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Raison présente

Formes et forces de René Huyghe


Jean-Pierre Faure

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Faure Jean-Pierre. Formes et forces de René Huyghe. In: Raison présente, n°24, Octobre – Novembre – Décembre 1972. La
portée de la science. pp. 101-106;

doi : https://doi.org/10.3406/raipr.1972.1584

https://www.persee.fr/doc/raipr_0033-9075_1972_num_24_1_1584

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être toutes recensées. J'essaierai travers l'art, puis, sous ses diffé¬
de les passer en revue. Je vou¬ rents aspects, la forme, ce qu'on
drais auparavant indiquer combien en voit, ce
truction mentale,
qui, en les
elle,liens
est cons¬
entre
Formes cette enquête est proche d'un ri¬
goureux travail de science. L'esthé¬ mouvant
ces deux révélant
perspectives,
les l'inerte,
forces enle
tique classique n'a pas suffisam¬
et Forces
ment mis en lumière le fait qu'à action, la croissance, les états de
partir du moment où la recher¬ la matière, l'énergie et enfin la.
de vie. Il terminera par un jugement
che
s'est étendue
archéologique
à la terre
et entière
artistique
et
pessimiste de notre temps. Ces
à toutes les formes d'expression études sont suivies pas à pas par
René Huyghe (1>
humaine,un
comme l'œuvre
« donné
d'art »està apparue
étudier un
le texte
luxe sed'illustrations
réfère directement.
auxquelles
Le

en lui-même et comparativement, lecteur peut juger visuellement de


à l'égal des formes de la vie par ce que les formes suggèrent à
l'auteur.
par
Jean-Pierre FAURE l'histoire naturelle. Une vérité que
beaucoup croiront un paradoxe est
que les bases de l'histoire de l'art * ♦*
sont plus fermes que celles de
l'histoire tout
éléments subsistent
court, concrètement.
puisque leurs Si nous n'aimons pas tellement
écrire Connaissance avec une ma¬
C'est encore Elie Faure qui a fait juscule, beaucoup d'entre nous
remarquer que l'œuvre d'art est sentent et savent que la connais¬
Dans un très beau livre, magni¬ une preuve de la réalité du monde
sance est plus ample que la scien¬
fiquement illustré, l'esthéticien Re¬ sensible, puisque l'artiste, en
ce. Si l'on privilégie l'esprit scien¬
né Huyghe nous apporte le résumé créant, y ajoute.
tifique dans l'enquête universelle,
de quarante ans de méditation sur Ces constatations ont amené il faut voir néanmoins que la
science ne pourra être qualifiée de
àles
denous
formes,
confronter
intéresser
et, ceà ici,
qui
la une
est
science
de
tentative
nature
les Huyghe
l'art et de
à étudier
la science.
les rapports
Il se voit
de
connaissance
sion de son territoire
que paractuel.
une exten¬
Huy¬
obligé à une attitude d'autant plus
données de la création artistique,
et plus particulièrement plastique. ture
intéressante
des choses
pour
et l'évolution
nous que des
la na¬
es¬ ghe définit
tative : « ... ainsi
la science
qu'il suit
... est
sa ame¬
ten¬
Il se trouve que Formes et Forces née ... à élargir son domaine, à
prits nous amènent à des réflexions
fût le titre
Faure. Si ces
du premier
deux mots
livreassociés
d'Elie le faire communiquer avec d'au¬
parallèles.
scientifiquesC'est
et littéraires
la coupurequi entre
sera
tres domaines, dans cette aspira¬
expriment assez bien les préoccu¬
attaquée et la qualité des réfle¬ tion nécessaire à se dépasser pour
pations,
rien de sa
l'art,
vie ildurant,
faut reconnaître
de l'histo¬ xions à ce propos ne peut nous englober le champ total du réel.
laisser indifférents. J'aurai quel¬ Pourquoi
mites consacrées
se tenir astreint
de l'étude
aux de
li¬
qu'il n'a pas développé ni analy¬
ques réserves à faire et ses conclu¬
sé systématiquement leur contenu. l'art ? Pourquoi ne pas confronter
Louons René Huyghe de l'avoir sions
Il sous-estime
ne peuventlesêtre
faiblesses
les nôtres.
du
ce qu'elle nous révèle sur les rap¬
fait et de s'être ainsi, légitime¬
dualisme bergsonien. Mais les ports des Formes et des Forces
ment,
Les approprié
richesses led'information
titre. et questions sont posées, clairement avec les problèmes analogues ...
analysées et c'est là un rapport fé¬ ceux par exemple des sciences
de réflexion accumulées en ces
pour analyser ses deux faces : ce fleuve, rassemblant les ruisselle¬
Huyghe
sciences va
de la
nousnature
montrer.
ne nous
Les
que l'œuvre montre, et ce qu'elle ments pour marcher à la mer,
communique
lier la connaissance
(forme etde
fond),
l'homme
pour permettent
donné au sensible.
plus cette réduction du l'arbre déployant ses ramures,
la route droite, l'autoroute légè¬
et celle de l'art, et voit débou¬ Après avoir réinvesti ainsi le rement sinueuse ; les limites, les
cher ces études sur une tentative subjectif le plus individualiste, champs, les plantations, les mai¬
de connaître la forme en elle- l'auteur va, pour lutter contre la¬ sons et les villes géométriques,
même, en sa véritable nature, ten¬ dite scission, tenter une critique c'est un langage auquel le sa¬
tative que seul un immense tra¬ de la science beaucoup trop vant, en dehors de toute subjec¬
vail collectif peut mener à bien. conventionnelle pour qu'elle ait tivité, ne peut rester fermé. De¬
puis Wiener et la cybernétique,
quelque
une citation
intérêt
de Bachelard,
pour nous.il Sur
dé¬
de Ce
la programme
forme se révèle
posé, double.
la nature
Il la science a repris contact avec
l'utilisation des analogies, raison¬
y a l'inerte, l'arrêté. Il y a le plore, par« exemple,
nement représente
que une
le rayon¬
idée
mouvant, résultat des forces. Mê¬ nement
xv® et xvi8
prohibé
siècles.
parEnlesen abus
limitant
des
bien peu concrète » !!! (41). Il
me lorsque l'art immobilise la
l'emploi à l'utilisation de modèles
forme, les impulsions qui la créent s'attaque audedéterminisme,
l'existence la matière etvoire
cherˆ
nouvelle
analysables,
armeellede ala consolidé
connaissance.
une
s'y dessinent.
dance entre cette
Y a-t-il
dualitécorrespon¬
et celle, che à ressusciter une psychologie
dont l'analyse objective des don¬ L'analogie de forme, inversée, en¬
parallèleLaqueconfrontation
ture? nous présentedela l'art
na¬ nées physiologiques a réduit le tre les eaux qui descendent et se
territoire. C'est dommage. Car, re¬ rassemblent et la ramure qui étend
et de la nature est une entreprise
parlant ensuite de l'art, il définit son filet dans l'espace peut être
périlleuse. N'entre-t-on pas dans
excellemment ce que la connais¬
féconde,
trie de laetramure
encore etplus
des laracines.
symé¬
le non-mesurable
che ainsi sur la ?scission
Huygheendébou¬
deux sance peut en tirer de concret. En
Cette forme double en dit beau¬
branches de la connaissance : particulier
de contact ilavec
montre
le réelle des
caractère
réali¬
« Cette invraisemblable scis¬ coup sur la physiologie de la
sion de la pensée en deux modes sations plastiques, plus direct que plante,
de l'étude
ne dispensant
détaillée d'ailleurs
des mouve¬pas
majeurs, et qui tient moins à la
celui que
langage
Forme relie
et nous
l'écriture
tousétablissons
les: niveaux
« Ainsi
par du
la
le ments de sève : « L'arbre monte,
variété de son objet, ce qui est
part à la conquête de l'espace,
justifiable,
de démarches,
que devenues
d'une divergence
hostiles connaissable et établit entre eux alors que l'eau s'écoule, fuit sur
un moyen de communication, un la pente. L'itinéraire est semblable,
l'une à l'autre, pèse encore lour¬
peu comme l'ascenseur les éta¬ mais retourné. L'apparition de la
dement sur nous. » (37). Mais
ges. » (45). Et l'on peut adhérer vie a changé le signe des choses
pourquoi se remet-il ensuite à
et des formes... La vie ... elle
creuser le fossé qu'il vient de dé¬ pleinement
de ses réflexions
à l'une : des
« Siconclusions
notre es¬
appelle et elle projette. Elle dis¬
plorer ? C'est qu'il s'attache au
prit est capable de concevoir les perse tour à tour. « (54). Cette es¬
subjectif par lequel toute connais¬
formes et de les produire {de les pèce de nœud vital qu'est le collet
lon
sance,
Spinoza
mêmeet objective
Kant. L'idée
passe
ne lui
se¬
reproduire),dec'est
timement cet qu'il
univers
participe
dont in¬il de la animal,
l'être plante est
aboutissement
aussi l'imaged'in¬
de
vient pas que la science, collecti¬
croit se séparer parce qu'il en est nombrables lignées d'ancêtres,
ve, pourrait, sans se renier, avoir
du subjectif une connaissance ob¬ le spectateur et le juge parfois. » point de départ d'innombrables li¬
(45). gnées de descendants. Ce que la
jective.
de s'enfermer
Car enfin,individuellement
une chose est
métrie en liaison avec la mécani¬ tel point qu'un peintre fait « voir » malies. Il montre le sphérique
que naturelle. Jusqu'au cercle, que dans le liquide et ses réponses
nous transportons avec nous, cer¬ dans l'art classique, cubiste ou
cle de refuge, biologique, puis ma¬ abstrait. Les formes des forces
gique, puis architectural. « La vence,
mais
un lapays,
de-France,
Et
seulement
ensemble
aussi,
géométrie
ou comme
les
de
nos
la
« impressionnistes
...pouvoirs
lois
lumière
conjointement,
neCézanne
objectives
représente
parisienne.
cérébraux,
la selon
l'Ile-
Pro¬
pas
un avec l'apparition du temps, qui
ces
dialectique
rendrait-elle
des Formes
donc raison
et des aussi
For¬ oblige à suivre les formes dans
leurs transformations, et les plus
bien de l'organisation de la terre
humains de ses effets qui créent
perçue par le survol de l'étendue lesquelles est construit l'édifice de
que de l'histoire de l'art dégagée la matière. » (110). la logique dans l'ordre mental, la
par le survol des siècles ou de la mécanique dans l'ordre matériel,
C'est ainsi que la forme est un
croissance mentale de l'enfant ? lien entre l'esprit et le réel, et il pour le maîtriser. La durée, qui
Les formes sont là, en leur cons¬ est à la fois ce qui persiste et ce
tant affrontement des forces et est singulier
vant la formequeen Cézanne
réaction retrou¬
contre qui s'écoule. L'analyse de la cour¬
be par Descartes et son entrée
elles
nauté de
enregistrent
démarche cette
entre l'homme
commu¬ l'Impressionnisme,
du cubisme et de l'art
soit abstrait.
à l'origine
A
et la nature. » (72). l'opposé, la science objective se dans en
dernière
met la science,
lumière
d'accéder
qui
le au
caractère
permet
dynamisme,
à stati¬
cette
« La forme apparaît à la fois laisse imposer l'image du cercle
comme un phénomène physique, par l'esprit, en fait le dessin de que du discontinu, dynamique du
vérifiable dans la nature, mais mes
continu.
naturelles
(231).desH fluides
décrit en
lesmou¬
for¬
l'univers
la retrouvegravitationnel,
dans les ondes
mais à on
la
aussi comme un phénomène men¬
tal propre à notre nature. » (80). surface d'un liquide, dans les dia¬ vement et leurs représentations et
grammes de diffraction électroni¬ équivalences plastiques.
L'Impressionnisme a essayé de la
transcender, de la réduire aux ta¬ que. A l'échelon microscopique
dent
Lesà formes
l'étude de
de croissance
la vie. Lesprélu¬
for¬
ches colorées, éléments de la per¬
ception, mais elle s'est reconstituée on retrouve
trie
diolaires
structurée,
à lapartout
des
double
formes
unehélice
géomé¬
des ra¬
de mes en expansion font éclater le
sur la toile, présente dans l'esprit contour, qu'à partir de Delacroix
du peintre. Inversement l'analyse l'A.D.N. révélée par la diffraction la peinture n'exprimera plus que
microscopique d'une forme colo¬ des cristaux aux Rayons X. « La par les nuances du volume. L'ac¬
rée par un grand peintre classi¬ géométrie, c'est-à-dire les formes, croissement très général en spi¬
que nous dévoile ses éléments ne sont pas venues de la nature
pour s'inscrire dans l'esprit hu¬ rale
section
logarithmique
d'or et à son
conduit
utilisation
à la
tachistes. Le rêve évoque des for¬
mes précises. Les enfants perçoi¬ main, elles ne sont pas davantage plastique ou architecturale. Là
vent le réel par formes affirmées projetées par celui-ci sur le mon¬ aussi, art et nature se répondent.
et simplifiées. Pour Léonard de de comme une empreinte destinée « ... les diverses géométries pro¬
Vinci, la forme est « cosa men¬ à le« rendre
se reconnaissent
plus intelligible.
» d'un bord Ellesà posées par le génie humain et ses
tale ». C'est l'esprit qui en revêt audaces finissent par retrouver la
les choses. Nous ne sommes pas l'autre et correspondent sans doute
nature enavec
coïncider cours
certaines
de route
de ses
et par
vé¬
loin de la Gestalttheorie, qu'il faut à une réalité qui les englobe. »
admettre, même si l'on pense avec (142). rités. C'est que ces géométries ont
Piaget qu'il y a fort peu d'inné à René Huyghe entre ensuite dans beau être des intentions de l'intel¬
la base. Cet élément subjectif a le détail de l'étude des formes : ligence et révéler par là surtout
été travaillé par les peintres jus¬ les formes de l'inerte, souvent géo¬ les structures qui assurent son
qu'à l'expression de formes ambi¬ métrique (cristaux), produits d'un fonctionnement, elles ne peuvent
guës, absurdes ou impossibles. principe d'économie naturel. faire des
ainsi autrement
structures
que inhérentes
de refléterà
Chacun a son répertoire indivi¬ « L'ordre résulte (...) d'un phéno¬
réel, celui qui existe et celui qui contradictions entre Formes et For¬
vivre
tuit. C'est
et non malheureusement
un choix libre et gra¬
une
est pensé, ne font que se rejoindre ces. L'auteur développe longuement
et se reconnaître. » (296). l'infirmité de la pensée en face biologie provisoire que Huyghe
Les Etats de la Matière c'est du temps, sans se rendre compte applique à l'art. C'est dommage.
l'étude de la forme passant du qu'il ne fait là que privilégier la Et dans ce chapitre l'art dit 1©
solide au gazeux, le rappel des tentative classique d'immobiliser contraire lui-même
L'auteur de ce queneditnous
le texte.
a-t-il
éléments de la philosophie grec¬ pour comprendre, et que cette in¬
firmité est passée. L'insertion du
terre
que, que
et feu,
Parménide
soit formes
réduitet àforces.
deux, pas montré
formes avec la
celles
cohérence
de la nature
de ses?
temps dans la pensée, à partir de
Buffon (géologie), de Lamarck Il invoque, avec raison, une liber¬
L'apport
fois conforme
intuitif aude monde
l'art est ultra¬
à la
(biologie), de Hegel (histoire), le té qui existe, certes. Autonomie
microscopique et au monde stel- lie
seulement
à la science
intérieur.et Les
il n'est
tentatives
plus nécessaire de l'individu, que la
société exempte peu à peu des
laire. Il
tique quin'est
ne se
pasretrouve
de formedans
artis¬
la de restaurer le dualisme bergso- servitudes organiques élémentai¬
nature, ni de formes naturelles que nien sont vaines depuis Einstein. res, moyennant une contrepartie
l'art n'ait approchées, avant même Les contradictoires de Lao-Tseu,
de discipline
voir créateur nécessaire.
de l'art subsiste.
Le pou¬Il
parfois que la science ne les met¬ Héraclite, Lupasco expriment l'uni¬
té dans le devenir perpétuel, et est entier. Mais il obéit aussi à des
tent au jour. Nous débouchons
Diogène a prouvé le mouvement rythmes sociaux que Huyghe lui-
sur l'étude
l'ultime réalité.
de Les
Yénergie,
Formesquiet les
est
en marchant. L'opposition de la même aestmissans
nation en cesse
lumière.
au L'imagi¬
travail.
Forces n'en sont que des aspects. vie et de l'entropie n'est plus de
Les rythmes divers, à tous les Le mouvement général des esprits
mise depuis
montré l'ouverture
que Bertalanffy
nécessaire dua
échelons, expriment, de l'électron intègre ses trouvailles individuel¬
les.
au cosmos, le mouvement dans vivant sur le milieu. Il est illo¬
quatre dimensions. L'art passe de gique de réserver le déterminisme La conception individualiste de
au monde
cher un sens,
physique
voire etunde but
cherˆ l'art, ainsi que celle de la science
la représentation
celle de l'élan créateur.
de l'inerte
« Lesà
jusque vers la fin du siècle der¬
idées sont les quanta de la durée l'évolution biologique. Si les bio¬ nier, a fait la grandeur de nos
intérieure. » (353). Les alternan¬ logistes sont maintenant d'accord cinq derniers siècles. Huyghe aper¬
pour admettre une apparence de çoit qu'elle a donné tous ses fruits
ces de
tion continuelles,
l'art, ses remises
traduisent
en socia¬
ques¬
finalité, une téléonomie, dit Mo-
nod (qui n'est d'ailleurs que le et que la convulsions.
dernières peinture s'épuise
Il lie
en de
ce
lement le dynamisme naturel.
Enfin, dans cet univers com¬ constat des régulations nécessai¬
désarroi aux réactions de panique
res), ils n'ont pas renoncé à un
plexe, René Huyghe confronte la de l'homme contemporain. Il s'en
vie et les fourmes. Elle est ouver¬ déterminisme relatif, analogue, prend au matérialisme bourgeois,
ture vers le possible et semble par exemple, à celui des phéno¬ qu'il voit s'épanouir dans le mar¬
donc un effort vers la liberté. Il mènes météorologiques. Si le fu¬ xisme, sans mesurer que ce der¬
tur n'est pas inscrit rigoureuse¬
en voit la naissance dans le fluide, nier
noncement
n'a cesséà de
unpréconiser
individualisme
le re¬
ment dans le passé, en raison du
apte au tourbillon. La spirale se
déploie dans le temps. L'organisme nombre et de la complexité des dont les dernières expressions ne
apparaît. C'est, très belle défi¬ facteurs, après coup on sait ce qui sont plus fécondes. Contre ce
nition, la solidarité dans le suc¬ s'est passé. De même la vie a été
valeurs
matérialisme,
traditionnelles,
il se replie
sur sur
la vie
les
cessif. (374). Ce principe d'organi¬ déterminée progressivement par
« ... le dévoiement de la civilisa¬ traditionnels contre la lumière ex¬ ble appuyée sur un rigoureux es¬
tion depuis le début du XIXe siè¬ plosant du conflit des Formes et prit scientifique.
cle réside dans le culte exclusif du des Forces. Cette réaction est se¬ Le dualisme bergsonien n'est
« fait » ; il implique qu'on n'admet condaire, n'occupe que quelques pour Huyghe qu'une assurance
comme réellement existant que ce pages du livre, et l'essentiel en contre les critiques que pourrait
qui se vérifie matériellement. Par reste, àvision
trante travers
unitaire
l'art, de
cette
l'homme
péné¬ faire à son livre si positif une
une sorte de suicide intellectuel, philosophie spiritualiste, qui se
qu'au surplus elle prenait pour un et de la nature. croit moderne parce qu'à la mode
progrès,limitée
s'est la civilisation
volontairement
occidentaleà Il voit clairement que la et qui voudrait conserver l'avan¬
connaissance doit être... appuyée
cette notion, qui ne comporte tage
la discussion
de positions
: cecommodes,
qui se senthors
et
sur les informations qu'elle peut
qu'un fragment du réel et exclut n'a pas à être prouvé. Au début
trouver dans les sciences. (32). Il
en particulier les « valeurs » et le
« qualitatif ». » (422). L'auteur ne «faut
les sciences
donc humaines
pas craindre
» soient
que du siècle, la
n'abordait la philosophie
biologie queclassique
du de¬
indique le temps, la durée inté¬ hors, n'ayant pas réalisé, cent ans
faussées par le souci de se calquer
rieure, comme inaccessible à la après Lamarck, que la nature du
sur les sciences physiques (34).
science, alors qu'elle n'est si gran¬ Tout au contraire, le livre le
de que de les avoir intégrés. Le voi¬ système denerveux
liaison la vie impliquait
et du temps.
la
montre, la connaissance, plus
là craignant « qu'on n'asservisse
large que la science, doit récuser, Hanté inaccessible
croit par Zénon àd'Elée,
la raison
Bergson
ïa
les bonheur
le élites à laauxmasse,
biensqu'on
de consom¬
réduise non le subjectif en tant qu'exis¬
tant, mais en tant que moyen. Le continuité du mouvement, dont le
mation. » (424). Mais il ne nous chronographe et le cinéma nais¬
succès de l'expérience ne doit pas
laissera pas sur ce pessimisme, et
faire oublier que, sans parler des santIlrendaient
te. va chercher
pourtant
dansdéjà
le subjec¬
comp¬
je goûte qu'il se reprenne et
structures logico - mathématiques
conclue : « Il faut que les valeurs tif le sentiment de la durée, qu'il
endogènes, les huit dixièmes de
ne
et soient
stérilespasdans
des étincelles
le secretfugaces
d'une nos sciences, mêmes physiques, croitconstruit
Il inanalysable
ainsi par
son l'intellect.
dualisme
ont l'observation pour base. Et
conscience individuelle ; il faut temps/ matière qui lui interdira la
qu'elles soient partagées et fécon¬ que ce qui est nécessairement
l'observation important, c'est sub¬
que
compréhension de la Relativité
des,
installent
donc qu'elles
dans sela manifestent
réalité com¬
et jective, devient objective par l'ac¬ (. Durée et Simultanéité ).
cord de tous sur son expression Cet appel à l'abstraction inté¬
mune. * Et : « De la matière
en un commun langage. C'est
brute au génie, de l'atome à Rem¬ rieure
finition me
du ferait
Tao : évoquer
De terre une
se font
dé¬
ainsi que ... au degré d'élargisse¬
brandt, tout se tient . » (430).
ment que doit représenter la les milieu
au pots ; réalise
mais l'effectualité
le non-existant
du
connaissance, il faut qu'à l'expé¬
*# *
rience de la réalité physique pot. (Lao-Tseu, trad. Ular.) Défi¬
s'ajoute celle de la réalité psychi¬
On se tromperait si l'on prenait que, et l'intelligence de leurs rap¬ nir
nu, letelle
visme vase
chinois.
est par
l'habileté
leLukacs
vide du
y apositi¬
conte¬
fait
mes critiques pour le refus de ce ports prendra alors la première
beau livre. Je crains que la né¬ place. (35). La philosophie n'est remarquer, à propos de Simone de
cessité de les exprimer n'ait cau¬ certes pasmais
réalité, le sens
uneà donner
attitude à de
la Beauvoir, que lorsque l'homme
sé dans mon compte rendu une supprime
avec ses semblables,
un à un touss'abstient
ses liens
de
disproportion entre le peu que je connaissance globale, nécessaire¬
repousse et le tout qu'il nous en¬ ment modeste, s'interdisant toute tout contact avec les réalités, il
seigne. Il semblerait que René métaphysique qui ne serait pas n'a pas à s'étonner de ne trouver
Huyghe ait été épouvanté par la une résultats
aux extrapolation
aussitôt
immédiate
réversibles
et en luiFaut-il
nisé. que ledire
vide
quequ'il
l'homme
a orga¬
se
Certes, si on le prive du langage, l'individu,
vivons et entre
nos' lemodestes
monde oùréalités
nous
lien primordial, il lui reste la du¬ se développait.
hasard
vers 1926,
que prônait
le Ce
peintre
n'est
une pas
Valensi,
peinture
par
rée intérieure. N'est-elle pas intérieures.
rythmée par les battements de Une citation, datant de 1915, « musicaliste ». Pour Hegel, la
notre cœur? Et ne perd-elle pas du peintre Klee, donne une clarté musique
dans la marche
précède vers
de peu
l'abstraction.
la poésie
ainsi individualité et subjectivité? supplémentaire : « Plus le monde
Ne devient-elle pas, au sens pro¬ devient horrifiant (comme main- L'enseignement capital de notre
pre du? mot, un savoir, de la
science nant) plus l'art devient abstrait ; époque n'est-il pas que l'abstrac¬
un monde en paix suscite un art tion
sance,nemais
mèneau néant
pas à? la connais¬
Ainsi se justifie ce monisme de réaliste. » (190). Cette vérité avait
la forme que Huyghe a su si bien été dégagée par Hegel, montrant, C'est parce que Huyghe a dé¬
dégager en polissant dans ses dé¬ dans son Esthétique, l'intériorisa¬ fini l'organisme comme la solida¬
tails l'analyse d'une unité sujet/ tion progressive de l'art, de l'ar¬ rité dans le successif, qu'il voit
objet aussi rigoureuse que celle chitecture à la poésie. Cette le mouvement, expression de l'or¬
la
que formation
Piaget a dégagé
de l'entendement.
de l'étude de intériorisation a absorbé progressi¬ ganisme, comme lié au temps, et
vement la peinture à partir de la pensée, régulateur de ce mou¬
Non ! l'esprit humain ne peut la première guerre mondiale, à vement, comme de nature dyna¬
mesure que les civilisations occi¬ mique. Le dualisme Formes et
accepter
ce et la connaissance,
de coupure entre
entrela lescien¬
lan¬
dentales perdaient confiance en Forces est, au niveau de l'homme,
gage et l'esprit, entre la société et elles-mêmes et que la sensibilité celui du repos et du mouvement.

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