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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 656–658

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Ostéoporose postménopausique : quand faut-il
demander un bilan biologique ? En quoi consiste-t-il ?
Postmenopausal osteoporosis: When is it necessary to
perform laboratory testing? Which testing strategy?
C. Frayssinet, F. Trémollieres *
Unité de ménopause et des maladies osseuses métaboliques, hôpital Paule-de-Viguier, 330, avenue de Grande-Bretagne,
31059 Toulouse cedex 9, France
Reçu le 28 septembre 2007 ; accepté le 3 avril 2008
Disponible sur Internet le 9 juin 2008

Résumé
Les ostéoporoses secondaires représentent 10 à 20 % des causes d’ostéoporose de la femme ménopausée. Par
conséquent, la recherche d’une éventuelle étiologie ne doit pas être négligée avant d’envisager la prise en charge
thérapeutique de toute ostéoporose, d’autant plus qu’elle survient dans un contexte fracturaire récent ou que la
déminéralisation osseuse ne s’explique pas par la clinique. Il n’existe pas de consensus quant aux examens biologiques à
prescrire en première intention. Néanmoins, on préconise au minimum un bilan phosphocalcique plasmatique et urinaire
avec dosage du 25-hydroxy-vitamine D3, une NFS, une VS et éventuellement une électrophorèse des protides et une TSH.
ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Causes of secondary osteoporosis represent 10 to 20% of all postmenopausal osteoporosis causes. Accordingly,
laboratory testing needs to be performed to exclude those conditions before any therapeutic strategy. It is
particularly the case in women with a recent fragility fracture or in otherwise healthy women with unexplained low
bone mineral density. While there is no consensus for a simple testing strategy, evaluation of serum and urine calcium,
phosphate, creatinine with 25-hydroxyvitamin D and complete blood count including erythrocyte sedimentation rate and
possibly protein electrophoresis and serum thyroid-stimulating hormone could be recommended.
ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ostéoporose secondaire ; Ménopause ; Examens biologiques

Keywords: Secondary osteoporosis; Menopause; Laboratory testing

L’ostéoporose postménopausique constitue un problème développement et la plus grande disponibilité des méthodes de
de santé publique dans les pays industrialisés. Elle se définit mesure non invasives du contenu minéral osseux ont contribué
comme un état du squelette caractérisé par une diminution de à faciliter ce dépistage. Dès lors, la mise en évidence d’une
la solidité osseuse exposant à un risque accru de fracture. ostéoporose densitométrique chez une femme asymptoma-
L’évaluation du risque fracturaire est de fait de plus en plus tique n’est pas une éventualité exceptionnelle. Dans la plupart
proposée chez les femmes ménopausées, d’autant que le des cas, il s’agit d’une ostéoporose idiopathique ou commune
dont les déterminants sont principalement génétiques et qui va
être aggravée par la carence œstrogénique de la phase
* Auteur correspondant. postménopausique. Toutefois, il existe un certain nombre de
Adresse e-mail : tremollieres.f@chu-toulouse.fr (F. Trémollieres). situations pathologiques et de traitements qui peuvent avoir un

1297-9589/$ see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.gyobfe.2008.04.005
C. Frayssinet, F. Trémollieres / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 36 (2008) 656–658 657

impact osseux négatif : on parle alors d’ostéoporose le myélome, mais également un certain nombre de tumeurs
secondaire. Selon les études, 10 à 20 % des ostéoporoses de malignes (augmentation de la sécrétion de PTHrp et/ou de
la femme ménopausée seraient liées à une cause secondaire cytokines), voire une hyperthyroïdie ou une sarcoïdose,
[1–5].  en cas de calcémie normale ou basse associée à une
Par conséquent, la recherche d’une éventuelle cause phosphorémie normale ou basse et à une hypocalciurie,
secondaire ne doit pas être négligée avant d’envisager la prise une insuffisance (voire une carence) en vitamine D doit être
en charge thérapeutique de toute ostéoporose. C’est évoquée. Un taux plasmatique de 25-hydroxy-vitamine D3
particulièrement le cas dans un contexte fracturaire (et au moins inférieur à 20 ng/ml (avec un seuil variable selon
notamment, fracture vertébrale ou de l’extrémité supérieure les auteurs) sera confirmatif. Toutefois et même si une
du fémur), ou lors de la découverte de valeurs de densité insuffisance vitaminique D est fréquemment retrouvée
osseuse particulièrement basses chez une femme jeune chez les femmes ménopausées ostéoporotiques, une telle
(t-score  2,5 en début de ménopause par exemple, chez insuffisance explique rarement à elle seule la déminéralisa-
une femme, par ailleurs, en bonne santé). tion osseuse. Une ostéomalacie devra être néanmoins
Parmi les étiologies les plus fréquentes des ostéoporoses évoquée en cas d’hypocalcémie associée et d’une élévation
secondaires de la femme, on retrouve la plupart des des phosphatases alcalines totales et surtout de leur
endocrinopathies, en particulier celles qui s’accompagnent isoenzyme osseuse,
d’un hypogonadisme (hyperprolactinémie, aménorrhées hypo-  enfin, une hypercalciurie sans anomalie significative du bilan
thalamiques, dysgénésies gonadiques, anorexie mentale. . .). Le phosphocalcique plasmatique (hypercalciurie idiopathique)
contexte clinique est cependant le plus souvent évocateur doit faire discuter une tubulopathie distale. La relation avec
d’autant que l’aménorrhée chez une femme jeune est le principal l’ostéoporose reste néanmoins discutée ;
signe d’appel. En postménopause, l’hyperparathyroïdie primitive  numération formule sanguine (NFS), vitesse de
est l’endocrinopathie la plus fréquente. Les hyperthyroïdies sédimentation (VS) (voire C- réactive protéine (CRP)),
(endogène ou iatrogène) ou l’hypercorticisme sont plus rares. de manière à éliminer toute pathologie néoplasique ou
On retrouve aussi toutes les pathologies digestives avec inflammatoire ;
malabsorption (maladie cœliaque, maladie de Crohn), les  electrophorèse des protéines plasmatiques. Sa réalisa-
rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, spon- tion en première intention peut se discuter chez une femme
dylarthrite ankylosante) et les néoplasies type myélome jeune lorsqu’il n’existe aucun d’élément d’orientation clinique
multiple, leucémies, métastases osseuses qui sont classique- ou biologique. En revanche, elle doit être demandée chez une
ment plus considérés comme un diagnostic différentiel. femme plus âgée, surtout en présence d’une fracture
Enfin, on doit rechercher la notion de prise médicamenteuse vertébrale et/ou devant une hyperprotidémie ou un
délétère au plan osseux, tels qu’une corticothérapie prolongée, syndrome inflammatoire. En cas d’anomalie, elle sera
un antécédent de chimiothérapie et/ou d’hormonothérapie complétée d’une immunoélectrophorèse et d’une protéinu-
adjuvante du cancer du sein par inhibiteurs de l’aromatase. rie des urines de 24 heures (recherche d’une protéinurie de
Ces affections peuvent être asymptomatiques et ne se Bence-Jones) afin d’éliminer tout gammapathie monoclonale
traduire que par une ostéoporose. Or, en l’absence de et notamment un myélome.
diagnostic et de prise en charge adéquate, les traitements anti- En fonction des éléments cliniques d’orientation et des
ostéoporotiques sont peu ou pas efficaces [2]. résultats de ce premier bilan, on pourra demander en seconde
L’orientation diagnostique va alors reposer sur les données intention :
de l’interrogatoire (antécédents personnels, traitements. . .),  TSH à la recherche d’une hyperthyroïdie, particulièrement
l’examen clinique de la patiente et les résultats des examens chez la femme âgée de plus de 70 ans, chez celle recevant un
biologiques prescrits. Il n’y a pas cependant de consensus traitement par les hormones thyroïdiennes (recherche d’un
actuellement sur le bilan biologique standard à demander surdosage) ou s’il existe des signes cliniques évocateurs de
devant la découverte d’une ostéoporose [2]. thyrotoxicose ;
En première intention, il est, néanmoins, admis de proposer  bilan martial (fer sérique et ferritininémie) et recherche
au minimum les examens suivants : d’anticorps antiendomysium, afin d’éliminer une malabsorp-
 calcémie, phosphorémie, protidémie, créatinémie, tion et notamment la maladie cœliaque, qui est souvent
phosphatases alcalines, 25-hydroxy-vitamine D3, méconnue et donc difficile à diagnostiquer car pauci- ou
calciurie des 24 heures, ce qui permettra d’éliminer tout asymptomatique ;
trouble du métabolisme phosphocalcique :  cortisol libre urinaire des 24 heures, à compléter
 en cas d’hypercalcémie associée à une hypophosphorémie, éventuellement d’une cortisolémie le matin après test de
une hyperparathyroïdie primitive est probable et d’autant freination rapide au Dectancyl1 (1 mg la veille au soir à
qu’il s’agit de la cause endocrinienne la plus fréquente des 23 heures) en cas de doute, de manière à éliminer tout
ostéoporoses secondaires de la femme ménopausée. Le hypercorticisme.
dosage de la PTH intacte (élevée) confirmera le diagnostic, Ces examens biologiques sont par définition normaux dans
 si l’hypercalcémie est associée à une diminution des l’ostéoporose primitive.
concentrations de PTH, l’orientation diagnostique Le dosage des marqueurs du remodelage osseux n’est
conduira à discuter une cause néoplasique et en particulier d’aucune aide au diagnostic étiologique d’une ostéoporose. De
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ce fait, ils ne font pas partie du bilan étiologique d’une RÉFÉRENCES


ostéoporose secondaire.
Au total, la recherche d’une cause d’ostéoporose secondaire [1] Pouillès JM, Trémollières F, Ribot C. Osteoporosis in otherwise healthy
perimenopausal and early postmenopausal women: physical and
doit être réalisée de principe avant toute prise en charge
biochemical characteristics. Osteoporosis Int 2006;17:193–200.
thérapeutique, surtout lorsqu’il existe déjà des antécédents [2] Tannenbaum C, Clark J, Schwartzmann K, Wallenstein S, Lapinski R, Meier
fracturaires récents et/ou une diminution importante des valeurs D, et al. Yield of laboratory testing to identify secondary contributors to
densitométriques, non expliquée par le contexte clinique. osteoporosis in otherwise healthy women. J Clin Endocrinol Metab
Il n’y a pas à l’heure actuelle de recommandations formelles et 2002;87:4431–7.
établies quant aux examens biologiques à prescrire en première [3] Jamal SA, Leiter RE, Bayoumi AM, Bauer DC, Cummings SR. Clinical utility
of laboratory testing in women with osteoporosis. Osteoporosis Int
intention dans le cadre de cette enquête étiologique. Néanmoins, 2005;16:534–40.
un bilan minimal comprenant un bilan phosphocalcique [4] Barzel US. Recommended testing in patients with low bone density. J Clin
plasmatique et urinaire avec dosage du 25-hydroxy-vitamine Endocrinol Metab 2003;88:1402–5.
D3, une NFS, une VS et éventuellement une électrophorèse des [5] Lane NE. Epidemiology, etiology, and diagnosis of osteoporosis. Am J
protides et une TSH, nous semble approprié. Obstet Gynecol 2006;194:S3–11.

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