Vous êtes sur la page 1sur 6

Accueil Charte Photos TV Archives Contact

ACCUEIL ACTUALITÉS DÉBATS MONDE DROITS DE L’HOMME HISTOIRE LIVRES

Édition du 1 April 2019

Accueil > Zoom Par Rédaction LQA -Mar 23, 2017

MONSIEUR REBRAB, EXPLIQUEZ-MOI !

Par Sid Lakhdar Boumediène

(Algérie Focus)

Lorsqu’un seul homme s’est enrichi de


l’équivalent d’un siècle de subsistance
d’une population entière, l’humaniste
est toujours choqué. Lorsque cette
fortune a été réalisée avec un régime
politique responsable des larmes et de
la misère de cette même population, le
démocrate est outré. Et lorsque cette
extorsion est présentée par son auteur
comme l’avenir et la chance du peuple
qui en reçoit les miettes, le citoyen est
tout simplement pris d’une nausée
profonde.

Monsieur Rebrab, laissons immédiatement de côté l’argument qui m’est toujours


opposé lorsque je prononce votre nom. La jalousie, c’est un sentiment que nous
avons suite à un dépit amoureux ou envers une personne qui possède ce que nous
désirons. Pour la première raison, le terme n’est certainement pas approprié vu le
dégoût qui est le mien envers les personnages enrichis par les dictatures
sanglantes et corrompues. Pour la seconde, notre vie entière a consisté à rêver une
possession dont vous n’imaginez même pas l’existence, soit le savoir et la
respectabilité intellectuelle.

Il y a quelques mois, j’avais répondu à l’appel de votre avocat suite aux déboires que
vous aviez eu avec le régime népotique qui vous avait pourtant grassement enrichi.
Celui-ci nous disait « A qui le tour ? » puisque vous nous mettiez en garde contre le
totalitarisme liberticide après la péripétie El Khabar. Je vous avais répondu dans un
article au titre suivant « A qui le tour ? A vous, monsieur Rebrab ! », signifiant que ce
sera, un jour ou l’autre, à vous de vous expliquer devant le peuple algérien. Un jour
ou l’autre…

Je suis toujours étonné lorsque les milliardaires se plaignent d’une dictature


militaire qui leur a permis de forger leur immense fortune. Il existe des milliers de
cas dans l’histoire qui ont connu la foudre des revers du diable lorsqu’ils ont pris le
risque de s’asseoir à sa table. Et d’ailleurs, ce même diable n’a pas semblé susciter
en vous plus de réactions que cela lorsque vous avez serré la main de Saïd
Bouteflika et qu’on ne vous a plus tellement entendu depuis sur ce sujet. Les
flammes de l’enfer n’ont pas d’odeur, autant que l’argent, vous l’avez bien compris.

Ma première question, monsieur Rebrab, sera double : Pourquoi ne vous êtes-vous


pas rendu compte du régime autoritaire et liberticide lorsque vous étiez occupé à
amasser des milliards avec sa bénédiction ? Et pourquoi ne sacrifiez-vous pas votre
fortune intégralement pour le combattre ?

Je ne vous connais pas, juste le temps de me retourner dans un exil lointain et voilà
que j’apprends la fortune colossale d’un citoyen algérien. Ce sont des activités
légales me dit-on, l’homme est entreprenant et perspicace, sa fortune a été faite
dans les règles de l’art dont il a magnifiquement joué. Tout est légal, circulez, il n’y a
rien à voir, le méchant est la dictature militaire.
Le montant supposé en milliards possédés me pose un gros souci de
compréhension et je vous demande votre aide pour y parvenir. Je n’ai peut-être pas
les compétences d’un entrepreneur milliardaire mais j’ai tout de même une capacité
de raisonnement intacte et, surtout, libre.

Comment un homme isolé dans un pays de loups financiers, de par sa seule


intelligence, a pu en arriver à ce point ? Moi, je suis assez naïf et incompétent mais
il m’avait semblé que pour la moindre affaire, le moindre milliard, le contrôle par la
puissance militaire et les corrompus civils était des plus féroces. A une époque où
l’Algérie ouvrait ses marchés à la libre concurrence et ne se risquait pas aux
aventures économiques solitaires, le résultat est assez étonnant.

Une grande majorité des milliardaires qui parviennent à la liste FORBES


s’empressent de nous raconter leur itinéraire et leurs premières aventures dans les
affaires. Qui va de son logiciel MS-Dos bricolé et refusé dans un premier temps par
les grands groupes informatiques qui ne croyaient pas dans l’ordinateur personnel.
Qui s’affaire dans un garage avec des copains pour bricoler le premier ordinateur
Mac et ainsi de suite.

Chacun y va de sa légende, nous serions intéressés de connaître la vôtre. Nous


attendons avec impatience vos mémoires instructives. Intervenir dans des
conférences de Business Schools à travers le monde, n’est-ce pas votre place pour
nous éclairer ? Tous les étudiants et experts ont soif de savoir quelle est cette
aventure fabuleuse qui mène du métier de comptable, dans un pays verrouillé par la
législation financière, jusqu’à celui de milliardaire.

Ceux qui étudient les sciences du management et de la finance ont hâte de


connaître l’extraordinaire épopée au pays des généraux. Les experts des réseaux
sociaux du monde entier, sociologues et économistes, souhaitent comprendre le
génial dispositif que vous avez mis en place. C’est effectivement remarquable dans
un pays où le plus commun des citoyens doit déployer un trésor d’ingéniosités et
mobiliser des dizaines d’intervenants pour obtenir un simple document
administratif.

La seconde question que je souhaite donc vous poser est tout simplement :
Expliquez-nous, monsieur Rebrab, avec détail et passion, l’histoire de vos premières
grosses transactions et de la constitution de vos réseaux ? Honnêtes et
républicains, bien entendu.

Dans la même intention de comprendre, j’avais lu et relu le code algérien des


marchés publics et celui de l’investissement, sans réponses à mes questions, sans
doute par ignorance. Je n’arrive pas à percevoir par quel mécanisme juridique on
peut posséder une telle fortune vu les textes et, surtout, se permettre des
investissements de cette ampleur à l’étranger.

Vous avez déjà été épinglé par l’affaire Panama Papers pour des fonds transférés
en comptes offshore. Or, à cette époque, vous n’en aviez aucun droit me semble-t-il
si je consulte la législation algérienne. C’est dire combien j’ai de gros doutes sur la
régularité de la provenance de ces fonds. Si on a le courage de transférer
illégalement de telles fortunes, l’esprit normal fait immédiatement le lien avec
l’origine tout autant illégale. Mais restons sur mon sentiment précédent, peut-être
avez-vous des raisons légitimes, j’attends vos explications.

Où se situent les sièges sociaux de vos affaires, quelle est votre résidence
personnelle officielle, dans quels pays sont vos comptes bancaires ? J’ai beau me
gratter la tête et réfléchir, je ne comprends pas cette extraordinaire montage
financier qui vous permet d’investir dans le monde. Les parties principales du Code
des marchés publics et celui de l’investissement ainsi que les textes donnant
monopole du change de devises à la Banque centrale, tout ou presque tout interdit
votre empire, sauf conditions draconiennes qui nous échappent. Nos petites études
financières, nos petites intelligences et nos petits esprits mesquins n’ont
certainement pas compris les dispositifs qui sont les vôtres.

Par conséquent, ma troisième question : Quel est le montage financier de vos


structures, l’origine des fonds de votre empire et les dispositifs légaux qui le
permettent ?

Monsieur Rebrab, jamais je n’avais été autant insulté que lors de la publication de
ma lettre à votre adresse. En première ligne ont été des berbérophones qui me
conseillaient d’aller chercher des poux sur la tête des autres milliardaires
corrompus et de laisser tranquille l’un des leurs qui aurait apporté bienfait, richesse
et emplois au pays.

Si je dis cela, c’est que vous avez utilisé l’argument de la victimisation régionale.
Laissez-moi vous dire que sur cette question, il va falloir me convaincre avec des
arguments autrement plus puissants que ceux utilisés par les personnes qui
m’insultent, courageusement couverts par l’anonymat d’un pseudo.

Lorsque cet avion nous avait ramenés vers Alger, en compagnie d’Ait-Ahmed, je
n’aurais jamais cru que j’en arriverai à constater un tel aveuglement de mes
compatriotes. Non berbérophone, j’ai milité toute ma vie pour la liberté et
l’épanouissement de cette magnifique région qui est la MIENNE puisque je suis né
dans cette terre algérienne. La Kabylie, vous l’avez trahie, autant que les autres et
cela ne donne certainement pas le droit à ceux qui se sont enrichis sur son dos à
me donner des leçons.

Les insultes qui vont suivre cet article couleront sur moi comme la pluie sur les
plumes d’un canard. Il en a toujours été ainsi avant mon engagement puis au sein
de l’exécutif national de ce parti en question. Il en sera toujours ainsi car mon
attachement est profond quant à la reconnaissance de toutes les libertés
culturelles et linguistiques comme à celles de tous les droits humains.

Lorsque nous parcourions la Kabylie, je n’ai pas eu souvenir de vous y voir. En


revanche, j’ai rencontré des milliers de gens extraordinaires, souriants alors que
beaucoup étaient dans une misère noire. J’ai vu des mamans rayonnantes, des
enfants beaux comme la venue d’un jour et des militants sincères. Pendant ce
temps-là, vous étiez occupé à faire des affaires avec le pire des régimes corrompus,
celui-là justement qui a enflammé cette région de ses doutes et de ses réticences
bien légitimes.

Votre argent, monsieur Rebrab, c’est celui d’une population algérienne meurtrie,
celui des retraités miséreux, des malades sans accès aux soins performants, des
femmes isolées avec enfant qui trouvent à peine de quoi survivre et des écoliers
dans un système éducatif délabré, dans ses murs comme dans ses messages
dramatiques de l’inculture et de l’obscurantisme.

Cet argent que vous croyez réinvestir avec générosité, c’est le leur. Pour ma part, je
vous regarderai toujours droit dans les yeux avec un mépris profond. Et si les
dollars amassés pouvaient se confier à nous, nous entendrions la complainte des
torturés, le cri de révolte des berbérophones, des femmes et de tous les démocrates
de ce pays.

Ma dernière question, monsieur Rebrab : Selon vous, qui, de vous ou de moi, citoyen
inconnu, peut regarder l’Algérie (et donc également la Kabylie), en face des yeux et
ne pas rougir de sa honte condamnable ?

Aujourd’hui, vous êtes embarqué dans le tourbillon mégalomaniaque de ceux qui


ont acquis une fortune considérable, rapidement et sans discernement intellectuel.
Vous voulez relier les Africains de l’Est à l’Ouest, vous envisagez des projets
pharaoniques en Amazonie, demain peut-être le pont pour parvenir sur la Lune ou la
construction de RebrabLand. Vous êtes entré dans le délire de ceux dont l’immense
fortune ne suffit jamais car ils souhaitent toujours, au final, la reconnaissance et la
dévotion des leurs. En ce qui me concerne, monsieur Rebrab, vous n’y parviendrez
pas.

Vous pouvez acheter tous les journaux d’Algérie en vous prenant pour Citizen Kane
ou vous présenter à la présidence de la République, il n’y a qu’une chose qui soit
interdit à votre argent, l’achat d’une conscience !
…………………………………………………….SID LAKHDAR Boumédiene

Nombre de lectures : 13385


PARTAGER CET ARTICLE

46 Commentaires sur cet article

LAISSER UN COMMENTAIRE
NOM * Email * Website

POSTER UN COMMENTAIRE

Vous aimerez peut-être aussi