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Toxicomanies Alcool éthylique

ALCOOL ETHYLIQUE
L’alcool éthylique ou éthanol, communément appelé « alcool », est le toxique humain le
plus répandu. De formule CH3CH2OH, il se présente sous l’aspect d’un liquide incolore,
d’odeur caractéristique, de saveur brûlante, volatil et inflammable.

I. TOXICOCINETIQUE
A. ABSORPTION

— Par voie digestive, l’éthanol est rapidement absorbé (Tmax : 1 h à dose unique) par
diffusion passive au niveau du jéjunum (80%) et de l’estomac (20%).
— La rétention pulmonaire est de 62% en milieu professionnel.
— L’absorption transcutanée est faible mais possible chez de très jeunes enfants
frictionnés avec des alcools à titres élevés.

B. DISTRIBUTION

— L’éthanol diffuse rapidement et sans liaison aux protéines plasmatiques dans les
tissus très vascularisés.
— L’éthanol franchit la barrière fœto-placentaire.

C. METABOLISME

L’éthanol subit un catabolisme oxydatif rapide en quatre étapes, à côté d’une


glucuroconjugaison mineure qui mène à l’éthylglucuronide.

1 2 3 4
Ethanol → Acétaldéhyde → Acétate → Acétyl-CoA → CO2 + H2O

1. Oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde

a) Voie principale : alcool déshydrogénase (ADH)

NAD+ NADH, H+

CH3-CH2OH CH3-CHO
Ethanol ADH Acétaldéhyde

— Localisation : cytosol des hépatocytes.


— On distingue 6 classes d’isoenzymes d’ADH (I-VI), l’éthanol est oxydé par la classe I
(ADH1, ADH2, ADH3) et la classe IV (ADH7 à localisation gastrique).
L’ADH2 possède 2 phénotypes : normal et atypique. L’augmentation de la synthèse de
l’acétaldéhyde par l’ADH2 atypique qui est plus active chez 10% des européens et des
américains et 85% des japonais, entraîne une intolérance à l’alcool (nausées,
vomissements, céphalées, vertiges, tachycardie…).

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b) Voies accessoires : elles apparaissent chez l’éthylique chronique ou lorsque


l’alcoolémie est élevée.

— MEOS (Microsomal Ethanol Oxidizing System) :

NADPH, H+ NADP+

CH3-CH2OH CH3-CHO
CYP 2E1
O2 2 H 2O O2•-, H2O2, OH•, •CH3CHOH

— Catalase : CH3-CH2OH + H2O2 CH3-CHO + 2 H2O


Catalase

— Oxydation radicalaire : CH3-CH2OH + OH• CH3-CHO + H2O

2. Oxydation de l’acétaldéhyde en acétate

— L’acétaldéhyde est rapidement détoxifié en acétate grâce à l’acétaldéhyde


déshydrogénase (ALDH).
— L’ALDH possède 2 isoenzymes : l’ALDH1 cytosolique et l’ALDH2 mitochondriale.
L’ALDH2 peut subir une mutation génique (52% des japonais) avec perte d’activité
conduisant à l’accumulation d’acétaldéhyde dans le sang et au « syndrome de
flushing ».
NAD+ NADH, H+
H2O
CH3-CHO CH3-COO- + H+
Acétaldéhyde ALDH Acétate

— L’ALDH est inhibée par le disulfirame en donnant un effet antabuse (cure de dégoût).

3. Catabolisme de l’acétate

CoA-SH ATP AMP+PPi


Cycle de KREBS
CH3-COOH CH3-CO-SCoA CO2 + H2O + ATP
Acétate Thiokinase Acétyl-CoA

D. ELIMINATION

— 2 à 10% de l’éthanol ingéré sont éliminés sous forme inchangée dans l’urine, l’air
expiré, la sueur, la salive, les larmes et le lait.
— Bien que relativement négligeable, cette élimination est suffisante pour détecter la
prise récente de boissons alcooliques par la recherche de l’éthanol dans l’air expiré
(taux dans l’air alvéolaire/alcoolémie  1/2100) ou dans l’urine
(alcoolurie/alcoolémie  1,3).

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II. MECANISME D’ACTION TOXIQUE


A. ALCOOLISATION AIGUE

1. Au niveau du SNC

— L’éthanol entraîne une dépression générale du SNC par augmentation de l’activité des
récepteurs GABAA et antagonisme des récepteurs glutamergiques NMDA.
— L’éthanol entraîne une stimulation des voies de récompense, il facilite l’influx des
voies dopaminergique, noradrénergique et sérotoninergique.

2. Au niveau périphérique

— Vasodilatation périphérique.
— Action diurétique par inhibition de la production d’hormone antidiurétique ADH.
— Action myorelaxante sur les muscles squelettiques et l’utérus.

B. ALCOOLISATION CHRONIQUE

1. Au niveau du SNC

L’alcoolisation chronique entraîne une défaillance progressive des transmissions


dopaminergique, noradrénergique et sérotoninergique aboutissant à une tolérance.

2. Au niveau périphérique

— Foie : le métabolisme de l’éthanol entraîne une hyperproduction cytosolique de


NADH qui doit être réoxydé en NAD+ :
• Au niveau du cytosol en entraînant une hyperlactacidémie par réduction du
pyruvate en lactate contribuant à l’acidose métabolique, et une diminution de
l’excrétion urinaire de l’acide urique à l’origine de crises de goutte.
• Au niveau des mitochondries en entraînant une diminution de la -oxydation
des acides gras et une accumulation de triglycérides dans le foie à l’origine
de stéatose, d’hépatite et de cirrhose.
— Tractus digestif :
• L’irritation chronique du tube digestif entraîne des gastrites, des œsophagites et
un ulcère gastroduodénal.
• Le dysfonctionnement des villosités intestinales entraîne une malabsorption.
— Pancréas : le métabolisme in situ de l’éthanol entraîne des pancréatites évoluant vers
des calcifications et une insuffisance organique.
— Système cardiovasculaire : cardiomyopathie dilatée, fibrose interstitielle
progressive, HTA par activation du système sympathique et du système rénine-
angiotensine.
— Système endocrinien : diminution du taux de testostérone et de la spermatogenèse,
diminution de la sécrétion de l’hormone lutéinisante LH entraînant des dysovulations
et des aménorrhées.
— Système hématopoïétique : atteinte des trois lignées entraînant anémie,
neutropénie et thrombopénie.

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III. INTOXICATION A L’ETHANOL


A. INTOXICATION AIGUE « IVRESSE »

L’éthanol est un narcotique qui produit une excitation puis une dépression du SNC.
L’intoxication aiguë évolue en 3 phases en fonction de l’alcoolémie :
— Phase d’excitation psychomotrice simple pour une alcoolémie ≥ 1 g/L : logorrhée,
légère incoordination motrice, baisse de l’attention avec des troubles visuels et
auditifs, levée des inhibitions psychiques : euphorie, sociabilité accrue, augmentation
de la confiance en soi, prise de risques inconsidérés surtout au volant…
— Phase d’incoordination ou d’instabilité pour une alcoolémie > 2 g/L : c’est l’ivresse
bien classique de l’imagerie traditionnelle populaire avec diminution de la rapidité
des réflexes, de l’attention et des facultés de perception à l’origine d’accidents.
— Phase de stupeur ou de troubles de vigilance pour une alcoolémie > 3 g/L : la
dépression s’aggrave, avec impossibilité de se tenir debout, vomissements,
incontinence, hypoglycémie…etc. Le sujet « ivre-mort » tombe dans un coma calme,
hypotonique, hyporéflexique, hypothermique qui peut être mortel par dépression
respiratoire.
Au décours de l’ivresse, peut survenir le syndrome dit de la « gueule de bois » avec
céphalées, tête lourde, bouche pâteuse, haleine fétide, asthénie…etc.

B. INTOXICATION CHRONIQUE « ETHYLISME »

L’ingestion régulière de boissons alcooliques se caractérise par des atteintes


organiques et un phénomène de tolérance et de dépendance :
— Atteintes organiques :
• SNC : troubles de la vigilance, de la mémoire et de l’équilibre…
• SNP : névrite optique, polynévrite sensitivomotrice des membres inférieurs…
• Système digestif : œsophagite, gastrite voire cancers, stéatose, hépatite associée à
une cytolyse, cirrhose, pancréatite…
• Système cardio-vasculaire : cardiomyopathie dilatée, HTA…
• Système hématopoïétique : macrocytose érythrocytaire, diminution de
l’agrégabilité plaquettaire …
• Organes sexuels : atrophie du testicule, lésions d’ovaire…
• Descendance : syndrome d’alcoolisme fœtal.
• Cancérogénicité : l’éthanol agit comme co-carcinogène du tabac (nitrosamines)
dans les cancers de la bouche, du larynx et du pharynx.
— Tolérance et dépendance :
• Le phénomène de tolérance fait que « l’alcoolique » consomme des quantités de
plus en plus importantes d’éthanol, une dépendance psychique et physique.
• Le syndrome d’abstinence lors du sevrage associe : insomnie, anxiété, sueurs,
tremblements, tachycardie, hallucinations, convulsions… pouvant s’aggraver dans
un tableau de delirium tremens parfois mortel.

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IV. TRAITEMENT
A. TRAITEMENT DE L’IVRESSE

— Traitement évacuateur : l’évacuation gastrique n’est efficace qu’en cas d’ingestion


très importante vue précocement ou associée à des médicaments. Le charbon activé
est pratiquement sans effet.
— Traitement symptomatique : réanimation respiratoire et cardio-vasculaire avec
correction de l’hypothermie, de l’acidose, de l’hypoglycémie …
— Traitement épurateur : lorsque le pronostic vital parait engagé, pour des
alcoolémies ≥ 5 g/L, le recours à l’hémodialyse est envisageable.

B. TRAITEMENT DE L’ETHYLISME

— Cure de désintoxication : sevrage progressif avec administration de vitamines


B1/B2, éventuellement d’anxiolytiques et de neuroleptiques.
— Cure de dégoût : le disulfirame entraîne une accumulation d’acétaldéhyde et un
« effet antabuse » qui se manifeste, à la moindre ingestion d’alcool, par : nausées,
vomissements, vasodilatation, hypersudation, tachycardie, céphalées, vertiges,
hyperventilation…
— Maintien de l’abstinence : diminution du risque de rechute par :
• L’acamprosate : agoniste du GABA et antagoniste partiel du glutamate (NMDA).
• La naltrexone : antagoniste des opioïdes endogènes.
— Psychothérapie de soutien.

V. ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Les milieux les plus utilisés sont le sang et l’air expiré.

A. DOSAGE DE L’ETHANOL DANS LE SANG

Trois méthodes peuvent être utilisées : chimique, enzymatique et chromatographique.

1. Méthode chimique (méthode de CORDEBARD)

— Elle repose sur la volatilité et le caractère réducteur de l’éthanol. Après distillation,


l’éthanol est oxydé en acide acétique à froid par un excès de liqueur nitrochromique,
qui est déterminé en retour par iodométrie.

2 Cr2O72- + 3 C2H5OH + 16 H+ → 4 Cr3+ + 3 CH3COOH + 11 H2O


Cr2O72- + 6 I- + 14 H+ → 2 Cr3+ + 3 I2 + 7 H2O
2 S2O32- + I2 → S4O62- + 2 I-

— La technique est simple et très reproductible mais longue, utilise beaucoup de sang et
demeure peu spécifique (substances volatiles réductrices).

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2. Méthode enzymatique

— Cette méthode fait appel aux mêmes réactions que celles qui se produisent in vivo. La
quantité de NADH produite est proportionnelle à celle de l’éthanol et peut être
déterminée soit par l’augmentation de l’absorption à 340 nm, soit par réfractométrie.

NAD+ NADH, H+ NAD+ NADH, H+

CH3-CH2OH CH3-CHO CH3-COOH


Ethanol ADH Acétaldéhyde ALDH Acétate

— Cette méthode est sensible, rapide et ne nécessite qu’une faible prise d’essai mais
manque de spécificité (autres alcools, LDH, lactates) et peut être perturbée par les
effets de matrice (ictère, hémolyse…).

3. Chromatographie en phase gazeuse (CPG)

— C’est la méthode de dosage de référence en toxicologie médico-légale.


— La détection s’effectue par ionisation de flamme.
— La technique est simple, rapide, spécifique, sensible et ne nécessite que peu de sang.

B. DOSAGE DE L’ETHANOL DANS L’AIR EXPIRE

1. Ethylotest

— Ce dispositif, à usage unique, comporte un ballon en polyéthylène auquel sont adaptés


un embout buccal et un tube contenant du gel de silice imprégné de bichromate de
potassium et d’acide sulfurique. Après une inspiration forcée et une apnée de 30
secondes, la vapeur d’eau de l’air expiré en une fois hydrate l’acide sulfurique avec
dégagement de chaleur permettant l’oxydation de l’éthanol par le bichromate jaune
qui est réduit en sel de chrome vert. La longueur de la teinte verte est proportionnelle
à la teneur en composés réducteurs (alcools, aldéhydes…).
— Ce test manque de spécificité, tout résultat positif doit être confirmé par une
éthanolémie.

2. Ethylomètre

Ce dispositif mesure la variation d’absorption d’un rayonnement infrarouge en présence


d’éthanol à une longueur d’onde de 3,3-3,5 µm pour la liaison HC (interférence possible
avec la plupart des hydrocarbures) et de 9,4 µm pour la caractérisation de la liaison OH,
plus spécifique de l’alcool.

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