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dans celle de Lyon-Ouest où se présentait Gérard


Collomb : avec 43,5 % des voix, Bertrand Artigny
Lyon, nouveau laboratoire de l’écologie
devance le maire de Lyon de 15 points.
politique
PAR NICOLAS BARRIQUAND (MEDIACITÉS-LYON)
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 29 JUIN 2020

Grégory Doucet. © NB/Mediacités

Dans un discours empreint de lyrisme – « Lyon est faite


Grégory Doucet. © NB/Mediacités de cette étoffe dont sont tissés les rêves », répétera-
Grégory Doucet et Bruno Bernard remportent haut t-il à deux reprises –, Grégory Doucet qualifie le
la main la ville et la Métropole de Lyon. Leur moment « d’historique ». De fait, les Verts lyonnais
victoire écrasante – mais entachée par une abstention bénéficient de la tendance nationale. Comme Lyon,
historique – s’explique autant par la vague verte Bordeaux, Marseille, Besançon ou encore Poitiers qui
nationale que par les divisions de leurs adversaires. basculent dans le camp écolo. Mais leur écrasante
«Lyon va devenir une référence. » Il est un peu plus victoire s’explique aussi par le contexte local et un
de 21 h 30, ce dimanche 28 juin, quand Grégory incroyable alignement de planètes.
Doucet, le futur maire de Lyon prend la parole pour « Il y a une règle d’or en politique : on ne
revendiquer la victoire. Ou plutôt la double victoire : gagne jamais une élection, ce sont les autres qui
les écologistes remportent haut la main la ville – en la perdent », confiait à notre partenaire Mediacités
conquérant sept des neuf arrondissements – mais aussi Étienne Tête, longtemps élu EELV à la ville de Lyon
la Métropole, là où se trouve l’essentiel du pouvoir, et candidat aux précédentes municipales de 2014.
avec neuf circonscriptions sur quatorze. Leur candidat Grégory Doucet comme Bruno Bernard avaient face
Bruno Bernard, promis à la présidence du Grand Lyon, à eux des adversaires éparpillés façon puzzle. Les
annonce qu’ils disposeront d’une majorité absolue équipes de Gérard Collomb et de David Kimelfeld, qui
dans l’hémicycle métropolitain. ont gouverné ensemble pendant près de trois mandats,
La vague verte qui a déferlé sur Lyon a des allures se sont livrées à une guerre de clans sans merci.
de tsunami. Face à Yann Cucherat et Georges Ce soir de second tour, ils continuaient à régler leurs
Képénékian, Grégory Doucet l’emporte avec plus comptes. « Nous n’avons pas gagné, mais nous avons
de 50 % des suffrages exprimés. À la Métropole, gardé notre dignité », taclait Georges Képénékian,
dans certaines circonscriptions, les candidats EELV dans une allusion à l’alliance conclue entre le maire
écrasent leurs concurrents. Exemple emblématique de Lyon et Les Républicains. « Georges Képénékian a
une grande part de responsabilité dans notre défaite.
Je ne crois pas qu’il sorte grandi de ce moment
politique », répliquait, amer, Yann Cucherat.
L’ambiance de fin de règne a par ailleurs servi les
écologistes. À 73 ans, Gérard Collomb retournait
devant les urnes usé par près de vingt ans de pouvoir,
abîmé par son passage au gouvernement et affaibli
par son retour raté à domicile. Incontestablement,

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son entêtement à poursuivre sa carrière électorale a aux métropolitaines sur les listes de Gérard Collomb,
favorisé une vague verte d’ampleur. À Toulouse, par avec lequel il a rompu au moment de l’accord avec
exemple, le LR Jean-Luc Moudenc, qui achevait son Les Républicains.
premier mandat, est réélu, certes de justesse, malgré
la forte poussée des Verts dans la Ville rose. « C’est
la fin de ma vie politique, mais je continuerai dans le
débat d’idées », a déclaré pendant la soirée le baron
lyonnais sur le départ.
L’abstention, historique elle aussi, fera de Grégory
Doucet un maire de Lyon moins bien élu que ses
Bernard Bochard et Thierry Philip (à droite). © NB/Mediacités
prédécesseurs. Dans le 8e arrondissement, moins de
De « Gégé » à « Greg » – le diminutif qu’utilisent les
30 % des électeurs se sont rendus aux urnes, dans le 3e
colistiers comme les collaborateurs de Grégory Doucet
– où le champion d’EELV était tête de liste –, moins de
–, Lyon est-elle vraiment en train de basculer ? Après
40 %, comme dans le 5e ou dans le 7e. Une minorité de avoir plié le premier tour avec 28,5 % des voix, après
Lyonnais se sont prononcés pour un maire écologiste. avoir rassemblé toute la gauche, après avoir engrangé
Dans son discours, Grégory Doucet a semblé l’avoir des ralliements jusqu’au sein de la « Collombie »
à l’esprit en appelant « l’ensemble des forces vives de historique (le trio cité plus haut, comme le député
Lyon et de la Métropole à prendre leur part pour être ex-LREM Hubert Julien-Laferrière…), le champion
fier demain d’avoir agi aujourd’hui » et en martelant des Verts aborde le second tour des municipales ce
que « rien ne se fera contre les Lyonnaises et les dimanche en ultra-favori.
Lyonnais, mais ensemble ».
Qui pourrait l’empêcher de devenir le prochain maire
******** de Lyon ? Yann Cucherat, le poulain de Gérard
Nous republions le portrait du futur maire de Lyon, Collomb contraint à un numéro de duettiste avec
de notre partenaire Mediacités-Lyon, paru dans nos l’ex-candidat LR Étienne Blanc, mène une campagne
colonnes le 25 juin. plombée par les divisions et les défections. Quant à
Trois maires d’arrondissement. Trois poids lourds des Georges Képénékian, premier adjoint sortant, il peine
années Collomb. Trois anciens piliers d’un système en à faire entendre sa voix, pris en étau entre ses deux
train de s’effondrer. Ce lundi 22 juin, Grégory Doucet, adversaires, malgré un discours axé sur la santé avant
candidat EELV à l’hôtel de ville de Lyon, met en même la crise du coronavirus.
scène, devant la presse, le soutien que lui apportent Une victoire de Grégory Doucet, 47 ans en août
Bernard Bochard, premier édile du 9e, Thierry Philip, – soit vingt-six de moins que Gérard Collomb –,
à la tête du 3e jusqu’en 2018, et Christian Coulon, ne marquerait pas seulement une rupture politique
et générationnelle. Elle symboliserait un changement
patron historique du 8e. Ce dernier est excusé car
d’époque. Alors que l’actuel maire de Lyon a
« souffrant ». Les deux autres justifient leur présence
mis plus de vingt ans à conquérir la ville, en
au QG de campagne des écologistes au nom de la
cochant tous les mandats ou presque (conseiller
cohérence.
municipal d’opposition, conseiller communautaire,
« Mon ralliement est d’une grande banalité », s’excuse député, conseiller régional, sénateur), son probable
Thierry Philip : il présidait le comité de soutien de successeur n’a jamais été élu.
la socialiste Sandrine Runel, qui a fusionné avec
« Son déficit de notoriété, qu’on voyait comme un
EELV. « Ma position est atypique », admet Bernard
handicap au départ, s’est avéré être une force,
Bochard : il candidate malgré lui aux municipales et
analyse Fanny Dubot, tête de liste écolo dans le 7e

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arrondissement. Les gens n’attendent plus de voter municipale et métropolitaine Émeline Baume (EELV).
pour un ancien parlementaire ou conseiller général. » « Il fonctionne de façon très collective. Il écoute
Grégory Doucet affiche un CV bien différent, à faire mais est capable de trancher. L’ordonnancement
rêver tout communicant politique. Après une enfance des listes, par exemple, s’est déroulé sans difficulté,
en banlieue parisienne (aux Ulis, dans l’Essonne), une raconte Audrey Hénocque, désignée future première
école de commerce à Rouen et des premières années adjointe en cas de victoire. Cela tient à la personnalité
professionnelles dans le social (auprès de détenus en du chef : il a insufflé une ambiance qui a rejailli
milieu carcéral, puis des gens du voyage), il mène dans toutes les équipes. » « Grégory Doucet, c’est
carrière dans l’humanitaire. une sorte de révélation », s’emballe carrément Fanny
Expatriation aux Philippines (4 ans) – « où les Dubot.
merveilles de la nature côtoient l’enfer sur terre avec « Impossible de trouver à Lyon un ennemi intime de
les bidonvilles de Manille », dit-il –, puis au Népal Grégory Doucet. Personne pour dégainer la petite
(2 ans). À son retour en France, il pose ses bagages phrase qui pique en connaissance de cause », écrivait
quelques mois à Corbeil-Essonnes avant d’intégrer Libération, il y a quelques semaines. De fait, son profil
Handicap International, acteur clef et lyonnais du d’homme neuf en politique le met à l’abri des rancœurs
secteur, chargé des opérations en Afrique de l’Ouest. et des vacheries. Tout juste son adversaire Yann
S’enchaînent la guerre au Mali, la crise au Sahel, Cucherat qualifie-t-il sa campagne de « démagogique
l’épidémie Ebola. « Quelqu’un qui travaille chez ». « Il est porté par une idée et c’est grisant, égratigne
Handicap ne peut pas être mauvais », convient son à peine Georges Képénékian. Il est capable de vous
concurrent Georges Képénékian. dire : “Je suis là pour sauver le climat !” »
Ce parcours de gendre idéal fait mouche auprès des Pour autant, ne pas se fier à son image de perdreau
journalistes. « Il passe bien dans les médias, on ne de l’année. La candidature de Grégory Doucet est
manque pas de sollicitations », se réjouit-on dans l’aboutissement d’un engagement de plusieurs années
son équipe de campagne. Il faut dire que l’écologiste au sein d’EELV. Depuis quand pense-t-il à la mairie
présente de réels talents d’orateur. Un brin professoral, de Lyon ? « Je me suis posé la question au moment
Grégory Doucet, qui a suivi des cours de media- des primaires du parti », assure-t-il. Soit l’an dernier.
training, s’exprime souvent sans notes, toujours avec Parmi les Verts lyonnais, personne ne conteste cette
aisance. Ce qui contraste avec son binôme Bruno présentation d’une ambition plutôt tardive. « Pendant
Bernard, en lice pour la présidence de la Métropole. la préparation des élections européennes [début
L’un comme l’autre se disent « complémentaires ». 2019], nous avions évoqué ensemble les municipales,
se souvient Émeline Baume. Il n’était alors pas du tout
dans la perspective de devenir maire de Lyon. »
Grégory Doucet prend sa carte à EELV en 2007, après
sa vie d’expat’. Mais entre le boulot et la famille
(il a trois enfants), il ne s’implique dans son parti
qu’à partir de 2014. Il candidate aux municipales, en
position non éligible, sur la liste du 8e arrondissement.
Grégory Doucet, le 3 juin 2020. © NB/Mediacités
Cette année-là, les écolos lyonnais vivent mal – c’est
Dans l’entourage du candidat à la mairie, on rivalise de un euphémisme – l’accord conclu entre les deux tours
louanges. « Il a du charisme, sait être convaincant », avec Gérard Collomb.
décrit l’écologiste Patrick Odiard, colistier dans le
« Au lendemain de l’élection, Grégory a repris en
8e arrondissement. « Il sait détecter les qualités
et le potentiel de chacun », estime la conseillère main le groupe de militants du 8e, se rappelle Patrick
Odiard. Et très vite, il a manifesté l’idée qu’on pourrait

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gagner la mairie d’arrondissement la fois d’après. revenus », justifie-t-il. « Nous avons été plusieurs à
À l’époque, cela semblait complètement utopiste ! » l’alerter : il fallait rassembler sur le climat et non pas
En 2017, le cadre de Handicap International devient entrer dans une négociation entre appareils. Il a su
secrétaire d’EELV Lyon. À ce poste, il commence à changer de position, cela prouve son intelligence »,
mettre son parti en ordre de bataille pour les élections considère Émeline Baume. « Par sagesse ou par
de 2020. « C’est le moment où je propose à mes nécessité, Grégory Doucet a accepté de se retirer de
collègues-militants le projet de gouverner la ville de cette histoire. Y croyait-il vraiment ? », s’interroge
Lyon. On décline alors un plan d’action avec plusieurs Étienne Tête. « Ce n’est pas lui qui a rompu avec
axes de travail : comment choisir nos candidats ? l’initiative. Cela venait de Paris : EELV voulait
Comment mobiliser autour de nous ? », raconte-t-il. présenter un maximum de candidats autonomes »,
De « Madame Z » aux échanges avec Éric pense de son côté Sandrine Runel, partie prenante
Piolle de « Madame Z ».
C’est le moment aussi où il manifeste une première Le revirement de l’écologiste s’avère payant. Aux
ambition personnelle. L’humanitaire se porte candidat primaires, en septembre 2019, il écrase ses camarades
pour les législatives de 2017. Loupé : il n’est pas Bruno Charles et Étienne Tête, tous deux élus sortants.
retenu. La faute à un accord entre EELV et le Parti « Lui n’était pas comptable de ce qui avait été fait dans
socialiste. Deux ans plus tard, son nom apparaît sur les mandats précédents », commente Patrick Odiard.
la liste de Yannick Jadot aux élections européennes. Déjà, l’atout de l’homme neuf.
Re-loupé : Grégory Doucet pointe à la 27e place. « Vu Depuis, Grégory Doucet a renoué avec ses partenaires
le nombre de personnes intéressées, ce n’était pas de « Madame Z » : pour le 28 juin, les écologistes
étonnant que je ne sois pas retenu en position éligible. ont scellé une alliance avec Renaud Payre et Sandrine
Mais cela s’inscrit dans un parcours militant. J’avais Runel. Après une campagne de premier tour placée
ensuite envie de me frotter moi-même à l’exercice. sous le signe de « la mobilisation citoyenne » et
Ma candidature aux primaires [pour les élections de la sociocratie (dans chaque arrondissement, les
municipales] est devenue assez évidente », explique- militants étaient tous invités à donner leur avis sur
t-il. les compétences et qualités des uns et des autres afin
de déterminer lequel d’entre eux était le plus à même
Les choses ne se sont pas passées aussi simplement.
de mener l’équipe), place aux classiques négociations
À l’époque, Grégory Doucet participe à « Madame
politiques ?
Z », candidature d’abord mystérieuse, censée tourner
la page de l’ère Collomb. L’initiative est portée par le
directeur de Sciences-Po Lyon Renaud Payre (lire le
portrait de Mediacités : « Docteur Payre et Mister
Renaud »). Elle vise à bâtir une alliance entre les
diverses composantes de la gauche et des écologistes
avant le premier tour des élections. Mais elle braque
nombre d’élus et de militants d’EELV. Bruno Bernard
Nathalie Perrin-Gilbert et Grégory Doucet, le 3 juin 2020. © NB/Mediacités
est contre. « On avait besoin de conquérir notre propre
légitimité », confie aussi Étienne Tête, écolo lyonnais Le candidat à la mairie obtient le ralliement de la maire
historique. du 1er arrondissement Nathalie Perrin-Gilbert, figure «
de la gauche de gauche » locale, à laquelle il promet
Surprise : après les Journées d’été 2019 d’EELV,
le poste d’adjointe à la culture. « C’est une prouesse
Grégory Doucet lâche « Madame Z ». « La démarche,
d’avoir réussi à rassembler Renaud Payre et Nathalie
qui se voulait en dehors des partis, me semblait
Perrin-Gilbert », salue Étienne Tête. Il discute, par
intéressante. Mais très vite, les étendards sont

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ailleurs, avec Georges Képénékian – au lendemain du non plus, plus que cela : « Il a les deux jambes bien
premier tour et après le déconfinement. Sans résultat. campées pour potentiellement prendre en charge la
L’écologiste exige du premier adjoint qu’il sacrifie responsabilité qui est à portée de bulletin. »
les députés de la majorité, Anne Brugnera et Thomas Proximité géographique oblige, à l’échelle nationale,
Rudigoz. Non négociable pour « Képé » : « À Lyon, la candidature de Grégory Doucet est rapidement
on a toujours géré les choses indépendamment des comparée au parcours d’Éric Piolle. À la tête de
clivages nationaux ! » Grenoble depuis 2014, l’écologiste a frôlé la réélection
Dans la dernière ligne droite, Grégory Doucet distille dès le premier tour avec 47 % des voix. Les deux
des noms de son futur exécutif. Perrin-Gilbert à la hommes partagent des points communs : profil de
culture et Audrey Hénocque première adjointe, donc, manager (à Hewlett-Packard pour le Grenoblois ;
chargée des finances et de la commande publique. à Handicap International pour le Lyonnais), même
À Sylvain Godinot, tête de liste dans le 1er, la génération. « On parle la même langue, résume
transition énergétique. Sandrine Runel est elle aussi Grégory Doucet. Mais ce n’est pas mon mentor. »
assurée de devenir adjointe. La stratégie vise à faire Ses adversaires brandissent volontiers le supposé
passer le message aux électeurs que l’écologiste, qui contre-exemple grenoblois pour l’attaquer (lire dans
a également déjà composé son cabinet, est prêt à L’Œil de Mediacités : « Sécurité : les mensonges et
gouverner dès le lendemain de l’élection. Mais elle approximations du duo Cucherat-Blanc »).
donne l’impression d’un excès de confiance. « Ils font
comme s’ils avaient déjà gagné. On n’est pas là pour
distribuer des places et faire plaisir aux uns et autres.
C’est de la tambouille et de l’arrogance », pourfend
l’adversaire LR Yann Cucherat.
Le lundi 22 juin, Grégory Doucet et Bruno Bernard
reçoivent la visite de Yannick Jadot, sur les berges Face au candidat écologiste, Yann Cucherat (ex-LREM, soutenu par LR et
rénovées du Rhône. Il y a quelque chose d’ironique Gérard Collomb) et le premier adjoint Georges Képénékian. © NB/Mediacités

à observer les écologistes conquérants déambuler Il a toutefois échangé avec Éric Piolle sur le découpage
devant les (nombreux) micros et caméras sur l’une des délégations au sein de son exécutif. « Mais je
des réalisations phares de Gérard Collomb. Moins n’ai pas suivi le modèle grenoblois », précise-t-il. Le
d’une semaine après le secrétaire national d’EELV maire de Grenoble se garde d’ailleurs bien de jouer les
Julien Bayou, c’est au tour du très médiatique député grands-frères. « Nous nous connaissons depuis un an.
européen de venir s’afficher aux côtés des Lyonnais. Je partage mes réflexions sur l’exercice du pouvoir.
Comment Grégory Doucet est-il perçu par les cadres Mais il s’agit d’échanges, pas de conseils », confie
de son parti ? « Je le connais peu », avoue franchement l’édile isérois à Mediacités.
Julien Bayou, si ce n’est que « c’est un gars sérieux ». Au sein d’EELV, Grégory Doucet s’est jusqu’à
Son prédécesseur David Cormand, en poste jusqu’en présent maintenu à l’écart des courants et contre-
décembre dernier, se montre plus prolixe : « C’est courants. Pour la présidentielle de 2012, il avait voté,
quelqu’un que je pense assez déterminé et solide. Il en interne, pour Nicolas Hulot plutôt que pour Eva
s’est donné les moyens d’y arriver. Il compte parmi Joly. « Je pensais à l’époque qu’il pouvait être un
ces nouveaux écolos qui assument le pouvoir, qui ne meilleur lobbyiste de la cause écologiste, mais j’ai
veulent plus se contenter d’être des contre-pouvoirs. ensuite fait la campagne d’Eva avec enthousiasme »,
La génération Doucet n’a pas ce complexe. » Même explique-t-il.
son de cloche du côté de Yannick Jadot, qui dit
beaucoup apprécier « Grégory », sans le connaître, lui

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Interrogé mille fois sur son positionnement politique, premier tour, j’ai joué l’entremetteur avec un tas de
le candidat écarte le clivage droite/gauche. « Il n’est gens qui cherchaient à le rencontrer, à le connaître,
pas ou plus suffisant », considère celui qui préfère nuance Pierre Hémon d'EELV. Ils avaient besoin
distinguer « ceux qui intègrent dans les politiques d’être rassurés sur sa personnalité. » « S’il veut agir,
publiques la finalité des ressources de la planète et les il lui faudra apprendre le fonctionnement de Lyon,
partisans du statu quo et du conservatisme ». « Se dire s’entourer de personnes qui en ont l’expérience, sinon
de gauche ou de droite, c’est faire preuve de paresse, il le subira », prédit Georges Képénékian.
approuve le conseiller métropolitain EELV Pierre « Lyon doit être au rendez-vous de l’Histoire », n’a
Hémon. Mais il a compris que l’écologie est porteuse eu de cesse de marteler pendant la campagne Grégory
de valeurs de gauche. » « Son projet est très axé sur Doucet. Les urnes diront dimanche si « Greg » a
l’écologie et l’urgence climatique tout en ayant une rendez-vous avec les habitants de cette ville où il s’est
vraie fibre de solidarité. Sa vision s’ancre clairement installé il y a onze ans. « Ce choix n’était pas un
à gauche », juge la socialiste Sandrine Runel. David hasard. J’allais avoir mon deuxième enfant. Je voulais
Cormand renchérit#:« Pour lui, l’écologie est centrale, m’enraciner dans une ville avec une qualité de vie
pas centriste. » importante, suffisamment grande pour avoir un accès
Le discours de Grégory Doucet colle à l’évolution la culture », confie-t-il. Le résultat, en quelque sorte,
et aux nouvelles ambitions d’EELV. « On assiste un de la politique d’attractivité chère à Gérard Collomb.
peu au retour du “ni droite ni gauche”, à l’idée que Boite noire
l’écologie n’est pas à marier, observe Étienne Tête,
en citant la maxime d’Antoine Waechter. Cela tient Pour cet article, nous avons échangé avec une
au contexte politique qui a changé : le PS n’est plus quinzaine de personnes. Parmi les écologistes, seul
en capacité de dominer. » Une victoire écologiste Bruno Charles, candidat aux primaires d’EELV en
dans la deuxième agglomération de France aurait des septembre dernier, n’a pas répondu à nos sollicitations.
répercussions au-delà de Lyon et une portée politique Grégory Doucet nous a reçus pendant une heure et
en vue des prochaines échéances électorales. Si EELV demie, lundi 15 juin, dans son local de campagne, situé
s’empare du berceau de la macronie, « cela dira aux halles du Faubourg, dans le 7e arrondissement.
quelque chose de l’alternance possible », veut croire Nous l’avons par ailleurs suivi lors d’événements de
Yannick Jadot, candidat officieux à la présidentielle de campagne (visite de Yannick Jadot, de Julien Bayou)
2022. et avons assisté à plusieurs conférences de presse de
l’entre-deux-tours.
En attendant, la vague Doucet panique une partie du
microcosme lyonnais. Un sentiment que Lyon People Mediacités est un journal en ligne d’investigation
retranscrit à sa manière, caricaturale au point d’en locale présent dans plusieurs villes – Lille, Lyon,
être risible : le magazine l’a, entre autres, renommé « Toulouse et Nantes –, qui a noué un partenariat avec
le candidat des bobos pastèques [vert dehors, rouge Mediapart, renforcé depuis les municipales, comme
dedans] ». Ces derniers jours, c’est le chef Christophe nous le faisons avec d’autres équipes de journalistes
Marguin, colistier aux métropolitaines du maire du en région (Marsactu à Marseille etLe Ravi, mensuel
6e Pascal Blache, qui a qualifié de « connards » les satirique de la région PACA, Le d’Oc dans le
électeurs d’EELV. Grand Montpellier, Le Poulpe en Normandie), ou
Contrairement à un Gérard Collomb, Grégory Doucet avec le Bondy Blog (Seine-Saint-Denis) et Guyaweb
dit ne pas avoir cherché à séduire les réseaux lyonnais (Guyane).
(de chefs d’entreprise, religieux, etc.) : « Je n’ai
pas abordé la ville sous cet angle-là ». « Avant le

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