Anecdote. En juin 2016, le journaliste Nicaise Kibel’Bel Oka visite le QG avancé des FARDC posté sur une cime vers Eringeti. Il rencontre sur le lieu les généraux Léon Mushale, Etienne Kasereka et Marcel Ekuba (3ème Zone de Défense) et le général Marcel Mbangu, Commandant Secteur opérationnel Sokola I. Vers 16 h30, sur le chemin de retour au niveau de Kokola, le convoi est attaqué par des ADF/MTM. Le journaliste veut sortir pour couvrir en direct les affrontements, le général Mbangu ordonne qu’on l’enferme dans la jeep pour lui éviter une balle. Cette photo est prise au QG avancé des FARDC quelque 30 minutes avant le retour à Beni-ville. De dos, Mushale, au milieu Mbangu entouré de Ekuba à gauche et Kasereka à droit. Officiellement la lutte armée sur le sol congolais devrait prendre fin avec le retour des NALU en Ouganda qui coïncide avec la reconnaissance par le président Museveni de Mumbere Irimangoma Charles comme roi des Yira (Konzo et Nande) et son installation officielle dans l‘«Omusinga». Malheureusement, le retour est volontaire. Ce qui signifie que tous ne vont pas retourner en Ouganda. Certains sont devenus des Congolais par leur propre volonté (la commune de Ruwenzori/ville de Beni est pleine des ressortissants de Bwera). Les autres NALU se déversent dans les ADF en y apportant leur savoir-faire et leur maîtrise géographique du terrain (sentiers, pistes, rivières et ruisseaux, collines et grottes). Le général -major Étienne Kasereka Sindani qui les a combattus dès 1997 et qui a une lecture réelle de ce groupe nous expliquait : « A ce jour le sort des ressortissants ougandais en territoire de Beni est de divers ordres : certains réfugiés sont rentrés chez -eux ; d’autres se sont intégrés dans la population civile congolaise (les Konzo qui avaient des liens de famille avec les Nande) ; la plupart avaient opté pour la lutte armée et ont rejoint les ADF ». Des personnalités fortes de ce mouvement comme Djaffar Benjamin Kisokeranyo sont restés dans le Ruwenzori du côté RDC alors que son père a regagné l’Ouganda et est même membre du parti de Museveni, la NRM. L’idéologie des ADF trouve un terrain fertile auprès des NALU restés au Congo. Les ADF ont pour préoccupation l’application de la chari’a qui oblige de commander le Bien et de chasser le Mal face qui est l’apanage des kafri qui gouvernent selon leurs caprices et leurs intérêts et face à la misère sociale. Ils sont déterminés à mener ce combat extrême contre les gouvernants pervertis et contre le monde de l’impiété. Ils vont poser des actes de séduction de la population en finançant le petit commerce et autres activités. L’adhésion est massive. ADF, cette abréviation par la facilité qu’elle offre à être prononcée va occulter des années durant la principale caractéristique de la source de la force des islamistes. Au lieu d’analyser les ressorts de la violence que ce groupe produit et de comprendre le mode opératoire qui en découle, les experts et chercheurs s’arrêtent à la prénotion et se campent sur un concept flou des « rebelles ougandais ». Cette vision du monde qui sera dirigé selon la volonté d’Allah fait sourire de nombreuses personnes mais possède en elle-même une capacité de mobilisation appuyée par l’enseignement des écoles coraniques et surtout des madrassa. En 2010, lors des opérations Ruwenzori dirigées par le général-major Antoine Mushimba alors colonel ( je l’ai croisé avec le général Léon Mushale le 4 novembre 2020 à Kinshasa et, à trois, nous avons passé en revue le phénomène ADF/MTM), les ADF sont commandés par Rukwabo Kawawa qui aurait succombé de ses blessures. A ses côtés, ils ont entre autre pour commandants Brahida (Cmd Zone opérationnelle), Abdou, Fezza et le Blanc. Jusqu’à cette époque, la population du territoire de Beni est restée admiratrice des ADF qui avaient épousé des filles congolaises. Ils ont acheté des portions de terres auprès des chefs terriens tels Lumande, Paluku Mutembezi. Ils kidnappent pour les travaux des champs. La structure du commandement des ADF, que présentent les services de renseignement ougandais à la presse, donne des noms comme celui de Jamil Mukulu Alilabaki (Over professor, political wing), Burungi Kabanda (Chief director) ainsi que Benjamin Kisokeranyo et Radio man, Abdallah Buringi (Military commander). 6. MDI (Muslim Defence international) Les ADF ( appellation qui ne signifie absolument rien) issus de la secte Tabiq se présentent à Beni comme des musulmans « progressistes » en cachant leur origine et leur lien avec la Communauté des Musulmans Tabliq de l’Ouganda. Les Tabliq ont pour base l’histoire et non le Coran. Ils ont étudié tous les gestes du prophète (Sunna) au-delà de ce qui est écrit dans le Coran. Ils se consolident dans la pratique de la chari’a en pleine forêt du Ruwenzori et créent l’illusion d’un Madina virtuel imitant celui du temps du prophète Muhammad. Ils font régner la terreur, kidnappent des enfants et développent un réseau complexe d’affaires avec la communauté locale. Le général-major FARDC Étienne Kasereka Sindani de préciser : « Déjà à l’époque, les ADF/NALU s’adonnaient aux enlèvements de plusieurs personnes comme méthode de recrutement. Ils pouvaient prendre en otage toute une population le jour du marché, toute une école, voire même une église le jour de dimanche et amener les kidnappés dans la montagne où étaient certains de leurs maquis. Le jour du marché, l’axe Beni-Kasindi était l’objet des embuscades, braquage, enlèvements et pillage des véhicules.» Ils se cherchent une identité qui les rattachent aux autres islamistes du monde. Au regard de différentes nationalités qui composent cette nébuleuse, ils prennent l’appellation de Muslim Defence international (MDI). Faute de vrais sponsors dans le monde du jihad, elle sera de courte durée. Les visites des émissaires, frères de l’Oumma des croyants leur servent à rectifier l’idéologie pour se rapprocher des autres jihadistes. Ils montent des ONG pour le financement de leurs activités depuis l’extérieur. Ils imitent dans les prêches et le comportement les autres jihadistes à travers le monde. Des jeunes, séduits par ce vent nouveau, portent en plein jour des soutanes dans les agglomérations du Grand Nord et laissent pousser la barbe. Lors des défilés sur les grands artères de Beni et Butembo, on admire de dizaines de filles musulmanes porter le burq’a et/ou Niqab avec fierté. Tout en gardant le lien avec les Tabliq de l’Ouganda, ils vont fortifier leur foi en tissant d’autres liens avec les commerçants des produits pétroliers dont la plupart sont des Somaliens et des Kenyans. Sollicités par l’État islamique (E.I.) à travers des émissaires envoyés dans la région (cfr Djibril Muhindo Amir, un cordonnier pas comme les autres dont l’atelier est devant la mosquée de Butembo, se faisant passer pour un illettré mais qui accueille tous les visiteurs de diverses nationalités pour les conduire à Madina dans la forêt), les ADF/MDI sont obligés de changer d’appellation qui serait très explicite et qui renferme les aspects (idéologiques ) du Coran. Le problème de l’islam tel qu’ils le veulent, ce n’est pas seulement la religion, mais un code civil, uen constitution politique,une loi morale. Ils optent pour une nouvelle appellation avec drapeau noir, symbole du jihad armé : Madina at Tawheed Wal Muhahedeen, MTM. Car, Tawhid signifie Unicité divine. Nicaise Kibel’Bel Oka