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Calcul de fiabilité structurale par la

méthode de Monte Carlo

Par BABAKA LELO Kevin

Ingénieur d’études DED/ACGT

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1. Introduction

1.1. Contexte et problématique


L’évaluation de la sécurité structurale des ouvrages représente l’une des préoccupations
majeures dans le management des grands projets d’infrastructures. Il s’agit d’une opération
technique qui permet de s’assurer de la bonne tenue des ouvrages, tout au long de leur
durée de vie, pour garantir la rentabilité économique et financière du projet.
Les méthodes d’évaluation des ouvrages dans le temps reposent sur la théorie de la fiabilité
qui consiste à déterminer la probabilité de défaillance de la structure par la résolution
d’une intégrale complexe multivariable.
Les méthodes FORM et SORM constituent les approches de calcul approché les plus
utilisées pour déterminer la valeur de l’intégrale de défaillance. Ces méthodes fiabilistes
permettent d’estimer la probabilité de défaillance des structures avec une rapidité
remarquable et avec une précision suffisante. Cependant, la mise en œuvre de ces
méthodes de calcul nécessite que la fonction de performance g(X) qui fait l’objet de calcul
remplisse certaines exigences qui sont notamment la régularité et la differentiabilité
d’ordre 2 au moins. Sinon, les résultats de calcul seraient entachés de beaucoup d’erreurs.
Dans ce cas d’espèce, il est recommandé de faire recours à d’autres méthodes de calcul qui
se révèlent plus efficaces et qui sont basées sur un échantillonnage aléatoire répété dont la
plus connue est la méthode Monte Carlo. Cette dernière présente le double avantage
d’être simple d’utilisation et de pouvoir être appliquée à un très large éventail de
problèmes. Elle est utilisée notamment en finance, pour déterminer quand lever une
option sur un bien financier et dans le domaine de l’assurance, pour évaluer le montant
d’une prime ou de façon générale pour déterminer la fiabilité d’un système, sa
disponibilité ou son temps moyen d’atteinte de la défaillance.
Dans ce travail, il s’agira de présenter les étapes de réalisation d’un calcul fiabiliste sur base
de la simulation de Monte Carlo et de montrer à l’aide d’un exemple comment exécuter
cette méthode avec le logiciel Excel pour évaluer la sécurité structurale d’un ouvrage.
1.2. Objectifs et intérêt du sujet
Le principal objectif poursuivi dans ce travail est d’expliciter les algorithmes de calcul
utilisés pour la mise en œuvre de la méthode de Monte Carlo et d’élucider un cas
d’application de cette méthode de calcul dans l’évaluation de la sécurité structurale d’un
ouvrage.
La méthode de Monte Carlo représente l’outil de référence pour l’évaluation quantitative
des risques identifiés dans le cadre de développement des projets de manière à réaliser un
management efficace desdits projets pour en assurer la réussite.

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A cet égard, la méthode MC représente une véritable aubaine pour l’Agence Congolaise
des Grands Travaux dans la mesure où elle permettra de renforcer la culture d’analyse des
risques qui est déjà d’application dans son environnement professionnel et d’aiguiser
l’expertise de l’ACGT dans le développement des projets d’infrastructures
financièrement et économiquement rentables.
2. Principe de la méthode de Monte Carlo
2.1. Généralités

La méthode Monte-Carlo, désigne une famille de méthodes algorithmiques visant à


calculer une valeur numérique approchée en utilisant des procédés aléatoires, c’est-à-dire
des techniques probabilistes. Le nom de ces méthodes, qui fait allusion aux jeux de
hasard pratiqués au casino de Monte-Carlo, a été inventé en 1947 par Nicholas Metropolis,
professeur Docteur en physique à l’Université de Chicago et publié pour la première fois
en 1949 dans un article coécrit avec Stanislaw Ulam.
Les scientifiques ont utilisé cette méthode dans la fabrication de la bombe atomique dans
les années 40 pour calculer la probabilité qu’un atome d’uranium en fission provoque une
réaction de fission sur un autre.
La simulation de Monte-Carlo est basée sur un échantillonnage aléatoire répété pour
simuler les données d’un modèle mathématique donné et évaluer les résultats. Les
méthodes de Monte-Carlo sont particulièrement utilisées pour calculer des intégrales en
dimensions plus grandes que 1 (en particulier, pour calculer des surfaces et des volumes).

L’application de la méthode Monte Carlo peut s’étendre sur plusieurs domaines de la


science pour permettre de :

• simuler la plage de résultats possibles afin de faciliter une prise de décision ;


• prévoir des résultats financiers ou évaluer les délais d’un projet ;
• comprendre la variabilité d’un procédé ou d’un système ;
• détecter les problèmes d’un procédé ou d’un système ;
• gérer les risques en comprenant le rapport coûts/bénéfices

Un avantage fondamental des méthodes d’échantillonnage est leur utilisation directe sur les
données expérimentales pour obtenir des solutions mathématiques ou des informations
probabilistes concernant des problèmes dont les équations du système ne peuvent pas être
résolues facilement par des procédures connues.
La méthode de Monte Carlo consiste en la génération numérique de variables et fonctions
aléatoires, l’analyse statistique des résultats des essais et des techniques de réduction des
variables.
La procédure de calcul par la méthode de MCS est assez simple. Elle se présente comme
suit :

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(1) Sélectionner un type de distribution pour la variable aléatoire
(2) Générer un ensemble d’échantillonnage à partir de la distribution
(3) Effectuer des simulations à l’aide de l’ensemble d’échantillonnage généré

Figure 2.1 : Exemple de la méthode ‘toucher ou manquer’

L’exemple présenté dans la figure 2.1 montre clairement l’idée de base et les aspects
critiques de la méthode de Monte Carlo. Un échantillonnage aléatoire simple est un outil
possible pour mesurer la zone S choisie arbitrairement à partir du plan carré unitaire.

La superficie peut être approximativement calculée par le rapport de m/n où n est le


nombre de points d’échantillonnage et m est le nombre de points qui se trouvent à
l’intérieur de la zone S. La zone exacte calculée géométriquement vaut 0,47. La zone
obtenue, déterminée en utilisant 50 échantillons aléatoires basés sur une distribution
uniforme, donne la valeur de 0,42 ; ce qui signifie que 21 points apparaissent à l’intérieur

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de la zone S. Il est évident que le type de distribution et la forme de la frontière limite sont
des éléments déterminants dans la procédure d’échantillonnage.

Lorsque le schéma d’échantillonnage vise le centre de la zone unitaire, un résultat erroné


peut être obtenu, comme le montre la figure 2.1b. Dans ce cas, 47 points apparaissent à
l’intérieur et le rapport 47/50 donne la valeur surestimée de 0,94. Un autre facteur
important dans la précision de la méthode d’échantillonnage est le nombre de points
d’échantillonnage. Lorsque le nombre de points d’échantillonnage est porté à 500 points
uniformément répartis, le résultat précis de 0,476 est obtenu (figure 2.1d).

2.2. Génération automatique des variables aléatoires

L’une des étapes clés dans la simulation Monte Carlo est la génération d’une série de
valeurs d’une ou de plusieurs variables aléatoires suivant une densité de probabilités
connue. La méthode de génération la plus généralement connue est la méthode de
transformation inverse.
Considérons que  ( ) est la fonction de répartition de la variable  . Par définition, la
valeur de  ( ) est comprise dans lintervalle 0,1 ; en supposant que  est un nombre
aléatoire généré suivant une distribution uniforme, la méthode de transformation inverse
conduit à établir que les relations suivantes :

Figure 2.2 : Illustration de la méthode de transformation inverse pour la fonction de


distribution exponentielle

Il est possible de générer des nombres aléatoires uniformément distribués via des roulettes
automatisées ou les propriétés de bruit des circuits électroniques. Ces générateurs ont
tendance à être lents et non reproductibles, de sorte qu’une «expérience» ne peut jamais
être vérifiée.

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L’approche pratique la plus courante consiste à utiliser un «pseudo» générateur de
nombres aléatoires (PRNG) qui est disponible sur pratiquement tous les systèmes
informatiques. Ils sont appelés «pseudo» car ils utilisent une formule pour générer une
séquence de nombres. Bien que cette séquence soit reproductible et se répète après
(normalement) un long intervalle de cycle, pour la plupart des applications pratiques, elle
ne peut être distinguée d’une séquence de nombres aléatoires strictement vrais.

Dans le logiciel MatLab, il existe plusieurs simulateurs de nombres aléatoires notamment :


rand, randn, lognrnd, gamrnd. D’autres fonctions de création de suites aléatoires sont
aussi disponibles dans Excel. On cite les commandes ALEA et ALEA.ENTRE.BORNES.

2.3. Calcul de la probabilité de défaillance


2.3.1. Introduction

Comme cela est dit plus haut, les techniques de simulation de Monte Carlo impliquent un
tirage au hasard pour simuler artificiellement un grand nombre d’expériences et observer
le résultat. Dans le cas d’une analyse de fiabilité structurale, cela revient simplement à
échantillonner chaque variable aléatoire Xi de manière aléatoire pour donner une valeur
d’échantillon  . La fonction d’état limite G(x)=0 est ensuite vérifiée à l’aide de
l’échantillon de valeurs  .
Si la fonction d’état limite est violée (c’est-à-dire G ( ) ≤ 0), la structure a cédé.
L’expérience est répétée plusieurs fois, à chaque fois avec un vecteur choisi au hasard  à
partir de valeurs  . Si N essais sont effectués, la probabilité de défaillance est donnée
approximativement par :

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Où n (G ( ) ≤ 0) est le nombre d’essais n pour lesquels (G ( ) ≤ 0). De toute évidence,
le nombre N d’essais requis est lié à la précision souhaitée pour la probabilité Pf.

2.3.2. Calcul de l’intégrale de défaillance

L’approche de calcul présentée au point précédent représente la forme la plus simple pour
la mise en œuvre de la méthode Monte Carlo. Elle peut être perçue comme l’approche la
plus connue et la plus utilisée dans le monde. Cependant, elle ne se révèle pas efficace
particulièrement pour des systèmes complexes.
Tel que cela est montré plus haut, la rupture de la structure se produit quand G (X) ≤ 0 et
ainsi, la probabilité de défaillance est calculée comme suit :

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Elle peut être exprimée autrement sous cette forme :

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Où  est une fonction indicateur qui vaut 1 si G (X) ≤ 0 est vraie et 0, dans le cas
contraire. Il peut facilement être compris que l’espérance de cette variable aléatoire 
correspond à la probabilité de défaillance recherchée de G(X).
Ainsi, il est possible d’écrire :

Et sa variance se présente comme suit :

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Pour évaluer la probabilité Pf par la méthode Monte Carlo, un échantillon de valeurs des
variables aléatoires xi doit être généré sur base de la fonction de répartition  ( ). Cet
échantillonnage des variables peut obtenu au départ de la génération automatique d’une
suite de nombres aléatoires uniformément distribués ui (0≤  ≤ 1), et en s’appuyant sur la
méthode de transformation inverse pour remonter à la variable aléatoire xi.

Ainsi les nombres aléatoires u1, u2, u3,…. Un sont obtenus à partir de la densité de
probabilité  ( ) et la probabilité Pf est déterminé par :

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Où  représente l’estimateur de Monte Carlo de  et  est la quantité de nombres


aléatoires.

La variance de la moyenne empirique et celle de l’échantillonnage sont respectivement


données par :
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Et
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3. Cas d’application avec le logiciel Excel

Dans ce registre, il s’agira d’étudier la fiabilité structurale d’une poutre simplement


appuyée soumise à l’action d’une charge ponctuelle verticale P appliquée à mi- portée. La
longueur de la poutre est L et le module de flexion de la poutre en n’importe quel point
est WT.

W représente le module plastique de la section et la limite élastique du matériau


constitutif. Toutes les quatre variables sont supposées obéir à la loi de distribution
gaussienne. Les valeurs des moyennes et des écarts types respectifs sont données sur la liste
suivante :

Variables Moyenne Ecart-type


P (kN) 10 2
L (m) 8 0,1
W ($% ) 100 & 10'( 2 & 10')
T (kN/$*  600 & 10'+ 1 & 10)

La fonction d’état limite de flexion s’écrit :

Nous allons à ce stade appliquer la méthode de Monte Carlo en utilisant le logiciel Excel.
Pour ce faire, il sied de signaler que le logiciel Excel comprend la plupart des fonctions de
distributions des probabilités que nous rencontrons dans les problèmes d’ingénierie. Ce qui
rend Excel plus intéressant pour le calcul suivant Monte Carlo est qu’il contient non
seulement les fonctions de distributions des probabilités mais aussi les fonctions de
répartition inverses correspondantes.

On peut citer à titre d’exemple :

LOI.GAMMA.INVERSE.N, LOI.NORMALE.INVERSE.N,
LOI.LOGNORMALE.INVERSE.N, LOI.STUDENT.INVERSE.N, etc.

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Par ailleurs, pour la génération des suites aléatoires, Excel dispose d’une fonction
suffisamment puissante désignée ‘’ ALEA’’ qui permet de produire une série de nombres
aléatoires compris entre 0 et 1.
Par la suite, la série des valeurs de g sont obtenues en passant par les valeurs aléatoires de
chacune de quatre variables P, L, W, T générés automatiquement en utilisant la syntaxe
suivante :
LOI.NORMALE.INVERSE.N(ALEA();espérance ;écart-type)

Et grâce à la commande ‘’Analyse des scénarios ‘’ accessible dans l’onglet ‘’ Données’’,


nous avons pu élaborer deux séries de valeurs de la fonction d’état limite g respectivement
pour 1000 échantillons et 10 000 échantillons. La synthèse des résultats obtenus se
présentent comme suit :

For 1000 Trials For 1000 Trials For 10000 trials


Mean g 39,816 40,073
Std g 16,254 16,313
Max g 111,038 116,272
Min g -3,296 -12,879
Prob 0,004 0,0260
, 2,4496 2,4565

Nous constatons à l’issue de l’analyse de ces résultats, la valeur du coefficient de fiabilité


tourne autour de 2,45.
Nous pouvons donc retenir la valeur de :

, = *, ./
.

Les détails du calcul réalisé dans Excel sont montrés dans la figure affichée sur la page
suivante.
Par ailleurs, la valeur exacte de l’indice de fiabilité déterminé par la méthode analytique
exacte vaut :
,∗ = *, .12/1

La précision du résultat trouvé est de 0,0047.

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4. Conclusion

La méthode Monte Carlo est une approche de calcul approché basée sur la technique
d’échantillonnage aléatoire sur un ensemble de variables qui interviennent dans la
définition de la fonction étudiée. Il présente l’avantage de permettre la détermination des
intégrales de défaillance des systèmes quelle que soit la complexité de la fonction d’état
limite qui caractérise ce système. Ce qui fait de la méthode de Monte Carlo l’un des outils
puissants pour l’analyse de la fiabilité structurale des ouvrages de génie civil.
Il s’agit d’une méthode de calcul bulldozzer à laquelle il est fait recours lorsque les
approches de calcul analytique classique ne peuvent être appliquées.
La génération d’une série de valeurs des variables aléatoires suivant une densité de
probabilités connue constitue la composante la plus importante dans la procédure de mise
en œuvre de la simulation Monte Carlo.
La méthode de génération la plus généralement connue est la méthode de transformation
inverse. Ce type d’opération requiert l’utilisation des ordinateurs puissants et d’outils
logiciels performants qui contiennent une gamme des densités de probabilités
suffisamment riche et des fonctions de génération automatique des variables aléatoires
suivant ces lois de probabilités prédéfinies.
Les logiciels MatLab et Excel figurent parmi les outils logiciels qui donnent la possibilité de
réaliser une simulation Monte Carlo. Au point 3 de la présente, nous avons développé un
cas pratique sur l’application de la méthode de Monte Carlo avec le logiciel Excel. Nous
avons pu générer jusqu’à 10 000 scénarios et la précision du résultat trouvé est largement
satisfaisante.
La méthode Monte Carlo est une approche extrêmement efficace pour l’analyse fiabiliste
des systèmes et comporte un domaine d’application très grand qui couvre l’ensemble des
sciences appliquées dont l’ingénierie des structures, l’ingénierie des projets et l’ingénierie
financière qui constituent toutes des filières d’activités prisées par l’Agence Congolaise des
Grands Travaux.
Enfin, ce travail représente un support intéressant pour l’ensemble du personnel de
l’ACGT tant les ingénieurs, les architectes que les administratifs en ce qu’il fournit des
connaissances de base et des notions pratiques pour lancer les premiers pas dans la mise en
œuvre de la simulation de Monte Carlo dans le cadre de l’analyse de performance de
systèmes.

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Références bibliographiques

1. Robert E.Melchers, André T.Beck, Structural Reliability Analysis and Prediction, 3ème
edition, John Wiley & sons Ltd, 2018
2. Michel Roger, Méthodes de Monte Carlo, Service de Physique de l'Etat Condensé CEA
Saclay, octobre 2010
3. SETRA. Théorie de la fiabilité-Application à l’évaluation structurale des ouvrages d’art.
Sujet (41-03-02).2012
4. Kevin BABAKA. Analyse de la performance structurale: Méthodes FORM et SORM.
Présentation-Jeudi Technique-ACGT. Février 2019.

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