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- Jusque dans les années 1990, l’affirmation de la puissance des États passait principalement par la
force militaire et par le pouvoir économique. Mais le changement de contexte et l’intensification des
relations et des interdépendances du monde contemporain ont fait émerger de nouvelles formes de
puissance qui reposent davantage sur la capacité à convaincre et à influencer que sur la coercition.
Pour s’affirmer sur la scène internationale, les États cherchent désormais de nouveaux moyens
d’exprimer et d’exercer leur puissance, notamment à travers des formes indirectes, en mobilisant le
soft ou le smart power. Ces formes plus « douces » de la puissance passent entre autres par la
diffusion progressive de la langue et de la culture nationales par le contrôle de l’information et des
réseaux numériques ou encore par la maîtrise des voies de communication. L’approche géopolitique
invite à analyser les jeux d’acteurs et les luttes d’influence qu’implique ce renouvellement du concept
de puissance, entre concurrences, tensions et coopérations.
Par quelles stratégies les puissances étatiques cherchent-elles à
s’affirmer dans la mondialisation contemporaine ?
Faire réaliser un exposé à un ou deux élèves, en mobilisant par exemple l’implantation des
Instituts Confucius depuis 2004. Au-delà de la capacité à « se documenter » en « travaillant
de manière autonome », cet exercice permettrait de « s’exprimer à l’oral ». En ce qui
concerne le contenu, les élèves seraient relativement libres quant à la sélection des
informations, mais devraient notamment expliciter le choix des implantations. Il conviendrait
d’insister tout particulièrement sur les attendus de ces partenariats en fonction de la
localisation des différents Instituts Confucius (partenariats universitaires, cours de chinois,
aide au développement, support aux entreprises…), ainsi que sur la stratégie de localisation de
ces derniers, à la fois dans l’espace et dans le temps (une carte pourrait être conseillée).
L’exemple de l’implantation des Instituts Confucius au Kazakhstan est particulièrement
révélateur de la volonté de la Chine de renforcer son influence sur son voisinage, notamment
dans le cadre de la Coopération de Shanghai. Cet exposé peut être rapproché des enjeux de
puissance que représentent les « nouvelles routes de la Soie » [jalon « La maîtrise des voies de
communication »]. Le but serait de montrer aux élèves que différentes formes indirectes de la
puissance peuvent être articulées et combinées pour consolider les stratégies de puissance
[Axe 2].
• Faire observer les tensions et concurrences : la langue dans les luttes d’influence et les
rivalités entre les puissances étatiques
- Une première rivalité de pouvoir peut s’observer à travers les rapports de domination et de
concurrence que peuvent entretenir les langues entre elles et indirectement les États par leur
intermédiaire. En effet, tous les États n’ont pas la même capacité à diffuser et à imposer leur
langue, ce qui peut générer des inégalités d’influence sur la scène internationale. En l’occurrence,
l’anglais occupe une place de choix qui peut être évaluée à l’aune du nombre d’anglophones dans
le monde ou en fonction de la place qui lui est accordée dans le cadre des relations internationales
politiques, économiques et culturelles. Cela n’exclut pas l’affirmation d’autres langues et
l’exercice de la puissance par le biais, notamment, d’institutions dont le but est à la fois culturel et
politique comme la Francophonie. Par ailleurs, la concurrence linguistique est portée par l’inégal
dynamisme démographique, mais aussi par le développement d’Internet et du cyberespace.
- https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/le-francais-dans-le-monde-
flux-et-reflux
- Les instituts Confucius comme instituts pour étendre la puissance géopolitique de la Chine
depuis 2004. Idée de la Chine : mailler toute la planète et installer un institut Confucius dans
chaque pays qui entretient une relation diplomatique avec la Chine article du Point daté du
7/03/2018 « Diffusion de la langue comme outil de dialogue et de compréhension mutuelle ».
Réalisation d’une cartographie des instituts Confucius et des réseaux de la francophonie à
partir de sites www.observatoire.francophonie.org, carte Science Po. Cartothèque Science
Po.
Quelles sont les logiques d’implantation des instituts Confucius ? A partir de l’article de
l’hebdomadaire Le Point.
Le soft power est aujourd'hui un enjeu politique important pour la Chine. Les autorités
chinoises en ont largement conscience et investissent massivement pour maximiser la capacité
d'attraction du pays. Pourtant l'influence des opérations de maintien de la paix ou des
offensives médiatiques dirigées par Pékin sur le soft power chinois est régulièrement remise
en question. Les actions directes des autorités en faveur de la stratégie d'influence de la Chine
sont davantage considérées comme des entreprises de propagande que comme des avancées
pour le soft power du pays. Si « la meilleure propagande est l'absence de propagande » (Nye,
2013), le soft power est d'autant plus décisif qu'il s'abstrait, ou qu'il semble s'abstraire, des
logiques partisanes voire des discours clairement propagandistes. C'est à ce titre que la culture
paraît être un élément structurant de l'offensive de charme chinoise : en apparence moins
politique, elle est moins soumise au soupçon propagandiste. La culture contemporaine
chinoise brille notamment sur la scène internationale lors de l'organisation de grands
évènements sportifs ou culturels mais aussi grâce au cinéma. Pourtant même au sein des
productions culturelles l'implication gouvernementale est souvent bien réelle, de sorte qu’on
peut parler, dans le cas chinois, d'une « stratégie de soft power » (Courmont, 2016). Si l'idée
d'une « stratégie » dévie du modèle initial proposé par Joseph S. Nye, elle n'est pourtant pas
inédite et le modèle français de « l'exception culturelle » qui implique un large financement
du cinéma par l'État à travers une politique de quotas et de subventions, n'est pas sans rappeler
– toute mesure gardée – la logique protectionniste chinoise. Si l'implication financière de
l'État dans les productions culturelles n'est donc pas forcément un contre-argument au soft
power, moins sa présence se fera sentir dans le contenu de l'œuvre et plus cette dernière sera
jugée crédible par les spectateurs.
Activité élèves
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Accroche : Séquences vidéo
- « GAFA, capitalisation boursière des géants de l'internet », décryptage 2017
https://www.youtube.com/watch
- « GAFAM, les nouveaux maîtres du monde ! » (France 2, 2018),
https://www.youtube.com/watch
- « Les BATX chinois, plus forts que les GAFAM ? »
https://www.dailymotion.com/video/x6afczx
Le point commun de ces groupes est d’appartenir à la nouvelle économie. Bien que n’intervenant
pas tous dans les mêmes segments de l’activité informatique (production de matériel ou de
logiciels, applications, plateformes numériques…), l’émulation commune liée à l’innovation
explique le développement rapide de ces acteurs privés. Forts de leur pouvoir récemment acquis
dans les domaines technologique, politique et financier, ces derniers sont désormais en mesure de
fragiliser les puissances étatiques, soit en défendant leurs propres intérêts, soit en relayant à
travers leurs réseaux et technologies les points de vue des puissances rivales dans le jeu des
relations internationales. En outre, les coopérations, tensions et luttes d’influence animent les
relations entre les différents types d’acteurs (ceux des nouvelles technologies, les États et les
organisations internationales) approche géopolitique pour questionner le rôle des nouvelles
technologies comme instruments de puissance.
Pour les puissances étatiques, l’enjeu est de renforcer leur capacité d’influence, leur soft
power en s’appuyant sur les réseaux informatiques et le contrôle de l’information.
- Question de l’impact des nouvelles technologies et des acteurs du numérique sur les
puissances étatiques : sont-ils des outils de consolidation de leur puissance ou au contraire à
l’origine de leur fragilisation ? Rapports de force et luttes d’influence que se livrent les
États dans le domaine des nouvelles technologies et au sein du cyberespace.
• Constater qu’avec l’essor des nouvelles technologies, la puissance des États peut être
fragilisée par les nouveaux acteurs du numérique : Dans le contexte de l’importance
croissante du numérique dans les sociétés, les puissances de rang international ont pu être
mises à mal par les nouvelles technologies et par leurs acteurs. Les États doivent notamment
faire face à la concurrence des géants du numérique (les GAFAM états-uniens et les BATX
chinois) dont la puissance nouvellement acquise repose entre autres sur quelques fondements.
Parmi ces derniers figurent des vecteurs économiques et financiers (les géants du numérique
ont des chiffres d’affaires et des capitalisations boursières parfois supérieures au PIB de
certains États, elles sont en situation dominante dans différents secteurs économiques et ont
largement diversifié leurs activités), des compétences technologiques (contrôle des
infrastructures techniques, des logiciels d’exploitation, maîtrise de la collecte, de la
transmission et du stockages des données dans les immenses centres de données (data
centers), stratégiquement localisés – le Big data) ou encore l’usage du soft power et la
capacité à influencer les sociétés à travers le monde (présence sur les différents marchés, des
utilisateurs et consommateurs qui se comptent par millions, maîtrise de la circulation de
l’information et pouvoir de manipulation de l’opinion publique, notamment dans la vie
politique comme lors des élections présidentielles aux États-Unis de 2016 ou lors du
référendum sur le Brexit au Royaume-Uni).
Si les géants du numérique sont en mesure de défier les puissances étatiques, ces dernières
semblent également dépassées par certaines de leurs pratiques. Ainsi, l’organisation
transnationale des firmes comme Google ou Amazon favorise l’optimisation fiscale et leur
permet de se soustraire largement aux impôts des pays dans lesquels sont réalisés les
bénéfices. Si dans ce cas, les États voient l’application de leur loi détournée, ils peuvent
également être directement menacés par des acteurs malveillants du cyberespace. De fait, le
développement des nouvelles technologies favorise la cybercriminalité et les cyberattaques
qui présentent une géométrie variable. Elles peuvent être le fait d’États (renseignement,
sabotage, ingérence) ou d’acteurs privés (individus malveillants, organisations terroristes...)
ou d’acteurs économiques (concurrents) qui utilisent l’Internet et les services des géants du
numérique sans que ces derniers soient à l’origine de l’acte de malveillance. Ces attaques
peuvent porter atteinte à des systèmes informatiques privés ou publics (ceux des institutions
gouvernementales d’Estonie en 2007, des hôpitaux et industries impactés par le logiciel
malveillant WannaCry en 2017, des réseaux électriques de l’Ukraine en 2015 ...), comme aux
données personnelles des citoyens (3 milliards de comptes mails Yahoo piratés en 2016…).
Cette cyberconflictualité est au cœur de nouveaux rapports de force géopolitiques et permet
de questionner la résistance des puissances étatiques à l’ère du numérique. Ces éléments de
contextualisation et la présentation des menaces véhiculées par ces nouvelles technologies
permettent de comprendre comment les États ont été amenés à revoir leur stratégie et
cherchent à travers le numérique une forme de puissance mieux adaptée aux enjeux du monde
contemporain.
Par ailleurs, l’utilisation des nouvelles technologies et d’Internet permet aux États de
développer leur cyberpuissance. Cette forme indirecte de la puissance repose sur leurs
capacités à développer des infrastructures informatiques (câbles informatiques sousmarins,
stations d’atterrage, satellites de communication, datacenters...), sur leur aptitude à protéger
les réseaux et à sécuriser les données (sûreté nationale, protection des acteurs économiques et
de la vie privée des citoyens, etc.), sur leur implication dans le fonctionnement du
cyberespace (industrie, marchés, contrôle de l’information, régulation et censure, formation,
recherche...). La maîtrise de ces réseaux permet aux États de mieux contrôler la circulation de
l’information et d’étendre leur influence en soignant notamment leur image auprès de
l’opinion publique. La combinaison de ces différents critères permet de distinguer les
puissances en fonction de leur inégale capacité à maîtriser les technologies du numérique. Ce
lien entre réseaux et aire d’influence s’observe également dans le domaine des voies de
communication.
Dans une logique de concurrence entre puissances et de cyberconflictualité, ces technologies
peuvent également être utilisées pour déstabiliser d’autres États, notamment par la
désinformation et la propagande, par la désorganisation de leurs services publics à travers des
cyberattaques ou encore l’ingérence dans leur vie politique. Il peut être utile de souligner que
les actions de cyberguerre et l’utilisation de la technologie dans les conflits géopolitiques et
combats militaires (applications militaires de l’intelligence artificielle) ont tendance à
converger vers la puissance traditionnelle (hard power), tout particulièrement avec la
constitution de forces armées spécialisées dans les opérations cyber (attaque, riposte ou
renseignement électronique) et le déploiement, aux niveaux gouvernementaux, d’opérateurs
de cyberdéfense des intérêts vitaux ou essentiels (en France, l’Agence nationale de la sécurité
des systèmes d’information – ANSSI).
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La nouvelle route de la soie (parfois aussi au pluriel) est un projet stratégique chinois visant
à relier économiquement la Chine à l’Europe en intégrant les espaces d’Asie Centrale par un
vaste réseau de corridors routiers et ferroviaires. Dans son versant maritime, ce réseau de
routes commerciales inclut les espaces africains riverains de l’Océan indien.
Surnommé le « projet du siècle » par Xi Jinping, le programme OBOR, pour « One Belt, One
Road » (« Une Ceinture, Une Route ») vise à créer une nouvelle génération de comptoirs
transnationaux. C’est en 2013, lors d’une tournée en Asie centrale, que le président chinois
nouvellement élu mentionnait à Astana (Kazakhstan) son projet de ressusciter la mythique
route caravanière qui reliait, il y a près de 2 000 ans, Xi’an en Chine à Antioche en Syrie
médiévale (aujourd’hui en Turquie).
Depuis, ce projet est devenu central dans la politique économique chinoise. Il concerne plus
de 68 pays regroupant 4,4 milliards d’habitants et représentant près de 40 % du produit
intérieur brut (PIB) de la planète. Les banques et institutions financières chinoises ont
largement été sollicitées pour mettre en place un tel projet.
Comment un État-il chercher à accroître son influence par la maîtrise des voies de
communication au sein de son territoire comme à l’étranger, sur terre comme sur
mer ?
Activité = séquence vidéo Dessous des cartes : « Vers une nouvelle route de la soie ? »,
https://www.youtube.com/watch?v=4Hz1pgCpZIQ
Questionnaire :
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Reprise :
- Lors de son arrivée au pouvoir, Xi Jinping lance les « nouvelles routes de la Soie », un projet au service
de la réalisation du « rêve chinois » de prospérité, modernité et puissance. Ce programme combinant
investissements à l’étranger et déploiement d’infrastructures de transports s’inscrit dans la suite de
l’ouverture à la mondialisation et du développement économique de la Chine. La fin des travaux de cette «
initiative ceinture et route » est prévue à l’horizon 2049. Cette date symbolique célèbrerait la place de la
Chine parmi les principales puissances de rang international, un siècle après l’instauration de la République
populaire de Chine. Dans cette perspective, la Chine mobilise différents moyens et s’appuie notamment sur
des formes indirectes de puissance, comme la maîtrise des voies de communication. Il s’agit dès lors
d’observer comment ces dernières sont intégrées à la stratégie d’influence de la Chine et d’identifier leurs
leviers de puissance.
- Si l’impact économique de ces « nouvelles routes de la Soie » fait quasiment l’unanimité, leur dimension
politique et géostratégique suscite des craintes susceptibles de remettre en question leur efficacité comme
vecteur de puissance. En dépit des critiques et des concurrences, la Chine continue d’étendre son influence,
au gré des accords de coopération et suivant les axes de « l’initiative ceinture et route ».
- Ce projet repose en grande partie sur la construction d’un ensemble de voies de communication entre
l’Europe et la Chine, regroupées en deux axes principaux, l’un terrestre et l’autre maritime. Leurs
infrastructures (autoroutes, voies ferrées, ports, oléoducs, câbles…) ont pour objectif de faciliter les
échanges commerciaux, d’assurer les débouchés des produits chinois sur les marchés européen et
centrasiatique, mais aussi d’exploiter les ressources des espaces desservis et d’en sécuriser l’acheminement
(en particulier des produits agro-alimentaires et des hydrocarbures pour lesquels l’économie chinoise est
fortement dépendante). En outre, le projet ne se limite pas à l’implantation de voies de communication et
prévoit le déploiement d’investissements chinois, notamment dans des parcs industriels implantés au sein
des six grands corridors de développement.
- Au total, cet engagement chinois – largement relayé et valorisé par les discours officiels – assure à la
Chine un certain rayonnement à l’étranger à travers une forme indirecte de puissance et renforce son soft
power. Mais sous couvert de développement économique et de coopérations internationales, « l’initiative
ceinture et route » présente des objectifs géopolitiques plus larges et constitue pour la Chine un outil de
puissance visant à étendre son influence et son modèle à travers le monde.
Activité élèves
- Faire observer aux élèves comment ce projet stratégique en permanente évolution est perçu par les
divers acteurs
Pour analyser ces représentations et perceptions, plusieurs types de documents peuvent être
mobilisés : Extraits de discours prononcés par Xi Jinping à l’étranger ou sur leurs principaux
éléments relatés par la presse (textes et extraits vidéo).
Montrer comment les autorités chinoises ont pu utiliser les arguments économiques, culturels et
historiques (soft power) et désormais écologiques et sécuritaires pour façonner l’image et orienter la
perception du projet des « nouvelles routes de la Soie » dans le but d’emporter l’adhésion des partenaires
(le vocabulaire employé, sur l’attention portée aux auditeurs qu’il faut convaincre et sur la manière dont la Chine
se présente dans le cadre des coopérations) . Noter que les discours s’adaptent en fonction de l’auditoire (devant
les chefs d’État européens, devant le Congrès du PCC...).
IE
•Faire Identifier les objectifs et les leviers de puissance des « nouvelles routes de la Soie »
Les « nouvelles routes de la Soie » constituent des outils géopolitiques de la stratégie de puissance et d’influence
de la Chine dans le cadre de sa politique étrangère.
= Articulation entre la forme indirecte de puissance que confère la maîtrise des voies de communication (via la
construction et gestion des infrastructures) et la forme politique plus englobante et traditionnelle à laquelle elle
contribue et que la Chine entend développer pour s’affirmer dans le jeu des relations internationales.
- Activité avec prof : Quels sont les principaux leviers de puissance que « l’initiative ceinture et
route » permet de mobiliser, ainsi que les objectifs qu’ils permettent d’atteindre ?
Observer cartes et doc sur diaporama pour répondre :
- L’organisation de la logistique commerciale en lien avec le déploiement des forces militaires : Pour
surveiller sa principale voie d’approvisionnement maritime (entre le Moyen-Orient et la mer de Chine
méridionale), la Chine a mis en place, ce que certains, dont les Américains, ont appelé la stratégie du «
collier de perles ». Antérieure au projet, elle s’appuie sur un réseau de ports commerciaux pour
implanter des bases militaires sur les côtes des pays partenaires (à Djibouti, Woody aux îles Paracels,
Hainan en Chine, des récifs dans les Spratleys, etc.). Ces outils du hard power confèrent à la Chine une
capacité à se défendre, une force de frappe et de dissuasion.
- Dans le cadre des « nouvelles routes de la Soie », la Chine utilise également ses capacités financières
comme instruments de contrôle et d’influence. Le financement d’une partie de la construction des
infrastructures, de la gestion des plateformes logistiques (port du Pirée en Grèce, Gwadar au Pakistan,
Hambantota au Sri Lanka, le port sec de Khorgos à la frontière entre la Chine et le Kazakhstan…) ou encore
l’aménagement de zones industrielles permettent d’accroître son contrôle sur des lieux et nœuds stratégiques
pour le transit des marchandises et d’exercer une pression sur leurs acteurs politiques. En cas d’incapacité à
honorer les remboursements des prêts accordés par les banques chinoises, les nations qui en sont
bénéficiaires peuvent être victimes du « piège de la dette ». À la fin de l’année 2017, le Sri Lanka en a fait la
douloureuse expérience et a dû céder à Pékin le contrôle de son port en eaux profondes d’Hambantota pour
99 ans (on pourrait également prendre comme exemple Djibouti, le Myanmar, la Tanzanie, le Cambodge...).
Cet exemple illustre l’articulation entre la forme indirecte de puissance que confère la maîtrise des voies de
communication et la puissance géopolitique effective d’un État (ingérence, contrôle d’un territoire étranger).
- Autre levier de puissance, les aides financières chinoises permettent d’exiger des bénéficiaires un
alignement politique sur les intérêts chinois dans les débats internationaux, tandis que l’aide au
développement des pays limitrophes (Afghanistan, Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan) permet de
sécuriser les frontières. Le financement des projets des « nouvelles routes de la Soie » passe aussi largement
par des prêts contractés auprès de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII).
Lancée par la Chine en 2015 pour financer la construction des infrastructures, cette banque est également
une alternative au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque asiatique de développement. Comptant
désormais plus de soixante membres parmi les pays en développement ou autre (en Asie, en Afrique, voire
en Europe), son succès contribue à renforcer le soft power de la Chine ainsi que son influence et sa
puissance sur la scène internationale.
L’ancrage dans les territoires des infrastructures lourdes comme le rail, la route, les oléoducs et autres
câbles favorise l’emprise des opérateurs et des autorités publiques sur les territoires à différentes échelles.
Ainsi, par le biais de la gestion et de la sécurisation des infrastructures de communication traversant le
Xinjiang en direction du Kazakhstan, le pouvoir central de Pékin entend mieux contrôler cette région
autonome. En Asie et en Afrique, le développement des réseaux par la Chine renforce son influence à travers
la diffusion de ses normes. En outre, les infrastructures, l’intensification des échanges et les divers accords
de coopération permettent la mise en place de relations durables. En renforçant les liens d’interdépendance
avec ses partenaires, la Chine sécurise ses relations avec les autres pays et assied sa puissance sur la scène
internationale. Enfin, le projet des nouvelles routes de la Soie s’inscrit dans un contexte de coopération et de
consolidation régionale. Parmi ces regroupements figurent l’Organisation de la Coopération de Shanghai
(OCS) à laquelle appartiennent la plupart des pays concernés par le projet ou encore le partenariat « 16+1 »
que la Chine utilise pour renforcer sa stratégie d’influence économique et politique dans seize pays de
l’Europe centrale et orientale.
- Faire Caractériser les jeux d’acteurs qui freinent le projet des « nouvelles routes de la Soie » et qui
remettent en question l’efficacité des formes indirectes de la puissance
En dépit des efforts déployés par la Chine pour rendre « l’initiative ceinture et route » économiquement attractive
et géopolitiquement acceptable, le projet génère des tensions et inquiétudes auprès des autres acteurs plus ou
moins concernés par les « nouvelles routes de la Soie ». En effet, en menant ce projet stratégique, la Chine
conforte son statut de puissance et pourrait également remettre en question les grands équilibres géopolitiques.
Dans ce cadre, la Chine se voit confrontée à des oppositions et autres luttes d’influence qui se manifestent, entre
autres, par la concurrence pour la maîtrise des voies de communication. Ainsi, les rivalités politiques, parfois
aggravées par d’autres contentieux (financement ou autres) peuvent être à l’origine de blocages et de retards dans
la construction des infrastructures de transport.
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Ce jalon se prête à la construction d’un croquis de synthèse qui permettrait d’évaluer l’aire d’influence de la Chine, tout en
soulignant les enjeux économiques, géopolitiques et d’aménagement soulevés par les « nouvelles routes de la Soie ». Cet
exercice permettrait de souligner l’efficacité de la représentation cartographique pour traduire une situation géopolitique
complexe dans le jeu des relations internationales. Par ailleurs, la mise en œuvre de cet exercice permettrait un
décloisonnement des enseignements en articulant les capacités « réaliser des productions graphiques et cartographiques
dans le cadre d’une analyse » et « transposer un texte en croquis » développées en tronc commun de géographie et le fait
de « travailler de manière autonome » qui est un des attendus de la spécialité. Ainsi, le professeur pourrait proposer de
réaliser un croquis reprenant les différents enjeux des « nouvelles routes de la Soie » à partir du cours ou d’un extrait
d’ouvrage, d’article scientifique ou de presse. À défaut de trouver un document unique regroupant l’ensemble des aspects
que le professeur souhaite voir cartographiés, il est envisageable de rédiger un texte ad hoc en combinant différentes sources.
En fonction des attendus, le professeur fournit un fond de carte adapté, ainsi
qu’une carte pour aider à la localisation. Au-delà d’une réflexion sur la sémiologie graphique, les élèves seraient alors
amenés à élaborer une légende « construite et organisée », ce qui permettrait également de développer leurs capacités
d’argumentation à travers la rédaction des sous-titres de la légende. En s’appuyant sur une carte de « l’initiative ceinture et
route », le tracé des (futures) voies de communication permet d’évaluer l’étendue de l’aire d’influence que la Chine entend
déployer en-dehors de ses frontières et donne une idée de l’affirmation de sa puissance sur la scène internationale. Du point
de vue théorique, cette démarche reconnaît le pouvoir que confère la maîtrise des réseaux sur l’organisation et le contrôle des
territoires. Sur
le fond, il convient de faire ressortir les grands axes de communication multimodaux (route, rail, tubes) qui relient la Chine à
l’Europe, en intégrant les espaces d’Asie centrale et en localisant les principaux « noeuds » stratégiques (les « perles »
portuaires, les points de passages stratégiques comme Khorgos, etc.). Le tracé des principaux corridors de développement
permet d’insister sur le renforcement de l’influence chinoise sur son voisinage, tandis que la route maritime souligne
l’ambition mondiale du projet en reliant des territoires africains riverains de l’océan Indien et en assurant l’extension vers le
Pacifique. Il convient également de souligner l’aspect dynamique et évolutif de « l’initiative ceinture et route » en intégrant
les projets comme la « route digitale de la Soie » dont l’objectif est de renforcer la coopération avec l’Union européenne dans
le domaine de l’Intelligence Artificielle ou encore la « nouvelle route polaire de la Soie » qui souligne les prétentions
chinoises sur les régions de l’Arctique à l’heure du réchauffement climatique (ressources, espace de passage, etc.). Dans
l’intérêt de l’exercice et du développement des capacités d’analyse, il convient de dépasser l’aspect descriptif du tracé des
voies de communication afin de travailler la dimension explicative des ambitions chinoises et d’enrichir la légende du
croquis en faisant ressortir – entres autres – les ressources stratégiques convoitées par la Chine, ainsi que les tensions,
coopérations et luttes d’influence entre les acteurs plus ou moins impliqués dans « l’initiative ceinture et route ». Quelles
alternatives possibles ? Si le professeur choisit de travailler la compétence « Savoir lire, comprendre et apprécier une
carte » à partir d’une carte générale du projet, il est possible de réaliser l’exercice à d’autres échelles en reprenant les mêmes
dispositions, précautions et objectifs pédagogiques. Un croquis peut très bien être réalisé à partir d’un texte sur le corridor
économique Chine-Pakistan (CPEC) incluant le port de Gwadar, sur une des « perles » à l’échelle locale (Djibouti, Gwadar,
Hambantota, etc.) ou encore sur la zone économique transfrontalière de Khorgos, entre la Chine et le Kazakhstan, en tant que
nœud essentiel sur les nouvelles routes de la Soie.