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NOTES TECHNIQUES

Le recours à toute la panoplie


Alcali-réaction d'essais ne constitue nullement Note
un rempart plus solide contre
Importance de la connaissance pétrographique
l'apparition de désordres. Tout
dans la démarche préventive
au plus, court-on le risque de technique
prendre une mauvaise décision.
De même, i l faut être attentif à ne
pas surdimensionner la démarche
André LE ROUX pétrographique. Elle devra être
Directeur de recherche
Chef de la section Géologie et matériaux naturels
adaptée au matériau qui doit être
Division Mécanique des sols et géologie de l'ingénieur mis en œuvre et à la connais-
Laboratoire central des Ponts et Chaussées sance que l'on peut avoir (ou que
Abdellah OUALI l'on est en droit d'exiger) des
Laboratoire de Géologie des bassins sédimentaires autres constituants.
Université Pierre et Marie Curie

Jeanne-Sylvine GUÉDON-DUBIED
Ingénieur des Travaux publics de l'État Rappel sommaire
Section Géologie et matériaux naturels
de la démarche préventive
Division Mécanique des sols et Géologie de l'ingénieur
Laboratoire central des Ponts et Chaussées

Choix du niveau
de prévention
Ce choix met en œuvre une
démarche basée sur des critères
L'alcali-réaction n'est qu'une exigence n'est explicitement objectifs comme l'environnement
des causes possibles de dégrada- demandée que lorsque l'on uti- dans lequel se situera l'ouvrage,
tion des bétons et encore, n'est- lise des granulats non réactifs. sa caractérisation, sa localisation,
elle pas la plus souvent rencon- son importance stratégique et éco-
trée. Elle trouve son origine dans L a caractérisation des granulats nomique, sa dimension, sa desti-
l'existence d'un déséquilibre doit être conforme à la démarche nation, les contraintes qui seraient
entre certains minéraux et les recommandée par le fascicule de générées par des interventions de
solutions interstitielles qui les documentation A F N O R P 18-542. maintenance... Ceci étant, la déci-
entourent. Pour s'en prémunir, le Si, par méconnaissance, légèreté sion d'appartenance à une caté-
comité français alcali-réaction* a ou souci d'économie la méthodo- gorie donnée est de la responsabi-
proposé une démarche préven- logie telle qu'elle est proposée lité du maître d'ouvrage.
tive. Cette démarche, fondée devait être tronquée, i l n'y aurait
essentiellement sur des critères plus aucune garantie quant à la A partir de cette décision, le
techniques, ne néglige pas pour prévention des risques. C'est document propose un niveau de
autant les aspects économiques ainsi qu'il faut être très attentif prévention, parmi trois niveaux
et psychologiques. C'est ainsi aux fausses solutions comme, par possibles A , B ou C.
que, pour un ouvrage donné, la exemple, la déclaration de non A chaque niveau correspond un
solution retenue dépendra, entre réactivité d'une fourniture sur la type de précautions. Cet ensem-
autres, du niveau de risque que base d'un essai dont le choix ne ble constitue la démarche préven-
l'on est prêt à accepter, de l'envi- serait pas issu d'une connaissance tive, dont le déroulement détaillé
ronnement de l'ouvrage et de pétrographique conforme à la dé- est présenté dans le document
l'importance qu'on lui accorde. marche recommandée ou encore Recommandations pour la pré-
serait réalisé sur un échantillon- vention des désordres dus à l'al-
Sur le plan technique, la connais- nage non représentatif. cali-réaction.
sance des composants du béton
et en particulier des granulats,
qui représentent 80 % du maté-
riau, est exigée pour les ouvrages TABLEAU I
de catégorie C (tableau I). Pour Choix du niveau de prévention en fonction de la catégorie d'ouvrage
ceux classés en catégorie B , cette et de son exposition (extrait du document recommandations...)

~ ~ ^ C I a s s e d'environnement 1 2 3 4
sec ou humide humide milieu
peu et eau avec gel marin
humide et fon-
* Lettre du Directeur des Routes Catégorie d'ouvrage —«^^^ dant
du ministère de l'Équipement et du
logement portant création du 1. Risque faible - acceptable A A A A
comité de suivi et d'évaluation des
recherches relatives à la dégrada- II. Risque peu tolérable A B B B
tion interne des bétons en date du 2 III. Risque inacceptable C C C C
août 1989.

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. NT 4128 - PP. 133-139 133
Précautions associées — gérer au mieux les ressources L a démarche pétrographique doit
naturelles, être c o n s i d é r é e comme un préa-
Niveau A — construire durablement au lable à la caractérisation des gra-
meilleur coût, nulats vis-à-vis de l'alcali- réac-
Aucune précaution particulière tion. Elle n'est strictement indis-
ne s'impose vis-à-vis de l'alcali- implique une connaissance mini-
pensable que lorsque l'ouvrage
réaction. Les seules exigences male des constituants envisagés,
reçoit un classement en niveau
sont les règles habituelles de entre autres des granulats,
de prévention C, mais, lorsque le
construction. c'est-à-dire de leur pétrographie
niveau de prévention recherché
et de l'homogénéité du gisement,
est B , vouloir s'en affranchir
associée à une qualification de
Niveau B pour gagner du temps ou
leur réactivité au moyen d'un
dépenser moins est à notre avis
Dans ce cas, qui intéresse la essai normalisé adapté.
une erreur qui peut être lourde de
majorité des ouvrages de génie
conséquences (fig. 1).
civil, six solutions sont théorique-
ment possibles. Globalement, ces • Si les matériaux sont N R , ils
Apport de la pétrographie peuvent être utilisés sans restric-
solutions autorisent l'emploi de
tous types de granuláis, i l suffit Les résultats de la pétrographie tion quel que soit le bilan des alca-
qu'une de ces solutions soit mise vont être utilisés comme élé- lins ou le type d'ouvrage. Il n'est
en œuvre pour se mettre à l'abri ments de diagnostic de la qualifi- pas nécessaire dans ce cas d'aller
du risque. De ce fait, elles sont cation des matériaux. U n calcaire au-delà de cette information.
adaptées à l'utilisation des granu- franc pourra être reconnu dès ce • Si les matériaux sont classés en
láis potentiellement réactifs. stade comme non réactif. PRP, leur utilisation dans les
L a pétrographie va également ouvrages de catégorie C, pour se
Niveau C mettre à l'abri du risque,
servir de guide au choix de
Dans ce cas, le béton demande demande que soient mises en
l'essai de diagnostic le mieux
pour sa confection que soient uti- œuvre les deux conditions pré-
adapté. Elle va servir enfin de
lisés des granulats non réactifs vues au chapitre 9 du docu-
base à la détermination des alca-
(NR) ou encore, à défaut, des ment Recommandations pour la
lins actifs des granulats en appor-
granulats caractérisés comme prévention des désordres dus à
tant des informations qui
potentiellement réactifs à effet de l'alcali-réaction, ou qu'une étude
devraient éviter de mettre en
pessimum (PRP). expérimentale mette en évidence
œuvre des essais inutiles. Par
le seuil en alcalins à partir duquel,
exemple, une fourniture consti-
Le document Recommandations l'alcali-réaction se montre active.
tuée pour l'essentiel de silex et
pour la prévention des désordres Dans les autres cas, pour les
de quartz, comme les matériaux ouvrages de catégorie B , le bilan
dus à l'alcali-réaction, autorise,
lorsqu'il n'y a pas d'autre possi- de la Basse-Seine par exemple, des alcalins peut apparaître
bilité, l'emploi de matériaux n'a aucune raison de libérer des comme la solution la plus simple.
reconnus potentiellement réactifs alcalins puisqu'ils ne contiennent
(PR) pour cette catégorie d'ou- qu'une faible quantité voire • S i les matériaux sont classés
vrages à la condition qu'il soit aucune espèce minérale incluant PR, leur utilisation est possible
procédé à une étude approfondie des alcalins dans leur réseau. O n pour les ouvrages de niveau de
de la formulation envisagée sur peut éviter ainsi de recourir à prévention B mais le bilan des
des bases expérimentales défi- l'essai L P C 37 toujours contrai- alcalins est déterminant, sauf à
nies contractuellement. gnant, parfois délicat dans sa réa- mettre en évidence la satisfaction
lisation. au test de performance, mais i l
Une méthode possible, en cours convient de connaître à la fois la
de vérification, consiste à mettre De même, si le matériau envi- pétrographie et les alcalins actifs.
en évidence, à partir d'une expé- sagé est un calcaire siliceux Dans le cas d'ouvrages de type
rimentation sur éprouvettes de reconnu potentiellement réactif, C , l'étude expérimentale destinée
béton, le seuil en alcalins à partir la seule source d'alcalins sera à à mettre en évidence la teneur
duquel les désordres appa- rechercher dans les quelques seuil en alcalins doit être aussi
raîtront. Cette méthode suppose minéraux argileux associés. complète que possible.
une caractérisation des granulats,
une connaissance des alcalins L'apport d'alcalins au béton sera L a nature pétrographique consti-
actifs, mais aussi du temps donc réduit à quelques dizaines tue, en l'absence de toute
puisque les essais, suivant la de grammes par tonne de granu- mesure, une indication précieuse
norme P 18-587 modifiée, dure- lats. Aussi, sauf à réaliser le de la teneur en alcalins totaux et
ront un an. béton avec un ciment dont la par conséquent une estimation
teneur en alcalins et le dosage des alcalins actifs des granulats.
L a démarche préventive, dont la sont tels que le seuil admissible C'est ainsi que :
philosophie peut se résumer en est déjà presque atteint, i l ne sera • les silex, qui constituent lors-
trois points : pas toujours nécessaire de qu'ils sont abondants la catégorie
— responsabiliser les acteurs de demander le dosage des alcalins PRP, ne libèrent jamais plus de
la construction, libérables. 20 g/t d'alcalins actifs ;

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oriente aussi vers l'essai de carac-
térisation le mieux adapté.
Le fascicule de documentation
de l ' A F N O R P18-542 donne
pour chaque essai de qualifica-
tion un domaine de validité. Ce
domaine dépend de la nature
Espèces ^MHHMjl pétrographique des granulats.
leactives /— NonJ-
identifie^s /
m.
m. Bilan des alcalins
m
l OJUI[
ui Teneur faible Teneur élevée Dans la pratique, le bilan des alca-
< 50 g /1 > 200 g / 1 lins nécessite la connaissance des
de granuláis de granulats alcalins du ciment. En fonction
I. des types de ciment, ils seront pris
Réaliser l'un des essais
en compte différemment.
P 18-588, 589, 590
ou un essai à long terme Il convient d'y ajouter les alca-
P 18-585, P 18-587 lins actifs ou libérables prove-
dans leur domaine de validité
nant des granulats, les alcalins
apportés par les adjuvants et
enfin ceux provenant de l'eau ; la
part déterminante revenant aux
alcalins issus du ciment.

Les alcalins actifs des granulats


varient d'un type de roches à
l'autre. A l'intérieur d'une même
catégorie de roches, les varia-
tions existent toujours mais ne
sont pas déterminantes. Le
tableau II donne un échantillon-
nage de roches sur lesquelles ont
été effectuées, d'une part, les
Fig. 1 - Étude pétrographique. Analyse chimique, microscopie, diffraction
analyses totales et d'autre part,
rayons X, Spectro IR. les dosages correspondant aux
alcalins extractibles.
• les quartzites ou certains cal- solutions, sur six offertes par le Des roches appartenant à des
caires siliceux, qui peuvent être schéma décisionnel, nécessitent à types pétrographiques différents,
PR ; n'ont qu'un impact réduit des degrés divers une connais- peuvent avoir des comporte-
sur le bilan des alcalins ; sance préalable de la pétrogra- ments différents vis-à-vis de
phie des granulats. l'alcali-réaction. Ces comporte-
• les roches silicatées, granités,
ments sont reliés à la présence de
gneiss, rhyolites, micaschistes et Ces solutions sont :
silice susceptible de passer en
basaltes par exemple libéreront — l'étudedelaréacti vité des granu- solution et/ou à la présence d'al-
toujours une quantité moyenne à lats : pétrographie indispensable, calins aptes à enrichir la solution
forte d'alcalins. - le bilan des alcalins : pétrogra- interstitielle, la rendant de ce fait
Dans ce cas, i l conviendra d'être phie souhaitable, plus agressive pour la silice.
prudent à la fois sur les autres — l'essai de performance : pétro-
graphie indispensable, Les analyses chimiques réalisées
constituants du béton et particu-
- le classement des granulats en sur un éventail de roches mon-
lièrement en cas de mélanges gra-
PRP : pétrographie indispensable. trent que l'on peut avoir suivant
nulaires N R / PR. Les mélanges
les types de roches, des diffé-
N R / P R P sont toujours à pros-
Pour chacune d'elles, la pétrogra- rences sensibles pour la silice et
crire. L a qualification pétrogra-
phie apportera une information les alcalins.
phique devient déterminante dans
décisive. Nous avons vu quelle est
la conception d'une formulation. Ces différences sont amplifiées
le seul moyen pour déclarer un gra-
nulat non réactif. Elle a pour mis- ou gommées au niveau des alca-
Lorsque le niveau de prévention
sion d'informer sur la réactivité lins libérables ou alcalins actifs.
adopté par le maître d'ouvrage
est celui réservé aux ouvrages probable (pour mieux comprendre Dans le tableau II, les résultats
courants de génie civil, à savoir comment procède le pétrographe, correspondant aux alcalins actifs
le niveau B , la démarche pétro- il conviendra de se reporter au ont été obtenus après extraction
graphique sensu stricto n'est plus document Pétrographie appli- selon le projet de méthode
impérative. Cependant, quatre quée à l'ai cali-réaction), elle d'essai L P C n° 37.

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TABLEAU II
Analyses chimiques de roches courantes utilisées comme granulats à béton

Types de roches
Eléments dosés
Calcaire Calcaire
Basalte Granite Rhyolite Gneiss Amphibolite Quartzite
siliceux franc

s¡o 2 51,90 71,79 69,67 75,16 46,53 22,89 0,29 96,50

Al 0 2 3 17,83 16,17 13,80 12,60 13,39 1,28 / 0,80

Fe 0 2 3 5,83 1,58 2,47 0,73 12,72 0,36 0,02 0,07

FeO 3,89 II 0,76 nd nd nd nd


MnO 0,12

MgO 4,33 0,37 0,73 0,34 8,95 0,80 1,06 0,00


CaO 7,41 0,71 2,59 0,53 6,74 40,32 53,65 0,15
Aie Tôt Equ (Étude 4,46 7,0 5,92 6,98 3,37 0,84 0,90
Ouali)

Ale Act Equ (Étude 0,47 0,038 0,041 0,058 0,03 0,014 0,008
Ouali)

Ale Act X 100 (Ouali) 10,5 0,54 0,69 0,83 0,89 1,6 0,8
Aie Tôt

K20 1,72 5,31 5,10 6,80 2,10 0,39 0,01 0,23

Ale Tot Equ (LPC) 4,54 6,52 5,50 7,02 3,67 0,42 0,036 0,35

Na 0
2
3,41 3,02 2,15 2,55 2,29 0,17 0,03 0,2

Ale Act Equ (LPC) 0,21 0,02 0,036 0,10 0,02 0,009 0,0014 0,0085

Ale Act X 100 (LPC) 4,8 0,30 0,64 1,42 0,5 2,1 3,8 1,8
Aie Tôt

Ti0 2 1,36 // 0,11 0,11 2,83 / / /

P O
2 5
0,29 // 0,11 0,18 0,63 / / /

H 0
2 2,06 0,88 3,47 0,78 2,86 nd 0,73 0,10

S0 3 *0,69 0,05

co 2 32,88 43,70 0,41

Total 99,03 99,83 99,78 100,80 99,11 99,78 99,54 98,46

* Cette valeur est à associer à la présence de pyrite

L'extraction est réalisée au moyen importante, seul le gneiss analysé construction d'ouvrages d'art ou
d'une solution saturée de chaux à est susceptible d'enrichir sensi- de recherches sur les causes de
ébullition pendant sept heures. blement la solution en alcalins. dégradations qui affectent des
Nous constatons que les alcalins L a rhyolite est, quant à elle, ouvrages déjà construits.
actifs représentent généralement presque totalement dévitrifiée ce
L a répartition des points repré-
de 0,5 à 5 % des alcalins totaux. qui explique la faible valeur des
sentatifs de chaque roche étudiée
Une expérimentation réalisée alcalins extractibles.
montre que les alcalins totaux
pendant une durée souvent supé-
Les granulats, dont la teneur en peuvent aller de quelques cen-
rieure à trois cents heures, au
alcalins totaux ne dépasse pas le taines de grammes par tonne de
moyen d'une solution de soude
pourcent, verront leur contribu- granulats (cas des silex) à près de
0,7 M dans laquelle sont dosés le
tion à l'enrichissement en alca- cent kilogrammes par tonne (cas
potassium et le silicium extraits
lins du mètre cube de béton de certains granités).
confirme les différences déjà
réduite. Le plus souvent elle ne
notées. Une attaque symétrique Dans notre hypothèse, nous
dépassera qu'exceptionnellement
est réalisée par une solution de avons considéré que l'aptitude
les 0,2 kg, ce qui est relativement
potasse 0,7 M dans laquelle sont d'une roche à libérer ses alcalins
faible comparé aux autres
dosés sodium et silicium. Ces pouvait être liée à la nature des
sources possibles.
expérimentations confirment l'in- minéraux présents, à leur état
térêt de l'attaque conventionnelle L a figure 2 montre la répartition d'altération et à leur accessibilité
L P C 37, mais montrent aussi que des divers types de roches qui ont aux solutions d'attaque. Les alca-
la quantité d'alcalins extraits fait l'objet d'une étude complète, lins actifs varient bien d'un type
dépend fortement du rapport que ce soit dans le cadre de tra- pétrographique à un autre, mais
solide / solution. Dans les maté- vaux de thèse ( A T I L H - L C P C - pour une même pétrographie, ils
riaux étudiés, si l'on excepte le U P M C ) ou de caractérisations peuvent aussi varier sensible-
basalte, qui a une phase vitreuse des granulats en vue de la ment. Ainsi, entre gneiss et gra-

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le basalte, mais riches en phase
vitreuse ont tendance à libérer une
forte quantité d'alcalins. Ces alca-
lins sont principalement contenus
dans la phase vitreuse et donc faci-
lement libérés par l'attaque alca-
line. Le basalte classé N R (Non
réactive) par les essais de caractéri-
sation du risque alcali-réaction, ne
réagira pas, mais si la formulation
mise en œuvre même globalement
classée NR, comprend un gravi lion
basaltique et un sable siliceux qui
serait classé PR ou limite PR, il est
très possible que la quantité d'alca-
lins de la formule devienne large-
3
ment supérieure aux 3 kg/m et que
la conséquence en soit une alcali-
réaction différée. Les désordres
n'apparaîtront alors que tardive-
ment, lorsque la solution intersti-
tielle sera devenue suffisamment
alcaline pour attaquer la silice des
quartz et que les produits de réac-
tion commenceront à perturber le
milieu.

Le tableau III donne pour des


ciments de type C P A en fonction
des dosages utilisés les quantités
Points expérimentaux 1 b : limite des apports en alcalins
ouvrages et matériaux divers considérés comme négligeables : 50 g /1
dues au seul ciment. A partir de
cette information, i l sera possible
• Etude ATILH - L C P C - U P M C 1 h : au-delà de cette limite (200 g /1) d'adapter la suite de l'étude dans
attaque 300 h minimum les apports en alcalins des granulats le cas du niveau de prévention B
ont un impact fort. (le plus courant).
• Même gisement mais
ME L P C 37 Il est possible de définir quatre
domaines en fonction des alcalins
Couple de points
apportés par le seul ciment ; cette
approche constitue une approxi-
mation, mais elle peut être suffi-
Fig. 2 - Aptitude des matériaux à libérer leurs alcalins. Les points de l'étude
ATILH-UPMC ont été obtenus après une attaque poursuivie au-delà de
sante dans de nombreux cas.
300 heures dans des conditions de dilution importante (Sol/Granulat = 4,2) ce >- Moins de 2 kg/m d'alcalins 3

qui explique la valeur élevée obtenue, en particulier avec le basalte.


(zone verte du tableau) : aucun
risque de voir le seuil limite fixé
par les recommandations atteint,
nite, les alcalins totaux sont assez possible est fournie par la pétro- sauf si l'adjuvant utilisé est riche
proches, la dimension des cris- graphie qui montre une altération en alcalins et fortement dosé. Il
taux aussi, les minéraux domi- différentielle des plagioclases semble donc possible de s'affran-
nants sont peu différents et pour- chir des essais de caractérisation
zones du gneiss. Les bandes sodi-
tant, avec la méthode d'essai des granulats tant d'un point de
ques peu ou pas altérées ont
L P C 37, les alcalins actifs varient vue pétrographique que du point
conservé intact leur sodium pou-
sensiblement d'une roche à l'au- de vue de la libération des alcalins
vant ainsi le libérer peut être plus
tre. Le granité étudié apparaît actifs par la méthode convention-
facilement dans la solution de
comme une roche qui peut être nelle. Cependant, ce raccourci,
chaux. On remarque aussi en étu- qui peut constituer une économie
utilisée dans le béton sans risque
diant le graphique, que les roches importante en moyens et en
de voir la quantité d'alcalins
qui contiennent peu ou très peu temps, doit être utilisé avec pré-
s'élever trop. Le gneiss par
d'alcalins totaux, même si elles cautions. Il ne s'appliquera pas
contre apporterait au béton une
les libèrent facilement ne pose- dans le cas des ouvrages excep-
quantité d'alcalins susceptible de
ront pas de problème et donc tionnels pour lesquels la connais-
faire basculer la formulation vers
le risque alcali-réaction. L'autre seront plus tolérantes dans le sance des granulats, comme d'ail-
méthode ne fait pas apparaître de choix du ciment. leurs de tous les constituants du
différences aussi nettes entre les On remarque que des roches à b é t o n , a p p a r a î t c o m m e un p r é a -
deux matériaux. Une explication teneur en alcalins moyenne comme lable normal ;

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>~ Entre 2 kg et 2,5 kg/m d'al- 3
nulats. L a pétrographie et/ou un si la valeur trouvée est telle que
calins (zone bleue du tableau) : le essai normalisé de caractérisation la limite fixée est atteinte ou
risque d'atteindre le seuil en du risque alcali-réaction sont presque. Dans ce cas il
alcalins des recommandations souhaitables ; conviendra d'apporter une atten-
existe mais il doit être considéré 3
tion particulière à la qualification
>- Entre 2,5 et 3,2 kg/m d'alca- des granulats. Éventuellement la
comme faible. Dans ce cas, la
lins (zone rose du tableau) conformité à une autre case du
démarche mise en œuvre devra
apportés par le seul ciment : la schéma 1 des recommandations
s'intéresser en priorité à la
prévention du risque passe obli- devra être recherchée (Essai de
connaissance des alcalins libéra-
gatoirement par une étude com- performance sur formule réelle
bles par les granulats, encore
plète des granulats. L a connais- de béton, par exemple) ;
appelés alcalins actifs. Si. sance des alcalins libérables
comme le cas est fréquent, la entre autre devient très impor- 3
>~ Au-delà de 3,2 kg/m d'alca-
valeur trouvée est telle que le tante car de cette valeur dépendra lins (zone rouge du tableau) : le
matériau se situe loin du seuil le choix des options retenues. souci de prévenir un risque ulté-
proposé par les recommanda- Encore loin du seuil limite fixé rieur de désordres impose non
tions, alors il ne sera pas obliga- par les Recommandations, ce qui seulement une étude complète
toire d'aller au-delà. Dans le cas sera le cas d'un granulat n'appor- des granulats, mais une réponse
contraire, lorsque les alcalins tant pas ou très peu d'alcalins, positive est presque obligatoire-
actifs sont libérés en quantité l'ingénieur pourra se montrer ment nécessaire quant à la non
notable et que, de ce fait, le seuil confiant, en particulier si les réactivité du matériau. Si la
limite est presque atteint, i l conditions de milieu ne sont pas réponse est ambiguë et qu'une
devient indispensable d'avoir trop agressives. A u contraire, i l solution est recherchée dans la
une bonne connaissance des gra- devra être extrêmement vigilant satisfaction du test de perfor-

TABLEAU III
Contribution des ciments à la teneur en alcalins d'un béton, calculée à partir de la teneur en alcalins
du ciment exprimée en Na 0 équivalent et du dosage en ciment du béton
2

Dosage
en ciment
Teneur en Na Q équivalent du ciment (%)
du béton 2

3
(kg/m )

0,30 0,40

180 0,54 3,72


190 0,57 076
200 0,60 0 80
210 0,63 0,84
220 0,66 0,88
230 0,6& 0,92
240 0,72 096
250 0,75 1,00
260 0,78 1,04
270 0,81 1,08
280 0,84 1,12
290 0,87 1,16
300 0,90 1,20
310 0,93 1,24
320 0,96 1,28
330 0,99 1,32
340 1,02 1,36
350 1,05 1,40
360 1,08- 1,44
370 1,11 1,48
380 1,14 1,52
390 1,1? 1,56
400 1,20 1,60
410 1,23 1,64
420 1,26 1,68
430 1,29 1,72
440 1,32 1,76
450 1,35 1,80
460 1,38 1,84
470 1,41 1,88
480 1,44 1.92
490 1,47 1,96
500 1,50 206.
510 1,§3 ¿•2v8w
520 1,56 ' • Sivf
530 1;59
540 1,62
550 1,65

138 BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. NT 4128 - PP. 133-139
manee (durée de trois ou cinq exemple la quantité d'alcalins program for the validation of the
mois), la connaissance de la libérables d'un type de roche à test methods in the french recom-
pétrographie est déterminante un autre. Cette étude a aussi mis mendations for the prévention of
dans l'interprétation de l'essai. en évidence l'aptitude de cer- AAR damage to concrete, 3e Con-
férence Internationale, C A N M E T /
L a mise en œuvre de l'essai de taines roches riches en phase
A C I , Nice.
performance implique une vitreuse à libérer progressive-
connaissance de la pétrographie ment leurs alcalins, contribuant A F N O R - Norme P 18-541 (1994),
dans la mesure où la durée de ainsi à déstabiliser le milieu. Granulats naturels pour bétons
l'essai est différente suivant que hydrauliques.
l'on teste des granulats dits à A F N O R - Norme P 18-542 ( 1994),
cinétique lente ou non, comme le Fascicule de documentation,
demande le fascicule de docu- Granulats naturels courants pour
mentation de l'AFNOR RÉFÉRENCES bétons hydrauliques.
P 18-542. Il se peut aussi qu'un BIBLIOGRAPHIQUES
A F N O R - Norme P 18-585 (1990),
essai de ce type soit pratiqué Stabilité dimensionnelle en milieu
LE ROUX A. (1991), Méthodes
pour suivre l'incidence des alca- alcalin - essai sur mortier.
pétrographiques d'étude de l'alca-
lins sur l'évolution du béton.
li-réaction, Bulletin de l'associa- A F N O R - Norme P 18-587 (1990),
Dans ce cas, la pétrographie
tion internationale de géologie de Granulats : Stabilité dimension-
apportera les informations indis- l'ingénieur, 4 4 , L C P C . nelle en milieu alcalin - essai sur
pensables au choix des paliers et béton.
à la compréhension des résultats. GODART B., LE ROUX A. (1995),
Alcali-réactions dans le béton : A F N O R - Norme P 18-588 ( 1991 ),
Enfin, pour décider si des maté- mécanismes, pathologie et préven- Granulats : Stabilité dimension-
tion, Techniques de l'ingénieur, nelle en milieu alcalin - essai sur
riaux sont P R P ou non, i l est
traité de construction, C 2 252, béton.
indispensable d'effectuer un
Paris.
comptage et une caractérisation A F N O R - Norme P 18-589 (1992),
pétrographique préalable à tout LE ROUX A., GODART B. (1996). Granulats : test cinétique : réacti-
essai de diagnostic. Evolution of AAR preventive mea-vité potentielle de type alcali-silice
sures adopted in France, Procee- et alcali-silicate.
dings of the 10th international
A F N O R - Norme P 18-590 (1994),
conference on A A R in Concrete,
Conclusions Granulats : stabilité dimension-
Melbourne.
nelle en milieu alcalin : essai accé-
L a connaissance des minéraux et LE ROUX A., GUÉDON-DUBIED J.-S. léré sur mortier par autoclavage.
la reconnaissance des espèces (1996), The french preventive
A S T M - Standard Test Method
réactives apparaît comme un pré- approach to AAR compared to
C 441 (1981) : Efficacité des addi-
alable incontournable à la quali- experience, Proceedings of the
tions minérales pour la prévention
fication des granulats. Pour 10th international conference on
de gonflement excessif des bétons
donner satisfaction, c'est-à-dire A A R in Concrete, Melbourne.
provoqués par Valcali-réaction.
réduire le risque lié à l'alcali- HORNAIN H. et al. (1996), Influence
L C P C - Projet de Méthode d'essai
réaction ou, mieux, le supprimer, of aggregates and mineral addi-
3 7 ( 1993 ), Essai de granulats -
la démarche préventive demande tives on the composition of pore
Détermination des alcalins solu-
une certaine rigueur : elle sup- solution. Proceedings of the 10th
bles dans l'eau de chaux.
pose que les essais et les détermi- international conference on A A R in
Concrete, Melbourne. L C P C - Projet de Méthode d'essai
nations ne soient pas faits au
4 4 (1997), Alcali-réaction du
hasard, mais qu'ils obéissent à la GOGUEL R. (1996), Selective disso-
béton Essai d'expansion résiduelle
logique qui a été celle du docu- lution techniques in AAR investiga-
sur béton durci.
ment Recommandations pour la tion : application to an exemple of
prévention des désordres dus à failed concrete, Proceedings of the L C P C (1994), Recommandations
l'alcali-réaction. 10th international conference on pour la prévention des désordres
A A R in Concrete, Melbourne. dus ci l'alcali-réaction.
Dans cette approche, la pétrogra- GUÉDON-DUBIED J.-S., LE ROUX A. L C P C (1994), Guide pour l'élabo-
phie occupe une place de choix, ( 1994), Influence of microcraking ration du Dossier Carrière.
non seulement pour les ouvrages on the onset and development of
SETRA (1996), Guide pour la
classés en catégorie C mais aussi the Alkali silica reaction, 3e Con-
rédaction des pièces écrites de
pour la presque totalité des solu- ference Internationale, C A N M E T /
DCE.
tions offertes pour les ouvrages ACI, Nice.
de catégorie B . Nous avons vu CORNEILLE A., BOLLOTTE B.
comment peut varier par ( 1994). Results of round robin test

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 211 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1997 - RÉF. NT 4128 - PP. 133-139 139

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