Vous êtes sur la page 1sur 11

D LANGUE ET RELATIONS SOCIALES

MOTS CLES : Tracas, différences sociales, statuts sociaux, exclusion,


euphémismes, politiquement correct…
Objectifs :
1. Montrer l’usage que les groupes sociaux font de la langue pour
indiquer, renforcer leur position sociale ;
2. Analyser les relations sociales à travers les textes.

Problématique :
1. Comment la langue est-elle utilisée pour montrer les différences
sociales et culturelles (dans les textes) ?
2. En quoi la langue laisse-t-elle apparaitre des différences d’ordre
social ?
3. Dans quelle circonstance la langue est-elle utilisée pour exclure ?
Pourquoi ?
4. Quels sont les codes qui permettent de refléter les relations
sociales dans un texte ?
5. Pourquoi certaines formes de la langue sont-elles associées à
certains statuts sociaux ?

A analyser dans un texte :


 Les relations sociales à travers la langue, les codes langagiers
respectent-ils les règles d’usage des codes ou non ? pourquoi ?
 Le ton (tonalité ou registre), le niveau de la langue ;
 De quelle manière la langue peut-elle être source des conflits ?
 Les pratiques sociales, éducatives (Tutoiement, vouvoiement,
salutations : gestes et paroles, euphémismes, politiquement
correct…).

D1 Définition
Les relations sociales font référence aux interactions ou liens
d’interdépendance qui s’établissent entre les individus et es groupes en
fonction des positions respectives de chacun dans l’organisation sociale.
C’’est le fondement de la vie en commun, c.à.d. que les individus sont
construits par ces interactions sociales. Ils sont situés au moins dans un
groupe social dont la solidarité et les conflits construisent l’identité.
Ce sont donc des échanges entre deux acteurs, qui éveillent chez eux
des attentes culturellement définies et qui se déroulent sous des
contraintes sociales (lesquelles ?). C’est une forme de coopération qui
n’est pas tout à fait égalitaire, car, selon l’emprise que les individus
exercent les uns sur les autres, il y a un intérêt qui dépend de la position
de chacun dans ces relations. Il s’agit de la relation et l’entrée en
société.
L’on parle des relations sociales : « en regardant comment on perçoit les
autres et se représente les autres et soi-même, comment on peut opérer
des changements de ces représentations dans les opinions, les attitudes
et les comportements, comment se construit une identité personnelle au
sein de la société ».
N.B.
 La langue garantit la cohésion sociale au sein d’une communauté.
 Un individu peut appartenir à plusieurs groupes, il peut changer de
groupes, son comportement peut être en décalage avec certains
de ses groupes d’appartenance. (Voir IRESMO sur Internet).

E LANGUE ET POUVOIR / POUVOIR DE LA LANGUE

Objectifs d’apprentissage 

- Comprendre l’influence des politiques gouvernementales sur la


langue ;
- Comprendre que le débat sur la mise en place du français comme
langue officielle et des quatre langues nationales en RDC ;
- Analyser le pouvoir de la langue à travers un discours politique.
- Identifier les procédés stylistiques utilisés et analyser les effets
créés (identifier les procédés utilisés par l’orateur pour capter
l’attention de l’auditoire (procédés rhétoriques, gestuels…) ;
- Prendre conscience de la façon dont la langue et le sens sont
façonnés par la culture et le contexte.
- Analyser comment l’objectif et le public visé influent sur la structure
des textes ;
- Amener les élèves à analyser comment la langue est employée
pour définir différentes communautés et leur pouvoir ou la
supériorité.
- Démontrer comment la langue peut être le pouvoir.

Problématique

Faites des hypothèses sur le contexte de cette phrase :


« ‘’Sous – langues et surlangues’’ : Le vrai racisme, c’est de penser qu’il
y aurait des langues qui feraient des sous – langues et des peuples qui
feraient des sur – langues ».

E1 Le pouvoir politique et la langue

Les politiques gouvernementales ont un impact sur les langues. En


RDC, la politique gouvernementale sur les langues et la gestion du
multilinguistique remontent à l’histoire du pays (la colonisation et le
multilinguisme). La langue construit ou renforce l’identité tout comme elle
dénote les degrés du pouvoir des interlocuteurs dans la société.

E11 Gestion du multilinguisme

Les langues jouent un rôle essentiel dans les sociétés. C’est la raison
pour laquelle les pouvoirs politiques sont amenés à intervenir pour les
contrôler. C’est le domaine de la politique linguistique. Cette dernière
débouche le plus souvent sur la planification linguistique.

La politique linguistique : « Ensemble des choix conscients concernant


les rapports entre langue et vie sociale ». (Calvet)

La planification linguistique : mise en pratique concrète d’une politique


linguistique ou le passage à l’acte.

N.B : N’importe quel groupe humain peut avoir une politique linguistique
mais dans le domaine des rapports entre langue et vie sociale, seul
l’Etat a le pouvoir et les moyens de passer au stade de la planification
linguistique, de mettre en pratique ses choix de politique linguistique.

La gestion du multilinguisme : Jean Louis Calvet distingue deux types de


gestion :
- Gestion in vivo : elle se fait dans la réalité de tous les jours. Elle
concerne la façon dont les gens, les locuteurs, confrontés au
problème de communication quotidienne résolvent leurs problèmes
de communication là où coexistent plusieurs langues. Les langues
dites véhiculaires sont les produits types de gestion in vivo.
- Gestion in vitro : c’est une gestion de laboratoire ou la gestion
des langues par le pouvoir d’Etat (laboratoires, bureaux d’études,
spécialistes, linguistes, sociolinguistes), pour le choix d’une langue
officielle parmi les langues parlées sur son territoire par exemple.

N.B : Il peut arriver que ces deux types de gestion soient conflictuels sur
le terrain (in vivo). Telle langue s’impose parce qu’elle est adoptée par
plusieurs locuteurs des langues différentes alors que les pouvoirs
politiques font un choix contraire, c’est -à- dire qu’ils choisissent une
langue qui n’est pas celle du plus grand nombre.

E1 2 L’action sur les langues 

On peut agir sur la langue de deux façons :


- Sur le statut : c’est la reconnaissance par les pouvoir publics de
certaines fonctions à ladite langue à travers les textes tels que : la
constitution, les lois, les ordonnances, les décrets, les arrêtés, etc.
Ainsi, en RDC, la loi fondamentale stipule : « sa langue officielle
est le français. Ses langues nationales sont : le lingala, le swahili,
le tshiluba, le kikongo. L’Etat doit en assurer la discrimination. Ses
autres langues font partie du patrimoine culturel ; l’Etat doit en
assurer la protection ».
- Sur le corpus : intervention sur le système de la langue : réforme
de l’orthographe, production de dictionnaire, de grammaire, de
lexique spécialisé. L’action sur le corpus est l’œuvre des linguistes,
des grammairiens, des didacticiens, des terminologues, etc. 

N.B.
 Plusieurs facteurs (géographiques, économiques, politiques,
idéologiques, sociologiques) occasionnent l’expansion ou la
régression des langues. Une langue peut alors devenir plus parlée
que d’autres.
 Dans leur fonction première qui est la communication, toutes les
langues s’équivalent ou sont pareilles. Il n’y en a aucune qui soit
au-dessus des autres. Mais compte tenu de facteurs précités, une
langue peut s’imposer sur les autres.

E 2 Le pouvoir de la langue / Langue du pouvoir


Point de départ : « La langue peut être une force majeure pour unir les
gens ou les diviser (La langue a le pouvoir d’unir les gens ou de les
diviser).

E 2 1 Langue et genre

Analyse des relations de genre dans la langue

 En prenant la parole, l’on est toujours confronté à un système de


valeurs auquel il est presqu’impossible d’échapper. Ce que l’on dit
reflète une image culturelle et sociale. Alors, l’on se soumet à une
représentation de la société au nom de l’usage des conventions ou
bien, par des mots, on peut agir sur elle et la modifier en
profondeur.
 Les relations de genre dans la langue commencent au niveau du
cercle familial où elles sont modelées, puis elles permettent de
modeler toute la société (Par exemple, la répartition des rôles entre
filles et garçons ou des stéréotypes véhiculés par la langue).
 La langue française semble sexiste et établit une discrimination de
genre (par des règles de grammaire, les noms des métiers…). Elle
implique une hiérarchie entre le masculin et le féminin, entre les
hommes et les femmes. (Voir les blogs :« La langue française est-
elle sexiste ? » in ‘’Le signe et le verbe’’, « Chèfe d’entreprise, vous
trouvez ça laid ? » de Marie Donzel, « Le sexisme est inscrit dans
la grammaire », article de l’Express et le sketch de Roland
Magdane sur le genre.

E 2 2 De l’influence du langage sur l’esprit selon Jacques Dewitte

Le langage est un outil puissant ; il peut s’avérer « une arme


redoutable ».
« Il est faux de penser que l’usage du langage humain se caractérise par
le fait d’apporter de l’information. Le langage humain peut être utilisé
pour informer ou pour tromper, pour clarifier ses propres pensées, pour
prouver son habileté ou, tout simplement, pour jouer », rappelle Noam
Chomsky.
Convaincre, persuader, exhorter, le langage peut produire de nombreux
effets ; il peut servir à manipuler, à mentir, tromper, endoctriner. Celui qui
le maîtrise possède un pouvoir puissant, en témoignent les nombreux
tyrans, dictateurs, rhéteurs (enseignants de la rhétorique), prédicateurs,
ainsi que le soutient Gorgias, dans l’Éloge d’Hélène.

Le discours est un tyran très puissant ; […] la parole peut faire cesser
la peur, dissiper le chagrin, exciter la joie, accroître la pitié. Par la parole,
les auditeurs sont envahis du frisson de la crainte, ou pénétrés de cette
pitié qui arrache les larmes ou de ce regret qui éveille la douleur. […] Les
incantations enthousiastes nous procurent du plaisir par l’effet des
paroles, et chassent le chagrin […] en détruisant une opinion et en
suscitant une autre à sa place, [les rhéteurs] font apparaître aux yeux de
l’opinion des choses incroyables et invisibles […] les plaidoyers
judiciaires […] produisent leur effet de contrainte grâce aux paroles :
c’est un genre dans lequel un seul discours peut tenir sous le charme et
persuader une foule nombreuse, même s’il ne dit pas la vérité, pourvu
qu’il ait été écrit avec art. […] Il existe une analogie entre la puissance du
discours à l’égard de l’ordonnance de l’âme et l’ordonnance des
drogues. […] Il y a des discours qui affligent, d’autres qui enhardissent
leurs auditeurs, et d’autres qui, avec l’aide maligne de la persuasion,
mettent l’âme dans la dépendance de leur drogue et de leurs magies. 

Pouvoir de la parole et parole du pouvoir : Cette antimétabole,


antimétathèse ou antimétalepse (répétition des mêmes mots dans des
ordres différents dans le même discours et avec un autre sens) nous
permet de mieux cerner l’influence du langage sur l’esprit et voir en quoi
le langage peut être le véhicule d’une idéologie.

Le langage possède une influence indéniable sur l’esprit ; il a une


incidence sur la pensée ; il peut servir à manipuler. Au service de
l’homme, il peut être également au service des tendances les plus
inhumaines. En témoignent les propos de Goebbels, ministre nazi de
l’Information et de la Propagande.

À force de répétitions et à l’aide d’une bonne connaissance du


psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible
de prouver qu’un carré est en fait un cercle. Car, après tout, que sont
« cercle » et « carré » ? De simples mots. Et les mots peuvent être
façonnés jusqu’à rendre méconnaissables les idées qu’ils véhiculent. 

Ainsi, la manipulation de la langue entraîne la manipulation des


esprits. L’on peut détourner une langue, comme on détourne une rivière
de son lit, comme on détourne un transport aérien. Détourner, dévier,
dérouter, pirater – en un mot : dénaturer. Le détournement langagier
altère la pensée. Détourner une langue à des fins de propagande, dans
une perspective totalitaire, sectaire, c’est prendre en otage les esprits,
les sujets. D’où ce paradoxe, cette double dimension : le langage, selon
Jacques Dewitte, « peut trahir et éclairer la pensée, ouvrir des horizons
et retenir prisonnier, lier, délivrer ; il est à la fois une bénédiction et une
menace ». 
Le langage possède un pouvoir de création : Il n’est pas seulement le
revêtement d’une pensée, il peut transformer une réalité donnée. Par le
pouvoir de la parole, par le simple truchement des mots choisis, il peut
évoquer, convoquer, créer une autre réalité, ou tout simplement l’effacer,
la supprimer. Il a, en ce sens, comme l’écrit Jacques Dewitte, dans son
essai sur la résistance au langage totalitaire, « un pouvoir d’être et de
néant », un pouvoir quasi-magique.

Pour Armand Farrachi, « Changer les mots, c’est changer les choses,
voire les lieux ». Selon lui, « le plus grave n’est peut-être pas que les
mots, comme on l’entend parfois dire, n’aient plus de sens, mais qu’on
leur en ait donné un autre, en fonction de la situation, conforme aux
vœux du pouvoir et de son action ».
C’est pourquoi, rien dans le langage n’est indifférent et rien aussi n’est
essentiel qu’une façon de parler. D’où l’intérêt de rester vigilant, de se
surveiller, de rester prudent, de ne pas se laisser manipuler. La première
chose qu’il faut, suggère Noam Chomsky, « c’est prendre soin de notre
cerveau ». La deuxième est « nous extraire de tout système
d’endoctrinement. […]

E 2 3 Le langage au service du pouvoir

Lorsque le langage est utilisé à des fins de propagande, l’on peut parler
de totalitarisme, de fascisme, de sectarisme. 
Qu’est-ce que le totalitarisme ? Quelles sont ses influences sur la
langue, ses effets sur le sujet ?
Le totalitarisme est un système politique à pensée unique n’admettant
aucune opposition organisée ; il s’agit d’un système tendant à l’unité, à la
totalité. Le contrôle de l’activité des hommes, le rejet de la différence, de
la diversité au profit du Même, de l’unicité, le fait de s’immiscer jusque
dans la sphère intime, privée, de la pensée, d’imposer l’adhésion à une
idéologie, à un parti unique en sont les visées. Les conséquences d’un
tel système sont celles que nous connaissons : génocides, guerres
civiles, camps de concentration.

Ce système organisé implique nécessairement un contrôle langagier,


une mainmise sur la langue. C’est par la langue, à travers elle, qu’une
idéologie, un pouvoir sont véhiculés. « J’appelle langage ou langues
totalitaires, ces langues idéologiques ou manipulées, mises en place par
les régimes nazis et communistes, comme instrument de pouvoir »,
affirme Jacques Dewitte.
Les langues au service du pouvoir, les langues totalitaires se
caractérisent par un registre unique – un seul registre de la sensibilité,
de la réalité. Cette unicité va de pair avec un rejet de la diversité, de
l’altérité Toute possibilité de création est refusée.

E 2 4 Quelques exemples de langues totalitaires

1 La langue de bois. 
Autrefois désignée sous la métaphore de « langue de chêne », la langue
de bois sert à baptiser et à brocarder (utiliser des moqueries) les modes
de parler – et d’écrire – figés, codifiés, qui se pratiquent aux multiples
niveaux de l’appareil administratif, politique et médiatique. Elle implique
une « manière de s’exprimer sous forme codée, dans une phraséologie
stéréotypée et dogmatique ». Ce discours est l’apanage des hommes
politiques. Il peut servir à neutraliser, à adoucir les choses qu’il qualifie.
De ce point de vue, il est aussi l’œuvre de la ruse. L’euphémisme, les
réductions langagières qui réduisent aussi l’esprit, sont ses formes
privilégiées. 

2 La langue nazie ou allemande. 

Dans un contexte où toute liberté d’expression est réprimée, la langue


nazie était en effet bien plus qu’un langage, c’était un monde, une
sensibilité, une mentalité, une attitude, une manière de décrire et de
caractériser la réalité, de figurer l’homme et les relations humaines.

Le geste du salut hitlérien, la prononciation des mots Heil Hitler, avaient


une incidence sur la pensée. « Le geste imposé par la peur et la
prudence se prolongeait pour ainsi dire vers l’intérieur.
Il est difficile, dans ces conditions, de conserver une indépendance
d’esprit. La contamination de la langue implique la contamination de
l’esprit ; « la corruption du langage, la corruption de l’homme ». 

3 La langue communiste

C’est un langage détourné, une déformation d’une réalité donnée dont


la visée est aussi de manipuler les esprits. Des mots sont choisis soit
pour atténuer ou aggraver un fait.
4 La LQR – la Lingua Quintae Respublicae, la langue de la
Ve République

Selon Éric Hazan, une forme de « propagande au quotidien ». La LQR


travaille chaque jour dans les journaux, les supermarchés, les transports
en commun, le “20 heures” des grandes chaînes, à la domestication des
esprits. Comme par imprégnation lente, la langue du néo-libéralisme
s’installe : plus elle est parlée, plus ce qu’elle promeut se produit dans la
réalité. Créée et diffusée par les publicitaires et les économistes, reprise
par les politiciens, la LQR est devenue l’une des armes les plus efficaces
du maintien de l’ordre. 

« La LQR est une forme de langue de bois qui « substitue aux mots de
l’émancipation et de la subversion ceux de la conformité et de la
soumission ». 
C’est, en effet, « par le langage que s’est imposée une représentation
idyllique, idéale, d’une réalité – obligeant les hommes à dire cette réalité,
à y croire ». C’est là que réside le fascisme. « Le fascisme, ce n’est pas
d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire », comme le souligne Roland
Barthes].

Réelles ou fictives, ces langues ont une visée totalitaire ; elles obligent à
dire ou invitent à se taire. Comment dès lors lutter contre l’oppression
sourde ? Quelle stratégie de survie s’offre alors à l’artiste, à l’écrivain ?
Quelle possibilité d’expression face à un langage qui ne permet aucun
jeu langagier, aucune création ? Par quel moyen exprimer son refus, son
insoumission, au langage de la domination ?

E 3 La situation des écrivains sous domination

Pour la plupart des écrivains interdits, la littérature reste le seul rempart


contre le mensonge. Quelques écrivains, artistes, intellectuels, entrent
en dissidence, organisent une résistance. Des cercles clandestins –
sortes de “salons” tenus par des écrivains interdits de publication – font
leur apparition. Certains autres choisissent l’exil, le changement de
langues (Langue du refus, du rejet).

E 31 Liberté et création

Dans cette perspective, le changement de langue permet à l’écrivain de


recouvrer la liberté d’expression et de création. « Libérer la parole et
l’esprit d’une pensée captive »

 
E 3 2 Langue, identité, altérité (ou différence)

Parce que toute langue au service d’un pouvoir privilégie le Même au


détriment de l’Autre, changer de langue permet de retrouver une altérité,
sans laquelle ne peut se construire l’identité.
L’identité possède un caractère permanent. L’on ne peut, véritablement,
priver personne de son identité. L’identité est ce qui est propre à soi ;
l’identité est tout ce qui parle de soi. Ce n’est pas seulement ce qui
identifie un individu donné : un nom, une profession, une nationalité –
autrement dit, sa carte d’identité ; c’est aussi la résultante d’un ensemble
de valeurs dans lesquelles l’individu se reconnaît. 
La langue que nous parlons participe de notre identité ; c’est la langue
dans laquelle le “je” devient sujet. Elle n’est pas seulement un système
de signes qui nous permet de nommer et de communiquer ; elle
structure notre vision du monde et notre façon de penser ; elle influe sur
nos perceptions et nos représentations. « Un idiome n’est pas seulement
un instrument objectif de désignation et de communication ; il est
également le moyen par lequel chacun de nous se fait progressivement,
ce par quoi chacun se forge un caractère, une pensée, un esprit, un
monde extérieur mû par des sensations et des sentiments, des désirs et
des rêves. Une langue prend en charge notre conscience et nos
affectivités. Et à un degré plus haut, elle est ce par quoi un homme est à
même de se dépasser en accédant à une forme de création, puisque
toutes nos créations, au sens large, sont un langage », comme l’écrit
François Cheng. C’est bien au moyen de notre langue, et à travers elle,
que nous nous découvrons, que nous nous révélons, que nous
parvenons à nous relier aux autres. « Une langue ne sert pas à
communiquer, elle sert à être », affirme Jacques Berque. C’est dire le
lien profond qui unit la langue et l’identité. Instrument de création, la
langue participe aussi à la création de l’être.

Changer de langue permet ainsi de penser autrement, de se sentir


différent d’une majorité manipulée, mais d’être, finalement, au plus près
de soi, de retrouver confiance dans le langage.
Nié dans sa vérité, dans son être, dans sa vérité, l’écrivain, du côté
d’une parole pleine, active, créatrice, préfère, plutôt que de se réfugier
dans le silence, résister face à une langue figée ; il préfère, non pas fuir,
mais se sauver vers un autre espace de liberté, vers une autre langue.
Le changement de langue est la condition nécessaire pour passer d’une
forclusion totale à la liberté d’expression, à la création.

Activité
Textes à analyser
« S.O.S Langues en danger » P. 330-331
« Le faux bilinguisme » P.338-339

Vous aimerez peut-être aussi