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besogneux. Car l’économie biélorusse, qui a ralenti et pacte social s’est également effrité. Les salaires n’ont
stagne globalement depuis 2010, est un pur vestige de pas augmenté depuis des années, et les contrats courts
l’époque soviétique. (un an) se multiplient partout.
Encore largement étatique et planifiée, elle repose « En plus d’un sentiment croissant de stagnation
très largement sur la production industrielle lourde économique, Loukachenko a aussi perdu l’estime et le
(le tissu a été conservé), le raffinage du pétrole soutien d’une partie des travailleurs du quotidien avec
venant de Russie, qui représente un tiers des sa proposition de loi de 2017 contre les “parasites” »,
exportations du pays, ou encore l’agriculture. En rappelle également le chercheur de l’Université de
bonus, paradoxalement, un secteur des technologies Londres spécialiste de la la Biélorussie Tadeusz
de l'information florissant. Les entreprises publiques Giczan, en parlant du projet de loi – abandonné –
produisent encore près de 60 % du PIB national et voulant taxer et mettre des amendes aux chômeurs
représentent 50 % des emplois. Plus encore que les de plus de six mois. La gestion calamiteuse de
manifestations, Loukachenko redoute donc une grève l’épidémie de Covid-19 par le satrape de Minsk, au
générale, pas encore décidée malgré de nombreux pouvoir depuis vingt-six ans, a fini d’attiser la soif de
appels, et l’arrêt de l’économie. changement d’une bonne partie de la population, y
compris les fidèles salariés du secteur public.
La détermination semble avoir essaimé. L’idée
d’une grève générale était toujours discutée mardi,
notamment sur le site de MTZ à Minsk. Une
coordination nationale de la grève s’organise et un
canal Telegram « Grève Belarus » vient d’être créé
pour fédérer les différentes initiatives. Le seul syndicat
Manifestation dimanche à Minsk contre l'exécutif biélorusse. © Sergei Gapon / AFP.
indépendant de Biélorussie vient lui de lancer un appel
Le modèle économique imposé par l’ancien au soulèvement général dans les entreprises.
directeur de kolkhoze (ferme) soviétique Alexandre Mais la partie est loin d’être gagnée pour les
Loukachenko a certes, pendant longtemps, été salariés mobilisés et l’opposition. D’abord l’appareil
apprécié de la population, aidé par une forte croissance sécuritaire de Loukachenko semble tenir bon pour
au milieu des années 2000 notamment. Repoussant le l’instant. Surtout, dans les entreprises étatiques, la
choc d’ultra-libéralisation qu’a subi la Russie dans les pression d’en haut a commencé à s’abattre sur les
années 1990, il a ainsi su maintenir son pays loin des grévistes : à l’usine MTZ, la direction a agité lundi le
énormes inégalités des pays émergents, avec à la clé de spectre de licenciements massifs, de coupes dans les
la stabilité sociale et un relatif confort : premier emploi salaires et d’autres mesures disciplinaires.
assuré par l’État pour les jeunes diplômés, taux de
pauvreté à seulement 6 % soit deux fois moins qu’en La possibilité de perdre son emploi, alors que la
Pologne, salaire minimum au alentours de 500 $ soit valeur-travail est fondamentale en Biélorussie, effraye
deux fois plus qu’en Ukraine… désormais de nombreux grévistes. À MTZ, il ne
seraient plus qu’un tiers des salariés à être prêts
Mais depuis 2010, le modèle s’essouffle, sur fond de à continuer la grève (250 grévistes mardi contre
relations économiques plus difficiles avec le grand plus d’un millier auparavant). Le mouvement gréviste
frère russe (80 milliards de dollars de subsides entre va devoir doublement s’armer de courage pour se
2002 et 2015). Comme le rappelait le Financial relancer.
Times, l’écart de PIB par habitant avec la Pologne
voisine s’est par exemple creusé depuis dix ans. Le « Pour l’instant, la grève n’a pas encore touché
le secteur des hydrocarbures, plus crucial pour le
régime que les industries de production, note David
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Teurtrie, chercheur à l’Inalco. Si cela change et si les grèves peuvent se transformer en poids politique
pour l’opposition, alors Loukachenko sera vraiment
menacé. »
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