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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

N° 1701755 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


___________

Mme A
___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Mme Amandine Allais


Rapporteur
___________ Le tribunal administratif de Lyon

M. Joël Arnould (3ème chambre)


Rapporteur public
___________

Audience du 22 novembre 2018


Lecture du 12 décembre 2018
_________
36-07-10
C - BJ

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2017 et des mémoires enregistrés les
3 janvier 2018 et 16 juillet 2018, Mme A demande au tribunal :

1°) d’annuler les délibérations nos 33 et 34 adoptées le 7 février 2017 par le


conseil municipal de Givors accordant la protection fonctionnelle à son maire ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Givors la somme de 300 euros par


application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :


- les délibérations attaquées ont été adoptées en méconnaissance des articles
L. 2121-13 et L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;
- en ce qui concerne le projet de délibération n° 34 ; il n’a pas été préalablement
soumis en commission ; le conseil municipal de Givors ne pouvait légalement accorder à
son maire la protection fonctionnelle, ce dernier s’étant rendu coupable d’une faute
personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2017 et des mémoires


enregistrés les 2 juillet 2018 et 31 août 2018, la commune de Givors conclut au rejet de la
requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A par
application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas susceptibles de prospérer.

La clôture de l’instruction est intervenue le 24 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :


- le rapport de Mme Allais,
- les conclusions de M. Arnould, rapporteur public,
- les observations de Mme A, et de Me Jounier, avocate de la commune de Givors.

La commune de Givors a produit une note en délibéré qui a été enregistrée le


23 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A, membre du conseil municipal de Givors, a saisi le tribunal


administratif d’une requête tendant à l’annulation des délibérations nos 33 et 34 adoptées
par ce conseil le 7 février 2017. Par la délibération n° 33, le conseil municipal de Givors a
accordé à son maire la protection fonctionnelle pour des poursuites pénales dirigées contre
lui et autorisé la prise en charge par la commune de l’ensemble des frais afférents. Par la
délibération n° 34, le conseil municipal de Givors a également accordé la protection
fonctionnelle à son maire, pour des faits de propos injurieux et de diffamation dont il aurait
été victime, et autorisé la commune à prendre en charge les frais afférents.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la délibération n° 34 :

2. Selon l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : « Sous


réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 du code pénal, le maire ou
un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le
fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis
dans l’exercice de ses fonctions que s’il est établi qu’il n’a pas accompli les diligences
normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi
que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. / La commune est tenue
d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu délégation
ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites
pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de
ses fonctions (…) ».
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3. Pour l'application des dispositions précitées de l’article L. 2123-34 du code


général des collectivités territoriales, présentent le caractère d'une faute personnelle
détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé,
qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans
l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans
lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la
qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre
l'intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des
fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit
refusé au maire qui en fait la demande.

4. Par la délibération attaquée, le conseil municipal de Givors a accordé à son


maire la protection fonctionnelle dans le cadre de poursuites pénales dont il a fait l’objet.
L’intéressé était prévenu d’avoir, courant 2014 et 2015, en sa qualité de maire de la
commune de Givors, pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt
quelconque dans une entreprise ou une opération dont il avait, au moment de l’acte, en tout
ou partie, la charge d’assurer la surveillance ou l’administration, et plus particulièrement
pour avoir pris un intérêt moral à la nomination de sa sœur, Mme G, au poste de directeur
général des services de la commune de Givors, alors qu’il avait la surveillance de ces
opérations de nomination, après avoir notamment, d’une part, participé activement à la
sélection des candidats, aux entretiens du jury de recrutement et au vote de ce dernier, et,
d’autre part, signé personnellement les arrêtés municipaux de nomination de sa sœur. Ces
faits, dont le conseil municipal avait connaissance à la date de la délibération attaquée,
revêtent une particulière gravité eu égard à leur nature, aux conditions et au contexte dans
lequel ils ont été commis et procèdent d’un comportement incompatible avec les
obligations qui s’imposent dans l’exercice des fonctions d’élus. Ils présentent, par suite, le
caractère de faute personnelle. Dans ces conditions, et sans que la commune de Givors
puisse utilement faire valoir que Mme G remplissait toutes les conditions statutaires et les
garanties de compétence pour être nommée au poste de directeur général des services de la
commune, poste le plus élevé de l’administration communale correspondant à un emploi
fonctionnel, Mme A est fondée à soutenir que par la délibération attaquée, le conseil
municipal a accordé à son maire le bénéfice de la protection fonctionnelle en violation des
dispositions précitées de l’article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales.

En ce qui concerne la délibération n° 35 :

5. Aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités


territoriales : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction,
d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération ».
L’obligation d’information prévue par les dispositions précitées, qui n’imposent pas de
joindre à la convocation une justification détaillée du bien fondé des propositions soumises
au vote, doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires.

6. La convocation à la séance du conseil municipal du 7 février 2017 a été


adressée à ses membres accompagnée du projet de la délibération attaquée, de la demande
de protection fonctionnelle formulée par le maire le 9 décembre 2016 et du courrier adressé
par ce dernier au procureur de la République ayant pour objet de porter à sa connaissance
la plainte pour propos injurieux et diffamatoires proférés à son encontre sur un réseau
social. Les membres du conseil municipal ont, de ce fait, été suffisamment informés pour
comprendre les motifs des mesures envisagées et pour en apprécier les conséquences. Le
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moyen tiré de l’insuffisante information des conseillers municipaux manque, par suite, en
fait et doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A est seulement fondée à demander
l’annulation de la délibération n° 34 adoptée le 7 février 2017.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice


administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à chaque partie la


charge des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La délibération n° 34 adoptée le 7 février 2017 par le conseil municipal de


Givors accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle à son maire est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Givors tendant à l’application de l’article


L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme A et à la commune de Givors.

Délibéré après l’audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Marginean-Faure, présidente,


Mme Allais, conseiller,
Mme Devys, conseiller.

Lu en audience publique le 12 décembre 2018.

Le rapporteur, La présidente,

A. Allais D. Marginean-Faure

La greffière,

C. Driguzzi

La République mande et ordonne au préfet du Rhône, en ce qui le concerne, ou à tous


huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les
parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,
Un greffier,

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