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Universitatea „Ştefan cel Mare”, Suceava

Facultatea de litere și științe ale comunicării


An universitar 2018-2019
An III, semestru I
Curs Opţional franceză : Littérature et intertextualité
Prof. dr. Elena- Brânduşa STEICIUC
Student: SAVA CRISTINA

Intertextualité dans la prose de Patrick Modiano

Patrick Modiano est un écrivain français, auteur d’une trentaine de romans primés par de
nombreux prix prestigieux parmi lesquels le Grand prix du roman de l’Académie française et le prix
Goncourt. Qualifié de « Marcel Proust de notre temps », son travail a été couronnée par le prix Nobel de
littérature.
« Ce que j’aime, dans l’écriture, c’est plutôt la rêverie qui la précède. L’écriture en soi, non, ce
n’est pas très agréable. Il faut matérialiser la rêverie sur la page, donc sortir de cette rêverie. »
– Patrick Modiano
Il n´est guère utile de présenter Patrick Modiano, entré en littérature à vingt-trois ans avec La
Place de l´Etoile en 1968, et qui a à son actif une vingtaine de romans. Né à Boulogne-Billancourt en
1945, d´un juif français qui a dû mener une existence clandestine pendant l´Occupation et d´une jeune
comédienne flamande, il est souvent revenu sur les circonstances de la rencontre de ses parents,
notamment dans les deux textes à vocation autobiographique Livret de famille (1977) et Un pedigree
(2005).Comme nous le verrons, il convient d´utiliser le terme autobiographie avec beaucoup de
prudence lorsqu´on parle de Modiano. La figure du père, Albert Modiano ainsi que son rôle ambigu
pendant l´Occupation sont omniprésents dans ses premiers romans. C´est une figure-clé pour l´accès
à l´histoire familiale tout autant qu´à l´Histoire.
Certains critiques considèrent que les trois premiers romans de Modiano : La Place de l´Etoile
(1968), La Ronde de nuit (1969) et Les Boulevards de ceinture (1972) constituent « une trilogie de
l´Occupation ». Livret de famille est un livre partiellement autobiographique et romanesque de Patrick
Modiano paru le 25 avril 1977 aux éditions Gallimard. Cet auteur est connu pour mettre au jour les
zones d'ombre de la Seconde Guerre mondiale. Il est en effet la mémoire d'une époque qu'il n'a pas
vécue, mais qui le hante .Il est le premier à écrire sur les crimes de la période de l’Occupation.
Car ils mettent en scène des personnages qui ont réellement existé, et participé aux violences
publiques et secrètes de la Collaboration, comme le père du narrateur, Albert Modiano.
Les textes de Patrick Modiano présentent une forte intratextualité. L'intertextualité est le
caractère et l'étude de l'intertexte, qui est l'ensemble des textes mis en relation ,par le biais par exemple
de la citation, de l'allusion, du plagiat, de la référence et du lien hypertexte ,dans un texte donné. Les
textes de Modiano paraissent d´autant plus riches qu´on les replace dans l´ensemble de l´oeuvre. Dans

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cette perspective globale, les éléments récurrents prennent tout leur poids et les rapports entre biographie
et fiction se dessinent.
,, Patrick Modiano met en texte des livres , leur faire, leur reception par l'acte de la lecture , cela
ne contravient par à la règle de l'illusion référentielle. La présence des livres dans un récit qui a un fort
« effet de réel » est un facteur de prévisibilité et de cohérence. Le lecteur est renvoyé à des œuvres qu’il
connaît ou qu’il a toutes les chances de connaître et ainsi une zone de prévisibilité est créée.” 1
Chaque roman constitue un tout en soi, mais est relié aux autres textes, par les noms de
personnages et par les épisodes récurrents. Evidemment, en presence d´un épisode réapparaissant avec
une fréquence obsessionnelle, on est en droit de se demander s´il ne s´agit pas d´un élément
autobiographique (réel ou fantasmé). Ainsi chez Patrick Modiano, l´épisode de l´arrestation du père en
1942 dans un cabaret des Champs-Elysées se trouve évoqué pas moins de sept fois et décliné sous
plusieurs forms.
Livret de famille est composée de quinze anecdotes d’environ cinq à dix pages, qui chacune
forme un chapitre.L’auteur ne suit pas une logique de type chronologique. Dans ce roman
autodiégétique, où l'auteur, le narrateur et le personnage principal ne font qu'un, il pratique l’autofiction,
c’est-à-dire, qu’il mêle des souvenirs réels personnels à de la fiction. Livret de famille met en scène un
homme racontant la jeunesse de son père, évoquant ses souvenirs de sa mère et de son frère, mais aussi
ses interrogations à propos du passé de ses parents, et notamment, la période de l’Occupation, et le
contexte de sa naissance. Les souvenirs souvent réels, semblent parfois un peu ambigus. Comme si à
chaque fois que l’écrivain se souvenait du passé, il l’écrivait tout de suite. Ces souvenirs racontés sont
de certaines manières reliés à la naissance de sa fille. L’ouvrage commence avec la naissance de sa fille,
Zina qu’il va déclarer avec Jean Koromindé, un ami de longue date et se termine avec l'arrivée de ce
personnage à la maison familiale.
Ce livre contient plusieurs thèmes différents. Il est un ensemble de quelques moments de la vie
de l’écrivain qui forment un grand souvenir. Il n’y a pas de réels liens chronologiques entre les différents
chapitres. Dans le chapitre 12, il raconte qu’à 17 ans, il a rencontré Denise Dressel dont il tombe
follement amoureux. Comme une déclaration d'amour elle lui offre des livres pour le voir heureux mais
au début, il ne comprenait pas pourquoi elle avait beaucoup d'argent, parce que
Denisa a été maintenu par un argentin.
,, Au début, je ne comprenais par pourquoi elle avait tant d'argent. Je l'avais vue acheter, le même après –midi, un
manteau de panthère et des bijoux.Elle m'avait gentiment propose de me faire couper plusieurs costumes chez un tailleur qui
avait compté parmi ses clients les ducs de Spolète et d A'aoste , mais je n'avais pas osé frachir le seuil de ce temple. J’ai fini
par lui avouer que les vêtements ne m’intéréssaient pas et comme elle insistait pour savoir ce qui « m’intéressait », je lui ai
dit : des livres. Et j’ai conservé jusqu’à maintenant ceux qu’elle eut la gentillesse de m’offrir : le Larousse du XXe siècle, en
six volumes, le dictionnaire Littré, L’Histoire naturelle de Buffon, dans une très vieille et très belle édition illustrée et enfin
les Mémoires de Bülow, reliés d’un maroquin vert-pâle. J'ai souffert quand elle m 'a expliqué, au bout de quelque temps,
qu'elle était entretenue par un Argentin qui venait chaque année en France au mois de mais assister aux coupes de polo que
disputait son neveu. ‘’ (Modiano, 1977 : 146)
,,Dans l’univers de Modiano, qui abonde en personnages habitués à gagner de l’argent par des
méthodes frisant la malhonnêteté, il arrive pourtant que le livre perde sa fonction d’objet culturel, censé
transmettre un savoir ou un plaisir esthétique. Dans le cas du jeune protagoniste de Boulevards de
ceinture, le livre est un objet réduit à sa valeur marchande, truqué même, car le faux et l’usage de faux

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Prof. Dr. Elena- Brânduşa Steiciuc, Littérature et intertextualité, Curs opţional anul III, pagina 12

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sont de rigueur pour la plupart des personnages modianiens. Voilà comment est raconté le colportage de
livres soit-disant « de grande valeur », dans un milieu de collectionnaires naïfs, afin d’obtenir des
revenus immérités : ”2
,, Je m’aperçus rapidement qu’il était très difficile de se procurer à bas prix des éditions rares… Au hasard d’une
expédition passage Jouffroy, j’achetai pour 3,50 francs un exemplaire de Matière et mémoire. On y lisait, en page de garde,
cette curieuse dédicace de Bergson à Jean Jaurès : « Quand cesseras-tu de m’appeler la miss ? » Deux experts reconnurent
formellement l’écriture du maître et je revendis cette curiosité 100.000 francs à un amateur. Encouragé par mon premier
succès, je résolus de faire moi-même de fausses dédicaces qui révéleraient chacune un aspect inattendu de tel ou tel
auteur…Ainsi trafiquions-nous…Nos affaires allaient bon train puisque nous exploitions des gens qui n’avaient pas tout à fait
leurs esprits. (Modiano, 1972) ‘’
Nous pouvons voir dans ce cas que le livre n'a plus de valeur culturelle, puisqu'il s'agit d'un
moyen sous - tactile de gagner de l'argent. Le protagoniste de Boulevards de ceinture est quelqu'un qui
achète un livre à 3,50 francs et revendent comme un moyen utilisé pour gagner de l'argent avec 100.000
francs est très facile à entretenir.
,, La prose modianienne abonde en livres, réels ou imaginaires, qui jalonnent le vécu des
personnages et qui sont désignés par le titre, parfois par l’auteur aussi, ou bien dans certains cas par des
éléments de description. Prenons l’exemple du premier roman de l’auteur, La Place de l’Etoile, que nous
pourrions considérer comme le roman d’une formation – celle de l’écrivain, celle de l’homme - , à part
son statut de long débat autour de l’identité juive, du drame de l’exclusion et de la Shoah. ”3
Le roman raconte, sur un mode en partie autobiographique. Le narrateur, Raphaël Schlemilovitch,
fréquente les bas-fonds de l'Occupation durant laquelle il est un Juif collaborationniste qui voit en Drieu
la Rochelle et Brasillach des «cocottes» énamourées de SS musclés , croise le docteur Bardamu et ses
diatribes sur le phrasé juif, ainsi qu’un certain Jean-Paul de la Sarthe, défenseur des opprimés, en
particulier de Jacob X, officier juif déserteur de l’armée française , sert de rabatteur à un vicomte
Lévy-Vendôme qui pratique la traite des Blanches , écrit des apocryphes inattendus qui vont d'un conte
licencieux de Bossuet à des tragédies érotiques de Racine , passe dans un kibboutz disciplinaire en Israël
finit dans la clinique viennoise du docteur Freud. Pour le personnage Charles Lévy- Vendôme , le livre
est comme un désir de se réaliser, un plaisir non seulement comme objet d'étude mais aussi comme
moyen de détente.
,, Regardez toutes ces belles relieures, me dit-il, la bibliophilie est mon vice secret. Tenez, je prends un volume au
hasard : un traité sur les aphrodisiaques par René Descartes. Des apocryphes, rien que des apocryphes… J’ai réinventé à moi
seul toute la littérature française. Voici les lettres d’amour de Pascal à Mlle de la Vallière. Un conte licentieux de Bossuet. Un
érotique de Mme de la Fayette. (Modiano, 1968 : 96-97)
Il y a des romans que nous pouvons considérer comme des « romans du père ». C´est le cas de La
Place de l´Etoile ou des Boulevards de ceinture où la figure paternelle tient une place essentielle.
,,Dans une séquence comme celle du roman Livret de famille, l’exercice d’écrire apparaît
inconsistant et superficiel, car son but n’est pas de créer une forme d’art, mais de faire plaisir à une jeune
femme, dont le personnage-narrateur, Patrick, est amoureux. ‘’4
Parce qu'il est amoureux de Denise l'épisode d' Henry Dressel ne laisse pas plus indifferent.
L' écrivain cherche à écrire l'histoire de la vie d' Henry Dressel alors qu'il ne le connaît pas et qu'il n'y a
pas beaucoup de documentation sur lui : il dit qu'il aurait fait n'importe quoi pour Denise, la jeune fille
don’t il est éperdument tombé amoureux à l'âge de 17 ans. Il a écrit cette biographie pou donner un père à

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Prof. Dr. Elena- Brânduşa Steiciuc, Littérature et intertextualité, Curs opţional anul III, pagina 13-14
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Prof. Dr. Elena- Brânduşa Steiciuc, Littérature et intertextualité, Curs opţional anul III, pagina 14
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cette fille qu'il amait car elle ne l 'a connu que très peu. Il invente quelques passages de la vie de cet home
, pour render meilleure d'une part et parce qu'il ne sait quasiment rien de lui.En réalité,c'est ce que fait
Modiano pour sa proprie vie, il écrit sur lui même en inventant souvent des situations ou les modifiant, il
s'invente un autre univers,pas forcément meilleur , pot oublier sa vraie vie et sourtout son enface pleine
de chagrin et d'incertitudes.
Ces recherché constantes qu'il mène sans répit nous amènent à penser qu'il est toujours à la quête
de son identité, de son livret de famille.
Après tout, cette bibliographie que l'auteur a voulu écrire pour Denisa est un échec total
et tout ce qu'il a à faire est de devenir un écrivain français, comme Denise a dit à la fin du chapitre.
Le roman “Boulevards de ceinture” un roman des «choses mortes» et des «origines», ces
obsessions qui se muent en redoutable curiosité, un roman d’un charme extraordinaire, le narrateur,
jusqu'au bout, poursuivant avec tendresse ce père fantomatique. Il a reçu le prix du roman de l'Académie
française. Dans cet roman la photographie joue un rôle important , elle assure l'effet du miroir.
Les Boulevards de ceinture, est un récit à la première personne qui commence par la description
,,d’une vieille photo, découverte par hazard au fond d'un tiroir et don’t on efface la poussière, doucement”.
,, Voyons le cas de Boulevards de ceinture, son troisième roman, celui qui – tout en clôturant la
« trilogie de l’Occupation » -, semble avoir été écrit dans le but d’exorciser la figure du père. Il
commence justement par la description d’une « vieille photo », où ce personnage abhorré et aimé en égale
mesure figure à côté de quelques autres. ‘’5
Connaissant l’importance accordée à la photo, comme objet chargé de significations particulières
chez Modiano, on peut se rendre compte pourquoi il la met en tête de Boulevards, en 1972. Dans
beaucoup de ses romans à venir, les photos seront des objets-signes de personnes disparues ou d’endroits
qui n’existent plus,« traces qui demeurent plus tard d’un moment éphémère où l’on a été heureux, d’une
promenade, un après-midi de soleil. »
Le troisième roman, Les Boulevards de ceinture, paru en 1972, peut apparaître comme le livre du
père. Non seulement le père est la figure centrale du roman, mais c´est la quête du père qui est à l´origine
de la démarche fantasmatique de l´écriture. Pour entrer dans ce roman, il nous faut laisser à la porte nos
préjugés réalistes puisqu´il s´agit en fait, à la suite du narrateur, de pénétrer dans l´univers d´une veille
photo qui s´anime. Sur cette photo, le narrateur aperçoit son père en compagnie de personnages troubles.
On peut y lire une façon de mettre en abyme la question du père, le narrateur, à la recherche de son
propre père emprunte l´identité d´un substitut du père, comme si, aussi paradoxal que cela paraisse, il
fallait devenir le père pour le retrouver. Cette photo est le point de départ d´une projection fantasmatique
dans le passé du père, notamment la fin de l´Occupation, c´est-à-dire à une époque antérieure à la
naissance du narrateur.
L´image du père qui est donnée dans le roman est assez éloignée de celle du clown de La Place
de l´Etoile. Là aussi, c´est encore un gros monsieur au physique sudaméricain, mais qui suscite plutôt la
pitié. Le père de La Place de l´Etoile était surtout l´objet des invectives de son fils, il n´avait pas vraiment
d´épaisseur alors que de celuici émane une sorte d´aura mélancolique. Il nous est donné de le découvrir
parmi ses « amis ». Il y a Jean Muraille, journaliste de presse à sensation, collabo, Marcheret, aristocrate

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Prof. Dr. Elena- Brânduşa Steiciuc, Littérature et intertextualité, Curs opţional anul III, pagina 20

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qui a mal tourné, ancien légionnaire, Maud Gallas, ancienne chanteuse, gérante de boîte de nuit, Sylviane
Quimphe (qu´on retrouve dans Fleurs de ruine) qui a commencé comme madone des sleepings sur le
Paris-Milan, tout un monde très louche qui s´enrichit au marché noir et dont les poches sont pleines
d´argent certainement pas honnêtement gagné. Le père, qui se fait appeler baron Chalva Deyckecaire et
serait, d´après les rumeurs de village, citoyen turc, ne semble pas pleinement accepté par ses acolytes qui
l´appellent le gros. On le tolère mais comme souffre-douleur. Le père se tient souvent en retrait et parle
d´une voix timide. Les brumes de la mémoire se dissipant, le narrateur fait identifier sur une photo, par le
vieux barman du Clos-Foucré, les différents protagonistes de cette histoire datant d'il y a bien longtemps.
Les romans de Modiano ne répondent aux exigences d'aucun genre concret, mais empruntent les
caractéristiques de plusieurs genres à la fois, en créant un genre hybride. Ses romans se caractérisent donc
par la multiplicité extrême des traits génériques. Modiano est adepte de la focalisation interne variable
qui permet de changer le point de vue qu'on porte sur les événements et les personnages.

Bibliographie :
A. Corpus:
Patrick Modiano, La Place de l’Etoile, Paris, Gallimard, 1968.
Patrick Modiano, Boulevards de ceinture, Paris, Gallimard, 1972.
Patrick Modiano, Livret de famille, Paris, Gallimard, 1977.

B. Références critiques :
Steiciuc, Elena-Brandusa, Littérature et intertextualité, Curs opţional anul III, Prof. Dr. Elena-
Brânduşa Steiciuc, 2018.

C. Sitographie:

http://www.diacronia.ro/ro/indexing/details/A15473/pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Livret_de_famille_(roman)
https://www.tcd.ie/French/assets/doc/JG%20on%20LdeF.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Boulevards_de_ceinture

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