Philippe Meirieu « De l'impuissance et du pouvoir de l’éducateur » La pédagogie entre le dire et le faire (ESF, 1995)
- L'expérience pédagogique est, - Le projet d'éduquer
fondamentalement, expérience implique donc la reconnaissance de la résistance de l'autre au d'une impuissance radicale sur la projet que je développe sur lui : liberté de l'autre. l'autre ne désire jamais vraiment ce que je voudrais ; il ne souhaite - Mais cette impuissance pas nécessairement apprendre ce n'est pas fatalisme. Et le discours que j'ai programmé pour lui, ni pédagogique témoigne de ce se plier aux stratégies paradoxe à travers les d'apprentissage que je lui contradictions qu'il nous livre : propose. tout en exaltant "le respect de l'autre" et le caractère endogène - Cette résistance tient à ce de son développement, il que personne ne peut agir à la s'acharne à élaborer des outils en place d'un autre, décider un volontarisme obstiné. d'apprendre ou d'écrire pour lui, de rompre avec ses - En réalité, la représentations ou de remettre en reconnaissance de notre question son héritage culturel ; impuissance éducative nous personne ne peut décider de la permet seule de retrouver un liberté de l'autre. véritable pouvoir pédagogique : celui d'autoriser l'autre à prendre - L'éducateur qui sa propre place et, pour cela, à prétendrait faire c e l a se agir sur les dispositifs et les condamne au malheur, puisque, méthodes ; celui de lui proposer même s'il y parvenait, l'opacité des savoirs à s'approprier, des incontournable de la conscience connaissances à maîtriser et à d'autrui, lui interdirait de dévoyer, qui lui permettront l'attester. peut-être, et quand il le décidera, de "faire oeuvre de lui-même" - Pire encore, l'éducateur (Pestalozzi). qui parviendrait à cela, en toute conscience ou à son insu, aurait basculé de l'éducation dans le dressage, confondu la formation d'une personne et la fabrication d'un objet.