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Cout Benefice
Cout Benefice
des actions de
3 Efficacité
3 Mesure de prévention
3 Personnel soignant
prévention
3 Manutention manuelle
h Christian TRONTIN,
Exemple du risque de manutention INRS, département Homme au travail
h Jean-Philippe SABATHÉ,
Cet article présente les résultats d’une évaluation coût-bénéfice réalisée dans deux hôpitaux ayant mis Groupe hospitalier Paris Saint Joseph, Paris
en place des programmes de prévention du risque de manutention manuelle.
Dans un cas, l’évaluation montre, avec l’hypothèse d’une réduction de 60 % des accidents du travail,
que les investissements en prévention sont rentabilisés au terme de 3,3 années.
Pour le second cas, les bénéfices attendus compenseront 80 % du coût de la prévention sur la période
retenue de 10 ans en tenant compte d’une réduction de 42 % des accidents du travail en lien avec le Cost benefit analysis of handling
risque de manutention. risk prevention actions
Ces deux études soulignent l’intérêt, dans le cadre d’investissements en prévention, du recours for healthcare personnel
à l’évaluation coût-bénéfice. Il convient également de considérer des bénéfices moins tangibles
comme l’amélioration de la productivité, l’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’image de This paper presents results of a cost benefit
l’hôpital. analysis performed at two hospitals, which
have implemented manual handling risk
prevention programmes.
In one case, assessment reveals a 3.3-year
L
return period on investments in prevention,
es résultats de l’enquête euro- sur la mobilisation des patients. Pour les based on an assumed 60% reduction in
péenne NEXT (Nurses’ early deux hôpitaux, les facteurs déclenchant occupational accidents.
exit study) [1] montrent que les de cette prise de conscience ont été iden- In the second case, expected benefits will
contraintes liées à la manu- tiques : une analyse des risques hiérar- compensate for 80% of the prevention cost
tention manuelle sont particulièrement chisant et plaçant en première position over the 10-year period used, based on a
prégnantes pour les soignants (aide-soi- les risques liés à la manutention, une 42% reduction in occupational accidents
gnants et infirmiers) français. 61,4 % enquête par questionnaire montrant related to handling risk.
des aides-soignants (et 55 % des infir- l’importance de la pénibilité physique These two studies emphasise the advantage
miers) déclarent souffrir de patholo- pour les soignants et une analyse des of implementing cost benefit analysis
gie ostéo-articulaire ou musculaire et accidents du travail établissant claire- within a prevention investment framework.
56,1 % des aides soignants (53,3 % des ment un niveau élevé d’accidents liés Less tangible benefits, such as improved
infirmiers) s’estiment insatisfaits des aux gestes et postures. Ainsi, pour H1, productivity, enhanced quality of working
conditions physiques de travail, plaçant l’analyse des risques portant sur plus life and hospital image, should also be
la France parmi les plus mauvais élèves de 2 000 situations à risque a mis en considered.
européens. En parallèle à ce constat, de évidence, après regroupement en classes
nombreux hôpitaux se sont inscrits de de risque, que 4 des 5 risques les plus
manière active dans la prévention du élevés concernaient les risques liés à la
risque de mobilisation. manutention des patients. Par ailleurs,
les accidents de type gestes et postures,
C’est ainsi que deux hôpitaux, Notre dont le nombre était inférieur à 10 % de
Dame de Bon Secours1 à Paris (H1) et le l’ensemble des accidents de travail sur 3 Cost
Groupe hospitalier Charles Foix – Jean 3 Efficiency
Rostand à Ivry sur Seine (H2) ont décidé 1 L’association Notre Dame de Bon Secours a 3 Prevention measure
de porter une attention particulière sur été rattachée au Groupe Hospitalier Paris Saint 3 Healthcare personnel
la pénibilité du travail et, en particulier, Joseph en 2007. 3 Manual handling
ou encore la diminution du risque iatro- sonnel. Ainsi que le préconise le rapport total moyen de 9 830 € par accident et
gène, comme par exemple la chute d’un Lebègue [6] du Commissariat au Plan, un coût moyen par jour d’arrêt de 294 €
patient suite à une manutention. un taux d’actualisation de 8 % a été (cf. Tableau I).
retenu et les coûts ont été estimés en
Le seul bénéfice retenu pour le euros constants. La durée retenue pour À partir des données sur le coût
calcul du retour sur investissement est l’évaluation a été de 10 ans correspon- moyen de l’accident, et n’ayant pas de
la somme économisée pour chaque acci- dant à la durée de vie « physique » données statistiques permettant une
dent évité, ceci par rapport à une situa- des lève-malades et verticalisateurs évaluation de type ex ante/ex post pour
tion sans investissement en prévention. (sachant que la durée de vie « utile » est estimer le nombre d’accident évités, il a
En l’absence d’une situation permettant vraisemblablement moindre en raison été nécessaire de recourir à l’avis d’ex-
une évaluation par randomisation, la d’innovations fréquentes sur ces types perts. Le questionnement des experts
diminution du nombre d’accidents attri- d’appareil). a toutefois été affiné en distinguant,
buables à l’action de prévention a été pour chaque accident analysé, le type de
estimée soit en distinguant la situation L’évaluation du coût de l’accident manutention au moment de l’accident
ex ante et ex post (H2), soit par le recours du travail a été réalisée par question- et (transfert, rehaussement…), le degré
à la littérature et aux avis d’experts naire auprès de chaque salarié accidenté de participation du patient pendant la
(H1). lors de l’année 2003. Le questionnaire mobilisation en distinguant principale-
élaboré pour cette évaluation reprend ment deux modes : contrôlé et passif.
les différents postes liés à l’accident du Sur les 21 accidents analysés, 13 étaient
travail et à la charge de l’entreprise. Il est sur un mode passif (la mobilisation s’est
LES RÉSULTATS similaire aux questionnaires habituels
distinguant coûts directs (coûts pris en
faite sans l’aide du patient) et 8 étaient
sur un mode contrôlé (la mobilisation
charge par l’assureur) et coûts indirects s’est faite avec l’aide du patient et du
(coûts à la charge de l’entreprise) [7]. Une soignant). Le croisement du type et du
Les deux études coûts-bénéfices recension de ces différents questionnai- mode a permis de mettre en adéquation
menées dans les hôpitaux H1 et H2 res est proposée par Gosselin [8]. l’outil d’aide à la manutention et d’en
ont concerné la prévention du risque de inférer le nombre d’accidents évités si
manutention manuelle. La population l’outil préconisé avait été en place. Deux
retenue est le personnel soignant dans Résultat pour l’hôpital hypothèses ont été retenues, en parti-
des services ou des activités de géria- Notre Dame de Bon Secours (H1) culier une hypothèse basse envisageant
trie. La réponse en termes de préven- une diminution de 80 % des accidents
tion des deux hôpitaux a été identique Pour H1, l’étude a porté sur 150 en mode passif et de 30 % des accidents
avec l’achat de matériel de manutention soignants pour un investissement sur en mode contrôlé. De plus, il a été consi-
(lève-malades, verticalisateurs, tapis 2 ans (2004 et 2005) de 240 000 € en déré que l’introduction de l’outil nécessi-
de rehaussement) (cf. Figure 1) doublé matériel incluant l’étude de marché, tant un apprentissage et un changement
d’une formation de l’ensemble du per- l’achat, l’installation et la maintenance des méthodes de travail avec un néces-
et 330 000 € en formation répartie saire temps d’adaptation du personnel,
entre initiale, continue et accompagne- la diminution n’était que de respective-
Figure 1 ment dans le cadre de l’activité (euros ment 40 % et 15 % la première année.
constants 2004). Sur la base de cette hypothèse basse,
Lève-malades qui correspond à une réduction totale
Les bénéfices étant constitués du de 60 % des accidents des 24 accidents,
coût des accidents du travail évités, il il ressort que le bénéfice net est nul au
a été nécessaire d’en évaluer le coût terme du premier tiers de l’année 2008
moyen. L’analyse des 21 accidents de (cf. Figure 2).
type gestes et postures (sur 24 recensés)
suite à une manutention d’un patient Dans le cas de l’hôpital H1, la
survenus en 2003 a montré un coût prévention du risque de manutention
Tableau I
0
que le niveau d’accident serait resté
-100
constant en l’absence de prévention.
Le calcul du bénéfice net montre que -200
le projet n’est pas rentable sur les 10
années considérées. -300
-400
Dans le cas de l’hôpital H2, la Années
prévention du risque de manutention
manuelle, sur la base de l’hypothèse
d’une réduction de 42 % des accidents,
n’est pas rentable sur l’échelle de retenue
de 10 ans et pour un taux d’actualisation trale dans la plupart des études environ- manière significative le temps de retour
de 8 % (cf. Figure 3). nementales et dans certaines études de sur investissement.
santé publique où les notions de durée
ou de transfert inter-générationnel sont Pour l’hôpital H2, alors que l’inves-
importantes. Dans le cas de cette étude, tissement total par soignant est infé-
COMMENTAIRES le choix d’un taux de 4 % au lieu de 8 %
se traduit pour H1 par un retour sur
rieur à H1 (respectivement 836 € et
3 800 €), la non-rentabilité s’explique
investissement obtenu au terme de trois tout d’abord par un coût de l’accident
années, donc une réduction de trois moins élevé (respectivement 3 220 €
Une analyse de sensibilité a porté mois. Cette faible sensibilité s’explique et 9 830 €) et une hypothèse de réduc-
sur le taux d’actualisation en retenant par des bénéfices constatés très rapide- tion du nombre d’accidents plus faible
un taux de 4 % comme valeur alterna- ment après la fin de l’investissement (42 % contre 60 %) ce qui minore
tive au taux de 8 % ainsi que le recom- et une durée du projet fixée à 10 ans, fortement les bénéfices basés unique-
mande le Commissariat au Plan [6]. La durée trop courte pour que l’actualisa- ment sur le coût de l’accident évité.
notion de taux d’actualisation est cen- tion des bénéfices différés influent de Elle s’explique ensuite par le niveau
d’accidentabilité très bas de H2, tant en pensent les coûts après 6,3 années en ne Au-delà de l’apport pour le soignant,
termes de fréquence (2,4 accidents pour retenant que le coût direct de l’accident les bénéfices de l’introduction d’un outil
100 soignants contre 16 accidents pour évité et 3,2 années en ajoutant les coûts d’aide à la manutention vont aussi en
100 pour H1) que de gravité (accident indirects des accidents. direction des patients et sont multi-
d’une durée moyenne de 14 jours contre ples. L’outil permet d’assurer des mobi-
33 jours pour H1). Cela conduit, après Si l’on ajoute au bénéfice de l’accident lisations sécuritaires afin de réduire le
application d’une réduction de 42 % des évité d’autres bénéfices comme une risque de survenue de chute, de choc
accidents, à un nombre relativement diminution du turn-over, une améliora- ou plus généralement de traumatisme
faible des accidents évités. Il convient tion de la qualité et du nombre de soins qui altèrent l’état physique du patient et
toutefois de remarquer qu’au terme des ou encore la préservation de l’état de peuvent prolonger son hospitalisation.
10 ans, le coût de la prévention, initiale- santé du soignant ainsi qu’éventuelle- Il apporte aussi au patient des mani-
ment de 1 045 000 € (investissement en ment du patient (diminution du risque pulations gestuelles et/ou mécanisées
matériel et en formation), n’est en réa- iatrogène de chute du patient), ce sont confortables afin que la douleur poten-
lité que de 210 000 € correspondant au autant d’arguments renforçant l’inté- tiellement ressentie pendant la manu-
bénéfice net en 2010. Bien que non ren- rêt à prévenir le risque de manuten- tention ne devienne pas un obstacle à
table, la prévention ne représente dans tion manuelle. Par ailleurs, le recueil sa réadaptation. Enfin, il participe à la
les faits que 20 % de ce qu’un éclairage d’information par le biais d’entretiens prise en charge de soins de qualité par
purement comptable pourrait établir en auprès de chaque salarié accidenté a la possibilité qu’il offre aux soignants
ne retenant que les dépenses d’investis- mis en évidence que la déclaration d’un de répondre aux sollicitations multiples
sement. accident du travail signalait une vérita- d’un patient dans le cadre par exemple
ble rupture dans l’activité de travail du de la rééducation vésicale ou des trou-
La situation et les résultats pour soignant. Ces entretiens ont clairement bles de l’équilibre. La manutention ne
ces deux hôpitaux illustrent bien le mis en évidence une sollicitation de prend pas le pas sur le soin mais elle
postulat que la prévention suit la loi l’entraide pour les tâches de manuten- s’intègre pleinement dans le soin.
des rendements décroissants : un euro tion après l’accident. Cela se traduit
dépensé en prévention dans une entre- par le refus pour la victime de faire des
prise ayant une accidentabilité élevée manutentions seules sur le mode passif
sera plus efficace qu’un euro dépensé
dans une entreprise similaire mais avec
ou contrôlé. L’entraide est alors apportée
par un personnel du service indépen-
CONCLUSION
un niveau d’accidentabilité faible. Si les damment de sa qualification profession-
résultats de H1 sont comparables aux nelle ou de ses compétences et introduit
statistiques nationales du secteur hos- le risque supplémentaire d’une manu- Cette étude montre les enjeux de
pitalier, H2 présente par contre un taux tention effectuée par un personnel non la prévention du risque de manuten-
de fréquence et un taux de gravité bien formé. L’introduction d’un outil d’aide tion manuelle en mettant en regard les
inférieurs. D’où la difficulté pour H2 à la manutention permet d’éviter cette investissements à réaliser (matériel mais
d’enregistrer des bénéfices aussi impor- situation d’entraide et de définir, au aussi formation à la manutention ainsi
tants que H1 pour le même euro investi sens de Hoc [12] de nouvelles coopéra- qu’à l’utilisation de l’outil) aux bénéfices
en prévention. tions dans l’équipe soignante. Elle par- tangibles et monétaires. Un retour sur
ticipe aussi à la diminution, d’une part, investissement en 3,3 années, avec une
Les contraintes méthodologiques de de la pénibilité du travail physique des hypothèse d’une réduction de 60 % des
l’analyse coût-bénéfice, qui ont conduit soignants et, d’autre part, des risques accidents, est un argument supplémen-
à ne retenir que le coût de l’accident de survenue d’un accident du travail qui taire pour le préventeur en direction du
de travail évité, minorent fortement les altère de façon importante et durable décideur dans une optique d’incitation à
bénéfices réels de la prévention. Malgré leur santé. la prévention. À ces bénéfices tangibles
cette limite, une rentabilité au terme de
3,3 années telle que calculée pour H1
peut être considérée comme bonne pour
le décideur, en particulier si elle est com-
parée à la durée de vie de 10 ans qui a été
retenue pour le matériel. Les études de Points à retenir
Spiegel [9], Chhokar [10] et Alamgir [11]
portant elles aussi sur une évaluation # La pénibilité physique et, plus particulièrement, la manutention manuelle des
économique de la prévention du risque patients, est la cause principale qui conduirait le personnel soignant à changer
de manutention manuelle montrent des d’emploi.
retours sur investissement sensiblement # Une évaluation coût-bénéfice a été réalisée afin de déterminer la rentabilité des
plus courts. Ainsi, Spiegel détermine un investissements en prévention réalisés dans deux hôpitaux.
retour sur investissement au terme de # Les résultats soulignent l’intérêt du recours à l’évaluation coûts-bénéfices.
1,98 année en retenant le coût indirect # Cette approche modifie l’image de la prévention en l’inscrivant dans une vision
de l’accident évité et 3,85 en ne retenant positive d'investissement pouvant être compensée par des gains en termes de
que le coût direct. Pour Chhokar, le réduction des accidents.
retour sur investissement est obtenu au # À ces gains, s’ajoutent des bénéfices moins tangibles comme l’amélioration de la
terme de 2,5 années. Quant à Alamgir, productivité, de la qualité de vie au travail et de l’image de l’hôpital.
les résultats sont dans un intervalle
similaire, avec des bénéfices qui com-
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