir avec le précédent. Plus
simple, c’étaient des maisons de paysans entourées d’un grand potager. Dans une
combinaison de cosmonaute de couleur verre bouteille, une femme corpulente
s’escrimait à tondre les herbes hautes qui envahissaient le bord de l’allée. Célia
gara la voiture, à l’ombre, sous de grands arbres. Une deuxième femme sortit
d’une maison. Très avenante, elle alla au devant d’elles et les invita à entrer. Elle
leur avait préparé des verres d’eau. Elle s’appelait Lisa, ce qui ne manqua pas de
les faire sourire. Elle leur expliqua que ce gite était une maison héritée de sa
grand-mère, qu’elle tenait également une table d’hôte le soir. Célia qui avait déjà
réservé confirma leur présence. Lisa avait préparé un papier où elle avait noté
l’adresse d’un restaurant situé non loin de là au bord de l’eau. C’étaient des amis
qui le tenaient, elle avait déjà appelé et elles étaient toutes les deux attendues. Elle
leur proposa d’installer les bagages dans leur chambre qui était une pièce
attenante à la maison. Elle était libre, elles pouvaient en faire usage dès
maintenant. Célia remercia Lisa de son hospitalité et se fit expliquer la route.

Lisa n’avait pas menti, elles étaient non seulement attendues mais en plus le coin
était charmant. Le long d’un cours d’eau, le restaurant avait une vue sur le village
situé un peu plus haut et aussi sur la vallée. La fraicheur qui venait de l’eau les

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incita à déplacer légèrement la table et le parasol pour en profiter un maximum.
Elles se laissèrent conseiller le plat du jour et chacune, en attendant d’être servies
se laissa aller à une rêverie contemplative. Le temps était comme suspendu. Elles
n’osaient se regarder, craignant que leur désir n’éclate trop au grand jour. Célia
mourrait d’envie d’embrasser Pascale et de la caresser. Pascale n’en pouvait plus
de cette tension qui lui vrillait le ventre. Lisa n’aurait jamais dû leur dire que la
chambre était à leur disposition.

Célia brisa le silence quand le garçon arriva avec les deux assiettes. Il en profita
aussi pour apporter une nouvelle carafe d’eau, elles avaient tellement soif qu’elles
avaient déjà bu la première.
« C’est bon tu ne trouves pas ?
- Oui. Je commençais à avoir faim.
- Oui moi aussi. Mais c’est surtout de toi dont j’ai le plus faim.
- Arrête Célia sinon je ne vais pas tenir longtemps. Je n’en peux déjà plus.
- Et moi donc. Tu ne veux pas avant de faire un peu de tourisme qu’on fasse
l’amour ?
- J’en meurs d’envie si tu savais.
- On termine tranquillement de manger puis on y va. »

Elles replongèrent dans leur contemplation afin de ne pas avoir envie de tout
laisser en plan. Elles ne comprenaient pas pourquoi elles étaient dans ce désir
permanent et qu’elles n’étaient jamais rassasiées l’une de l’autre. Elles étaient
traversées d’une énergie sexuelle très communicative, tous leurs sens étaient
exacerbés.

La dernière gorgée de café avalée et l’addition réglée, elles filèrent à la voiture. Le


gite était désert. Comme la veille Célia s’empressa de fermer les volets et de
fermer la porte. Elles avaient à peine eu le temps de voir la pièce. Plus simple et
moins luxueuse que la précédente, elle était composée d’un grand lit, d’une table
de chevet et d’une minuscule salle de bain plongée dans le noir. Elles se jetèrent
toute habillée sur le lit et commencèrent à s’embrasser et se caresser avec frénésie.
Quel délice que de sentir à travers le tissu les caresses très appuyées de son
amante ! N’y pouvant plus elles se déshabillèrent en toute hâte et Célia imposa à
Pascale de se coucher sur le ventre. Elle avait très envie de la chevaucher ainsi,
son clitoris venant se frotter aux fesses de Pascale. Elle la maintenait plaquée sur
le matelas tenue fermement par l’épaule d’une main énergique. Célia râlait de
plaisir pendant que Pascale gémissait du plaisir de la sentir aussi excitée. Pascale
qui avait envie de la faire jouir se mit à onduler au rythme de Célia. Cela
produisait son effet. Célia se mit à accélérer la cadence et d’un coup de rein
acheva sa cavalcade. Elle avait joui tellement intensément qu’elle resta quelques
instant figée. Elle se mit ensuite sur le côté et pénétra Pascale toujours couchée
sur le ventre de son index et son majeur. Célia s’étonna de la trouver aussi
trempée et s’en sentit très flattée. Ses doigts glissaient avec bonheur et l’abandon
de Pascale l’encouragea à faire durer le plaisir. Elle sut que son amante avait joui
au spasme qu’elle ressenti sur ses doigts. Elle sortit délicatement du vagin de son
amante pour venir l’embrasser dans le cou. « Encore ? » « Et toi ? » « Encore ! »

Elles continuèrent à s’aimer ainsi une bonne heure et s’endormirent repues dans
les bras l’une de l’autre. C’est l’arrivée des pèlerins au gite qui les sortit de leur

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torpeur. L’après-midi était bien avancée. Pascale vint se blottir contre les seins de
Célia.
« Tu veux bouger mon amour ? Il nous reste encore plus de trois heures avant le
diner ?
- Si tu veux Pascale. Ce serait dommage de ne pas aller visiter l’abbatiale et de se
balader dans les rues du village. Tu veux prendre ta douche la première ?
- Je me dépêche. »

Malgré l’heure avancée de la journée une chaleur étouffante les prit à la gorge en
sortant de la chambre. Le soleil les aveugla et quand elles montèrent dans la
voiture elles eurent le sentiment d’entrer dans un sauna. Heureusement le village
n’était pas loin et malgré les vitres ouvertes la température ne baissa pas. Elles se
stationnèrent à l’entrée et commencèrent à déambuler à travers les ruelles. Les
marcheurs affluaient vers l’abbatiale. Il suffisait de les suivre pour s’y rendre à
l’ombre des maisons à colombage. En pénétrant dans ce lieu sacré elles furent
saisies par la fraicheur et la ferveur religieuse qui s’en dégageait. Une lumière
blanche filtrait à travers les vitraux. Célia proposa à Pascale de brûler un cierge
qui réaliserait qui sait un vœu secret. Célia choisit un long cierge pendant que
Pascale glissait une pièce dans la fente du tronc. Elles le saisirent ensuite chacune
à une main pour l’allumer conjointement au contact de la flamme d’un autre et le
posèrent sur la pointe d’un reposoir en métal. Elles restèrent quelques minutes
devant, silencieuses, formulant mentalement leur vœu. Célia celui que Pascale soit
tout à elle et accepte sa proposition en mariage. Et Pascale que Célia ne renonce
jamais à la passion au détriment de rapports totalement conventionnels. Elle
voulait prolonger le plus longtemps possible cette parenthèse enchantée. Rien que
d’y penser une envie sauvage et animale s’empara d’elle.

« Tu frissonnes Pascale ? Tu veux sortir ?


- Ça va je t’assure !
- Tu avais l’air troublée.
- Sans doute mon vœu.
- Et qu’as-tu souhaité ?
- Je ne te le dirai pas. Le principe est de ne pas le révéler si tu veux le voir
s’exaucer.
- Tu as raison. Gardons le secret ! Je t’invite à aller boire quelque chose.
- Volontiers ! Avec cette chaleur je suis totalement déshydratée.
- Et nous finirons ensuite la visite avant de rentrer au gite ! »

La terrasse du café donnait sur le tympan finement orné de l’abbatial. Un


prospectus sur la table leur indiquait la richesse patrimoniale du lieu. Une
promenade qui empruntait un pont historique leur était conseillée si elles avaient
envie le temps d’une balade de se mettre dans les pas des pèlerins. Tout en
sirotant sa boisson Célia fit une lecture de morceaux choisis. En quinze minutes
elles en surent suffisamment pour apprécier la beauté du chemin proposé. Les
pavés étaient glissants sous les semelles de leurs sandalettes et le cagnard
impitoyable dans la montée. Qu’est-ce que ça devait-être avec un sac de plusieurs
kilos sur le dos pensèrent-elles ? Au fur et à mesure de leurs avancées elles furent
frappées par la beauté du lieu et des nombreux témoignages de passages des
marcheurs gravés dans la pierre polie par leurs godillots. Combien de litres de
sueur dépensée juste pour contempler le point de vue ? Des coquilles Saint

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Jacques directement sculptées dans la pierre ou bien dessinées sur le sol par
l’assemblage de cailloux de couleurs différentes leur indiquaient la direction à
prendre. Il y avait quelque chose de profondément émouvant que de se laisser
guider par une main invisible présente depuis des siècles et qui avaient
accompagné tant d’âmes en recherche de spiritualité.

Quand elles arrivèrent à la voiture elles dégoulinaient de tant d’efforts. Les


descentes et les montées avaient été raides. Au gite les serviettes avec la canicule
étaient déjà sèches. Elles en profitèrent pour se doucher et laver leur tee-shirt.
Leurs hôtes avaient affiché dans la chambre qu’elles pouvaient étendre leur linge
derrière la maison sur les cordes près du mur. Et qu’un petit fer à repasser était
rangé dans le placard. Tout était prévu pour les randonneurs qui avaient le
minimum de change dans leur sac.

Une clochette les invita à rejoindre la maison de leur hôte. Au milieu de la salle
était disposée une immense table rectangulaire tout en longueur. Des bouteilles et
des verres y étaient disposés. Lisa les accueillit chaleureusement. Elles étaient les
premières. Elle leur présenta Frédérique. C’était elle le cosmonaute à leur arrivée.
Sans sa combinaison elle était tout aussi imposante. Vêtue d’un short d’homme
bleu marine et d’un marcel blanc, deux grosses touffes de poils débordant des
aisselles, elle devait peser son quintal. Une caricature de camionneuse se lancèrent
Célia et Pascale dans un regard complice. Lisa ne précisa pas sa relation à
Frédérique mais tout laissait à penser qu’elles étaient en couple. Elles n’eurent pas
le temps des confidences que les autres pensionnaires débarquèrent en groupe
bruyamment. Ils avaient marché toute la journée et étaient affamés. Lisa
s’empressa de les servir et Frédérique sortit d’un bocal rempli d’huile un
saucisson sec. « C’est un conservateur » justifia-t-elle devant la mine un peu
effarée et dégoutée de l’assistance. Elle partit sur un refrain sans doute maintes
fois répété de ces citadins aux appétits de moineaux et qui avaient perdu le sens de
la nourriture et des bons produits. Célia et Pascale prirent une rondelle que
Frédérique venait de découper et la mangèrent poliment. Cela ne resterait pas dans
leur mémoire comme un sommet de la gastronomie française. On aurait dit
qu’elles avalaient une éponge gorgée d’huile limite rance. Même les affamés ne se
jetèrent pas dessus. Sans doute avaient-ils peur de caler sur la suite. En effet Lisa
avaient commencé à disposer une nourriture roborative à base de charcuterie de la
région et de féculents. Peu de légumes alors qu’il y avait pourtant un potager. Le
groupe qui avait envie de se coucher tôt s’installa à table sans attendre qu’on les y
convie et commença à se servir. Lisa et Frédérique s’assirent en bout de table et
Frédérique partit dans d’inénarrables anecdotes glanées durant des années auprès
de ces nombreux pèlerins. Le fou-rire gagna rapidement la tablée et chacun
raconta la sienne. Les marcheurs étaient une grande communauté et savaient se
transmettre les histoires. Il y avait des personnages hauts en couleur qui savaient
marquer les esprits et qui servaient d’exemple à ne pas suivre. Mal chaussés et
mal habillés les péripéties les plus baroques leur arrivaient. Ces randonnées
étaient en fait très codifiées et il y avait des lois tacites qui se transmettaient ainsi.
Il y avait quelque chose de très émouvant à partager ces récits. Finalement ce qui
aurait dû être un repas vite expédié se transforma en soirée festive. Frédérique
pour prolonger ce moment intemporel sortit de sa cave une bouteille de derrière
les fagots. C’était sa production personnelle avec les fruits de son verger. Tout le
monde s’accrocha à la table car ce fut un véritable tord-boyaux qui leur fut servi.

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Célia et Pascale se regardaient amoureusement. Lisa s’en aperçut et donna un
coup de coude à Frédérique trop occupée à divertir l’assistance. Visiblement elles
n’avaient pas dû partager d’intimité depuis longtemps et cela semblait lui
manquer. Le gite devait les occuper à plein temps. Le groupe de randonneurs mit
fin brutalement à la soirée la fatigue et l’alcool avaient eu raison d’eux. Célia et
Pascale qui n’en pouvaient plus de désir ne s’attardèrent pas et saluèrent
l’assemblée pour filer dans leur chambre. A peine la porte franchie elles jetèrent
leurs vêtements au sol pour s’aimer une fois encore.

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Chapitre XXVI

Une odeur de café les réveilla. Lisa accueillait le groupe qui reprenait la route.
Elles se préparèrent rapidement et les rejoignirent à table. Elles finiraient après le
petit déjeuner leurs préparatifs. Elles avaient leurs vêtements à récupérer sur la
corde à linge il ne fallait pas les oublier. Comme la veille des mets roboratifs
garnissaient la table. La viennoiserie était quelque peu rassie. Il restait les
charcuteries et les fromages de la veille. Comme elles n’étaient pas affamées elles
laissèrent aux randonneurs tous ces mets qu’ils mirent en cachette, quand Lisa eut
le dos tournée, dans leur sac à dos. Elle devait être habituée car alors qu’elle était
dans sa cuisine à faire cuire des œufs au vinaigre elle les engagea à les emporter
pour la journée en cas de petit creux. La pingrerie des marcheurs n’était pas une
légende. Par contre le saucisson qui baignait toujours dans son huile rance ne
rencontra pas le même succès. Il échappa à la razzia collective.

Le petit déjeuner fut vite expédié. Les marcheurs voulaient éviter de marcher trop
à la chaleur et plus vite ils seraient partis plus vite ils pourraient profiter encore de
la fraicheur matinale. Pascale et Célia étaient moins pressées et elles s’attardèrent
autour de leur café. Lisa commença à débarrasser la table et Frédérique partit
revêtir sa tenue de cosmonaute. L’hospitalité avait ses limites car une dure et
longue besogne attendait les deux femmes. Tout en s’activant Lisa leur confia
qu’elles cumulaient chacune un autre emploi pour joindre les deux bouts car de
novembre à avril rares étaient les randonneurs qui parcouraient la région. Si l’été
c’était l’enfer pour elles et que leurs congés y passaient pour tenir leur gite au plus
fort de la saison le reste de l’année elles appréciaient de vivre dans cette maison
familiale au calme.

Célia réclama la note pendant que Pascale s’occupa de repasser leurs effets
personnels afin d’ôter l’humidité nocturne. Ils finiront de sécher sur la plage
arrière de la voiture ce n’était pas un souci. Elles ne mirent pas longtemps non
plus à se préparer. Les adieux furent brefs, elles promirent de revenir même si au
fond d’elles elles savaient que c’était un affreux mensonge. Si la halte avait été un
bon moment la table d’hôte ne resterait pas dans leurs meilleurs moments
culinaires. Pascale se disait qu’elle mettrait un mot sur son blog en rentrant car la
recette du saucisson à l’huile avait été pour elle une grande première et un grand
moment de solitude. Elle regrettait de ne pas en avoir pris une photo.

La rosée avait inondé le parebrise. Célia en fut quitte pour le nettoyer car une
tonne d’insectes y gisait écrabouillée. La tâche était un peu répugnante car tout
l’art résidait dans le fait de ne pas se salir en se collant à la carrosserie
poussiéreuse. Pendant que Célia s’activait, Pascale en profita pour remplir des
bouteilles d’eau. La météo annonçait encore des records de chaleur. Elles savaient
se partager tacitement les taches comme si elles avaient vécu des années
ensemble. Il y avait indéniablement entre elles deux une osmose indicible. Quand
Célia eut fini elle invita Pascale à monter. Elle n’avait pas encore dévoilé la
destination du jour. En fait il s’agissait d’un périple à travers des gorges bordés de
nombreux villages tous plus beaux les uns que les autres. Elles auraient ainsi
l’occasion de faire de nombreuses haltes car l’escapade était prévue sur deux
jours.

- 188 -
Les premiers kilomètres se déroulèrent en silence. Pascale avait posé délicatement
sa main sur la cuisse de Célia qui se concentrait sur les lacets tortueux de la route.
Les locaux avaient l’habitude de rouler au milieu de la route et de se rabattre au
dernier moment. Il fallait avoir les nerfs solides et de bons réflexes pour ne pas
terminer dans le fossé. Elles avaient hâte toutes les deux de se retrouver sur une
voie plus agréable. Au bout d’une heure elles purent enfin se détendre et apprécier
le paysage. Le long du fleuve étaient nichés dans des hauteurs des villages qui
surplombaient la vallée. C’était d’une beauté à couper le souffle. Des aires d’arrêt
étaient prévues pour admirer le point de vue et faire des photos. Comme promis
Célia s’arrêta à chaque fois afin que Pascale puisse en profiter. Le dépaysement
commençait à produire son effet. Pascale avait le sentiment d’être partie depuis
des semaines et avait totalement oublié son quotidien et Lisa. Elle avait le
sentiment d’avoir toujours vécu avec Célia et souhaitait que jamais ce moment ne
s’arrête.

Les kilomètres s’enchainaient et bientôt la faim se fit sentir.

« Nous devrions bientôt atteindre le village où j’avais prévu de t’emmener


déjeuner à midi.
-J’espère que ça sera moins pittoresque que le repas d’hier soir. Franchement il est
difficile de faire pire.
- Si j’avais su Pascale crois-moi que j’aurais réservé une table ailleurs. J’ignorais
que Frédérique ferait le guignol. Je pensais qu’on dinerait rapidement et qu’on
aurait notre soirée pour nous aimer ou même aller visiter de nuit le village.
- Ne sois pas désolée j’ai passé une excellente soirée. Elles ne s’assumaient pas
trop on dirait.
- Tu sais deux femmes seules à la campagne, avec la vie rude qu’elles ont ne
doivent pas se marrer tous les jours. Elles m’ont l’air d’avoir du tempérament
surtout Frédérique. Elles m’ont surtout paru usées par leur vie de dingues. On
idéalise la vie en gite et à la campagne mais quelle énergie ça demande. Je ne sais
pas si ça me plairait.
- Chacun mène la vie qu’il veut. Elles ne semblaient pas en vouloir changer.
- Lisa est très attachée à sa maison et a entrainé Frédérique dans cette histoire.
- Au détriment certainement de leur sexualité.
- Qu’est-ce que tu en sais Pascale ?
- Il faut voir comment elles nous ont regardées ?
- Ah oui ? Et elles nous ont regardées comment ?
- Avec envie non ?
- A moins d’être sourdes je ne vois pas comment elles auraient pu ignorer nos
ébats ! Ma chérie va falloir que je te bâillonne !
- Parce que toi tu restes silencieuse ?
- A côté de toi mon amour il n’y a pas photo ! Tu aurais pu être une artiste lyrique
avec de telles vocalises !
- Tu n’exagères pas un peu ?
- A peine ! Tu oublies les plaintes aux « flots bleus » ?
- A partir de maintenant je vais rester insensible à tes caresses ! Comme ça je ne
casserai les oreilles de personne !
- Tu es vexée mon amour ?
- A peine !

- 189 -
- Si si ! Sache que j’adore l’effet que je te procure, ça me transporte et me mets
dans un de ces états que de t’entendre gémir et crier ton plaisir.
- J’ai envie de toi !
- Tu crois qu’on est deux obsédées sexuelles ?
- Je suis amoureuse de toi c’est tout ! Avoir envie de toi en découle, pourquoi
faire de nous des obsédées ? Lisa m’a déjà fait la même remarque !
- Tu as raison ! Vivons chacun de ces moments sans se poser de questions. Tu as
faim car nous arrivons d’ici cinq minutes !
- J’ai faim de toi c’est sûr !
- J’appellerai après le déjeuner pour savoir à quelle heure nous pouvons arriver au
gite.
- Très bonne idée ! »

C’était jour de marché. Le parking était plein. Célia ne l’avait pas prévu.
Heureusement le restaurant avait le sien privatif et elles purent se stationner. Des
tables étaient dressées dans la cour mais avec le soleil qui allait atteindre bientôt
son zénith elles préférèrent s’installer à l’intérieur. Grâce à la pierre la température
était très agréable. La carte avait été élaborée à partir des produits du terroir et
elles décidèrent de se laisser tenter par le menu découverte du chef.
« J’ai très envie de me remettre à mon blog et d’ouvrir une rubrique aux perles
culinaires comme le saucisson de Dominique.
- Il mériterait d’être oublié tu veux dire !
- Je comprends qu’à une époque où les réfrigérateurs n’existaient pas on utilisait
le sel ou l’huile comme conservateur. Mais de nos jours quel intérêt ?
- Elle semblait être attachée à la recette de sa mémé. Qui sait peut-être que
d’autres apprécient !
- En tout cas pas la tablée, il en est resté pas mal après notre départ !
- C’est bien pour cela qu’elle a besoin de le conserver ! En même temps avec les
affamés qui se pressent à sa table ça calme très vite !
- Même Frédérique ne s’est pas jetée dessus !
- Et alors ça ne veut rien dire ! Elle était peut-être au régime !
- Au régime ! Tu plaisantes ! Déjà qu’elle ignore l’épilation alors le régime ! Si tu
veux mon avis elle en resté à l’époque des grandes disettes et des réserves !
- Dis donc tu es bien caustique avec Frédérique ! Elle t’a fait quelque chose ?
- Non rien pourquoi ?
- Je la trouvais un peu trop masculine à mon goût mais je sais que question
femmes nous ne partageons pas tout à fait les mêmes fantasmes ! Lisa te
manque ?
- Que vient faire Lisa dans la conversation ?
- Tu me parles de Frédérique, je sais que c’est ton genre !
- Excuse-moi mais ce n’est pas parce qu’elle est masculine qu’elle doit me plaire.
Ses poils qui dépassaient de son marcel n’avaient rien d’attrayants j’aime bien
aussi un peu de raffinement dans l’allure.
- Je croyais que tu aimais le côté animal dans l’amour charnel !
- Pourquoi viens-tu gâcher un moment délicieux par ces évocations ? Je sens
qu’on va se disputer si ça continue la discussion prend un tour qui me déplait !
- Changeons de sujet alors ? Revenons à Lisa !
- Tu deviens lourde Célia ! Qu’est-ce qui te prend ?

- 190 -
- Il ne me prend rien ! Je vois juste que je suis bien avec toi et que dans trois jours
tu retournes à ta vie et moi à la mienne ! Je ne sais toujours pas quelle place tu me
donnes !
- Tu le sais très bien. On ne va pas revenir éternellement sur la même discussion.
Pourquoi ne pas profiter de l’instant présent ?
- Si le sujet est récurrent c’est qu’il n’est pas réglé. Tu ne pourras pas
éternellement botter en touche. Un jour je me lasserai et je partirai.
- Fais le maintenant si c’est ça que tu veux !
- Ce n’est pas ça que je veux. C’est toi que je veux. Toi dans ma vie, au
quotidien !
- Et tu me donnes quelle place dans ton quotidien ?
- Toute la place Pascale !
- Quand puis-je venir m’installer ?
- Tu es sérieuse ?
- Pourquoi tu ne l’es pas quand tu me veux ?
- Et ton boulot ? Et Lisa ?
- Je te parle de nous. Je m’installe chez toi et je me recherche du boulot. J’ai des
compétences et je ne suis pas paresseuse. S’il faut faire des ménages pour vivre ou
être caissière pourquoi pas !
- Tu t’emballes vite je trouve !
- Tu me veux ou tu ne me veux pas ?
- Si je te veux mais pas dans ces conditions. Prenons un peu le temps non !
- C’est bien ce que nous faisons avec ce séjour. Mais tu exiges plus ! Je réponds à
ta demande non ?
- Tu as raison ne gâchons pas ce bon moment, nous avons tant encore à découvrir
ensemble !
- La question de la place est donc réglée ?
- Provisoirement ! Disons que nous nous avons fait un pas l’une vers l’autre.
- Je suis heureuse de te l’entendre dire. »

Le garçon arriva avec les entrées froides. Cette diversion leur fit du bien. Pascale
se dit que Lisa avait bien cerné Célia. Dès que tu la pousses dans ses
retranchements elle recule. Au moins elle avait en partie repris le contrôle de la
situation et n’avait pas à prendre de décisions prématurées qu’elle risquait ensuite
de regretter. Célia pour faire oublier la tension en profita pour appeler entre deux
plats. Leur chambre était prête et si elles voulaient elles pourraient profiter de la
piscine découverte. La propriétaire n’avait pas l’air d’être trop à cheval sur les
horaires d’arrivée.

La chaleur étouffante les dissuada à la sortie du restaurant de visiter le village.


Pascale et Célia avaient hâte de se retrouver dans l’eau. La maison était une
grande demeure bourgeoise occupée depuis plus de trois siècles par la même
famille. Les temps étaient durs et pour pouvoir l’entretenir elle avait décidé de la
transformer en gite. L’accueil fut courtois. Une grande femme, le sosie de
Sigourney Weaver les attendait à l’entrée. Elle leur fit traverser toute la maison et
les accompagna jusqu’à leur chambre appelée « chambre de la mariée ». Elle
avait hérité à la mort de ses parents de ce manoir et pour le transformer en maison
d’hôtes elle avait fait appel à une architecte d’intérieur. Le grenier regorgeait de
souvenirs inutilisés. Et plutôt que de les laisser dormir à tout jamais elle les avait
regroupés par thème pour personnaliser les chambres. Celle-ci était la plus belle.

- 191 -
Le voile de la mariée servait de ciel de lit et divers documents et objets décoraient
la pièce. Célia vit dans ce clin d’œil du destin un signe prémonitoire et qui sait la
réalisation de son voeu.

Elles enfilèrent les maillots de bain et profitèrent que la piscine était encore à
l’ombre pour s’y baigner. Quel bonheur que de plonger dans l’eau fraiche ! Elles
étaient seules dans le bassin et après quelques longueurs histoire de nager un peu
elles allèrent se coller contre le rebord pour discuter.
« Alors cet endroit te plait Pascale ?
- Tu as le chic pour nous trouver des lieux de rêve ! Comment tu fais ?
- Je suis amoureuse et j’ai très envie de découvrir avec toi ces maisons. J’ai passé
beaucoup de temps dans ces recherches car je voulais te faire plaisir.
- C’est très réussi. Merci mon amour !
- Je ne veux plus me disputer avec toi au sujet de notre vie à deux. Je respecte ta
vie avec Lisa. C’est juste que parfois ma solitude me pèse et que j’aimerais t’avoir
à mes côtés. En même temps je vois que depuis quelques jours tu n’as plus de
sciatique, que tu es bien. Je me dis que je dois aussi être patiente. Je t’ai beaucoup
bousculée alors que tu n’étais pas prête.
- Je t’aime Célia et tu le sais. Mais j’aime aussi Lisa. Je ne veux pas choisir entre
vous deux car c’est un choix impossible. Quoi que je fasse je vais en faire souffrir
une qui ne le mérite pas. Et souffrir aussi d’en quitter une que j’aime !
- Qui te demande de nous faire souffrir ?
- Personne mais c’est ce qu’implique le choix.
- Si tu nous aimes où est le problème ?
- Vous exigerez chacune l’exclusivité. Vous aimer toutes les deux n’est pas le
problème mais c’est comment le gérer au quotidien.
- Il me semble que tu te débrouilles pas mal en ce moment. Ton mal de dos a
disparu et j’ai tout le temps envie de toi. D’ailleurs j’aimerais bien profiter du lit.
- Quelle gourmande tu fais ! Jamais rassasiée de sexe.
- Tu n’es pas la dernière non plus ! Je n’ai pas besoin de t’en promettre.
- On monte ?
- On monte ! »

- 192 -
Chapitre XXVII

Elles jetèrent les maillots dans le lavabo après s’être rapidement passées sous la
douche. Les draps de coton du lit king-size râpaient légèrement. On aurait dit
qu’ils sortaient directement du trousseau de la mariée. Célia coucha délicatement
Pascale sur le dos. Elle avait envie de profiter de sa « nuit de noce » et commença
à dérouler son jeu de rôle. Pascale se mit dans la peau de la jeune vierge
effarouchée et demanda à Célia de ne pas la brusquer, c’était sa première fois.
Célia voulait prendre tout son temps et commença à explorer chaque partie de son
corps en la nommant. A chaque gémissement de Pascale elle insistait un peu plus
sur la zone érogène. Elle laissait monter son plaisir lentement, allant et venant
avec sa langue ou ses doigts selon les réponses corporelles de son amante. Pascale
très excitée finit par l’attirer contre elle et elles s’embrassèrent très
langoureusement. Célia fouilla alors son sexe avec ses doigts et la fit jouir ainsi.
Pascale en fit de même et c’est repue des tensions que la plénitude de leur amour
apaisé leur procurait qu’elles blottirent dans les bras l’une de l’autre. Pour la
première fois elles n’éprouvèrent pas l’envie de recommencer tant elles se
sentaient bien l’une contre l’autre.

La pénombre de la pièce les plongea dans la torpeur et elles s’endormirent


jusqu’au diner. Elles n’avaient guère d’appétit car elles avaient bien mangé le
midi. Elles décidèrent de rester dans la chambre et de s’aimer encore et encore.
Célia adorait caresser Pascale. Elle lui proposa un massage aux huiles comme elle
savait si bien le faire. Sous les mains expertes de Célia Pascale ne mit pas
longtemps à se détendre totalement. Au point de finir par s’endormir totalement
sans s’en apercevoir.

C’est la faim qui les réveilla au petit matin. Pascale s’étonna de se sentir aussi en
forme. Depuis que sa sciatique l’avait laissée tranquille et elle sentait
profondément une détente dans tout son corps. Le massage de Célia avait eu
raison de ses nombreuses contractures. Elle se sentait bien avec elle. Elle ne
refoulait plus son envie de partager plus qu’une parenthèse avec elle. Elle
souhaitait qu’elle fasse partie de sa vie. Dans l’intimité de ces chambres d’hôtes
elle pouvait pleinement vivre son amour. La réalité s’imposait à elle. Elle aimait
deux femmes à la fois. Lisa d’un amour tranquille et conjugal qui lui apportait la
sécurité affective. Célia pour qui elle avait eu le coup de foudre et qui la
transportait et la chavirait à chacune de leurs étreintes. Toute cette énergie
sexuelle la rendait tellement vivante et désirante qu’elle ne s’imaginait plus s’en
passer.

Pendant que Célia se douchait Pascale commença à imaginer la suite de leur


histoire. Elle se voyait déjà vivre parallèlement ces deux relations alternant un
quotidien avec Lisa et des moments de grâce et de folie comme ceux là qui
entretiendraient leur désir. Ces parenthèses enchantées la nourriraient quand la
réalité serait trop grise. Elle se réfugierait dans leur bulle pour s’étourdir de
l’oxygène qu’elle lui apporterait.

Quand elles furent prêtent elles descendirent dans le jardin où étaient dressées les
tables. La journée s’annonçait encore très chaude. Viennoiseries, jus de fruit,

- 193 -
beurre, confitures maison, pain et boissons chaudes les attendaient. Leur hôtesse
leur demanda si elles avaient bien dormi et leur conseilla de goûter aussi ses
spécialités salées. Elles n’osaient pas dire qu’elles étaient affamées. Elles
engloutirent tout ce qui était à leur disposition. Au loin elles pouvaient apercevoir
le potager et le verger de la propriété. Ce petit déjeuner champêtre leur donna
envie de s’attarder un peu à table. Il leur restait encore deux journées ensemble.
Le temps filait. Elles évitèrent de trop s’attarder sur cette pensée mélancolique.
Elles avaient encore une journée à longer les gorges et ensuite ce serait le retour.
Célia avait prévu pour leur dernière soirée avant de se retrouver chez elle de
dormir dans un hôtel réputé. Terminé les gites. Elle avait découvert l’adresse
grâce à un article élogieux lu dans la presse. Elle savait que Pascale était fan de
cuisine et voulait lui faire découvrir les talents d’un jeune chef prometteur.

Comme la veille le voyage se déroula dans les mêmes conditions. Les deux
femmes commençaient à bien se connaître. Célia anticipait les désirs de Pascale et
savait où et quand l’arrêter pour admirer le point de vue. Le midi elles se
contentèrent de déguster un plat du jour dans un troquet local. Elles se réservaient
pour le soir.

Peu avant d’arriver à l’hôtel elles firent une pause dans un village perché sur les
hauteurs qui surplombaient les gorges qu’elles avaient suivies durant ces deux
jours. Le paysage comme tous les précédents était à coupler le souffle. Elles
s’assirent sur un banc prévu à cet effet et se tinrent la main tout en le contemplant.
Chacune cherchait à immortaliser mentalement cet instant. Il signait le début de
leur vie à trois. Il ne restait plus qu’à convaincre Lisa. Pour Célia comme pour
Pascale c’était une évidence. Elles ne pouvaient plus imaginer la vie l’une sans
l’autre. Leur amour cependant ne pouvait s’user au contact de la grisaille et de la
répétitivité d’une vie à deux qui étouffait le désir et la créativité sexuelle.
L’attente et les retrouvailles dans des lieux insolites étaient pour elles. C’est ce
pacte tacite qu’elles signaient devant une nature somptueuse et généreuse à
l’image de ce qu’elles voulaient pour leur amour.

L’hôtel était une adresse connue internationalement. Les plaques des voitures
étrangères y étaient en majorité sur le parking. Et au vu des cylindrées, des clients
au pouvoir d’achat élevé. Cela les changeait des clientèles des gites. L’accueil fut
aimable et formaté. Après les formalités d’usage on leur délivra une clé
magnétique qui leur donnait accès à leur chambre et au spa ainsi qu’à la piscine.
La chambre était somptueuse, décorée avec goût dans un modernisme déjà
classique. Pascale adorait les tons sur tons des tissus. Là encore un lit king-size
pour leurs ébats. La salle de bain possédait une douche et une baignoire. Des
boissons fraiches les attendaient dans le mini-bar. La canicule avait eu raison une
fois de plus d’elles. L’idée de profiter du spa et de la piscine après une courte
étreinte fut approuvée à l’unanimité. Elles avaient simplement envie d’un tendre
câlin et de se blottir contre les seins l’une de l’autre. Elles avaient besoin de
tendresse autant que d’amour et le compte à rebours qui avait commencé les
rendait par moment tristes.

Le spa était luxueux avec son hammam, son sauna et son jacuzzi. Elles y étaient
seules les autres clients préférant profiter de la piscine découverte. Il faut avouer
qu’à part elles qui avait envie de se plonger dans la chaleur du hammam ? Elles

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n’y restèrent que quelques minutes le temps de suer suffisamment et de se
prélasser longuement dans les remous de l’eau bulleuse. Elles papotèrent
évoquant ces derniers jours et leur envie permanente de sexe. Elles se
préoccupaient de savoir comment elles allaient tenir jusqu’à la prochaine fois.
Elles envisageaient déjà de se revoir. Ce serait long d’attendre des semaines et de
se contenter juste de leur messagerie ou de téléphone. Elles commençaient à
découvrir les joies des relations à distance. Si elles avaient leurs avantages elles
avaient aussi leurs inconvénients. Célia enviait Pascale d’avoir Lisa auprès d’elle.
La solitude ne serait pas réciproque. L’attente s’en verrait modifiée certainement.
Célia éprouva une pointe de jalousie. Si elle adorait par-dessus tout sa liberté, si
l’engagement n’était pas un frein pour en jouir totalement elle était prête à
redemander à Pascale de quitter Lisa. Sauf qu’elle prenait pour de bon le risque de
la perdre et elle le savait. Pascale avait obtenu ce qu’elle voulait.

Pascale sentit monter d’un seul coup le désir. Elle se pencha à l’oreille de Célia
pour lui proposer de monter dans la chambre. Célia lui lança un regard éperdu
d’amour et lui prit la main pour l’inviter à la suivre. Une fois de plus les maillots
finirent en boule dans le lavabo. Un désir animal s’empara d’elles. Elles se prirent
à pleine bouche et se cherchèrent frénétiquement de leurs mains. Pascale prit
l’initiative de coucher Célia sur le dos et de se de mettre sur elle pour la
chevaucher. Elle cala son sexe sur son pubis et se mit à onduler de plus en plus
rapidement. Quand elle sentit que Célia était prête à jouir elle la pénétra d’un
doigt et continua son va et vient soutenu. Un spasme du vagin lui fit comprendre
que Célia venait de jouir. Elle la prit dans ses bras et l’embrassa longuement. Elle
sentit l’index de Célia sur son clitoris et elle jouit elle aussi tant elle était excitée.
Que c’était bon la plénitude de l’amour. Elle y prenait goût et se sentait de mieux
en mieux. Elle se découvrait une amante insatiable et gourmande, comblée d’être
tant désirée par une énergie porteuse et partagée.

Célia et Pascale commençaient par savoir quelles positions ou quelles caresses


savaient les faire jouir très vite. Elles avaient encore beaucoup à explorer. Tout
comme à recommencer. Célia excitée par les initiatives de Pascale vint se mettre
sur elle tête bêche et lui lécha le sexe. Pascale en fit de même et elles se retinrent
de jouir pour profiter de l’extase que leur procurait cette position. De quoi les
mettre en appétit pour le diner qui s’annonçait. Elles eurent juste le de temps de se
doucher et de se préparer pour être à l’heure. Célia avait réservé une table pour 20
heures.

Le service était quelque peu guindé. Elles furent placées au fond de la salle au
calme et loin des regards. Célia commanda deux coupes de champagne. Elle
voulait trinquer à leur rencontre et à ces jours inoubliables. Elles se regardèrent
longuement avant de les faire tinter et de les boire. Chacune forma le vœu de
réitérer ces moments fabuleux qui leur avaient fait toucher l’essence même de la
relation fusionnelle et amoureuse, de la plénitude apaisée des amants repus de
leurs baisers et de leurs caresses.

Le maitre d’hôtel leur proposa la carte des délices. L’originalité était au rendez-
vous tant dans l’assiette que dans les intitulés qui appelaient au voyage culinaire.

- 195 -
L’ENCORNET
Préparé en tartare cru et pour une meilleure texture, il vous ouvrira le palais
grâce à la subtilité du jus de cédrat, une sauce vierge de trévise pour équilibrer le
tout

ou

LES PETITS POIS

Souvent difficiles à attraper ils ne vous échapperont pas cette fois, préparés
comme un velouté, s’y perdront quelques ravioli de ricotta et menthe fraiche.

///

LA TRUITE DU MAS DU PERE MATHIEU


Toute droite venue de la source du Gourdon, taillée en pavé fondant, choux rouge
iodé à la criste marine

ou

LA JOUE DE BŒUF FERMIER DE RACE AUBRAC

Grillée puis cuite très longuement à basse température, vous la préférerez


certainement aux parties les plus nobles du bœuf, cromesquis d’ail doux et
carottes panées aux baies des Causses

///

LE CHOCOLAT
Pour les amateurs de chocolats grands crus, son érosion vous fera fondre…
Quant à sa composition, vos sens vous la révéleront

ou

LA PECHE
Présentée en dôme sur un biscuit à la pistache,
elle est confite sur des feuilles de figuier, crème légère de poivre de Séchuan

- 196 -
Pascale ne savait que choisir. Célia lui proposa de prendre tous les plats et de les
goûter dans un partage gourmet et sensuel. Les mets, les présentations et les
préparations furent à la hauteur des attentes et des critiques lues précédemment.
Ce fut une explosion en bouche de saveurs et d’émotions gustatives. Elles
finissaient en apothéose leur périple coquin et amoureux. Ce restaurant figurerait
en bonne place dans son blog. Confusément Pascale commençait à percevoir le
pont entre Lisa et Célia avec ce blog qui avait une place pour chacune d’entre
elles dans l’amour qu’elle leur portait.

Le café leur fut servit sur la terrasse où elles purent admirer le coucher de soleil.
Elles laissaient monter le désir doucement. Elles avaient passé le cap de
l’excitation frénétique du début, elles savouraient l’intensité que leur procurait
une meilleure connaissance de leurs corps et de leurs envies. Faire durer le plaisir
valait maintenant plus que d’accéder à un orgasme violent et déflagrateur.

Les draps étaient encore défaits de leurs ébats de l’après-midi. En deux temps
trois mouvements elles se retrouvèrent nues dans le lit. Célia avait allumé la
bougie de massage. En attendant que la cire fonde elle embrassa longuement
Pascale. Leurs langues se cherchaient et de répondaient dans un subtil ballet qui
dura de longues minutes. Il y avait quelque chose de très érotique dans ce baiser.
Entre la voracité de ces deux bouches insatiables et la douceur de leurs lèvres qui
les incitait à des moments de retenue, un désir fulgurant s’empara de leur corps.
Elles firent l’amour avec autant de tendresse que de sauvagerie et jouirent dans
une même extase.

Célia proposa à Pascale de la masser. Et pourquoi pas l’inverse ? Pascale avait


très envie de toucher le corps de son amante, de lui procurer aussi de la détente et
du plaisir. Célia lui prodigua quelques conseils et se laissa faire. Elle sombra
rapidement dans une profonde torpeur et finit par s’endormir. Pascale n’était pas
peu fière de son effet. Elle éteignit la bougie et couvrit du drap le corps de Célia.
Elle ne tarda pas à s’endormir dans la fraicheur de la nuit tombée totalement
comblée et repue.

- 197 -
Chapitre XXVIII

Célia se réveilla la première. Elle contempla Pascale qui dormait encore. Elle
écarta les pensées tristes qui montaient. Elles se quitteraient le lendemain matin.
Chacune retournerait à sa vie. Jusqu’à présent l’engagement n’était pas son fort.
Même en couple avec Dominique, elle avait préféré sa liberté par-dessus tout.
Mais elle n’avait pas eu une amante comme Pascale qui aimait autant qu’elle le
sexe. Elle rêvait d’un quotidien avec Pascale où se mêleraient une routine et une
vie de couple épanouie où leur vie sexuelle aurait une place centrale. Elle
pressentait que c’était la recette des couples qui durent. Si seulement Pascale
ressentait la même évidence, elle serait la plus heureuse des femmes.

Elle entreprit de réveiller Pascale en l’embrassant dans le cou. Celle-ci ouvrit un


œil en se demandant l’heure qu’il était. Le soleil inondait le sol de la chambre au
travers du volet électrique pas totalement baissé. Elle se sentait reposée et
s’étonna d’avoir aussi bien dormi. Célia proposa qu’elles prennent la formule
« brunch », elles pourraient ainsi rouler sans avoir à s’arrêter déjeuner le midi.
Pour le soir elle lui réservait une surprise.

Un immense buffet était dressé dans la salle à manger. Des pains spéciaux faits
maison, des produits locaux où l’étiquette du producteur marquait sa provenance,
des boissons chaudes et des jus de fruits pressés les attendaient. Elles
s’installèrent sur la terrasse à l’angle qui donnait à la fois sur la vallée et la piscine
où des clients y nageaient déjà.

Comme la veille c’était tout simplement délicieux et prodigieux. Cette halte avait
relancé l’envie de Pascale pour son blog qu’elle avait quelque peu délaissé depuis
sa rencontre avec Célia.

C’est à regret qu’elles quittèrent cet hôtel, elles y seraient bien restées une journée
de plus. Ce n’était pas le moment de flancher ni de gâcher leurs derniers instants
par un moment de déprime.

Célia avait bien organisé leur voyage. Le retour fut rapide. En début d’après-midi
elles étaient arrivées. Pascale découvrait le lieu de vie de Célia. Elle avait maintes
fois essayé d’imaginer où vivait Célia. Elle avait vu relativement juste. Le rez-de-
chaussée de la maison semblait totalement inhabité, il n’y avait que la pièce où se
trouvait l’ordinateur de Célia et un lit qui avait trace de vie. Il y avait des cartons
partout car Célia préparait son déménagement. Elle n’avait pas menti. Elle avait
quitté Dominique et tournait bien la page avec elle. En fait elles ne passeraient pas
la nuit ici. Célia était juste venue prendre un trousseau de clé. Elles remontèrent
en voiture et traversèrent toute la ville pour arriver dans un quartier résidentiel
éloigné du centre-ville. Célia stationna devant une maison qui était de plein pied
entourée d’un grand bout de jardin. C’était là que dorénavant elle habiterait et si
un jour Pascale se trouvait libre de l’y rejoindre elle était aussi chez elle. Elle lui
donna symboliquement un double des clés. Pascale en fut toute émue. A part la
cuisine intégrée déjà installée et un lit double neuf qui trônait seul dans la
chambre, la maison était en attente d’être décorée et meublée.

- 198 -
Célia souhaitait que la première nuit qu’elle passerait dans sa nouvelle demeure le
soit avec Pascale. Que les draps et le lit s’en souviennent aussi. Elles se jetèrent
tout habillées sur le lit et se mirent à pleurer dans les bras l’une de l’autre.
L’émotion les submergeait. C’en était trop pour elles deux. Tant de choses
venaient de se passer durant ces derniers jours. La perspective de la rupture
prochaine et de celle de passer à côté d’une vie heureuse eurent raison d’elles.
« Putain de timing » lâcha Célia.

« On fait quoi ? demanda Célia


- Faut-il vraiment gâcher ces derniers moments par une nouvelle dispute ?
- Je ne peux plus m’imaginer vivre sans toi !
- Moi non plus ! Mais nous en avons déjà débattu. Ma vie est là-bas avec Lisa.
Notre relation se limite à cette parenthèse enchantée. Je ne peux t’offrir plus
même si j’en ai trop envie. C’est enchanteur de s’aimer comme nous nous aimons
mais je sais par expérience que la vie de couple ce n’est pas ça. Nous avons la
chance d’avoir une relation magnifique. Ne venons pas l’abîmer trop vite avec les
contraintes de la conjugalité et du quotidien.
- Tu proposes quoi ?
- De nous revoir bientôt !
- C’est tout ?
- Tu sais bien que le reste ne dépend pas de moi. Je vous aime Lisa et toi et je
veux vivre pleinement mes deux relations !
- Quel égoïsme !
- Où est l’égoïsme dans tout cela ? Tu conserves ta liberté et nous aurons une
relation de bien meilleure qualité avec bien plus d’intimité et de créativité que si
nous étions collées l’une à l’autre.
- Facile à dire ! Et que fais-tu du manque ?
- J’ai suffisamment de souvenirs avec toi pour m’en nourrir entre chaque
rencontre. Et j’ai aussi une main !
- Coquine !
- Ce qui va m’être le plus insupportable c’est de te savoir avec Lisa, de savoir que
vous ferez l’amour.
- Il n’y a plus grand-chose entre nous tu sais. Lisa sera trop contente d’y échapper
maintenant que je te connais.
- Plus grand-chose c’est encore trop !
- Serais-tu jalouse ?
- Oui. Autant j’accepte la distance autant je refuse l’infidélité !
- Bien sûr que je te suis fidèle. Si Lisa n’avait pas cessé tout rapport entre nous
jamais je n’aurais été disponible pour une histoire avec toi. Entre Lisa et moi c’est
devenu autre chose. Je n’ai pas cette passion dévorante et charnelle qui me déchire
les entrailles comme avec toi ! Ne crois pas mais le manque va aussi être terrible
pour moi.
- Pourquoi rester avec Lisa ? Je ne comprends pas.
- Parce que je veux vivre un amour subversif, hors norme et entretenir
perpétuellement ce désir qui me rend si vivante. Etre lesbienne c’est presque
devenu une norme. Retomber dans les travers du couple classique je n’en vois pas
l’intérêt. Tout ce qui rend cette aventure si belle et si riche c’est de s’inscrire dans
ce désir qui nait du manque. C’est terriblement excitant.

- 199 -
- Je suis d’accord avec toi. J’ai peur qu’à la longue notre histoire ne s’affadisse et
que je te quitte pour ressentir ailleurs ce frisson qui chez toi me fait décoller à des
hauteurs insoupçonnées si la routine nous envahit.
- Tu vois on va finir par se comprendre et se rejoindre. Embrasse-moi ! »

Elles firent l’amour avec douceur et volupté. Que c’était bon de s’aimer sans
retenue !

Les heures qui suivirent s’effacèrent de leur mémoire tant la déchirure de la


rupture les dévasta. Comment se quitter quand on avait touché du doigt un tel
bonheur ? C’était le prix à payer pour conserver intact leur désir et leur appétit
sexuel.

Quand le train arriva en gare, le quai était bondé. Célia pressa tendrement Pascale
contre ses seins et lui donna un chaste baiser sur la joue pour lui dire au revoir. La
réalité reprenait le dessus et pas question d’éveiller la curiosité. L’invisibilité
lesbienne avait aussi du bon parfois. Elles évitaient ainsi les adieux déchirants en
public.

- 200 -
Chapitre XXIX

Lisa était assise sur le canapé. Elle regardait la télévision. Elle ne se leva même
pas pour accueillir Pascale. C’est à peine si elle répondit à son bonjour. Pascale ne
s’attendait pas à une telle douche froide. Elle rangea rapidement ses affaires et
vint s’installer à côté de Lisa.

« Ça va ?
- Tu ne vois pas que tu me déranges ? Je voudrais terminer de regarder mon film !
- Tu as plaisir à me retrouver à ce que je constate.
- Je n’ai pas dû trop te manquer pour avoir en tout et pour tout deux sms depuis
ton départ !
- Nous en avions pourtant convenu. Tu m’en veux ?
- A ton avis ?
- Je suis désolée.
- Désolée ?
- Oui je suis désolée. Je ne pensais pas que ça te mettrait dans cet état que de m’en
tenir à ma parole.
- Que tu passes des bons moments c’est une chose, que tu m’oublies c’en est une
autre ! Je me suis inquiétée.
- Il n’y avait pas de quoi ! Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !
- Si ça t’amuse, pas moi !
- Tu aurais pu aussi me trouver cruelle de t’entretenir de ma relation avec Célia.
- Quand même deux sms en cinq jours !
- Je ne t’ai pas abandonnée Lisa, je suis revenue !
- Facile à dire maintenant. Mais pendant tout ce temps j’ai eu tout le loisir de
penser le contraire. Ce silence a été très angoissant pour moi. Je me suis dit que tu
ne savais pas comment m’annoncer la rupture. J’ai regretté de t’avoir poussée à
partir et à ne pas m’écrire.
- Pourquoi l’avoir proposé alors ? Tu pensais au contraire que de s’écrire
pousserait Célia à m’obliger à te quitter. J’ai fait confiance à ton instinct.
- Je ne sais pas ! Tu ne m’as peut-être pas tout dit !
- Quelle révélation attends-tu ?
- A ta mine réjouie tu as dû bien…
- Bien quoi ?
- Tu le sais je ne vais pas te faire un dessin !
- Dis-le !
- Ben, t’éclater au lit !
- En effet j’en ai bien profité. On est obligées d’en parler ?
- C’est quand même pour ça qu’elle t’attire non ?
- Tu as raison ! Mais pas seulement. C’est plus complexe que ça.
- Le danger vient de là pour moi !
- Je ne veux pas te quitter Lisa. Et je ne veux pas quitter Célia non plus. Je vous
aime toutes les deux. Et je ne veux pas choisir. Aucune de vous deux ne mérite de
souffrir.
- Tu proposes quoi ?
- De continuer comme ça !
- Comment ça ?
- De vivre le quotidien avec toi et de temps en temps voir Célia.

- 201 -
- Et ?
- Célia aime trop sa liberté et sa région pour s’installer ici. Et une relation à trois
ça ne fonctionnera pas. Par contre que de temps en temps je vive ma relation avec
Célia je le crois possible.
- Je demande à réfléchir. Je ne voyais pas du tout les choses comme ça.
- Tu proposes quoi ?
- Je m’étais imaginé que tu reviendrais déçue de ce voyage. Que tu aurais compris
qui était Célia et que tu aurais mis un terme à cette relation. Je me suis trompée
sur toute la ligne.
- Non tu ne t’es pas trompée sur toute la ligne. J’ai découvert qui était Célia et j’ai
très envie de vivre une histoire avec elle. Et pour la vivre c’est soit je romps avec
toi même si je dois plus tard le regretter, soit notre amour est très fort et nous nous
montrons assez ouvertes et inventives pour que chacune de nous deux s’y retrouve
avec tes difficultés sexuelles.
- On est obligées de revenir à ça.
- Oui car sinon ça ramène notre histoire à un banal adultère et il me semble que
c’est tout sauf ça.
- C’est déjà assez difficile pour moi.
- Pour nous trois c’est difficile. Célia éprouve des sentiments de jalousie.
- Parce que moi je ne suis pas jalouse ?
- Si. Mais tu ne peux pas m’imposer indéfiniment une frustration sexuelle. Mon
corps a fini par parler. Tu as tout à y gagner à cet arrangement. Tu gardes une
compagne aimante qui ne te sollicitera plus sexuellement. Tu te retires une épée
de Damoclès au-dessus de la tête. C’est du donnant-donnant-donnant pour tout le
monde.
- Tu m’en demandes beaucoup.
- Tu peux y arriver.
- Et Célia ? Tu lui en as parlé ?
- Elle est d’accord !
- Ah bon ?
- Comme toi au départ elle a eu des réticences mais elle sait que je t’aime et que si
je dois faire un choix c’est toi.
- Pourquoi tu ne le fais pas alors ?
- Parce que je vous aime ! Et que même si je fais ce choix maintenant dans
quelques années une autre Célia refera surface dans ma vie. On ira de crises en
crises jusqu'au jour où on se quittera pour de bon. »

Lisa éclata subitement en sanglots laissant Pascale bien démunie. Elle la prit dans
ses bras en attendant qu’elle se calme. Son corps était secoué de spasmes. Quand
elle fut enfin apaisée, elle confia à Pascale la raison de son profond chagrin.

« Pendant que tu étais partie, je me suis inscrite sur un site de rencontres


lesbiennes.
- Tu veux me quitter ?
- Non pas du tout pourquoi ?
- Vas-y continue !
- J’ai passé des heures à discuter. A chaque fois que je racontais notre histoire, j’ai
eu toujours la même réponse.
-…

- 202 -
- Tu allais me quitter tôt ou tard. On n’est pas les seules à qui ça arrive que dans le
couple une n’ait plus envie de faire l’amour. J’ai rencontré beaucoup de filles qui
ont vécu la même situation. Toutes ont largué ou se sont fait larguer selon qui me
racontait.
- C’est ça qui te met dans cet état ?
- Je ne suis pas idiote. Je vois bien que Célia te plait, que tu es bien avec elle. Tu
m’aimes encore. Mais pour combien de temps ? Célia a bien dû te prendre la tête
pour me quitter ?
- C’est vrai on s’est disputé à ce sujet. Mais je lui ai dit la même chose qu’à toi.
- On n’est pas différentes des autres Pascale. Pourquoi elles et pas nous ?
- Tu as quand même un biais de sélection. Elles sont toutes à la recherche d’une
compagne, un peu normal qu’elles te racontent des histoires de rupture. J’aimerais
bien entendre le témoignage de couples qui vivent la même chose. A priori ils ne
se trouvent pas sur ton site de rencontres.
- Tu marques un point. Finalement on ne sait pas si ça existe et comment ça
fonctionne.
- Tu crois qu’on est le premier couple qui recherche des arrangements pour rester
ensemble malgré les difficultés sexuelles de l’une ou de l’autre. Le couple ça n’est
pas que du sexe et d’une et de deux tous les gens qui s’aiment n’ont pas forcément
envie de vivre ensemble. Les relations à distance qui fonctionnent sont bien plus
nombreuses qu’on ne le croit qu’elles soient consenties ou pas !
- Tu as raison aussi.
- Célia m’aime mais elle aime sa liberté plus que tout. Je sens bien que même si
elle me réclame plus, elle ne souhaite pas s’engager dans un quotidien qui finira
par l’exaspérer. C’est une voyageuse, elle a besoin de d’espace et d’évasion.
Notre relation l’a fait rêver car c’est justement ça qui lui plait en moi. Elle sait que
je ne te quitterai pas et qu’elle n’aura jamais la mauvaise surprise de me voir
débarquer chez elle. Et comme on se verra par épisode ce sera toujours intense et
torride entre nous deux. C’est bien plus excitant pour elle que de retrouver sa
femme épuisée par sa journée de travail et se demander ce qu’on va manger ce
soir.
- Tu es en train de dire que tu t’ennuies avec moi ?
- Pas du tout ! C’est justement cette vie calme, rangée et bien cadrée qui me plait
avec toi. C’est sans surprise mais tellement reposant et rassurant. Cette sécurité
intérieure et cette solidité que tu m’apportes ont pesé lourd dans la balance. Et l’a
emporté d’ailleurs si j’avais dû faire un choix.
- C’est vrai ? Tu ne dis pas ça pour me faire plaisir ?
- Lisa, tu me connais ! C’est vrai. Je suis bien avec toi. Et je suis là. Qu’est-ce que
tu veux de plus ?
- Que tu me serres dans tes bras ! Je sens que je vais pleurer de nouveau ! »

Et elle refondit aussitôt en larmes. Lisa était terriblement remuée par cet aveu.
Son monde ne s’écroulait plus. Elle avait retrouvé Pascale qui lui avait
terriblement manqué. Elle était prête à tous les sacrifices et toutes les concessions.
N’importe quel arrangement plutôt que de la perdre.

Elle devait assumer sa part dans ce qui leur arrivait. Célia est ce qui pouvait lui
arriver de moins pire. Avoir une compagne aimante et épanouie à ses côtés, ne pas
craindre la rupture tout en ne redoutant plus d’avoir à satisfaire des besoins
sexuels pesants était son désir caché. Pascale avait su choisir ses compagnes

- 203 -
puisque chacune garantissait à l’autre ce qu’elle exigeait sans craindre que ce
contrat tacite ne vole en éclat.

- 204 -
Chapitre XXX

Un mail attendait Pascale.

« Bonsoir mon amour,

Voilà notre séjour terminé je vais ranger mes affaires avec tu t'en doutes un
pincement au cœur. J'ai adoré être si près de toi et c'était bien de faire comme tu
dis un test grandeur nature.

Je ne sais désormais qu'une chose. Je veux pouvoir partager avec toi tous les
moments que nous pourrons voler au quotidien.

J’ai des images plein la tête et de l'amour plein le cœur je vais avoir un beau film
pour attendre la prochaine rencontre.

Il faut bien se quitter à un moment alors mon ange je t'enlace le plus tendrement
du monde et je dépose sur tes lèvres douces tout le nectar de mon amour pour toi.

Tu sais que je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne. Je t'emmène avec moi
tu es dans toutes mes pensées.

A très bientôt ma chérie d'amour merci pout tout.

Je t'aime plus que tout.

Célia »

Pascale se hâta d’y répondre profitant que Lisa s’était assoupie.

« Bonsoir mon amour,

Et voilà je vais recommencer mes nuits sans toi...

Je voulais te remercier encore mon amour pour ce délicieux périple. J'ai passé
des moments magnifiques avec toi.

Le temps va me sembler extrêmement long, tu me manques déjà tellement...

Nous avons encore avancé mon cœur et c'est fou les progrès que nous faisons.

Je vais me coller à toi et imaginer que ma tête est sur tes seins et ta main dans
mes cheveux. Quel bonheur au réveil d'ouvrir les yeux et te savoir là à mes cotés.

Nous allons encore progresser mon amour... Pour toi ... Pour moi ... Pour notre
amour qui me donne une énergie folle.

Je dépose mille caresses sur ton corps et me glisse sous toi pour une étreinte
torride

- 205 -
Je t'aime mon ange, n'oublie jamais ...

Je t'embrasse tendrement, je t'aime

Pascale »

Contrairement à ses habitudes Célia ne répondit pas. Ni les jours suivants. Pascale
recevait quelques textos coquins mais leur relation s’arrêtait là. Cela lui permit de
reprendre le cours de sa vie avec Lisa et de mettre en ligne ses souvenirs
culinaires sur son blog. C’est le saucisson à l’huile de Frédérique qui suscita le
plus de commentaires et qui le relança. Ses fidèles lectrices étaient heureuses de
son retour. Elle leur avait bien manqué. Pascale avait laissé tomber cette activité
et le regrettait car elle lui apportait bien des satisfactions. Depuis qu’elle était
amoureuse de Célia elle avait perdu un peu de poids, elle assumait son corps de
femme et ses rondeurs. Jamais elle ne s’était sentie aussi bien physiquement.
Jamais elle n’avait été autant désirée. Elle portait sur elle un regard enfin apaisé.

Lisa rassurée appréciait d’avoir Pascale à ses côtés et en profita pour se remettre à
cuisiner. Elle avait vu l’intérêt que Pascale portait à nouveau sur son blog et
tentait ainsi de reconstruire avec elle un lien qu’elle ressentait comme distendu.
Les ajustements commençaient à se faire et c’était bien ainsi.

Un soir un mail arriva dans la boite aux lettres de Pascale.

« Bonsoir mon amour,

Je me revois très bien t'écrire de mon vaisseau : je n'ai plus de chocolat ... ;-)

Quelques mois sont passés ... Et je ne mange plus guère de tablettes ...
Uniquement avec toi ma chérie...

Que de changements quand je fais le bilan...

Quelle avancée...

Quel bonheur ton amour m'apporte.

Je me souviens très bien de ce que j'ai ressenti en lisant ta recette de l’Amadeus,


j'avais même cherché comment faire moi-même mon praliné…

J'étais persuadée de passer à coté de quelque chose de grand si je ne t'écrivais


pas.

Je ne saurais jamais pourquoi j'ai ressenti cette émotion si fort, et je suis


heureuse d'être allée contre mon principe : écrire sur l'internet.

Aujourd'hui, comme le hasard fait bien les choses, j'ai tatoué ton prénom sur ma
peau, tu es pour toujours dans ma vie mon amour, indélébile.

- 206 -
Je bâtis mon projet d’une relation avec toi, je ne veux pas faire n'importe quoi et
je veux que tu sois fière de moi.

N'aies plus jamais peur que je te demande de quitter Lisa, je t'aime trop pour ça...
Je t'ai attendue trop longtemps...

Et Pascale à l'encre de tes yeux sur ma peau est comme un mariage pour moi... Je
me suis donnée à toi mon ange et pour toujours...

J'ai hâte de te revoir et de te serrer enfin dans mes bras, tu me manques


immensément.

Mais je sais que j'avance vers toi et que le temps qui passe finalement nous
rapproche...

Tu es le bonheur de ma vie ma petite fée, la femme dont j'ai rêvée...

Je t'embrasse aussi tendrement que je t'aime et je te serre contre mes seins ... Les
plus beaux du monde... ;-)))

Quelques mois déjà, j'en reviens à peine...

Merci pour tout mon cœur.

Célia »

Célia l’indomptable n’avait pas changé. Elle avait profité pleinement de sa liberté
depuis leur séparation et revenait à la surface parce qu’une bouffée d’amour
s’était emparée d’elle. Pascale lui répondit immédiatement sans faire allusion à
son silence. C’était aussi cette liberté qui lui rendait possible ces deux amours
même si pour l’instant tout était encore très fragile.

« Bonsoir Célia,

Quelle tendre déclaration d'amour...

Jamais je n'aurais cru en répondant à ton mail ce qui nous arriverait... Je me suis
laissé emporter par mes émotions, je n'ai rien retenu et je dois avouer que ton
arrivée dans ma vie a été un immense chamboulement... J'ai traversé bien des
épreuves dont je suis ressortie plus forte à chaque fois...

T'aimer m'a portée vers un meilleur en moi. Je suis contente que cela t'aie aidé à
ton tour à te révéler ton désir et orienter ta vie vers un sens que tu ne soupçonnais
pas...

Je vois que le temps est devenu ton allié, toi qui le voyais en ennemi au début de
notre rencontre. Vieillir ensemble est le fantasme de bien des couples... C'est sur
la durée que se construira notre bonheur et j'ai confiance en notre avenir
commun...

- 207 -
Le monde bouge et toi avec...

Je te souhaite pour les prochains mois à venir autant de joies, de surprises et de


mouvement que les précédents... Et plus encore...

Je t'aime comme je n'ai jamais aimé...

Tu me manques

Tendrement je te serre contre moi, tes seins sont les plus beaux du monde je
confirme ! ;-)

Pascale »

Célia devait être en manque car la réponse fusa.

« Mon amour,

Comme je souris... La joie illumine mon visage j'imagine...

Je suis heureuse si tu savais.

Je n'ai plus peur du temps qui passe car maintenant j'ai nos clefs dans la main.

Tendre déclaration que tu me fais aussi mon ange.

Il m'a fallu du temps mais je suis prête mon amour. J'ai franchi un pas de géant
avec mes émotions...

Moi non plus je n'ai jamais aimé comme ça... Et je ne veux que le meilleur. Je
veux continuer à penser ce que j'ai toujours fait : Profite, profite Célia de chaque
instant, prends à pleins bras... Tout peut s'arrêter si vite... J'ai perdu cette devise
en route en percutant votre couple... Mais je suis de nouveau sur mes rails et vois
à l'horizon un magnifique soleil : notre couple à nous ... Pour rien au monde je ne
veux encore le blesser ....

Je suis amoureuse comme jamais... Je suis émue...

Je t'aime

Célia »

Pascale qui savait Célia connectée l’invita à se brancher sur leur messagerie
instantanée afin de poursuivre l’échange.

« Super Célia ... Ce qui signifie que tu acceptes que je fasse couple avec toi... Et
avec Lisa ?
- Toi et Lisa c'est ton affaire mon amour pas la mienne ... Moi je fais couple avec
toi !

- 208 -
- Je prends bonne note que Lisa et moi c'est mon affaire... ;-) Je ne tiendrai plus
compte de tes angoisses à ce sujet... ;-)))))))))
- Tu sais j'ai jeté mes oripeaux pour toujours, ceux qui dans le fond ne sont pas les
miens !
- Et tu sais à qui c'était ce qui ne t'appartenait pas ? Et que vas-tu mettre à la place
maintenant que tu t'es déchargée de cela ?
- Je m'en fous à qui c'était mais pas à moi, je l'ai jeté... Je ne mets rien à la place,
je reste comme j'étais avant ;-))))
- Alors tu n'as rien jeté si tu es comme avant... Mdr
- Rigolote ... J'ai juste jeté une surcharge ... Et je suis comme j'étais avant cette
surcharge...
- Il y avait quoi dans cette surcharge ?
- Tous les films que je me suis fait sur Lisa et toi. Savoir que vous puissiez faire
l’amour m’est insupportable.
- Je vais être très claire avec toi. Il n’y a que toi que je désire physiquement. Mon
amour pour Lisa se sublime en autre chose, dans un autre type de relation... Peut-
être finira-t-il un jour par s’éteindre ? Je sens que malgré ses efforts nous nous
éloignons l’une de l’autre. Lisa est trop soulagée de ne plus avoir à répondre à
mes besoins. Laissons-lui du temps mais sur la longueur elle ressentira tous les
bienfaits que cette relation a aussi pour elle. Tes craintes qu’un jour Lisa et moi
fassions l’amour ne doivent pas être une raison suffisante pour revenir en arrière
et détruire ce que j'ai bâti avec toi.
- Tu sais il était évident que votre relation allait évoluer. D'ailleurs depuis
plusieurs mois mon amour nous ne faisons qu'évoluer, adapter, comprendre,
adapter encore... Je comprends ton chagrin et le respecte infiniment.... Ton amour
est grand mon ange et ce grand amour se reconnaît au fait qu'il s'élève au dessus
de toute récolte, tant l'amour le vrai apporte et fait grandir, voilà l'essentiel. Peut-
être sommes nous trop « terrestres » pour le comprendre et l'accepter de suite,
voilà pourquoi nous cheminons. Je t'aime infiniment mon ange et souhaite plus
que tout vivre avec toi une relation d'amour, durable et stable fiable et solide et
empreinte de tendresse.
- C'est aussi parce que je t'aime que je souffre... Sinon sache bien que j'aurais déjà
réglé le problème... Je n'aurais eu aucun état d'âme, aucun conflit de loyauté... Je
n'aurais pas construit avec toi sur la durée et te faire accepter par Lisa comme je
l'ai fait ni lui faire accepter ce qu'elle accepte comme elle peut...
- Je sais mon amour. Mais c'est à toi d'y voir clair et d'avancer je ne veux pas être
maladroite ni te faire de mal en te disant sauvagement ce que ça m évoque. Je
t’aime plus que tout.
- Eclaire-moi s’il te plait...
- Tu n'as pas perdu l'amour de Lisa mon ange. Si je m'en tiens à ce que tu m'as
toujours dit tu éprouves pour Lisa un amour plutôt maternel non ? C’est aussi une
facette de l’homosexualité féminine. Et si tu es honnête avec toi tu sais que votre
sexualité ne vous satisfaisait pas vraiment. Elle parce qu'elle devait faire des
efforts et n'avait pas tes besoins, et toi parce que tu es une coquine et que ta
frustration existait. Tu sais que vous avez bâti votre amour sur autre chose et qui
est bien plus fort. Tu n'as pas perdu l'amour de Lisa... Peut- être mûrit-elle mon
ange et c'est ce que tu as toujours voulu non ? Tu m'as toujours dit : il faudrait que
ma relation avec Lisa se transforme... Si nous sommes sur cette voie mon amour
.... Finalement c'est plutôt ce que tu voulais non ?

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- Je t'aime infiniment mais malheureusement je ne pourrai pas t'offrir ce que tu
attends de moi... Voilà pourquoi je suis honnête avec toi… Et que si tu veux me
quitter, fais le avant que ça ne nous détruise toutes les deux ...
- Pourquoi voudrais-je te quitter ? Nous commençons à peine notre vie ... Je
souhaite par dessus tout me rapprocher de toi. Et qu'on découvre et invente et
construisons ensemble comment se déroule notre vie.
- Parfois tu me le dis que tout ça te fait souffrir, que tu n'es pas certaine que tu
tiendras bien longtemps, que ça te détruit... Je l'entends et l'accepte.
- Pas tout à fait mon amour... Ce avec quoi j'ai du mal c'est le contrôle de Lisa, pas
sur notre vie. Je veux bien qu'elle t’aime... Mais parfois très intrusive... Je sais
qu'elle nous a laissé du temps ... Je sais aussi que ca l'arrange pour x raisons... Et
ne te méprends pas je la respecte beaucoup. J'ai du mal avec le coté infantilisant
qu'elle te donne parfois ... Souvent...
- Je t'aime comme je n'ai jamais aimé...
- Je suis désolée mon amour d'avoir parlé si bêtement... J'ai jeté des choses...
Viens vite contre moi que je te montre comme je t'aime et comme je ne te quitterai
jamais. Ça me parait inconcevable de te quitter... Tu me fais naitre mon amour ...
Et j'ai envie de tout avec toi ... De tout… Inconcevable. Je t'ai dans la peau mon
amour... ;-)))))... Et je fais tout pour te rejoindre.... Tu sais je travaille les esprits
ici... Moi je suis prête ... A rejoindre l'amour de ma vie.
- Viens ici la reine de mon cœur !
- Je veux bien... ;-)))))))))))) Tu m'avais dit un jour que je me blottissais dans tes
bras après l’amour ... Star de mon firmament .... Tu te souviens ? Tu avais vu juste
mon amour.
- Juste envie de t'embrasser et de de te dire des mots tendres...
- Je suis amoureuse comme jamais, tu me manques mais je suis si heureuse de te
porter en moi... Tu manques vraiment mon amour tu vois ... Une petite fée comme
toi … Dans bien des cœurs ;-))) Mon amour si tu savais comme j'aimerais te serrer
dans mes bras et te câliner
- Si tu savais comme j’en ai envie.
- J'ai hâte de te revoir, tu me manques terriblement mais je suis pleine d'espoir de
volonté et d'énergie. Je ne me lamente pas sur le temps qui n'avance pas assez vite
à mon goût... Je suis très amoureuse mon ange je souris en l'écrivant... Je te fais
mille caresses d'amour et laisse mes lèvres glisser sur ta peau douce.
- J’ai des bouffées d'amour incontrôlables. Trop envie de te dire que je t'aime.
- Je dois filer. Je t’écris en rentrant. Trop contente d’avoir pu échanger avec toi !
- Bonne soirée alors ! Je t’aime.
- Je t’aime. »

Célia l’insaisissable avait disparu comme l’éclair laissant Pascale toute songeuse.
Elle se sentait frustrée de cet échange rapide elle aurait souhaité bavarder un peu
plus. Célia était trop amoureuse de sa liberté pour s’en priver et malgré tout
l’amour qu’elle portait à Pascale c’était plus fort qu’elle, elle avait besoin de
mener une partie de sa vie sans elle.

Lisa était partie se coucher. Pascale la rejoignit. C’est à peine si Lisa l’entendit se
glisser dans le lit. A sa respiration profonde Pascale sut qu’elle dormait déjà. Elle
en profita pour se caresser sans bruit en repensant à leurs étreintes enfiévrées. Elle
revoyait son amante lui lécher le sexe et ensuite venir comme une tribade lui

- 210 -
procurer du plaisir. Elle jouit très vite et s’endormit aussitôt après. Qu’elle était
longue l’attente jusqu’à leur prochaine rencontre.

- 211 -
Chapitre XXXI

Célia avait tenu sa promesse, un mail attendait Pascale au matin.

« Ma chérie d'amour

J'ai passé une très bonne soirée avec toi mon cœur, j'aime beaucoup ces instants
volés que nous passons ensemble...

Je voudrais te souhaiter une bonne journée et te couvrir de baisers tendres.

Je passe de très bons moments avec toi même si nous sommes loin.

Et chaque jour mon amour grandit. Je me demande comment cela est possible je
t'aime déjà tant... Mais ça l'est… Assurément...

Je rêve de notre prochain week-end comme je rêve de t'aimer des heures...


Caresser ta peau si douce, entendre tes gémissements quand tu jouis et
simplement passer du temps avec toi.

Et tant que je rêve ... J'abuse en me disant ... Peut être ... Peut être me le
montreras-tu de nouveau... ?

Ma petite chérie, je pense très fort à toi, et j'ai très envie de te redire à quel point
je suis amoureuse.

Il me tarde de nouveau d'entendre ta voix.

Je t'embrasse tendrement.

Célia »

Pressée de lui répondre Pascale envoya un texto à Célia

Je t'embrasse absolument partout. J'ai joui hier soir en pensant à toi c'était trop
délicieux.

Qui y répondit immédiatement.

Quel dommage que j'ai loupé ça…

Le quotidien devait reprendre son cours pour éviter au manque de se faire trop
douloureux. Heureusement Pascale grâce à Lisa n’eut aucun mal à retourner à une
routine à la fois monotone et délicieuse par sa prévisibilité rassurante. Célia et
Pascale avaient prévu de se revoir dans un mois. Elles passaient leur soirée à
papoter sur leur messagerie instantanée. Plus elles se découvraient plus elles
s’aimaient. La sciatique de Pascale avait totalement disparu. Lisa faisait comme si
Célia n’existait pas et s’arrangeait pour leur laisser du temps qui n’était pas à son

- 212 -
détriment. Elle avait suffisamment d’émissions préférées sur le câble pour les
suivre de manière assidue et laisser ainsi à Pascale la disponibilité voulue.

Petit à petit la liberté de Célia passa au second plan tant son amour pour Pascale la
transportait. Jamais elle n’avait aimé une femme avec une telle intensité. Le temps
lui paraissait long sans sa belle.

Comme la fois précédente elle avait organisé leur week-end pour qu’elles puissent
s’en nourrir durant leur séparation. Elles avaient convenu de revenir au studio qui
avait hébergé le début de leur relation. Célia devenait romantique avec cette
histoire.

« Bonsoir Pascale,

Les heures passent et me rapprochent de toi mon amour... Je ne tiens plus, j'ai
l'impression de t'avoir quittée depuis des mois.

Ne doute plus jamais de mon amour pour toi mon cœur ni de mon envie de
te rejoindre et de passer le plus de temps possible avec toi.

J'ai confiance et je sais qu'à nous trois avec le temps, ce temps qui rapproche,
nous allons construire une belle histoire où chacune pourra s'épanouir et où tu
pourras mon amour compter à chaque instant sur les deux femmes de ta vie.

Et sais tu pourquoi ? Parce que toutes les trois, je te le dis très modestement nous
sommes exceptionnelles et nous allons bâtir exactement ce qu'il nous faut pour
être heureuses.

Je t'attends de tout mon cœur mon amour, et dépose sur ta peau douce les plus
amoureux de mes baisers.

Je t'aime infiniment ... Et pour toujours... Et je sais ce que ces mots veulent dire.

A tout à l'heure... J'ai hâte de t'entendre et de te serrer contre mes seins.

Et si week-end pluvieux, week-end sous la couette chaleureux ...;-))))

Je laisse mes mains vagabonder sur ton corps et mes lèvres déposer sur les
tiennes de tendres baisers

Je t'aime mon ange et j'ai hâte de te revoir.

Célia »

Célia devait être très excitée par leur rencontre car elle avait réécrit un mail avant
que Pascale n’ait eu le temps de découvrir celui de la nuit.

- 213 -
« Bonjour mon amour,

J'espère que tu as passé une douce nuit... Aussi douce que celles que j'ai passées
avec toi il y a un mois.... J'en ai passé bien d'autres depuis, mais on repense
toujours à la première avec une émotion particulière.

Je sais qu'une journée intensive t'attend mon cœur et je serai avec toi de toute
mon âme sachant aussi que tu veux bien bosser pour partir l'esprit tranquille et
qu'on profite à fond de notre week-end.... Je serai avec toi à chaque instant mon
amour à te souffler de la spéciale brise énergisante...T'en souviens tu ?...

Si tu savais mon cœur comme je suis heureuse de t'avoir dans ma vie, tu illumines
mes jours et tu berces mes nuits.... Et chaque matin que Dieu fait je suis plus
amoureuse encore...

Je vais me serrer contre toi, te respirer à plein poumons et rêver que demain on
se rejoint...

Je t'enlace de tout mon amour et dépose sur tes lèvres gourmandes de charmants
baisers…

A tout à l'heure mon cœur.

Je t'aime

Célia »

Pascale happée par le travail ne toucha pas terre. Elle redoutait la séparation avec
Lisa. Depuis un mois un certain équilibre s’était installé entre elles deux. Lisa
avait compris depuis longtemps que le meilleur moyen de la retenir était de la
laisser faire. Si Pascale avait voulu la quitter cela aurait déjà dû se produire.
L’attachement profond qui les liait était indicible. Lisa acceptait le partage tacite.
Etait-ce cela l’amour inconditionnel ? Pascale de son côté avait su trouver les
ajustements indispensables pour être avec l’une et l’autre comme si elles étaient
uniques. Célia avait raison quand elle écrivait qu’elle avait deux femmes
exceptionnelles qui l’aimaient.

- 214 -
Chapitre XXXII

Pascale aperçut la voiture de Célia déjà garée dans la cour. Comme la première
fois elle était arrivée avant elle et avait préparé un thé. L’agencement du studio
était resté tel que dans son souvenir. Un sentiment familier l’envahit comme si
elle s’y sentait chez elles. Elle n’eut pas le temps de franchir la porte que Célia lui
ôta tous ses vêtements. Elle avait une furieuse envie de lui faire l’amour et le
manque avait décuplé son désir. Elles commençaient à bien se connaitre et
savaient comment faire jouir l’autre. Elles avaient surtout besoin d’éliminer
d’emblée toutes les tensions sexuelles accumulées depuis leur séparation. Elles
auraient tout le temps de s’aimer plus longuement dans la journée. Pour l’heure
c’était l’appel des corps qui parlait.

Le thé dans les bols était froid et trop infusé. Célia assoiffée par ces ébats proposa
d’en refaire. Elles pouvaient enfin se poser et reprendre le cours des choses là où
normalement il aurait dû se poursuivre si la passion ne les avait pas emportées.
Elles avaient passé chacune un peignoir et s’assirent autour de la table.
« Tu as fait bon voyage ma chérie ? Pas trop longue la route ? J’ai pourtant pris
soin que nous ayons le même kilométrage. Je ne comprends pas pourquoi j’arrive
avant toi !
- Parce que tu as la chance d’avoir plus d’autoroute que moi Célia. Je me traine
une heure avant d’arriver dans une succession de petits villages tous limités à 50
quand ce n’est pas à 30 km/h.
- Tu veux que pour la prochaine fois on change ?
- Non j’adore notre petit nid d’amour. Je partirai un peu plus tôt la prochaine fois
c’est tout !
- Tu parles déjà d’une prochaine fois !
- Pourquoi tu ne veux pas ?
- Pas du tout ! C’est juste que je me dis tout le temps qu’un jour tu vas
m’annoncer que c’est fini.
- Ah bon ? Pourquoi de telles idées ?
- Je me dis que Lisa cherchera un jour à te reconquérir et que si elle sait se
montrer désirable et entreprenante tu ne résisteras pas. J’aurais juste été là pour
relancer votre libido.
- N’importe quoi ! Tu en as beaucoup des scénarios saugrenus comme celui-là.
Faudrait déjà qu’elle m’ait perdu pour me reconquérir. Et même si Lisa avait des
envies qui te dit que c’est avec elle que j’aurais envie de les satisfaire. La
comparaison est plutôt à ton avantage sur ce terrain mon amour. Elle ne t’arrive
pas à la cheville même si elle prenait des cours du soir !
- Tu me fais rire Pascale. Je ne l’avais pas du tout vu comme ça. Cependant je
dois reconnaitre que l’argument fait mouche. Sans me vanter je suis une bonne
amante et toi aussi tu sais !
- Tu vois ! Nous nous sommes bien trouvées.
- Oui. Très bien même. Je voudrais que tu te retires de la tête que je vais te quitter.
Je vais encore me répéter mais je vous aime toutes les deux.
- Tu sais Pascale depuis un mois j’ai beaucoup réfléchi.
- Ah ?
- Oui. Je regrette de t’avoir mis cette pression sur le dos. D’ailleurs depuis que j’ai
cessé ta sciatique a disparu.

- 215 -
- Tu as remarqué aussi !
- Moque-toi de moi !
- Continue mon amour, je t’écoute.
- Je ne peux plus me passer de toi. Et en même temps je me rends compte que tu
es la première à me laisser ma liberté telle que je l’entends. Sans jalousie, sans
crise. Rien à voir avec Dominique. Je me sens stupide de t’avoir imposé toutes ces
crises alors que je reprochais à mon ex de pratiquer les mêmes ! Quand je l’ai
réalisé je me suis fait honte.
- Bravo ! Tu me laisses sans voix pour une fois ! Et tu as compris d’autres
choses ?
- Oui. Que Lisa n’était pas une menace pour moi. Que tu me le répètes assez, nous
sommes complémentaires. Je ne voulais voir que ce qu’elle avait de plus que moi
mais pas ce que j’avais de plus qu’elle. Tu m’as ouvert les yeux une fois de plus.
J’ai jeté par-dessus bord bien des choses qui m’encombrent, tu n’as pas idée.
- Alors là tu m’époustoufles !
- J’ai très peur de mon désir en fait. Avec toi je le réalise et je ne peux
m’empêcher de tout saborder. J’ai toujours refusé d’entrer dans des cases, je hais
le conformisme. Et je ne sais pourquoi je te réclame une vie bourgeoise et
conventionnelle alors que je déteste ça. Pourquoi je suis morte de trouille comme
ça ?
- Parce que c’est toujours plus facile de s’accrocher à des vieux schémas connus
même s’ils font souffrir que d’aller vers l’inconnu. C’est commun à beaucoup de
gens Célia.
- J’aime ton intelligence Pascale. Et celle de Lisa aussi qui me permet de vivre
cette relation avec toi. Je sais qu’elle et moi on a aussi bien des points en
commun.
- Je suis même certaine que vous pourriez bien vous entendre.
- Ne va pas trop vite ! Nous n’en sommes pas encore là !
- J’espère bien qu’un jour tu feras sa connaissance.
- J’espère aussi. C’est que j’aurai bien avancé.
- Tu as déjà bien avancé !
- Tu crois ?
- Ecoute-toi ! Tu es prête pour vivre une histoire qui sorte des sentiers battus. Si tu
sais où es ta place et quel est ton désir, tu n’as aucune raison de redouter quoi que
ce soit. Nous n’aurons que le meilleur de l’amour sans l’usure du quotidien.
Combien de couple après dix ans font encore l’amour ? Je te parie que notre
passion ne fera qu’accroitre au fur et à mesure des années, que notre envie sera
sans cesse renouvelée et vivante.
- Je le sens comme toi Pascale. Je nous vois bien dans des années toujours dans
cette même urgence de faire l’amour. A nous d’entretenir la relation et ne pas
nous laisser absorber ou pourrir par des pensées négatives. Le socle de notre
relation est la confiance. Faisons en sorte qu’il soit solide !
- Oui.
- Tu ne peux pas savoir comme je suis heureuse.
- Et moi donc.
- Putain de timing. Tu avais raison. Laissons le temps faire son œuvre !
- J’ai envie de toi !
- Moi aussi ! »

- 216 -
Elles ne quittèrent pas le studio du week-end sauf une petite heure pour aller faire
quelques courses.

Elles avaient enfin trouvé leur voie dans un amour où deux et deux font trois. Il
leur faudrait encore quelques adaptations avant de trouver définitivement leurs
marques dans cette relation où chacune y retrouvait son compte.

Ce n’était pas une parenthèse enchantée qui s’ouvrait mais une succession de
parenthèses enchantées qui donnent au désir la possibilité de se renouveler sans
cesse et au quotidien de freiner son érosion.

Le temps ferait son œuvre avait rappelé Célia. Et bien laissons le faire et
attendons avec délice qu’un jour Pascale et Célia nous donnent de leurs nouvelles.
Qui sait ? Elles auront peut-être envie d’ouvrir un blog et d’y raconter leur
expérience…

- 217 -

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