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Développement n◦ 15/74 Benjamin Groux

Formule d’Euler-Mac Laurin


Mon développement

Proposition. Il existe une unique suite (Bn )n∈N de polynômes vérifiant


(i) B0 = 1,
(ii) ∀n ∈ N∗ , Bn′ = nBn−1 ,
R1
(iii) ∀n ∈ N∗ , 0 Bn (x) dx = 0.
Ces polynômes sont appelés polynômes de Bernoulli et les nombres bn = Bn (0) sont appelés
nombres de Bernoulli. Ils vérifient de plus
(iv) ∀n 6= 1, Bn (1) = Bn (0),
(v) ∀n ∈ N, Bn (1 − X) = (−1)n Bn (X),
(vi) ∀n ∈ N∗ , b2n+1 = 0.

On construit les polynômes de Bernoulli par récurrence.


• L’initialisation se fait en posant B0 = 1.
• Pour l’hérédité, on suppose que le polynôme Bn est construit. En notant
[0, 1] → R
Bn+1 : Rx R1Ru , (1)
x 7→ (n + 1) 0 Bn (t) dt − 0 0 (n + 1)Bn (t) dt du

R1
on a alors clairement Bn+1 (x) = (n + 1)Bn (x) pour tout x ∈ [0, 1], et 0 Bn+1 (x) dx = 0. De
plus, Bn étant polynomiale, Bn+1 l’est également.
On a ainsi construit par récurrence une suite de polynômes (Bn )n∈N vérifiant (i), (ii) et (iii).
Une récurrence immédiate utilisant le théorème fondamental de l’analyse permet de montrer
que cette suite de polynômes est unique.

Pour le point (iv), on a bien évidemment B0 (1) = 1 = B0 (0) et, d’après les points (ii) et
(iii), pour tout n ≥ 2, on a
Z 1 Z 1

Bn (1) − Bn (0) = Bn (x) dx = n Bn−1 (x) dx = 0 .
0 0

Ensuite, en posant Pn (X) = (−1)n Bn (1 − X), il est clair que la suite de polynômes (Pn )n∈N
satisfait les points (i), (ii) et (iii), donc par unicité des polynômes de Bernoulli, on a Pn = Bn
pour tout n ∈ N, ce qui implique le point (v).
Enfin, d’après les points (iv) et (v), pour tout n 6= 1, on a bn = Bn (1) = (−1)n bn , ce qui
implique le point (vi).

fn la fonction 1-périodique qui coı̈ncide avec Bn sur [0, 1[.


Pour tout n ∈ N∗ , on note B

Proposition (formule d’Euler-Mac Laurin). Soient m, n deux entiers tels que m < n,
soit r ∈ N∗ et soit f ∈ C r ([m, n], C). On a :

n
X Z n E(r/2)
X b2p
1 
f (k) = f (t) dt + (f (m) + f (n)) + f (2p−1) (n) − f (2p−1) (m)
k=m m 2 p=1
(2p)!
Z
(−1)r+1 n f
+ Br (t)f (r) (t) dt .
r! m

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On démontre la formule d’Euler-Mac Laurin par récurrence également.


• Initialisation. Soient m < n deux entiers et f ∈ C 1 ([m, n], C). Grâce à (1), on calcule
facilement B1 (X) = X − 12 . Pour tout k ∈ Jm, n − 1K, le théorème d’intégration par parties
f1 (qu’on a prolongée par continuité en k + 1) donne
appliqué aux fonctions de classe C 1 f et B
Z k+1 h ik+1 Z k+1
f1 (t)
f (t) dt = f (t)B − f1 (t)f ′ (t) dt
B
k k k
Z k+1
1 f1 (t)f ′ (t) dt
= (f (k + 1) + f (k)) − B
2 k

donc, en sommant sur k, on obtient


Z n n−1
X Z n
1 f1 (t)f ′ (t) dt .
f (t) dt = (f (m) + f (n)) + f (k) − B
m 2 k=m+1 m

• Hérédité. On suppose que la formule est démontrée à un rang r ≥ 1. Soient m < n deux
entiers et f ∈ C r+1 ([m, n], C). Le théorème d’intégration par parties appliqué aux fonctions
^
f (r) et Br+1
r+1
, qui sont continues et de classe C 1 par morceaux, de dérivées respectives f (r+1)
et Bfr , donne
Z n  n Z n
fr (t)f (t) dt =
(r) 1 ] (r) 1 ]
B Br+1 (t)f (t) − Br+1 (t)f (r+1) (t) dt
m r + 1 r + 1
m
Zm n
br+1 (r) 1 ]
= (f (n) − f (r) (m)) − Br+1 (t)f (r+1) (t) dt .
r+1 m r + 1
En injectant cette relation dans l’hypothèse de récurrence, en distinguant le cas où r est
pair du cas où r est impair et en utilisant le point (vi) ci-dessus, on obtient que la propriété
souhaitée est vérifiée au rang r + 1.
La formule d’Euler-Mac Laurin est donc démontrée par récurrence.

Application 1. Il existe γ > 0 tel que pour tout r ∈ N∗ , quand n → +∞, on a


n
X X b2p 1 r  
1 1 1
= ln(n) + γ + − +O .
k 2n p=1 2p n2p n2r+1
k=1

La fonction t 7→ 1t est de classe C ∞ sur [1, +∞[ et pour tous p ∈ N et t ∈ [1, +∞[, on a
f (p) (t) = (−1)
p p!

tp+1
. D’après la formule d’Euler-Mac Laurin appliquée au rang 2r + 1, pour tous
r ∈ N et n ∈ N∗ , on a donc

Z   Z n
n
X 1 n
dt 1 1
r
X b2p 1 ^
B2r+1 (t)
= + + − 2p
− 1 − dt .
k=1
k 1 t 2 2n p=1 2p n 1 t2r+2

^ B^
2r+1 (t)
Comme B2r+1 est bornée sur R, la fonction t 7→ t2r+2
est intégrable sur [1, +∞[. En notant
r Z ^
1 X b2p +∞
B2r+1 (t)
γr = + − dt ,
2 p=1 2p 1 t2r+2

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on a donc
Xn r
X Z +∞ ^
1 1 b2p 1 B2r+1 (t)
= ln(n) + γr + − 2p
+ dt
k=1
k 2n p=1 2p n n t2r+2
avec Z
+∞ B
^ (t) 1
2r+1 ^
dt ≤ k B2r+1 k ∞ .
n t2r+2 (2r + 1)n2r+1
Pn 1
On remarque enfin que pour tout r, γr est égale à la limite quand n → +∞ de k=1 k −ln(n),
donc γr est indépendante de r. On obtient ainsi la formule annoncée.

Application 2.
(i) Quand n → +∞, on a
(−1)n+1 2(2n)!
b2n ∼ .
(2π)2n

g ^
(ii) Pour tous n ∈ N et x ∈ R, on a B2n (x) ≤ |b2n | et B2n+1 (x) ≤ n + 21 |b2n |.

Soient n ∈ N et p ∈ N∗ . La formule d’Euler-Mac Laurin appliquée à la fonction x 7→


e−2iπnx , qui est de classe C ∞ sur [0, 1], s’écrit au rang p :
Z 1 Z
(−1)p+1 1 f
2= e −2iπnx
dx +1 + 0 + Bp (x)(−2iπn)p e−2iπnx dx .
p!
|0 {z } 0
=0 si n6=0

fp vaut donc −p! p lorsque n


Le n-ième coefficient de Fourier de la fonction 1-périodique B (2iπn)
R1
f
est non nul. Et il vaut 0 Bp (x) dx = 0 si n = 0 d’après le point (iii) ci-dessus.
D’une part, B fp est continue pour p 6= 1, et d’autre part, pour tout k ∈ Z, B f1 est continue
sur l’intervalle ]k, k + 1[ et
   
1 f f 1 1 1
lim B1 (x) + lim+ B1 (x) = − = 0.
2 x→k− x→k 2 2 2
D’après le théorème de Dirichlet, on a alors
+∞
g (−1)k+1 2(2k)! X cos(2πnx)
∀k ≥ 1, ∀x ∈ R, B2k (x) =
(2π)2k n=1
n2k
et
+∞
^ (−1)k+1 2(2k + 1)! X sin(2πnx)
∀k ∈ N, ∀x ∈ R, B 2k+1 (x) = .
(2π)2k+1 n=1
n2k+1

P+∞ 1
En notant ζ : s 7→ n=1 ns , on a donc d’une part
(−1)k+1 2(2k)! (−1)k+1 2(2k)!
b2k = ζ(2k) ∼
(2π)2k (2π)2k
quand k → +∞.
D’autre part, pour tous k ∈ N∗ et x ∈ R, on a |B g 2k (x)| ≤ |b2k |. De plus, d’après les points

(ii) et (vi) ci-dessus, on a, pour tous k ∈ N et x ∈ R,
Z x
B2k+1 (x) = (2k + 1) B2k (t) dt
0

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donc |B^2k+1 (x)| ≤ (2k + 1)|x|.|b2k | ≤ k + 1
|b2k | dès que x ∈ 0, 2 . Cette relation est aussi
  2
valable pour x ∈ 12 , 1 d’après le point (v) ci-dessus, et donc pour tout x ∈ R par périodicité
^
de B 2k+1 .

Références
J’ai utilisé [Dem06, pp. 77-81], [Gou08, p. 301]. On peut aussi consulter [Gou08, p. 299],
[FGN09, p. 310].

Leçons correspondantes
J’utilise ce développement pour les leçons 223, 224, 238. On peut également l’utiliser pour
la leçon 230.

Remarques
– Le nombre γ est appelé constante d’Euler.
– On peut définir les nombres de Bernoulli par récurrence (voir [IR90, p. 229]) en posant
b0 = 1 et
Xn  
n+1
∀n ∈ N ,

bk = 0 ,
k=0
k
puis ensuite définir les polynômes de Bernoulli à l’aide de la formule
Xn  
n
Bn (x) = bk xn−k .
k=0
k

– On peut également définir ces quantités à l’aide de développements en série entière,


voir [Gou08, p. 299].
– Dans l’application 1, on utilise le fait que les fonctions B fn sont bornées sur R. Des
bornes explicites sont obtenues dans l’application 2 (ii).
– L’application 2 permet de montrer au passage que les ζ(2k) sont des multiples rationnels
de π 2k , puisque les polynômes de Bernoulli sont à coefficients rationnels (démonstration
par récurrence).

Questions possibles
1. Calculer les premiers polynômes et nombres de Bernoulli.
2. Soit f une fonction de classe C r sur [m, n] dont les dérivées sont bornées
Rn par M. Majorer
l’erreur lorsqu’on effectue la méthode des trapèzes pour évaluer m f (x) dx.
3. À partir de la formule d’Euler-Mac Laurin, écrire une formule de Stirling avec reste.
4. Montrer que la fonction ζ admet une limite en +∞ égale à 1.
fp ?
5. Dans l’application 2, quel est le mode de convergence de la série de Fourier de B

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Références
[Dem06] Jean-Pierre Demailly : Analyse numérique et équations différentielles. EDP
Sciences, 2006.
[FGN09] Serge Francinou, Hervé Gianella et Serge Nicolas : Exercices de
mathématiques, Oraux X-ENS, Analyse 2. Cassini, 2009.
[Gou08] Xavier Gourdon : Analyse. Ellipses, 2008.
[IR90] Kenneth F. Ireland et Michael I. Rosen : A classical introduction to modern
number theory. Springer, 1990.

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