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La biodiversité en ville

Parler de nature en ville peut sembler provocant. Les êtres vivants sont pourtant très présents, même dans les
villes les plus importantes. Si une grande partie des végétaux, mais pas tous, ont été importés par les humains, il
n’en est pas de même des animaux. Ces derniers se sont en général installés spontanément. La richesse de la
biodiversité urbaine est parfois très grande et souvent inattendue. Ainsi, autour du clocher de la cathédrale de
Séville, on peut voir voler des faucons crécerellettes ! Cette biodiversité nous apprend beaucoup sur les capacités
d’adaptations comportementales de nombreux animaux. La colonisation des villes par les oiseaux n’a été
possible que grâce à cette qualité. Cela dit, on ne sait pas grand chose sur les conditions des peuplements de nos
villes, même si l’on dit que l’arrivée du merle y a été tardive (au XVIe siècle).

La biodiversité à Paris 
http://labiodiversite.free.fr/biodiversite_paris/accueil_paris.php
On estime actuellement la flore parisienne à plus de 1200 espèces de plantes
« sauvages », au sens où leur croissance et leur multiplication ne sont pas soumises à
l'intervention humaines. Parmi elles, quatre types d'espèces sont à distinguer :
- Les espèces indigènes de la région Ile-de-France
- Les espèces naturalisées (des espèces introduites depuis longtemps qui ont su
s'adapter au milieu naturel)
- Les espèces introduites récemment
- Les espèces introduites de manière accidentelle (donnant lieu souvent à des
phénomènes d'invasion).

Cette biodiversité est généralement méconnue ou sous-estimée par le grand public. Qui penserait par
exemple qu'il est possible de trouver des orchidées sauvages dans Paris intra-muros ?
En ce qui concerne les espèces exotiques, de très nombreuses espèces sont arrivées sur Paris, puis se
sont ensuite servies de Paris pour coloniser l’ensemble de l’Ile-de-France et même parfois la France,
comme pour les animaux. Le buddleia (ou « arbre aux papillons ») est une plante exotique très bien
acclimatée au biotope parisien où il colonise toute nouvelle friche, au point de devenir parfois une
espèce envahissante (par exemple en 2003 sur toutes les friches de la zone Tolbiac).
Les parcs et jardins sont des milieux intermédiaires (entre les milieux artificiels (pavé,mur,...) et les
milieux naturels (les bois,..)), qui présentent des groupements végétaux naturels mais dégradés.

D'autres espaces contribuent également à la biodiversité végétale de la ville : les interstices entre les
pavés, les toitures et façades d'immeubles, les friches et terrains vagues, les berges et points d'eau.
(http://labiodiversite.free.fr/biodiversite_paris/cachee.php)

Paris est la capitale la plus dense d'Europe en population et la part des espaces verts est des plus
réduites. En effet, on ne compte dans la ville intra-muros que 5,8 m2 d'espace vert par habitant ou 14,5
m2 en comptant les deux bois de Boulogne et de Vincennes, contre 36 m2 à Amsterdam, 45 m2 à
Londres, 59 m2 à Bruxelles ou encore 321 m2 à Rome.
La municipalité a introduit la notion de « coefficient de biotope » dans son plan d'urbanisme afin
d'imposer aux promoteurs immobiliers de végétaliser une surface minimale attenante à toute
construction.

1290 espèces animales ont été recensées à Paris. Entre la Seine, le cimetière du Père-Lachaise, le
territoire de la Petite Ceinture, les bois de Boulogne et de Vincennes, Paris possède de nombreux lieux
favorables à l’accueil et à la survie des animaux.
Entre quinze et vingt espèces de poissons sont présentes dans la Seine, parmi lesquelles les plus
courantes sont le Gardon, la Brème commune, la Perche, le Rotengle, et l’Ablette. Quelques espèces de
prédateurs, comme le Brochet, dont certains individus atteignent un mètre, ou le Silure glane qui est
de plus en plus fréquent dans Paris, peuplent la Seine. L’Anguille est aussi couramment observée. Le
seul reptile peuplant les berges de la Seine est le Lézard des murailles.
La Seine attire de nombreux oiseaux. Les oiseaux hivernants comme la Mouette rieuse et le Grand
Cormoran sont communs ; les oiseaux nicheurs comme le Goéland argenté et le Goéland leucophée
construisent depuis peu leurs nids sur les grands bâtiments du bord de Seine, et le Canard colvert
niche dans les parcs, et en particulier au Jardin des Plantes. Les oiseaux de passage comme le
Chevalier guignette, la Bergeronnette des ruisseaux sont souvent observés, et quelquefois le Héron
cendré. Anecdote amusante est qu’il a pu également être observé dans la cour aux Ernest de l’École
Normale Supérieur, en train de pêcher les poissons introduits dans la fontaine. Le Martin-pêcheur
vient à nouveau pêcher dans la seine, preuve de l’abondance et de la diversité des poissons de la
seine. Quelques crustacés peuplent la Seine, dont les plus célèbres sont la Crevette caridine et
l’Écrevisse rouge américaine, ainsi que quelques mollusques.
Le Rat surmulot est le seul mammifère observable sur les bords de Seine.

Avec ses quarante-quatre hectares, le cimetière du Père-Lachaise est le plus grand espace vert de
Paris intra-muros. Il joue un rôle de premier plan dans la biodiversité parisienne. La biodiversité
animale y est importante car les milieux sont variés (plantation d’arbres, gazons, allées et chemins,
routes pavées, murs, tombes, jardinières).
De nombreuses espèces animales peuplent la Petite Ceinture (voie SNCF désaffectée), dont quelques
mammifères comme le Hérisson d’Europe, et la Pipistrelle commune dont la plus grande colonie
d’hivernage se situe dans l’un des tunnels de la Petite Ceinture. La Fouine vient y chasser, mais le
prédateur le plus abondent dans cet espace est le Chat. Vingt-cinq espèces d’oiseaux y ont été
recensées.

La Trame verte et bleue en ville


*** Trame verte, trame bleue. Les continuités de la vie, colloque international,
Muséum National d’Histoire Naturelle, 28 et 29 avril 2009
En 2009, 8 % du territoire français est situé en zone urbaine, et cette part, déjà considérable, augmente. Ces
territoires restent en général des milieux opaques pour le déplacement des espèces, alors que la logique urbaine
est la principale cause de fragmentation, ce d’autant plus que les zones urbaines sont, en Europe, fortement
imbriquées aux espaces ruraux. Le rétablissement des continuités urbaines participe à la TVB, car la biodiversité
ordinaire, voire extraordinaire, est déjà présente en ville. Elle fait donc partie des zones où se trouvent des
marges de progression importantes.
C’est notamment le cas de zones de densité moyenne, telles que les Hauts-de-Seine, où 45 % de surface est
végétalisée. L’inventaire réalisé pour le Conseil Général des Hauts-de-Seine avec le Muséum et le Conservatoire
national botanique du bassin parisien a ainsi révélé que 670 espèces de végétaux supérieurs sont présentes dans
le département. Cette diversité connaît une forte érosion, puisque 30 % de ces espèces ont disparu par rapport
aux données historiques disponibles.
[…]
Les frontières entre la biodiversité sauvage et domestique sont floues en ville. Ainsi, le chat y est un prédateur
très important, limitant les populations d’oiseaux et de reptiles.
[…]
La nécessité de maîtriser les espèces invasives et exotiques remet en cause un certain nombre de pratiques
paysagistes. Ces pratiques devront évoluer afin de prendre en compte et de favoriser la biodiversité spontanée et
de se fonder sur les dynamiques végétales existantes. Cela s’oppose à des tendances bien ancrées dans la
profession (thèses popularisées par Gilles Clément, par exemple) et devra conduire, à terme, à revoir
l’enseignement prodigué dans les écoles du paysage. Sur le terrain, des initiatives ont été prises en France à
l’occasion de développement de TVB. Des écologues interviennent ponctuellement dans les cursus et des
expériences menées aux Etats-Unis montrent qu’il est possible d’agir auprès des gestionnaires afin de cesser de
planter les espèces invasives, mais l’essentiel de l’effort reste à produire.
[…]
Les fonctions de la biodiversité en milieu urbain sont multiples. Il apparaît que les villes bien végétalisées
améliorent la régulation de la température et le bilan écologique et économique de la lutte contre
d’imperméabilisation des sols est, lui, très favorable (voir encadré). Il n’est en revanche pas encore prouvé avec
certitude que des villes ouvertes à la biodiversité soient plus efficaces en termes de fixation des particules
aériennes et de stockage du CO2, même si un certain nombre d’initiatives (compostage des déchets verts, etc.)
améliorent sans aucun doute le bilan carbone.
En outre, dans la perspective de la dynamique des systèmes, la capacité de résilience dépend largement de la
quantité d’information génétique portée par la biodiversité. La transparence de la ville à la biodiversité sera donc
un facteur positif pour son adaptation au changement climatique et à la fréquence de plus en plus grande
d’événements climatiques extrêmes, notamment hydrologiques.
[…]
En tout état de cause, les facteurs biotiques, abiotiques et culturels doivent impérativement être combinés pour
favoriser la biodiversité, la durabilité et l’évolution des écosystèmes. Or, en milieu urbain, les facteurs culturels
sont limitants : l’acceptation et de soutien de la population (y compris pour des raisons économiques) est donc
déterminant pour la réussite des projets.
[…]
Les espaces de biodiversité en ville cumulent donc les fonctions d’espace de circulation
des espèces et des habitants, de production de services écologiques, de resserrement du
lien social et d’éducation à l’environnement. Il reste cependant à déterminer quelles sont, notamment
en termes de densité urbaine, les limites à cette nécessaire multifonctionnalité.
[…]
La gestion des eaux pluviales est le meilleur exemple de la combinaison des fonctions biologiques,
sanitaires, sociales et économiques, voire sécuritaires, de la biodiversité urbaine. […]
Ces politiques permettent de diminuer les coûts d’assainissement des eaux usées en
évitant le ruissellement des eaux de pluie dans les réseaux de collecte, donc de maîtriser
le dimensionnement des collecteurs et stations d’épuration et de façon générale, les
investissements lourds. Les eaux collectées par les réseaux verts sont filtrées et en partie
épurées par des processus biologiques. Les retours sur investissement sont donc très
rapides. Les avantages pédagogiques, notamment en direction des élus, sont notables.
[…]
Des infrastructures existantes, voire anciennes et délaissées, sont très souvent des refuges importants ou
potentiels pour la biodiversité : cela concerne notamment les emprises ferroviaires et les berges des voies
navigables.
[…]
L’ancienne petite ceinture, déferrée d’Auteuil à La Muette (16e arrondissement), a été transformée en sentier
nature ouvert au public. Espace a piloté le projet et en assure l’entretien en gestion différenciée. Malgré un
contexte foncier, administratif et politique complexe, l’association intervient également sur des portions non
déclassées. Des chantiers d’insertion en assurent le nettoyage, et des visites naturalistes y sont encadrées. Cette
action a une forte valeur expérimentale dans la perspective d’une future remise en service, qui permettrait
d’améliorer la logistique urbaine.
Malheureusement, alors que les talus ferroviaires bénéficient en Suisse et en Belgique
d’une gestion écologique spécifique et paysagère n’employant aucun produit
phytosanitaire et employant des méthodes défavorisant les invasifs, RFF, la SNCF et VNF
maintiennent globalement une gestion anti-écologique de ces espaces, qui favorise les
espèces envahissantes (robiniers, bugléias, etc.).
Ces entreprises publiques continuent à employer des quantités considérables d’herbicides et doivent donc
réorienter totalement leurs pratiques. De plus, VNF et RFF cherchent à se désengager des emprises, ce qui ne
favorise pas, a priori, la maîtrise de leur gestion. La délégation de cette gestion, voire la revente des emprises
aux collectivités devrait à tout le moins s’assurer de la mise en place d’une politique cohérente de gestion
écologique.

Trame bleue
*** Trame verte, trame bleue. Les continuités de la vie, colloque international,
Muséum National d’Histoire Naturelle, 28 et 29 avril 2009
La trame bleue a vocation à rassembler des milieux aquatiques et humides qui assurent
des fonctions écologiques aussi essentielles que la filtration et l’épuration des eaux ou
l’apport de sédiments. Ces milieux forment des réseaux très complexes comportant de
nombreuses espèces végétales et animales. Cours d’eau, plans d’eau et milieux humides
sont en grande partie complémentaires et interdépendants du fait, notamment, des
phénomènes des crues qui les mettent régulièrement en relation et qui déplacent les
espèces aquatiques, semi-aquatiques ou vivant dans les milieux proches.
Même si des problèmes importants perdurent, la qualité physico-chimique des eaux de surface s’est nettement
améliorée au cours des dernières décennies. Ainsi en Ile-de-France, 50 % des cours d’eau sont jugés en bon état.
Le retour avéré du saumon à Paris en témoigne, même celui-ci ne peut actuellement remonter le cours de la
Seine au-delà du barrage de Suresnes.
La restauration des continuités linéaires à laquelle s’est longtemps résumé le travail de
défense de la trame bleue (arasement de barrages, installations de passes et de buses,
suppressions d’ouvrages) doit donc être poursuivie et améliorée, notamment pour
sauvegarder les continuités nécessaires aux poissons migrateurs tels que saumons et
anguilles.

Comme le montrent les découvertes récentes sur les mouvements internes aux rivières
d’une partie des jeunes saumons, la connaissance des espèces propres aux milieux
aquatiques et humides est indispensable à la conception des modalités selon lesquelles
les corridors doivent être conçus, afin de permettre aux espèces de rencontrer
l’ensemble des milieux nécessaires aux différents cycles de vie.

Du fait qu’elle est située au dernier maillon de la chaîne trophique, la loutre est un excellent indicateur
de la qualité des environnements aquatiques et humides, puisque ses proies sont infectées de substances
multiples (insecticides, pesticides, herbicides, PCB, métaux lourds, etc.). Les concentrations relevées dans ses
tissus croissent en fonction de l’âge et de la distance à la tête de bassin.

La planification de la trame bleue ne peut être distinguée de celle des autres trames et la
recherche scientifique doit, plus que jamais, être mobilisée sur la capacité de dispersion
et sur l’adaptabilité des espèces.

La production hydroélectrique demeure, avec l’impératif de navigabilité, l’une des causes principales du
morcellement des parcours au sein des réseaux hydrologiques, tout comme la prévention et la lutte contre les
inondations et les goûts esthétiques des citadins, qui réclament le maintien à niveau des cours d’eau en période
d’étiage. Les associations de défense du patrimoine s’opposent très souvent aux interventions qui impliqueraient
disparitions de plans d’eaux ou opérations de végétalisation,

DAJOZ Roger, La Biodiversité. L’avenir de la planète et de l’homme, Ellipses, 2008


pp.142-143
L'urbanisation devient un phénomène de grande importance sociologique, mais aussi
écologique. On estime que, dans les 30 prochaines années, les deux tiers de la
population mondiale vivront dans les villes. Le rôle des cités gigantesques dans la
propagation des maladies humaines est bien connu. Les communautés animales
présentes dans les villes sont devenues homogènes sur toute la planète avec des
espèces invasives comme les rats et les souris. Les Corvidés, les pigeons et les
étourneaux se multiplient et ravagent les cultures. Ils sont aussi la source de beaucoup
de nuisances en ville : bruit, souillures, transport de pathologies virales comme la rage,
bactériennes, parasitaires comme les toxoplasmoses, ou fongiques. Dans les villes les
dortoirs d'étourneaux et les colonies de goélands rendent ces oiseaux insupportables.
Ces oiseaux qui vivent au contact de l'homme sont devenus dangereux au voisinage des
aéroports.

PELLÉ Géraldine, Sauvages en ville


« De façon générale, on peut dire que les scientifiques contemporains recherchent la
naturalité exemplaire dans l’environnement lointain, le désert, les îles et la forêt
équatoriale, mais étudient rarement la nature en Europe et encore moins souvent la
nature en milieu urbain. »1

PELLÉ Géraldine, Sauvages en ville, Master 2 Recherche Environnement et Paysage,


Université Toulouse II, UFR Géographie et aménagement, 2008

1
AGGERI Gaëlle, La nature sauvage et champêtre dans les villes, origine et
construction de la gestion différenciée des espaces verts publics et urbains. Le
cas de la ville de Montpellier, mémoire de thèse spécialité « Sciences de
l’environnement », Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et Forêts (ENGREF),
juin 2004
Il est des territoires urbains où la friche culturelle, terreau de la sauvagerie, tranche
nettement avec la soit disante urbanité des villes, mais aussi, à une échelle plus fine, une
forme végétale de la sauvagerie, celle d’espèces qui échappent au contrôle de l’homme,
poussent de-ci de-là au hasard d’interstices de ruelles et de façades en béton, des
trottoirs, graviers, pieds de murs, friches, plates-bandes, terrains vagues, pavés, voies
ferrées, un peu comme une altération qui n’est pas à la clé.
La ville occidentale s’impose comme terrain d’étude : ce sont ses élites qui ont dessiné
les contours de la nature sauvage, décidant de ce qui est beau et de ce qui est laid.
Capitaliste, technicienne, porteuse de civilisation, la ville occidentale s’est rendue
maîtresse d’une nature arraisonnée .
[…]
Le végétal sauvage est aujourd’hui recréé, assimilé, surveillé et utilisé pour
construire la ville durable : la biodiversité n’est pas l’apanage des grandes étendues des
forêts tropicales, elle est à notre porte, dans nos rues. Paris compte plus de 1200
espèces de plantes sauvages (indigènes, naturalisées ou échappées des cultures) et
vingt-huit espèces protégées2. Les années 1990 sont contemporaines en Europe de
nombreuses publications sur la flore urbaine et d’inventaires des espèces sauvages en
leur sein… le sauvage autrefois traqué devient patrimoine. C’est le signe d’un
changement de rapport au milieu urbain, cependant inégal : les différenciations spatiales
dans le traitement du végétal sauvage en ville constituent le cœur du sujet, tant à
l’échelle nationale (Toulouse par rapport aux autres villes françaises), qu’à l’échelle infra-
urbaine de Toulouse. Alors que l’I.F.L.A. 3 assimile les friches industrielles à un paysage en
danger, la ville de Barcelone recrée des espaces de garrigue et de friche portuaire en
plein centre-ville, tandis que celle de Strasbourg utilise les mauvaises herbes pour garnir
les voies de tramway. De plus en plus, on récupère des terrains vagues, on utilise
certaines plantes qui se nourrissent de substances chimiques pour la dépollution des sites
industriels, on habille le sauvage d’un attrait esthétique. Le domestique accueille le
sauvage : il est désormais en liberté surveillée, et l’accident… maîtrisé.
[…]
Du sauvage rejeté au sauvage – outil (de biodiversité) et au sauvage – patrimoine
[…]
Les plantes dites « sauvages », aussi nommées herbes folles, mauvaises herbes,
plantes adventices, sont celles qui se développent spontanément dans un endroit non
désiré : la plante est qualifiée d’« adventice » lorsqu’elle est d’origine étrangère au milieu
dans lequel elle se trouve et qu’elle peut disparaître d’une année sur l’autre, mais aussi
d’« envahissante » lorsqu’elle a adopté un comportement envahissant dans sa région
d’adoption, menaçant ainsi gravement la flore indigène et les écosystèmes,
d’« indigène » lorsqu’elle est originaire de la région considérée, « naturalisée » lorsqu’elle
s’est adaptée au point d’avoir trouvé sa place dans les écosystèmes indigènes et de s’y
développer naturellement, « rudérale » lorsqu’elle croît dans les friches, décombres et
terrains vagues, ou encore « spontanée » lorsqu’il s’agit d’une espèce d’origine étrangère
échappée de culture qui se comporte comme une plante indigène.
La présence du végétal sauvage en milieu urbain est un processus biologique
ordinaire qui n’a en soi aucune raison de faire peur : pourtant l’imaginaire collectif
occidental lui attribue des connotations négatives… sans doute en référence à une image
idéale de la nature que véhiculent les parcs et jardins parfaitement entretenus : l’analyse
de la construction de cette nature idéalisée par les citadins est une prémisse
indispensable dans le cadre d’une thèse qui interroge la relativité des représentations du
végétal sauvage ; on ne peut saisir les enjeux actuels liés au développement durable
sans faire l’archéologie de la scission occidentale entre le naturel et le sauvage.
[…]
Paul Jovet est le premier botaniste à avoir osé appliquer les principes de l’écologie
végétale au milieu urbain :
2
D’après les données de la Charte sur la biodiversité
3
International Federation of Landscape Architects
« Comme l’idée d’herboriser en plein Paris, l’idée
d’appliquer à la végétation d’un milieu urbain les
concepts de l’écologie végétale peut sembler insolite :
à priori, ceux-ci semblent plus à leur place dans les
collines et les montagnes méditerranéennes ou dans
les grandes plaines d’Amérique du Nord que dans les
rues et les places d’une grande ville. » 4

[…]
Actuellement, plusieurs chercheurs étudient la faune et la flore sauvage urbaines.
On peut citer à cet égard l’équipe de recherche de l’INRA dirigée par Philippe Clergeau,
spécialisée dans la faune sauvage des villes : son travail porte sur la définition d’une
biodiversité urbaine à partir des exemples des parcs urbains de l’Ouest de la France
(inventaires des types d’animaux rencontrés et enquêtes auprès des usagers des parcs) 5.
Autre exemple à Berlin, Herbert Sukopp a étudié les échanges de faune et de flore entre
la ville et sa nature périphérique, donnant lieu à une délimitation des corridors
écologiques à privilégier dans la mise en œuvre des schémas directeurs urbanistiques de
Berlin6.
[…]
l’inventaire de la flore parisienne publié en avril 2008 étant le premier en Europe à avoir
été réalisé de façon scientifique 
[…]
Le débat actuel sur la place à laisser au végétal sauvage en ville est concomitant de celui
sur la ville durable (éco-villes, éco-quartiers, label HQE, recours à la végétalisation des
murs et des toitures)
[…]
une mauvaise herbe de façade peut se retrouver là par hasard, avoir échappé au contrôle
des services de l’entretien de la ville, mais sa présence peut aussi résulter d’un choix
conscient, comme c’est le cas par exemple dans la ville de Lausanne où des associations
militent pour laisser pousser librement les plantes sauvages.
[…]
« Les friches ont toujours existé. L'histoire les
dénonce comme une perte du pouvoir de l'homme sur
la nature. Et si l'on jetait sur elles un regard
différent? Ne seraient-elles pas les pages neuves dont
nous avons besoin? Dans les pays les plus reculés et
parfois les plus pauvres, ce que l'on vous montre
d'abord est le dernier building : il s'agit d'une
conquête. Dans un pays comme la France,
lorsqu'une commune possède des friches, le
maire s'alarme : il a honte. Ces deux
comportements vont dans le même sens. Un recul du
pouvoir lisible de l'homme est considéré comme une
grave défaite. On comprend pourquoi cette démarche
de la pensée a conduit à une extrême formalisation
des modes de créations : il n'y avait pas d'autres
moyens d'exprimer une suprématie et de la donner à
lire. » 7

4
Jean-Marc Drouin, op. cit., p.76.
5
Philippe Clergeau (dir.), Biodiversité en milieu urbain, quelle faune sauvage dans les espaces verts ?,
Ministère de l’Aménagement du territoire et de l’environnement, avril 2000.
6
Herbert Sukopp, On the history of plant geography and plant ecology in Berlin, Englera, 1987.
7
Gilles Clément, Le Jardin en mouvement, Pandora, Paris, 1991, p.11.
Les friches urbaines constituent la manifestation la plus visible de la nature
sauvage en ville, celle qui saute aux yeux.
« Le fait que l'I.F.L.A. assimile les friches
8

industrielles à un paysage en danger est très


révélateur. Il revient à dénoncer la reconquête d'un
sol par la nature comme une dégradation » . 9

Interstices de ruelles, murs, trottoirs…

Lieux de passage : voies ferrées, routes…

Parcs et Jardins
[…]
Les végétaux sauvages que l’on rencontre en ville ne sont pas seulement ceux qui
échappent au contrôle, ils peuvent aussi être délibérément inscrits dans les paysages
urbains à travers les politiques du paysage par exemple : la question d’identification des
structures qui dessinent les paysages urbains, des acteurs des nouvelles catégories et
places des plantes sauvages en ville est centrale.

On doit donc considérer deux dimensions :


 Quelles sont les raisons qui poussent différents acteurs (Etat,
associations, etc.) à contribuer à changer le regard que les citadins
portent sur la nature sauvage en ville ? Pourquoi agissent-ils ?
 Quelles sont les modalités de ces actions (ressorts, outils médiatiques,
etc.) ? Tous les publics sont-ils visés de la même manière ?
[…]
Le monde change et avec lui les hommes qui le regardent :

- Les politiques du paysage influencent le regard des citadins.


- Le végétal sauvage devient un patrimoine naturel dans le cadre de la ville
durable.
- L’analyse des structures invite aussi à se demander si le végétal sauvage
n’est pas aujourd’hui devenu une ressource : celle-ci n’est que richesse
potentielle ; elle n’existe que perçue, en référence à une valeur d’usage,
il faut qu’elle soit socialisée. Le terme est « l’un des plus ambigus de la
géographie, car une ressource est toujours relative : elle n’existe comme
ressource que si elle est connue, révélée, et si l’on est en mesure de
l’exploiter ; sinon, ce n’est pas encore une ressource, et l’on découvre
régulièrement de nouvelles ressources. »10.
[…]

Préservation du sauvage et biodiversité : un nouveau paramètre d’action


La vogue actuelle d’un intérêt croissant pour la nature en ville, et, selon les lieux,
pour la flore triviale, vagabonde, correspond à une inquiétude contemporaine du débat
8
International Federation of Landscape Architects
9
Gilles Clément, Le Jardin en mouvement, éditions Pandora, Paris, 1996, p.12.
10
Les Mots de la géographie, dictionnaire critique, Reclus – La Documentation française, Paris, 1993, 2 nd
édition, p.433.
sur le développement durable et l’enjeu du maintien d’une biodiversité en ville : la
réalisation d’inventaires est préconisée par des instances officielles, signe d’un
changement de rapport au végétal sauvage en ville, impulsé en amont : dire c’est faire,
changer les représentations.
Une mode européenne : les récents inventaires de flore urbaine
Ces dernières années sont contemporaines d’un changement notable, d’une prise
de conscience de la biodiversité urbaine ; en témoignent les récents inventaires réalisés
par certaines villes européennes de leur flore urbaine : ainsi la flore de la région
d’Amsterdam incluant la ville et ses faubourgs, publiée en 1998, dévoile l’existence d’un
nombre important d’espèces menacées, faisant partie des listes rouges, dans la zone
urbaine. Beaucoup d’inventaires ont été réalisés en Suisse : Fribourg, Zurich, Lucerne,
Bâle et Lausanne ; ces ouvrages rencontrent un intérêt croissant auprès des citadins en
quête de nature.

Le dossier de presse de la Charte sur la biodiversité régionale dévoile de


nombreuses surprises : Paris compte plus de 1200 espèces de plantes sauvages
(indigènes, naturalisées ou échappées des cultures). L’inventaire des deux bois de
Paris nous apprend l’existence d’orchidées sauvages (orphys abeille, listère à feuilles
ovales, orchis bouc, épipactis à larges feuilles) par exemple. On découvre aussi une flore
typique des berges de la Seine : chanvre d’eau, carex et joncs, salicaire, hépatique des
fontaines, fougères, aristoloche. On repère aussi en ville des espèces protégées, telles la
cuscute d’Europe sur les berges du bois de Boulogne11 :
« Parmi les 761 espèces de plantes à fleurs et de
fougères recensées depuis 1980, on trouve des
espèces remarquables dont certaines possèdent une
forte valeur patrimoniale :
- 10 espèces protégées en Ile-de-France ;
- 15 espèces déterminantes ZNIEFF dont la présence
peut, en Ile-de-France, justifier de l’inscription d’une
zone dans la liste régionale des Zones Naturelles
d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique
(ZNIEFF) ; les espèces protégées en font aussi
partie ;
- 7 espèces d’orchidées ;
- 16 espèces de fougères dont trois sont protégées. » 12

 Tableau des espèces végétales sauvages


à Paris
La charte sur la biodiversité fait le bilan du nombre d’espèces végétales sauvages
à Paris depuis 198013 :

Embranchement Nombre Nombre d’espèces Nombre


d’espèces protégées en Ile- d’espèces
recensées à de-France présentes en
Paris France
Algues 1 aquatique 4 500 estimées
1 terrestre

11
Ibidem.
12
Signature de la Charte régionale de la biodiversité et des milieux naturels, op.cit., p.3.
13
Charte Biodiv, p.7.
Mousses et Hépatiques 8 2 000 estimées
Lichens 43 3 000 estimées
Champignons > 400 7 500 estimées
Fougères 16 3 116
Plantes à fleurs (indigènes, 745 7 > 6 000
naturalisées et
subspontanées)
Total > 1 214 10

L’inventaire de la flore à Paris laisse apparaître d’autres surprises 14 :

Sites étudiés Premiers inventaires Nombre


Paris-Nature d’espèces
relevées
Voies de chemin de fer désaffectées 1995 463
de la Petite Ceinture de Paris
Quais de Seine et des canaux dans 1995 265
Paris intra-muros
Quais de Seine et des canaux dans 1995 362
Paris intra-muros et berges du Bois
de Boulogne
Bois de Vincennes 1986 581
Bois de Boulogne 1986 589
Parc du Millénaire 2001 138
Cimetière du Père-Lachaise 1995 310
Jardin Sauvage Saint-Vincent (18e) 1985 156
Jardin Naturel (20e) 1994 428

Exemple de l’inventaire unique de la flore parisienne

 Méthodes et résultats de l’inventaire


Le Muséum national d’histoire naturelle vient de dresser un inventaire de la faune
et de la flore parisiennes, à la demande de l’Apur 15, l’agence d’urbanisme de la Ville de
Paris. L’inventaire a été réalisé par Olivier Escuder et Sébastien Lesné. Désormais on
s’intéresse aux angles des façades, aux trottoirs, aux interstices de ruelles, etc., on
découvre des plantes inattendues tels le paturin annuel, le laiteron des champs, le
mouron des oiseaux… Selon le botaniste Sébastien Filoche, du Muséum, « ces plantes
sont typiquement urbaines. Elles supportent bien le remue-mémage du Kärcher et elles
apprécient les phosphates et le nitrates apportés en abondance par les ordures, les pipis
de chien, les gaz, car elles ont évolué dans des sols riches et sarclés des maraîchers,
autrefois nombreux dans le Bassin Parisien. »16 841 espèces de fougères et plantes à
fleurs ont été recensées. Il s’agit du premier état des lieux de la flore (et de la
faune) jamais réalisé dans une capitale européenne : Atlas de la nature à Paris.

 Objectifs de l’inventaire selon Jacques


Moret
C’est Jacques Moret, directeur du Conservatoire botanique national du Bassin
Parisien au Muséum national, qui a piloté ce projet, dont l’objectif est selon lui avant tout
pédagogique : « Il faut faire passer le message : la biodiversité n’est pas

14
Ibidem.
15
Atelier parisien d’urbanisme
16
Corinne Bensimon, « Les sauvages sont dans la ville » dans Libération, 28 octobre 2006.
seulement sous les tropiques, elle est à notre porte »17, mais aussi scientifique :
« Ce bilan, conjugué avec ceux menés dans plusieurs départements de l’Ile-de-France,
va nous permettre de suivre l’évolution de la biodiversité régionale »18 ; il précise que
« cet inventaire d’une capitale est le premier mené de façon scientifique. » On peut
regretter toutefois que cet inventaire ait laissé de côté les sous-sols, les micro-
organismes et les lichens. Espèces rares autant que possible quantifiées, tq la capillaire.
Paris abrite 28 espèces protégées de plantes !

 Un inventaire qui bouscule les idées


reçues : Paris accueille une forte
biodiversité
« La biodiversité fait souvent référence aux
milieux dits « naturels » et peu perturbés par
l’homme. Elle est pourtant présente dans les
espaces où l’action de l’homme est
prépondérante, en milieu urbain, et tout
particulièrement à Paris. Les habitants ne
soupçonnent pas cette richesse. Ils se
représentent souvent une ville bétonnée, dénuée
de nature, où rien ne pousse, où les plantes et
les animaux n’ont pas leur place. Le milieu
urbain recèle en lui-même un vrai potentiel de
biodiversité et constitue un véritable écosystème
avec un fonctionnement complexe, sa flore et sa
faune, ses arrivées et ses disparitions, son évolution
au cours du temps. Protéger et développer la
biodiversité à Paris présente plusieurs intérêts :
écologique, paysager, social, pédagogique… » 19

Cet inventaire est sans précédent ; sa réalisation témoigne d’un changement fort,
d’autant plus que les inventaires de la flore urbaine sont le parent pauvre des études sur
la biodiversité urbaine.

D’après les données de l’association BiodiverCités de Lausanne, le milieu urbain


présenterait un certain endémisme des espèces :
« Les études menées ces vingt dernières années sur
la biodiversité en ville ont mis en évidence une forte
richesse, et donc un potentiel à maintenir et
préserver. De nombreuses espèces végétales trouvent
des habitats et biotopes de substitution en milieu
urbain. A Fribourg, la ville abrite - sur 10km²-
721 espèces de plantes dont un quart se trouve
sur la « Liste rouge des espèces menacées de
Suisse ». »

17
Corinne Bensimon, « Les sauvages sont dans la ville » dans Libération, 28 octobre 2006.
18
Corinne Bensimon, « Les sauvages sont dans la ville » dans Libération, 28 octobre 2006.
19
Signature de la Charte régionale de la biodiversité et des milieux naturels , 18 mars 2004, dossier de presse,
p.2.
 Interview Jacques Moret à propos de la
réalisation de l’Atlas de la nature à Paris
Interview de Jacques Moret :
« Est-ce que les espaces verts favorisent la
biodiversité ?
Tout dépend de quels espaces verts. Si ce sont des
pelouses coupées raz, non! Par contre si ce sont des
espaces gérés écologiquement, c'est-à-dire par
exemple des espaces où les coupes sont tardives pour
favoriser la production de graines, alors oui.
Dans quelle grande ville de France la nature se
porte-t-elle le mieux ?
Très difficile de répondre car aucune ville n'a le
même passé ni le même rapport à la nature (songez
que les calanques de Marseille sont dans la ville!).
Disons qu`à Nantes il y a de nombreux efforts de faits
pour la nature, mais en Seine-Saint-Denis ou dans les
Hauts-de-Seine aussi.
Dans l'ensemble trouvez vous que la nature est
bien préservée pour une ville aussi grande que
Paris?
Humm... Des efforts sont faits mais il faut encore
changer des mentalités avant d'en arriver aux
réalisations de Genève par exemple.
Avez-vous l’intention d’écrire un Atlas sur une autre grande ville?
Pas sur une ville, mais on a des projets en cours plus ambitieux : fin septembre
sortira l'atlas de la biodiversité végétale en Seine-Saint-Denis (lors de la biennale
de l'environnement), puis en 2007 l'atlas du fleuve Loire, l'atlas du département du
Loiret, en 2008 l'atlas général de la région Bourgogne... On a toute une série de
parutions programmées.
Le Jardin des plantes est-il malgré lui (ou intentionnellement) un lieu
particulier pour la biodiversité parisienne ?
Pas plus un lieu particulier que d'autres espaces de Paris. A Paris la biodiversité
est surtout concentrée dans trois types d’endroits : les berges de la Seine, les
friches des terrains vagues et les bois. »20

L’exposition permanente du « Jardin botanique de Lausanne » : la biodiversité


urbaine devient patrimoine
Le Jardin botanique de Lausanne est une exposition permanente : sont
collectionnées plusieurs milliers d’espèces végétales, collection due au travail des
jardiniers qui cultivent des plantes originaires de tous les continents, et conservent des
espèces indigènes menacées.

Intérêt des plantes sauvages dans la gestion des villes

http://www.linternaute.com/science/environnement/interviews/06/moret/chat-moret.shtml
20
Actuellement, dans les villes européennes qui pratiquent la gestion différenciée,
l’usage des pesticides est moins systématique ; on favorise même à certains endroits la
plantation d’espèces indigènes qui présentent l’avantage d’être mieux adaptées aux sols
et au climat : elles nécessitent moins de soin, donc moins de pesticides, et coûtent moins
cher en entretien.
Les avantages qu’une ville peut trouver à laisser pousser les mauvaises herbes
sont nombreux : l’augmentation de la surface végétale contrebalance les effets néfastes
de l’urbanisation, permettant d’augmenter la perméabilité des sols urbains et la
production d’oxygène, mais aussi d’atténuer le réchauffement dû aux surfaces bétonnées
et les bruits de la ville.

 Intérêt écologique de la préservation et


de la défense de la nature sauvage en ville
On peut prendre quelques exemples du rôle crucial de la nature sauvage en ville
comme outil de gestion des nuisances (pollutions) qu’elle engendre :
 Les rideaux d’arbres par exemple contribuent à améliorer la qualité de
l’air (filtration des particules fines, etc.).
 La flore urbaine joue aussi un rôle dans l’épuration des substances
polluantes organiques et minérales ; Bernard Chevassus-au-Louis,
citant l’exemple du rôle des écosystèmes dans l’élimination des
nitrates, nous apprend ainsi que « seule la moitié des nitrates parvient
à l’embouchure de la Seine grâce à la dénitrification par la biodiversité
qui a lieu tout au long du fleuve, notamment dans les zones de
végétation du bord, permettant d’économiser près de 50% du coût
d’épuration des eaux. »21
 La mise en place de coulées vertes assure la liaison entre les différents
espaces naturels urbains, tissant un réseau écologique en milieu
urbain.

Exemple de villes et communes qui défendent les plantes sauvages

 Exemple de la commune de
Sallaumines : préserver et augmenter la
biodiversité par la gestion différenciée
La commune de Sallaumines a fait le choix de la gestion différenciée des parterres
et des espaces verts, avec pour devise : « à quoi bon travailler pour la nature si c’est
pour la dénaturer ? ». L’initiative provient du responsable du service Parcs et Jardins. La
gestion différenciée est en effet perçue comme un moyen d’augmenter la diversité
biologique. Ce choix vise également à défendre l’attrait esthétique des plantes sauvages
(coquelicots, pâquerettes, aubépines, tanaisies, etc.). On utilise des plantes adaptées à
l’environnement qui va les accueillir : fleurissement champêtre dans les espaces verts,
fleurissement vertical en ville, choix de plantes mellifères comme la marguerite ou de
21
Intervention rapportée dans les actes de l’audition publique du 28 mars 2007 « La biodiversité : l’autre
choc » organisée par MM. Les sénateurs Pierre Lafitte et Claude Saunier. Office parlementaire d’évaluation des
choix scientifiques et technologiques, pp.16 – 17.
plantes hôtes telles l’angélique, ou encore de plantes répulsives telles la tanaisie qui
permet de réduire les consommations d’eau et de phytosanitaires ; enfin, l’intérêt des
plantes sauvages est qu’elles sont par définition spontanées, et ne nécessitent donc pas
d’entretien.

 Zurich « tout peut donc y pousser


sauvagement »
« Le département des espaces verts développe depuis
plusieurs années une politique active en matière de
reverdissement des rues. […] Une des mesures les
plus impressionnantes est peut-être celle qui coûte le
moins cher. Voilà quelques saisons chaudes que les
jardiniers municipaux ne coupent plus le petit
carré d’herbe qui entoure les arbres plantés sur
le trottoir. Résultat : tout peut donc y pousser
sauvagement, pour le plus grand plaisir des
musaraignes et sauterelles. Ainsi, si Zurich, en hiver,
reste comme beaucoup d’autres une ville grise et
froide, l’été, le centre ville est la proie des orties,
herbes folles et coquelicots. Des fleurs, aussi
sauvages que superbes, côtoient donc les boutiques
de luxe de la Bahnhofstrasse, frôlent les tailleurs des
banquières et fanent, piétinées par des chaussures
d’Italie. » 22

 La petite Amazonie de Nantes, première


zone urbaine française classée en site
Natura 2000
(a)Ecologisation urbaine
L'écologisation urbaine revitalise des écosystèmes qui ont été déplacés ou
dégradés par le développement urbain et d'autres activités humaines. L'aménagement
d'espaces naturels sains accroît la biodiversité, tout en assurant un habitat indispensable
aux espèces sauvages urbaines. Elle contribue également à la constitution d’une réserve
urbaine d’infrastructures « vertes », laquelle comprend des sentiers, des parcs et des
liens physiques entre des corridors.

(b)L’exemple abouti d’une


renaturation réussie
La petite Amazonie23 est unique en France : c’est la première zone naturelle
urbaine de France classée en site Natura 2000.
La dénomination de ce site est intéressante : ne serait-ce pas une manière de
défendre l’idée selon laquelle la biodiversité n’est pas seulement l’apanage des forêts
tropicales ? Elle est à notre porte, dans les rues, sur les trottoirs, le long des voies
ferrées, etc. Le fait que ce site soit peu connu des citadins et des gens de passage est
significatif du chemin qu’il reste à parcourir en ter me regard porté sur la nature sauvage
en ville ; beaucoup ne la voient même pas :
« Ce lieu, d'une superficie de 17 hectares, est
totalement et paradoxalement méconnu, alors que
des milliers d'automobilistes et de voyageurs le
22
Site Internet de la ville de Zurich
http://www.iar.u-3mrs.fr/Fiches%20DD%20OK%2003-07/%20Meth.%20Renaturation%20de%20la
23

%20ville.pdf
longent chaque jour. […] Au fil du temps, c'est une
faune et une flore diversifiées qui ont pris possession
de ce lieu, ignorant la création sur ses flancs, au
début des années 70, d'une zone d'habitat, la cité
Malakoff. »

 La ville de Rennes réhabilite les


mauvaises herbes pour lutter contre la
pollution des eaux
Rennes et son agglomération réhabilitent les « mauvaises herbes » pour lutter
contre la pollution des eaux ; plantes sauvages et mauvaises herbes poussent librement
entre les pavés, au pied des arbres, dans les rues, sous les bancs publics.

[…]

 La notion de patrimoine végétal


La notion de patrimoine végétal est ici centrale : depuis une vingtaine d’années la
« gestion différenciée » des espaces verts fait florès en Europe, témoignant d’un
changement notable d’attitude envers le végétal urbain : certains responsables d’espaces
verts s’interrogent sur leurs pratiques quotidiennes et leur manière d’aborder le
patrimoine foncier et végétal urbain.

 Les expériences pionnières en Europe :


villes suisses et hollandaises
En France, on peut remarquer l’expérience pionnière de gestion des espaces verts
dans la ville d’Orléans de 1983 à 1993. La Suisse fut l’un des premiers pays à défendre
une autre place du végétal sauvage en ville : dans les années 1970, la Revue suisse de
paysage Athos relatait quelques expériences d’entretien effectuées dans des villes
hollandaises et suisses : on a laissé pousser les « mauvaises herbes » au pied d’arbres
d’alignement urbain, on a laissé fleurir les surfaces herbacées, et on laissait les bosquets
citadins être envahis par des arbres ou des arbrisseaux dont l’installation n’avait pas été
programmée ; le but était de ne plus employer de désherbants et de modifier le regard
que les citadins portaient sur les plantes non désirées.

Lors du XVIIe Congrès mondial des Directeurs des Parcs et Jardins a traité de ces
problèmes à Anvers en 1995, et, pour la première fois, « les botanistes, les écologues et
les paysagistes furent aussi nombreux à intervenir que les directeurs de service,
gestionnaires et décideurs. Pratiquement tous ont partagé la conviction d’assister à un
retour de la « nature en ville », lieu d’une diversité biologique possible, lieu de la
sauvegarde de nombreuses espèces, lieu d’évolution non connue et pas toujours
maîtrisée, lieu de rencontre des flores. »24
Site de la ville de Bruxelles qui a opté pour une gestion différenciée :
« Depuis quelques années, la gestion différenciée
pratiquée dans différents parcs publics permet de
trouver un équilibre harmonieux entre la tradition
horticole et la spontanéité de la nature, tout en tenant
compte des habitants usagers des parcs. Ainsi, au
parc de Woluwé, la tonte régulière de quelques
prairies humides a été remplacée par un fauchage
annuel, favorisant certaines espèces sauvages
intéressantes. »
[…]
24
Y.-M. Allain, op.cit., p.208.
 Les paysagistes
Il n’y a pas que les politiques publiques qui influent sur le regard des citadins ;
certains paysagistes, tels Gilles Clément, proposent une conception renouvelée de la
nature. Gilles Clément défend la notion de « Tiers-Paysage », somme des espaces où
l'homme abandonne l'évolution du paysage à la seule nature, à savoir les espaces de
transition : friches, marais, bords de routes, talus de voies ferrées, etc.
L’auteur est jardinier, paysagiste, botaniste, entomologue, ingénieur horticole de
formation et enseignant à l’Ecole nationale du Paysage de Versailles ; il défend l’idée d’un
paysage qui n’est pas figé, qui laisse le champ libre à la nature. Il est en grande partie
connu pour sa réalisation du Parc André-Citroën en collaboration avec Alain Provost et
Patrick Berger pour les serres ; il a aussi réalisé les Jardins de l’Arche à La Défense, le
Parc Matisse à Euralille en collaboration avec Eric Berlin et Sylvain Flipo, les Jardins de
Valloires à Argoules, le Jardin du Château de Blois, le Jardin du Domaine du Rayol, et le
Jardin du musée du Quai Branly avec Jean Nouvel.
Dans le jardin dit en mouvement, le jardinier accompagne la nature ; il ne la
soumet pas, et, bien au contraire, laisse croître des plantes autrefois répertoriées comme
« sauvages » :
« Quoi qu'il en soit, la reconquête, comme
l'effondrement, sont pour l'homme des valeurs
également déstabilisantes. En réalité,
l'envahissement n'est que l'occupation d'une place,
jusqu'alors laissée vacante, dans un écosystème. » 25

[…]

 Le programme BiodiverCités en Seine-


Saint-Denis
Le programme BiodiverCités, mené en Seine-Saint-Denis, piloté par le Conseil
Général et le ministère de l’Education nationale, a pour objectif la réalisation
d’inventaires naturalistes au sein des collèges pour faire connaître aux élèves la vie
sauvage en milieu urbain.

[…]

 L’exposition « Lausanne, la flore


sauvage dans la ville »
En Suisse, une exposition intitulé « Lausanne, la flore sauvage dans la ville », a eu
lieu du 19 mai au 24 septembre 2006, organisée par le canton de Vaud (département de
la formation et de la jeunesse (DFJ), service des affaires culturelles) au Musée et Jardins
botaniques cantonaux de Lausanne.
L’exposition de Lausanne revêt une forte dimension d’éducation à l’environnement
avec les activités scolaires autour de la flore sauvage. Le Jardin botanique de Lausanne
est situé sur le site d’une ancienne école de botanique ; expositions, visites guidées,
ateliers.

« Lausanne se revendique ville verte : c’est


effectivement le cas. Mais « ville verte » ne signifie
pas obligatoirement riche en biodiversité. La ville
bénéficie d’une forte conscience politique en la
matière. Le Service des Parcs et promenades est
exemplaire avec une pratique de gestion différenciée
de l’espace public. En 2004, le WWF a édité un volet
« Nature et développement durable en ville de
25
CLEMENT Gilles, Le jardin en mouvement, Pandora, Paris, 1991, p.32.
Lausanne » et en 2006, l’exposition « Lausanne, la
flore sauvage dans la ville » au Jardin botanique et le
livre « Flore de Lausanne », montrent encore cette
forte sensibilité scientifique, environnementale et cet
intérêt politique. Une série d’événements autour
de l’exposition « Lausanne, la flore sauvage dans
la ville » auront lieu cet été. A savoir notamment
quelques balades, excursions, ateliers de dessins
pour enfants, cours de botanique et conférences
sur l’entretien des espaces verts de Lausanne.
Les publics principalement visés sont les
amateurs de botanique, les enfants, les élus, les
responsables de services communaux et les
gestionnaires de la nature, le public du Jardin
botanique. L’axe de départ est la flore, même si
l’aspect biodiversité est omniprésent dans l’approche
de l’exposition et des événements. Les différents
publics du milieu urbain doivent avancer ensemble
pour que la protection, voire l’augmentation de la
biodiversité en ville soit durable. Cette affirmation est
d’autant plus importante lorsque l’on considère la
dynamique urbaine et la fragilité des biotopes face à
la pression humaine et immobilière. Il y a encore une
réelle méconnaissance du sujet de la part du public
citadin, des locataires, des maîtres d’œuvre privés et
publics, des professionnels du bâtiment et de
l’aménagement. Lausanne possède encore un énorme
potentiel de développement au niveau de la
biodiversité. Il faut rêver la ville, la montrer et la faire
participer à la dynamique de diversité, telle est
notre démarche : inviter les citadins à sortir
dans la rue pour devenir les acteurs quotidiens
de la promotion de la biodiversité. »

 En France, l’exposition itinérante


« Jardins de trottoirs »
(a)Objectifs pédagogiques et
méthodes de l’exposition «  Jardins
de trottoirs  »
L’exposition « Jardins de trottoirs » est le fruit de la collaboration entre Moutsie,
ethnobotaniste et fondatrice de l’association « L'Ortie », et Laurent Cerciat, artiste
plasticien. Il s’agit d’une exposition itinérante destinée à transmettre des connaissances
botaniques et écologiques sur les plantes sauvages en ville et à sensibiliser les citadins à
cette thématique. Le caractère didactique de cette exposition est manifeste : diverses
installations invitent les spectateurs à adopter un autre regard, plus attentif, sur ces
manifestations quotidiennes de biodiversité :
« Divers pôles proposent aux visiteurs une riche
iconographie, des dispositifs audiovisuels, de la
documentation mais aussi des plantes mises en
situation. Des cahiers recueillent les remarques ou les
suggestions du public au sujet de la présence du
végétal dans sa ville. Enfin, un document développant
l'aspect plus spécifiquement écologique est à
disposition. L'exposition invite à repenser notre
rapport à la nature en changeant notre regard, à
accepter dans nos espaces publics et privés un
peu de non-maitrisé et à apprécier ces Jardins de
trottoir. Cette exposition est itinérante, disponible
pour des présentations dans différents lieux et peut
être le support d'animations et de rencontres
diverses. » 26

La plaquette de l’exposition présente les objectifs et l’organisation :


« L’exposition invite à repenser notre rapport à la
nature en la regardant autrement, à accepter dans
nos espaces publics et privés un peu de sa diversité,
et à apprécier la diversité de ces Jardins de trottoirs.
[…] Il s’agit d’une installation susceptible de placer le
visiteur au cœur d’une situation végétale dans la ville,
pour l’inviter à une flânerie active et curieuse. Au sol,
un dallage de photographies disposé en allées,
évoque les rues d’une ville. Des carrés de
« pelouses » vertes marquent les espaces de
consultation. Des plantes apparaissent ça et là,
désobéissant à la régularité de l’ensemble.
Différents pôles ou îlots jalonnent le parcours :
 Des pupitres proposent des points de lecture, abordant
divers thèmes (biodiversité, adaptation, bio-indication,
identification…).
 D’autres pupitres laissent parler les images de végétation
spontanée en milieu urbain.
 Des albums botaniques décrivent les plantes et leurs
utilisations.
 Des diffusions audiovisuelles mettent les plantes en scène,
les montrent sous forme de diaporama, et évoquent l’impact
des pesticides sur la santé et l’environnement.
 Une série de photographies donne à voir des plantes
sauvages en gros plan et des insectes inféodés à certaines
d’entre elles.
 Une malle « friche » fait comprendre les équilibres naturels.
 Divers jeux sont proposés aux petits et aux grands.

26
http://www.tela-botanica.org/actu/article1915.html
Une documentation est à consulter et des plaquettes
imprimées développent le propos écologique et
écocitoyen. »

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