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Développement n◦ 40/74 Benjamin Groux

Théorème de Baire
Mon développement

Théorème (Baire). Tout espace métrique complet (E, d) est un espace de Baire, i.e. toute
intersection dénombrable d’ouverts denses dans E est dense dans E.

Soit (On )n∈N


T une suite d’ouverts denses dans E, soit V un ouvert non vide de E. Pour
montrer que n∈N On intersecte V , on va construireTune suite particulière de fermés non
vides dont le diamètre tend vers 0, incluse dans V ∩ n∈N On .

- O0 est dense dans E donc intersecte V . O0 ∩ V est donc un ouvert non vide de E. En
particulier, il existe une boule fermée B0 incluse dans O0 ∩ V de rayon inférieur ou égal à 1.
- On suppose que la boule fermée Bn est construite. On+1 est dense dans E donc intersecte
l’ouvert B˚n . On+1 ∩ B˚n est donc un ouvert non vide de E. En particulier, il existe une boule
fermée Bn+1 incluse dans On+1 ∩ B ˚n de rayon inférieur ou égal à n+11
.
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On a ainsi construit par récurrence une suite (Bn )n∈N telle que pour tout n ∈ N, Bn est
une boule fermée de rayon inférieur ou égal à 21n , B0 ⊂ O0 ∩ V et ∀n ∈ N, Bn+1 ⊂ On+1 ∩ B˚n .

Soit (xn )n∈N une suite telle que ∀n ∈ N, xn ∈ Bn .


Soit ε > 0. Il existe N ∈ N tel que 21N ≤ ε. On a donc, pour tous p, q > N, d(xp , xq ) ≤ 21N ≤ ε.
La suite (xn )n∈N est donc de Cauchy dans E qui est complet, elle converge donc de limite
notée l.
Soit p ∈ N. Pour tout n ≥ p, xn appartient
T à Bp , donc l ∈ Bp .
On en déduit que l appartient à p∈N Bp . Cette intersectionTest donc non vide.
De plus, B0 ⊂ V et ∀p ∈ N, Bp+1 ⊂T Bp , donc l’intersection p∈N Bp est incluse dans V . Elle
est aussi incluse dans
T l’intersectionT p∈N Op puisque ∀p ∈ N, Bp ⊂ Op .
Finalement, V ∩ p∈N Op contient p∈N Bp donc est non vide.
T
On a ainsi montré que p∈N Op est dense dans E.

Application. On note C l’espace de fonctions continues C 0 ([0, 1], R), qu’on munit de la
norme infinie. L’ensemble des fonctions de C nulle part dérivables contient une intersection
dénombrable d’ouverts qui est dense dans C.

Pour tous ε > 0 et n ∈ N, on note


 
f (y) − f (x)
Uε,n = f ∈ C | ∀x ∈ [0, 1], ∃y ∈ [0, 1] vérifiant 0 < |y − x| < ε tel que >n .
y−x
Tout d’abord, Uε,n est ouvert dans C.
En effet, soit (fp )p∈N une suite de C \Uε,n convergente dans C de limite notée f .
Pour tout p ∈ N, il existe xp ∈ [0, 1] tel que pour tout y ∈ [0, 1] vérifiant |y − xp | < ε, on a
|fp (y) − fp (xp )| ≤ n|y − xp |.
(xp )p∈N étant une suite du compact [0, 1], il existe une suite extraite (xϕ(p) )p∈N convergente
de limite notée x.
Soit y ∈ [0, 1] tel que 0 < |y − x| < ε. Il existe P ∈ N tel que pour tout p ≥ P , 0 <
|y − xϕ(p) | < ε, donc
|fϕ(p) (y) − fϕ(p) (xϕ(p) )| ≤ n|y − xϕ(p) | . (1)

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De plus, (fp )p∈N converge uniformément vers f et f est continue donc, quand p → +∞,
fϕ(p) (xϕ(p) ) tend vers f (x). Donc, en faisant tendre p → +∞ dans (1), on obtient |f (y) −
f (x)| ≤ n|y − x|.
Cela prouve que f n’appartient pas à Uε,n .
C \Uε,n est donc fermé dan C et Uε,n est ouvert dans C.

Ensuite, Uε,n est dense dans C.


En effet, soient f ∈ C et δ > 0. D’après le théorème de Heine, f est uniformément continue
sur le segment [0, 1] donc il existe α ∈]0, ε[ tel que pour tous x, y ∈ [0, 1] vérifiant |y − x| < α,
on a |f (y) − f (x)| < 4δ .
Soit N un entier strictement supérieur à max 2π, 4π 8nπ

α
, δ
, on note g : x 7→ f (x) + δ sin(Nx).

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Figure 1 – Courbe représentative de f : x 7→ 3 x − 2
+ 0, 05 sin(100x) sur [0, 1].

Soit x ∈ [0, 1]. Il existe y ∈ [0, 1] tel que 2π ≤ |Nx − Ny| ≤ 4π et | sin(Nx) − sin(Ny)| ≥ 1.

Figure 2 – Illustration de l’existence de y.

D’une part, on a donc 0 < |x − y| ≤ 4πN


< α, d’où

f (y) − f (x) δ N δN
y − x < 4 2π = 8π .

D’autre part, on a
δ sin(Ny) − δ sin(Nx) δ δN
≥ ≥
y−x |y − x| 4π

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donc, d’après l’inégalité triangulaire :



g(y) − g(x) δN δN δN
y − x > 4π − 8π = 8π > n .

La fonction g est donc dans Uε,n et on a kf − gk∞ = δ.


Cela prouve que Uε,n est dense dans C.
T
Soient f ∈ n∈N∗ U1/n,n et x ∈ [0, 1].
∗ 1 f (yn )−f (x)
Par définition, pour tout n ∈ N , il existe yn ∈ [0, 1] tel que 0 < |yn − x| < n
et yn −x >

n. La suite (yn )n∈N converge donc de limite x alors que f (yynn)−f (x)
admet une limite égale à

−x
+∞ quand n → +∞. fTn’est donc pas dérivable en x.
On a ainsi montré que n∈N∗ U1/n,n est inclus dans l’ensemble des fonctions continues nulle
part dérivables. Puisque cette intersection est dense d’après le théorème de Baire, cela termine
la preuve.

Références
J’ai utilisé [Gou08, pp. 20, 397, 401].

Leçons correspondantes
J’utilise ce développement pour les leçons 202, 205. On peut également l’utiliser pour les
leçons 201, 208, 228.

Remarques
– On peut parler de Gδ plutôt que d’intersection dénombrable d’ouverts.
– La démonstration du théorème de Baire peut être un peu raccourcie en ne redémontrant
pas le théorème des fermés emboı̂tés.
– La partie où on montre que Uε,n est dense dans C est technique mais l’idée est assez
simple : on veut construire une fonction proche de f (en norme infinie) mais qui oscille
beaucoup. Il faut alors choisir convenablement certains paramètres.
– Il est possible de proposer en développement la construction d’une fonction dérivable
et d’en déduire la densité des fonctions continues nulle
 1 1part
 dérivables dans C.
– Soit ∆ la fonction 1-périodique définie par : ∀x ∈ − 2 , 2 , ∆(x) = |x|. La fonction
+∞
X 1
x 7→ p
∆(2p x)
p=0
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est continue sur R mais dérivable en aucun point (voir [Gou08, p. 84]).
– Dans l’application du théorème, on utilise la compacité de [0, 1] pour extraire une suite
convergente de (xp )p∈N et utiliser le théorème de Heine. Cela ne paraı̂t pas suffisant
pour proposer ce développement dans la leçon 203.

Questions possibles

1. Détailler le fait que si pour tout p ≥ P , fφ(p) (xφ(p) ) − fφ(p) (y) ≤ n|y − xφ(p) |, alors
|f (x) − f (y)| ≤ n|y − x|.

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2. Comment règle t-on les paramètres de la fonction par laquelle on approche f , et à quoi
correspondent-ils ?
3. Montrer qu’un espace complet sans point isolé est non dénombrable.
4. Soit f ∈ C ∞ (R, R) telle que ∀x ∈ R, ∃n ∈ N, f (n) (x) = 0. Montrer que f est un
polynôme.
5. Donner un exemple de fonction continue nulle part dérivable.

Références
[Gou08] Xavier Gourdon : Analyse. Ellipses, 2008.

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