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AJDA

AJDA 2002 p.1409

Conciliation du principe d'égalité et des discriminations tarifaires dans le cadre des services publics locaux

Arrêt rendu par Cour administrative d'appel de Lyon

27-06-2002
n° 97LY01972

Sommaire :
Il est impossible pour une commune d'instaurer une discrimination tarifaire entre les usagers d'un service public
local quand ceux-ci sont dans une situation similaire et qu'aucun intérêt général en rapport avec les conditions
d'exploitation du service ne peut justifier l'instauration de ladite discrimination.

Texte intégral :
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 août 1997, présentée par M. Daniel Brindel, demeurant Hôtel
Nord 23, rue des Trois Glorieuses à Saint-Etienne (42000) ;

M. Brindel demande à la cour :

1° d'annuler le jugement n° 95-397 en date du 30 juin 1997 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa
demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence sur sa demande de modification
ou abrogation de la délibération du conseil municipal de Saint-Etienne du 2 mai 1988 établissant des mesures
destinées à assurer l'accès gratuit aux transports urbains des personnes à la recherche d'un emploi ;

2° d'annuler la décision implicite litigieuse ;

3° de condamner la ville de Saint-Etienne à lui payer une somme de 6 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-
1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties avant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2002 :

- le rapport de M. Fontbonne, président ;

- les observations de Me Maurice, de la SCP Nicolet-Rivava-Cheron, avocat de la ville de Saint-Etienne ;


- et les conclusions de M. Bourrachot commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré par M. Brindel de ce que la délibération
litigieuse était illégale dès l'origine dès lors qu'elle établissait pour l'accès gratuit aux transports urbains une
discrimination entre demandeurs d'emploi contraire au principe de l'égalité des usagers devant le service public ;
que le requérant est par suite fondé à soutenir que le jugement attaqué a été irrégulièrement rendu ; qu'il y a lieu
d'en prononcer l'annulation, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. Brindel devant le tribunal
administratif ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la ville de Saint-Etienne à la demande de M. Brindel devant le tribunal
administratif :

Considérant que M. Brindel a, dans un premier temps, dans un courrier reçu le 3 mars 1995 à la mairie de Saint-
Etienne, demandé, en excipant de l'illégalité de la délibération litigieuse, à bénéficier en ce qui le concerne de la
gratuité de l'accès aux transports urbains ; que cette demande a fait l'objet d'une décision expresse de refus le 5
avril 1995 ; que, dans un second temps, par un courrier reçu le 20 avril 1995, M. Brindel a demandé l'abrogation de
la délibération litigieuse ; que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur cette dernière demande ne
peut dès lors, et en tout état de cause, être regardée comme confirmative d'un précédent refus ; que la fin de non-
recevoir tirée par la ville de Saint-Etienne de ce que la demande de M. Brindel, enregistrée au greffe du tribunal
administratif le 23 août 1995, ne pouvait être dirigée que contre la décision du 5 avril 1995 et est en conséquence
tardive, doit être écartée ;

Sur la demande de M. Brindel :

Considérant que, par délibération du 2 mai 1983, le conseil municipal de Saint-Etienne a décidé d'accorder le
bénéfice de la gratuité des transports urbains pour une période de 24 mois aux personnes à la recherche d'un emploi
domiciliées à Saint-Etienne, non soumises à l'impôt sur le revenu, inscrites à l'Agence nationale pour l'emploi,
prises en charge par les ASSEDIC ou âgées de moins de 25 ans à la recherche d'un premier emploi en fin de
scolarité ou ayant été agent de la fonction publique ayant travaillé à temps complet ou partiel pendant six mois ;

Considérant qu'en prévoyant que parmi les personnes de plus de 25 ans à la recherche d'un emploi et n'ayant pas
été agent de la fonction publique, seules pouvaient prétendre à l'avantage ainsi accordé, celles prises en charge par
les ASSEDIC, et en excluant en conséquence les demandeurs d'emploi ne bénéficiant pas de cette prise en charge
et remplissant par ailleurs l'ensemble des autres conditions, le conseil municipal a, sans qu'une raison d'intérêt
général soit établie ni même invoquée établi une discrimination irrégulière entre demandeurs d'emploi se trouvant
dans une situation identique au regard du montant limité de leurs ressources et du besoin de se déplacer pour
rechercher un emploi ; que la ville de Saint-Etienne était par suite tenue de faire droit à la demande d'abrogation
dont elle était saisie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'autre moyen de sa
demande, M. Brindel est fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande
d'abrogation de ladite délibération en tant qu'elle établit la discrimination litigieuse ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.
Brindel qui n'est pas partie perdante soit condamné à payer une somme à la ville de Saint-Etienne ; qu'il y a lieu de
condamner la ville de Saint-Etienne à payer à M. Brindel une somme de 100 € ;

Décide :

Art. 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 juin 1997 est annulé.

Art. 2 : La décision implicite de rejet opposée à la demande de M. Brindel du 20 avril 1995, tendant à l'abrogation
de la délibération du conseil municipal de Saint-Etienne du 2 mai 1988 en tant qu'elle exclut du bénéfice de la
gratuité de l'accès aux transports urbains les demandeurs d'emploi non pris en charge par les ASSEDIC, est
annulée.

Art. 3 : La ville de Saint-Etienne est condamnée à payer à M. Brindel une somme de 100 € sur le fondement de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Art. 4 : Les conclusions de la ville de Saint-Etienne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative sont rejetées.

Demandeur : Brindel
Composition de la juridiction : M. Jouguelet, prés. - M. Fontbonne, rapp. - M. Bourrachot, c. du g. - SCP
Nicolet, Riva, Vacheron, av.

Mots clés :
SERVICE PUBLIC * Principes du service public * Egalité du service public

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