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Préhistoire

Anthropologie
Méditerranéennes

2001- 2002 tome 10 -11

REVUE ÉDITÉE PAR L'UMR 6636 - ECONOMIES, SOCIÉTÉs ET ENVIRONNEMENTS PRÉHISTORIQUES

UNIVERSITÉ DE PROVENCE - CNRS - MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION


AIX-EN-PROVENCE
QUATRE ABRIS PEINTS
DÉCOUVERTS AU JEBEL OUSSELAT
(TUNISIE CENTRALE)

Jaâfar BEN NASR


ESEP - UMR 6636 - Aix-en-Provence

Résumé: De nouvelles peintures réalisées à l'ocre rouge ont été découvertes au Jebel Ousselat (Tunisie Centrale). Elles représentent des
personnages, un zoomorphe, un bovidé et des groupes de plusieurs dizaines de ponctuations de différentes orientations et formes, aux-
quels il faut ajouter des signes en ,forme d'~toiles. Ces dé~o~~ertes soulignent tout l'intérêt que peut présenter une prospection
systématique du Jebel Ousse lat certamement nche en potenuahtes.
. Abstract : New paintings made with red ochre were discovered in Jebel Ousselat (Central T unisia). They represent humans, a zoomorp,h,
a bovid and groups of multiple punctuations with different orientations and forms, te which we must add star-shaped signs. These
discoveries testify to the interest a systematic prospection in Jebel Ousse lat which is certainly a potentially rich area.

INTRODUCTION
où se trouvent les autres peintures rupestres déjà signalées,
Le Jebel Ousse lat est un massif montagneux qui fait de nouveaux abris peints qui font l'objet de la présente
partie de la chaîne nord-sud qui se raccorde à la Dorsale étude préliminaire. Il s'agit des abris d'Oued Grabech,
. tUnisienne. Il est la partie méridionale d'un long anticlinal d'Oued Bourrime, de Khnéfissa et de Chendoube (I).
,qui borde à l'ouest la vaste et riche plaine
àlluviale de Kairouan, domine la plaine
MER MÉDITERRANÉE
d'Ouesslatia à l'est et la dépression de Haffouz
au sud (fig. 1). L'Ousselat s'étend sur environ
135 km 2 et sa crête culmine à 895 m à
..Chaib». Situé à l'abri des influences humi-
des du nord-ouest, il offre aux populations un
milieu rocailleux et sec. Le massif, vrai laby-
rinthe de crêtes et de vallons, se présente
comme un plateau calcaire totalement dissé-
qué. Le substrat est constitué par des calcai-
res plus ou moins marneux d'âge éocène infé-
rieur. Les calcaires sont plus massifs au sud
qu'au nord, où les divers bancs s'individuali-
sent bien. L'ancienne surface structurale a
fait place à des crêtes et à des échines sinueu-
ses (Boukadi et al 2000). /_, ./ ,.-
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j. Mghila/
. Au Jebel Ousselat, trois abris peints ont ALGÉRIE ',1544 ~" ,"
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déJ,à ,été inventoriés par l'équipe de l'Atlas l, ' Kasserine "
'J,Cbamb. '. ___ -'.
Prehistorique de la Tunisie. Il s'agit des abris
d'A"ln Kh anfous, d'Oued Majel et d'Oued " - Sidi Bouzid
\
Ch~a (Zoughlami et al. 1998). Notre pros- 1
1

~Ctlon (mars 2001), en vue de la prépara- \


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tion. d'un DEA en Pre'h"Istolre sur l ' --,,/
Pelntu
"Ouss
e sUJet:
res et gravures rupestres du Jebel
,-
1
.Sned
Golfe de Gabes
1
. elat (Tunisie Centrale) j inventaire et
an.a IYSe », nous a amené à enrichir ce réper-
tOire paria d'ecouverte, dans le même secteur
1 - Localisation du Jebel Ousselat (Bergaoui & Gammar, 1990, p. 199).

~ISTOIRE M'THROPOlOGlE MÉDITERRANÉENNES 2001-2002, T. 10-11, P. 159-166 159


QUAThE ABRIS PEINTS DÉCOUVERTS AU JEBEL OUSSELAT (TUNISIE CENTRALE) J. BEN NASR

ment humain dans le massif. Au contraire de ce qui se


SITUATION ET CARACTÉRISTIQUES
produit actuellement, où les oueds sont pratiquement à sec
GÉNÉRALES
pendant plusieurs mois, durant l'Holocène ces cours d'eau
auraient eu un régime régulier et permanent (Ballais 1993).
L'abri de l'Oued Grabech se trouve dans un lieu dit Ces lieux d'activité artistique peuvent correspondre égale-
«Dar Malleh». Il s'étend sur une longueur de dix mètres et ment à un choix de l'habitat, de la halte ou d'une voie de
une hauteur de quatre mètres. Celui d'Oued Bourrime est circulation.
à 1,5 km à vol d'oiseau d'Ain Khanfous, en direction du
nord-ouest. Il se prolonge horizontalement sur une soixan-
taine de mètres et il est haut de quatre mètres. Quant à DESCRIPTION DES ENSEMBLES DE
l'abri de Khnéfissa, on le rencontre, sur la rive gauche, en PEINTURES RUPESTRES
remontant l'Oued Chara en direction du nord. C'est un
abri de taille modeste (cinq mètres de long sur deux mètres L'ABRI D'OUED GRABECH
de hauteur). Enfin l'abri de Chendoube se trouve sur la
Cet abri, qui s'étend sur une longueur de dix mètres et
rive gauche de l'Oued El Arar. Il est à un 1 km à vol
une hauteur de quatre mètres, a révélé la présence d'un
d'oiseau d'Ain Khanfous en direction du sud-ouest.
ensemble peint à l'ocre rouge foncé et constitué de 25
Tous les abris peints découverts jusqu'à présent au Jebel représentations correspondant à 21 figurations humaines,
Ousselat sont circonscrits dans un cercle de 2,5 km de un seul zoomorphe et 3 représentations d'armes. L'espace
diamètre au centre ouest du massif (Feuille nO LXII de. peint se divise en quatre panneaux nettement séparés l'un
Haffouz au 50.000e) (fig. 2). Ils ont pour points communs de l'autre par un espace non peint. De gauche à droite on
d'être situés à une altitude comprise entre 500 et 700 m et distingue:
de jouir d'une bonne exposition. Ils sont étroitement tri-
Panneau n O 1 :
butaires de la présence de l'eau puisqu'ils jalonnent tou-
jours des oueds. Des cours d'eau qui ont dû constituer des - Deux personnages: celui de droite mesure 20 cm de
artères vitales pour les populations et des axes de peuple- hauteur alors que l'autre n'en mesure que 14. Ils sont

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, .,, • abris déjà inventoriés:
3 - abri d'Oued Majel
5 - abri d'Aïn Khanfous
'" '. 6 - abri d'Oued Chara
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• abris récemment découverts


1 - abri de Grabech
........ ,1.... \: ," 2 - abri d'Oued Bourrime
...
.... ....."
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,, 0 2 4 6km 4 - abri de Khnéfissa
7 - abri de Chendoube

2 - Répartition des abris.

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quATRE AloII.!S PEINTS otc:xx..Nu;TS AU JEfa ÜI.1SSEl..AT (TUNIS!E œmv.u:)
J.BEI'IN~

peints à l'ocre rouge foncé. Ils sont en posmon debout et sée des "parents .. (hauteur: 25 cm); ils sont vus de profil
de forme rrès schématique: le cou et le corps sont formés en position debout, chacun tournant le dos à l'autre et
d'un trait étroit alors que la tête est un élargissement de ce tendant les mains à l'enfant (hauteur: 10 cm) qui lui fait
trait. Les deux personnages sont vus de face, jambes et bras face. Les quatre personnages ont le même style: un corps
écartés (fig. 3). sous {onne d'un trait étroit, une tête qui se présente comme
_ Le même panneau comprend un autre personnage de l'élargissement de ce trait et des jambes écartées. L'enfant
même couleur et style dont il ne subsiste que le corps et les placé à gauche lève sa main gauche vers le haut (fig. 4).
Jambes. Panneau nO3 :
Panneau nO2 : A un demi-mène de la scène précédente et au même
niveau par rapport au sol (2 ml. nous distinguons trois
C'est une scène qUL se compose de sept personnages
personnages peints à J'ocre rouge foncé et de même
peints à l'ocre rouge foncé. Nous y distinguons :
style que les autres personnages précédemment décnts.
_ Un personnage (hauteur: 27 cm) . Il est vu de face en Ils mesurent respectIvement 25, 18 et 15 cm de hauteur
position debout, le cou et le corps sont représentés par un et ils sont vus de face en position debout se tenant par
trait étroit et la tête n'est qu'un élargissement de ce trait. les mains, tous dans la même attitude: jambes et bras
Le personnage n'a pas de bras mais il est figuré avec les écartés. Le personnage le plus grand, qui se présence au
deux jambes écartées. premier plan a le sexe masculin bien indiqué (fig. 5).
Toujours à proxim ité, ce même sty le est illustré par
. Deux personnages. Celui de gauche (hauteur: 27 cm) est
deux autres personnages vus de face, jambes et bras
vu de profil en position debout avec les jambes écartées.
écartés se tenant par les mains. La peinture est en
Son corps est représenté par un trait étroit dont la tête est
bonne partie détériorée. Au-dessous nous remarquoos
le prolongement. Il tend les mains à un autre personnage
la silhouette d'un quadrupède indéterminé (hauteur:
(hauteur: 14 cm) de style identique.
7 cm, longueur : 17 cm) peint en contour à l'ocre rouge
- Au-dessus est représentée une scène «{ami hale" compo- foncé. L'animal, très schématique, est vu de profil et
regarde vers la droite. Cette représentation som-
maire de l'animal rend difficile, voire impossible,
son identification taxonomique, comme c'est le cas
pour la plupart des autres représen tations de zoo-
morphes du Jebel Ousse lat, et montre la difficulté
de donner un aperçu plus large de la faune repré-
sentée. A 5 cm de l'animal est figuré un person-
nage (hauteur: 10 cm) dont le corps est représenté
par un traÎt et la têre est ovale. Il tient un arc de la
main gauche et semble s'affronter au quadrupède.
Un peu à droite nous avons quatre personnages
filiformes (hauteur: 3, 4, 6 et 7 cm) peints à l'ocre
rouge foncé. Ils SOnt vus de face en position de-
bout, se tenant par les mains. Leurs têtes sont ova-
les et ils ont les jambes et bras écartés.
Panneau nO4 :
Il est situé à l'extrémité droite de l'abri, à deux
mètres des autres panneaux, et renferme une peinture
à l'ocre rouge foncé qui représente un personnage
(hauteur: 40 cm) vu de face. Un trait étroit fonne le
cou et le corps tandis que la têre est ovale. Les bras, en
croix, som sans articulations et les jambes semblent
être pliées comme si le personnage montait un zoo-
morphe, dont la tête est vue de face. Ce personnage
t ient un arc simple aux extrémités courbées en .. 0 .. de
la main gauche et une flèche de la droite (fig. 6). Le
même type d'arc est connu parmi les peintures rupes-
tres du Jebel Bliji (Sud tunisien). Dans l'état acruel
des connaissances, on admet généralement que l'arc
court et convexe en {orme de .. D" a été le plus an-
t:iennement connu dans les foyers des chasseurs ar-
3 _Oued Grabech, pannc~u l ,Deux personnages de nyle $Ch~matique. chaïques du Fez:an Central et du Nil (Huard &

PRUiLSTOlRE A.'ffi1roPOlOGll Mtorru.R.ANtENNES 2001·2002, T. 10·11, P. 159-166 161


Q».nu: ABRIS l'EINTS ottouvER.TS AU JEIIa ÛUSSEl..AT (TUNISIE aNIllAU) J. BEN N ~

4 - Oued Grabech, panneau 2 ,Sdne .familiale •.

5 _Oued Grabech, panneau 3 : Trois peISOnnaaes vus de lace.

Ledant 1980). Au-dessous, il y a un personnage filiforme L'ABRI D'OUED BOURRIME


de même couleur, vu de face en position debout, jambes et La paroi de l'abri est assez dégradée et nous ne distm-
bras écartés. guons qu'une seule figuration d'un bovidé (hauteur: 20 cm,
Les panneaux figuratifs sont asse: homogènes. Ils parta- longueur : 30 cm) située à l'extrémité droite de l'abri
gent le même style schématique, un esprit d'organisation (fig. 7). L'animal est tracé en COntour plus ou moins~pais à
et de composition similaire et le tout semble avoir été l'ocre rouge brique. Son corps, de forme rectangulaire avec
exécuté de la même main. Tous les anthropomorphes SOnt un pelage sur te garrot, est représenté de profil alors que la
représentés sans aucune mdication des mains, des pieds ou tête et les comes sont vues de face. Ses pattes SOnt sépa-
des attributs céphaliques extemes. En outre aucun vête- rées, convergentes et ta queue est souple, tombante. Les
ment n'est figuré. sabots des membres postérieurs sont représentés. Quant à

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J. BENNI<SII.

son identification, son (ront plat suivi d'une face


étroite allongée avec des comesdont la base d'implan·
tarion est parallèle à l'axe facial nous autonse à penser
à un Bos Macroceros. D'après G. Esperandieu (1955)
ce bovidé rappelle le Bos Afriœnu.s décrit par Sanson.
Le même type de bovidé est reconnu également à Aïn
Sirri (Sud tunisien) (Gragueb 1988, p. 106, fig. 7) et
au Jebel Bou·Slam (Tunisie septentrionale) (Solignac
1936, p. 21, fig. 5).
Reste à noter que sur l'autre rive de l'oued, dans un
abri qui (ait (ace à celui précédemment décrit, nous
avons pu observer des signes en forme de ponctuations
et de bâtonnets. Mais devant l'impossibilité d'évaluer
la parr manquante de l'iconographie in itiale, il paraît
difficile de tenter de percevoir leur organisation géné-
rale et les règles de leur composition. La paroi est assez
décapée et les traces de peintures partout présentes
dans l'abri prouvent qu'il était richement peint.

L'ABRI DE KHNÉFISSA
Un examen de la paroi nous a permis de déceler
cinq signes en forme d'étoile à cinq voire même à neuf
branches de couleur noire, exécutées sur un plafond
accidenté et une tête d'antilope peinte à l'ocre rouge
brique.

L'ABRI DE CHENDOUBE (fig. 8, 9, 10)


C'est l'abri «aux points" par excellence. Il a l'inté·
rêt de présenter des groupes de plusieurs dizaines de
6· Oued Gr.l.bech, panneôl1l4: Un archer. ponctuations peintes à J'ocre rouge brique. Ces points

7 • Oued Bourrime : Un bovid~ peint à l'extrémité droite de l'abri.

PR~H1STOIR1 M'nIROI'OI.CC!E MWlTERRANÉENNES 2001·2002, T. 10·11, P. 159. 166 163


QuATR~ ABRIS PEINTS otCOUVERTS AU JEBEL OuSSUAT (TUNISIE ClNTRAU) J. BL"' NASR

forment un très vaste panneau qui occupe la partie cen- couche archéologique, si elle a existé, a été démantelée par
trale de l'abri long de 15 mètres. les agents d'érosion et de ruissellement très actifs dans le
massif. Nous n'avons recueilli aucun vestige d'une indus-
Nous pouvons distinguer des ponctuations de différen-
trie lithique, ni sur place, ni dans les environs immédiats
teS orientations, des traces d'ocre, des nuages de points et
des abris. Mais l'absence d'indices de surface ne doit pas
des faisceaux mal ou pas organisés. Il y a aussi des signes
être interprétée hâtivement jusqu'à ce que la prospection
structurés comme des alignements simples ou multiples de
du massif soit achevée.
points dont certains sont disposés de teUe sorte qu'ils évo-
quent des formes géométriques fermées, à savoir un signe Ne pouvant nous appuyer sur aucun témoignage direct,
quadrangulaire à remplissage géométrique ou un autre si- l'essai de chronologie sera forcément tributaire d'une ap-
gne ovoïde à deux bases droites. Nous pouvons noter aussi proche comparative. En effet pour traiter le cadre chrono-
la présence d'un autre signe géométrique composé d'une logique des peintures rupestres nous devons nécessaire-
combinaison simple de quatre traits longitudinaux et un ment nous référer à des critères stylistiques et formels. Par
trait vertical. leur schématisme, les représentations humaines de l'abri
d'Oued Grabech SOnt loin de préciser une chronologie.
Sur le plan graphique ce type de tracés élémentaires ne Elles sont fréquentes dans l'art rupestre nord-africain et
suppose pas une compétence particulière. Toutes ces re- figurent presque partout: en Algérie orientale, à l'eH de
présentations sont appelées non figuratives, dans la mesure Constantine, dans l'Atlas Saharien sud-oranais et dans le
où l'interprétation que nous en donnons n'est que la pro- Haut Atlas marocain, etc. Si simple et répandu dans le
jection de notre imagination, sans pouvoir y reconnaître temps et.dans l'espace, ce type de représentation ne peut
un objet représenté d'une façon certaine (Archambeau avoir une grande valeur chronologique et il est même
1984, p. JO). difficile de l'associer étroitement à une culture ou à une
époque (Camps 1975, p. 13). L'extrême schématisation
LA CHRONOLOGIE des personnages nous laisse le plus souvent perplexe sur
leur appartenance ethnique.
L'étude d'un document rupestre ne saurait être com- Si les représentations figuratives SOnt difficiles à classer
plète si eUe n'allait de pair avec celle de son contexte dans le temps, celles non figuratives, nettement moins
archéologique immédiat, car il est indispensable d'avoir représentatives cependant, ne le sont pas moins. Leur ana-
une connaissance approfondie des cultures responsables de lyse nous livre des indications chronologiques très larges.
cet arr, qu'il s'agisse de leur mode de vie ou de leur art Par exemple les ponctuations, présentes dans l'art euro-
mobilier (Clones 1998). Or dans le cas de ces peintures péen dès le Paléolithique supérieur, se rencontrent en Afri-
rupestres, le contexte reSte encore inconnu. En effet les que du Nord même en période libyco-berbère. De même la
abris n'ont révélé aucun signe d'occupation et leur examen présence de figurations d'armes n'induit pas directement
nous a montré que le sol est formé par la dalle nue et que la qu'il s'agissait d'un groupe de chasseurs. Au Sahara, par

8 · Otendoub-e: Vue d'en~mb!e du goupe de ponctuations.

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J. &'"NASR Qu.o.Tht AMIS PEJNTS !lta:luvrATS AU jua Ousst:LAT (TUNISIE ctNnAlt)

9 - Chendoube: S'gnes de fonne géométrique.

10 - Chendoube ; Signe ovoïde 11 deux bases droites.

exemple, la représentation de la chasse est restée très long- puis la période des chasseurs Jusqu'à la période cameline,
temps en honneur che2 dtvers groupes de pasteurs graveurs ajoutant à cela la polémique qui marque la question de
ou peintres. leurs origines et de leur domestication.
Quant à la valeur chronologique de la faune, le bes- En outre, par leur nombre moindre et ['absence de
tiaire, peint ou gravé, peut nous livrer des indications diversité thématique, les figurations en question n'offrent
chronologiques au cas où nous serions en présence d'un ou pas la possibilité de comparaisons constructives avec
plusieurs antmaux pour lesquels nous disposons de dates d'autres peintures rupestres. Néanmoins, plusieurs analo-
d'apparition et/ou de disparition bien déterrnin~. Ce type gies SOnt à remarquer entre les figurations ponctuées de
d'animaux n'est pas présent dans les ensembles étudiés. Les l'abri de Chendoube et les peintures de \'abrt sous-roche
bovidés sont représentés partout à toutes les périodes de- d'Amzr i (Toulkine, Atlas marocain). Ce dernier comporte

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QUATRE ABRIS PEINTS DÉCOUVERTS AU JEBEL OUSSELAT (TUNISIE CENTRALE) J. BEN NASR

d'innombrables groupes de points dispersés tout le long de


BIBLIOGRAPHIE
l'auvent, datés, en corrélation chronologique directe avec
Une des périodes d'occupation de l'abri sous-jacent, d'une
Archambeau 1984, ARCHAMBEAU M., Les figurations humai-
période largement antérieure à 2500 BC (Rodrigue 1989, nes pariétales périgourdines. Etude d'un cas : Les Combarelles, Uni-
p. 142). Mais c'est des peintures de Magara Sanar (nord du versité de Provence - Centre d'Aix, 1984, Thèse de Doctorat
Maroc) que celles de Chendoube se rapprochent le plus. 3ème cycle, 236 p.
Cependant, dans ce site marocain, les ponctuations sont Ballais 199~, BALLAIS J.-L., Morphogenèse fluviatile holocène
associées à des petits personnages et à des zoomorphes et en Tunisie, Etudes de Géographie physique, Aix-en-Provence, t. 22,
1993, p. 63-78.
elles sont même comparées aux figurations néolithiques du
Levant espagnol (Martinez Santa-Olalla 1941, p. 442). Boukadi et al. 2000, BOUKADI N., EL AYEB S.,
KHARBACHI S., Analyse quantitative de la fracturation des
D'autres parallèles sont à évoquer également à Chabet el calcaires yprésiens en Tunisie: l'exemple de Jebel Ousselat, Bul-
Beulsa et Kef Ain N'has dans le Constantinois (Lefebvre letin de la Société Géologique Française, t. 171,3, 2000, p. 309-317.
1967, p. 184-259), dans plusieurs abris de la Kabylie (Poyto Camps 1975, CAMPS G., Les représentations humaines du type
& Musso 1969, p. 106) et à Kef el-Mektouba dans le Sud orant à bras et jambes écartés, Bolletino deI Centro camuno di Studi
oranais (Flamand 1921, p. 354-355). preistorici, t. 12, 1975, p.13-14.
Clottes 1998, CLOTTES J., Voyage en préhistoire: l'art des
Il est encore prématuré de transformer ces quelques cavernes et des abris, de la découverte à l'interprétation, Paris, La
analogies en homologies. La chronologie est beaucoup plus Maison des roches, 1998,479 p.
délicate et ces ressemblances de formes entre des faits Espérandieu 1955, ESPERANDIEU G., Domestication et éle-
isolés ne peuvent conduire qu'à des hypothèses d'intérêt vage dans le Nord de l'Afrique et dans la Protohistoire d'après les
limité. En absence de vestiges lithiques liés aux peintures figurations rupestres, in : Congrès panafricain de préhistoire. Actes
de la 2ème session, Alger, sept-oct 1952, Balout L. Ed., Alger,
rupestres, une simple lecture des figurations peut induire a Direction de l'Intérieur et des Beaux-Arts - Service des Antiqui-
priori de lourdes conséquences et ne donnera pas de répon- tés, 1955, p. 551-573. .
ses satisfaisantes à cette question. Flamand 1921, FLAMAND G.B.M., Les Pierres écrites (Hadjrat-
Mektoubat) : gravures et inscriptions rupestres du Nord-Africain,
Paris, Masson, 1921,434 p.
CONCLUSION
Gragueb 1989, GRAGUEB A, Une nouvelle station de repré-
sentations rupestres dans le Sud tunisien (In Sifri-
Ces nouvelles découvertes viennent enrichir nos con- Ghoumrassene), Travaux du LAPMO 1988, Aix-en-Provence,
naissances sur l'art rupestre en Tunisie en général et con- 1989, p. 102-107.
firment tout l'intérêt archéologique que présente cet en- Leclant & Huard 1980, LECLANT J., HUARD P., La culture
semble du Jebel Ousse lat, certainement très riche en po- des chasseurs du Nil et du Sahara, Alger, C.R.AP.E., 1980,570 p.
(Mémoire; 29).
tentialités, comme l'illustrera toute nouvelle prospection.
Mais les résultats sont encore provisoires dans l'attente de Lefebvre & Lefebvre 1967, LEFEBVRE G., LEFEBVRE L.,
Corpus des gravures et des peintures rupestres de la région de Cons-
nouvelles recherches sur le terrain qui nous permettent de tantine, Paris, Arts et Métiers graphiques, 1967,292 p. (Mémoire
mieux connaître l'extension de cet art et d'avancer dans la du CRAPE; 7).
compréhension du type de société qui l'a réalisé. Martinez Santa-Olalla 1941, MARTINEZ SANTA-OLALLA
J., Las primeras pinturas rupestres del Marruecos espanol,
Le problème du cadre chronologique dans lequel insé- Atlantis : Actas y Memorias de la Sociedad Espaiiola de Antropologia,
rer ces peintures rupestres n'est pas une question mineure. Etnografia y Prehistoria, Madrid, t. 16, 1941, p. 438-442.
Faute de marqueurs explicites il ne pourra être précisé. Poyto & Musso 1969, POYTO R., MUSSO J.c., Corpus des
Donc, nous en sommes réduits à l'étude interne des docu- peintures et gravures rupestres de Grande Kabylie, Paris, Arts &
ments rupestres de chaque site et à chercher des rappro- Métiers graphiques, 1969 (Mémoire du CRAPE ; 11).
chements stylistiques et thématiques avec d'autres groupes Rodrigue 1989, RODRIGUE A, Les Peintures rupestres de
géographiques de l'art rupestre nord-africain. Toulkine (Atlas marocain), Bulletin de la Société préhistorique de
l'Ariège, t. 46, 1989, p. 121-129.
Enfin, les peintures rupestres constituent un document Solignac 1936, SOLIGNAC M., Les peintures rupestres de la
archéologique d'une grande importance qui peut apporter région de Djebibina, Revue tunisienne, 1936, p. 3-56.
de nouveaux éléments sur la préhistoire de la Tunisie. Il Zoughlami et al. 1998, ZOUGHLAMI J., CHENORKIAN R.,
est donc nécessaire de prendre des mesures d'urgence pour HARBI-RIAHI M., 1998, Atlas préhistorique de la Tunisie,
la conservation et la protection de ce patrimoine inestima- fasc. Il : Kairouan, Rome, Ecole Française de Rome, 158 p., 1
carte h.t., (Collection de l'Ecole Française de Rome, 81 / Recher-
ble surtout à cause des destructions anthropiques dont ches d'archéologie africaine publiées par l'Institut National du
l'impact est très net sur plusieurs peintures. Patrimoine de Tunis).

NOTE

(1) - Outre l'inventaire de nouveaux abris peints, notre prospection au Jebel Ousselat nous a permis de rectifier certains détails de
description concernant des éléments des panneaux figuratifs des abris susmentionnés et d'apporter une série de relevés de figurations
signalées mais non publiées.
(J.B.N.) - UMR 6636 -ESEP, 5 rue du Château de l'Horloge, BP 647, F-13094 AIX-EN-PROVENCE Cedex 2
(jaafarbennasr@hotmail.com).

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