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Fiche de lecture de la première partie de l’ouvrage

« Territoires et création de valeurs, l’état et la dynamique


des acteurs au Maroc »

Introduction

 Prolégomènes
La difficulté d’analyser la problématique des territoires au Maroc se traduit par la complexité
des approches et analyses requises. Le mot « territoire » renvoie à une notion technocratique
et médiatique très tendance mais approximative, on peut également estimer qu’il s’agit d’un
concept théorique robuste et stratégique. Ces deux acceptions du territoire sont le plus souvent
superposées ou intriquées.
Dans le contexte national contemporain, la référence au territoire, nous en dégagerons une
valeur ajoutée analytique supplémentaire se rapportant à la fois l’usage et aux utilisateurs du
terme territoire. L’essentiel de l’analyse théorique et de la mise en œuvre opérationnelle étant
dans la réunion des conditions nécessaires à la réalisation de ces potentialités et à la
génération de valeurs.
La forme plurielle signifie que deux types de valeurs sont attendus :
 Économiques et matérielles par accroissement de la valeur ajoutée générée et
partagée avec les protagonistes du territoire dans le cadre d’une régulation nationale.
 D’autre part, des valeurs sociétales qui constitueront une composante du capital
immatériel du territoire (formes de coopération, de dynamiques collaboratives, de
recherches de synergies proactives).
Ces deux types de valeurs sont imbriqués, la création de valeur économique est importante
pour que les valeurs sociétales énoncées seront promues et actives. Dans le cas contraire,
l’absence de ces valeurs peut conduire à une sous-optimalité de l’écosystème territorial.

 Considérations générales

La dynamique des espaces anthropisés est à la croisée de deux dynamiques, l’une exogène et
l’autre endogène. Les principaux facteurs exogènes qui influent fortement sur la dynamique
des territoires peuvent être classés en deux échelles :
 A l’échelle de l’Histoire et du Monde, la confrontation souvent brutale des Etats et la
diffusion des cultures ont induit une Lente sédimentation et imprégnation à l’échelle
locale, en formant un substrat composite auquel sont adossés les territoires.
 A l’échelle contemporaine, on cite :
 Les flux démographiques encadrés (par les règles étatiques) ou non.
 La présence de diasporas étrangères dont l’impact local peut être double selon leur
importance démographique et économique : par leur intégration et par leur
empreinte sur les territoires d’accueil.
 Les flux financiers, qu’il s’agisse des flux de capitaux privés ou publics.
 Les injonctions internationales et les mots d’ordre portes par les institutions
internationales.
 pouvoir de séduction, pouvoir d’attraction et capacité d’influence diplomatique.
 L’impact de plus en plus marque des évolutions climatiques subies localement.
 Les risques de surexploitation ou d’épuisement de ressources locales.
 La situation sanitaire mondiale (épidémie, pandémie).
 Les influences et flux numériques et cyber, qu’ils soient maitrises ou non par les
autorités nationales,
 Les politiques publiques nationales : plus l’Etat est fort, centralisateur ou
autoritaire, plus cette influence est prégnante à l’échelle locale.
 L’économie informelle – qu’il s’agisse des secteurs de subsistance de petite
production marchande, ou bien des pratiques économiques non enregistrées ou
illégales au sein des entités de production ou d’administration.
 Aggravation des inégalités sociales et territoriales qui viennent amplifier
l’attractivité ou au contraire la marginalisation des territoires concernés.
 Les échanges transfrontaliers clandestins illégaux (drogues, devises, marchandises,
armes, etc.).
 Les situations nationales ou sous régionales de conflits larvés ou ouverts qui
impactent la stabilité sociale et économique de la zone et des territoires
directement ou indirectement concernes.

Considérons maintenant les processus endogènes. Ce sont plutôt ceux-ci qui ont été
amplement analyses et développes par les contributeurs. La terminologie de territoire renvoie
à une entité complexe, résultat de l’empilement et de l’interaction de composantes multiples,
portée à des degrés divers par les protagonistes locaux, le tout pouvant être, dans certaines
conditions, dote d’un réel potentiel de développement interne.
Selon Adam Smith, il existe au cœur des territoires une autre main invisible qui induirait
localement une dynamique fondée sur la combinaison vertueuse de diverses forces propres à
l’entité territoriale.
Dans cette perspective, on peut distinguer trois niveaux de réflexions hiérarchisées, de la plus
simple à la plus élaborée :
 Le territoire en tant que simple cadre géographique et support physique de la
présence humaine.
 La territorialité, processus par lequel les sociétés humaines marquent durablement
par leurs activités et leurs cultures les espaces qu’elles occupent.
 L’écosystème territorial, pour être identifiable, suppose en premier lieu des
conditions nécessaires : principalement, l’émergence et la structuration des
protagonistes du territoire, la multiplication de leurs interactions, un pilotage
institutionnel de ces espaces occupes et appropries, et un indispensable maillage local
d’investissements structurants apporte par l’Etat.

1ére partie : concept polysémique entre lieux et liens

À plus d’un titre, le terme territoires apparait éminemment ambigu et d’un


usage délicat. Ce terme est devenu à la fois une référence incantatoire
immanquablement convoquée par les stratégies socio-économiques de
développement local, et un vocable préempté par la novlangue médiatique,
transformé en un substantif aussi invasif qu’approximatif.

1. territoire : notion molle Invasive ou concept stratégique ?


1.1 Le territoire comme notion
 Une ambiguïté sémantique parfaitement fonctionnelle
Ce terme de territoire a été largement réapproprié et répandu à tout propos
par les locuteurs politiques et médiatiques pour qui cette notion polysémique
paraît avant tout confortable. En revanche, pour la recherche en sciences sociales,
ce terme paraît trop souvent complexe, mouvant et insaisissable.
À cet égard, la boutade que proposa en 1991 Bruno Lautier à propos du
« secteur informel » pourrait parfaitement s’appliquer à la notion de
territoire .Rappelant ensuite la formule de H. Singer qui affirmait que « le Secteur
Informel est comme une girafe, difficile à décrire mais facile à reconnaître ».
La notion de territoires est un exemple supplémentaire de l’émergence de
la catégorie de mot-valise.
Le terme territoire, en confondant et superposant notion et concept, va
recouvrir deux acceptions principales en matière de sciences sociales et pour
l’ingénierie du développement : l’un centraliste et descendante et
l’autre remontante et décentralisatrice :
 la première est résolument centralisée : elle renvoie aux
politiques publiques ou aux stratégies de firmes privées conçues par leurs
instances nationales centrales (ministères, siège social des entreprises
publiques ou privées) destinées à être projetées au niveau infranational.
 la seconde acception réhabilite le concept en considérant les
territoires comme des entités dotées d’une animation propre au sens
d’expression de forces de proximité qui leur donnent vie.
2. De l’économie culturelle aux biens communs, le territoire en quête d’un
nouveau contrat social

2.1 L’émergence controversée d’une économie de la culture


Les années 1990-2000 consacrent la culture comme facteur de production et voient
l’émergence d’une économie de la culture) dont on mesure mieux l’importance en termes
d’emplois. L’économie culturelle est définie comme un ensemble d’activités tournées vers
l’exploitation marchande de la créativité artistique, esthétique et sémiotique. La culture n’est
donc plus considérée comme une activité intellectuelle et symbolique évoluant dans une
sphère spécifique, elle est aussi considérée comme un nouveau support des activités
marchandes et de la croissance économique.

2.2 La mobilisation des ressources patrimoniales dans le développement territorial


Au cours des années 2000 et 2010, la vision de cette économie culturelle se territorialise. Le
patrimoine, qu’il soit naturel ou culturel, n’est alors pas considéré comme un donné mais
comme un construit social. Cette grille d’analyse confère un rôle essentiel aux acteurs locaux,
dans leurs capacités à identifier des ressources territoriales et à engager des processus de
spécification et de labellisation.
Une approche (Scott et Leriche, 2005) permet de distinguer les ressources culturelles à
dimension territoriale. De ce point de vue, deux grandes catégories de produits culturels sont
distinguées: les produits mobiles et les produits immobiles. Les produits culturels mobiles
sont commercialisés sur des marchés domestiques ou étrangers. Il s’agit de produits liés au «
divertissement » (le cinéma, l’enregistrement musical, l’édition, la presse écrite…), ou de
produits au caractère matériel plus marqué : joaillerie, orfèvrerie, parfums… Les produits
immobiles font partie intégrante des caractéristiques d’un lieu.

3. Le(s) territoire(s) » à travers l’expérience marocaine


3.1 Le territoire défini par le juriste
La notion de territoire nous amène en premier lieu à le considérer à l’image du juriste, comme
un cadre spatial dans lequel une communauté exerce un pouvoir politique et institutionnalisé
avec des limites de souveraineté. Cette dernière repose sur le principe de territorialité, un
pouvoir politique par la médiation du sol.
L’aspect institutionnel forme une base du découpage entre les nations (territoire national),
puis à l’intérieur du national, des territoires infranationaux : régional, provincial, communal…
Ces territoires infranationaux institutionnalisés dépendent, au-delà de leurs limites
géographiques, du pouvoir politique exercé par la communauté concernée en termes de
compétences juridiques et de moyens financiers et humains (niveau de décentralisation).

3.2 Le territoire par le bas


À l’opposé, les géographes ont surtout fait émerger autour du territoire la notion de
territorialité tirée de l’éthologie (l’étude du comportement des espèces animales), à partir de
l’observation des animaux qui marquent leur territoire. Les espaces seraient pratiqués,
représentés, pour être appropriés.
À l’inverse du territoire institutionnalisé, le territoire par le bas s’impose par lui-même en tant
que force politique.
Dans le cas du douar, la situation présente montre des acteurs publics encore loin de se mettre
d’accord, ne serait-ce que pour une délimitation géographique commune des établissements
humains.
En milieu urbain, l’action publique n’a que très peu reconnu ces territoires. Là aussi, les
départements agissent en fonction de leurs objectifs ; de relogement ou de recasement pour le
Département de l’habitat. La prise en compte du social dans l’action publique finit bien par
s’appuyer sur ces territoires qui s’imposent par la mobilisation et la résistance de leurs
habitants, mais aucune instance ni loi ne vont jusqu’à proposer des comités de quartier dans
les instances de concertation prévues par la nouvelle Constitution et dans loi organique
relative aux communes.

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