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Béton précontraint

Techniques de mise en œuvre


par Pierre JARTOUX
Responsable recherche et développement des techniques de précontrainte,
Freyssinet International
Bernard FARGEOT
Ingénieur-Conseil
et Christian TOURNEUR
Directeur technique de Freyssinet France Nord

1. Matériaux ................................................................................................... C 2 372 - 2


1.1 Remarques préliminaires............................................................................ — 2
1.2 Béton............................................................................................................. — 3
1.3 Acier pour précontrainte ............................................................................. — 3
2. Mise en œuvre du béton précontraint ............................................... — 8
2.1 Mise en œuvre du béton précontraint par prétension ............................. — 8
2.2 Béton précontraint par post tension .......................................................... — 10
3. Techniques dérivées ................................................................................ — 27
3.1 Précontrainte additionnelle......................................................................... — 27
3.2 Levage et manutention ............................................................................... — 27
3.3 Haubanage ................................................................................................... — 27
4. Données économiques ........................................................................... — 29
5. Vues d’avenir............................................................................................. — 30
5.1 Matériaux ..................................................................................................... — 30
5.2 Méthodes de mise en œuvre ...................................................................... — 30
5.3 Protection ..................................................................................................... — 31
5.4 Surveillance des structures précontraintes ............................................... — 31
6. Annexe A : origines du béton précontraint...................................... — 31
6.1 E. Freyssinet maître de la construction en béton (1905-1928) ................. — 32
6.2 Période sabbatique et invention de la précontrainte (1928-1932) ........... — 32
6.3 Nouvel Art de construire en béton grâce à la précontrainte (1934-1962) — 33
6.4 Héritage ; développement de la précontrainte dans tous les domaines — 33
Références bibliographiques ......................................................................... — 34

a précontrainte est une technique de construction actuellement universel-


L lement appliquée. Dans les Techniques de l’Ingénieur, ce sujet comprend
deux parties :
11 - 1996

— la première, intitulée Béton précontraint, rédigée par R. Chaussin [1], traite


essentiellement du dimensionnement des ouvrages ;
— la seconde, s’intéresse plus particulièrement aux différentes techniques et
technologies de mise en œuvre et est l’objet du présent article.
Bien que l’idée de précontrainte soit assez générale et applicable à divers types
de structures, c’est essentiellement dans le béton précontraint qu’elle a trouvé
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l’application industrielle la plus importante. Les pages qui suivent ne traiteront


donc que de son développement dans le béton précontraint et se limiteront à
évoquer seulement les autres applications dans le paragraphe 3.

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BÉTON PRÉCONTRAINT _________________________________________________________________________________________________________________

Eugène Freyssinet (1878-1962) a breveté le 2 octobre 1928 un « Procédé de


fabrication de pièces en béton armé » et inventé le mot « précontraint » en 1932.
Il dit avoir eu les prémices de l’idée dès 1903, alors qu’il visitait en tant qu’élève
de l’École nationale des ponts et chaussées les consoles de la rue de Rome,
construites par l’un de ses maîtres, Rabut, au-dessus des voies de la gare
Saint-Lazare à Paris. Vingt-cinq années séparent donc ces deux événements,
pendant lesquelles E. Freyssinet a énormément utilisé le matériau béton, encore
nouveau au début du siècle, tout en découvrant à peu près tout de ses propriétés
physiques et mécaniques. Cette expérience lui a permis de tester trois propriétés
du béton qui, associées à l’idée de précontrainte, ont contribué à faire du béton
précontraint ce nouveau matériau qui allait « révolutionner l’Art de construire » :
— le très faible coût des composants, comparé au métal ou à la pierre taillée ;
— la moulabilité qui facilite beaucoup l’adaptation de la forme au passage des
efforts ;
— la très bonne résistance à la compression tout en s’affranchissant de la très
mauvaise résistance à la traction.
On trouvera, en Annexe A (à la fin de cet article, § 6), les origines du béton
précontraint.

1. Matériaux Dans le domaine de la construction des tuyaux en béton, on appli-


que également une précontrainte radiale par enroulement de fils
d’acier tendus, exactement comme pour les appareils à pression
1.1 Remarques préliminaires cités ci-dessus. D’autres applications, conformes à la définition
donnée au début du paragraphe 1.1, existent peut-être ou peuvent
être inventées.
Le terme de précontrainte, depuis sa création par E. Freyssinet
en 1932, a connu un certain succès dans le monde industriel, dans
le sens de : sollicitation préalable d’une structure ayant pour objet
d’y créer un état de contraintes de signe contraire à celui auquel elle 1.1.2 Précontrainte du béton
sera soumise dans son état de service normal. Nous nous bornerons
ici à ne développer que ce qui concerne la mise en précontrainte Elle est couramment réalisée sous deux formes :
du béton par pré ou post tension, telle qu’elle fut inventée et déve- — la prétension ;
loppée par E. Freyssinet. — la post tension.

1.1.2.1 Précontrainte par prétension


1.1.1 Le terme « précontrainte » dans l’industrie C’est le mode de précontrainte qui fait l’objet du brevet de 1928
Procédés de fabrication des pièces en béton armé. Il consiste à tendre
En mécanique, on parle souvent de grenaillage de précontrainte préalablement les armatures en acier à très haute limite d’élasticité
dont le but est de créer, à la surface des pièces métalliques soumises entre deux points fixes (culées), à bétonner les formes requises en
à des sollicitations de fatigue, un champ de contraintes de compres- béton autour de ces armatures tendues, puis à relâcher la tension
sion, par déformation plastique locale, qui retarde l’ouverture des au droit des culées après durcissement du béton. La mobilisation
fissures. de l’adhérence de l’armature sur le béton empêche celle-ci de se
Dans le domaine des appareils à pression, on pratique aussi une détendre et provoque la mise en compression de la pièce en béton.
« précontrainte » par enroulement de fils tendus (de plus en plus Ce principe, quoique limité à des produits à précontrainte rectiligne
souvent des fibres composites) pour assurer un frettage préalable ou faiblement déviée, de longueur limitée (30 m) et de masse trans-
qui permet, théoriquement, de doubler les pressions de service de portable (30 t) est très largement exploité. Il met en jeu une très
ces appareils, à épaisseur d’acier constante. grande partie de la consommation totale d’acier de précontrainte
(probablement 80 % de la consommation mondiale annuelle, soit
Dans le domaine de la construction des ponts métalliques à dalle 800 000 t).
de compression en béton, on a parfois pratiqué une « précontrainte »
dite par dénivellation d’appuis, qui consiste à créer au droit des
1.1.2.2 Précontrainte par post tension
appuis de la structure des déformations dont la suppression, après
durcissement du béton et remise à niveau, assure un état de Contrairement au mode de réalisation précédent, cette
compression de la dalle, dans une zone normalement soumise à un précontrainte s’applique sur des structures dont le béton a déjà durci.
état de traction en service. L’efficacité de la méthode est liée à la Les forces de précontrainte sont alors généralement créées par des
bonne connaissance du fluage du béton. Par mauvaise appréciation câbles circulant librement dans la structure, mis en tension à partir
du phénomène, elle n’a pas toujours eu l’efficacité escomptée. de leur extrémité par des vérins prenant appui sur la structure
Dans le domaine de la construction, il arrive aussi que l’on adjoigne elle-même.
des câbles de précontraintes à une structure métallique ancienne que Une variante de cette méthode consiste à appliquer la force de
l’on souhaite renforcer. Le même traitement s’applique aussi à des précontrainte au moyen de vérins prenant appui sur des butées fixes
structures en bois (lamellé collé en particulier). (culées) ; cette méthode n’utilise pas d’acier de précontrainte et
demeure assez exceptionnelle. Nous ne la développerons pas dans
le cadre de cet article [2].

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La précontrainte par post tension est le domaine d’élection de L’acier de précontrainte, tout comme le béton est très bon marché.
l’ingénieur constructeur, car la souplesse des câbles permet de Rien d’étonnant donc que leur association ait contribué au
s’adapter aux formes de structures les plus variées. Elle permet en formidable développement du béton précontraint dans tous les pays
particulier de donner une réalité physique stable et sûre aux struc- du monde depuis un demi-siècle. Ajoutons cependant que le béton
tures les plus audacieuses et parfois immatérielles, qui peuvent précontraint ne supporte pas la médiocrité, car les forces de pré-
naître sous le crayon de l’architecte. contrainte exercent des contraintes dès la construction qui peuvent
être très importantes. Si le béton est mal mis en place ou si les forces
de précontraintes ne sont pas appliquées par des professionnels
qualifiés, dans le strict respect d’une note de calculs, la structure peut
1.2 Béton être dégradée, voire détruite lors de l’application de la précontrainte.
A contrario, cette épreuve de la mise en précontrainte est une
Parler de l’œuvre de Freyssinet et de la précontrainte en particulier, excellente garantie de bonne construction.
sans parler du béton, serait une erreur car il est au centre de la
carrière du grand constructeur. Mais, le béton n’étant pas traité dans
cet article, nous renvoyons le lecteur à la rubrique Béton hydraulique
du présent traité Construction [3]. Il y trouvera une information 1.3 Acier pour précontrainte
détaillée sur ce matériau, aux propriétés complexes et dont l’emploi
est devenu courant et quasi incontournable, pour réaliser les infra- 1.3.1 Produit à haute performance et bon marché
structures qui sont les nécessités majeures du développement d’un
pays. Alors que l’idée de précontrainte était latente au début du siècle,
Cette importance économique, Freyssinet en a eu tout de suite et que plusieurs tentatives de tension des armatures de béton armé
l’intuition et la révélation. Par contre ce matériau a beaucoup de s’étaient soldées par un échec, le génie de Freyssinet l’a conduit à
défauts et paradoxalement, ce sont leur lente découverte, leur mise utiliser de l’acier à très haute limite d’élasticité, tendu à sa limite
en évidence et leur mesure, qui ont conduit Freyssinet sur la voie d’élasticité. Ainsi, toutes pertes liées au raccourcissement instantané
du remède qui permettait, non pas de les faire disparaître, mais d’en et différé du béton étant déduites, il reste encore assez de tension
corriger les effets. Dix ans après son début de carrière il avait déjà à l’acier pour exercer sur le béton les compressions nécessaires à
une approche suffisamment fine de la rhéologie de ce matériau la stabilité de la structure.
pour : Exemple : quelques ordres de grandeur précisent le phénomène :
■ savoir que sa résistance en compression dépend beaucoup de la — l’acier perd 100 MPa de tension pour 5 × 10–4 de raccourcisse-
qualité des matériaux constituants (granulats et finesse de mouture ment relatif ;
du ciment ; il a utilisé des broyeurs spéciaux pour affiner la — les pertes par déformation des bétons peuvent être estimées
mouture) ; de 150 à 200 MPa correspondant à une déformation relative de 7,5
à 10 × 10–4.
■ savoir que sa résistance et son module dépendent beaucoup de
la qualité de la mise en œuvre ; il a inventé la vibration pour avoir une Il faut opposer à ces valeurs, les taux de tension envisageables
bonne compacité et l’étuvage pour atteindre rapidement des résis- pour des aciers doux de l’époque ; leur limite d’élasticité étant de
tances élevées ; l’ordre de 300 MPa, compte tenu d’un coefficient de sécurité
couramment admis de 2, on ne pouvait espérer tendre à plus
■ avoir une bonne idée des valeurs du retrait et du fluage à prendre de 150 MPa, valeurs inférieures à la somme des deux pertes
en compte, pour que leur manifestation sur la structure ne la mette précédentes. Toute mise en tension d’acier doux devenait inefficace
pas en péril ; c’est pour les mettre en évidence qu’il construisit dès pour maintenir comprimé le béton.
1907 l’arche d’essai du pont de Veurdre et qu’il fit des mesures de
1908 à 1914 (dont les résultats disparurent pendant la guerre) ; Ce sont ces considérations qui ont conduit Freyssinet, pour mettre
en précontrainte le tirant de l’arche d’essai du pont du Veurdre, à
■ avoir compris que l’armature d’acier passif, dans les parties tréfiler son acier doux pour faire passer la résistance à rupture de
tendues et donc fissurées du béton (qui ne supporte pas les 400 à 600 MPa. Il l’a tendu probablement entre 300 et 400 MPa et
tractions), n’était qu’un pis-aller à l’origine du mauvais vieillissement 85 ans après, nous avons trouvé que cet acier est encore tendu
des structures en béton armé. à 150 MPa. En 1930, dans son atelier de Bezons, il remonte la limite
Dans un premier temps Freyssinet a résolu les questions de retrait, d’élasticité des aciers par étirage, la faisant passer de 400 à 900 MPa.
fluage et faible résistance en traction en construisant des arcs et des De nos jours la plupart des aciers de précontrainte ont une limite
voûtes dans lesquels le béton est entièrement comprimé. Il a intégré d’élasticité de 1 500 à 1 600 MPa.
alors dans ses calculs ou dans ses arcs (possibilité d’installer des Un autre trait du génie de Freyssinet, c’est de s’être dégagé
vérins) les moyens d’empêcher les déformations différées, de les complètement des errements de l’époque en matière de coefficient
rendre instables. Ces solutions ont fait merveille jusqu’en 1928 (pont de sécurité, quelles qu’aient pu être les exigences réglementaires.
Albert-Louppe à Brest inauguré en 1930). Cette prise de position mérite encore aujourd’hui quelques expli-
On peut aujourd’hui encore constater sur les ouvrages de cette cations, car beaucoup d’ingénieurs, non formés à l’école génie civil,
époque qui restent en service (beaucoup ont été détruits par les non seulement ne comprennent pas que l’on puisse tendre de l’acier
guerres ou par démolitions liées aux transformations du paysage avec un coefficient de sécurité égal à 1 par rapport à la limite d’élas-
urbain ou industriel), leur parfait état de conservation. La faible ticité, mais aussi qualifient le béton précontraint de technique
quantité d’acier dans le béton, toujours inférieure à 20 kg/m3, ne les dangereuse !
a pas affaiblis. Quels ont été les éléments du raisonnement du pragmatique
Puis, il inventa la précontrainte, ce qui dans sa philosophie de la Freyssinet, loin des poncifs des écoles :
construction signifiait que ce n’était plus le système des forces — l’acier de précontrainte fonctionne avec une sollicitation
appliquées à la structure qui définissait le champ des contraintes. simple, la traction pure sans flexion, ni torsion ni cisaillement ;
C’était l’ingénieur lui-même qui, en composant les forces de pré- — l’effort de tension initial ne fait que décroître dans le temps à
contrainte avec les forces naturelles (poids et surcharges), choisissait cause des déformations différées du béton et de l’acier (voir
ce champ de contraintes en fonction des caractéristiques du maté- ci-après) ;
riau. C’est là la révolution dans l’Art de construire. Cette démarche — les surcharges de service n’affectent pratiquement pas la ten-
peut se traduire par l’équation simplificatrice suivante : sion des câbles (1 à 2 % de l’effort initial dans les cas les plus défa-
vorables, ce qui a fait dire à Freyssinet que « les câbles de
béton de toutes qualités et performances + précontrainte précontrainte ne voient pas les surcharges ! »).
= matériau nouveau pour structure de haute qualité

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Donc contrairement à ce qui se passe dans la plupart des Ces considérations n’enlèvent rien au fait que les aciers de pré-
constructions, le coefficient de sécurité des câbles de précontrainte contrainte doivent être parfaitement protégés en respectant les
croît dans le temps. techniques de protection maintenant bien définies § 2.2.2.5. Deux
L’acier de précontrainte est un produit bon marché, pour deux règles fondamentales de bonne construction doivent être présentes
raisons au moins [4] : à l’esprit :
— la sollicitation simple de traction, sans variation de contrainte, — assurer le mieux possible le remplissage du conduit de pré-
sans chocs n’exige pas un processus complexe d’élaboration contrainte qui contient le câble ;
industrielle ; — lorsque la structure est dans une ambiance très agressive (chi-
— le haut niveau des contraintes en service fait de l’acier de mie, bord de mer, sels de déverglaçage) veiller à l’étanchéité du
précontrainte celui qui est le plus économique pour transporter un béton (compression résiduelle, addition de fumée de silice au béton,
effort donné, comme le montre le tableau 1. (0) peinture, chape d’étanchéité).
Ceci étant, lorsqu’une corrosion accidentelle se produit dans
moins de 1 % des ouvrages réalisés, dans 99,9 % de ces cas il s’agit
Tableau 1 – Performances économiques comparées d’une oxydation par l’oxygène de l’air.
de quelques aciers courants utilisés dans le BTP
Contrainte Prix 1.3.3 Origines de l’acier de précontrainte
en service MPa par
Nature de l’acier
(MPa) (F/kg) franc d’acier Déjà évoquées ci-dessus, elles peuvent être rappelées avec une
approche métallurgique mettant en évidence la simplicité et l’effi-
Acier de précontrainte 1 300 5 260 cacité des solutions retenues.
Acier de construction
au carbone : E 420 280 5 56 1.3.3.1 Premier acier de précontrainte : 1908
Acier de construction Pour la mise en précontrainte du tirant de l’arche d’essai du pont
allié et traité : 42 CD 4 640 10 64 du Veurdre en 1908, Freyssinet a tendu 1 200 fils de diamètre 10 mm,
ancrés deux par deux par des ancrages métalliques à clavette plate.
Il a ainsi exercé une précontrainte initiale de 25 000 à 30 000 kN sur
Le béton précontraint, tel que l’a voulut Freyssinet, est donc bien un prisme de béton de 1,5 m2, soit une compression centrée sur le
l’association de deux produits de base bon marché : le béton et l’acier tirant de l’ordre de 20 MPa, la force de précontrainte reprenant les
de précontrainte. poussées de l’arc d’essai très plat (50 m d’ouverture, 2 m de flèche).
À ces considérations économiques, il faut ajouter un avantage cer- L’acier utilisé est un acier doux au carbone, effervescent, laminé
tain pour le béton précontraint : être comprimé en tout point, alors à un diamètre de 11 à 12 mm, puis tréfilé à un diamètre de 10 mm.
que le béton armé est obligatoirement fissuré. La pérennité d’une L’effervescence provoque à la périphérie du lingot une couche d’acier
structure en béton précontraint a donc tout lieu d’être supérieure. décarburé (fer presque pur) assez résistant à l’oxydation (figure 1).
Cependant le béton précontraint, que l’on aurait pu qualifier Il faut noter que cet acier n’a eu comme protection qu’un enrobage
aujourd’hui de produit « high tech » de la construction, a son talon de sable complété par la fermeture des rainures contenant les fils
d’Achille : c’est la protection de l’acier de précontrainte contre la avec une couche de mortier de 3 cm d’épaisseur. Enterré sous 1,5 m
corrosion [5]. de terre, mais soumis à l’immersion périodique dans la nappe phréa-
tique, l’acier est encore remarquablement bien conservé 85 ans après
sa mise en place (figure 2) ; voilà de quoi rassurer bien des esprits
1.3.2 Impératif : protection de qualité chagrins !
Une analyse chimique récente de l’acier a permis de déterminer
Trop sûr de la qualité des ouvrages dont il supervisait personnel- qu’il a été fabriqué à partir de minerai Lorrain (la minette phos-
lement la construction, Freyssinet a sans doute sous-estimé l’impor- phoreuse). Le ciment provient de la cimenterie voisine de Beffes
tance de la protection de l’acier de précontrainte contre la corrosion, (présence de MgO).
en particulier pour les applications de post tension. Pour lui, la
compression résiduelle du béton précontraint, dans tous les cas de 1.3.3.2 Premier acier de précontrainte industriel : 1930
charge, garantissait une excellente protection de l’acier de précon-
trainte. L’enrobage de béton comprimé étanche et donc supposé Cet acier utilisé pour la fabrication des poteaux est un acier mi-dur,
perpétuellement basique, peut néanmoins être parfois moins de limite d’élasticité 400 MPa sur lequel par des étirages successifs
efficace que prévu pour la protection des câbles de post tension. à 90 % de la rupture et 6 % d’allongement, Freyssinet faisait remonter
la limite d’élasticité jusqu’à 900 MPa.
Avant d’aborder ce problème important de la corrosion, il est
nécessaire cependant d’évacuer immédiatement toutes les
hypothèses alarmistes bâties en laboratoire, vis-à-vis de la sensibilité
des aciers de précontrainte à la corrosion sous tension, à la présence
d’hydrogène naissant provenant soit des coulis d’injection, soit des
produits métalliques de protection des gaines et des câbles (zinc).
Ces constructions de l’esprit très pessimistes n’ont pas de raison
d’être ; la preuve en est qu’elles disparaissent lorsque l’on franchit
les frontières d’application de certains règlements !
Les phénomènes existent, on ne peut le nier. Mais lorsqu’ils se
sont manifestés en cinquante années d’application, ils étaient la
conséquence de la conjonction d’événements tout à fait
exceptionnels.

Figure 1 – Coupe de fil de diamètre 10 mm du tirant de l’arche


d’essai du pont du Veurdre

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Le lingot est ensuite réchauffé au four Pits, laminé sous forme de


demi-produits (blooms et billettes) et enfin relaminé pour devenir
du fil machine, stade préalable à l’élaboration du fil définitif de pré-
contrainte.

1.3.3.3.2 Parachèvement du fil machine


Le fil machine est parachevé par deux méthodes différentes [6] :
— laminage avec calibrage ;
— tréfilage ;
avec des variantes dans le cycle qui concernent surtout le traitement
thermique. Ces variantes avaient pour but de rechercher parmi les
voies industrielles existantes, celle qui conduirait au meilleur
compromis technico-économique, et ainsi de faire les choix d’inves-
tissement capables de faire face au boom de développement de la
période de reconstruction de l’après-guerre.
■ Fil laminé
Il est obtenu à partir d’un fil machine de diamètre légèrement supé-
rieur à la dimension finale, sur lequel on exécute un décapage (en
général mécanique) puis un calibrage, soit par laminage à froid
(passage entre les rouleaux d’un laminoir), soit par tréfilage (traction
au travers d’une filière). Un traitement thermique complémentaire
confère au produit ses caractéristiques mécaniques définitives ; ce
peut être :
— soit une trempe (refroidissement rapide de 800-900 oC à
température ambiante) suivie d’un revenu (réchauffage à 400-500 oC
avec refroidissement lent) qui supprime les tensions internes résul-
Figure 2 – Fil de diamètre 10 mm utilisé pour l’arche
tant de la trempe et adoucit la structure métallurgique fragile
du pont du Veurdre
(martensite). Cette méthode est surtout pratiquée en Allemagne ;
— soit une trempe dans un bain de plomb qui donne au fil une
structure mixte troostite-bainite supérieure, suivi d’un étirage
Nous ne disposons pas d’éléments précis sur la période au-dessus de la limite d’élasticité. Ce fil est fabriqué en France par
1933-1955 qui est cependant marquée par des applications impor- les Aciéries de Longwy ;
tantes (sauvetage de la gare maritime du Havre, travaux impor- — soit une trempe à l’huile étagée (martempering ) pratiquée
tants en Algérie, premiers ponts sur la Marne). Les sources les plus par les fournisseurs belges.
sûres sont les comptes-rendus des réunions de la Fédération inter- Cette gamme de fabrication conduit à un fil de précontrainte duc-
nationale de la précontrainte (FIP) et en particulier celui de la réu- tile, résistant à la fatigue mais très sensible à l’effet d’entaille et à
nion d’Amsterdam en 1955. la corrosion ; dès cette époque des voix s’élevaient pour abandonner
ce produit. C’est maintenant chose faite en Europe de l’Ouest où il
1.3.3.3 Situation des aciers de précontrainte est interdit d’utilisation ; il est cependant encore fabriqué et utilisé
vers les années 1955 dans quelques pays dont les États-Unis et l’Allemagne.
À cette époque, si l’on excepte quelques applications de
précontrainte extérieure par câbles, du type gros monotorons pour ■ Fil tréfilé
ponts suspendus, avec tension par déviation (pont de Pont-à-Binson Il est obtenu à partir d’un fil machine de diamètre très supérieur
sur la Marne et pont de Vaux-sur-Seine, construit vers 1955 par à celui du fil fini (10 mm par exemple pour du fil terminé de 5 mm).
l’entreprise Coignet), la presque totalité de la précontrainte est Le fil machine subit d’abord le traitement de patentage au plomb
réalisée avec du fil de diamètre 5 mm. Le fil de 7 mm a commencé (trempe étagée dans un bain de plomb à 500 oC) ; il acquiert alors
à apparaître vers 1952-1953 en Belgique et aux Pays-Bas pour la pré- une structure sorbitique, favorable au tréfilage (dont les caractéris-
fabrication industrielle, et le fil de 8 mm vers 1960. Du point de vue tiques varient avec les paramètres du traitement). Le fil subit ensuite
de la structure métallurgique, deux types de fils sont alors utilisés un traitement de préparation au tréfilage (décapage, phosphatation),
avec des variantes concernant essentiellement le mode de traitement puis plusieurs passes successives de tréfilage, permettant d’obtenir
thermique. Les premiers torons de 1/2 in (12,7 mm) font leur appa- le diamètre final avec des propriétés mécaniques accrues à l’époque
rition en Europe en 1958. de 40 à 50 % par rapport à celles du fil machine patenté.
Le fil ainsi obtenu comporte de fortes contraintes résiduelles, liées
1.3.3.3.1 Métallurgie de l’acier de précontrainte au tréfilage et aux conditions d’enroulement sur les tambours des
dans les années 50 cabestans de traction des machines à tréfiler. Il doit subir une
L’acier le plus courant utilisé, permettant de garantir la qualité la dernière opération permettant au minimum de le redresser pour qu’il
mieux suivie est élaboré au four à sole (four Martin). Cette méthode soit utilisable facilement sur les chantiers (autodéroulable) et de
permet de maîtriser les inclusions et la teneur en azote, à condition libérer les tensions résiduelles.
d’utiliser une méthode de calmage convenable au moment de la Entre 1950 et 1955 deux types de traitements ont été réalisés :
coulée en lingotière. Parallèlement s’est développée l’élaboration au — soit le fil était redressé et vieilli (traitement au four pendant
convertisseur dont les performances sont sans cesse améliorées. 20 min à 200-250 oC) ; ce fil avait un allongement à la rupture
Les lingots sont ensuite décriqués en surface au chalumeau et chu- inférieur à 3,5 % ;
tés par coupe de la retassure en tête de lingot qui en principe élimine — soit le fil subissait un traitement de stress-relieving comportant
la majeure partie des inclusions. Si l’on en juge par le résultat des un passage de quelques secondes au déroulé dans un bain de plomb
expertises, après incidents, exécutées à l’époque, la chute était un à 380 oC ; ce fil avait un allongement de rupture supérieur à 4 %.
élément déterminant de la qualité, mais aussi du prix de revient, car Cette caractéristique a été reprise dans les principales normes,
elle influençait beaucoup la mise au mille (rapport entre les pertes largement influencées par les normes américaines.
de métal en cours d’élaboration et la masse du métal fini) (cf. article Cette gamme de fabrication est à la base des gammes de produits
Élaboration de l’acier [M 784] dans le traité Matériaux métalliques). de précontrainte modernes.

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■ Remarque 1.3.4.2 Élaboration de l’acier de précontrainte


Les barres de précontrainte sont des produits dont le diamètre est par voie électrique
supérieur à 12 mm. Elles sont élaborées par un processus particulier Le lecteur pourra se reporter à la référence [5] de la bibliographie.
différent du précédent. Dans cette filière on supprime l’étape fonte. L’acier est directement
Dès 1950, elles existent déjà sous deux formes : obtenu à partir de ferrailles sélectionnées (mitraille) en quantité
— barres de résistance relativement faible (1 100 MPa), à structure variable de 50 à 100 %. Le complément est constitué par du minerai
perlitique obtenue par laminage et étirées au-delà de leur limite préréduit (éponge de fer ou pellets). L’acier est alors transféré en
d’élasticité ; poche et traité comme précédemment puis coulé en billettes en
— barres de résistance plus élevée (1 250 MPa), à structure coulée continue (§ 1.3.4.1). Cette filière réduit les investissements,
martensitique obtenue par trempe et revenu. les opérations et donc les coûts.

1.3.4.3 Fabrication du fil machine par filière longue


1.3.4 Métallurgie de l’acier de précontrainte Le lecteur pourra se reporter à la référence [7] de la bibliographie.
moderne
Ce processus intervient indifféremment à la suite de l’une des deux
La crise pétrolière en 1973, puis la restructuration de la sidérurgie voies citées précédemment. Il s’agit d’opérations de laminage à
internationale, ont provoqué deux sauts technologiques importants partir du bloom. Un réchauffage précède un laminage en billettes
qui ont permis de sauver à la fois la compétitivité du produit et son de section 155 mm × 155 mm introduites, directement ou après
haut niveau de qualité, ce sont : réchauffage préalable, dans le laminoir à fil (train à fil) qui produit
un fil machine de diamètre variable entre 6,5 et 15 mm, selon le
— la disparition du patentage ;
diamètre à obtenir sur le fil de précontrainte final.
— la mise en œuvre de la voie électrique et de la filière courte,
dans l’élaboration du fil machine. Les trains à fil les plus anciens ne comportaient pas d’installation
de traitement thermique du fil. Ces installations ont pratiquement
Pour la clarté de l’exposé, il est intéressant de rappeler les deux
disparu dans les pays très développés. Le traitement se faisait en
filières sidérurgiques existantes :
tréfilerie, par patentage au plomb, avant tréfilage.
— voie fonte (la plus ancienne) ;
— voie électrique (la plus moderne) ; Les installations modernes comportent toujours le traitement ther-
chacune de ces filières peut être exploitée selon deux processus : mique directement dans la chaude de laminage ; c’est le traitement
— la filière longue (la plus ancienne) ; de type Stelmor ou Hashlow ou une combinaison des deux. Il confère
— la filière courte (la plus moderne). au fil machine une structure métallurgique la plus voisine possible
de celle obtenue par le patentage au plomb. Il s’agit d’une trempe
à l’air avec revenu, sans apport nouveau de chaleur après le lami-
1.3.4.1 Élaboration de l’acier de précontrainte
par voie fonte nage. Le réchauffement pour revenu est obtenu par l’effet exo
thermique de la transformation structurelle de l’acier pendant la
Le lecteur pourra se reporter à la référence [6] de la bibliographie. trempe. Ce traitement a pris le nom de stelmorisation ou patentage
La fonte est préparée dans un haut fourneau à partir de coke et à l’air ; d’une façon générale il se fait par soufflage d’air sur le rouleau
de minerai de fer aggloméré (préparation préalable du minerai pour de fil étalé en nappe sur un tapis à chaîne où à rouleaux (le plus
homogénéiser la granulométrie et faciliter la réduction). La fonte est moderne). Les derniers progrès résultent du mode de soufflage (air
ensuite transformée en acier au convertisseur ; cette opération pur ou air humide), de sa direction (de bas en haut, latéralement),
assure la combustion de l’excès de carbone de la fonte grâce à un de sa régulation le long du tapis, de son orientation sur les points
soufflage d’air enrichi en oxygène, ou même d’oxygène pur, au sensibles (croisement des spires, rives des spires). Cette méthode,
travers de la fonte. née il y a un peu plus de 20 ans et fortement développée à partir
de la première crise pétrolière, offre actuellement un produit de
Jusque vers les années 75, l’analyse de l’acier est obtenu au
qualité qui devient comparable à celle du patentage le mieux réalisé.
convertisseur (avec une certaine imprécision) puis l’acier est coulé
en lingotières. Les lingots, après réchauffage au four Pits, sont
transformés en demi-produits (bloom) de section variable 1.3.4.4 Fabrication du fil machine par filière courte
220 mm × 220 mm, 240 mm × 240 mm, 320 mm × 240 mm, etc. Le lecteur pourra se reporter à la référence [8] de la bibliographie.
Après 1975 l’acier du convertisseur est transféré en poche dans
laquelle s’effectuent les additions précises pour corrections Cette filière utilise une billette de section suffisamment faible pour
d’analyse, grâce à des contrôles très rapides effectués par spectro- être utilisable directement au train à fil et obtenue directement par
graphe relayé par informatique à tous les postes concernés de l’installation de coulée continue.
l’usine. Pendant cette opération, le métal liquide est maintenu à l’abri Derrière ce dernier progrès apparaît en filigrane l’évolution du
de l’oxydation par l’air, grâce à la fermeture de la poche et son main- processus sidérurgique des vingt dernières années ; il se traduit, au
tien en atmosphère de gaz neutre. Cette disposition supprime la travers de la chasse aux dépenses de calories, par une concentration
protection par flux ou laitier des processus anciens et limite ainsi des installations sidérurgiques pour en arriver, dans le cas le plus
beaucoup la quantité d’inclusions dans l’acier. C’est un facteur capital favorable, à l’obtention d’un fil machine d’excellente qualité à partir
de qualité. du seul apport thermique de la fusion au four électrique. Il y a là
L’acier est alors coulé en blooms ou billettes (ces deux produits une des raisons fondamentales qui font que le prix de l’acier de
ne diffèrent que par leur section), par coulée continue avec brassage précontrainte est pratiquement le même, en francs courants, depuis
électromagnétique pendant la solidification du métal, ce qui a pour 20 ans, malgré les coûts importants des restructurations, des inves-
effet d’éviter que les inclusions se concentrent dans l’axe de la billette tissements et du renchérissement de la main-d’œuvre.
et se retrouvent ensuite, par les effets successifs du laminage et du
tréfilage, répartis le long de l’axe du fil obtenu à partir de la dite 1.3.4.5 Transformation du fil machine
billette (quelques kilomètres). Le lecteur pourra se reporter à la référence [9] de la bibliographie.
Il faut savoir qu’il y a 20 ans, pour 95 % des incidents sur fils de Le fil machine de précontrainte en acier à haute teneur en carbone
précontrainte, la réponse sidérurgique était toujours : inclusion due (0,80 à 0,85 %) est défini par la norme européenne en cours
à un mauvais chutage du lingot. Ces seuls progrès sidérurgiques d’élaboration (prEN 10 016). Lorsque ce produit entre en tréfilerie,
sont à l’origine d’un accroissement de performance de l’acier de il a une résistance de 1 100 à 1 200 MPa ; il en ressort avec une résis-
l’ordre de 10 %. tance comprise entre 1 800 et 2 000 MPa.

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Deux produits pour précontrainte sortent de la tréfilerie : 1.3.4.5.2 Torons de précontrainte


— les fils (diamètre 4 à 10 mm) ; Ce sont des assemblages de fils enroulés en hélice soit :
— les torons, assemblage de 3 ou 7 fils (à l’exception de la tresse — l’un autour de l’autre : tresse à 2 fils ;
qui en comporte 2) au diamètre d’encombrement compris entre — par groupe de 3 fils : torons de 3 fils ;
5 et 18 mm. — par groupe de 6 fils autour d’un fil d’âme rectiligne : torons de 7
L’opération de tréfilage sur un fil machine de qualité, confère au fils.
produit final une qualité de surface exempte de micro-défauts qui, Toutes les opérations, jusqu’au tréfilage inclus, sont identiques à
associée à la structure troostitique est une garantie de bonne celles décrites au paragraphe 1.3.4.5.1 pour les fils.
résistance à la corrosion.
Le toronnage est une opération réalisée à froid sur des machines
Les produits pour précontrainte sont définis par la norme euro- spéciales appelées toronneuses qui réalisent en continu la généra-
péenne prEN 10 138. tion de l’hélice résultante d’une translation et d’une rotation autour
de l’axe du toron.
1.3.4.5.1 Fils de précontrainte Généralement l’installation de traitement de détensionnement
Les étapes de la transformation du fil machine sont les suivantes : thermomécanique est en ligne avec la toronneuse. Le produit fini
est stocké sur une bobine dont la masse est comprise entre 7 et 17 t
■ préparation de surface pour des torons de 7 fils. C’est à partir de ces bobines-mères que
Elle comporte un décapage (dissolution de la calamine = FeO, l’on réalise les couronnes trancanées que l’on rencontre sur les
Fe2O3 , Fe3O4) par attaque acide (en général acide chlorhydrique chantiers. Le conditionnement en bobine bois a disparu sauf pour
à 50 %), suivi d’un rinçage, d’une phosphatation au zinc et d’un des produits particuliers revêtus de matière plastique.
séchage. La phosphatation au zinc permet d’accrocher le lubrifiant Les caractéristiques des diverses qualités de torons sont définies
de tréfilage (savon) et d’assurer une protection temporaire contre dans le tableau 2 de la norme prEN 10 138-3.
l’oxydation avant tréfilage ;
■ tréfilage 1.3.4.6 Transformation des produits tréfilés
C’est une opération d’étirage avec réduction de section au travers Ces transformations ont toutes pour but d’améliorer les conditions
d’une filière. En général un banc de tréfilage comporte 8 à 9 filières d’utilisation. Leur nombre évolue en permanence, ainsi celles qui
successives dont la dernière permet d’assurer un calibrage très suivent ne constituent-elles pas une liste exhaustive [9].
précis du diamètre du fil. À titre d’exemple, un fil de diamètre 5 mm
de résistance 1 860 MPa s’obtient à partir d’un fil machine de ■ Crantage
diamètre 13 ou 14 mm. L’opération de tréfilage se fait à grande C’est une déformation à froid de la surface dans le but d’améliorer
vitesse (12 à 15 m/s). Cela entraîne la mise en place d’un contrôle l’adhérence au béton pour les applications de prétension en pré-
sévère de température avec équipements de refroidissement des fabrication industrielle des produits en béton précontraint.
filières et des tambours des bobines des cabestans de tréfilage. Sur
les installations les plus performantes on utilise des couronnes de On réalise le crantage à la fin de la ligne de tréfilage pour le fil,
fil machine de 2,5 t, donnant un fil continu de 16 km ; par passage entre des molettes crantées. Le fil ainsi obtenu peut
aussi être toronné pour donner du toron cranté. Un crantage efficace
■ détensionnement thermomécanique doit assurer l’amélioration de l’adhérence et maintenir les autres
Le lecteur pourra se reporter à la référence [10] de la bibliographie. propriétés : résistance à la fatigue et à la corrosion sous tension,
ductilité.
C’est l’opération qui permet de diminuer la relaxation sous tension
de l’acier de précontrainte (perte de tension sous longueur ■ Protection
constante). Elle consiste à diminuer les contraintes résiduelles de Elle consiste à recouvrir les fils ou les torons, d’un produit qui
tréfilage par réchauffage à 400 oC, dans le cas de la qualité relaxation améliore la résistance de l’acier à la corrosion, pour une durée plus
normale. Lorsque le réchauffage à 400 oC est conjugué avec une trac- ou moins longue ; plusieurs types de protection sont envisageables :
tion aux environs de la limite élastique, il bloque les dislocations
● protection provisoire des produits exclusivement destinés à la
cristallines et permet d’obtenir la qualité très basse relaxation. post tension. Il s’agit d’un huilage à l’huile soluble dans l’eau, utilisée
Les caractéristiques des diverses qualités de fils tréfilés sont pure dès la fabrication du produit. Cette opération est une exigence
définies dans le tableau 1 de la norme prEN 10 138 - 2. généralisée des règlements belges et français et ponctuelle dans les
Remarque : dans les pays développés les fils de précontrainte sont utilisés à peu près autres pays, en fonction des conditions particulières de certains
exclusivement pour la préfabrication industrielle des produits en béton précontraint (§ 2). ouvrages. Cette pratique, économique, constitue un progrès
Il est important de noter l’évolution de la masse des couronnes de fil machine de 1950 considérable pour la conservation des qualités des produits, jusqu’à
à nos jours (tableau 2). (0)
l’application de la protection définitive après mise en tension
(§ 2.2.2.5 et 2.2.3.5). De plus, ce revêtement huileux diminue les
pertes par frottement du câble dans sa gaine au moment de la mise
Tableau 2 – Évolution de la masse des couronnes en tension ;
de fil machine ● protection par galvanisation : il s’agit d’une protection de longue
durée, appliquée à chaud par passage dans un bain de zinc fondu.
À partir L’application peut avoir lieu à différents stades de la fabrication des
Années 1950 1955 1960 1970 1975 de fils :
1985
— directement sur le fil machine, le zinc est alors tréfilé avec
1 000 1 500 1 800 l’acier ;
Masse — avant les dernières passes de tréfilage ;
75 150 600 à à à
(kg) 1 200 1 800 2 400 — après tréfilage lorsque l’installation de galvanisation permet de
garantir à la fois l’uniformité de la couche de zinc et la permanence
des propriétés mécaniques du fil.
Cet accroissement a généré d’importantes économies de manu-
tention à tous les stades de la fabrication et de l’utilisation.

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Cette protection est compatible avec le béton et les coulis d’injec- 1.3.4.7 Barre de précontrainte
tion sous réserve d’additionner au ciment, du bichromate de potas-
C’est un produit complètement différent de ceux décrits précé-
sium à raison de 1 % de son poids. Actuellement elle est surtout
demment. Il est très apprécié des ingénieurs, parce qu’il est simple
utilisée pour une application particulière des torons de
et représente pour le génie civil l’extrapolation du boulon des méca-
précontrainte : les haubans de ponts. Freyssinet International – en
niciens. Cependant ils n’en connaissent pas toujours très bien les
particulier – l’a préconisée pour de nombreux ouvrages ;
limites qui sont pour ainsi dire congénitales.
● protection par résine époxy : venue des États-Unis dans le droit
fil de la protection des armatures d’acier pour béton armé, cette En effet les barres sont fabriquées en acier au carbone ou faible-
méthode n’est citée qu’à titre indicatif. Il n’y a pratiquement pas eu ment allié, laminé étiré et parfois trempé et revenu. Cet acier ne béné-
d’application en Europe et après l’engouement du début, les utilisa- ficie pas toujours des progrès de la métallurgie évoqués aux
teurs font machine arrière. Il semble en effet qu’une application non paragraphes 1.3.4.1 et 1.3.4.2, car il est réalisé sur des installations
uniformément adhérente, en particulier sur les torons, génère des anciennes.
phénomènes secondaires qui altèrent la pérennité du produit. La protection contre la corrosion doit être examinée avec une
grande attention, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une pré-
■ Protections industrielles particulières contrainte définitive.
Pour simplifier les opérations de précontrainte par post tension Les barres se présentent sous deux formes :
avec des unités de faible puissance pour lesquelles les opérations
de protection par l’injection sont à la fois coûteuses et aléatoires, — les barres lisses aux extrémités desquelles on réalise un filetage
plusieurs solutions sont adoptées : par roulage à froid pour recevoir les écrous et permettre la mise sous
tension ;
● toron gainé protégé pour précontrainte par post tension : il s’agit — les barres crénelées possédant une forme extérieure brute de
d’un produit industriel revêtu d’une gaine en matière plastique (poly- laminage qui permet le vissage d’un écrou en n’importe quel point
éthylène haute densité – PEhd, Polypropylène – PP) extrudée sur un de la barre qui peut être coupée à la longueur désirée.
toron préalablement mis au rond par un produit anticorrosion
(graisse ou cire pétrolière). Ce produit a été mis au point il y a près Les caractéristiques des barres sont définies dans le tableau 3 de
de 30 ans. Mis en place dans le béton, il permet la mise en pré- la norme prEN 10 138-4.
contrainte après durcissement de ce dernier. La graisse ou la cire ne
fait pas obstacle à l’allongement de l’acier, au contraire puisque le
coefficient de frottement est de f = 0,05 alors qu’il est de 0,18 pour le
frottement câble sur gaine en acier. L’effort de précontrainte tout le 2. Mise en œuvre du béton
long du câble est plus élevé et plus régulier. Ce produit, par contre,
n’assure pas l’adhérence du câble à la structure ; cela est un peu précontraint
pénalisant pour le dimensionnement à la rupture mais ce n’est pas
un inconvénient majeur. Le comportement au feu de ce produit est
moins favorable que celui d’un toron nu, en particulier dans un bâti- Dans l’esprit même d’E. Freyssinet, pour une structure en béton
ment multitravées précontraint par un câble continu. En effet précontraint, conception et mise en œuvre ne peuvent être
l’incendie dans une travée, peut provoquer un échauffement local de dissociées. Le béton précontraint n’est ni un mode de construction,
l’acier et lui faire perdre ponctuellement ses caractéristiques avec ni un mode de calcul, ni des câbles de précontrainte, ni des systèmes
pour conséquence la perte de la précontrainte dans toutes les travées d’ancrages ; c’est un mode de préchargement d’une structure
adjacentes. Le problème est soluble par augmentation de l’enrobage. donnée qui lui permet de supporter les sollicitations de service, pour
Cependant, ce que le projeteur doit retenir, c’est que le toron gainé la durée prévue, avec le minimum de servitudes d’entretien. La réa-
protégé est un outil très intéressant. Très souple (on peut lui donner lisation de ce préchargement, en particulier en post tension, est un
des courbures inférieures au mètre) il permet d’exercer à peu près en véritable métier pratiqué par des entrepreneurs spécialistes qui doi-
n’importe quel point d’une structure, un effort de précontrainte de vent être reconnus et homologués. Cette homologation est garante
200 kN avec un seul toron de 15,7 mm. Il est très adapté à la répara- d’un niveau de compétence dans le respect des règles (pour le
tion des ouvrages et pour faciliter la diffusion des efforts de pré- moment elles n’existent qu’en France), et d’une large capacité
contrainte des grosses unités ; d’intervention dans le cadre d’une organisation générale soucieuse
● toron gainé protégé à adhérence différée : il a été mis au point d’assurer la qualité.
pour supprimer l’inconvénient des manques d’adhérence en service. Nous aborderons successivement les deux modes de réalisation
Recherché en Europe depuis plus de vingt ans, il vient semble-t-il du béton précontraint :
d’être mis au point au Japon. Il ressemble beaucoup à celui que nous — la prétension ;
venons de décrire ; sa gaine extérieure lisse est remplacée par une — la post tension.
gaine cannelée, la graisse ou la cire sont remplacées par un produit
capable de polymériser en quelques semaines qui, assure ainsi la
liaison entre le câble et la structure, tout le long de son tracé. Il est
probable que ce produit apparaîtra en Europe dans les années à 2.1 Mise en œuvre du béton précontraint
venir ; par prétension
● toron individuellement protégé pour haubans : créé à l’instiga-
tion de Freyssinet International, ce toron ressemble beaucoup au
toron gainé protégé, avec cependant une différence capitale : il ne Ce mode de réalisation concerne des produits qui se répètent de
permet pas le coulissement entre acier et gaine. Ainsi, lorsque les façon identique dans une structure, ou qui sont difficilement réali-
haubans sont soumis à des variations thermiques, les déformations sables par bétonnage en place, ou qui correspondent à un standard
de la gaine et de l’acier sont les mêmes, bien que leur coefficient de en catalogue ; dans ce dernier cas, il s’agit de préfabrication indus-
dilatation soit très différents. Il y a une certaine adhérence trielle en usine bénéficiant de toutes les méthodes d’organisation
gaine-acier. Elle est obtenue par la diminution de la quantité de cire des productions de grandes séries. Dans les premiers cas, il s’agit
ce qui permet au PEhd d’épouser la forme hélicoïdale du toron, plutôt d’une fabrication sur le chantier même ou sur une installation
générant ainsi une adhérence de forme. La protection du produit est foraine.
améliorée par la galvanisation du toron.

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La fabrication de ces produits doit respecter un certain nombre 2.1.2 Systèmes de mise en tension
de règles ; en France, le fascicule 65 A chap. VIII et l’additif au
fascicule 65 A chap. 5 [11]. Lorsqu’il s’agit de produits standards ils La connaissance précise de l’effort de précontrainte à appliquer
doivent faire l’objet d’une procédure d’homologation tel qu’un Avis est un élément capital de la qualité du produit fini.
technique du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB)
par exemple. Dans la majorité des cas, les produits préfabriqués sont On a parfois utilisé des systèmes permettant de tendre plusieurs
précontraints par adhérence. Parfois, la précontrainte par prétension fils simultanément. Ils sont délicats de mise en œuvre. Ils impliquent
est complétée par une précontrainte par post tension après transport une parfaite égalité de longueur sous tension nulle, ce qui n’est pas
des pièces sur le site d’utilisation. simple à réaliser dans la pratique ; pour les gros produits on utilise
des systèmes de tension par vérin unitaire, monofil ou monotoron,
avec des courses variables de 0,2 à 1 m, commandés par des
2.1.1 Installations pour préfabrication industrielle centrales hydrauliques automatiques préréglés pour stopper la
tension à un effort précis. Pour les petits produits, on utilise
2.1.1.1 Méthode dite du banc long fréquemment un système mixte assurant une prétension globale par
l’équipement de détension, utilisé en phase active de tension puis,
D’une longueur de 60 à 120 m, d’une largeur de 1,5 à 3 m, ces une tension fil par fil (prédalle) ; cette disposition permet de réduire
installations dites bancs de préfabrication permettent de fabriquer, le temps de mise en tension et donc de rentrer plus facilement dans
dans un même cycle, une série de produits de sections identiques une durée de cycle courte.
et de longueur variables. La disposition des fils ou torons de pré-
contrainte dans les produits est définie par les grilles supports
d’ancrages aux deux extrémités du banc long. La longueur des pro- 2.1.3 Système de détension
duits fabriqués sur un même banc dans un même cycle peut varier
dans le cadre bien entendu, des tolérances admises par les C’est un système qui permet de détendre progressivement les fils
contraintes du béton. Pour éviter des surcompressions en extrémité ou torons et d’assurer la mise en précontrainte des produits. C’est
d’élément, l’adhérence peut être localement supprimée. maintenant en France une disposition obligatoire (§ 53-3 de l’additif
Un cycle de fabrication comporte normalement : au fascicule 65-A) [11]. Toute autre méthode est à la fois dangereuse
— la mise en place des armatures passives lorsqu’elles existent ; pour le personnel et préjudiciable à la qualité des produits (fissura-
— la mise en place des fils ou torons de précontrainte ; tion longitudinale lors de la mobilisation des forces d’adhérence).
— la mise en tension (en général fil par fil, sauf pour de petits La plupart du temps, il s’agit d’un équipement hydraulique,
produits) ; correctement régulé en déplacement pour éviter, une mise en travers
— la mise en place des extrémités de coffrages et éventuellement du chevêtre de détension.
des armatures de diffusion ;
— le bétonnage à la benne, par fileuse ou pondeuse avec vibration
ou pervibration selon les produits ; 2.1.4 Contrôle
— la mise en place des tunnels d’étuvage ;
— la détension ; Les produits font l’objet d’un contrôle en fabrication et d’un
— le démoulage et mise en stock des produits. contrôle sur produit fini vérifié périodiquement, par des organismes
Selon les installations et les produits, un banc de préfabrication extérieurs. Le contrôle se fait dans le cadre d’une homologation ou
peut permettre jusqu’à 3 cycles complets par 24 h. Sur les installa- d’une conformité à une norme.
tions foraines, les investissements sont beaucoup moins importants
et le cycle est souvent de la journée, voire de quelques jours 2.1.4.1 Contrôle en fabrication
(figure 3).
Le contrôle en fabrication comporte un contrôle sur matériaux
(béton et acier) en référence aux normes. Un contrôle visuel permet
2.1.1.2 Autres méthodes de s’assurer que l’acier n’est pas corrodé et qu’il n’est pas gras
Elles sont très variées et dépendent beaucoup du type de produits (suppression de l’adhérence et donc de la précontrainte !).
et des quantités à fabriquer. Les pièces concernées sont fabriquées Un contrôle complémentaire à la mise en œuvre permet de :
dans un moule résistant, capable de supporter la force de pré- — contrôler la force de précontrainte à la mise en tension ;
contrainte qui lui est appliquée avant le bétonnage et pendant le — contrôler la pénétration de fil au moment du transfert d’effort
durcissement du béton. Dans certains cas les efforts de précontrainte de précontrainte au produit. Il s’agit d’une mesure statistique
sont repris en phase provisoire par une structure résistante qui effectuée à l’aide d’un rétractomètre (comparateur au 1/10 mm fixé
enserre le moule, facilitant ainsi la réalisation de la seule fonction sur le fil, la tige de palpeur étant en appui sur le béton du produit).
coffrage du moule.

Figure 3 – Étapes de la préfabrication foraine

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2.1.4.2 Contrôle externe • prestressed concrete : safety precautions in post-tensioning


Le cas le plus courant est celui concernant les produits sous Avis (89),
technique du CSTB, pour lesquels celui-ci assure périodiquement la • grouting of tendons in prestressed concrete (90),
vérification des registres d’autocontrôle. Dans les autres cas, ce • quality assurance and quality control for post-tensioned
contrôle est assuré dans le cadre du système d’assurance de la concrete structures (86),
qualité du producteur. • inspection and maintenance of reinforced and prestressed
concrete structures.
Il est important de se référer à ces documents, forcément plus
complets que le présent texte. Nous nous bornons à ne donner
2.2 Béton précontraint par post tension ci-après que les éléments fondamentaux qui régissent la mise en
œuvre.
Bien qu’elle ne représente qu’une faible part de la consommation
d’acier de précontrainte (en 1994 en France 5 500 t pour 55 000 t), L’organisation de ce métier particulier qu’est celui de la pré-
la post tension est une méthode incontournable pour la réalisation contrainte est la suivante :
des grandes structures industrielles (85 % des ponts, enceintes de — des sociétés spécialisées sont détentrices de procédés de pré-
confinement de centrales nucléaires, plates-formes offshore, grands contrainte caractérisés par un certain nombre de systèmes
barrages, stades, grands bâtiments, etc.). L’étude de ces structures d’ancrages de précontrainte bénéficiant parfois d’une protection
complexes, implique des concepteurs de haut niveau capables industrielle ;
d’animer l’indispensable équipe pluridisciplinaire composée des — ces sociétés ont mis en place une organisation qui leur permet
intervenants spécialisés dans la réalisation des différentes phases de mettre en œuvre les forces de précontrainte souhaitées avec la
de la construction. Le respect des exigences du projet impose que qualité et la garantie requises.
la mise en œuvre de la précontrainte soit faite par des entreprises Nous ne traitons ci-après que des systèmes actuels, conçus pour
spécialisées dont l’organisation, les moyens, l’expérience et les la mise en œuvre des câbles composés de torons de 7 fils, essen-
compétences sont garantes d’une application sans faille qui assure tiellement les torons de diamètre 12,9 mm et 15,7 mm habituelle-
le bon comportement et la pérennité des structures. Sous sa forme ment dénommés T 13 et T 16. Bien que les fils soient encore utilisés
actuelle, la précontrainte par post tension se présente sous deux dans plusieurs pays, en particulier avec les cônes d’ancrage
formes : Freyssinet originaux, nous ne les citerons qu’à titre de référence
— la précontrainte intérieure au béton ; historique car ils ont maintenant disparu des pays européens.
— la précontrainte extérieure à la structure (en béton ou non). Nous mentionnerons quelques spécificités des barres de pré-
Dans le premier cas, la précontrainte peut être rendue adhérente contrainte.
à la structure en béton par une injection de coulis de ciment
postérieure à la mise en tension ; l’injection assure également la
protection de l’acier de précontrainte contre la corrosion. Au plan 2.2.2 Systèmes d’ancrages de précontrainte
de la durabilité de l’ouvrage, c’est probablement la fonction la plus
importante (voir § 2.2.2.5). Une fois posées les restrictions ci-dessus, il s’avère que toutes les
Les méthodes de mise en œuvre sont très voisines pour les deux sociétés détentrices de procédés de précontrainte dans le monde,
types de précontrainte ; nous ne les séparerons donc pas, nous ont développé des systèmes d’ancrages très voisins. Les exemples
contentant de signaler les dispositions particulières à chacune illustrant ce paragraphe, sont donc choisis indifféremment dans les
d’elles. systèmes développés par les trois sociétés de rayonnement
international : Freyssinet International, VSL (Vorspan system
Losinger ) et DSI (Dywidag system international ).
2.2.1 Contexte réglementaire Préalablement à la description des systèmes d’ancrages, le voca-
bulaire spécifique à la technique, doit être défini pour préciser clai-
Au plan de la mise en œuvre, les méthodes sont codifiées en rement les termes couramment utilisés et pour les regrouper si
France depuis 10 ans (Fascicule 65 du CCTG). C’est l’un des seuls nécessaire.
pays au monde qui ait légiféré en ce domaine. Actuellement la
situation est la suivante : 2.2.2.1 Définitions
■ en France : le Fascicule 65-A et additif du CCTG (Cahier des clauses ■ Ancrage de précontrainte
techniques générales [11]) et la directive technique unifiée DTU 21
Il s’agit d’un ensemble mécanique qui assure les trois fonctions
sont applicables ;
suivantes :
■ en Europe : une norme est à l’étude par le CEN/TC 104/SC2. Elle — maintenir en permanence l’état de tension du câble de pré-
ne sera probablement pas opérationnelle avant 4 ou 5 ans ; il s’agit contrainte qui lui est imposé par le vérin de mise en tension. La tête
du document Execution of concrete structures ; d’ancrage assure cette fonction. Lorsque le câble est constitué de
torons (95 % des cas) elle est constituée par un bloc cylindrique percé
■ au plan international : les seuls documents qui existent sont les
de trous cylindro-coniques au travers desquels passent les torons
recommandations et états de l’Art de la FIP (Fédération internationale
et dans lesquels se loge un système à coincement conique générale-
de la précontrainte) et, en particulier, ceux établis par des
ment appelé clavette. Il s’agit de l’élément capital de la fonction
commissions 2 et 4 :
ancrage, dont dépendent la sécurité et la mise en œuvre et en service.
— commission 2, commission on prestressing, materials and Lorsque le câble est constitué de fils parallèles l’ancrage se fait soit
systems : par tête refoulée (système BBRV de la société BBR,
• recommendations for acceptance of post-tensioning systems Birkenmaier-Brandestini-Ros) soit par cône d’ancrage en béton,
(6/93), selon l’invention originale de E. Freyssinet, toujours utilisée plus de
• recommendations for the corrosion protection of unbonded 50 ans après ;
tendons (86), — transférer à la structure qui le reçoit (béton, acier, bois) l’effort
• materials and systems for external prestressing (94) ; de précontrainte, dans des conditions de diffusion compatibles avec
— commission 4, commission for good practice : ses capacités spécifiques. Le dispositif de diffusion peut être soit une
• preparation of specifications for post-tensioning work (10/92), simple plaque d’acier, soit une pièce plus élaborée dénommée
• tensioning of tendons : force-elongation relationships (86), « tromplaque » ou « guide » ;

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— assurer le remplissage des vides par le produit de protection mise en tension. Le maintien en position de la tête d’ancrage sur
injecté après mise en tension du câble [coulis de ciment, produit le câble tendu se fait soit par un calage qui crée une excroissance
souple (graisse, cire pétrolière), etc.]. Il s’agit d’un ensemble qu’il faut inclure dans la structure, soit par un système plus complexe
comportant un (ou des) ajutage(s), un (ou des) robinet(s) et un capot vis-écrou. L’inconvénient majeur de ce dernier système est, qu’étant
étanche. de longueur prédéterminée, il doit intégrer à la fois les tolérances
de réalisation de l’ouvrage et celles de l’allongement du câble.
■ Câble de précontrainte
Il s’agit d’un faisceau de torons (ou de fils), non câblés, constituant
l’élément qui transmet l’effort de précontrainte à l’intérieur de la
structure, tout le long de son trajet. Il est le plus souvent constitué
de torons de 15 ou 13 mm, généralement enfilés individuellement
par poussage, dans le conduit réservé à cet effet dans la structure.
Dans la pratique les câbles sont composés de 1 à 55 torons ; les plus
fréquemment utilisés comportent 7, 12 ou 19 torons.
■ Conduit
C’est le terme générique qui regroupe tous les dispositifs qui
permettent de réserver le passage du câble de précontrainte au
travers de la structure à précontraindre et qui assurent le libre
allongement du câble lors de la mise en tension. Ce terme recouvre
donc ceux plus fréquemment utilisés, gaine flexible ou rigide
cintrable à la main en feuillard enroulé et agrafé, tube acier rigide,
gaine ou tube en matière plastique ou très rarement trou dans le
béton.
■ Vérin de tension
Les forces de précontrainte par post tension sont d’une importance
telle (150 kN au minimum), que dès les premières applications elles
ont été exercées par des vérins hydrauliques. Le terme vérin de
tension est donc devenu synonyme d’équipement de mise en tension
Figure 4 – Ancrage Freyssinet : coupe et schéma des efforts
dont nous détaillerons l’ensemble des fonctions (§ 2.2.2.3).
■ Protection
Ce terme regroupe tous les modes de protection de l’acier de pré-
contrainte, qu’elle soit appliquée en usine ou sur chantier, qu’elle
soit provisoire ou définitive, qu’elle soit rigide ou souple, basique
ou neutre.

2.2.2.2 Ancrages de précontrainte


2.2.2.2.1 Ancrages de précontrainte pour fils
■ Ancrage béton Freyssinet
Plus connu sous le nom de cône d’ancrage, il a été inventé en 1939
et Freyssinet a dit de lui « je considère que cet ancrage est le plus
grand progrès que j’ai réalisé en matière de précontrainte depuis
que cette idée m’est venue à l’esprit pour la première fois, en 1903 ».
La figure 4 en montre le principe et la texture. Pièce en mortier
fortement armé, utilisant des mortiers de 80 à 100 MPa, cet ancrage Figure 5 – Ancrage Freyssinet en béton
fabriqué partout dans le monde à des millions d’exemplaires fut un
extraordinaire outil de chantier, parfaitement bien adapté à une
technique dont à l’époque, la mécanique était totalement exclue.
Conçus pour des câbles de 12 fils de diamètre 5 mm, 7 mm ou
8 mm, ces ancrages ont été utilisés en France jusqu’en 1975, mais
ils sont encore aujourd’hui fabriqués et utilisés au Japon, au
Mexique et en Inde par dizaines de milliers par an (figure 5).
■ Ancrage à boutons
Il s’agit du seul ancrage pour fils qui subsiste encore aujourd’hui
au plan international avec l’ancrage Freyssinet. Mis au point avant
1950 pour concurrencer l’ancrage Freyssinet, c’est un système très
mécanique, dont la mise en œuvre sur les chantiers de l’époque,
par une main-d’œuvre beaucoup plus proche du maçon que du
mécanicien, a posé beaucoup de difficultés, alors que fonctionnel-
lement l’ancrage est d’excellente qualité.
Pour assurer l’ancrage de chacun des fils du câble, on forme une Figure 6 – Bouton formé à froid sur fil
tête refoulée à froid (bouton) qui vient s’appuyer sur une plaque
percée de trous. Le bouton fonctionne exactement comme une tête
de vis (figure 6). La plaque qui rassemble ces boutons est circulaire
et comporte un filetage qui permet la traction sur le câble pour la

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2.2.2.2.2 Ancrages de précontrainte pour torons ■ Classification


L’arrivée sur le marché du toron de 7 fils, de diamètre 1/2 in Elle est établie par référence à la fonction, au type et au dispositif
(12,4 mm) à la fin des années 50, la généralisation de son utilisation d’appui sur le béton (tableau 3).
à la fin des années 60 ont entraîné peu à peu – au moins en Europe En précontrainte extérieure sont exclus :
– la disparition du fil. Dans le même temps et sous l’effet d’une régle-
— les coupleurs C’ dans tous les cas ;
mentation naissante, les ancrages sont devenus des ensembles
— les ancrages de type NE, NE’ et G incompatibles avec le démon-
mécaniques performants utilisant des aciers de construction et des
tage, le pesage ou l’ajustement.
fontes de qualité.
Dans certains cas particuliers il est possible d’utiliser les coupleurs
Les figures 7 et 8 donnent une bonne idée des différentes dispo-
sitions technologiques qui permettent d’appliquer les efforts de pré- CI’.
contrainte à une structure, en fonction à la fois des exigences de ■ Dénomination
l’étude et de celles des méthodes de construction. La réglementation
Un ancrage est défini par :
française de l’Agrément des procédés de précontrainte a donné une
classification et la symbolisation correspondante, des différentes — le nom du système de précontrainte ;
dispositions utilisées. — un repère : A, A’, NE, NE’, C’, Cl’, R, G, qui définit le modèle
de l’ancrage selon la classification ci-dessus ;
— la lettre D pour la précontrainte extérieure démontable ;
— un groupe de chiffres et de lettres de la forme n J «phi » qui
définit la composition du câble constitué de n torons de diamètre
« phi », la lettre J rappelle le modèle d’ancrage.
Exemple : ainsi Freyssinet A’ 19 C 15 représente l’ancrage
Freyssinet actif du modèle C (« compact ») utilisé avec la tromplaque
pour le câble constitué de 19 torons de diamètre nominal 15,2 qui peut
rester dénommé câble 19 T 15 dans les programmes de calcul.
A’ D 19 C 15 représente l’ancrage semblable utilisé en précontrainte
extérieure démontable.

Figure 8 – Ancrage à tromplaque à trois étages type C Freyssinet

(0)
Figure 7 – Ancrage à plaque VSL

Tableau 3 – Classification des ancrages de précontrainte

Dispositif d’appui sur le béton


Fonction et type
Plaque Tromplaque Plaques Plaque Par
et trompette (1) individuelles cintrée adhérence
Ancrages actifs ou passifs non totalement inclus au bétonnage :
— précontrainte normale A A’
— précontrainte extérieure démontable AD A’D
Ancrages fixes noyés dans le béton NE NE’ G
Coupleurs avec couronne crénelée intégrée à la tête primaire C C’
Coupleurs par raccordement individuel des torons Cl Cl’
Dispositifs de raboutage par raccordement individuel des torons R
(1) Tromplaque : système de diffusion de l’effort de précontrainte dans le béton.

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■ Description des ancrages pour torons prisme de section carrée ou rectangulaire contenant un seul ancrage.
● Ancrage actif Le ferraillage qui résulte de ce processus d’essai figure dans tous
les documents à usage des bureaux d’études. L’habitude, particu-
C’est l’ancrage le plus fréquemment utilisé parmi ceux qui figurent
lièrement hors de France, veut que ce ferraillage soit disposé sous
dans le tableau de la classification ci-dessus. La notion « d’activité »
chacun des ancrages à l’extrémité d’un ouvrage ; il s’ajoute au
s’applique aux ancrages sur lesquels on peut appliquer le vérin de
ferraillage qui résulte de l’équilibre général. Cela conduit le plus sou-
mise en tension du câble. Au plan mécanique, l’ancrage actif
vent à des ferraillages difficiles à mettre en place et à bétonner. Nous
comprend essentiellement trois parties :
ne saurions trop recommander au projeteur d’aborder la question
— la tête d’ancrage est une pièce cylindrique pourvue de trous du ferraillage pour la diffusion de la précontrainte, de façon globale
cylindro-coniques parallèles ou convergents qui assurent le passage à partir des règles générales définies dans le BPEL 91 [12]. Il préconi-
des torons et réservent le logement des clavettes. C’est une pièce sera alors un ferraillage général logique, compte non tenu de ce qui
généralement en acier normalisé ou traité thermiquement de résis- se passe sous un ancrage individuel.
tance comprise entre 500 et 1 000 MPa ; pour de petites unités, elle
est parfois en fonte ductile. C’est l’une des deux pièces clés pour Le système d’ancrage comporte toujours une canalisation
permettant d’introduire le produit de protection (injection de coulis
la sécurité de l’ancrage. Elle exige, outre la conformité aux essais
de convenance, une fabrication selon des règles industrielles de ciment ou produit souple) dans le conduit contenant le câble ;
le diamètre de cette canalisation est défini dans le Fascicule
précises en accord avec les règles de l’assurance de la qualité, seule
garantie d’un niveau de performances suivi ; no 65-A [11] en fonction de la taille du câble. De plus en plus souvent,
l’étanchéité à l’extérieur de l’ancrage est assurée par un capot qui
— la clavette (ou mors d’ancrage) est une pièce tronconique en
peut être récupérable ou laissé à demeure (par exemple en cas de
2 ou 3 morceaux, qui fonctionne sur le principe du coin et bloque
précontrainte extérieure) (figure 9).
le toron à l’intérieur de la tête d’ancrage. Elle est en acier, très
élaborée, avec des tolérances de fabrication très réduites et des ● Ancrage passif non totalement inclus lors du bétonnage
gammes de traitements complexes. C’est la deuxième pièce capitale Le plus souvent il s’agit du même ancrage que celui décrit
pour la sécurité de l’ancrage. Contrairement à la précédente, elle précédemment. Comme on ne prévoit pas d’y installer le vérin de
n’est fabriquée que par un petit nombre d’installations industrielles mise en tension, il peut être logé dans des zones où il n’y a qu’une
(5 ou 6 en Europe) ce qui est une garantie de qualité. Toutefois il faible distance de dégagement derrière la tête d’ancrage ; le déga-
y a de très nombreux modèles et il est très dangereux d’associer, gement minimal nécessaire doit permettre de contrôler le bon fonc-
sans discernement, une clavette et une tête d’ancrage. Le marché tionnement de l’ancrage, lors de la tension par l’autre extrémité.
américain en a fait la triste expérience, ce qui a conduit la FIP (Fédé- ● Ancrage fixe, noyé dans le béton
ration internationale de la précontrainte) à émettre une mise en garde
en 1985 ; depuis les américains ont décidé de mettre en place une Il s’agit d’un ancrage d’un type particulier qui permet d’arrêter
réglementation. La nouvelle Europe doit veiller à ne pas tomber dans l’effet de la force de précontrainte en un point quelconque de la struc-
le même travers ; ture. Il est généralement non accessible de l’extérieur. L’ancrage
— la pièce de transfert est destinée à faire diffuser l’effort de pré- lui-même est le plus souvent obtenu par formage à froid d’une tête
contrainte de la tête d’ancrage à la structure. Les dispositions les d’acier sur le toron. Cette tête reporte l’effort de précontrainte sur
plus fréquentes concernent les structures en béton ; la diffusion dans un système de plaque à trou individuel ou multiples selon les cas.
des structures en d’autres matériaux requiert toujours des disposi- Un tube évent d’injection relie toujours cet ancrage à l’extérieur ; il
tions particulières que nous n’évoquerons pas ici. permet d’évacuer l’air et d’assurer le bon remplissage du câble avec
le produit de protection. Bien évidemment lorsque l’on utilise un tel
Sur la structure en béton, la pièce de transfert assure deux ancrage, il est toujours installé dans la structure en même temps
fonctions : la diffusion de l’effort de précontrainte et la déviation du que le câble et avant bétonnage.
faisceau de torons, entre la partie courante du câble et la zone de
passage au travers de la tête d’ancrage, dans laquelle il s’épanouit. Dans certains cas, lorsque l’on ne souhaite pas une application
de l’effort de précontrainte en un point précis, on peut ancrer les
Ces deux fonctions peuvent être assurées de deux façons. torons dans le béton par simple adhérence ; la longueur d’ancrage
1 ) La plus courante comporte les deux fonctions dans une même est variable et dépend essentiellement du soin appliqué à la mise
pièce (figure 8) ; elle est généralement en fonte ; son nom est en œuvre. Ce type d’ancrage doit toujours être réalisé par un
variable selon les procédés (tromplaque, guide, guide déviateur et professionnel compétent. Une version un peu plus élaborée consiste
même casting rappelant son mode de fabrication). Cette pièce à améliorer localement l’adhérence sur le toron par flambement de
d’allure générale tronconique, a une forme plus ou moins élaborée, ses 7 fils au moyen d’un équipement spécial (ancrage du type G).
dans le but d’optimiser les conditions de diffusion. La forme
conditionne l’espacement des ancrages à l’extrémité de la structure
où aboutissent les câbles et donc la densité de précontrainte qu’il
est possible d’appliquer. L’intensité de la force de précontrainte lors
de la mise en tension est fonction de la résistance du béton à ce
moment-là, indépendamment de sa résistance caractéristique à 28
jours. Le fonctionnement complexe de cette diffusion, dans un
système élastoplastique, conduit à un dimensionnement confirmé
par des essais poursuivis jusqu’à rupture ; d’une façon générale, seul
le résultat de l’essai est pris en compte, sans justification analytique.
2 ) L’autre système est constitué par une plaque d’acier d’épais-
seur constante qui assure la diffusion, associée à un organe de dévia-
tion (figure 7). Cette dernière est en acier ou en matière plastique
et a la forme d’une trompette d’où son nom. Cette disposition, plus
onéreuse, est en général réservée aux fabrications en petite série
ou aux pays à faible coût de main-d’œuvre.
Les deux systèmes de diffusion de l’effort de précontrainte sont
complétés par un ferraillage capable d’équilibrer les forces de
traction qui naissent de la déviation des isostatiques de compression
dans le béton, sous la pièce de diffusion de la force de précontrainte.
Ce ferraillage est déterminé par un essai de compression sur un Figure 9 – Capot d’ancrage

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● Coupleurs différées (relaxation fluage) conduisent à une diminution de l’effort


Il s’agit d’un dispositif qui mérite un développement important à l’ancrage primaire. Le rétablissement de cet effort, à une valeur
car, s’il est vrai qu’il permet de résoudre élégamment le dessin du voisine de l’effort initial par le couplage du câble secondaire, entraîne
câblage dans le cas de certaines structures (ponts en particulier), il un déplacement de l’ancrage primaire dans le capot de coupleur.
est également vrai qu’il est très délicat de mise en œuvre. Le retour Lorsque l’alignement des deux éléments de câble n’est pas parfait,
d’expérience de 25 années montre qu’il est générateur de ce déplacement peut provoquer des désordres à la mise en œuvre.
beaucoup de pathologies. Pour limiter ces inconvénients, la réglementation française impose
de limiter l’effort que le câble secondaire transmet au primaire à 0,7
a ) Principe : c’est un système qui permet d’assurer la continuité fois l’effort de rupture garantie du câble ; c’est la seule réglemen-
du câble de précontrainte lorsque l’on a dû l’interrompre, soit à cause tation existante. Les dispositions technologiques du coupleur de type
d’un programme de construction échelonné dans le temps pour des CI’ [14], avec couplage des torons un par un, limitent
structures évolutives, soit pour satisfaire les exigences d’un mode considérablement les inconvénients. L’opération d’injection est très
de construction à l’avancement. délicate, car les grands volumes des capots de coupleurs créent des
b ) Mode de réalisation : le coupleur se présente de la façon décantations importantes imposant des réinjections ; lorsqu’il y a un
suivante : risque de gel, ces capots doivent être drainés par un évent de point
— un ancrage actif sur le câble primaire ; bas. Ajoutons enfin que ce capot, parfois raide peut dériver une partie
— un ancrage passif sur le câble secondaire qui doit être raccordé de l’effort du câble de la section de la structure à coupler ; on doit
au primaire ; donc toujours prévoir un élément souple à sa jonction avec la struc-
— une pièce de jonction qui assure la continuité mécanique et ture de première phase.
donc la transmission de la force de précontrainte entre les deux e ) Dispositif de raboutage : ce dispositif résulte d’exigences régle-
parties du câble ; mentaires allemandes. Il figure dans la plupart des catalogues mais
— un fourreau qui est le prolongement de la gaine dont la fonction il n’est pratiquement pas utilisé. C’est un couplage sur câbles non
est d’isoler le coupleur du béton de la structure. tendus.
c ) Fonctionnement statique : théoriquement très simple et
considéré comme tel par le bureau d’études, il s’avère très complexe 2.2.2.3 Systèmes de mise en tension : vérins
lorsque l’on se livre à une analyse, phase par phase de mise en
œuvre, prenant en compte les déformations des sections du béton Communément appelés vérins de mise en tension, ces équipe-
dans la zone de couplage, sous l’effet de l’application des forces de ments intègrent plusieurs fonctions. Ils sont le plus souvent
précontrainte. Dans le mode de réalisation le plus fréquent, on moule construits spécialement pour assurer le mieux possible les fonctions
un béton de deuxième phase sur un béton de première phase autres que la seule traction sur le câble.
déformé par l’impact des ancrages des forces de précontrainte. Au Cas des barres et des ancrages à boutons : seuls les vérins de
moment du couplage, la décompression qui résulte de la disparition tension utilisés pour les ancrages à boutons des câbles à fils et pour
totale ou partielle de la force de précontrainte sur le système de les barres sont simples. Il s’agit alors de vérins annulaires standards :
diffusion de ces ancrages primaires crée un champ de contraintes une tige de traction vissée sur la tête d’ancrage ou sur la barre est
dans lequel peuvent subsister des tractions importantes, génératri- munie d’un écrou et passe dans le trou central du vérin. La traction
ces de fissures. L’expérience montre qu’elles existent très souvent. sur cette tige-relais permet la tension du câble ou de la barre ;
Certes il existe des remèdes (ferraillage passif additionnel, réduction l’ancrage définitif du câble tendu est assuré par un écrou faisant
du nombre de coupleurs dans une section de reprise), mais la partie de la tête d’ancrage (figure 10).
meilleure formule pour obtenir un bon comportement de la structure
est d’éviter les coupleurs ! Il est important à ce sujet de se référer 2.2.2.3.1 Vérin de mise en tension le plus courant
à la mise en garde figurant dans la circulaire 86-64 du 04/09/1986
Cas des torons et des ancrages à coincement : dans le cas des
émise par le ministère de l’Équipement et aux Fascicules 65-A et
ancrages sur torons utilisant le coincement conique par clavettes ou
additif [11].
dans le cas de l’ancrage Freyssinet original, le vérin de mise en
Remarque : deux écoles s’opposent sur le coupleur : l’école anglo-saxonne qui en a usé
et abusé, l’école française qui l’a toujours déconseillé. La naissance du dispositif est due
tension assure au moins trois fonctions :
à BBR, dont les câbles à fils à têtes d’ancrages préfabriquées, se prêtent mal aux câbles — l’ancrage provisoire des torons du câble ;
longs et à l’enfilage après coulage du béton. Par contre la relative compacité de la tête — la traction sur le câble par un vérin à double effet ;
d’ancrage à boutons, et la simplicité de l’accouplement de deux têtes par un manchon fileté
ont permis à BBR de proposer un coupleur compact et rationnel. Malgré les réticences — le blocage des clavettes en fin de mise en tension par un vérin
françaises et les incidents de mise en œuvre, les prescriptions anglo-saxonnes ont eu gain incorporé spécial.
de cause et le coupleur est entré dans les mœurs et tous les procédés ont ce dispositif
en catalogue pour le couplage des câbles à torons. Le vérin Freyssinet original comportait déjà ces trois fonctions
(figure 11).
d ) Mise en œuvre : il s’agit d’une opération délicate ; c’est
pourquoi la réglementation française impose qu’elle soit toujours
réalisée par une main-d’œuvre qualifiée sous la responsabilité du
CMP (chargé de mise en précontrainte).
Il y a deux façons d’appliquer la précontrainte par câbles couplés :
— mise en tension du câble secondaire après injection au coulis
de ciment du câble primaire. La mise en œuvre est alors très
semblable à celle d’un câble ordinaire. C’est la solution la plus sûre,
bien que moins satisfaisante pour l’esprit car, de fait, elle impose
un hiatus d’effort dans la section de couplage du câble. Ce n’est pas
un grave inconvénient lorsqu’il y a peu de câbles couplés dans la
section concernée. Le coupleur Freyssinet du type C’ à couronne
crénelée convient bien à cette application [14] ;
— couplage de tous les éléments du câble avant injection au coulis
de ciment. Dans le cas le plus général, on peut théoriquement espérer
que le couplage de tous les éléments du câble est parfait, c’est-à-dire
qu’en aucun point du câble il n’y a de variation brutale de tension.
La réalité est plus complexe ; en effet la perte de tension liée au coin-
Figure 10 – Vérin à barre
cement conique de l’ancrage primaire, celle qui résulte des pertes

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ancrages définitifs avec quelques conditions supplémentaires qui


sont :
— la réversibilité permettant un démontage aisé après tension ;
— la capacité d’assurer un grand nombre d’utilisations.
Ces conditions conduisent parfois à une conception très particu-
lière.
Enfin, dans la plupart des cas, l’équipement de mise en tension
comporte un système dit de blocage des clavettes de l’ancrage actif
du câble de précontrainte. Le dispositif qui provoque une poussée
axiale de la clavette de 5 à 20 kN provoque une mise en contact intime
des trois éléments concernant l’ancrage : la clavette, la tête d’ancrage
et le toron.
Figure 11 – Vérin Freyssinet 12 ∅ 5 Cette opération de blocage n’assure pas l’ancrage proprement dit
du toron ; elle crée les conditions pour un bon fonctionnement de
Le vérin de mise en tension de câbles de précontrainte prend son autoancrage, provoqué par la conjonction de l’effort de tension
appui sur la structure à précontraindre, ou sur la tête d’ancrage, et du coincement conique, lors de la vidange du vérin de tension.
par l’intermédiaire d’une pièce de liaison avec le cylindre. Le L’effort de précontrainte de l’ancrage provisoire du vérin est alors
piston, buté sur un ancrage provisoire sur le câble, allonge ce transféré à l’ancrage définitif de la structure. Le coincement conique
dernier par introduction d’huile dans le vérin (figure 12). se traduit toujours – pour les dispositifs courants – par un mouve-
ment axial de l’ensemble toron-clavette qui provoque une faible
Très tôt Freyssinet a utilisé un fluide hydraulique (l’eau d’abord,
détension du câble ; cette détension appelée retrait de clavette ou
l’huile ensuite) à très haute pression : 30 à 40 MPa dans les années
rentrée de clavette selon l’origine des procédés à une valeur
40 avec des pompes à eau à main, puis 50 à 70 MPa dans les
comprise entre 4 et 10 mm selon les systèmes. Pour un même
années 50 avec des centrales hydrauliques à l’huile, avec quelques
système, elle varie avec les conditions de mise en œuvre (tracé du
tentatives à 100 MPa maintenant abandonnées, et désormais une
câble au voisinage de l’ancrage en particulier). Cette valeur, caractéri-
stabilisation entre 60 et 70 MPa. C’est très élevé, quand on se
stique d’un système de précontrainte, est prise en compte dans les
réfère à l’hydraulique classique de commande.
calculs définissant la force de précontrainte effectivement appliquée
La rationalisation de la conception des vérins de même que l’opti- à la structure ; elle fait l’objet d’un contrôle systématique lors des
misation en fonction des conditions réelles de service (faible vitesse, tensions, car sa valeur est le critère essentiel des bonnes conditions
faible temps d’utilisation effective) ont donné à ces vérins des d’ancrage du câble de précontrainte.
masses spécifiques de l’ordre de 0,10 à 0,15 kg par kN de force de
tension, valeurs inférieures à celles du matériel de l’industrie et 2.2.2.3.2 Évolutions récentes des équipements
cependant suffisantes pour l’utilisation sur chantiers. de mise en tension
Pour une bonne mise en œuvre, un vérin de mise en tension dont Elles concernent à la fois l’efficacité de la mise en tension du câble,
la masse est presque toujours supérieure à 30 kg (le plus souvent la facilité et l’efficacité de mise en place du vérin sur le câble, la saisie
entre 300 et 500 kg pour les unités les plus courantes) doit toujours des informations en cours de mise en tension (force et allongement)
comporter un dispositif de suspension correctement conçu pour et enfin le pilotage complet de la mise en tension, assisté par
orienter le vérin dans l’axe du câble, quelle que soit l’orientation de ordinateur.
ce dernier dans l’espace ; c’est une condition essentielle de sécurité
et de qualité de la mise en tension. ■ L’homogénéité de la tension des torons dans les faisceaux en
comportant un grand nombre (au-delà de 20), en particulier lorsque
le tracé du câble est compliqué (nombreux changements de
courbures sur câbles longs), est un souci constant des détenteurs de
procédés. Freyssinet, par exemple, a développé pour le câble 55 T 16,
utilisé pour la mise en précontrainte des futures enceintes de
confinement des centrales nucléaires européennes, un système de
rattrapage de mou différentiel des torons, individuel et sélectif. Un
ensemble de 55 vérins parallèles agit alors simultanément sur tous
les torons du câble. Ce système applique un effort égal au dixième
de l’effort final pour mettre en place le faisceau de torons dans son
conduit en réduisant les mous. Le vérin global prend ensuite le relais
pour la mise en tension complète (figure 13).
■ La facilité de mise en place des vérins est assurée par des mani-
pulateurs hydrauliques ; ils réduisent le temps de mise en place et
garantissent la bonne coaxialité vérin-câble (figure 14).
● L’efficacité de mise en place est assurée par l’automatisation et
la mécanisation de l’ancrage provisoire sur le câble. Dans le cas de
très gros faisceaux de câbles, c’est une garantie de fiabilité de
l’ancrage.
● La saisie des informations – force et allongement – pendant la
mise en tension du câble, se fait par voie électrique aux moyens de
capteurs. C’est une garantie de fiabilité dans le relevé de ces infor-
mations qui fait partie du contrôle systématique des opérations de
mise en tension des câbles. La présence de ces capteurs est le point
Figure 12 – Vérin Freyssinet original. Dessin de principe de passage obligé pour gérer automatiquement une opération de
mise en tension avec l’assistance de l’informatique. Cette étape a
maintenant été franchie par Freyssinet ; en matière d’assurance de
L’ancrage provisoire des torons sur le câble, permet l’accrochage la qualité, c’est un élément capital de la traçabilité. Le traitement
du vérin. Il est conçu en général sur le même principe que les

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informatisé des données, saisies en continu, permet aussi de permet de découpler le gainage de la pose du câble, ce qui est un
détecter très facilement des anomalies de comportement et de les élément important de qualité dans la distribution des efforts de pré-
gérer en fonction de procédures précises qui définissent les tolé- contrainte le long du câble. En effet ces gaines sont posées vides
rances admissibles. C’est probablement un progrès majeur dans la dans le ferraillage et sont capables de résister à toutes les
gestion de la qualité de la mise en œuvre, dont les retombées inter- sollicitations de pose du ferraillage (chocs des barres lors des manu-
viendront au début du prochain siècle. tentions, circulation des opérateurs) et du bétonnage (aiguilles de
pervibration). C’est également un avantage considérable pour la
2.2.2.4 Conduits protection du câble contre l’oxydation, car le temps de séjour du
câble sur site avant application de la protection définitive est réduit
Les conduits permettent la libre circulation du câble dans la struc- le plus possible (le plus souvent quelques jours).
ture, afin qu’il puisse s’allonger librement pendant la mise en ten-
sion. Depuis l’origine de la précontrainte, ils ont pris des formes très
variées ; après le papier kraft bitumineux des premières applications
faites par E. Freyssinet, maintenant abandonné, on utilise le tube
en acier ou matière plastique, le moulage direct dans le béton, et
plus couramment la gaine en feuillard enroulé et agrafé en hélice ;
ce dernier produit représente au moins 90 % de l’utilisation, c’est
donc lui que nous décrirons en détail.

2.2.2.4.1 Gaine en feuillard


Ce produit, d’utilisation très courante pour la précontrainte par
post tension fait l’objet de deux projets de normes européennes
pr EN 523 et pr EN 524 parties 1 à 6. Ces normes définissent deux
classes de gaines 1 et 2 qui reprennent à peu près ce qui est défini
en France par le CCTG (Fascicule 65 A et additifs) [11].
L’épaisseur du feuillard est une caractéristique fondamentale de
ce type de gaine, car c’est d’elle que dépendent la régularité du tracé
du câble – sans cassure ni point anguleux dans les courbures – et
la faible résistance au défilement du câble sous tension. Ces deux
éléments sont ceux qui assurent essentiellement la bonne trans-
mission de l’effort de précontrainte le long du câble. Le tableau 4
de la norme pr EN 523 et le tableau 5 du Fascicule 65-A définissent Figure 13 – Nez de vérin équitension 55 C 15
les caractéristiques de ces gaines.
Ces gaines sont fabriquées sur des machines spéciales à partir
de feuillard en bande de largeur variable entre 32 et 137 mm selon
les machines ; l’épaisseur varie de 0,25 à 0,6 mm de façon courante
et peut aller à 0,8 mm en cas de besoin. En France, le feuillard est
toujours du type non revêtu (voir § 1.3.2) ; dans d’autres pays
(États-Unis en particulier) le feuillard est généralement galvanisé à
chaud, ce qui assure une meilleure protection contre la corrosion
avant et après mise en œuvre dans la structure.
Le coefficient de frottement entre câble et gaine, au moment de
la mise en tension, varie de 0,16 à 0,22. Cette valeur est fonction
de l’épaisseur du feuillard, de la taille des câbles et surtout de l’état
de lubrification des torons.
De nombreux essais de revêtement ont été faits, pour trouver de
meilleures qualités frottantes de la gaine et donc la meilleure Figure 14 – Manipulateur hydraulique utilisé au pont de Normandie
transmission de l’effort de précontrainte ; seul le procédé Freyssinet,
consistant à appliquer sur le feuillard un savon de tréfilage adhérisé
par une couche phosphatée, s’est développé. Il a été utilisé pour des
structures à câbles très fortement ondulés avec de très grandes
déviations angulaires (2 à 4 π rad sur des structures de l’offshore ou
du nucléaire). Ce procédé permet d’obtenir des coefficients de
frottement de l’ordre de 0,10 à 0,14.
Les classes 1 et 2 de la norme pr EN 523 correspondent à deux
types d’utilisation :
■ la classe 1 dite gaine enroulable permet de préfabriquer le câble
en atelier, revêtu de sa gaine. Il est enroulé pour être transporté sur
site et déroulé pour la mise en place dans l’ouvrage ; l’épaisseur du
feuillard est relativement faible (0,25 à 0,40 mm) et la gaine est alors
assez fragile. Il y a risque de défauts d’étanchéité, de pénétration de
laitance au moment du bétonnage et d’une mauvaise transmission Figure 15 – Gaine rigide cintrable à la main
de l’effort de précontrainte au moment de la mise en tension. Ce
type de gainage est pratiquement abandonné en France ;
L’application de la norme pr EN 523, associée aux règles de l’assu-
■ la classe 2 dite rigide, cintrable à la main utilise du feuillard de 0,40
rance de la qualité permet de garantir aux chantiers, la fourniture
à 0,60 mm ; elle tend à être la seule utilisée pour la précontrainte
d’un produit de qualité, toutefois à la condition que le stockage sur
intérieure au béton (figure 15). Certes, elle est plus chère, mais elle
chantier, le déchargement et la manutention respectent quelques

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règles élémentaires rappelées par les notices des fabricants et le 2.2.2.4.3 Tubes rigides en acier
Fascicule 65-A du CCTG [11]. Ces tubes sont conformes à la norme NF A 49-150. Ils ne sont uti-
lisés que sur des très grands ouvrages (enceintes de confinement
2.2.2.4.2 Gaines en matière plastique de centrales nucléaires, plates-formes en mer), pour des gros câbles
Elles existent sous deux formes : et pour des tracés particuliers (très fortes courbures, câbles verti-
caux). L’environnement des moyens lourds de construction de ces
— la première n’est autre que du tube PEhd (polyéthylène haute
grandes structures justifie essentiellement la grande résistance des
densité) utilisé depuis une vingtaine d’années pour installer de la
tubes. Le conduit conserve après bétonnage intense et parfois brutal
précontrainte additionnelle dans des structures à renforcer (voir
les caractéristiques que l’on en attend (conservation du diamètre et
§ 3.1), puis depuis une dizaine d’années pour installer la pré-
du tracé).
contrainte extérieure ;
— la seconde, également en PEhd, est une gaine au profil annelé Le raccordement de ces tubes est fait par emboîtement (avec dila-
obtenu soit par extrusion (VSL-PT-Plus ), soit à partir de bandes tation à froid d’une extrémité). L’étanchéité est renforcée par
thermosoudées (Freyssinet-Plyduct). Elle a été développée récem- manchon thermorétractable. Ces tubes sont toujours cintrés sur
ment sous l’impulsion des Chemins de fer suisses pour la machine s’ils sont utilisés dans les parties courbes du tracé d’un
précontrainte intérieure, dans le but d’isoler électriquement le câble câble. En principe les rayons de courbure admis sont
de la structure et éviter que les courants vagabonds des ouvrages 100 ∅i < R  20 ∅i , ∅i étant le diamètre intérieur du tube.
ferroviaires provoquent des corrosions. Pour améliorer l’adhérence
du câble à la structure, ces gaines ont un profil annelé assez voisin 2.2.2.5 Protection des unités de précontrainte
de celui des gaines en feuillard.
Les différents paragraphes traitant de l’élaboration des aciers de
■ Tubes PEhd précontrainte ont mis en évidence le souci permanent de produire
Il s’agit de tubes conformes à la marque NF – PF, applicable aux des fils ou torons les moins sensibles possible à la corrosion. Une
tubes polyéthylène réf. AFNOR NF 114 de janvier 1990 [13], annexe fois en place, les aciers doivent conserver leur intégrité : pour y
0, groupe 4, applications industrielles. La qualité utilisée normale- parvenir, un soin tout particulier doit être pris tout au long des
ment correspond à une pression nominale de 0,63 MPa (PN 6,3) ; opérations de mise en œuvre. La protection des aciers contre la
dans certains cas on utilise aussi la qualité PN 4 (voir § 2.2.3.2.2). corrosion doit garantir la pérennité des sections d’acier résistantes
Le raccordement de ces tubes se fait par thermosoudure, soit par et, par là même, celle des efforts de précontrainte.
la méthode dite du miroir (réchauffement des deux lèvres à souder La méthode la plus ancienne, et encore la plus courante pour
par un disque d’acier inoxydable – miroir – chauffé puis rapproche- obtenir cette protection, consiste à remplir le vide entre torons (ou
ment des deux lèvres), soit par manchon thermosoudable (la fusion fils) et gaine par injection d’un matériau durcissable, stable dans le
est obtenue par une résistance électrique incorporée au manchon). temps et franchement basique (pH 12). Le matériau de remplissage
qui s’est naturellement imposé est un coulis à base de ciment dont
■ Gaines PEhd la capacité protectrice vis-à-vis de la corrosion est incontestable. Un
Il en existe deux modèles actuellement développés par VSL tel coulis présente aussi l’avantage d’assurer l’adhérence
(figure 16) et Freyssinet. Il s’agit d’un système complet de gainage câbles-structure. Ce dernier point ne sera pas développé ici, car il
avec les raccords entre éléments, les raccords d’évents. Indépen- concerne essentiellement des notions de dimensionnement des
damment des ouvrages ferroviaires suisses, cette gaine est bien ouvrages, l’adhérence intervenant dans les calculs à la rupture.
adaptée pour des structures soumises à des ambiances très agres- Des produits autres que le ciment sont parfois utilisés pour l’injec-
sives, surtout si le dimensionnement est fait en précontrainte tion des conduits. Il s’agit de graisses ou de cires :
partielle.
— les graisses sont de même nature que celles qui servent de revê-
tement aux torons préprotégés en usine. Elles sont injectées à chaud.
Leurs qualités protectrices sont intéressantes, mais la mise en place
d’un tel matériau est délicate et elles restent visqueuses dans le
temps ;
— les cires sont d’origine pétrolières, comme les graisses, elles
sont aussi injectées à chaud. Une fois refroidies, elles durcissent et
restent stables. Non polluantes, elles sont préférables aux graisses ;
— enfin des coulis de ciment, avec addition de résines (polyester),
ont également fait l’objet d’applications expérimentales dans
certains pays.

2.2.3 Mise en œuvre des systèmes


de précontrainte

Au travers de la description des produits qui entrent dans la pré-


contrainte, nous avons montré que, depuis un peu plus d’un demi
siècle, il y a eu des évolutions considérables. Nous avons vu aussi
que E. Freyssinet et surtout la STUP (Société technique pour l’uti-
lisation de la précontrainte, devenue maintenant Freyssinet Inter-
national) ont œuvré à partir des années 50 pour que la technique
se développe vers tous les types d’ouvrages et dans le monde entier.
De très nombreuses entreprises soucieuses d’échapper au mono-
Figure 16 – Gaine PT - Plus (VSL) pole découlant des brevets Freyssinet, ont créé leur propre système.
Dans les années 60, un besoin de mise en ordre a commencé à se
faire sentir ; l’ASP (Association scientifique de la précontrainte) a
alors défini des recommandations pour le calcul de la précontrainte
dans les structures. En 1964, l’ASP a constitué une Commission
d’agrément des procédés de précontrainte qui regroupait en son sein

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des représentants des principales administrations, des organismes La profession de la précontrainte, dans le cadre du SNBATI (Syn-
de contrôle, des bureaux d’études et des entreprises. Cette commis- dicat national du béton armé, des techniques industrialisées et de
sion existe toujours sous le nom de Commission interministérielle l’entreprise générale), a maintenant formalisé le contenu de la forma-
de la précontrainte (CIP) et son secrétariat est assuré par le Labo- tion d’un CMP, le diplôme correspondant ainsi que les modalités de
ratoire central des ponts et chaussée (LCPC). recyclage. Cette procédure garantit la compétence du personnel de
Sous l’effet conjugué de la réglementation de l’Agrément, de l’évo- ses adhérents et l’homogénéité de ses compétences en respectant
lution vers les grosses unités de précontrainte à torons, de la les spécificités propres à chaque système de précontrainte.
concentration des entreprises de travaux publics et de leur mode
de gestion des chantiers (utilisation généralisée de la sous-traitance, 2.2.3.1.2 Assurance de la Qualité
des sociétés de service – intérim –), la mise en œuvre de la pré- De plus en plus fréquemment les entreprises distributrices spé-
contrainte est devenue un métier de spécialistes, intervenant dans cialisées vont se doter d’une organisation conforme aux normes
le cadre d’une entreprise distributrice spécialisée. ISO 9001 ou 9002, garantissant de fait, leur fonctionnement selon
Actuellement la physionomie de la profession de la précontrainte les principes de l’Assurance de la qualité.
en France est donc la suivante : les sociétés françaises ou étrangères D’ores et déjà, toutes celles qui ont obtenu l’Agrément ont mis
impliquées dans les techniques de la précontrainte depuis plus de en place un Plan d’assurance de la qualité (PAQ) conforme aux
trente ans continuent à développer les techniques et les systèmes prescriptions de l’annexe III au règlement de l’Agrément, pour la
d’ancrages [Freyssinet, VSL, DSI, CCL (Cable Covers Ltd), BBR, etc.]. fabrication des ancrages et de celles du Fascicule 65-A (articles 21,
Ces sociétés se sont organisées en entreprises spécialisées dans la 22, 23) [11] du CCTG, pour la mise en œuvre sur chantier.
mise en œuvre de la précontrainte ou ont concédé des licences à
des entreprises distributrices spécialisées également organisées Ces dispositions constituent une garantie de qualité des opéra-
pour mettre en œuvre la précontrainte. tions de précontrainte pour la maîtrise d’œuvre et le maître
d’ouvrage. Pour certaines entreprises, cette organisation a été mise
La CIP ne délivre son agrément, selon le règlement défini par en place depuis 20 ans pour la construction des centrales nucléaires
l’arrêté ministériel du 14 avril 1989, qu’à des entreprises distri- françaises, à la satisfaction d’EDF (Électricité de France) et des
butrices spécialisées qui donc détiennent à la fois la connaissance entreprises.
d’un système de précontrainte mais aussi, l’organisation, la compé-
tence et l’expérience pour la mise en œuvre selon les règles du CCTG
2.2.3.1.3 Sécurité
Fascicule 65 A et additif [11].
C’est un domaine très important de la mise en œuvre de la
Dans la suite du texte, nous nous placerons donc dans ce nouveau
précontrainte ; en effet la mise en précontrainte transfère aux struc-
contexte français, voisin de celui qui se pratique en Allemagne et
tures une énergie élastique considérable (1,4 MJ pour un câble
qui, sur la base de l’action conjuguée de ces deux pays, du Benelux
19 T 15 de 100 m de longueur), qu’on imagine d’autant moins que
et des pays nordiques, devrait constituer la base de la future
les équipements hydrauliques sont plus puissants. C’est bien là que
organisation européenne.
l’on mesure tout l’intérêt des dispositions évoquées ci-dessus
concernant les tests préalables, l’exécution par du personnel
2.2.3.1 Homologation, Assurance de la qualité et sécurité compétent avec des procédures de qualité rigoureuses ; ces
pour la mise en œuvre de la précontrainte éléments sont le fondement même de la sécurité.
Ces trois notions sont regroupées dans un même sous-chapitre Pour être plus concret, rappelons que le CMP doit, avant de
car elles sont très interdépendantes et découlent souvent l’une de procéder à une mise en tension, s’assurer :
l’autre, quel que soit l’ordre dans lequel on les aborde ; la séparation — du bon état de son matériel (vérins, flexibles hydrauliques,
apparente, est donc tout à fait artificielle et n’a pour but que de cla- matériel d’injection...) ;
rifier la présentation. — de l’étalonnage de ces équipements de mesure ;
— de la qualité du toron qu’il va utiliser ;
2.2.3.1.1 Homologation des entreprises distributrices — de la résistance du béton dans les zones d’ancrage au moment
spécialisées de l’application de la précontrainte ;
Le tableau synoptique (tableau 4) résume la procédure selon — de l’équipement de sécurité de son personnel (casque, lunettes,
laquelle la CIP prononce à la fois l’Agrément d’une entreprise dis- gants, chaussures au minimum).
tributrice spécialisée pour un procédé de précontrainte et l’homo- Enfin, il faut se rappeler que c’est au moment de la mise en tension
logation d’une armature. (0) que les efforts de précontrainte sont les plus grands. La sécurité
Il faut en retenir les trois éléments essentiels suivants, qui entrent immédiate pour les opérateurs et pour le reste du personnel du
dans les critères de jugement : chantier, c’est de ne pas se trouver dans l’axe du câble ni dans le
— le dossier technique du système d’ancrage, conformément aux voisinage immédiat du vérin, pendant l’opération de mise en tension
annexes 1 et 2 du règlement de l’Agrément, comportant notamment du câble.
les résultats obtenus au cours des essais conventionnels ;
— l’organisation et les moyens matériels de l’entreprise ; 2.2.3.2 Mise en place des conduits
— les références, la capacité du personnel et la mise à jour de D’une façon générale, en France, les conduits sont posés vides
ses connaissances en particulier pour le personnel chargé de mise et sont réalisés à partir de gaines rigides cintrables à la main, de
en précontrainte (CMP). tubes ou gaines en matière plastique, ou de tubes en acier. Lorsque
La décision de la CIP comporte une mise à l’épreuve, en général le conduit est posé avec le câble préfabriqué, les prescriptions
de 3 ans, et une remise en question permanente au travers des visites concernant la rigueur du tracé sont à peu près les mêmes. Nous
de contrôle effectuées par le LCPC, dans le cadre de la mission de devons distinguer deux cas :
contrôle qui lui est confiée aussi bien sur la fabrication des organes — la pose des conduits de précontrainte intérieure ;
de précontrainte (câbles-ancrages) que sur la mise en œuvre sur — la pose des conduits de précontrainte extérieure.
chantier (mission VCU – vérification du contrôle en usine).

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Tableau 4 – Procédure d’obtention de l’agrément d’une entreprise distributrice spécialisée


pour un procédé de précontrainte et de l’homologation d’une armature

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2.2.3.2.1 Pose des conduits de précontrainte intérieure 2.2.3.3 Enfilage du câble dans les conduits
La géométrie du tracé d’un câble est définie par le dessin d’exé- Il existe deux méthodes d’enfilage du câble dans le conduit :
cution de la structure. Dans la pratique des supports de câbles, indé- — la plus utilisée consiste à pousser le toron à très grande vitesse
pendants ou intégrés au ferraillage, sont disposés à des distances (1 à 6 m/s) directement dans le conduit ;
de 1 à 2 m (variable avec le type de gaine et la taille des câbles). — la moins fréquente consiste à enfiler, par traction au treuil, un
Sur ces supports on fixe solidement le conduit en tenant compte à câble préalablement fabriqué et enroulé en atelier.
la fois des efforts verticaux dirigés de haut en bas (masse du câble
quand il est enfilé dans le conduit avant bétonnage, circulation du
personnel sur le ferraillage) et de bas en haut (poussée d’Archimède 2.2.3.3.1 Enfilage par poussage de toron
sur la gaine vide) lorsque le câble est enfilé après bétonnage et que Cette méthode est utilisée chaque fois que l’enfilage n’est pas sur
l’on utilise des bétons fluidifiés. La disposition adéquate des le chemin critique et qu’elle est physiquement possible. Elle consiste
supports permet de limiter le festonnage des conduits entre à pousser un ou plusieurs torons (2, 3 ou 4) simultanément dans
supports, générateur de pertes par frottement dans les déviations le même conduit ou dans plusieurs conduits voisins, de longueurs
parasites ; ces pertes sont prises en compte forfaitairement dans les identiques, à très grande vitesse. Le bout des torons est revêtu d’un
calculs (0,002 rad · m–1 pour des câbles ne traversant pas de joints embout démontable particulier. La méthode est adaptée à tous les
ou surfaces de reprise, 0,003 rad · m–1 dans le cas contraire). La tracés de câble, sauf les câbles verticaux en U, dont la longueur est
maîtrise de ce festonnage est particulièrement délicate avec les comprise entre 150 et 200 m. Pour les câbles de longueur supérieure,
câbles gainés en usine et les gaines plastiques ; elle est beaucoup lorsqu’ils ne sont pas intérieurs à la structure ou lorsqu’on peut
plus simple avec les gaines rigides cintrables à la main (d’où leur disposer d’une fenêtre suffisante sur le tracé du câble, on utilise une
généralisation en France) et a fortiori avec des tubes rigides machine relais qui s’enclenche latéralement sur le toron.
(figure 17). Le festonnage doit également être impérativement La machine à enfiler dévide le toron par le centre d’une couronne
supprimé lorsque les câbles sont très près des parois, car il peut de toron introduite dans un dévidoir statique ; ce dévidoir peut être
générer des poussées au vide, avec éclatement du béton au moment à une distance de la machine à enfiler de zéro à une cinquantaine
de la mise en tension. de mètres et la machine à enfiler peut être à une distance de l’entrée
Les règles de pose des conduits sont définies dans le Fascicule du conduit de zéro à une dizaine de mètres. Dans ce cas, le toron
65 A, article 93-2 et dans l’additif, article 71.3.2 [11] lorsque le câble est guidé jusqu’à son entrée dans le câble, dans un tube flexible
comporte des coupleurs. Les méthodes sont définies dans les spécial. Il faut savoir que ces facilités de positionnement des équipe-
procédures de pose de l’entreprise distributrice spécialisée. ments d’enfilage par rapport à la structure affectent la longueur
La plupart du temps, il est prudent de réceptionner l’état des enfilable, mais elles résolvent bien des problèmes d’accès sur
conduits après bétonnage, par passage d’un gabarit circulaire de certains chantiers.
diamètre égal au minimum défini par les spécifications (ou la norme). Cette méthode fait l’objet de procédures particulières adaptées au
matériel de l’entreprise. On a beaucoup reproché à cette méthode
2.2.3.2.2 Pose des conduits de précontrainte extérieure de ne pas garantir la formation d’un faisceau de brins parallèles,
lorsque l’on a commencé à la mettre en œuvre il y a une vingtaine
Elle est définie en détail dans l’additif du Fascicule 65-A, chapitre d’années ; depuis, on a un peu amélioré les procédures et surtout
8, articles 81-82-83. Le point le plus important de la pose des conduits on lui a découvert de nombreux avantages qui ont fait oublier l’incon-
de précontrainte extérieure est la mise en place des déviateurs qui vénient. Le principal intérêt est le temps très court qui sépare la sortie
sont les seules zones de contact entre le câble et la structure ; le du stock de la bobine de toron de la mise en tension du câble et
respect de la position du déviateur selon ses trois coordonnées et de sa protection définitive. Un autre est l’absence totale de souillures
ses trois angles directeurs est un élément capital du tracé du câble. aux cours des manutentions et transport. Le troisième enfin, est le
S’il n’en est pas ainsi, les cassures angulaires peuvent provoquer faible coût.
le percement du conduit PEhd utilisé dans la presque totalité des
cas, voire l’éclatement du béton au droit du déviateur. C’est une ques-
tion délicate, à la frontière des prestations de l’entreprise générale 2.2.3.3.2 Enfilage par traction du câble préfabriqué
et de son sous-traitant pour la précontrainte ; elle doit toujours faire Cette méthode comporte d’abord la préfabrication du câble, puis
l’objet d’un contrat précis, d’une méthode élaborée et d’un mode le soudage d’un anneau de traction et l’enroulage en couronnes au
de réception contradictoire, avant la pose du conduit. La ficelle gabarit routier. Cette préfabrication comporte en général un stockage
tendue et tangente entre deux déviateurs successifs est une méthode de longue durée (quelques semaines à quelques mois) pendant
simple et efficace de contrôle (final et à la pose). lequel il faut renouveler les dispositions de protection provisoire
Pour l’utilisation courante de précontrainte extérieure avec câble (pulvérisation d’huile soluble pure). Dans certains cas, pour des
en torons clairs, la gaine normalement utilisée est de classe câbles de taille moyenne (12 T 15) avec un tracé peu perturbé, on
PN 6,3 (§ 2.2.2.4.2). Toutefois lorsque le câble est constitué de torons peut éviter la soudure et utiliser un tire-câble en tresse d’acier
gainés-protégés, injectés avant mise en tension, la qualité PN 4 est (chaussette japonaise ).
suffisante (figure 18).

Figure 17 – Pose de gaine en centrale nucléaire Figure 18 – Gainage en précontrainte extérieure

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L’enfilage proprement dit, se fait par traction au treuil au travers ■ Mise en place du vérin sur le câble
du conduit ; l’enfilage du câble de treuil est réalisé soit par traction Elle doit assurer la bonne coaxialité du vérin et du câble, le bon
sur un fil pilote (fil de précontrainte de 7 à 8 mm de diamètre enfilé centrage du vérin sur la tête d’ancrage. Notons que l’utilisation de
préalablement par poussage), soit par traction sur une câblette manipulateurs et de vérins à prise automatique du câble facilitent
enfilée préalablement dans le conduit à l’aide d’air comprimé. La la bonne mise en place (figure 20).
capacité du treuil doit toujours être largement dimensionnée (de 1
à 3 fois le poids du câble). Le dévidage du câble préfabriqué néces- ■ Mise en tension
site un dévidoir rotatif, avec freinage lorsqu’il s’agit d’enfiler des L’usage de la prise d’information (pression et allongement) par
câbles dans des conduits en U vertical (figure 19). lecture d’un manomètre et d’une position d’index sur une règle gra-
Cette méthode nécessite donc des matériels bien adaptés ainsi duée a consacré une mise en tension par paliers. Partant du principe
que des procédures spécifiques définies par l’entreprise. que l’allongement est proportionnel à la force appliquée, la mesure
des allongements se fait par mesure de la variation entre trois forces
2.2.3.4 Mise en tension des câbles de précontrainte partielles connues et l’extrapolation, à effort nul, pour déterminer
l’origine des allongements (figure 21). Un palier dit d’alerte est
Cette phase de la mise en œuvre de la précontrainte, ainsi que effectué à 0,95 de l’effort nominal de précontrainte F0 , pour faire
la suivante (§ 2.2.3.5) sont les deux plus importantes : la première une vérification anticipée du couple effort-allongement qui sera
crée la précontrainte de la structure et garantit sa stabilité en service, obtenu en fin de mise en tension. La mise en tension est jugée
la seconde assure sa pérennité. Bien évidemment, ces deux opéra- satisfaisante si pour l’effort F0 on obtient un allongement compris
tions ne peuvent être pleinement efficaces, que si tout ce qui précède entre 0,95 a 0 et 1,10 a 0 , a 0 étant l’allongement calculé à partir des
depuis les matériaux, la fabrication des ancrages et le début de la données théoriques ou à partir des résultats de mesure du coefficient
mise en œuvre, a été réalisé conformément aux spécifications (et de transmission. S’il n’en est pas ainsi, il y a anomalie déclarée et
aux règles de l’art). Rappelons ici, une fois de plus, que la mise en le CMP après avoir informé la maîtrise d’œuvre, met en place la
précontrainte est une épreuve souvent difficile pour la structure, procédure du traitement de l’anomalie. Celle-ci comporte :
mais que c’est là que se situe le plus qualificatif de cette technique, — l’analyse de la situation en relation avec le bureau d’études ;
par rapport à la plupart des autres. Nous nous attacherons à déve- — le traitement de l’anomalie si elle n’est pas compatible avec
lopper ici, tout ce qui permet à l’entreprise distributrice spécialisée le projet.
de garantir qu’elle a bien établi un système de forces de précontrainte
conforme aux prévisions de l’étude. Deux cas se présentent alors :
— soit l’allongement est trop faible ;
2.2.3.4.1 Contexte réglementaire de la mise en tension — soit il est trop fort.
Les règles d’exécution de la mise en tension sont définies, pour Dans les deux cas, la première hypothèse d’anomalie concerne
la France, aux articles 93-3 et 95 du Fascicule 65-A du CCTG et 54-2 la valeur du coefficient de frottement prise en compte, trop faible
de l’additif, à l’annexe 1 de ce dernier [11]. Certaines procédures de dans le premier cas, trop forte dans le second. De nouvelles
réalisation des contrôles sont codifiées par la profession (documents mesures de coefficient de transmission (voir ci-dessous) doivent
SNBATI – Groupe précontrainte – concernant le tarage des vérins, être faites sur des câbles analogues – s’il y en a – ou sur le câble
la mesure du coefficient de transmission de la force de précontrainte concerné, après qu’il ait été détendu s’il s’avère que le phénomène
d’un câble d’une extrémité à l’autre de son conduit). Les procédures est isolé.
spécifiques d’un système sont définies par chacune des entreprises
distributrices spécialisées.
La responsabilité de la bonne exécution de la mise en pré-
contrainte dépend très largement du chargé de mise en précontrainte
(CMP) ; il doit en effet s’assurer :
— de la qualité de ses moyens (matériels et personnel) ;
— de la capacité de la structure à recevoir la précontrainte
(résistance du béton, conformité du câblage) ;
— de la qualité de la mise en tension (effort, allongement, coef-
ficient de transmission, rentrée de la clavette).
Il serait long et fastidieux de reprendre ici le détail des prescriptions
citées ci-dessus. Nous ne reprendrons que les principes concernant
les éléments fonctionnels de la mise en tension. Il est important de
remarquer que, si les prescriptions réglementaires peuvent paraître
Figure 19 – Câbles en U
lourdes :
— elles tiennent compte d’une longue expérience dans la pratique
de la mise en œuvre de la précontrainte, en associant les points de
vue maîtrise d’œuvre et entreprise ;
— elles encadrent l’ensemble des spécificités des systèmes de
précontrainte agréés.
En pratique, pour un système donné, les choses sont quand même
plus simples d’autant que les progrès réalisés en permanence sur
les matériels intègrent systématiquement certaines exigences et
parfois vont plus loin.

2.2.3.4.2 Exécution de la mise en tension


■ Mise en place de la tête d’ancrage
Lorsque l’enfilage des torons du câble ne se fait pas directement
Figure 20 – Vérin C 1000 mise en place sur le câble
au travers de la tête d’ancrage, il faut veiller à ce que les torons ne
soient pas croisés devant la tête lorsqu’on la pose sur le câble ; cela
générerait des frottements parasites et éventuellement des ruptures.

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Ce contrôle de la valeur du coefficient de transmission


Fp
k = -------
Fa

avec Fp effort au vérin passif,


Fa effort au vérin actif
a le grand mérite de porter un jugement global sur toutes les opé-
rations de la mise en œuvre de la précontrainte qui précèdent, ainsi
que sur la qualité des matériaux en place (câble, gaine). Il est réalisé
par la méthode des vérins actifs et passifs, dite méthode de
l’Ingénieur général Robinson, qui consiste à enregistrer l’effort Fp
transmis par un câble au travers de son conduit à un vérin de mise
en tension passif fonctionnant en capsule, lorsque le vérin actif
exerce à l’autre extrémité un effort Fa .
Fp
Le rapport ------- interprété par la loi de Cooley :
Fa

Fp
Figure 21 – Diagramme effort-allongement ------- = exp [ – ( f α + ϕ d ) ]
Fa

permet d’accéder à la valeur du frottement câble/gaine f lorsque l’on


L’excès de frottement peut provenir, d’une mauvaise pose des connaît l’angle de déviation α, la longueur du câble d et les pertes
gaines ou de leur qualité, de leur oxydation ou de celle du toron – en ligne forfaitaires ϕ.
ce qui est inadmissible mais peut se produire surtout quand le
huilage de protection est interdit – de fuites de laitance de béton au Notons que, contractuellement en France, les résultats de cette
moment du bétonnage. L’expertise peut nécessiter l’utilisation mesure peuvent conduire, selon le moment où elle est faite, à :
d’une caméra passée au travers de la gaine – quand c’est possible — un nouveau calcul d’allongement ;
– ou d’un système endoscopique. Le traitement de l’anomalie — un nouveau calcul de la précontrainte avec éventuellement une
comporte en général le changement du câble, l’intensification de la addition.
lubrification pouvant aller jusqu’à la pulvérisation de poudre de Cet élément du contrôle de la mise en œuvre de la précontrainte
graphite dans la gaine et éventuellement le nettoyage de la gaine est certainement une supériorité de la technique française sur tout
s’il y a de la laitance. ce qui se pratique dans le monde. C’est la conséquence d’une poli-
Le frottement trop faible ne suffit en général pas à justifier totale- tique concertée entre les maîtres d’ouvrages et la profession, à
ment un excès d’allongement. C’est en tout cas le résultat d’une mise laquelle on doit probablement d’avoir moins de pathologies et d’acci-
en œuvre parfaite sur des ouvrages avec un cycle de réalisation très dents en France que dans beaucoup d’autres pays même très évolués
court. Notons que c’est une situation de plus en plus fréquente avec techniquement.
les progrès réalisés dans la qualité de la mise en œuvre. L’autre expli- Signalons enfin que la mise en œuvre de la précontrainte assistée
cation est à rechercher sur le câble. Elle peut provenir d’une section par ordinateur apporte à la mesure du coefficient de transmission
de toron minimale (– 2 %), ce qui peut se produire lorsque le toron de nouvelles possibilités. L’automatisme permet d’accroître la
est acheté au mètre, ou de la valeur du module d’Young du câble, fréquence des mesures et facilite l’interprétation des résultats et leur
d’un module réel du toron beaucoup plus bas que la valeur 190 GPa formalisation.
– il arrive que cela se produise mais c’est exceptionnel – de mous
différentiels entre torons provenant d’un tracé du câble très
2.2.3.5 Protection définitive par injection
tourmenté conduisant à des écarts importants de longueur entre eux. de coulis de ciment
La mise en tension simultanée d’un tel faisceau de torons par un
vérin unique peut alors conduire – pour un toron à caractéristiques Le paragraphe 2.2.2.5 a rappelé l’importance de la protection des
minimales – à un dépassement de la limite d’élasticité de certains armatures contre la corrosion et le rôle joué par les coulis d’injection,
d’entre eux et un module moyen apparent du câble plus faible que en particulier les coulis à base de ciment.
la normale. Il n’y a guère de remède efficace dans ce cas, en dehors Les coulis de ciment pour injection ont beaucoup évolué depuis
du rattrapage des mous par le système équitension (§ 2.2.2.3.2). Si leur application sur les premiers ouvrages de précontrainte. Aussi,
cette méthode ne peut être adoptée, on a souvent intérêt à appliquer pour bien appréhender l’évolution des ouvrages existants, paraît-il
l’effort normal de tension et à accepter l’excès d’allongement en indispensable de situer dans le temps les différentes phases qui ont
dérogation. marqué les progrès faits tant sur la composition et la fabrication que
sur les moyens de mise en œuvre des coulis à base de liants
2.2.3.4.3 Contrôle de la mise en tension hydrauliques.
En dehors des conditions préalables à la mise en tension
(§ 2.2.2.3.2) et des vérifications de résultats : conformité des efforts 2.2.3.5.1 Évolution des coulis
et allongement, rentrée de clavette qui est le critère de la bonne réa- Jusqu’au début des années 60, les coulis d’injection étaient
lisation mécanique de la fonction ancrage, le contrôle le plus impor- composés de ciment (type CPA essentiellement), de sable fin et
tant pour la qualité de la précontrainte de la structure est celui du d’eau. La teneur massique en eau était élevée, E /C = 0,40 à 0,45.
coefficient de transmission. Les règles le concernant figurent dans Même si le souci permanent était de la réduire le plus possible, cer-
l’article 95-4-2 du fascicule 65 A et la procédure est définie à l’annexe tains, poussés par la facilité, ont pu, parfois, la maintenir forte pour
1 de l’additif. fluidifier le matériau. Ils pensaient, à tort, favoriser l’écoulement du
liquide dans le conduit.

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Le sable, à raison du tiers à la moitié du poids de ciment, était ■ Perfectionnement du matériel d’injection
introduit dans le mélange dans le but très louable de donner un sque- C’est peut être dans ce domaine que les progrès ont été les plus
lette au coulis. On pensait, ainsi, le rendre moins sensible au retrait remarquables. Ils ont porté sur deux points essentiels, les moyens
et améliorer ses qualités d’adhérence. Aucune considération éco- de malaxage et les matériels d’injection.
nomique n’entrait dans cette pratique, le prix du sable en petite quan-
● Moyens de malaxage
tité n’étant pas très éloigné de celui du ciment ! Le sable était du
type dit de Fontainebleau ; de formation éolienne, il présentait une Pour qu’un coulis s’injecte correctement, il faut qu’il soit stable
granulométrie serrée, sans limon, ni argile et sans élément supérieur et parfaitement homogénéisé. Il faut aussi qu’il présente le moins
au millimètre. de décantation possible. Seul un malaxage puissant et contrôlé
permet d’y parvenir. Le malaxeur à main a dû être abandonné au
À partir des années 55, l’ajout d’un adjuvant a été systématique-
profit de malaxeurs électriques à hélices plus puissants, tournant à
ment préconisé. Deux objectifs étaient visés :
1 500 tr/min. (figure 22). Après un malaxage de trois minutes, un tel
— plastifier le coulis ; matériel permet d’obtenir un coulis stable et homogène. Toutefois,
— le rendre expansif. des essais préalables de convenance sont indispensables pour
L’expansion est censée compenser le retrait et les vides laissés affiner la durée de malaxage. Cette dernière peut varier en fonction
en partie haute des conduits, une fois l’eau d’exsudation réabsorbée. du ciment réellement utilisé sur le site. L’amélioration des conditions
La fonction expansion est obtenue par addition au plastifiant d’une de malaxage a permis de préparer des coulis beaucoup moins riches
poudre d’aluminium qui, au contact du ciment, génère des bulles en eau et de limiter la décantation. Mesurée dans des éprouvettes
gazeuses. Néanmoins, dès les années 75, cette fonction expansion graduées transparentes, la valeur de la décantation doit être
a été abandonnée en France, pour deux raisons : la première parce inférieure à 1 % de la hauteur. Pour arriver au même résultat, certains
que son efficacité a été jugée peu concluante, les effets du retrait pays ont utilisé des malaxeurs à double tambour qui, moins courants
et de la décantation étant postérieurs à l’expansion, la deuxième et plus onéreux, ont été finalement abandonnés.
beaucoup plus contestable parce que certains y ont vu un risque de ● Matériel d’injection
corrosion fissurante des aciers qui serait due à l’effet de l’hydrogène
naissant contenu dans des bulles en début de réaction. En réalité, Le matériel d’injection à main a été proscrit et remplacé par des
ce risque n’a jamais été mis en évidence dans les ouvrages existants. pompes électriques jusque-là utilisées pour le pompage des boues.
Dans le cas de ces pompes, un rotor hélicoïdal tournant dans un
Dès les années 60, plusieurs voies de recherche ont été déve- stator en néoprène assurait la progression du coulis sous un débit
loppées pour améliorer la qualité des injections. Les points faibles de 1 m3/h ; la pression dans les conduits restait acceptable, mais
de l’injection étaient essentiellement, le risque de formation de l’ensemble stator-rotor résistait mal à l’abrasion du ciment. Des
bouchons, les défauts de remplissage avec présence de vides le long ensembles plus robustes ont alors vu le jour : ce sont des pompes
du tracé des câbles et la décantation du coulis dans les points hauts à piston capables de débiter plus de 3 000 L/h, sous des pressions
du tracé. pouvant atteindre 0,5 MPa sans usure prématurée (figure 23). De tels
Pour résoudre ces problèmes, les sociétés de précontrainte se sont ensembles, perfectionnés et plus puissants sont encore d’emploi
orientées vers deux pôles : courant comme nous le verrons dans les paragraphes suivants. Leur
— l’amélioration du coulis ; principe reste tout à fait adapté aux câbles actuels de forte puissance
— le développement des moyens de malaxage et d’injection. et de grande longueur.

■ Amélioration du coulis 2.2.3.5.2 Les injections aujourd’hui


Il est apparu assez rapidement que la présence de sable dans le Le rappel historique que nous venons de tracer vise deux
coulis pouvait freiner sa progression dans les conduits. En effet, les objectifs :
fils et les torons ne sont pas parallèles entre eux tout le long de leur
— rappeler qu’un certain nombre de tâtonnements ont jalonné
tracé ; les changements de courbure et les croisements font obstacle
l’évolution de la précontrainte au début de son développement ;
au bon écoulement du coulis. Le sable est retenu dans ces zones
— donner des précisions sur la façon dont ont été exécutés les
où il a tendance à s’accumuler en se séparant du ciment et de l’eau.
ouvrages anciens pour mieux en assurer l’entretien et la
La conséquence possible est la formation d’un bouchon avec
conservation.
présence de zones vides où l’acier se trouve moins bien protégé.
Les coulis actuels ne comportent donc plus de sable. Aujourd’hui tous les constructeurs ont bien compris que, de la
bonne mise en œuvre de l’injection dépendait cette qualité essen-
La recherche s’est portée sur la quantité minimale d’eau à intro-
tielle des ouvrages, la pérennité.
duire pour que le coulis sans sable soit de qualité (donc le moins
riche en eau possible) tout en étant suffisamment fluide pour être
injectable. Un test simple a été mis au point aujourd’hui universel-
lement reconnu, c’est le cône de Marsh. Il caractérise ce que l’on
pourrait appeler l’injectabilité. L’essai consiste à mesurer le temps
d’écoulement d’un volume défini de coulis au travers d’une buse
calibrée. Le temps de passage d’un litre de coulis dans une buse
de 10 mm de diamètre est de l’ordre de 32 s. Une telle caractéristique
permet l’injection de câbles de grande longueur.
Les coulis à base de ciment, d’eau et d’adjuvant ont fait l’objet
de nombreuses études comparatives d’une région à l’autre en
fonction des ciments disponibles et l’on s’est orienté vers des coulis
à base de ciment CPA uniquement, moulus assez fins, indice Blaine
de l’ordre de 3 500. Les adjuvants sont en général, des fluidifiants,
des plastifiants et des retardateurs. C’est sur ces bases, mais avec
des variantes, que sont établies la plupart des coulis modernes, Figure 22 – Malaxeur 2000 (Freyssinet)
(§ 2.2.3.5.2). Bien entendu des contrôles du temps de malaxage ont
été imposés et l’effet des températures extérieures sur la vitesse de
prise a été étudié avec précision. Des tests de fausse prise sont
conseillés pour éviter toute surprise en cours d’injection.

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Les types de structures évoluent, les armatures de précontrainte Les entreprises distributrices spécialisées disposent pour ce type
aussi : de chantier, de petit matériel mobile permettant d’injecter 3 m3/h
— la capacité des unités de précontrainte atteint 1 400 t, les environ. Les malaxeurs sont des ensembles légers regroupant une
conduits qui les concernent ont un diamètre de 160 mm, de gros pompe doseuse pour l’eau et les adjuvants, une cuve de malaxage
volume de coulis deviennent nécessaires ; équipée d’un malaxeur à turbine et un bac dit d’entretien pour main-
— les techniques actuelles de mise en œuvre des câbles tenir le coulis bien homogène avant son envoi dans les conduits.
permettent l’utilisation de câbles de grande longueur sans difficulté Les pompes à injection puisent le coulis dans le bac d’entretien. Du
particulière ; type pompe à piston, elles permettent de réguler le débit, de régler
— les grandes structures industrielles, les centrales nucléaires, les les pressions maximales d’injection. Il faut rappeler que le matériel
plates-formes offshore, les bâtiments de prestige exigent des câbles d’injection doit être maintenu très propre car les résidus de coulis
de grande hauteur. qui peuvent faire prise dans le matériel en fin d’injection sont à
■ Différents types de coulis aujourd’hui l’origine de certaines pannes, voire de difficultés d’injection par
● Les coulis dits standards
formation de bouchon. Les opérations d’injection sont toujours déli-
cates et il ne saurait être question de les confier à un personnel non
Il s’agit des coulis utilisés sur les ouvrages dont les câbles averti.
présentent un tracé peu ondulé et dont la longueur ne dépasse pas
● Matériels fixes pour les chantiers de grande importance
une soixantaine de mètres. Ces coulis ont fait, en général, l’objet
d’une formulation précise en fonction des ciments régionaux Ces chantiers sont devenus assez fréquents puisqu’ils concernent
disponibles. Ils sont composés de ciment, d’eau suivant un dosage tous ceux qui exigent la mise en œuvre rapide de gros volume de
précis et d’un adjuvant fluidifiant. Ils sont conformes aux exigences coulis dans un temps limité : par exemple, les ouvrages à voussoirs
du Fascicule 65-A [11] et des projets de normes européennes préfabriqués conjugués ou non, les structures pétrolières ou
CEN/TC 104 / WG 6. Une vérification de convenance du matériel nucléaires ou, d’une façon plus générale, tous les ouvrages dont la
disponible sur place reste nécessaire. masse de précontrainte mise en œuvre dépasse une centaine de ton-
● Les coulis retardés ou à durée d’injectabilité maîtrisée nes.
De tels coulis ont été mis au point par certaines sociétés détentrices Le matériel de préparation du coulis devient alors plus complexe
de procédés pour répondre au cas difficile d’injection de câbles et plus mécanisé. Le ciment est approvisionné en silo. Le système
traversant des joints de construction. Pour assurer un remplissage de malaxage est une véritable petite centrale à coulis avec tous les
complet de tels câbles, il faut les injecter simultanément en utilisant automatismes modernes pour contrôler les dosages de différents
des rampes d’injection et en suivant la progression du coulis. Les composants du coulis (figure 24). Le malaxeur proprement dit est
quantités à mettre en œuvre deviennent, alors, importantes ; le coulis une puissante turbine avec circulation interne du coulis. Les bacs
ne doit pas s’épaissir trop rapidement et il est indispensable de d’entretien deviennent en même temps des bacs de transport du
retarder sa prise par emploi d’adjuvants spécifiques. Les méthodo- coulis qui, contrairement au cas précédent, peut alors être fabriqué
logies de fabrication du coulis sont elles-mêmes particulières ; plu- assez loin de son lieu d’utilisation (à 1 000 m et plus).
sieurs brevets les concernent. Certaines d’entre-elles permettent Le matériel d’injection est très comparable à celui utilisé sur les
même d’être maître du temps de retard de façon à l’adapter aux petits chantiers. Pour répondre à la mise en place du coulis sous
conditions climatiques propres au chantier, aux caractéristiques des gros débit, on peut soit multiplier le nombre de pompes soit
câbles, longueur, puissance des unités, etc. Les coulis retardés ont utiliser des équipements à fort débit unitaire (figure 25).
été un élément moteur pour la préparation des coulis en centrale,
indispensable pour les chantiers importants. On peut dès maintenant
envisager des points de préparation industrielle du coulis à l’image
des centrales de béton prêt à l’emploi, avec transport sur longue dis-
tance. Bien conscientes de l’absolue nécessité d’injection de la
meilleure qualité possible, les sociétés de précontrainte continuent
leur recherche dans ce domaine et progressent.
● Les coulis thixotropés
Les coulis thixotropés, comme tout matériau thixotrope, se
liquéfient lorsqu’ils sont mis en mouvement. Au repos, ils se
comportent comme s’ils étaient figés. Ils présentent aussi un aspect
colloïdal très intéressant qui fait que lorsqu’ils cheminent dans un
conduit, ils progressent suivant un front perpendiculaire au tracé du
câble. Ainsi, même pour des diamètres importants et sur un tracé
très incliné, il n’y a pas emprisonnement de bulles d’air. Cette
propriété a été mise à profit pour l’injection des câbles des unités
les plus puissantes avec ondulations de grande hauteur. De plus les
coulis thixotropés sont particulièrement stables et présentent un très Figure 23 – Pompe 2001 (Freyssinet)
faible ressuage. Ces coulis font l’objet de différents brevets. De
préparation délicate, ils sont en général mis en œuvre par les
entreprises distributrices spécialisées.
■ Technologies disponibles
À l’heure actuelle, on utilise deux catégories de matériels selon
la taille du chantier.
● Matériels mobiles et légers pour les chantiers de faible et
moyenne importances
On peut classer dans cette catégorie les ponts de moins de 150 m
de longueur, les chantiers de bâtiment, la plupart des réservoirs
ruraux et d’une façon générale tous ceux qui n’exigent pas une
quantité de ciment pour les injections supérieure à une cinquantaine
de tonnes.
Figure 24 – Centrale à coulis sur site nucléaire

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Les grands chantiers sont souvent de longue durée. Les injec-


tions des câbles doivent être possibles sous des températures très
variables. S’il est toujours fortement déconseillé d’injecter lorsque
la température de la structure est inférieure à 0 oC, il faut, par
contre, pouvoir injecter sous température élevée. Un matériel de
refroidissement de l’eau devient absolument nécessaire pour éviter
une température du coulis trop élevée en fin de malaxage. Dans ce
cas, comme nous le verrons plus loin, les coulis eux-mêmes
doivent être adaptés.
● Équipements particuliers disponibles
Un matériel bien adapté ne suffit pas pour réussir une opération
d’injection. Plusieurs équipements de détail doivent être prévus. Ils
sont déjà indiqués au paragraphe 2.2.2, nous en rappelons
Figure 25 – Pompe PH 125 (Freyssinet) sur site nucléaire
néanmoins l’essentiel :
— les capots : ce sont des pièces qui viennent recouvrir l’ancrage
après mise en tension et qui assurent de façon transitoire la liaison
entre la pompe et le conduit. Étanches sous une pression de l’ordre
de 1,5 MPa, ils sont en général différents d’un type d’ancrage à
l’autre. En fin d’injection, une vanne permet de les désaccoupler de
la pompe tout en maintenant la pression dans le conduit (figure 26) ;
— les évents : ils sont placés en points hauts des conduits, ils
permettent de libérer l’air qui aurait pu rester emprisonné dans les
câbles à tracé ondulé. L’expérience montre qu’en réalité la poche
d’air ne se concentre pas tout à fait au point haut, mais à environ
1 m plus loin. On place, donc, en général, un deuxième évent en
ce point pour favoriser la chasse de la poche et faire, par cet évent,
une injection complémentaire avant le début de prise de coulis. Dans
le cas de risque de gel avant injection des conduits, on peut être
amené à placer des évents en point bas du tracé ; cette disposition
est source de complications, elle doit être limitée aux seuls cas où
Figure 26 – Capots d’injection avec système de réinjection gravitaire
aucune autre solution n’est vraiment envisageable ;
— les tubulures de raccordement des pompes aux têtes
d’ancrage : leur qualité est un gage de réussite des opérations
d’injection. Les tubulures doivent résister à une pression de 1,5 MPa
et comporter le moins possible de points singuliers : raccords, van-
nes, coudes, etc. Généralement en tube souple, type conduite d’air
comprimé, elles peuvent être métalliques sur les chantiers impor-
tants. Tous les ensembles utilisés, matériels, tubulures, pièces de
raccordement, doivent être maintenus dans un état de propreté
parfait pour éviter tous les risques de formation de bouchon
qu’entraîne la présence de résidus de coulis ancien durci. Figure 27 – Injection par le vide

2.2.3.5.3 Cas particuliers d’injection car l’eau en excès du coulis est filtrée au travers du toron et, du fait
de sa densité plus faible que celle du coulis, est entraînée au point
■ Injection par le vide haut où elle s’accumule. Il ne saurait être acceptable de maintenir
Les premières injections par la technique du vide datent de plus cette eau en place, il faut l’évacuer. Pour cela, plusieurs solutions
de 20 ans. Elles ont donné lieu à plusieurs brevets, la plupart main- ont été proposées. Certaines consistent à évacuer l’eau au fur et à
tenant dans le domaine public. Le principe général est le suivant : mesure qu’elle se présente en maintenant un remplissage gravitaire
pendant que l’on injecte le coulis par une extrémité du câble, le vide à partir de l’ancrage. Deux techniques récentes, viennent d’être
est maintenu dans le conduit à partir de l’extrémité opposée. Ainsi, mises au point (figure 28) :
il n’y a guère possibilité de formation de poches d’air enfermées dans — la première (figure 28a ) consiste à placer, en partie supérieure,
le coulis et le remplissage du conduit est très fortement amélioré. un conduit de section plus importante que la gaine, pour créer un
En fin d’injection, le coulis introduit est mis en pression par la pompe réservoir à eau exsudée. L’accès à ce réservoir est possible par un
d’injection, opération qui réduit les quelques vides éventuels, évent latéral qui permet l’enfilage d’un tuyau plastique, à la verticale,
toujours possibles, à des volumes très négligeables. Des variantes dans la zone de coulis pauvre. L’élimination de ce coulis pauvre
existent et permettent en particulier de réinjecter des zones mal rem- s’effectue par le tuyau en mettant le coulis sous pression par l’évent
plies par le coulis. Elles consistent, à partir d’une même extrémité du capot, 2 à 3 h après l’injection. On procède alors au remplacement
d’un câble, à mettre la poche à remplir en dépression et aussitôt de l’eau et du coulis pauvre par du coulis nouveau qu’on laisse
après à envoyer un volume complémentaire de coulis pour combler reposer jusqu’au lendemain ; le lendemain, après élimination de
les vides. On peut maintenant sans difficulté, obtenir des pressions l’eau exsudée, on réalise la dernière réinjection jusqu’au bloc
résiduelles de l’ordre d’une dizaine de millibars (figure 27). Les d’ancrage ;
années à venir devraient voir la généralisation de l’injection par le — la seconde (figure 28b ), associe les techniques du vide et de
vide. l’effet de cheminée. La gaine est injectée sous vide et par gravité,
■ Injection des câbles de grande hauteur par le haut ; le vide étant effectué par l’orifice d’injection de la trom-
plaque et au travers de l’extrémité supérieure des torons. Lorsque
Ce n’est pas un problème de pression qui se pose, mais un le coulis arrive en partie supérieure on combine la mise sous pression
problème de décantation au niveau des points hauts dans la zone de la colonne de coulis avec l’aspiration forcée, sous vide, de l’eau
des ancrages supérieurs. On connaît depuis longtemps le phéno- exsudée au travers des fils de torons. Cette technique a permis de
mène chimney effect (effet de cheminée), à l’origine de remontées faire chuter le rapport E /C à 0,22 et améliorer ainsi les caracté-
d’eau abondantes aux points hauts près des ancrages de tête. Ce ristiques du coulis déjà injecté.
phénomène est accentué dans le cas de câbles composés de torons,

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■ Injection des câbles de grande longueur ■ Traitement des parties de tracé à forte ondulation (figure 29)
Les câbles de grande longueur exigent un coulis du type thixo- Lorsque la dénivellation h est supérieure à 1,20 m, l’injection est
tropé. La vitesse d’écoulement dans le conduit est une notion à ne réalisée par un ajutage mis en place au point bas (➀ et ➁). Un évent
pas négliger. On a constaté que sa valeur optimale se situait dans supplémentaire, situé à 1 m environ du point le plus haut est mis
une plage de 10 à 18 m/min selon la taille des unités à injecter. Cette en place afin d’évacuer la poche d’air et l’eau d’exsudation (➂ et
vitesse permet, à la fois un bon enrobage de tous les aciers et évite ➃). L’opération s’effectue par réinjection des coulis à partir des points
la formation de bulles. La ségrégation et l’exsudation étant faibles, bas (ajutages de points bas ou d’extrémités d’ancrages) afin de
les risques de présence d’eau libre sont très réduits. chasser l’air et l’eau exsudée vers les points hauts. Il est souvent
nécessaire de réinjecter du coulis à 2 ou 3 reprises, toutes les
demi-heures ou toutes les heures suivant le type de mélange utilisé
afin d’éliminer complètement l’eau exsudée.
■ Injection de familles de câbles traversant
des joints de construction
C’est le cas des câbles longitudinaux d’ouvrages construits avec
des joints, par voussoirs conjugués ou non. Le coulis, en cheminant
au travers des joints, peut passer d’un câble à l’autre. Cela peut
conduire à une injection en pointillé, très néfaste pour la pérennité
de l’ouvrage. La solution consiste, alors, à injecter les câbles par
famille entière, en faisant progresser le coulis dans tous les câbles
simultanément et en contrôlant de façon précise cette progression.
Un jeu de vannes placées sur une rampe d’injection à l’entrée de
chaque câble permet à une équipe expérimentée d’assurer le
remplissage complet des conduits. Le coulis doit obligatoirement
être du type retardé de façon à rester maître des opérations en cas
d’incidents, même si les quantités de coulis à injecter sont très
importantes.
■ Injection à la graisse ou la cire
La graisse comme la cire doivent être injectées dans des conduits
très étanches. Dans le cas des graisses en particulier, l’huile occluse
peut, par défaut d’étanchéité, apparaître en surface dans le temps
et tacher le parement. Le matériel d’injection est spécifique puisque
le matériau est injecté sous forte température : 80 à 95 oC. Des
réchauffeurs doivent permettre d’amener les produits à la bonne
température. Les équipements, vannes, tubulures de raccordement,
évents, etc., doivent être prévus dès la conception de l’ouvrage.

Figure 29 – Schémas d’injection sous vide


de câbles fortement déviés

Figure 28 – Injection de câble de grande hauteur

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3. Techniques dérivées
La plupart d’entre elles résultent de la maîtrise des gros efforts
transmis par des câbles, ce qui est la pratique courante de la
précontrainte ; il est significatif, en effet, de constater que les
personnes rompues à la pratique de la précontrainte ne sont jamais
démunies devant des problèmes qui mettent en jeu des efforts de
plusieurs dizaines de milliers de tonnes. C’est unique dans le monde Figure 30 – Ancrage de cerce
des techniques.

3.1 Précontrainte additionnelle


C’est l’application à une structure quelconque, d’efforts – en
général importants – qui permettent de la renforcer, de lui conférer
une meilleure stabilité sous des efforts normaux ou exceptionnels.
Ces efforts sont appliqués par des câbles sous des formes les plus
variées : tirants rectilignes, cerces de cerclage, câbles de tracé
complexe quand la structure permet leur mise en place.
Les applications sont très nombreuses et variées ; elles nécessitent
le plus souvent des études complexes car la nature de la structure
n’est pas toujours conforme aux hypothèses de la résistance des
matériaux. Ces applications sont passionnantes pour le projecteur
et intéressantes à mettre en œuvre. Elles font appel à de très
nombreuses techniques (forages, scellements, selles de déviation...)
pour introduire les efforts dans la structure.
La difficulté majeure est d’assurer une bonne protection des câbles
qui assurent la précontrainte, souvent à l’extérieur de la structure.
Les techniques maintenant éprouvées de la précontrainte extérieure
permettent en général de bien régler le problème, mais il existe tou-
jours des points singuliers qui nécessitent à chaque fois une réflexion
particulière.
La précontrainte additionnelle utilise toute la panoplie des maté-
riaux et matériels de la précontrainte traditionnelle. En matière
d’ancrage cependant, il faut noter qu’il y en a deux types qui lui sont
pratiquement réservés :
■ l’ancrage de cerce qui est composé de deux ancrages opposés et
qui permet de jouer le rôle d’un nœud sur un toron (figure 30) ;
■ l’ancrage croisé ou ancrage dit pour tension par le centre qui
assure à peu près la même fonction que le précédent, mais qui est
installé sur un câble droit dont les extrémités sont inaccessibles ou
doivent rester masquées pour des raisons esthétiques (façades de
l’Arc de triomphe de l’Étoile) : (figure 31).
On trouve donc maintenant de la précontrainte additionnelle
dans des structures renforcées où on ne l’attend pas, telle qu’une
rosace d’église gothique (cerce monotoron graissé), dans des Figure 31 – Renforcement de l’Arc de triomphe (Paris)
clochers, dans l’Arc de triomphe, dans des ponts en béton armé,
dans des silos et des réservoirs d’eau circulaires, dans des ponts
continus pour prendre en compte les effets du gradient thermique 3.3 Haubanage
inconnus au moment de la construction, dans des ponts iso-
statiques rendus continus, etc.
On doit retenir l’idée que la précontrainte additionnelle est un outil Traditionnellement le haubanage des ponts et des toitures était
très puissant au service de l’ingénieur. l’apanage des fabricants de câbles depuis que les câbles en acier
ont remplacé les cordes (haubanage des mâts de navire) ou les
chaînes (haubanage ou suspension des ponts). Cette situation s’est
radicalement transformée lorsque dans les années 70 les procédés
3.2 Levage et manutention de précontrainte, ont introduit dans cette technique l’expérience et
l’état d’esprit de la précontrainte. BBR a commencé avec les câbles
Depuis une vingtaine d’années, l’état d’esprit précontrainte a à fils de précontrainte HIAM (high amplitude ), puis Freyssinet a
pénétré ces domaines d’activités ; les treuils linéaires sot dérivés introduit les câbles à torons pour les ouvrages de Rande (Espagne)
directement des vérins de mise en tension des câbles de pré- et Brotonne (France).
contrainte [2].

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3.3.1 Spécificités du haubanage 3.3.3 Résistance à l’environnement


par rapport à la précontrainte
Là encore, Freyssinet a innové en se libérant des méthodes de la
Ces spécificités sont de plusieurs ordres : précontrainte et en particulier, de la protection par le coulis de
ciment, dont on a perçu les limites pour ce type d’ouvrage (fissu-
■ tout d’abord l’environnement : le hauban est toujours à l’extérieur ration et masse trop importante pour les câbles très longs). C’est
de la structure. Sa protection devient un élément capital de la donc à son initiative qu’a été développé le toron individuellement
technologie ; elle concerne la pluie, le vent, le gel, les radiations protégé (§ 1.3.4.6) (figure 33 et 34).
solaires, les oiseaux, etc. ;
Il est important de noter que le revêtement PEhd de ce toron a
■ ensuite les sollicitations mécaniques qui majoritairement sont des fait l’objet d’études spécifiques en vue d’améliorer sa tenue aux
sollicitations dynamiques, de grande amplitude avec un nombre de radiations (ultraviolets en particulier). Cela conduit à des additions
cycles de l’ordre de 106 pour des charges roulantes sur les ponts, de particulières dans les résines de base, en quantité et qualité qui sont
faible amplitude avec un nombre de cycles de l’ordre de 107 et 108 fonction de la durée de vie escomptée du matériau et de sa couleur ;
ces éléments sont de type sacrificiel et donc consommés pour
pour les effets du vent sur toutes les structures haubanées.
assurer la protection du monotoron de base. Enfin, dans le cas des
Il résulte de ces spécificités une technologie très différente de celle grands ouvrages, la tenue au vent est une question très difficile qui
de la précontrainte, bien qu’elle en découle directement. Ces diffé- au plan de la mise en œuvre conduit à des dispositions évitant
rences concernent la haute performance en fatigue dans les zones l’amorce des phénomènes vibratoires (gaine aérodynamique ;
d’ancrages et la qualité de la protection, aussi bien pour les zones figure 34) et empêchant leur propagation quand elles prennent
d’ancrages que pour les parties courantes des câbles. naissance sur un câble de la structure. Il s’agit d’amortisseurs en
pied de câble et d’un réseau de câbles amortisseurs transversal au
réseau de haubans (aiguilles amortisseuses ). Ces câbles font l’objet
3.3.2 Résistance aux sollicitations de fatigue d’études spécifiques tant en ce qui concerne leur coefficient
d’amortissement propre, que de leur résistance en fatigue, de leurs
Les sollicitations de fatigue sont près de 10 fois plus élevées que ancrages et de leur mise en place (figure 35).
celles subies par les câbles de précontrainte extérieure des ouvrages Ainsi, cette courte évocation du haubanage montre qu’il s’agit de
d’art (150 MPa de variation de contrainte contre 20 MPa environ) la technique dérivée de la précontrainte, la plus spectaculaire et la
d’où la désignation commerciale du système BBR, HIAM. De plus, plus prestigieuse, qui mériterait un développement particulier.
ces variations introduisent, dans les zones d’ancrages, des sollici-
tations de traction et de flexion qui exigent des dispositions origi-
nales pour y résister. À ce sujet, il est intéressant de signaler les deux
écoles en matière d’ancrages pour haubans :
■ l’école ancienne, directement dérivée des ancrages de pré-
contrainte, pour laquelle la résistance à la fatigue est assurée en
filtrant les variations de contrainte au travers d’une injection rigide,
souvent à base de résine ;
■ l’école nouvelle, dont Freyssinet est à l’origine, qui a défini des
dispositions d’ancrage qui résistent parfaitement à la fatigue sans
l’aide de l’injection. La courbe de Wöhler établie à l’occasion de la
construction du pont de Normandie, à raison d’un essai de fatigue
par fraction de 50 t d’une fourniture de 2 500 t de toron Tréfileurope,
sur une éprouvette monotoron comportant deux ancrages mono-
torons de texture identique à celle de ceux de l’ouvrage, fait appa-
raître une limite de fatigue du hauban supérieure à 200 MPa.
Les conséquences de ces performances sont multiples :
— les torons sont ancrés individuellement, sans liaison rigide en
service qui pourrait gêner l’indépendance entre les torons ;
— les torons peuvent ainsi être installés et démontés individuel-
lement ce qui simplifie considérablement la mise en œuvre qui peut
être réalisée avec des moyens très légers ;
— les torons sont mis en tension individuellement, à la valeur
finale, grâce au dispositif breveté de l’isotension ; rappelons pour
apprécier l’intérêt de cette méthode que la mise en tension d’un
hauban sur une structure souple, conduit à des tensions initiales
différentes pour chacun des torons du câble constituant le hauban
(figure 32) ;
— l’indépendance des torons et leur protection individuelle évi-
tent l’effet de gangrène que l’on a pu constater sur les haubans de Figure 32 – Isotension. Schéma de principe
première génération, lorsque la protection est localement détériorée.
L’idée fait son chemin actuellement et probablement se généra-
lisera sous des formes voisines.

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Figure 33 – Hauban : composé de torons individuellement protégés

Figure 35 – Aiguille du pont de Normandie

■ plus les charges variables d’une structure sont importantes, mieux


le béton précontraint se place. C’est ainsi que même pour des petites
portées, mais avec des descentes de charges importantes, le béton
précontraint est plus économique ;
■ malgré les énormes améliorations de la productivité dans la
construction métallique et la sidérurgie, ces dernières années, le
béton précontraint reste très compétitif dès que les travées
dépassent une centaine de mètres. Entre 60 et 100 m, la compétition
est aujourd’hui plus vive, et les deux types de solution ont leur place ;
■ pour des ouvrages contenant des liquides, le béton permet de
réaliser économiquement des structures entièrement comprimées
Figure 34 – Gaine du pont de Normandie même en charge, ce qui assure à l’ouvrage un comportement bien
meilleur vis-à-vis de l’étanchéité ;
■ pour ce qui est des coûts de la précontrainte elle-même, il est inté-
4. Données économiques ressant de faire apparaître deux éléments :
— une partie fixe, les ancrages (il y a deux ancrages par câble) ;
— une partie variable, l’acier proprement dit ; (cette partie est
Il est toujours très difficile de donner des règles précises pour fonction de la longueur du câble).
évaluer le coût des ouvrages et comparer entre elles des solutions
Les ancrages sont rémunérés à la tonne · mètre utile ancrée. Un
de types différents. On a tendance à opposer d’une façon générale,
mètre de câble transportant x tonnes sur un mètre et pesant y kilo-
le coût d’une solution en béton armé à celui d’une solution en béton
grammes représente x tonnes · mètres. Avec cette définition, on peut
précontraint ou d’une solution en béton précontraint à celui d’une
très facilement connaître le nombre de tonnes · mètres exigées par
solution métallique. Toute généralisation doit être faite avec pru-
une structure bien définie. En connaissant le poids d’un mètre de
dence, car tout ouvrage est, en fait, un cas particulier. De plus, dans
câble on peut aussi définir le poids total d’acier utilisé sur l’ouvrage.
le temps, les prix des différents composants varient, parfois dans
des sens opposés ce qui peut rendre caduques les conclusions d’un Exemple : pour donner un ordre de grandeur des prix, on peut dire
jour. Il ne faut pas négliger aussi, dans toute comparaison, le fait que, pour un ouvrage courant en 1995, la tonne ancrée coûte aux
que la précontrainte apporte très souvent un plus technique qui n’est environs de 10 F et la tonne · mètre aux environs de 2 F.
pas toujours quantifiable. Bien que la comparaison doive être faite avec précaution, on peut dire
On peut néanmoins préciser un certain nombre de données : que la tonne · mètre d’acier de béton armé, définie de façon comparable
vaut aux environs de 5 F.
■ tout ouvrage conçu en béton armé peut donner lieu à une solution
en béton précontraint, alors que l’inverse n’est pas vrai. C’est ainsi L’acier ne saurait être le seul élément de comparaison ; d’autres
que le béton armé ne peut économiquement franchir des travées éléments interviennent. Ainsi, dans un ouvrage précontraint, le
isostatiques de plus de 30 m alors que le béton précontraint a béton est lui aussi mieux utilisé que dans un ouvrage en béton armé :
dépassé les soixante mètres. En ouvrage continu, les différences sont c’est un avantage supplémentaire. L’apport original de la précon-
encore accentuées ; trainte entre en jeu aussi, dans les méthodes d’assemblage et, plus
généralement, de construction. Cet apport a permis des dévelop-
pements nouveaux et très intéressants comme la construction par
encorbellement.

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5. Vues d’avenir Nous n’évoquerons ici que des produits à structure unidirection-
nelle, formés d’un assemblage de fibres parallèles, de diamètre 5
à 20 µm, agglomérés avec une résine de synthèse, thermoplastique
La prospective est un art difficile et les espoirs que font naître les ou thermodurcissable. Ils se présentent sous forme de fils (joncs)
performances sont très souvent déçus par le niveau de prix. Le de diamètre 5 à 10 mm obtenus par la technique de la pultrusion.
débouché dans le domaine de la construction est parfois gêné par Les fibres sont du verre, du carbone ou de l’aramide plus connue
la modestie des quantités consommées. Il ne survient généralement sous les noms commerciaux de Kevlar ou Twaron ; les résines sont
que lorsqu’il y a conjonction entre les besoins dans plusieurs des époxy, des polyesters ou des polyamides (Nylon ).
domaines d’activités, entraînant la baisse des prix de production ou
Les propriétés mécaniques intéressantes de ces produits sont
conjonctions d’avantages multiples transformant les données du
essentiellement, la résistance en traction de l’ordre de 2 000 MPa sur
coût d’usage.
fibre, soit de l’ordre de 1 000 MPa sur le matériau composite ; leur
masse volumique est 4 à 5 fois plus faible que celle de l’acier.
Par contre, ce matériau a un comportement fragile (pas de défor-
5.1 Matériaux mation plastique avant rupture), il n’a aucune résistance aux
contraintes orientées perpendiculairement à la fibre et, à l’exception
Nous n’évoquerons ici que le béton, l’acier de précontrainte et les de certaines qualités de carbone, il a un module d’Young compris
matériaux composites. entre 80 et 120 GPa (contre 200 GPa pour l’acier). Quand on ajoute
à cela, le fait que le verre est corrodable par le béton et que les fibres
aramides, absorbent l’humidité ambiante et se dégradent, on en
5.1.1 Béton déduit que seul le carbone peut se révéler intéressant, bien que le
plus cher actuellement des trois types de produits composites.
Il s’agit des BHP (béton à hautes performances). Il faut insister Au plan physico-chimique, le carbone est assez inerte, au moins
sur le mot performances : il ne s’agit pas seulement de la résistance dans l’environnement habituel ; il est également amagnétique. Si
à la compression. Certes, cette caractéristique est importante et donc, ce produit est susceptible de développement, c’est dans des
l’ingénieur est sensible à l’intérêt structurel des bétons dont la domaines où l’on pourra exploiter ses propriétés spécifiques, l’acier
résistance à la compression atteint 100, 200 MPa, voire près de étant alors hors compétition. On peut imaginer des structures hauba-
1 000 MPa pour BPR (béton à poudre réactive). Certes ce béton, dont nées de très grandes portées, totalement composites (couvertures,
la structure est plus voisine d’une fonte moulée à froid que d’un grands ponts) ou des structures pour installations médicales ou
béton hydraulique, ne constituera pas les structures traditionnelles industrielles totalement amagnétiques et cependant précontraintes
de notre environnement du début des années 2000, mais il faut pour assurer leur stabilité, ou enfin des structures ancrées en mer
connaître la tendance. sur des fonds supérieurs à 1 000 m ; dans ce dernier cas la masse
Il est plus important dans l’immédiat d’améliorer le matériau béton volumique de l’acier devient trop importante et le seul poids propre
dans le domaine où il est le moins performant à court et long termes : fait atteindre ses contraintes limites. Les progrès de ces matériaux
la résistance en traction, le retrait, le fluage, la perméabilité. C’est sont donc à suivre ; leur pénétration significative dans le monde de
ainsi que des travaux pour EDF (Électricité de France) ont permis la construction prendra beaucoup de temps.
de mettre au point du béton à faible chaleur d’hydratation, donc à
faible retrait, par réduction du dosage en ciment (300 kg/m3) tout
en obtenant une résistance caractéristique de 60 MPa, non
recherchée au départ. Ce béton permet de limiter la fissuration de 5.2 Méthodes de mise en œuvre
retrait des enceintes de confinement des centrales nucléaires ; il a
été mis au point pour l’enceinte no 2 du site de Civaux (Haute-Vienne) Leur évolution dépend de deux phénomènes :
et sera probablement retenu pour le réacteur européen EPR. — les progrès et les nouveaux développements qui interviendront
On peut aussi citer pour mémoire les progrès attendus par l’utili- sur les matériaux ;
sation des fumées de silice qui complètent la granulométrie des — les progrès de l’environnement technologique (mécanisation,
ciments vers le bas (quelques dizaines de nanomètres) et possèdent robotisation, informatisation).
des propriétés pouzzolaniques, des fibres (plastiques et aciers), des
résines, etc. [3].
5.2.1 Progrès et nouveaux développements
sur des matériaux
5.1.2 Acier de précontrainte
Parmi les thèmes de progrès et développement évoqués au para-
Il ne faut pas attendre de miracle dans les vingt années à venir, graphe 5.1, il n’y a rien qui modifiera de façon fondamentale les
avec des progressions analogues à celles que l’on peut attendre des méthodes de mise en œuvre. Tout au plus nous verrons apparaître
bétons. Par contre, dans le droit fil des méthodes que nous avons des adaptations liées aux spécificités des matériaux nouveaux
développées au paragraphe 1.3.4, on peut penser que les méthodes comme par exemple les composites ; par ailleurs les fabricants de
de plus en plus fines de maîtrise des processus sidérurgiques ces produits devront faire tout ce qui est possible pour rendre leur
conduiront à des progrès sur les fils de précontrainte. Des expéri- utilisation la plus voisine des habitudes et méthodes actuelles pour
mentations sont actuellement menées soit au stade du laboratoire, faciliter la pénétration de leur produit.
soit en usine sur la base des méthodes appliquées aux produits de Il faut insister sur la situation particulière du toron gainé protégé
très faibles diamètres (quelques dixièmes de millimètre) pour l’arma- à adhérence différée évoqué au paragraphe 1.3.4.6. En effet, ce pro-
ture des pneus (steel-cord ). Cela peut laisser espérer des résistances duit, s’il s’avère être efficace et compétitif, peut faire disparaître la
à la traction de 2 500 à 3 000 MPa à l’échéance 2010. notion de conduit, propre aux applications de précontrainte par post
tension, au profit d’une mise en place très voisine de celle des arma-
tures passives. Une telle situation supprimerait toutes les concen-
5.1.3 Matériaux composites trations d’efforts dans la structure, génératrices d’effets secondaires,
et conduirait à une précontrainte naturellement mieux diffusée dans
On se reportera à la rubrique Composites du traité Plastiques et la structure. Pour ce qui concerne la mise en tension, le fait d’utiliser
Composites. des unités monotoron de capacité modeste (150 à 300 kN), permet
d’envisager des vérins de mise en tension légers, manipulés par un
robot. Bien sûr, une telle évolution ne peut concerner que les pays
à fort coût de main-d’œuvre.

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5.2.2 Progrès de l’environnement technologique 5.4 Surveillance des structures


Contrairement aux progrès que nous venons d’évoquer, il est pro-
précontraintes
bable que les améliorations de la technologie seront plus rapides ;
le processus est d’ailleurs déjà amorcé. La tendance générale est à Dans l’euphorie de sa géniale invention, il est possible que
l’augmentation de la taille des unités ; la taille et la masse des vérins E. Freyssinet ait quelque peu rêvé d’éternité à propos de la durée
croissent encore plus vite et imposent impérativement des systèmes de vie de ses structures précontraintes... Pour des raisons différentes,
de manutention. Le processus est probablement irréversible, à mais avec une conclusion identique, beaucoup de maîtres d’ouvrage,
moyen terme. marqués par ce que l’on pourrait appeler le syndrome du peintre
de la tour Eiffel (c’est-à-dire que le peintre commence au pied et
De plus, la généralisation des règles de l’assurance de la qualité, arrivé au sommet il recommence, et cela depuis plus de cent ans !),
et en particulier la notion de traçabilité, imposera de plus en plus ont pensé que le béton ne nécessitant pas de peinture, n’avait pas
la saisie automatique des résultats de mise en tension. Aujourd’hui, besoin d’entretien. C’est purement utopique. L’évolution de la pol-
exiger du personnel exécutant la tenue des fiches et l’exploitation lution de l’air et des eaux de pluies dans les zones urbaines, l’accrois-
de certaines valeurs relevées en cours d’opération, présente sement du trafic, le salage des chaussées par temps froid ont montré,
beaucoup de difficultés et est source d’imprécisions voire d’erreurs. que même avec de la précontrainte il n’en était rien, en tout cas avec
L’assistance par informatique est probablement la solution et là des bétons ordinaires. Depuis les années 70, on a enfin compris que
encore, la voie est ouverte (§ 2.2.2.3.2) ; la perte de qualification du les structures en béton vieillissent et qu’elles nécessitent un entre-
personnel, oblige à mettre en place ces méthodes de saisies auto- tien. À partir du moment où l’on pense entretien, on pense sur-
matiques des informations de contrôle. La présence du CMP est une veillance pour en limiter le coût et le prévoir.
garantie importante, mais pour qu’il soit efficace il faut qu’il soit Il est probable que dans l’avenir, la rationalisation des dépenses
déchargé de son activité de chambre d’enregistrement ; l’exécution de l’État aidant, ainsi que la décentralisation, la notion de coût ins-
continue du cycle de mise en tension accroîtra la productivité. tantané d’un ouvrage (coût de construction) fera progressivement
place à la notion de coût global objectif. Issue des méthodes d’ana-
lyse de la valeur cette notion est déjà appliquée aux équipements
5.3 Protection industriels et même à certains produits de consommation onéreux
(voitures par exemple). Elle intègre les coûts d’entretien pendant la
Nous avons déjà beaucoup insisté sur la nécessité d’une protection durée de vie escomptée pour l’ouvrage. Sa prise en compte impose
de qualité pour garantir la pérennité de la précontrainte. La la surveillance de l’ouvrage en général et celle de la précontrainte
connaissance des phénomènes a progressé considérablement en particulier. C’est un nouveau marché qui s’ouvre dans le cadre
depuis l’origine. Toutefois, en ce qui concerne la protection par coulis de l’évolution de nos sociétés vers l’utilisation de plus en plus
de ciment, l’évolution des normes de ciments et celle de l’organi- fréquente des sociétés de service.
sation des cimentiers, rendent de plus en plus difficiles les appro- Cela entraînera donc des conceptions de structures un peu diffé-
visionnements de ciments conformes aux spécifications de rentes. On programmera des remplacements d’organes dès qu’un
l’injection, en quantités souvent faibles pour une cimenterie certain nombre de critères d’usage ne seront plus conformes aux
(quelques tonnes à quelques dizaines de tonnes). Cette question pré- spécifications. C’est à cette nouvelle conception que répond ce que
occupe actuellement les professionnels qui réfléchissent à l’élabo- le professeur Mario P. Petrangeli appelle le pont machine : le pont
ration de liants spéciaux pour injection, qui mettraient cette machine est composé d’éléments de haut contenu technologique
opération à l’abri des aléas. Ce liant comportera des additifs variés qui, chacun, accomplissant une fonction spécifique : hauban, tablier,
qui, comme pour les bétons, seront probablement des résines de précontrainte, appareils d’appui, amortisseurs contre l’effet du vent,
synthèse avec ou sans fumée de silice. dispositifs antisismiques, etc., doivent pouvoir être vérifiés et rem-
Concernant la mise en œuvre, il est probable que l’on s’orientera placés comme chaque partie d’une machine.
progressivement vers la généralisation de l’injection sous vide, Le suivi de l’évolution des pièces critiques est le but de la sur-
tant cette méthode est une assurance pour la garantie du remplis- veillance. Pour la précontrainte, on s’efforcera de connaître l’évolu-
sage des conduits. tion de la force, la qualité de la conservation des têtes d’ancrages,
Parallèlement, il est probable que continueront à se développer l’apparition éventuelle de corrosion, etc. Cela se traduira par l’adjonc-
les protections par injection de produits souples (cire pétrolière, tion de capteurs divers qui rendront la structure intelligente, l’ordi-
graisses, etc.) ; à cela il y a au moins deux raisons : nateur de contrôle détectant les anomalies. C’est une situation moins
futuriste qu’il n’y paraît ; le maître d’ouvrage du pont de Normandie
■ la première est celle qui résulte de la réaction, parfois brutale, de a engagé cette démarche. Ce n’est pas un exemple unique. D’autres
certains pays qui ont connu des désordres sur des structures précon- suivront ; les entreprises distributrices spécialisées, éventuellement
traintes à la suite d’injections au coulis de ciment, réalisées sans rajeunies, sont prêtes. Les principes d’économie intrinsèque
exigences de qualité ni de contrôles ; associée à l’idée de précontrainte telle que nous l’a légué
E. Freyssinet n’en seront pas oubliés pour cela.
■ la deuxième est celle qui résulte des exigences de surveillance de
la précontrainte des enceintes de confinement des centrales
nucléaires américaines. Ces exigences imposent le suivi de l’effort de
précontrainte dans les câbles, en fonction du temps et de façon aléa-
toire. Il a fallu abandonner l’adhérence des câbles pour pouvoir les 6. Annexe A : origines
peser par retension périodique. du béton précontraint
L’idée fait donc son chemin parmi un certain nombre d’ingénieurs
conseils, probablement un peu trop puristes, et les applications
deviendront de plus en plus nombreuses avec l’accroissement des Les grandes étapes du développement de la précontrainte sont
règles de sécurité, en particulier sur les structures industrielles répu- en fait celles de la carrière de Eugène Freyssinet.
tées sensibles. Le toron gainé-protégé s’avèrera probablement la
solution la meilleure pour satisfaire à ces nouvelles exigences.

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6.1 E. Freyssinet maître sous la forme de produits industriels, maintenant devenu une réalité
internationale qui utilise chaque année dans le monde, de l’ordre
de la construction en béton de un million de tonnes d’acier de précontrainte, sous une contrainte
(1905-1928) de service de 1 000 à 1 200 MPa. C’est probablement l’utilisation
industrielle de l’acier la plus performante et la plus économique
Le 1er juillet 1905, il est nommé à Moulins, ingénieur des Ponts parmi toutes les utilisations actuelles !
et Chaussées, chargé du service vicinal et du service ordinaire de C’est ce mode de réalisation de produits en béton qui a fait l’objet
l’arrondissement Est, Vichy et Lapalisse. du brevet déposé le 2 octobre 1928 Procédé de fabrication de pièces
C’est une période très active de sa vie, qui n’a rien à voir avec en béton armé et des additions qui suivirent en 1928-1929 et 1930.
l’idée que l’on peut se faire aujourd’hui de l’activité d’un ingénieur Les premiers produits précontraints fabriqués industriellement
d’arrondissement. Chargé alors de la construction des ouvrages sont des poteaux électriques construits en association avec Forclum.
communaux dont la subvention de financement ne venait jamais, Alors que l’on n’était qu’en 1932 on réalisait quotidiennement dans
il comprit très vite que leur réalisation était impossible sans forte l’usine de Montargis des bétons remarquables de résistance 80 à
réduction de leur prix de revient. Il trouva la solution en les réalisant 100 MPa, atteignant 50 MPa entre 16 et 48 h, 30 MPa au démoulage
en béton, plus compétitif que les autres matériaux (aciers ou maçon- « quelques dizaines de minutes » après coulage grâce à l’action
nerie). simultanée de la compression, la vibration et le traitement thermique
Ce fut là le premier défi du futur grand constructeur : réaliser des inventés par Freyssinet (figure 39).
ouvrages pour un coût de 20 % des projets de l’administration, finan-
çable directement par la commune. Ainsi, il en réalisa de très nom-
breux. Il reste une trace remarquable de ces ouvrages « maquettes »,
c’est le pont en arc de Préréal-sur-Besbre (26 m de portée) décintré
en 1906 par l’action de vérins hydrauliques – une première en la
matière –.
Freyssinet rencontre alors François Mercier, entrepreneur à Vichy
qui l’engage et le pousse vers le second défi de sa carrière, technique
celui-là : la construction de 3 ponts sur l’Allier : le Veurdre, Boutiron
et Châtel-du-Neuvre. Mercier, quant à lui, propose au conseil général
de l’Allier un défi économique – dans la lignée de ceux des ouvrages
vicinaux précités – consistant à construire en béton, sur les plans
Freyssinet, les trois ponts sur l’Allier pour 630 000 F or, montant de
l’estimation de l’administration pour la solution en maçonnerie du
seul pont du Veurdre ! Il garantit la reconstruction selon les plans Figure 36 – Pont de Boutiron (état actuel)
originaux, en cas d’échec de la solution béton. Le pari est pris et
gagné ; il en reste un témoin, le pont de Boutiron (3 km en aval de
Vichy (figure 36)), les deux autres ayant été démolis à la Libération.
C’est ainsi que débute cette fabuleuse carrière de constructeur, qui
se poursuit pendant la guerre de 1914-1918, pour le compte du minis-
tère de la Guerre, par la construction d’un très grand nombre de
couvertures par voûtes en béton, « hectares et hectares de hangars
de chargement, dépôts, usines, grands hangars pour tous usages ».
La période de la guerre voit la rupture du partenariat Mercier-
Freyssinet au profit d’un nouveau, avec son camarade de promotion
Claude Limousin. C’est une période brillante, ponctuée d’ouvrages
phares dont il reste de nombreux exemples qui méritent le détour
lorsqu’ils existent encore : pont de Villeneuve-sur-Lot (figure 37),
pont de Tonneins sur la Garonne, marché couvert de Reims, hangars
pour ballons dirigeables à Orly, et le pont Albert Louppe plus connu
sous le nom de pont de Plougastel (sud de Brest) (figure 38).
Freyssinet a compris très tôt que la vocation constructive et
économique du béton était d’être comprimé. La solution naturelle Figure 37 – Pont de Villeneuve-sur-Lot (état actuel)
pour le comprimer c’est la voûte. Freyssinet en a épuisé toutes les
ressources alors que, dans ce même temps, il est en permanence
taraudé par l’idée de précontrainte, celle née dès 1903, lors de la
visite des consoles en béton de la rue de Rome.
C’est finalement en 1928, en pleine gloire, qu’il décide « de risquer
tout ce que j’avais de fortune, de réputation et de forces, pour faire
de l’idée de la précontrainte une réalité industrielle ». Il abandonne
Limousin, qui ne croyait pas à cette idée qui, à l’époque, n’avait
même pas de nom.

6.2 Période sabbatique et invention


de la précontrainte (1928-1932)
Dans la citation ci-dessus, Freyssinet parle de « réalité
industrielle » ; deux mots toujours très significatifs du double objectif
de toute sa carrière, l’association des performances techniques et Figure 38 – Pont de Plougastel et pont de l’Iroise (pont à haubans)
économiques. Il pressent alors pour le matériau béton ce devenir

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Malheureusement la crise économique mondiale qui sévit à 6.4 Héritage ; développement


l’époque en décide autrement, et cette aventure industrielle tourne
en désastre économique. Freyssinet est ruiné et c’est alors qu’il de la précontrainte
saisit, une nouvelle fois, au vol la chance qui passe avec le sauve- dans tous les domaines
tage de la toute neuve gare maritime du Havre (la première), celle
qui devait accueillir le fringant paquebot Normandie. La précontrainte a été très vite appliquée à tous les types de struc-
tures (ponts, réservoirs, silos, bâtiments industriels) et surtout, au
travers de la jeune STUP (Société technique pour l’utilisation de la
6.3 Nouvel Art de construire en béton précontrainte) créée en 1943 par Campenon-Bernard, elle a conquis
le monde. Dès 1955 la STUP était déjà à la tête d’un réseau d’une
grâce à la précontrainte (1934-1962) cinquantaine d’agents dans presque tous les pays du monde,
pendant que son bureau de la rue Baugeon puis de la rue Spontini,
Construite en 1933, la gare maritime du Havre (bâtiment de était sans doute une des plus belles pépinières d’ingénieurs de génie
600 × 45 m) s’enfonçait inexorablement à la vitesse de 25 mm par civil, de toutes origines, qui ait jamais existé.
mois. L’ensemble des spécialistes s’étant déclaré impuissant devant Ainsi, soixante années après le sauvetage de la gare maritime du
un phénomène qui risquait de tourner en catastrophe, financière et Havre, le béton précontraint a conquis le monde de la construction,
politique. Freyssinet proposa une solution qui, si audacieuse et à quel que soit le type de structure de notre environnement moderne,
contre-courant fut-elle, étant la seule, fut adoptée. du pavillon de banlieue (plancher), aux grands bâtiments (arche de
Freyssinet y déploya toutes les connaissances que ses expériences la Défense) en passant par les stades, les halls d’usines ou de super-
heureuses et malheureuses des trente années précédentes lui marchés, les réservoirs, les enceintes de confinement de centrales
avaient permis d’accumuler (précontrainte, vibration, traitement nucléaires (figure 40), les plates-formes pétrolières (figure 41) et
thermique à la vapeur), pour foncer des pieux sous le bâtiment au bien sûr les ponts (figure 42). A-t-on pour autant complètement
moyen de vérins prenant appui sur la structure. La précontrainte fut retenu le message de Freyssinet ? Ce n’est pas toujours sûr !
appliquée sous deux formes :
En effet ce que Freyssinet a toujours préconisé, et mis en
■ précontrainte horizontale assemblant les anciens massifs de pratique, c’est de définir l’objet à construire en fonction des
fondations avec de nouvelles longrines bétonnées entre eux, pour méthodes et des moyens les plus adéquats pour le réaliser et non
former des éléments horizontaux monolithiques rigides englobants de décider a priori d’une forme de structure, d’en dimensionner
les têtes des nouveaux pieux foncés par éléments tubulaires. La force ensuite les sections résistantes et de définir en dernier lieu le mode
de précontrainte pouvait atteindre 1 000 t (10 MN) ! de construction. Cette dernière façon de procéder a cependant ten-
dance à se généraliser étant donné le double carcan qui régit main-
■ précontrainte verticale des pieux tubulaires après bétonnage du tenant le métier d’ingénieur avec :
vide intérieur, afin de les rendre monolithiques. — la surabondance de la réglementation, qui tient plus du contrat
Dix mois après qu’on lui ait confié le problème, les tassements d’assurance que d’une ligne de conduite permettant de ne pas
cessaient – le bâtiment était descendu de 46 cm depuis le début de s’écarter des règles de l’art et qui finit par se substituer aux lois de
l’observation – et la gare était sauvée. De nouveau la gloire était au la physique ;
rendez-vous, le retentissement fut énorme et la précontrainte fut — la toute puissance des logiciels de calcul, qui a tendance à
reconnue car Freyssinet avait « brisé le cercle infernal où se trouvent supprimer la réflexion de l’ingénieur et lui fait perdre la notion des
enfermés les novateurs, surtout en matière de grands travaux où ordres de grandeur. Au contraire, cet assistant fidèle devrait dégager
toute novation met en jeu de lourdes responsabilités, chaque maître l’ingénieur des calculs fastidieux, pour qu’il mobilise son jugement
d’œuvre demandant des références et l’exemple d’un ouvrage et son imagination qui restent les fondements de l’art de construire.
antérieur ».
Cette gloire aurait pu être fugace, si un troisième homme n’avait
rencontré Freyssinet sur le chantier du Havre – Édmé Campenon –
et lui avait offert l’environnement technique et financier lui
permettant de poursuivre le développement de ses idées sur la
construction en béton. La collaboration fut fructueuse, à peine inter-
rompue par la Seconde Guerre mondiale.
Le développement de la précontrainte a alors été fulgurant en
France, en particulier dans les ouvrages d’art, car il a accompagné
le grand boum de la reconstruction ; il commença dans les années
1945-1950 avec les ponts sur la Marne dans lesquels Freyssinet a
mis toutes les méthodes constructives qui ont par la suite été copiées
(parfois mal) et développées pendant les 50 années qui ont suivi.
Tous ces ponts parfaitement conservés méritent aussi le détour.

Figure 39 – Poteaux en béton précontraint Figure 40 – Enceinte nucléaire, câblage du dôme (Daya Bay, Chine)

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Figure 42 – Pont de Normandie

Enfin le dernier message important à retenir c’est le besoin de


souplesse intellectuelle, de largesse d’esprit et de culture technique
qui permettent à l’ingénieur de sélectionner et d’associer les maté-
Figure 41 – Plate-forme d’Hibernia en flottaison (Terre-Neuve) riaux pour optimiser les coûts en utilisant au mieux leurs caracté-
ristiques physiques répondant à la fonction à remplir. Freyssinet l’a
merveilleusement appliqué, pour la construction de ses cintres ou
Un tel environnement au cours de la carrière de Freyssinet nous pylônes d’étaiement ou de manutention, par l’association
aurait probablement privé de la plupart des avancées technologiques bois-béton. Très tôt dans les années 50, ces messages furent
qu’il a menées à bien, lui qui a toujours eu le courage intellectuel entendus par les ingénieurs contemporains de Freyssinet en France
et parfois physique de passer outre aux règles stérilisantes. et ailleurs.
Un autre message, qui découle de l’idée même de précontrainte,
c’est qu’elle est un outil qui permet à l’ingénieur d’imposer sa volonté
créatrice à la structure qu’il doit concevoir et construire. Pour les
mêmes raisons que ci-dessus cette volonté peut avoir beaucoup de
mal à se manifester.

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