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Compléments à l’inventaire des chars : La route des chars, Aouineght, el-


Gallaouiya et autres sites sahariens. Les Cahiers de l’AARS — N°21 (2020) : 67-
106.

Article · August 2020

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Les Cahiers de l’AARS N° 21 — 2020

N° 21 — 2020
Les Cahiers de l’AARS
Les Cahiers de l’AARS N° 21
Impression : CopyMedia
CS 20 023, 33693 — Mérignac Cedex.
ISSN : 1627-2773

© AARS et les signataires des articles.


Aucun article de cet ouvrage ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie, microfilm,
édition électronique ou tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.
Les avis exprimés n’engagent que les signataires des articles et ne sauraient être considérés comme constituant une
prise de position officielle de l’AARS.

Photos de couverture :
Tad›ast, photo Jean-Loïc Le Quellec.
Niola Doa, photo Yves Gauthier.

Directeur de la publication :
Jean-Loïc Le Quellec

Conseil scientifique :
Paul Bahn, Hull (Grande-Bretagne)
François-Xavier Fauvelle (Paris)
Bertrand Hirsch, CEMAf, Paris (France)
Tilmann Lensen-Erz, Barth Institut, Köln (Allemagne)
Karim Sadr, GAES, University of the Witswatersrand, Johannesburg (Afrique du Sud)

Maquette et mise en page :


Frédérique Duquesnoy, Yves Gauthier, Jean-Loïc Le Quellec
Les Cahiers de l’AARS
N° 21
2020
Table des matières

Jean-Louis Bernezat
Abris peints inédits de l’Ăhélakan occidental (Parc National Culturel du Tassili, Algérie) …………………… 7 

Lorenzo de Cola & Onorina Nadin


Mentuhotep, Tekhebet e Yam ………………………………………………………………………………………… 23 

Frédérique Duquesnoy, Zahéra Souidi & Frédéric-Victor Donzé


Les peintures oubliées de l’oued Ġerat ……………………………………………………………………………… 33

Yves & Christine Gauthier


Des peintures plus anciennes que les peintures archaïques ? Étude d’un site original en Ennedi (Tchad) ……… 49
Compléments à l’inventaire des chars : La route des chars, Aouineght, el-Gallaouiya et autres sites sahariens …… 67

Ulrich Winfried & Brigitte Hallier


Origin, Evolution and Migration of the Tassilian Round Heads and their painted and pecked signs ………… 107

Julien d’Huy
Phylogénie tombale : À propos des rituels d’incubation dans le Sahara néolithique ……………………………… 129
Première mythologie du serpent et art rupestre saharien …………………………………………………………… 135

Jean-Loïc Le Quellec
Fezzāniana 1 : Gravures et peintures de Gaṣr el-Meherig …………………………………………………………… 145

Jean-Loïc Le Quellec & Camille Noûs


Comment chasser la girafe ? ………………………………………………………………………………………… 159

Jean-Loïc Le Quellec & Annie Mouchet


À propos d’un panneau orné de γalanγela qui fit couler beaucoup d’encre  ……………………………………  177

Fabio Maestrucci & Gianna Gianelli


Nuovi monumenti in pietra dell’Ḥammādat al Ḥamrā’ rilevati da immagini satellitari ………………………… 201

Marie Maka
La conservation dans la Tasīli-n-Ăjjer ? …………………………………………………………………………… 221

Alessandro Menardi Noguera


Flocks of sheep in the rock art of the Ennedi (Chad) …………………………………………………………… 229

Maarten van Hoek


Reviewing Assif Kelmt, Morocco …………………………………………………………………………………… 253

Estelle Yven
Oummat el-Ham Bi’r (Nord-Ouest de la Mauritanie) : Une saison de chasse ? ……………………………… 267

András Zboray & Pier Paolo Rossi


The paintings of Soro Kezenanga and Tarchia (Ennedi, Tchad) …………………………………………………… 285

Recensions & réponses …………………………………………………………………………………………………  301 


Carnet …………………………………………………………………………………………………………………… 317
Indications techniques ………………………………………………………………………………………………… 325
Compléments à l’inventaire des chars :
la route des chars, Aouineght, el-Ghallaouyia
et autres sites sahariens

Yves Gauthier et Christine Gauthier *

Résumé : Nous poursuivons l’inventaire des chars saha- Abstract : We are continuing the inventory of the Saha-
riens en présentant des travaux de terrain. En parallèle, ran chariots with field work. At the same time, we are
nous jetons un regard critique sur des chars aberrants taking a critical look at weird and fanciful ones, most
publiés, pour la plupart, sous forme de relevé unique- of which are published only in the form of a survey.
ment. Nous proposons d’en éliminer une centaine, no- We propose to eliminate about a hundred of them, es-
tamment pour les sites d’Aouineght et d’el-Ghallaouyia. pecially for the sites of Aouineght and el-Ghallaouyia.
Nous en présentons soixante-cinq nouveaux provenant We present sixty-five new ones from the countries bor-
des pays riverains de l’Atlantique et du Sahara central. dering the Atlantic and from Central Sahara. Thanks
Grâce à ces documents, nous mettons en évidence des to these documents, we are highlighting new methods
modes d’attelage inédits témoignant d’une créativité of harnessing vehicles, showing unsuspected creativity,
insoupçonnée, et nous publions les premières images and we are publishing the first images showing single
montrant des femmes seules menant des chars. women driving chariots.

Introduction Comme Gabriel Camps l’avait déjà bien expli-


Très en vogue dans les années 1950, la fameuse qué (1989), une simple carte de distribution suffit
route des chars sahariens est un mythe dont l’exis- à réfuter toute idée d’un réseau de routes (pistes)
tence avait été suggérée bien avant (Gautier 1935). des chars à travers le Sahara (Fig. 1). La distribu-
Divers itinéraires transsahariens sont alors dessinés tion des 444 sites à chars connus à ce jour reproduit
sur les cartes de la moitié nord de l’Afrique, prenant presque parfaitement celle de l’art rupestre (6669
appui sur les sites à chars connus à l’époque. Le sujet sites) en terme de localisation et de densité régio-
est manifestement d’importance, puisqu’il donnera nales. Si route il y avait, elle serait ponctuée par des
lieu à nombre d’articles (Mauny 1947 et 1955, du « relais » entre les zones de forte concentration de
Puygaudeau 1966, Lambert 1972) et Henri Lhote, sites rupestres ou entre elles et les côtes méditerra-
dans son ouvrage de synthèse (1982), lui dédiera un néenne et atlantique. Et dans ces relais, on s’atten-
chapitre entier où il expose la genèse de l’idée, et drait à voir au moins quelques figurations de chars.
donne son propre point de vue. En fait, il n’y a rien de la sorte et cela quelque soit

Fig. 1. Carte de
chaleur (densité) des
sites rupestres, tous
thèmes et époques
confondus et sites
à chars (points
500 km noirs). Image
Google Earth.

*yves.gauthier8@wanadoo.fr

Les Cahiers de l’AARS — N°21 (2020) : 67-106.


67
Yves Gauthier & Christine Gauthier

la région considérée. Si l’on persistait dans l’idée semble du Sahara. À cette époque, l’exploration et
qu’il aurait existé une route des chars, celle-ci serait la recherche scientifique au Sahara étaient encore
pareillement celles des girafes, des chameaux, des balbutiantes… et la plupart des découvertes étaient
tifinagh, des bovinés et de divers autres motifs que faites à proximité des grands axes. Une carte éta-
l’on retrouve plus ou moins dans tous les secteurs blie avec ces quelques dizaines de chars reprodui-
rupestres. sait ainsi les itinéraires suivis par les découvreurs,
Dans un autre chapitre de son livre, s’appuyant donnant l’impression d’une route balisée. Comme le
sur l’abondante documentation dont il dispose, montre la Fig. 1, avec plus de 1450 chars répartis sur
Lhote met à mal les travaux de Jean Spruytte. Celui- 444 stations, le scénario n’est plus du tout le même.
ci, qui a pu étudier de près les chars peints de la On pourrait multiplier les exemples (en pui-
région de Tamajert où il était en poste, semble avoir sant pour partie dans nos propres publications)
mal interprété les peintures qui lui ont servi de base sans changer le diagnostic : la vérité scientifique
pour ses reconstitutions et ses essais de différents s’accommode rarement d’une base de données tron-
types d’attelage. quée.
« Quant au mode d’attelage, les timons bien Après déjà trois articles sur le sujet (Gauthier &
visibles arrivent toujours [souligné par nous] der- Gauthier 2011, 2015, 2019), nous revenons encore
rière la tête et, confirmant cette position, en parti- sur la matière. Ce qui, avec une analyse superfi-
culier à Tamajert, les extrémités courbes des jougs cielle, pourrait passer pour de l’acharnement n’est
dépassent de part et d’autre de la tête des bêtes. en fait que la poursuite d’un objectif très clair : éta-
D’après ces figures, il s’agissait indiscutablement blir une base photographique solide et aussi com-
d’un joug d’encolure […] Pourquoi, devant des plète que possible de données relatives aux chars,
détails aussi nets, J. Spruytte a-t-il nié l’existence pour réduire au mieux les erreurs ou déductions
d’un véritable joug et a-t-il proposé une barre de trop hâtives s’appuyant sur une documentation
traction s’appuyant sur le poitrail… ? » (Lhote 1982 : insuffisante.
71-72).
Établir un tel inventaire passe bien entendu par
Lhote a raison pour ce qui concerne certaines des recherches de terrain sur les zones pas ou peu
peintures de Tamajert ou d’autres  sites du Sahara exploitées jusque-là, par des visites sur des sites
central : on y voit des timons qui, manifestement, déjà bien connus — tout n’y a pas été vu et/ou pho-
aboutissent à l’encolure des tractionneurs. Par tographié — ou encore par une plongée dans les
contre, la généralisation qu’il opère est certainement documentations photographiques accumulées par
indue. À Ano Mellen par exemple (Fig.  2), la barre divers voyageurs sahariens et contenant des iné-
d’attelage est clairement sous les museaux, en avant
dits. Une part tout aussi importante, voire même
du poitrail, et le timon est caché par le corps des
cruciale, consiste en une analyse critique des don-
chevaux sans reparaître au niveau de l’encolure : il
nées publiées il y a plus de cinquante ans et dont
s’agit indiscutablement d’un attelage sous-jugulaire,
beaucoup ne fournissent aucune photo, l’essentiel
conforme à ce que Spruytte proposait.
des illustrations se résumant à des relevés quand ce
Si Lhote avait disposé de ce document (décou- n’est pas à de simples croquis faits à main levée et
vert bien après la parution de son livre), il n’aurait d’une fiabilité plus que douteuse.
certainement pas contredit les conclusions de
Dès lors que l’on s’intéresse aux chars, à leur
Spruytte. Soulignons qu’à propos de queues cou-
technologie, à leur origine, à leur position chrono-
pées et reprenant les propos de Camps, Lhote pointe
lui-même le doigt sur l’insuffisance de la docu- logique et à d’éventuelles diffusions ou influences
mentation de Spruytte pour conclure valablement extérieures, il est inévitable de se pencher sur le
(Lhote 1982 :68). contenu des publications relatives aux stations qui
en comportent le plus et de s’interroger sur leur
De même, en 1950, soit juste avant la sortie
pertinence. Le site à gravures d’Aouineght (Mau-
de l’article de Monod et Cauneille et du premier
ritanie) joue un rôle majeur dans les domaines de
inventaire des chars (1951), les chercheurs connais-
l’art rupestre saharien et plus spécialement de la
saient au plus une cinquantaine de chars pour l’en-
charrerie car il est, après Taouz (Maroc) et l’oued
La’ar (Algérie) le troisième par ordre d’importance
quantitative (Gauthier & Gauthier 2011). Selon les
auteurs des deux seuls articles portant sur ce banc
Fig. 2. Ano Mellen.
Les timons cachés
rocheux, il comporte(rait) 105 chars gravés (Monod
par le corps des & Cauneille 1951) et 377 autres gravures (Lhote
chevaux et la barre 1957). À l’époque de sa publication, Aouineght
d’attelage mani- était, de loin, le site sur lequel on avait relevé le plus
festement sous- de chars : cela représente environ le double de ce qui
jugulaire excluent était alors connu pour tout le Sahara. Ce bond quan-
totalement une
fixation sur l’enco-
titatif est certainement ce qui a motivé Théodore
lure. Photo T. B. Monod à établir ce qui est alors le premier inven-
taire des chars sahariens.

68
Compléments à l’inventaire des chars

Les données relatives à Aouineght sont cepen- une badine en main. Nous avons évoqué à ce propos
dant entachées de ce défaut majeur et classique pour la représentation possible de scènes de débourrage
les années 1950-1980 et signalé plus haut : l’inté- et d’entraînement en vue de l’attelage (Gauthier &
gralité des gravures y est présentée sous forme de Gauthier 2019). D’autres documents viennent affi-
schémas. Il est quasi certain que Monod et Lhote ner notre interprétation et contribuent d’une part à
n’ont jamais visité ces rochers  et qu’ils ont rédigé préciser l’aire de distribution de ce thème, et d’autre
leurs contributions avec les seules notes et croquis part à affiner son calage culturel et chronologique.
fournis par Cauneille 1. 1. « Nous devons au
Nous terminerons par des commentaires géné-
capitaine Cau-
Dans deux contributions précédentes (Gau- raux sur l’état actuel de l’inventaire et sur les actions neille un important
thier & Gauthier 2011 et 2019), nous avons expli- à entreprendre, notamment en matière de révision matériel rupestre,
qué notre perplexité à la vue de certains de ces d’autres données anciennes. qu’il releva près des
croquis et devant le fait que l’on puisse considérer Des cartes de localisation sont proposées en “ oglats ”  d’Aoui-
comme chars des motifs sans rapport aucun avec neght, dans lequel
annexe.
figurent, en particu-
un véhicule à traction animale : ils ont été retenus,
Chars et autres gravures d’Aouineght lier, 105 schémas de
par Cauneille, le découvreur et dessinateur, puis par chars. Ces derniers
Monod et Lhote. D’autres après eux (Vernet 1993 ; En novembre 2016, des conditions météo très nous sont connus
Vernet & Ould Mohamed Naffé 2003), ont visible- mauvaises et un terrain détrempé, avec sables par une publication
ment oublié eux aussi tout sens critique en repro- mouvants et zones inondées à l’approche, ne nous du Pr. Monod, qui
duisant sans discussion le bilan chiffré et tout ou avaient pas laissé le loisir d’explorer correctement avait fait part de
partie de ces dessins, dont certains sont délirants. le banc d’Aouineght. Néanmoins, nous avions rapi- cette étonnante
dement réalisé que les gravures étaient bien moins découverte au
C’est la raison pour laquelle nous sommes allés sur Congrès panafricain
place à deux reprises pour a/ prendre la mesure du nombreuses que dans les planches de Cauneille. de préhistoire de
problème, b/ faire une couverture photographique À ce stade, il importe de rappeler que ces Nairobi, en janvier
du site et finalement c/ comparer notre inventaire à planches contiennent des animaux et chars informes 1947. Le reste s’est
ceux de Monod et Lhote. et à tout le moins surprenants, suggérant une mani- trouvé inédit par
festation de paréidolie qui aurait frappé le dessina- suite des difficultés
Avec soixante-quatre chars (Vernet 1996), le site de publication inhé-
d’el-Ghallaouyia, dans l’Adrar mauritanien, vient en teur, en l’occurrence le capitaine Cauneille. rentes à l’époque
quatrième position par le nombre d’éléments annon- Par ailleurs, alors que nous avons observé quatre d’après guerre. »
cés, soit juste après le site d’Aouineght. Il était donc chars inédits, nous avons été incapables de retrouver (Lhote, 1957).
assez naturel de s’y intéresser et de lui consacrer
une visite d’autant plus nécessaire que ces chars, à
quelques rares exceptions près, n’étaient publiés que
sous forme de relevés. Comme à Aouineght, mais à
un bien moindre degré cependant, nous avons mis
en évidence des écarts notables entre les dessins et
la réalité. Par ailleurs un balayage, incomplet, du
site nous a permis de relever quelques manques.
La première partie du présent travail est une
synthèse des observations relatives aux chars faites
récemment sur ces deux sites et sur celui de Rkeiz.
Nous expliquons notamment pourquoi nous éva-
cuons de la liste la quasi-totalité des chars recen- oglats
sés par Cauneille à Aouineght et certains autres du
canyon d’el-Ghallaouyia publiés par Vernet.
Grâce à l’aide de nombreux voyageurs sahariens
(la plupart membre de l’AARS), nous avons pu élar-
gir notre base de photos et compléter nos informa-
tions sur les chars et sur leur localisation. Ces don-
nées nouvelles ont permis de contrôler une bonne
partie de l’inventaire des chars établi par Lhote
(1982) qui n’est pas exempt d’erreurs ni d’omissions. Fig. 3. Aouineght.
Le banc rocheux et
Outre une trentaine d’autres exemplaires inédits, la zone à gravures
nous en avons aussi extrait des photos de chars indiquée par
connus uniquement sous forme de relevés  ou signa- Monod & Cauneille
lés aux détours d’une publication sans jamais avoir (1951). Les oglāt se
été illustrés. C’est ce que nous développons dans la trouvent à l’inter-
Oummat el Lham
deuxième partie de cet article. section du relief et
de l’oued Aoui-
Dans une troisième partie nous revenons sur neght (25°42’18"N,
un groupe de figurations montrant des bovinés au 2 km 17°44’11"O). Source
galop, tenus en longe par des personnages en course, de l'image : Bing.

69
Yves Gauthier & Christine Gauthier

dépasse de quelques mètres à peine la plaine envi-


ronnante. Ce talus rocheux, coupé par l’oued Aoui-
neght au tiers de sa longueur, s’étire en direction du
sud-sud-ouest avant de s’incurver vers le sud puis le
sud-sud-est (Fig. 3). Sur l’essentiel de la longueur,
Fig.  4. Vue partielle
du relief d’Aoui-
il est relativement étroit (environ vingt-cinq mètres)
neght montrant et ne s’élargit franchement que vers ses extrémités.
l’arrangement La nature de la roche, du cipolin très dur,
et la dimension explique que cette strate ait mieux résisté à l’érosion
des dalles. que les grès environnants, et qu’elle émerge au-des-
Novembre 2016. sus de la plaine. Sur le relief, la roche apparaît sous
ne serait-ce qu’une partie des 105 chars de Monod et forme de dalles horizontales plus ou moins jointives
Cauneille. Nous avions conscience d’avoir raté une (Fig. 4-6) Leur surface, généralement brillante au
partie des gravures : le bilan de cette visite n’était soleil (Fig. 5) présente des zones relativement planes
pas satisfaisant et certainement trop incomplet pour et lisses et d’autres où se mêlent aspérités, micro et
conclure valablement même si notre conviction était méga-cupules ainsi que traits ou sillons irréguliers
faite (Gauthier & Gauthier 2019). d’érosion : si l’on n’est pas attentif, certains de ces
défauts naturels pouvant passer pour des traces
En raison des questions très gênantes soulevées
anthropiques perturbent la lecture des gravures. Par
par ces deux publications et de la mise en cause
ailleurs, la dureté du cipolin explique que les traits
directe de deux chercheurs renommés, il nous a
soient généralement peu profonds, ce qui augmente
paru impératif de retourner sur le site pour y mener encore les difficultés à faire la part de ce qui est
des recherches plus poussées que la fois précédente : naturel ou anthropique. Last but not least, la patine
c’est ce que nous avons fait en décembre 2018. des sujets est généralement très foncée, voire totale,
Les sections suivantes, y compris celles concer- si bien qu’on peut facilement passer à côté d’une
nant el-Ghallaouyia et Rkeiz, ont fait l’objet d’un gravure sans la voir, surtout si la lumière et la posi-
exposé lors de la réunion annuelle de l’AARS en tion du soleil ne sont pas favorables. Nous insistons
mai 2019 à Crémone, juste avant la distribution du sur ces paramètres, car ils ont pu avoir un impact
numéro des Cahiers de l’AARS contenant notre non négligeable sur la qualité et la quantité de don-
article précédent. nées collectées.
Contexte et conditions de recherche Lors des deux séjours, avec bivouac sur place,
L’oued Aouineght se trouve aux confins mau- nous avons bénéficié de conditions très diverses,
ritaniens, à environ cinquante-cinq kilomètres au avec soleil rasant le matin ou en fin d’après midi,
nord-nord-ouest de Bir Moghreïn (voir carte de soleil au zénith, ou encore soleil voilé par un vent
localisation en fin d’article, Fig. 139). de sable en 2016. En 2018, les dalles étaient débar-
Les gravures indiquées par Cauneille (Monod rassées de la couverture argileuse qui, en 2016,
& Cauneille 1951) sont situées sur un relief qui recouvrait partiellement la zone autour de la cluse

Fig. 5. Le banc
rocheux et une mare
résiduelle (oglat)
à son intersection
avec l’oued Aoui-
neght, en décembre
2018. Vue en direc-
tion du SSE avec,
à gauche, le massif
d’Oummat el-Lham.

Fig. 6. Le même
banc rocheux et la
cluse ennoyée en
novembre 2016.

70
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  8. Emplace-
ment des gravures 
sur le banc d’Aoui-
neght. Chars (bleu),
autres (rouge), sujets
identifiés dans les
publications de
Monod & Cauneille
1951 et Lhote 1957
(vert). Limites de
1 km nos prospections :
lignes blanches.

Fig. 9. Idem. Détail


dalles en cipolin de la zone de plus
haute densité, autour
de la cluse et des
oglāt. Le décalage
des points résulte
d’une géolocalisa-
tion approximative
des images en
O. Aou

moyenne résolution
de Google Earth©.
Toutes les gravures
ineght

identifiées (vert)
200 m sont regroupées
autour de la cluse.

(Fig. 4-6). Nous avons pu vérifier qu’il n’y a pas nous a laissé qu’un temps limité pour les prospec-
de gravures sur le passage de l’oued (sous l’eau en tions et nous n’avons pu couvrir l’intégralité de la
2016), ou bien elles ont disparu du fait de l’érosion. zone marquée par Cauneille,
Anticipant sur une possible et légitime question, En 2016, le quadrillage du site a été effectué par
nous pouvons affirmer que nous nous trouvions au quatre personnes pour une partie et par des équipes
bon endroit, sur le site visité par Cauneille : d’une de deux pour une autre. Du fait des conditions
part, nous avons pu identifier des motifs inclus dans météo et pour des raisons de sécurité, la recherche
les planches publiées (voir plus loin) et d’autre part, a été restreinte aux secteurs les plus proches des
nous étions bien à proximité du cimetière islamique oglāt. En 2018, nous avons exploré un total de cinq
indiqué sur le croquis de localisation de Cauneille. kilomètres, dont les zones déjà prospectées en 2016
Notre inventaire s’appuie sur un peu plus de (Fig. 8-9).
trois cents clichés de 24 mégapixels. Ils ont pour Dans la partie centrale (Fig.  9), nous nous
l’essentiel été géolocalisés à quatre ou cinq  mètres sommes retrouvés à six personnes, chacun des
près, avec deux ou trois GPS indépendants (un deux kilomètres le plus au sud étant couverts par au
sur appareil photo et un ou deux portables). Pour moins trois personnes. Comme en 2016, nous avons
quelques-uns, les coordonnées sont interpolées et balayé le relief avec un trajet en zigzag, et des allers-
sont situées à dix ou vingt mètres  près. Cette préci- retours. Sur les 500 à 600 m au nord des oglāt, le
sion est bien suffisante à l’échelle des cartes et pour balayage a été effectué par six à huit personnes
les discussions ci-dessous. selon les endroits. Une incursion rapide un peu au-
Précisons encore que les images Google Earth© delà n’a pas mis de gravures en évidence.
sur ce secteur sont en moyenne résolution : elles Le bilan global de ces deux séjours est présenté
souffrent d’un décalage pouvant atteindre trente plus loin, et ce qu’il faut retenir, c’est que nous
mètres : c’est la raison pour laquelle nos points sont avons inventorié une fraction très importante de
légèrement en dehors du banc rocheux (Fig. 8-9). ce qui existe. À plusieurs, sur un banc rocheux de
vingt-cinq à quarante mètres de large, la probabilité
Zone couverte par les recherches de manquer des gravures est assez faible. Cela ne
et fiabilité des inventaires signifie pas que nous avons tout vu : comme expli-
Selon Monod & Cauneille, il y aurait des gra- qué supra, les gravures sont difficiles à détecter et,
vures sur l’intégralité du banc rocheux (1951 : 182 indépendamment des phénomènes d’inondation qui
et Fig. 3). Avec le coude à son extrémité sud, celui- intéressent surtout le voisinage des oglāt, certaines
ci s’étire sur environ dix kilomètres. Le cadre de dalles, notamment en limite ouest, sont ensablées
recherche — accompagnement d’un groupe — ne de manière aléatoire.

71
Yves Gauthier & Christine Gauthier

1
98 2 3

6
7
5

9
10 55 11

14
77
12
13

16 83
Fig. 10. Relevés des
chars d’Aouineght. 15
Échelle commune
sauf n°2. Les numé-
ros en rouge sont
ceux déjà publiés
(Gauthier 2019).
Les sept croquis
de Cauneille sont 10
identifiés par leur 47
numéro originel 18 19 21
(en vert) à côté de
nos propres relevés.
Voir les photos
sur Fig. 12 à 27. 8
17
20 56
23 22

24

Cependant, plus de trois kilomètres et demi ont de panneaux est approximativement constante et
été l’objet d’une double et, pour certains secteurs, faible sur les deux tiers sud du parcours. C’est seule-
d’une triple visite, dans des conditions d’éclairage ment de part et d’autre et à proximité des oglāt que
différentes : cela atténue sérieusement la force de cette densité devient notable (Fig. 9). Nous tenons à
cette dernière remarque et les conclusions géné- souligner que les rares gravures identifiées sur les
rales restent valides. En résumé, les données col- dessins de Cauneille sont toutes localisées sur une
25 lectées devraient refléter assez bien la réalité pour zone encore plus restreinte, d’un kilomètre de long
les parties visitées.
Fig. 11. Relevés sur environ (en vert sur les Fig. 8 et 9). Puisque nous
photo de trois autres Localisation des gravures n’avons procédé à aucun tri préalable, cela laisse
chars. Voir texte. Nous avons relevé des gravures partout sauf aux entendre que tous les sujets (105 chars et 377 autres
deux extrémités (Fig.  8). On constate que la densité gravures) relevés par Cauneille viennent essentielle-

72
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  12. Char n°1


à timon unique.
Fig.  13. Char n°2
à timon unique.

Fig.  14. Char n° 3 à


timon unique et joug
ou barre d’attelage.
Fig.  15. Char
n°4 à plateforme
semi-circulaire.

Fig.  16. Char n° 5


à timon unique  (?)
et plateforme
quadrangulaire.

Fig. 17. Char n° 6.


Timon unique
et plateforme
semi-circulaire.

Fig. 18. Char
n° 7, tiré par un
quadrupède.
Fig. 19. Chars n° 8
et 17. Les cupules
naturelles entre
les timons ont été
intégrées au dessin
par Cauneille (voir
Fig. 10 n°10).

Fig.  20. Char n° 9.


Timon unique
et ébauche de
plateforme.

Fig.  21. Char n°10.


Timon unique et
joug courbé.

73
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  8. Char n° 11.


Timon unique
et joug à double
courbure.
Fig.  23. Chars
(biges) n° 13 et 15
à timon unique.

Fig.  24. Char n°14.


Timon unique
joug et plateforme
semi-circulaire.
Fig.  25. Char n° 16.
Timon unique,
roues rayonnées et
traction par deux
quadrupèdes.

Fig.  26. Char
n° 19 à double
timons fermés.
Photo J. Audoin.
Fig.  27. Char n° 20.
Les trois animaux
tirant ce char ont
été interprétés
comme des timons
par Cauneille
(voir Fig. 10, n° 56.
Photo J. Audoin.

Fig.  28. Bovidé.
Photo J. Audoin.
Fig.  29. Bovidé.
Photo J. Audoin.

Fig.  30. Félin ?
Photo J. Audoin.
Fig.  31. Mouflon ?
Photo J. Audoin.

74
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  32. Boviné.
Photo J. Audoin.
Fig.  33. Bovidé.
Photo J. Audoin.

Fig.  34. Boviné.
Photo J. Audoin.
Fig.  35. Boviné
à robe compar-
timentée.

Fig.  36. Boviné.

Fig.  37. Autruche
en course, tête
vers l’arrière.

Fig.  38. Autruche
penchée en avant.
Fig.  39. Personnage
et motifs ovaloïdes.

75
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  40. Qua-
drupède et deux
autruches ?

Fig.  41. Girafe
et quadrupède.
Photo J. Audoin.
Fig.  42. Éléphant.

Fig.  43. Bovidé.
Fig.  44. Qua-
drupède.

Fig.  45. Girafe.
Fig.  46. Boviné (?).

Fig.  47. Trois
cercles centrés et
deux quadrupèdes
pectiniformes.
Fig.  48. Le relevé
correspondant du
supposé « char
n° 84 » de Cau-
neille. Noter l’ajout
de deux cercles
et une disposi-
tion différente.

76
Compléments à l’inventaire des chars

ment (exclusivement ?) de cette zone centrale, et que de Cauneille (voir encarts sur les Fig.  29 à 54), les
la zone indiquée dans la publication de 1951 (voir 157 autres ne figurant pas dans ces deux publica-
Fig. 1) est probablement une simple extrapolation. tions. Soit les dessins à main levée sont trop som-
Ainsi s’expliquerait l’incompréhensible absence, maires et peu fidèles et nous n’avons pas reconnu les
dans ces publications, de gravures impossibles à sujets, soit ces 157 gravures sont inédites.
rater et situées en dehors de cette zone restreinte. Dans la première hypothèse (gravures pré-
Notons encore que la plupart des vrais chars sentes dans les publications mais pas identifiées), il
répertoriés dans ce travail sont regroupés dans cette manquerait (460-175=) 285 gravures. Dans la deu-
même zone, vers les oglāt. Sans surprise, c’est le cas xième, ce sont (460-18=) 442 gravures qui seraient
aussi des monuments qui sont concentrés dans les absentes, soit la quasi-totalité. Tout aussi perturbant
quatre cent premiers mètres de part et d’autre des est le fait que, parmi les 175 que nous avons réper-
points d’eau. toriées, des dizaines de gravures bien visibles et au
sujet parfaitement identifiable n’apparaissent pas
Inventaire des gravures
dans les croquis de Cauneille.
Nous avons insisté à dessein sur la qualité des Un constat similaire est de mise pour les chars.
gravures, sur la nature du support et sur les effets de Monod & Cauneille en annoncent 105 alors que
l’érosion particulière des dalles de cipolin. Si beau- nous n’en avons relevé que 22, répartis sur 18 pan-
coup de gravures sont parfaitement intelligibles, neaux  (Fig. 10-27). À ceux-ci, il faut en ajouter trois
en dépit du tracé parfois approximatif et grossier autres, photographiés par Jean Sougy (in Vernet
des sujets, il reste une quantité non négligeable de 2014), qui nous ont échappé ou se trouvent dans
traits et d’impacts, d’origine manifestement anthro- une zone que nous n’avons pas explorée (Fig.  11).
pique, dont nous ne savons que faire. Mal définis, Sur ces 25 chars, nous en avons identifié 7 seule-
en apparence incohérents et mélangés avec ces ment dans les dessins de Cauneille. Soit il manque
innombrables traces d’érosion, il est bien délicat 80 chars (si les 25 photographiés sont présents dans
de leur attribuer un sens (ce qui ne veut pas dire les planches mais n’ont pas été reconnus) soit il en
qu’ils n’en ont pas), la patine, généralement totale, manque 98 dans l’hypothèse où 18 de ces 25 chars
ne contribuant pas à une amélioration de la lecture. sont inédits.
Il nous est très vite apparu que cette confusion entre Il y a donc une différence abyssale entre ce que
marques d’érosion et traits anthropiques pouvait nous avons pu observer et ce qui apparaît dans les
être à l’origine de nombre des croquis de Cauneille croquis de Cauneille. N’étaient ces quelques motifs
qui a crû y reconnaître les animaux difformes, identifiés dans les planches, on pourrait croire que
les chars bizarres et les autres motifs étranges qui nous parlons d’un site qui n’a rien à voir avec Aoui-
figurent dans les deux publications. neght. Pourtant, comme expliqué auparavant, le
Notre inventaire se limite donc aux motifs d’ori- contexte ne laisse place à aucune ambiguïté.
gine manifestement anthropique et intelligibles Diverses possibilités s’offrent alors pour rendre
pour les divers observateurs présents. compte de ce désaccord et de ces absences qui sont
Des figures indéterminées et d’interprétation tout sauf anodines :
hautement discutable n’apportent rien au débat, quel 1/ les 366 (voire 540) gravures manquantes sont
que soit le thème (voir Le Quellec & Mouchet 2020 toutes dans les zones que nous n’avons pas visitées ;
dans ce volume), et leur seul impact est quantita- 2/ certaines se cachent dans les quelques
tif : cela gonfle artificiellement les inventaires, au dizaines de panneaux couverts de traits et pique-
même titre que des cercles isolés, rayonnés ou non, tages incompréhensibles ;
et considérés comme roues (de secours ?) viennent
3/ nous avons raté l’essentiel des gravures ;
augmenter artificiellement et inutilement le nombre
de chars (Gauthier & Gauthier 2019 et voir aussi 4/ une majorité de ces gravures résulte d’une
notre réponse aux commentaires de Dupuy dans ce interprétation trop poussée des aspérités et traits
même volume). naturels des dalles.
Une combinaison de ces quatre hypothèses est
Comparaison avec les données également possible.
de la littérature et paréidolie
La première possibilité est cependant la moins
Quantitativement, notre inventaire est bien probable compte tenu de la localisation de tous les
moins important que ceux de Monod-Cauneille sujets reconnus dans les dessins de Cauneille, juste
pour les chars, et de Lhote pour les autres thèmes. autour de la cluse (Fig.  8-9). La deuxième explique-
Si l’on prend en compte une double numérota- rait l’absence d’une petite partie seulement des gra-
tion pour une planche complète de dessins et l’oubli vures et pas celle, dans les planches de Cauneille,
de quelques autres, le nombre total de gravures de gravures importantes et parfaitement visibles
autres que des chars s’élève en réalité à 460 dans la reconnues dans le même secteur.
publication de Lhote (1967). Trois faits décisifs permettent d’écarter la
Pour notre part, nous en avons répertorié seule- troisième hypothèse ou ne lui laissent qu’une très
ment 175, réparties sur 108 panneaux. Parmi celles- faible probabilité : a/ à plus de deux kilomètres des
ci, 18 seulement sont identifiables dans les dessins oglāt la densité de gravures devient très faible ;

77
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig. 49. Boviné
à robe compar-
timentée.
Fig. 50. Bovidé.

Fig. 51. Antilope
à long cou.

Fig. 52. Motif
énigmatique.

Fig. 53. Éléphant ?

Fig. 54. Bovidé,
motif en forme
d’haltère et autres
traits et piquetage.

Fig. 55. Personnage
à tunique évasée
avec un objet ovale
attaché à la ceinture.

Fig. 56. Aoui-


neght. Girafe ?

78
Le site d’Aouineght revisité

b/ les zones restées inexplorées sont précisément exemples de relevés indiquant un nombre erroné de
les plus éloignées des oglāt. La probabilité d’y timons. Ces erreurs ne sont pas anodines car elles
trouver des centaines de gravures est très faible. peuvent entraîner des chercheurs sur de fausses
c/ toutes les gravures que nous avons identifiées pistes (Gauthier & Gauthier 2019 : 42).
dans les croquis de Cauneille sont regroupées vers Pour la plupart (20), les chars sont dételés.
les oglāt. Quatre chars à timon unique sont tractés par deux
Doublée d’un manque de vigilance de la part de animaux ou un seul. Dans ce dernier cas, la posi-
Monod et Lhote quant à la pertinence des dessins, tion asymétrique de l’animal laisse penser qu’il
la quatrième hypothèse, une paréidolie de la part de s’agit probablement d’un bige là aussi. Les dessins
Cauneille, est la plus plausible, en association avec sont trop petits et trop sommaires pour déduire l’es-
une collection des données sur quelques centaines pèce des tractionneurs. Un seul char à deux timons
de mètres seulement de part et d’autre des oglāt. (n° 20) est attelé en trige, comme expliqué ci-dessus.
Notre conclusion est renforcée par les observa- Des plateformes rectangulaires, placées elles
tions d’un autre groupe de dix visiteurs qui, notre aussi en avant de l’essieu, sont figurées pour deux
article de 2019 en main, ont visité le site en février des chars à double timon.
2020. Leur guide, un habitant de Bir Moghreïn qui Comme il est fréquent pour les chars gravés, les
connaît bien la région et ce banc rocheux d’Aoui- roues sont généralement sans rayons et seuls trois
neght, se demandait même ce qu’ils venaient faire d’entre elles en comportent.
là où il n’y a (quasiment) rien à voir. L’un d’entre Tous les éléments de construction figurés sur ce
eux nous a expliqué être arrivé exactement au même site reprennent des schémas connus et recensés sur
constat (« enfumage de la part de Cauneille ») mais de nombreux sites sahariens.
cet avis n’est pas partagé par tous ces visiteurs (voir
Au plan technique, il y a une grande homo-
Annexe).
généité : tous les chars sont piquetés avec cepen-
À ce stade, sans chercher à être exhaustif, il dant quelques traits partiellement polis. Les dalles
nous paraît nécessaire de donner une meilleure idée sont toutes faites du même matériau et ont toutes
du contenu de ce site, afin de corriger les erreurs et la même orientation . En première approximation,
de lui accorder la place qu’il mérite dans le contexte la variabilité des patines peut donc être utilisée
saharien. comme un indice chronologique relatif à l’échelle
Les gravures de chars du site. Elles s’échelonnent de 3 à 5 sur une échelle
Comme spécifié plus haut, nous avons catalogué de 5 (patine totale), et reproduisent grosso modo
vingt-cinq chars dont les relevés sont regroupés sur celles des animaux voisins, bovinés compris. Une
les Fig.  10 et 11. Des photos (Fig. 12-27) sont aussi fois rectifié, cet inventaire des chars rétrograde
proposées pour ceux qui n’ont pas été déjà illustrés Aouineght au cinquième rang par ordre quantitatif
dans notre article précédent ou dans celui de Vernet derrière Taouz, l’oued La’ar, el-Ghallaouyia et Bou-
(2014). Quitte à être répétitifs, nous rappelons qu’un lakouas (voir tableau in Gauthier & Gauthier 2011).
relevé n’est qu’une aide à la lecture, les photos étant Les autres gravures d’Aouineght
plus proches de la réalité. Comme pour les chars, les autres gravures
Un classement sommaire peut être opéré en (Fig.  28-56) exhibent des patines totales ou très
fonction du nombre de timons. Dix-huit chars prononcées ; il y a très peu de sujets à patine claire.
(n° 1-16 et 23-24) sont équipés d’un simple timon. La technique très majoritaire est le piquetage. Une
Onze d’entre eux sont munis d’une barre d’attelage partie des sujets est à surface endopérigraphique
rectiligne ou d’un joug à double courbure. Semi-cir- bouchardée (ex. : Fig.  39, 53). Nous présentons une
culaires ou quadrangulaires, les plateformes, larges sélection seulement de ces 175 gravures, prises
comme la moitié de l’essieu, sont toutes placées en parmi les plus lisibles. Quelques autres sont pro-
avant de celui-ci. posées dans notre précédent travail (Gauthier &
Les sept autres chars (n° 17-22, 25) possèdent Gauthier 2019). Lorsqu’un croquis de Cauneille a
deux timons avec une barre d’attelage à leur extré- pu être identifié, nous l’avons rajouté sur la photo
mité ou légèrement décalée vers l’essieu. Aucun des correspondante. Nous n’avons pas effectué de
chars n’a plus de deux timons. décompte précis, mais les quadrupèdes sont très
Comme on peut le vérifier sur photo, le trige majoritaires : antilopes, bovidés, bovinés dont cer-
n°  20 n’a que deux timons et pas cinq comme mon- tains sont compartimentés, éléphants (un certain et
tré sur le dessin de Cauneille (Fig. 10 et 27). Ce der- un autre probable), des girafes et un possible félin
nier a pris les trois animaux de trait, figurés par de (Fig. 30). Les anthropomorphes sont très rares (deux
petits segments perpendiculaires à la barre d’atte- seulement). Outre des motifs énigmatiques, et des
lage, pour des timons supplémentaires. Une telle cercles concentriques, on relève encore des cercles,
erreur est fortement préjudiciable à l’analyse des centrés ou non, dont une partie a été « transformée »
parties techniques et du mode d’attelage (bige, trige, en chars par Cauneille (Fig. 47-48).
quadrige), induit des distorsions dans le classement Puisque, avec d’autres sujets, ils ont été repris
typologique et modifie les statistiques ainsi que les dans la littérature  (Vernet 1993 : 136 ; Vernet et al.
cartes de distribution. Nous avons produit d’autres 2003 : 34) et pour éviter une contamination plus

79
Yves Gauthier & Christine Gauthier

récusés

Fig. 57. Les chars d’el-Ghallaouyia avec


l’indexation originale par panneaux.
(Vernet 1996). En l’absence de photos
et compte tenu de leur aspect, dix sont
récusés et trois sont classés comme
douteux. Parmi les 48 chars acceptés,
trois au moins (en rouge) font l’objet
d’une autre lecture (voir plus loin).

douteux

80
Compléments à l’inventaire des chars

Fig. 58. El-Ghal-
laouyia. Les chars
du panneau 170 de
Vernet dont un à
deux timons fermés
(en bas à droite). À
gauche et en haut,
notre photo et notre
relevé montrant
deux chars à timon
unique, plate-
forme en avant de
l’essieu et arceaux/
boucles en arrière
de celui-ci. Des
traits parasites ont
Vernet 1996 :131 été incorporés au
dessin de Vernet.

générale, il importe de souligner que nous n’avons sons que celles exposées pour Aouineght, il nous
pas retrouvé les « cinq bœufs porteurs harnachés  » a paru bon de nous rendre compte de la réalité.
identifiés par Lhote (1957:621) : ils font très proba- Sur les soixante et un chars réellement dénombrés,
blement partie des gravures « inventées » par Cau- cinq seulement ont été illustrés avec des photos, les
neille. Alors que Lhote a été capable d’identifier des autres n’étant figurés que sous forme de relevés.
chevaux (1957 : n°621 et 624) — on se demande bien La visite n’a pas été inutile puisque, parmi les
comment compte tenu de la précision anatomique dessins proposés, nous avons constaté, là aussi,
des tracés de Cauneille et sans parler de leur carac- quelques défauts notables méritant d’être signalés.
tère paréidolique — nous sommes bien en peine de Par ailleurs, nous pensons avoir trouvé d’autres
trouver le moindre équidé dans les quadrupèdes chars inédits.
représentés. En d’autres termes, comme sur d’autres Pour simplifier la discussion et la comparaison
sites de la façade atlantique, les chars se fondent avec nos photos, nous avons distribué les chars
dans un univers où le cheval est absent, ce qui, selon de Vernet en trois sous-ensembles : ceux qui nous
toute vraisemblance, laisse pour seule possibilité la paraissent acceptables (au nombre de 48), trois qui
traction par des bovinés 2. nous paraissent douteux, et enfin ceux, une dizaine,
Autre élément décisif pour une classification que nous rejetons (voir Fig.  57). 2. Sur ce sujet,
et un cadrage chronologique de ces gravures, l’ab- Pour cette dernière catégorie, on se demande voir citations et
sence de tifinagh sur l’ensemble du site et même en effet comment on peut qualifier de char des
références dans
dans toute la région alentour. Dans un rayon de choses informes de la sorte ou des motifs tellement
la discussion en
soixante-quinze kilomètres autour d’Aouineght, simples qu’ils peuvent figurer tout et n’importe quoi,
annexe de Gauthier
nous ne connaissons que quatre sites seulement y compris des pièces de chars tels des fragments
& Gauthier 2019, et
voir aussi notre ré-
avec des inscriptions, souvent très courtes, ou par- de timons et/ou de barre d’attelage. Certains de ces ponse à Dupuy dans
fois des caractères isolés. C’est seulement à l’ap- « chars » ont des « roues » dans de telles positions ce présent numéro.
proche de la Seguia el Hamra au nord ou à plus qu’on peine à y reconnaître un véhicule… à moins
de trois cents kilomètres vers le sud et le sud-ouest qu’on ne soit en présence de chars accidentés ? Et
que l’on observe une densité notable d'inscriptions pour certains (n° 160 par exemple), leur proximité
(Fig.  139). De même, nous n’avons pas trouvé le
avec de « vraies » représentations de chars n’en fait
moindre chameau, espèce peu représentée dans la
pas pour autant des documents valables et exploi-
région.
tables pour une quelconque analyse.
Les chars d’el-Ghallaouyia Parmi les chars que nous avons pu observer et
Autre site quantitativement important lui aussi photographier, nous relevons bien des détails qui
pour l’étude des chars, el-Ghallaouyia (Vernet 1996) diffèrent de la réalité picturale. Pour une large par-
se situait, à l’époque de notre premier décompte tie, cela ne remet pas en cause la lecture et l’exploi-
(Gauthier & Gauthier 2011) en quatrième position tation pour des analyses statistiques. Pour d’autres
avec soixante-quatre chars. Pour les mêmes rai- en revanche, les relevés distordent les faits et donc

81
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Vernet 1996 :121

Vernet 1996 :131

Fig.  59. El-Ghal-


laouyia. Les deux
versions du char du
panneau 190 selon
Vernet. À droite,
photo du même
char et notre relevé.
Photo J. Audoin.

Vernet 1996 :130

Fig. 60. El-Ghal-
laouyia. Le char
du panneau 118 de
Vernet. Le cocher
et les deux guides
qu’il tient en main
apparaissent res-
pectivement comme
un élément de pla-
teforme dépassant
sur l’arrière (ou un
arceau) et comme
timons supplémen-
taires. Noter aussi
l’absence de la
barre d’attelage.
À droite et en bas,
photo du même char
et notre relevé.

82
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  61. El-Ghal-


laouyia. Bige à
timon unique et
plateforme en
avant de l’essieu.
D’autres motifs
surchargent l’essieu
et la plateforme.

Fig.  62. El-Ghal-


laouyia. Char à
timon unique et
joug courbé vers
l’avant. Photo Jean-
Loïc Le Quellec.

20 cm

Fig. 63. El-Ghal-
laouyia. Char à
timon unique. Photo
J.-L. Le Quellec.
Fig. 64. El-Ghal-
laouyia. Bige. Photo
J.-L. Le Quellec.

Fig.  65. El-Ghal-


laouyia. Char à
double timon,
barre d’attelage et
arceaux arrières.

Fig.  66. El-Ghal-


laouyia. Char à
double timon et
barre d’attelage.

Fig.  67. El-Ghal-


laouyia. Deux chars
à timon unique,
dont un avec joug
semi-circulaire.
Fig. 68. El-Ghal-
laouyia. Deux chars
à timon unique
et plateforme
semi-circulaire.

83
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  69. El-Ghal-


laouyia. Char à
double timon et
arceaux rabat-
tus latéralement.
Photo J. Audoin.
Fig. 70. El-Ghal-
laouyia. Char à
double timons
et platefome en
avant de l’essieu.
Photo J. Audoin.

Fig.  71. El-Ghal-


laouyia. Char
à double timon
tracté par un bovin.
Photo J. Audoin.
Fig.  72. El-Ghal-
laouyia. Char
à timon unique
et joug droit.

Fig. 73. El-Ghal-
laouyia. Char
à simple timon
et joug semi-
circulaire.
Fig.  74. El-Ghal-
laouyia. Char à
double timon et
arceaux arrières.

Fig.  75. El-Ghal-


laouyia. Char à
timon unique, joug
droit et plateforme
semi-circulaire.
Fig.  76. El-Ghal-
laouyia. Char à
double timon tracté
par un bovin. Noter
la patine très claire.
Le cocher monte
une plateforme à
cheval sur l’essieu.

84
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  77. El-Ghal-


laouyia. Quadrige
à deux timons
et plateforme en
avant de l’essieu.
Le cocher est
peut-être indiqué.

Fig. 78. El-Ghal-
laouyia. Char à
deux timons très
rapprochés.

tordues, nous pose deux types de problème. Sur un


premier relevé (Vernet 1996 : 121), le véhicule com-
porte deux timons presque fermés par une barre
d’attelage et divers traits perpendiculaires à ceux-
ci (Fig.  59). Une silhouette filiforme symbolise le
cocher. Ce même char est repris par l’auteur dans
sa planche de synthèse (ibid. : 131)… mais cette
l’attribution typologique, avec des conséquence deuxième version est substantiellement différente.
évidentes sur les aires de distribution  et sur les Outre cette différence pour le moins étonnante
densités régionales : ils méritent d’être signalés et au sein d’une même publication, on s’aperçoit que
rectifiés. Nous avons retenu trois exemples qui nous les deux dessins s’écartent notablement de la réa-
paraissent les plus significatifs. lité. Sur les deux versions de Vernet, les roues sont
Retour sur trois panneaux réduites à des demi-cercles et le char est anorma-
— le char « 170a » lement long. Quand on regarde bien une photo de
Le relevé de Vernet montre un char probable- la scène on comprend que l’auteur a « rallongé » le
ment à deux timons avec deux entretoises per- char en incorporant à celui-ci le dos piqueté d’un
pendiculaires les reliant (Fig.  58). On se demande animal situé en dessous et de patine bien plus fon-
comment est constituée la plateforme qui ne semble cée. Ceci peut paraître anodin, sauf que cela change
pas indiquée. Trois petits segments extérieurs com- totalement le mode d’attelage : les animaux, figurés
plètent le schéma. Une photo révèle en fait un char par deux traits, sont fixés à une barre d’attelage pro-
à timon unique avec plateforme rectangulaire, aux bablement au niveau du garrot, alors que Vernet les
coins arrondis vers l’avant, située en avant de l’es- montre au centre d’un rectangle dans un cas, et les
sieu ( Fig.  58, à droite). Les trois traits extérieurs fait même disparaître dans l’autre : un bige attelé
qui dépassent sur l’arrière sont en fait des anneaux/ devient un char dételé. De plus, on note que le rendu
boucles similaires à ceux du char voisin, et des traits de la plateforme n’est pas conforme à la gravure, qui
parasites (indiqués avec une couleur différente) montre un réseau là où Vernet figure seulement des
viennent perturber le message. Les deux chars sont traits longitudinaux bien trop longs dans un cas, et
du même modèle, l’un avec et l’autre sans joug : ce rien du tout dans l’autre. Tout ceci modifie sensible-
n’est pas ce qui ressort des dessins de Vernet. ment l’analyse et change l’attribution typologique.
— le char « 190 » — le char « 118 »
Ce véhicule, facilement identifiable sur place Notre lecture et notre relevé révèlent des
car il côtoie un bovin avec réserve et aux cornes aspects techniques qui divergent notablement de

Fig. 79. Le pseudo
char de Rkeiz :
relevé de Vernet
(1993) à gauche, une
photo du motif et
notre relevé à droite.

85
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  80. Tagant


(Mauritanie), site
sans nom. Vu du
panneau orné.

Fig.  81. Tagant


(Mauritanie), site
sans nom. Détail
du char. Traitement
DStretch_LDS.

Fig.  82. Tililit


(Adrar, Mauritanie).
Char à double timon
et plateforme à 10 cm
cheval sur l’essieu.

ceux proposés par Vernet (Fig.  60) qui en fait un Nous avons signalé plus haut, pour un char
char apparemment à quatre timons. La gravure d’Aouineght, la confusion entre traits figurant les
d’une patine très claire, qui se détache très bien du animaux et timons supplémentaires. Ce type de
rocher assez foncé, montre que la plateforme rec- confusion (guide/timon) qui s’ajoute à la précédente
tangulaire, fixée en avant de l’essieu, est occupée (entre trait pour les animaux et timons) n’est peut-
par un cocher. Celui-ci tient en main deux guides être pas exceptionnel, et cela n’avait pas échappé
qui se terminent au niveau des cornes du bovin, à Alfred Muzzolini (1990 : 116). D’autres relevés
lequel tracte un char à deux timons. En conclu- de chars à multiples timons méritent certainement
sion, ce char à quatre timons et sans aurige selon d’être reconsidérés (Gauthier & Gauthier 2019 : 42).
cet auteur est en réalité un char à deux timons, Un inventaire provisoire
reliés par une barre d’attelage — absente sur le Outre les modifications proposées ci-dessus, il
dessin de Vernet — fixée en arrière de la tête du faut prendre en compte une série de chars qui, appa-
bovin tractionneur, et mené par un cocher : une remment (nous n’avons que des relevés pas toujours
tout autre lecture ! fidèles pour comparer) n’ont pu être identifiés dans

Fig.  83. Gueltet


Ghzalia(Adrar,
Mauritanie).
Deux chars à
double timon.

Fig.  84. Gueltet


Ghzalia (Adrar,
Mauritanie). Char
à deux timons.

86
Compléments à l’inventaire des chars

Cet inventaire doit cependant être considéré


comme provisoire, dans la mesure où nous n’avons
pas pu balayer intégralement le site 3 : 1/ il reste 3. Avec trois frac-
peut-être d’autres chars inédits ; 2/ nous n’avons pas tures à un bras, il
retrouvé l’intégralité des panneaux publiés par Ver- nous fut impossible
net, et les relevés de chars qu’il a publiés doivent de terminer la visite.
être contrôlés.
Le pseudo-char de Rkeiz
Dans un autre de ses ouvrages, Vernet
(1993 : 315) a incorporé le relevé d’un « char » de
Rkeiz (Fig. 79) sans jamais montrer le cliché ori- Fig.  85. Ti-n-
ginal. À deux reprises (2016 et 2018), nous avons Bunan. Deux chars
à timon unique et
cherché ce véhicule, balayant le site en détail avant sans plateforme.
de réaliser qu’il ne s’agit pas d’un char mais d’un
l’article de Vernet et n’ont pas été publiés ailleurs à motif très particulier et peu fréquent dans l’art
ce jour (Fig.  61-78). Parmi ceux-ci, cinq chars atte- rupestre. Cette gravure est en réalité constituée de
lés à un, deux ou quatre animaux, viennent s’ajouter deux représentations de bovins en profil, à très long
aux onze déjà publiés par Vernet. Deux sont, à l’évi- cou  filiforme, disposés dos-à-dos, de part et d’autre
dence, tractés par des bovins (Fig.  71, 76). Pour les d’un axe de symétrie longitudinal, les cornes étant
communes aux deux bêtes. Les queues de ces ani-
autres, il est plus difficile de se faire une opinion.
maux et un trait rejoignant leurs garrots forment ce
Quatre des nouveaux véhicules sont munis d’an- que Vernet a pris pour les bords d’une plateforme.
neaux ou de boucles dépassant à l’arrière de l’es- Les traits « parasites » sur la droite sont l’ébauche
sieu, mais figurés en position latérale sur un autre d’un troisième animal similaire.
(Fig.   69). Ce dernier, à double timon, est terminé
Cet exemple, jamais rectifié depuis la publica- Fig.  86. Les chars
par une forme fermée en lieu et place de la classique
tion, illustre parfaitement le danger qu’il y a à s’ap- mal localisés de
barre d’attelage. Deux des chars à double timon ont
puyer sur des relevés proposés sans la contrepartie Bir Moghreïn
des plateformes rectangulaires centrées sur l’essieu, (Mauny 1955).
photographique qui seule peut faire foi. Un autre
tandis que les chars à timon unique ont tous des pla-
char à retirer de l’inventaire, donc !
teformes situées en avant de celui-ci.
Sur toute la série, deux ou trois chars seule- Quelques nouveautés
ment (110c, 113b et peut-être 86c de Vernet), ont Nous saisissons cette occasion pour signaler une
plus de deux timons, avec une réserve toutefois : trentaine de chars a priori inédits, afin de mettre ces
cela demande à être confirmé sur le terrain ou sur documents à la disposition de la communauté et de
photo, car ils ne font pas partie de ceux que nous compléter l’inventaire.
avons observés et ne sont produits que sous forme
de relevé. La présence d’anneaux ou de boucles Certains de ces chars ont échappé à l’attention
dépassant à l’arrière du véhicule, l’utilisation de des chercheurs en raison de la forte dégradation des
jougs subcirculaires et les similitudes architectu- panneaux. Les images originales sont impubliables
rales des divers types rencontrés ici marquent une même après application des filtres standards. Les
certaine continuité technique avec les chars des sujets sont révélés seulement par des traitements
autres régions de la façade atlantique, et notam- numériques souvent complexes, en série et tous dif-
ment du sud-marocain. férents d’une image à l’autre.
Avec les quarante-huit chars de Vernet, plus trois Tagant
douteux et vingt nouveaux, le total s’élève mainte-
nant à soixante et onze ce qui fait d’el-Ghallaouia, Alors qu’une douzaine de sites à chars sont
quantitativement, le troisième plus important site du répertoriés dans l’Adrar mauritanien voisin, et que
Sahara. huit autres sont connus le long des dhar Tichitt
et Wallāta, aucun n’était signalé dans la Tagant
jusqu’à présent. Lors de notre dernier séjour dans
cette région, nous avons eu l’occasion de visiter un
site inédit, sans toponyme connu, à environ trente
kilomètres au nord-nord-ouest du village d’el-
Khedia et au nord-est du gelb Aoulich (voir carte
en fin d’article). Situé à mi-pente de la falaise à Fig.  87. Bu Kerch
(Région de Smara).
l’ouest du relief, l’abri ne comporte qu’un seul
char n° 35 à timon
panneau orné, sur lequel se côtoient des bovins, unique et plate-
trois personnages armés de lance et d’un bouclier forme en arrière
pour l’un d’entre eux et d’un char. L’ensemble est de l’essieu. Règle
très homogène aux plans du style, de la teinte et de 20 cm. Photo
de la patine (Fig. 80). A. & G. Garcin.

87
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  88. Bu Kerch.


Char n°36 à timon
unique et plate-
forme complexe
(voir texte). Photo
J. Audoin.
Fig.  89. Bu Kerch.
Char n°37 et relevé
du n°31 (Gauthier &
Gauthier 2015 : 37)
pour comparaison.
Photo J. Audoin.

Fig.  90. Bu Kerch.


« Train » de chars
(n°38-39). Photo
J. Audoin.

Fig.  91. Bu Kerch.


Char n°40 pour
attelage en file
(voir texte). Photo
J. Audoin.

Le char, attelé à un unique animal, ne com- La plateforme est occupée par un personnage
porte en apparence qu’un seul timon qui se ter- similaire aux trois précédents, brandissant une
mine sur le museau du tractionneur (autre exemple lance et un autre objet long. Compte-tenu de la sil-
contredisant les propos de Lhote ; cf. introduc- houette, ce personnage (le cocher  sans doute) est
probablement assis. Sur la gauche, un trait incliné
)

tion). Le tractionneur, dont les quatre pattes et les


oreilles sont visibles, est figuré en biais (Fig.  81). vers l’extérieur pourrait être un élément de ram-
En revanche, la position très basse de ce timon barde ou un dossier. Sauf erreur de notre part, c’est
laisse penser que l’avant du char est représenté en le seul char de Mauritanie pour lequel on peut affir-
profil absolu, ou bien qu’il y a un oubli de la part mer qu’il est tiré par un équidé, très certainement
du peintre. En effet, avec une telle position, plus un cheval, si l’on se fie à la petite taille des oreilles.
bas que la croupe, et une fixation sous-jugulaire, Tililit
il y a obligatoirement deux timons, un de chaque Tililit est un site rupestre de l’Adrar, décrit par-
Fig.  92. Schéma côté de l’animal. Le dessin de la partie arrière tiellement par Lluch et Philip (2003 : 97). Nous
de principe de avec plateforme, essieu et roues n’est pas suffi- présentons ici une photo du char signalé, mais pas
l’attelage précédent. samment détaillé pour qu’on puisse se prononcer montré alors (Fig.  82). Celui-ci est équipé d’une
sur la perspective et trancher : deux roues mises à étroite plateforme rectangulaire à cheval sur l’essieu
plat dans le sens longitudinal ou quatre roues en qu’elle cache ; les roues sont sans rayons et il est
profil absolu. muni de deux timons fermés par la barre d’attelage.

Fig.  93. Bu Kerch.


Char n°41. Char
à simple timon.

Fig.  94. Bu Kerch.


Char n°42. Char à
deux timons. Le
moyeu des roues
est marqué par 10 cm
une petite cupule.

88
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  95. Ti-n-Tar-


taït. Char n° 430
de Lhote (1982 :
22 et fig. 4 n° 15).
Noter les positions
étranges de la plate-
forme et du cocher.
DStretch_YWE.
Photo Louis-
Noël Viallet.

Gueltet Ghzalia des rochers en granit a conservé quelques peintures,


Trois chars ornent les rochers, en bordure assez dégradées. Parmi celles-ci figurent deux chars
d’oued, d’un site qui nous a été indiqué par Pascal non signalés encore (Fig.  85). Le tracé est réduit à sa
Lluch. Ces gravures sont environ à trois kilomètres plus simple expression : des roues sans rayons, l’es-
et demi au nord-est d’el-Beyyeḍ. Deux des chars à sieu, un timon terminé par une barre d’attelage ou un
patine moyenne (3 sur une échelle de 5) sont gravés joug. Ces véhicules ne correspondent pas aux deux
côte-à côte (Fig.  83). Le premier possède une pla- chars (?) localisés de façon très imprécise à « Bir
teforme très étroite, et deux timons fermés par une Moghreïn » par Mauny (1955 ; fig. 2 et Fig.  86 ici).
barre d’attelage. Une entretoise délimite l’emplace- Bu-Kerch
ment des tractionneurs. Le deuxième, tracé perpen-
Le réseau complexe de rides de Bu-Kerch, près
diculairement au premier, est muni comme celui-ci
de Smara sur la Seguiet el Hamra, a déjà livré 34
de roues sans rayons, de deux timons convergents
chars (Gauthier & Gauthier 2015 :37). La région est
à l’opposé de la plateforme et reliés par une entre-
cependant loin d’être totalement reconnue puisque
toise. En revanche, il n’y a pas de barre d’attelage.
des visiteurs en ont rapporté six autres.
Le troisième char, à une dizaine de mètres, pré-
Le premier (n° 35) est à simple timon avec une
sente une patine plus foncée (Fig.  84). Avec des
petite plateforme semi-circulaire placée en arrière
roues à quatre rayons, il est équipé de deux timons
de l’essieu (Fig. 87). C’est le seul de ce type à Bu
divergents et d’une plateforme positionnée en avant
Kerch. Une curiosité mérite d’être soulignée pour
de l’essieu.
le deuxième (n° 36), figuré avec un simple timon et
Ti-n-Bunan une barre d’attelage (Fig.  88). On note en effet un
Une quinzaine de kilomètres au sud de Bir premier élément de plateforme subrectangulaire
Moghreïn et trois kilomètres à l’ouest du site prin- à cheval sur l’essieu, selon un schéma classique
cipal de Ti-n-Bunan, une petite cavité formée par (ex. : Fig. 57 n° 113a). Mais, en avant de celui-ci,

Fig.  96. Ala-n-


Edumen. Char avec
plateforme rectan-
gulaire tressée et
arceaux stabilisateurs
ou rambarde. Photo
L.-N. Viallet.

Fig.  97. Ala-n-


Edumen. Bige au
galop volant. Photo
L.-N. Viallet.

89
Yves Gauthier & Christine Gauthier

3
Fig. 98. Amsed-
jenit. Panneau
avec cinq chars
(numéros) et deux 1
grands personnages.
Encarts : 1/ croquis
des deux person-
nages (Verviale
1947) ; 2/ relevé
du char n°1 (Lhote
1982 : 29). Photo
B.T. avec traitement
DStretch_CRGB.
5

Fig. 99. Idem. Détail


du bige n° 4. Photo
B.T. avec traitement
DStretch_YRD.

Fig. 100. Idem.
Détail du char n°5.
Les trois chevaux
sont reliés par
une barre d’atte-
lage fixée sous le
museau. Photo B.T. 4 5
DStretch_LRD.

90
Compléments à l'inventaire des chars

on remarque une deuxième Fig.  101. Idem.


1 forme semi-circulaire qui Détail du quadrige
reproduit le dessin, classique n° 1 mené avec
quatre guides.
lui aussi, d’autres plateformes
Des lances sont
fixées en avant de l’essieu stockées en avant
(ex. : Fig. 10 n° 10). Ce char du cocher. Photo
aussi est un hapax. B.T. avec traitement
Le suivant, n° 37, est d’un DStretch_YRD.
schéma connu, avec trois
timons reliés par une barre
d’attelage (Fig.  89). Nous ne
savons dire quel rôle joue le
petit segment piqueté et de
même patine situé encore
plus en avant et apparemment
sans contact avec cette barre
d’attelage. Le tout n’est pas
sans évoquer le char n° 31
(Gauthier & Gauthier 2015 :
37) du même secteur, mais Fig.  102. Schéma
pour celui-ci, il y a clairement de principe du char
une liaison entre la barre et précédent (Gauthier
& Gauthier 2019).
le joug presque fermé qui
prolonge le système d’atte-
2 lage (Fig. 89 à droite). Nous
Fig.  103. Idem.
n’avons pas connaissance de Détail du quadrige
véhicule avec ce type de mon- n° 2. Des lances
tage dans les autres régions. sont stockées sur la
Plus loin, un « train » de plateforme en avant
deux chars (n° 38-39), réduits du cocher. Devant le
char figurent deux
au timon fixé à un essieu
cercles rayonnés,
supportant deux roues sans probablement ce qui
rayons, surcharge d’autres reste d’un véhicule
motifs à patine plus sombre dételé (?) non pris
(Fig. 90). en compte dans l’in-
Le dernier char (n° 40) est ventaire. Photo B.T.
Traitement de teinte
lui aussi exceptionnel, mais
par Photoshop©.
dans un autre registre. La
partie arrière est classique,
3 avec des roues possiblement à
six rayons et une petite plate-
forme matérialisée, entre les
deux timons assez proches,
par trois traits entrecroisés
(Fig.  91). Le système d’atte-
lage, au lieu de se réduire à
l’extrémité des deux timons
comme discuté juste avant,
s’élargit en un ensemble de
timons secondaires. Le des-
sin paraît inachevé et / ou Fig.  104. Idem.
erroné sur la moitié droite Détail du bige n° 3
de ce dispositif original : il conduit par un
manque un trait de liaison cocher maniant un
avec le timon droit issu de fouet et accompagné
l’essieu, et il y a un timon d’un passager. Noter
la courbure très pro-
secondaire de trop. Quatre noncée des timons,
petits segments, parallèles qui convergent au
aux timons et partant de ou niveau du dos des
traversant la barre d’attelage chevaux. Photo B.T.
externe et son homologue, DStretch_CRGB.

91
Yves Gauthier & Christine Gauthier

symbolisent vraisemblablement les tractionneurs et Alan-Edumen


nous donnent probablement la clef de lecture : un Lhote a répertorié six chars à Alan-n-Edumen.
attelage en file (?) avec trois ou quatre animaux à Deux (n° 400-401) apparaissent dans des relevés
chaque niveau (Fig.  92). Si notre lecture se révé- (Lhote 1982 : 20 et fig. 11, cf. photo in Lajoux 2011 :
lait correcte, ce véhicule serait le seul attelé de la 97) : un char à nacelle au galop volant et un char
sorte sur quelques 1500 chars gravés ou peints au dételé. Les quatre autres (n° 536-539), probable-
Sahara. Nous ignorons si, à la même époque, il y ment peints dans un autre abri, ont été découverts
avait des équivalents en Égypte, sur le pourtour par Pierre Colombel (Lhote 1982 : 36). Nous avons
Méditerranéen, au Moyen-Orient ou dans la pénin- publié des photos de deux d’entre eux (Gauthier &
sule arabique. Gauthier 2015 : fig. 92-95). Des clichés des deux
Signalons enfin un char à simple timon observé autres ont été mis à notre disposition. L’un est un char
sur le site ABK IV (Fig.  93) et un autre à double dételé équipé d’une petite plateforme rectangulaire
timon et plateforme rectangulaire à cheval sur l’es- en sparterie ajustée en avant de l’essieu (Fig.  96).
sieu, localisé au sud du site ABK VI (Fig.  94). Sur celle-ci sont fixés des éléments de rambarde
Pour tout le secteur de Bu Kerch, l’inventaire ou des arceaux stabilisateurs qui s’appuient sur le
contient ainsi quarante-deux chars, sans comp- timon. Les roues rayonnées sont peut-être munies
ter ceux de l’oued el-Miran (Gauthier & Gauthier de jantes larges, et l'on devine le joug, très effacé en
2015). Les autres proviennent d’une autre région tête du timon. L’autre est un bige au galop volant très
très riche en chars, le plateau des Ăjjer, sauf pour effacé lui aussi (Fig.  97). Du véhicule lui même, on
deux qui ont été observés en Ahaggar. perçoit les deux roues rayonnées et le timon unique
se terminant en arrière de la tête des deux chevaux.
Le cocher est vêtu d’une tunique qui s’arrête à mi-
Ti-n-Tartaït cuisse et, fait peu commun, sa tête circulaire et volu-
Deux chars (un complet et une ébauche ; cf. mineuse ne se résume pas à un bâtonnet. La conduite
Lhote 1982 : 22 et fig.  4) de ce site n’ont été pré- de l’attelage s’opère ici avec quatre guides.
sentés que sous forme de dessins dans son ouvrage
Amsedjenit
dédiés aux chars sahariens ou dans la série de
relevés grandeur nature conservés au Musée de Ce nom est celui rapporté par notre informateur
l’Homme (MNHN 62.8 bis). Louis Noël Viallet nous qui nous a aussi indiqué la localisation précise et
en a fourni une photo (Fig. 95). Le dessin de Lhote fourni les photos des chars de ce site.
ne souffre que de défauts mineurs par rapport à la Comme on y retrouve l’un des chars publié par
réalité. Le cocher est vêtu d’une jupette blanche qui Lhote sous forme de relevé (1982 : 29 ; Fig. 98 ici), il
est absente du relevé. De même, le lien qui relie les ne fait aucun doute que cela correspond à l’abri que
têtes des deux chevaux n’est pas figuré. Par contre, celui-ci appelle Amsedenet. Lhote y compte quatre
nous ne trouvons pas trace, sur la photo, des traits chars (n° 485-488).
blancs qui décorent les mollets du cochet et qui Par ailleurs, il y a peu de doute quant au fait
figurent de probables sandales. qu’il y a une redondance avec le site d’Amassedjemt
Ce char est un cas unique au Sahara, avec une que lui a signalé Verviale (1947). Nous retrouvons
plateforme fixée en équilibre instable au milieu en effet, dans les photos d’Amsedjenit qui nous
d’un des deux timons et au-dessus des animaux. ont été transmises, le couple de personnages de ses
Là encore se manifestent les difficultés rencon- figures  9 et 10. Cet abri recèlerait au moins trois
trées par les peintres pour rendre compte d’un objet chars (n° 177 à 179) : voir l’extrait du texte de Lhote
tri-dimensionnel. C’est aussi une mise en garde et dans l’encart ci-dessous.
une recommandation de prudence dans la lecture L’étude des photos révèle qu’il y a en réalité
des documents et pour l’analyse des éléments tech- cinq chars sur le même panneau (Fig.  98-104), ce
niques des véhicules, comme nous l’avons déjà vu qui a des conséquences évidentes et immédiates sur
avec diverses figurations d’arceaux stabilisateurs l’inventaire des chars (cinq seulement là où Lhote
(Gauthier & Gauthier 2019). en retient 3 + 4).

Lhote 1982 : 15
— 177 à 1(9)79 : AMASSEDJEMT, Medak, Tassili-n-Ajjer, Algérie cf. Verviale (M.), 1947, p. 245 : « Des chevaux de race pure, aux
formes élégantes, traînent des chars attelés deux à deux, trois à trois, parfois quatre à quatre ». Cela implique au moins trois chars de style
au galop volant. Inédits.
Lhote 1982 : 30
— 485 à 488 : AMSEDENET, confins du Medak, Tassili-n-Ajjer, Algérie sur piste abareka ouan Terourirt : quatre chars au galop volant
dont un tiré par quatre chevaux, monté par deux hommes, avec roue à quatre rayons ; un autre tiré par quatre chevaux. Découverte Lhote (H.),
juin 1969 ; cf. Lhote(H.), 1970, fig. 1. (associé à la fig. 9 p29 - NDA)
Lhote 1982 : 26
- 447 : Fait double emploi avec 446.

92
Compléments à l’inventaire des chars

Pour le quadrige n° 1, le relevé de Lhote pèche


par plusieurs aspects. Il a omis la tunique courte du
passager ainsi que le faisceau de traits (arc + flèches
ou guides ?) qu’il a dans la main gauche (Fig. 101). Le
menage se fait avec quatre guides se terminant dans
la main du cocher, ce qui ne figure pas sur le dessin.
Enfin, il manque les trois lances stockées en avant de
la plateforme. Il faut souligner que celle-ci est d’un
type particulier, que nous avons mis en évidence
dans notre article précédent : placée en avant de
l’essieu qui lui sert de support arrière, elle est conte-
nue entre les timons (voir Fig.  102) qui convergent
en arrière de la tête des chevaux. On notera aussi la
courbure des timons dans le plan vertical.
Le char n° 2, très vraisemblablement un qua-
drige suivant le nombre de pattes, est mené à Fig.  105. Tabarakat
quatre guides par un cocher à corps bitriangulaire (Tadrart, Algérie)..
(Fig. 103). La structure du véhicule a disparu du fait Char oblitérant
un bovin suivi
de l’érosion et des superpositions, mais on distingue
d’un person-
bien l’avant de la plateforme et des deux timons qui nage. Photo K.U.
convergent, dans ce cas, au-dessus de la croupe des DStretch_YRD.
animaux. Comme précédemment, trois lances sont
fichées en avant du cocher. Devant ce char se tient Fig.  106. Tabara-
un personnage portant un petit bouclier semi-circu- kat. Détail du char
laire ainsi que deux cercles rayonnés. Avec les très précédent après sup-
vagues restes de peinture à leur droite, l’ensemble pression de l’arrière-
plan. Le haut du
figurait peut-être un char mais, faute d’éléments cocher a disparu. Il
plus substantiels, nous ne le considérons pas dans semble tenir quatre
l’inventaire. Hormis le nombre de rayons, il n’ap- guides, ce qui est
porterait strictement rien dans une discussion sur curieux pour un
les aspects techniques, et rien ne garantit qu’il s’agit seul tractionneur. La
là d’un véhicule. plémentaire de nature différente) que nous n’avons plateforme repose
sur l’essieu et sur
Alors que les précédents sont des quadriges, le pas rencontré jusque là. Du char ne subsistent que les deux timons qui
char n° 3 est un bige mené à quatre guides (Fig. 104). deux timons parallèles et le fantôme d’une roue. convergent vers la
La liaison essieu-animaux est, là encore, réalisée au Tabarakat (Tadrart) nuque du cheval.
moyen de deux timons convergents. La courbure de
En contraste saisissant avec le précédent (n° 5,
ceux-ci dans le plan vertical est bien plus marquée
Amsedjenit) pour lequel on observe une guide
que pour le n°  l avec lequel il partage le fait d’être
par animal, l’unique cheval de ce char paraît être
conduit par un cocher plus petit que le passager
mené avec quatre guides (Fig. 105-106). La plate-
placé derrière lui.
forme rectangulaire est indiquée par deux entre-
Le char n° 4 est lui aussi un bige mené à quatre toises perpendiculaires entre les timons, lesquels se
guides par un cocher à tête en bâtonnet vêtu d’une rejoignent sur la nuque de l’animal. Cette configu-
tunique courte et triangulaire (Fig.  99). Deux lances ration implique certainement une courbure dans le
sont fixées sur la plateforme devant lui. De la seule plan vertical et une autre dans le plan horizontal.
roue visible, on remarquera les quatre rayons et la
La roue la mieux conservée semble posséder six
jante large. L’état de conservation et les surcharges
rayons. Les jambes du cocher, dont la partie supé-
ne permettent pas de commenter plus avant.
rieure a disparu, sont surchargées par une forme
Le dernier char (n° 5) pour lequel nous n’avons évoquant un petit animal (ou un enfant ?). La photo
pas de photo de détail, est apparemment un trige, originale est illisible et seuls des traitements avec
au galop volant comme tous les autres chars de ce DStretch® permettent d’y voir un peu clair.
panneau (Fig. 100). Le cocher, très incliné, tient en
main trois guides formant un faisceau parallèle qui Mulan Naga
se perd derrière la tête des chevaux. Il est délicat Aucune plateforme n’est visible sur le bige au
d’interpréter le sens du quatrième trait qui part de galop volant de Mulan-Naga mené, avec quatre
la main, suit le trajet des guides, puis vient contour- guides, par un personnage en style Caballin clas-
ner la tête du cheval d’arrière plan pour se terminer sique, à tête en bâtonnet et vêtu d’une tunique
à l’extrémité d’une barre d’attelage. Celle-ci est en courte (Fig. 107). Il semble se tenir debout sur un
contact avec l’extrémité des museaux sans que l’on timon à double courbure, mais c’est probablement
puisse deviner le mode de fixation. C’est un type de une illusion qui résulte de la dégradation du pan-
menage (une guide par animal plus une guide sup- neau. On devine en effet, plus qu’on ne voit, un autre

93
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  107. Mulan-


Naga (Tadrart,
Algérie).
Bige à timon unique
et menage à quatre
guides. Photo K.U.
DStretch_XPO108.
Fig. 108. Ajelway
(Ăjjer). Bige au
galop volant
avec plateforme
tressée. Photo K.U.
DStretch_LXX.

trait courbe et parallèle qui est certainement le reste positionnée en avant de l’essieu et prenant appui sur
d’un deuxième timon. On ne distingue pas le lien lui ainsi que sur le timon. Les roues sont à quatre
entre ces timons et les chevaux. Un arceau stabili- rais, et l’une d’elle est équipée d’une jante très
sateur, légèrement incliné vers l’extérieur, est fixé haute. Trois lances sont placées derrière le cocher.
longitudinalement sur le timon gauche. L’essieu est Un deuxième char, lui aussi avec timon unique et
supporté par des roues à six raies. Le trait vertical plateforme triangulaire, est figuré sous le premier,
qui recoupe une antilope bicolore (dama ?) figure un le cocher, très incliné en avant et les tractionneurs
fouet ou une lance. venant en superposition sur le ventre des chevaux
du premier char.
Ajelway
Deux points méritent d’être soulignés pour Ihelfen
un bige au galop volant provenant d’Ajelway, en Deux chars similaires sont gravés sur les rochers
bordure sud-ouest du plateau des Ăjjer, à environ de l’oued Ihelfen, une douzaine de kilomètres à
trente-cinq kilomètres au nord-ouest de Djanet : l’ouest de l’aéroport de Tamanghasset (Fig. 110-
1/ les roues comportent quatre rayons avec renfort 111). Les plateformes, quadrangulaires, sont fixées
Fig. 109. I-n-Alhi- en avant de l’essieu. Celui-ci, et c’est une configu-
nen. Bige avec plate- triangulaire à l’attache sur la jante ; 2/ la plateforme
forme triangulaire semi-circulaire est bien détaillée, avec un tressage ration peu fréquente, se prolonge jusqu’au centre
et roue à jante large. en oblique et symétrique de part et d’autre du timon des roues sans rayons. Le timon unique est muni
Trois lances sont (Fig. 108). d’une barre d’attelage. Deux traits perpendiculaires
entreposées à l’ar- à cette barre et à leurs extrémités nous paraissent un
rière. Un autre char, I-n-Alhinen
peu trop longs pour être l’indication du joug. Plus
tout petit et lui aussi Seul DStretch® révèle la présence de ce bige, vraisemblablement, ce sont les tractionneurs qui
à plateforme trian- quasi indétectable sur le cliché original. Le cocher,
gulaire, vient en sont figurés de façon sommaire.
superposition sur le très incliné vers l’avant, tient en main quatre guides
Tassakarot
ventre des chevaux. dont on ne voit pas l’extrémité, le panneau étant trop
Photo L.-N. Viallet. dégradé à l’emplacement des têtes des tractionneurs Perdu dans le panneau bien connu de Tassa-
DStretch_RGB. (Fig. 109). Il monte une plateforme triangulaire karot et dans lequel figurent deux chars au galop
volant (Lajoux 1977 : 161 ; Lhote 1982 : n° 438), un
troisième attelage a échappé à l’attention de tous
les observateurs (Fig. 112). Partiellement mêlé à la
tête d’une vache, il est remarquable à deux titres
au moins.
Le tractionneur, qui progresse à une allure tran-
quille, est un bovin d’une facture sortant de l’ordi-
naire dans le groupe de figurations en style Cabal-
lin auquel cette peinture appartient sans doute : le
style est original avec un double trait pour les lignes
dorsales et ventrales et surtout avec le pelage réti-
culé qui rappelle celui des girafes et contraste avec
les robes unies ou bicolores habituelles. La traction
est opérée par l’intermédiaire de deux timons, l’un
d’eux venant surcharger le corps de l’animal. On ne
voit rien du mode de fixation sur l’avant. Il est très
original aussi par le sexe de son cocher, manifes-
tement une femme à tête en bâtonnet, vêtue d’une
robe longue, et assise sur la plateforme qu’elle dis-
simule. Si des femmes montent des chars c’est habi-
tuellement comme passagers, ainsi que nous l’en-

94
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  110. Ihelfen


(Ahaggar). Char à
timon unique muni
d’une barre et d’une
plateforme quadran-
gulaire en avant de
l’essieu. Deux traits,
en bout de la barre
d’attelage indiquent
les tractionneurs.
Patine claire.
Photo Frédérique
Duquesnoy.
Fig.  111. Ihelfen
(Ahaggar). Le
seignent les peintures de l’oued Djerāt (Lhote 1982 : Ti-n-Aboteka deuxième char,
78, 88) mais, dans ces cas, le char est conduit par un Photo F. Duquesnoy.
Sur cette station, deux chars sont connus (Lhote
piéton qui tient les animaux en longe et/ou les mène 1982 : n° 241, 404). Les traitements numériques
à la badine. Il est tout a fait exceptionnel de les voir, dévoilent la présence d’un troisième véhicule, un
seules, mener un char à la badine comme ici. La trige au galop volant (Fig. 115). Le cocher, doté
qualité de l’image n’est pas suffisante pour dire si d’une coiffure volumineuse, se tient debout sur
les rais sont centripètes ou non. Notons encore que une petite plateforme semi-circulaire (?) placée en
les roues sont dans une drôle de position, peut-être avant de l’essieu. Le char ne comporte qu’un seul
par manque de place devant l’animal dont on voit timon qui passe par-dessus les croupes et se termine
les pattes à droite. en arrière de la tête des tractionneurs. Le char est
Aïtou entouré par des femmes à tête en bâtonnet portant
une robe longue et un chameau monté par un per-
Le seul char de cette station a été signalé par sonnage armé d’une lance (?).
Lhote (1982 : n° 484) qui précise ne pas l’avoir
relevé : nous en présentons une photo (Fig. 113- Serkaya
114). La peinture est oblitérée par des nids d’in- Très effacés et quasiment invisibles sur la paroi,
sectes qui en cachent une partie. Le véhicule est deux biges au galop volant sont surchargés par des
un bige au galop volant à timon unique. Le cocher, tifinagh (Fig. 116-117). Tous deux progressent vers
très incliné au-dessus des croupes, se tient sur une la gauche en parallèle. Ils réagissent différemment
petite plateforme à peine visible. Il est vêtu d’une aux traitements numériques (teintes voisines mais
tunique courte, son visage est détaillé et sa che- pas identiques) : cette variation peut résulter d’une
velure, arrondie, est encore perceptible. Il mène évolution différentielle de la paroi, et l’on ne peut
les chevaux avec deux guides et tient en main un exclure qu’ils forment une scène (compétition, par-
long bâton ou une lance. Les roues sont munies de ticipation à une chasse en groupe…)
quatre rayons épais ou avec des renforts triangu- Sur le premier, monté avec des roues à six rais
laires à leur jonction avec la jante. On ne voit plus et jante large, l’essieu sert d’appui à une petite pla-
aucun détail du harnachement. teforme. Trois lances sont fichées à l’arrière et une

Fig.  112. Tassaka-


rot. Char tiré par
un bovin et mené
à la badine par un
personnage, assis,
à tête bâtonnet et
vêtu d’une robe
longue. Photo
J.-L. Le Quellec.

95
Yves Gauthier & Christine Gauthier

quatrième est brandie par le


cocher, très incliné vers l’avant.
Il mène les deux chevaux à
quatre guides. De petites parties
du (des) timon(s) sont visibles en
avant de la plateforme et sur le
dos des animaux. Le deuxième
semble comporter deux timons
et une plateforme carrée qui
déborde un peu en arrière de
Fig.  113. Aïtou l’essieu. Le cocher est placé très
(amont d’Ihérir, en avant de cette dernière.
Ăjjer). Photo
Pierre Lecollaire. I-n-Kaokan
Dans cette station, située
en bordure orientale des zones
bien parcourues, trois chars
certainement inédits ornent les
parois. Le premier, un trige au
galop volant, est surchargé par
un archer et un sujet incomplet
(Fig. 118). Du cocher et du véhi-
cule ne subsistent que des bribes
(une roue, un bout d’essieu). Le
char est attelé au moyen de deux
timons parallèles fixés très haut
sur la tête des tractionneurs,
Fig.  114. Idem. par l’intermédiaire d’une barre.
DStretch_YRD. Le deuxième, un bige, est un
exemple typique des difficultés
de la représentation d’un objet
tri-dimensionnel : guides, char
et tractionneurs sont étagés
sur trois niveaux (Fig. 119). De
plus, le cocher se tient debout à
l’extrême limite de la plateforme
triangulaire qui occupe l’espace
défini par l’essieu et deux timons
convergents. Le char, mené à
quatre guides, est complété par
deux arceaux arrières. Plusieurs
niveaux et/ou époques coexistent
Fig.  115. Ti-n-
Aboteka. Trige au sur la paroi où est peint le troi-
galop volant. Photo sième char et l'ensemble est
K.U. DStretch_CB. confus (Fig. 120). Ici, ce sont les
tractionneurs qui ont pratique-
ment disparu : les bouts de pattes
préservés sont suffisants pour
dire qu’ils sont au galop, mais
pas assez pour déterminer leur
nombre. Le cocher, vêtu d’une
Fig. 116. Serkaya. courte tunique évasée et très
Détail du char du
haut de la Fig.  117 incliné vers l’avant, se tient appa-
avec quatre lances remment au niveau de l’essieu.
stockées à l’arrière Ti-n-Agakhou
de la plateforme. La corne sud-est du plateau
En bas à droite, des Ăjjer est l’une des zones les
probablement un
passager ou le
moins bien couvertes par les
cocher de l’autre recherches, et ses sites rupestres
char. Photo K.U. sont quasiment absents des
DStretch_YBR. publications. Toute information

96
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  117. Ser-


kaya Deux biges
au galop volant.
Photo P. Lecollaire.
DStretch_CB_LRD.

provenant de cette région est donc bienvenue. Sur sont à verser au dossier concernant la place des
le site de Ti-n-Agakhou, localisé approximative- femmes dans la société. Pour autant faut-il s’éton-
ment (carte Fig. 140) un char inédit a été relevé. ner de voir des femmes mener un char ? Hérodote
Quatre tractionneurs d’espèce indéterminable et à (Hist., IV.cxciii) écrit : « Les Zauèces touchent aux
forte croupe (les queues repliées ?) filent au galop Libyens Maxies. Quand ils font la guerre, leurs
volant en tirant un char à double timon (Fig. 121).
femmes conduisent les chars. »
Reproduisant un schéma déjà
vu, les timons convergent sur
la nuque des animaux : aucun
détail du harnachement n’est
apparent. Les timons, assez
proches l’un de l’autre, sup-
portent une petite plateforme
striée qui s’appuie sur l’essieu.
Deux arceaux dirigés vers
l’arrière du char sont arri-
més sur celui-ci. Le cocher,
derrière lequel se dessinent
deux lances, mène l’attelage à
quatre guides. Il est tout à fait
inhabituel de voir un cocher
vêtu d’une robe longue et
transparente : sans doute est-
ce une femme. Généralement,
ces chars sont conduits par des
auriges portant une tunique
courte et légèrement évasée.
Nous avons expliqué qu’à
Tassakarot un char est aussi
mené — probablement — par
une femme en robe longue,
mais le contexte est radicale- Fig.  118. I-n-
ment différent : elle est assise, Kaokan.
et le véhicule est tracté par un Trige au galop
volant. Photo
bovin qui avance paisiblement
Bernard Fouilleux.
au pas. Ces deux documents

97
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  119. I-n-


Kaokan. Trige au
galop volant. Photo
B. Fouilleux.

Fig.  120. I-n-


Kaokan.
Char au galop
volant. Photo
B. Fouilleux.

Wa-n-Habdu Oued Djerāt


À environ deux kilomètres au sud-ouest de Sur un des panneaux de la station IV (Lhote
Serkaya, effacée en partie elle aussi, une peinture 1976) de l’oued Djerāt, on retrouve des schémas
figure un autre bige au galop volant (Fig. 122- similaires, avec trois couples composés d’un bovin
123). L’extrémité gauche d’une barre ou d'un joug et d’un personnage, courant eux-aussi vers la gauche
dépasse sous la gorge du cheval de gauche, et un (Fig. 125). On constate que les deux personnages du
bout de timon apparaît au-dessus de la ligne dorsale bas ont des têtes différentes, l’une trifide, l’autre
des tractionneurs : dans le cas d’un attelage à deux subcirculaire, constat que nous avions déjà fait ail-
timons extérieurs, on devrait voir la jonction entre leurs (Gauthier & Gauthier 2019 : 67). Deux détails
le timon gauche et cette barre d’attelage. Il est donc doivent être soulignés : 1/ les deux personnages de
vraisemblable que le véhicule, totalement effacé par gauche paraissent aiguillonner leur animal avec
ailleurs, est équipé d’un seul timon. Seuls le bas- une badine qui vient toucher la croupe ; 2/ en lieu
sin et les jambes du cocher ont résisté à l’érosion. et place d’une badine, le personnage à tête trifide de
Devant l’équipage, un quadrupède, de mêmes style droite brandit un objet long à double rang de bar-
et teinte, file lui aussi au galop volant. De son dos belure. La scène se poursuit sur la droite (Fig. 126)
émerge un long trait courbe qui disparaît complète- où deux individus, à tête trifide et tunique courte,
ment au-delà du garrot des tractionneurs. courent en tenant devant eux un objet barbelé du
Rien au plan stylistique ou taphonomique n’au- même type. Reconnaissables à leurs petites oreilles
torise à dissocier cet animal et le char. Il se trouve et à leur queue dressée, les animaux qui les accom-
que nous avons mis en évidence, parmi les pein- pagnent sont des chiens et non des bovinés à cornes
tures en style Caballin, une association similaire courtes et recourbées vers le bas comme les autres.
qui se répète sur divers sites du plateau des Ăjjer : Par hasard, nous avons réalisé que cette scène
un personnage, badine en main, courant derrière un a été reproduite par l’équipe de Lhote et fait par-
bovin au galop qu’il tient en longe (Gauthier & Gau- tie des relevés conservés au Musée de l’Homme
thier 2019 : fig. 79-82). Nous avions alors évoqué la (MNHN n° 59-4). Nous en présentons la moitié
possibilité d’un lien avec les activités d’attelage. gauche (Fig. 127-8). Au registre supérieur, non
De nouveaux documents (Fig. 124-130) viennent disponible sur les photos reçues, on remarque un
étendre singulièrement l’aire de distribution de ce quatrième couple composé d’un quadrupède acère
type d’association, et apportent d’autres éléments tenu en longe par un personnage. Comme ses com-
d’information. pagnons, celui-ci est muni d’un objet barbelé dirigé
sur la croupe. Ils sont encadrés par un bovin et un
chien. Sur trois des quatre couples, la longe donne
Bovinés tenus en longe l’impression d’être fixée à la taille mais, dans ce cas,
I-n-Fenounan c’est un effet d’optique : la main gauche qui la tient,
se trouvant en avant du corps, est donc confondue
Le premier d’entre-eux provient d’I-n-Fenou-
avec lui.
nan, dans la partie centrale du plateau des Ăjjer.
Un personnage à tête tréflée et portant un courte Tissukaï, Ekaḍ-n-Ušer et I-n-Itinen
tunique triangulaire court vers la gauche, les deux Des schémas analogues sont présents dans
bras en avant, avec une badine en main (Fig. 124). quatre autres abris ornés du plateau des Ăjjer.
Le schéma est légèrement différent des précédents : Comme à l’oued Djerāt, le premier document, qui
la longe est fixée à la ceinture au lieu d’être tenue en provient de Tissukaï, associe un individu à tête tré-
main. Un individu isolé, montré dans la même atti- flée et un boviné au galop volant (Fig. 129). Rom-
tude, est figuré sur la droite. Les têtes des person- pant la série précédente où tous les protagonistes
nages, qui portent des tuniques courtes, sont trop (y compris ceux déjà publiés) progressent vers la
dégradées pour être valablement commentées. gauche, la composition d’Ekaḍ-n-Ušer les montre

98
Compléments à l’inventaire des chars

Fig. 121. Ti-n-
Agakhou. Quadrige
au galop volant
avec double timon
convergent. Deux
arceaux sont fixés
en arrière de
l’essieu. La cocher
est vêtu d’une robe
longue. Les quatre
tractionneurs d’un
autre probable qua-
drige sont visibles
en bas et à gauche.
DStretch_YBK.
Photo Marie Maka.

se dirigeant vers la droite (Fig. 130). Deux autres en main la badine que tiennent ses compagnons.
scènes relevées par l’équipe Lhote, l’une à I-n-Iti- Alors que l’esprit est le même que pour les précé-
nen (Fig. 131) et l’autre à Tissukaï (Fig. 132) doivent dents — un homme et un bovin tous deux en course
sans doute être ajoutées à cet inventaire. Moins et reliés par une longe — le deuxième panneau de
détaillée que les autres, celle d’I-n-Itinen regroupe Tissukaï (Fig. 132) nous introduit dans un univers
quatre anthropomorphe en style caballin à tête en culturel apparemment différent : à l’aplat des pre-
bâtonnet, dont l’un semble relié par une longe au mières scènes répond un contour fin ; la silhouette
quadrupède acère — semblable aux bovinés pré- de l’animal est bien plus détaillée et proche de la
cédents — qui galope devant lui. L’homme n’a pas réalité ; l’allure de son guide (silhouette, vêtements)

Fig. 122. Wa-n-
Habdu. Restes
d’un char dont on
devine le timon,
une barre d’attelage
sous-jugulaire, les
jambes et le bassin
du cocher. Devant
lui, un quadrupède
(boviné  ?) est peut-
être relié par une
longe au cocher.
Photo P. Lecol-
laire. DStretch_
CB_LABI.

Fig. 123. Wa-n-
Habdu. Relevé élec-
tronique du char de
la figure précédente.

99
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  124. I-n-


Fenounan (Ăjjer).
Bovin au galop
tenu en longe par
un anthropomorphe
muni d’une badine.
DStretch_LXX.

Fig.  125. Oued n’a rien à voir avec celles des anthropomorphes en leurs, comme le prouvent aussi les images ci-des-
Djerāt, Station IV.
DStretch_LRE.
style Caballin ; sans badine ou objet barbelé, il court sus, nombre de ces peintures sont très effacées et
Photo F.V. Donzé. à côté de l’animal et pas derrière lui. peuvent passer inaperçues si l’on n’utilise pas des
Synthèse provisoire traitements numériques : il donc faut s’attendre, à
Fig.  126. Oued
Djerāt, Station moyen ou court terme, à des modifications de la
Dans l’état actuel des connaissances, cette asso-
IV. Suite de la ciation d’un bovin au galop et d’un humain qui le distribution et des densités locales.
Fig. précédente. Les conclusions tirées ici ne peuvent donc être
DStretch_LRE. tient en longe se rencontre exclusivement dans les
limites strictes du plateau des Ăjjer (Fig. 140) mais que provisoires, car elles ne portent que sur quinze
Photo F.V. Donzé.
cette carte est inévitablement incomplète. En effet, cas probables de cette association, répartis sur
Fig.  127. Oued douze abris. Néanmoins, on peut constater que la
Djerāt, Station IV. la mise en évidence de cette association est récente,
Détail de la partie toute la documentation n’a pas été passée en revue plupart de ces images sont rattachées aux auteurs
basse et gauche du pour trouver d’autres exemples, et l’exploration de des peintures en style Caballin. Pour autant, ces
relevé MNHN 59-4. la région n’est pas terminée, loin s’en faut. Par ail- images sont loin d’être uniformes et stéréotypées :

100
Compléments à l’inventaire des chars

Fig.  128. Oued


Djerāt, Station IV.
Détail de la partie
haute et gauche du
relevé MNHN 59-4.
Fig.  129. Tissukaï.
Personnage à tête
tréflée tenant en
longe un bovin
au galop qu’il
aiguillonne avec
une badine. Photo
certaines sociétés d’éleveurs, les propriétaires ont, Suzanne et &
de nos jours encore, l’habitude de jouer avec leur Gérard Lachaud.
DStretch_LRE.
animal favori. Peut-être y a t-il dans ces peintures
la représentation de telles scènes ayant un sens
social marqué. Enfin, la peinture de wa-n-Habdu Fig.  130. Ekaḍ-n-
(Fig. 122) vient, peut-être, faire le lien avec les chars Ušer. Personnage
et l’entraînement à l’attelage. On objectera, à juste tenant en longe un
bovin au galop.
raison, que le quadrupède qui détale devant le char Relevé électro-
est impossible à identifier (boviné, cheval ou autre). nique sur photo de
Il n’empêche que celui-ci paraît être relié par une Marie-Anne Civrac.
longe au cocher, imitant ainsi les scènes discutées DStretch_LRE.
ici. Malheureusement la dégradation de la peinture
on note en particulier des variations dans le pro-
ne permet pas d’avoir une certitude sur le tracé et sa
fil de la tête et du cou ; certains anthropomorphes
signification.
tiennent une simple badine, tandis que d’autres
utilisent des objets barbelés. Une au moins de ces Gageons que d’autres documents viendront pré-
images émane du groupe de Ti-n-Annéwen, car le ciser le cadre culturel de ces associations, leur dis-
personnage arbore la cape et la coiffure tradition- tribution et, peut-être, leur signification.
nelles dans cet ensemble de figurations (Gauthier
& Gauthier 2019 : fig. 80). La diversité se manifeste
encore plus dans l’exemple de Tissukaï, style et
technique étant notablement différents des autres
(Fig. 132).
Il y a encore plus de différences avec une gra-
vure (réelle composition ou association fortuite ?) Fig.  131. I-n-Itinen/
de Uatuat dans le wādi el-Ajāl (Libye) récemment I-n-Etouami. Détail
publiée (Barnett 2019, vol. II : 265) et qui présente du relevé MNHN
une thématique très proche (Fig. 133). Un quadru- 62-90. Personnage
pède au galop et un personnage debout, reliés par à tête bâtonnet
un trait, une probable longe, sont possiblement à courant derrière
un bovin au galop
rapprocher des scènes précédentes. muni d’une longe.
La diversité de ces images et leur aire de dis-
tribution prouvent que ce thème déborde du cadre
des peintures en style Caballin, dans l’espace et
Fig.  132. Tis-
certainement aussi dans le temps. Dans un premier sukaï. Détail du
temps, nous avions pensé qu’il pouvait y avoir une relevé MNHN
orientation unique, tous les acteurs courant vers 60-70. Personnage
la gauche. L’accumulation des documents montre tenant en longe un
qu’il n’en est rien, puisque deux scènes présentent bovin au galop.
une orientation contraire. L’avenir dira si une
orientation reste privilégiée, comme c’est le cas
actuellement.
Nous avons émis l’hypothèse qu’il pouvait
s’agir de scène de débourrage des bovins, pré-
cédant l’entraînement à la traction de char. Sans
renoncer à cette explication, il paraît utile de rappe- 4. Voir la page
ler que ce schéma évoque fortement les courses de https://urlz.fr/cIG3
vaches en Inde 4. Par ailleurs, sans citer d’exemple consultée le 18
précis, un informateur nous a expliqué que dans mai 2020.

101
Yves Gauthier & Christine Gauthier

de manière abusive. La comparaison de plusieurs


autres relevés avec des photos révèle des écarts à la
réalité qui risquaient de modifier radicalement nos
connaissances sur la technologie de ces véhicules et
d’introduire des erreurs dans leur classement typo-
logique. Cela jette un doute légitime sur les nom-
breux chars que nous n’avons pas eu l’occasion de
voir. Avec vingt exemplaires que nous considérons
comme inédits et après élimination des motifs ci-
dessus, le total des chars d’el-Ghallaouyia, s’élève
à soixante et onze, nombre provisoire dans l’attente
d’une visite complémentaire.
Une fois encore, ces analyses démontrent bien
l’intérêt d’une couverture photographique intégrale
Fig.  133. Gravure des sites et mettent de nouveau en évidence le dan-
de la région de ger potentiel des relevés publiés seuls. Six nouveaux
Uatuat (el-Ajāl, exemplaires viennent s’ajouter aux précédents et
Libye). 20 cm établissent à cent quarante et un chars, répartis sur
Relevé Tertia vingt-six sites, l’inventaire de ces véhicules pour la
Barnett (2019).
Mauritanie. L’un deux, peut-être le seul du pays a
Conclusion être manifestement tracté par un équidé, provient
Au terme de cette étude, l’inventaire des chars d’une région, la Tagant, où aucun char n’était connu
sahariens a sérieusement évolué, quantitativement jusque présent.
et qualitativement. Les visites effectuées sur le site Preuve encore que les sites très étendus ne sont
d’Aouineght nous ont conduits à rejeter définitive- jamais totalement explorés, le secteur de Bu Kerch
ment 98 des 105 chars annoncés par Monod & Cau- (Maroc) vient de s’enrichir de huit chars gravés.
neille (1951). L’Algérie n’est pas en reste puisque seize chars iné-
Le caractère fantaisiste de certains des croquis dits (quatorze peints et deux gravés) sont présentés.
proposés par ces deux auteurs était déjà suffisant Pour la plupart, l’attelage est au galop ou au galop
pour les rejeter, mais en dépit d’un quadrillage assez volant, et les tractionneurs, lorsqu’ils sont identi-
serré du banc rocheux où les chars qu’ils représen- fiables, sont des chevaux. L’un des chars peints et
teraient sont supposés être gravés, nous n’avons pu les deux chars gravés sont dételés.
en retrouver que sept. À l’inverse, nous avons pu en Indépendamment de l’amélioration des statis-
observer quinze autres, inédits ou introuvables dans tiques, qui assure une meilleure connaissance de la
les planches publiées, ce qui, avec ceux signalés par distribution des chars (voir introduction), l’élargis-
Jean Sougy, donne un total de 25 chars pour ce site. sement de la base de données garantit que l’on ne
Sans occuper la place qu’il avait avant ce tra- rate pas des éléments essentiels aux plans technolo-
vail, il demeure l’un des sites à chars les plus impor- gique et sociétal. Les documents publiés dans cette
tants. Par ailleurs, à l’instar des chars d’autres sites étude apportent, comme les précédents (Gauthier &
rupestres de la façade atlantique, avec lesquels ils Gauthier 2011, 2015 et 2019) leur lot d’informations
partagent de nombreux aspects technologiques, les sur la construction des chars, sur leur menage, sur
chars d’Aouineght apparaissent dans un contexte les tractionneurs et sur leur cochers. Parmi les faits
dépourvu de chevaux et d’inscriptions en tifinagh. les plus marquants nous retiendrons :
Le problème posé par l’étrangeté des croquis de — la variété des styles dans la représentation des
Cauneille et l’absence de la majorité des gravures bovins qui tractent les chars menés par un cocher à
annoncées n’est pas réglé définitivement, dans la tête en bâtonnet classique (à Tassakarot); ce type de
mesure où nous n’avons pas exploré l’intégralité des peinture est certainement un témoignage à considé-
5. Une visite dix kilomètres du banc rocheux 5. Les secteurs inex- rer dans une discussion du cadre classificatoire et
complémentaire plorés apporteront inévitablement une modification chronologique des groupes culturels ;
est dores et déjà quantitative, mais nous sommes persuadés qu’il — la confirmation de l’utilisation fréquente de
programmée à n’y aura pas de remise en cause de nos conclusions timons convergents pour les biges du Sahara cen-
court terme.
globales, spécialement en ce qui concerne le côté tral, et son absence dans les provinces occidentales ;
paréidolique et / ou trop schématique de la plupart — des tentatives d’attelage à six animaux sur
des croquis de Cauneille. Nous sommes toujours deux niveaux (à Bu Kerch) ;
prêts à « manger notre chapeau » s’il s’avérait que — la possible illustration du débourrage des
nous aurions mis en cause de manière indue les bovins en vue de l’attelage ;
publications de Cauneille, de Monod et de Lhote. — enfin, et ce n’est pas la moindre des nouveau-
Pour le site d’el-Ghallaouyia, une étude simi- tés, la figuration (à Tassakarot et Ti-n-Agakhou
laire nous a amenés à refuser une dizaine de motifs de chars menés par des femmes—  ou des person-
considérés comme des chars par Vernet (1996), nages à robe longue  si l’on préfère. Ces peintures

102
Le site d’Aouineght revisité

contribuent à préciser le statut des femmes dans un


univers, la charrerie, auparavant considéré comme Annexe : les pseudo-chars
exclusivement masculin.
d’Aouineght et d’ailleurs
En dépit de l’éviction de quelques cent chars
d’Aouineght, d’une dizaine de Ghallaouyia et
d’autres encore, dont plusieurs du Mali (Gauthier Pour éviter toute ambiguïté et préciser encore
& Gauthier 2019), après la suppression de doublons notre démarche pour l’établissement d’un inven-
dans les listes de Lhote (voir encart) et l’inclusion taire robuste, utile et peu sujet à discussions ou
des soixante-cinq nouveaux chars illustrés ci-des- critique, nous présentons ici quelques exemples
sus, notre inventaire contient plus de 1460 chars. typiques de motifs qui ont pu abuser Cauneille et
Ce nombre est en constante évolution avec la que nous refusons résolument de considérer comme
mise à disposition d’autres documents, qu’ils pro- des représentations de chars.
viennent d’informateurs ou de nos propres visites Sur certaines dalles d’Aouineght apparaissent
dans les divers pays sahariens. en effet des lignes droites ou courbes, des cercles
Le travail de nettoyage n’est cependant pas ou arcs de cercles entremêlés qui, pour un collec-
achevé, car il reste encore dans la littérature bon tionneur de chars, évoquent inévitablement des
nombre de dessins de supposés chars ou de suppo- roues, des bouts de plateforme, d’essieu ou de
sées parties de chars qui n’ont pas leur place dans timon.
une étude sur les aspects technologiques et culturels Si l’on regarde un peu vite le premier exemple
de ces véhicules (voir Fig. 86 ; Lhote 1982 : 176, 181, (Fig. 134), on distingue quatre sinon cinq cercles
234). Le devenir de ces étranges motifs sera réglé piquetés, et un rectangle prolongé par un carré.
lorsque nous pourrons nous procurer des photos : Dans un contexte où se trouvent de réels chars,
la confrontation de clichés avec les dessins ayant il est facile de se laisser influencer abusivement,
amplement montré les limites de ces derniers (ex.  et ces motifs pourraient passer pour un plusieurs
Rkeiz, Ghallaouyia, Aouineght …). autres chars. Quoi qu’il en soit, il est difficile d’en
Si certains chars doivent être éliminés, d’autres tirer un message cohérent et l’ensemble est trop
doivent au contraire être incorporés dans cet inven- sujet à polémique pour être retenu.
taire : c’est le cas de divers chars du Maroc dont les Sur le deuxième exemple, on note des cercles,
relevés ont été publiés par Lhote (1982 : 215) qui a des quadrilatères, quelques segments et des
oublié de les ajouter à sa liste de 608 chars. courbes, là encore, facilement interprétables
C’est un travail long et parfois fastidieux, qui comme des pièces détachées de chars (Fig. 135).
demande beaucoup de recoupements en raison des Pour une meilleure lecture, sur une copie de
imprécisions sur les localisations, de la multiplicité l’image (Fig. 136), nous avons surligné les traits
des toponymes (ex. Amsedjenit / Amassedjemt / que nous voyons… ou imaginons. Nous ne déce-
Amsedenet) et du schématisme des relevés qui lons aucune logique dans ce mélange : il manque
rend ardue l’identification des chars. C’est le prix toujours quelque chose pour faire un char ou bien
à payer pour dévoiler l’extrême diversité des solu- il y a des pièces en excès, que l’on y voie un char,
tions technologiques mises en œuvre et la multipli- deux chars…ou un tricycle !
cité des types d’attelage testés par des populations
sahariennes qui ne se sont vraisemblablement pas
bornées à copier mais ont su innover.

Remerciements
Pour la documentation, nous avons bénéficié de
l’aide précieuse de Jacques Audoin, Tertia Barnett,
Marie-Anne Civrac, Frédéric-Victor Donzé, Frédé-
rique Duquesnoy, Annie et Gérard Garcin, Suzie
et Gérard lachaud, Pierre Lecollaire, Jean-Loïc
Le Quellec, Marie Maka, Louis-Noël Viallet et
deux autres informateurs qui souhaitent rester ano-
nymes. Les commentaires bienveillants de Jean-
Loïc Le Quellec et Frédérique Duquesnoy nous ont
permis d’améliorer substantiellement le texte. Nous
remercions Monique Crossley pour la traduction du
résumé. Relevés et photos des auteurs sauf spéci-
fication contraire. Merci également au Musée de Fig.  134. Aoui-
l’Homme, qui a permis à l’AARS l’accès aux rele- neght. Exemple de
vés des équipes Lhote numérisés par Jean-Chris- motif(s) pouvant
tophe Domenech, afin de pouvoir contribuer à leur être abusivement
contextualisation. lu(s) comme char.

103
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Fig.  135. Aoui-


neght. Autre
exemple de
pseudo-char.

Fig.  136. La même


photo, rubriquée
par DAO.

Fig.  137. Motifs


analogues à ceux de
la figure précédente,
tirés des articles de
Monod-Cauneille
(1951) et de Vernet
(1996) à gauche.

Fig.  138. Aoui-


neght. « Haltère »,
essieu + roues
ou autre ?

Changer le point de vue (plus ou moins rasant) Le total de « chars éventuels » dénombrés par
et d’heure pour l’éclairage ne donne pas plus de ce visiteur sur un quart du site égale celui des réels
cohérence à l’ensemble. Un retour sur les planches chars publiés ici. Ces derniers ont été observés sur
de Cauneille (1951) ou de Vernet (1996) dévoile que plus de 50% du site, et environ la moitié d’entre eux
divers croquis (Fig. 137), considérés par les auteurs se trouvent sur le secteur nord-est du banc rocheux
comme des chars, montrent de fortes analogies avec (Fig. 8-9)… que n’a pas foulé ce visiteur (ainsi que
ces motifs géométriques. Dans d’autres cas, il n’y nous l’a indiqué un autre des participants au même
a aucune incertitude sur le caractère anthropique voyage — in letteris, 5 mars 2020).
des tracés, et nous refusons de prendre en compte Nous retenons bien le caractère « éventuel » de
des motifs trop simples, comme ces cercles (rayon- ces chars et renvoyons le lecteur, ce visiteur et le
nés ou pas), « haltères » (ex. : Fig.  138), croix ou webmaster à notre section sur Aouineght, où nous
fourches qui se voient sur les relevés de Vernet (1996 discutons des densités de gravures selon les zones,
et ici Fig. 57, n° 160). Quand on découvre ce type de la localisation des sujets identifiés sur les des-
de croquis comportant des motifs informes ou trop sins de Cauneille, de la qualité des clichés, des
simples pour être d’une quelconque utilité scienti- conditions de prises de vues et du quadrillage du
fique, car pouvant figurer tout et n’importe quoi, on site. Nous attendons avec beaucoup de sérénité la
peut se demander quel crédit accorder aux auteurs publication d’excellentes photos de ces vingt-quatre
qui les produisent comme éléments d’analyse. Tout chars et des gravures parmi les plus marquantes de
en cherchant à convaincre la communauté qu’il est l’article de Lhote que ce visiteur n’aura certaine-
salutaire de « faire le ménage » dans les inventaires ment pas manquées. Et à ce stade, on appréciera à sa
et publications anciennes, qu’il s’agisse de chars ou juste valeur cette remarque du webmaster, qui com-
d’autres thèmes, nous ne pouvons qu’émettre le vœu mente ainsi notre article de 2019 : « Il apparaît donc
de ne plus retrouver dans la littérature des « chars » que la station d’Aouineght, immense et difficile à
délirants ou d’hypothétiques « parties de chars ». analyser du fait que les gravures se trouvent sur des
Apparemment ce n’est pas gagné, si l’on en juge par roches horizontales et gris bleuté peu lisibles sans
ces propos d’un récent visiteur d’Aouineght, publiés une lumière rasante, nécessite non un bref passage
sur un site web maintenu par Robert Vernet : « 24 mais une longue prospection, qui pourra déboucher
chars éventuels. J’estime avoir vu 25 % du site. Il sur autre chose que des conclusions hâtives comme
pourrait donc en contenir 96, ce qui n’est pas loin dans l’article d’Yves Gauthier. »
du décompte de Cauneille […] Je donne à celui qui Il est satisfaisant pour notre ego de voir que
aurait l’intention de le vérifier le conseil de s’y établir Robert Vernet reprend nos propres mises en garde
plusieurs jours et de visiter tôt le matin et tard le soir sur la difficulté à observer ces gravures. Simultané-
pour profiter d’un éclairage frisant (F.  Auvray, rap- ment il oublie (?) de rappeler que nous avions bien
port inédit, 4 avril 2020) » (https://bit.ly/2WFlTcn/ signalé la possibilité de risque d’erreur de notre part.
site en cache consulté le 18 mai 2020). Eût-il bien voulu participer à la réunion de L’AARS

104
Compléments à l’inventaire des chars

de mai 2019, il aurait assisté à la communication Par ailleurs dans divers travaux (voir supra), il
dans laquelle nous présentions une documentation s’est borné à reprendre sans jamais les critiquer le
encore plus large que ce qui est proposé ici, docu- décompte des chars et les dessins erronés publiés
mentation confirmant notre première analyse. par Cauneille : c’est une attitude pour le moins éton-
En écrivant ces lignes critiques et en repre- nante, et simultanément une bonne indication qu’il
nant à son compte le rapport de Francis Auvray, n’a (probablement) jamais visité Aouineght.
notre commentateur hâtif se met dans une posi- Nous comprenons donc qu’il ait été irrité par
tion particulièrement délicate, car soit il a visité le notre article de 2019, qui souligne son manque
site d’Aouineght, soit, en dépit de très nombreuses criant d’esprit critique et dénonce une méthodolo-
années passées en Mauritanie pour ses travaux en gie surannée, mais bien en ligne avec sa publication
archéologie, il ne s’y est jamais rendu.
de chars fantômes comme celui de Rkeiz ou son
Dans le premier cas, on s’attendrait à trouver travail quelque peu hâtif sur les chars d’el-Ghal-
dans la littérature au moins un article faisant état
laouyia (voir le chapitre correspondant plus haut,
de ses propres informations, accompagnées de pho-
ses dessins de chars fantaisistes, les nouveaux
tos : nous cherchons en vain cette publication sur
documents inédits).
laquelle il pourrait s’appuyer pour nous contredire.
Il se contente du rapport inédit d’un visiteur ayant Si des informations contradictoires sont conte-
passé trois heures sur le site sans l’avoir balayé nues dans les archives inédites de Jean Sougy,
comme nous l’avons fait nous mêmes, des quelques géologue ayant travaillé sur le secteur, nous nous
photos de Jean Sougy (une trentaine) et des copies réjouirons de leur publication, qui rendra service à
de carnets de notes qu’il a mises sur son site. Pour la communauté bien plus et bien mieux que R. Ver-
juger de l’ampleur réelle du contenu d’une station net ne l’a fait jusqu’à présent en extrapolant à partir
qui s’étale sur dix kilomètres, Vernet le dit lui- de trop rares documents mal localisés et connus de
même, il faut plus que cela. seconde main.

Bibliographie
Barnett Tertia 2019. An engraved landscape : rock car- Lhote Henri 1982. Les chars rupestres sahariens. Tou-
ving in the wadi el-Ajal, Libya. London : The Society louse : Éditions des Hespérides, 272 p.
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Lluch Pascal & Sylvain Philip 2003. « Six stations à gra-
Camps Gabriel 1989. « Les chars sahariens. Images d’une vures du N.E. de l’Adrar (Dhar Chinguetti, Maurita-
société aristocratique. » Antiquités africaines 25 : nie). » Les Cahiers de l’AARS 8 : 87-96.
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Mauny Raymond 1947. « Une route préhistorique à tra-
Gautier Émile-Félix 1935. « Anciennes voies de com- vers le Sahara occidental. » Bulletin de l'IFAN 9: 341-
merce transsaharien. » Geografiska Annaler 17 (Sup- 357.
plement: Hyllningsskrift Tillagnad Sven Hedin) :
550-562. Mauny Raymond 1955. « Autour de la répartition des
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et des Tifinagh : étude aréale et corrélations. » Les Paris: Arts et Métiers Graphiques, p. 741-746.
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Monod Théodore & Cauneille (Cap.) 1951. « Nouvelles
Gauthier Yves & Christine Gauthier 2015. «  Nouvelles
figurations rupestres de chars du Sahara Occiden-
figurations de chars sahariens: technicité et posi-
tionnement chronologique relativement au style de tal. » Bull. IFAN XIII, 1 : 181-197.
Tazina. »  Les Cahiers de l’AARS 18, 70 p. Muzzolini Alfred 1990. « Au sujet de la datation des
Gauthier Yves & Christine Gauthier 2019. « Petit chars au galop volant. » Sahara 3 : 115-118.
manuel d’attelage : gravures et peintures de chars Puigaudeau Odette du 1966. « Une route des chars à
sahariens. » Les Cahiers de l’AARS 20 : 37-88. bœufs. » Archéologia 9 : 37-39.
Lajoux Jean-Dominique 1977. Tassili n’Ajjer. Paris ; Édi- Vernet Robert 1993. Préhistoire de la Mauritanie.
tions du Chêne, 182 p. Centre Culturel Français de Nouakchott - Sépia.
Lajoux Jean-Dominique 2011. Murs d’images : Art 427p.
rupestre du Sahara préhistorique. Arles : Errance, Vernet Robert 1996. « Le site rupestre d’El Rhallaouiya
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Lambert Nicole 1972. « Objets en cuivre et Néolithique Vergleichende Archäologie 16 : 109-137.
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Panafricain de Préhistoire. Dakar 1967 : 159-174. Vernet Robert 2014. « Les marges préhistoriques du
nord-est de la Mauritanie: le Tiris et le Zemmour. »
Le Quellec Jean-Loïc & Annie Mouchet 2020. « À propos Les Cahiers de l’AARS 17: 209-247.
d’un panneau orné de γelanγela qui fit couler beaucoup
d’encre. » Les Cahiers de l’AARS 21 :  155-178. Vernet Robert & Bouaba o/ Md Naffe 2003. Diction-
naire archéologique de la Mauritanie. CRIAA, Uni-
Lhote Henri 1957. « Les gravures rupestres d’Aouineght versité de Nouakchott, 165p.
(Sahara occidental). Nouvelle contribution à l’étude
des chars rupestres du Sahara. » Bulletin de l'IFAN Verviale Lt. 1947. « Les gravures et peintures rupestres
19 (3-4) : 617-658. en pays Ajjer. » BSPF 7-8 : 235-252.

105
Yves Gauthier & Christine Gauthier

Bu Kerch

Aouineght
Bir Moghreïn
Ti-n-Bunan

Zouérate

Rkeiz

G. Ghzalia
el-Rhallaouiya
Tillilit
Atar

Tidjikja

200 km

Fig. 139. Localisation des lieux mentionnés en Mauritanie. En noir, stations avec inscriptions en tifinagh.

Illizi

18

16

1 20
2
17
19 3
5
4 7
21
6 8 9
22 10
Djanet 12 11
13

50 km 14 15

Fig. 140. Sites du plateau des Ăjjer : chars (rouge) ; bovins tenus en longe (vert) et cercles centrés pour ceux publiés en 2019. 1/ Tassakarot,
2/ Aïtou, 3/ Serkaya, 4/ Wa-n-Habdu, 5/ Amsedjenit, 6/ Ajelway, 7/ Tissukaï, 8/ Tin-Tartaït, 9/ Ti-n-Aboteka, 10/ I-n-Kaokan, 11/ I-n-Alhinen,
12/ Alan-Edumen, 13/ Ti-n-Agakhou, 14/ Mulan-Naga, 15/ Tabarakat, 16/ Ekkat Burchina, 17/ Ekad-n-Usher, 18/ Djerāt, 19/ Immeseridjen,
20/ Amelrar, 21/ Talawatwat, 22/ I-n-Itinen.

106
Indications techniques pour les Cahiers de l’AARS

Tout membre de l’AARS à jour de sa cotisation peut participer aux publications


de l’association, sous réserve d’acceptation par le comité de lecture. Les articles
sont publiés sous la responsabilité exclusive des auteurs et ne représentent pas for-
cément les positions de l’AARS.
Les textes adressés pour publication doivent être saisis, sans mise en pages, dans
un fichier au format .doc, .rtf ou .mellel. On évitera les caractères insécables, en
saisissant le texte au kilomètre, sans sauts d’interlignage pour marquer un nouveau
paragraphe. Les auteurs fourniront un bref résumé en français et en anglais.
Pour la ponctuation, les signes doubles (;?!:) ne sont précédés par aucune espace;
pourquoi donc? Parce que nous serions obligés de supprimer ces espaces! Les
signes de ponctuation se placent toujours après le «guillemet fermant». Néanmoins,
ce n’est pas le cas pour les longues citations commençant par une majuscule, dans
lesquelles le point précède le guillemet fermant, comme dans cet exemple: «Le
problème, avec les citations publiées sur Internet, c’est qu’on ne connaît jamais leur
auteur véritable.»
Le point d’interrogation, le point d’exclamation et les points de suspension
sont généralement suivis d’une majuscule, mais les membres d’une énumération
débutent avec une minuscule et sont suivis d’un point-virgule:
— la ponctuation;
— les consonnes;
— les voyelles.
En français, les lettres capitales sont accentuées au même titre que les minus-
cules: UN LIVRE ILLUSTRE n’est pas la même chose qu’un LIVRE ILLUSTRÉ.
Les orients prennent une majuscule quand ils désignent une région: «nous avons
suivi la piste en direction du nord», «la rive nord de la vallée», mais «le Sud maro-
cain», «l’Afrique du Nord». On écrit «la mer Rouge» et «le désert Libyque».
Les guillemets sont toujours «collés» aux mots qu’ils encadrent. On utilisera
les guillemets propres à la langue de l’article, soit, s’agissant des langues acceptées
pour les Cahiers de l’AARS: «français», «italien», ‘anglais (de Grande Bretagne)’,
“anglais (états-unien)”, „allemand” ou »allemand«. En français, il s’agit donc des
«guillemets typographiques» (en doubles chevrons), mais dans les cas d’une citation
à l’intérieur d’une autre, on utilisera des guillemets anglais en doubles apostrophes,
comme dans la phrase suivante: «Alors il déclara: “Vous êtes prié d’utiliser les bons
guillemets”, puis il retourna à son clavier.» On évitera les espaces insécables.
Les notes et légendes des figures sont placées en fin d’article. Dans le texte, le
numéro des notes est laissé en bas de casse, et «collé» au mot qu’il suit, comme1
ceci2. Au début des notes elles-mêmes, leur numéro est suivi d’un point, puis d’une
espace simple. Corps et police sont les mêmes que pour le texte.
Cartes, dessins au trait et photographies doivent être sous forme de fichiers
images, avec un document et un numéro individuel pour chaque illustration (éviter
les a, b, c dans les légendes). Les figures sont donc numérotées de Fig. 1 à Fig. n,
quelle que soit leur nature (carte, photographie, dessin). Chaque illustration est
légendée séparément. Les tableaux seront référencés à part, et s’ils sont nombreux,
ils seront regroupés dans une annexe en fin d’article. Les fichiers images doivent
avoir une densité d’au moins 300 dpi pour une largeur d’au moins vingt centimètres,
et doivent être sauvegardés au format JPG / JPEG en CMJN ou en niveaux de
gris. Il ne faut jamais assembler les images ou les composer en planches, mais les
envoyer séparément (une image = un fichier).
Toutes les illustrations doivent être libres de droits. Si elles ne sont pas signées
des auteurs des articles, il faut le préciser en fin de légende (cliché Sam Vabien),
tout en indiquant leurs références éventuelles, en suivant les mêmes normes que
dans le texte.
Association des amis de l’Art Rupestre Saharien
Association (loi de 1901) fondée en 1991 et dont le but social est de « promouvoir
les études sur l’art rupestre saharien, faire connaître les documents s’y rapportant, et
toutes les opérations liées directement ou indirectement à cet objet. L’association se
propose en particulier de réunir périodiquement les personnes, amateurs et/ou pro-
fessionnels de la recherche, intéressés à des titres divers par l’art rupestre saharien ;
communiquer tous renseignements utiles, par échange d’informations et d’opinions,
au sein de l’association ou par des publications ; publier une Lettre de l’AARS infor-
mant les membres de tous les événements, scientifiques ou autres, liés à cet objet. »

Siège social et adresse postale


Chez Jean-Loïc Le Quellec
Brenessard, F — 85540 – St-Benoist-sur-Mer

Conseil d’administration
Président : Jean-Loïc Le Quellec
Vice-Président : Frédérique Duquesnoy
Secrétaire : Jean-Marc Rouzet
Trésorière : Anne-Catherine Benchellah
Trésorière adjointe : Nicole Honoré
Responsable site Web : Thierry Devauton
Assesseurs : Gérard Germond, Marie-Jean Nézondet

Tarifs 2020: La cotisation annuelle est de 45 € (35 € pour les étudiants)


Les chèques sont à libeller exclusivement à l’ordre de :
« Association des Amis de l’Art Rupestre Saharien »
et doivent être adressés à la trésorière :
Anne-Catherine Benchellah,
34, rue Boussingault, 75013 - Paris
annebenchelah@gmail.com

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