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Geo MMMM
Geo MMMM
Abstract
B. Kassibo — West African Geomancy: Endogenous and Borrowed Forms.
West African Systems of geomancy, especially in the Mande cultural zone, are, for scholars, hermetic but, for initiates, mystical
and esoteric. This inquiry pursues two Unes of investigation: the problem whether "native" Systems are genuinely
autochthonous (in comparison with classical geomancy of an Arab or Islamic sort); and the plausibility of the hypothesis of
cultural symbiosis, as traditional divination was affected by the civilization of the written word, which has been present for more
than a thousand years. This comparative study establishes relations be-tween various Systems and sheds light on the key
referent—the Sudanese social world—that has underlaid the development and geographical diffusion of these Systems.
Kassibo Brehima. La géomancie ouest-africaine. Formes endogènes et emprunts extérieurs. In: Cahiers d'études africaines,
vol. 32, n°128, 1992. pp. 541-596;
doi : 10.3406/cea.1992.1528
http://www.persee.fr/doc/cea_0008-0055_1992_num_32_128_1528
Bréhima Kassibo
La géomancie ouest-africaine
l.L système bmnbtini est niie oriiitition ile hi geomeineie Zen;ili il donnr
pour les noms îles signes les noms îles m;iisons ei soit pai ignonmee soi pour
toni diitre il est ilonhie p;ii ilivers proreiles lie livin;i1ion pour ileterminer le
signe iii domine Id ueslion lèsouilre signe ainsi ilèeouvert esi tenn pour
une .livinile liKïiielle on niresse l;i lois .les prières musulmanes iïUiinil on en
sail el îles sderiliees puiens
Monteli énonce ici sans le savoir les principes essentiels ni lont la spéci
ficité des systèmes africains mal per us par beaucoup auteurs au point
ils es qualifient de île-grades lin fait le système au repos été repris
dans toutes les autres variantes on va èluilier les dou/.e premières mai
sons ont conservé leurs significations astrologiiïues les quaire dernières
UMANt li 1;1-.!-Ai KK AINi
550 êë
les figures dans le système en activité Dans le système Ez enat une cor
respondance existe entre les noms des prophètes et califes de islam et les
noms des maisons géomantiques Maupoil 1943 74-75 nous décrit un pro
cédé utilisé par les géomants musulmans du Bénin qui présente beaucoup
de divergences par rapport au premier Celui dont nous parlerons nous été
fourni par Ali Kaïtina mon informateur et maître Il comporte beaucoup
inexactitudes quant identité réelle des califes et des prophètes et les
péripéties qui leur sont attribuées Seuls les érudits musulmans connaissent
fond histoire de ces personnages qui deviennent interchangeables chez
les géomants suivant leur degré initiation la géomancie blanche
Ainsi les califes musulmans et les prophètes de Ancien et du Nouveau
Testament culturellement appropriés par islam ont-ils été judicieusement
utilisés dans les systèmes soudaniens dérivés de celui Ez enat
Voyons présent histoire de ces prophètes et califes laquelle la signi
fication des figures reste attachée travers les récits La vie de chacun eux
symbolise un événement majeur ou un trait dominant de caractère et ce
symbolisme est mis en relation avec la maison correspondante Ce procédé
mnémotechnique qui consiste retenir histoire des signes et la significa
tion des maisons revêt une grande efficacité pédagogique en ce sens il
permet de relier facilement le signifiant au signifié une manière réitéra
tive
12 11 10
14 13
15 16
Dahika etc.) les figures ont plutôt emprunté les noms des maisons du
système classique ainsi Madiou nom de maison devient Malej nom de
figure dans la géomancie soudanienne Il apparaît donc que est Ez
enat qui attribué le nom des prophètes aux maisons qui possèdent
déjà dans astrologie un sens originel les systèmes indigènes ont res
pecté affectation astrologique des maisons mais ont utilisé tantôt les
noms des signes tantôt les noms des maisons Ez enat pour désigner
des signes cf Tableau comparatif II Nous avons vu par la suite
comment le système au repos figé la dénomination des figures qui fini
par identifier celle des maisons en réalité comme nous avons expli
cité plus haut il pas confusion mais recouvrement du sens des mai
sons par les figures Dans analyse de la signification des autres maisons
les remarques que nous venons de faire apparaîtront que plus évidentes
Maison III ou Ba so maison de la mère Elle est attribuée Maleju ou
Madiu le mâdi qui sera envoyé par Dieu sur terre pour extermination de
tous les kafiri infidèles mécréants Le Ba so garde le même sens astrolo
gique dans le système Ez enat il est nommé Madiou et conserve le
même sens Madiou devient nom de figure dans les systèmes africains
sous le nom de maleju Le Ba so représente les familiers les frères et
urs est-à-dire unité matricentrique au sein de la famille étendue où
les enfants utérins se regroupent autour de leur mère est la fraternité de
lait badenya Un enfant qui illustre dans une action quelconque fait
abord honneur sa mère sur laquelle rejaillira la gloire
Maison IV ou Fa so maison du père Elle symbolise le lignage la mai
son des pères et par extension le clan le pays la patrie la terre où
viennent les ancêtres et où ils reposent Dans les sociétés lignagères
structure patrilineaire autorité du patriarche étend toute la commu
nauté dont il la charge Le Fa so regroupe un certain nombre de familles
polygyniques subdivisées en unités matricentriques Les agnats entrent en
émulation permanente fadenya) ce qui se traduit par des tensions entre
frères de mères différentes ou entre descendants agnats fils de frères de
même père)
Dans le tableau Ez enat le Bä so porte le nom Idriss est-à-dire
le prophète Enoch tandis que la figure correspondante est appelée Al
bayada la blancheur) signification elle garde aussi en latin albus
Dans les systèmes africains la maison garde le même sens mais le nom de
la figure devient Albayalu Albayada ou Idrissa selon les versions cf
Tableau comparatif II Il donc un usage indifférencié des noms de
maison ou de figure dans appellation des figures par les géomanciens
africains
Maison ou Den so maison des enfants Elle est symbolisée par la
figure appelée Tariki signifiant le chemin La maison garde le même sens
partout Chez Ez enat elle représente les enfants et les nouvelles Chez
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 555
les Africains la figure Tariki el tariki la route devient soit Taliké géo
mancie du Bélédougou) ou Tariki ou carrément Tariki-Ibrahima qui est
une combinaison des noms de la maison et de la figure qui sont différents
chez Ez enat
Pour Ali Kaitina Tariki est assimilé Ibrahim Abraham Il voulu
sacrifier Allah son bien le plus précieux est-à-dire son fils Ce dernier
fut sauvé par Djibril ange Gabriel et remplacé par un bélier La
Tabaski est que la commémoration de ce grand événement chez les
musulmans
Dans les descriptions fournies par les premiers observateurs étrangers sur
les systèmes païens africains se dégage une impression étonnement par
fois de curiosité insatisfaite face une pratique dont ils arrivent pas
saisir la logique interne et ils qualifient aussitôt de magique est
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 561
li me) gardent une part de mystère qui les rend hermétiques aux non-
initiés Cependant au-delà de cette opacité imposée par les praticiens
transparaissent pour observateur attentif et averti les règles de fonc
tionnement qui leur sont inhérentes grosso modo nous pouvons déceler
deux écoles qui par leurs pratiques de production de signes et inter
prétation présentent quelques différences avec le système classique
Nous appellerons kala tous les procédés indigènes soudaniens qui uti
lisent les seize maisons classiques dans leur pratique de consultation
Nous avons le laturu ou turabu qui est une dénomination générique
des systèmes païens au même titre que le kénié le cien le buguri le diaba
etc Le terme turabu était origine affecté la géomancie blanche des
gens du livre est-à-dire les lettrés musulmans adeptes du système Ez
Zenati mais de nos jours le turabu sert autant désigner la géomancie
noire que la géomancie blanche et il tend se substituer aux autres
termes pour devenir un réfèrent générique dans le langage des praticiens
eux-mêmes Cet amalgame sémantique est révélateur maints égards
une imbrication profonde des deux systèmes résultant des contraintes
liées un environnement social initialement réfractaire introduction
une pratique étrangère issue un milieu culturel différent et des diffi
cultés adaptation et expansion consécutives sa vulgarisation
Au nombre des systèmes seize maisons nous retrouvons
le turabu dont étymologie arabe el teret la terre) applicable aussi au
terme laturu est la dénomination initiale du système arabe Ez Zenati
adoption du même terme par les illettrés païens dénote la filiation des
systèmes soudaniens qui lui sont fortement apparentés voir supra
le timba cien ou système de orychtérope Le timba est une sorte de
taupe qui jouit un don de double vue Il ne sort que la nuit et on lui
prête des pouvoirs occultes ce système est surtout employé par les chas
seurs Il existe un système de divination traditionnel axée sur interpréta
tion des empreintes de cet animal chez les populations soudaniennes en
particulier chez les Bambara et les Malinké) surtout dans les sociétés
secrètes Le bota gobon bousier jouit lui aussi de la même considéra
tion car Dieu lui aurait donné la connaissance les traces il laisse der
rière lui peuvent révéler les choses cachées Le renard pâle joue le même
rôle chez les Dogo Cependant ces trois systèmes de mantique utilisés
sont différents de la géomancie ils sont rudimentaires de portée limitée
et est en ce sens on peut les considérer comme des systèmes auto
chtones simples Le timba cien dont il est question ici est une terminolo
gie utilisée pour désigner un procédé de géomancie seize maisons qui se
différencie peu sur le plan structurel du turabu sauf dans sa méthode
interprétation
le batron littéralement sabot de bouc Antérieurement utilisé par
les indigènes pour la lecture des empreintes il servi par la suite dési
gner un procédé géomantique qui dans ensemble garde la même struc
ture formelle que le turabu
564 BREHMA KASSIBO
sité un contrôle par deux autres tableaux partir des quatre dernières
figures du premier tableau se trouvant dans les maisons XIII XIV XV et
XVI et qui deviennent les mères il procède érection du second
thème il nomme dibito kango ou voix des ténèbres Les quatre der
nières figures du second tableau servent leur tour de mères pour
érection du troisième thème il appelle kountogamo ou la vérité glori
fiée Comme on le voit cette méthode est vraiment laborieuse et
demande plus de temps interprétation que dans le tableau unique il va
de soi que le procédé est réservé aux problèmes importants mais il pèche
par son manque de concision
Sissoko signale 256 thèmes possibles susceptibles apparaître au
cours une consultation Les systèmes de divination pratiqués au sud du
Nigeria et au Bénin appelé ifâ chez les Yoruba et fa chez les Fon
comporte 256 signes après Brenner 1985 85 Le dédoublement des
signes dans le système du fa fait dire ce dernier que le diou-soutoun
repose sur le même système accouplement des figures interprétées
uniquement les unes par rapport aux autres et toujours par paires
notre avis le système exposé par Sissoko est-à-dire le diou-soutoun
est très différent du fa qui regroupe les figures par paire le principe
interprétation des figures est différent Sissoko insiste surtout sur les
rapports entre toutes les figures ainsi avec les maisons Au nombre de
ces rapports il parle des positions des figures dans les thèmes de leur
concordance discordance et harmonie de leurs aspects bénéfique ou
maléfique de leur puissance etc Il énonce ainsi leurs rapports symbo
liques avec entre autres les plantes les activités humaines les maladies
est plus un rapport opposition basé sur la symétrie morphologique
des figures En plus de toutes ces considérations le thème parle du client
mais aussi du praticien il donne en même temps des indications sur le vil
lage sur son chef sur le voyageur qui est en route sur les événements
survenir dans le village ou dans la région où une multitude de signi
fiants qui ne peuvent ailleurs tous être décryptés par le praticien
Le diou-soutoun tout comme le fa ou le sidiki de Madagascar uti
lisent tous les seize vecteurs binaires de dimension quatre Dans ces cas
précis il ne peut avoir que vingt-quatre tétragrammes seize figures
dans tous les thèmes possibles et après Jaulin 1976 27) le nombre
de combinaisons de seize figures par groupe de quatre implique exis
tence de 65 536 ou 164 tableaux divers du système en activité
Parmi les systèmes de moins de seize maisons on relève
le surukuni petite hyène est un procédé qui utilise douze maisons
parfois six ou sept lui suffisent pour donner la réponse cherchée Le mode
de production des signes mères est le même que dans le siratu nabiu voir
supra aide du chapelet mais cette pratique est aussi utilisée par les
géomanciens païens
le namani Ce système dont nous avons déjà parlé plus haut ne
comporte pas uniquement seize cases ou maisons mais leur nombre se
566 BR HIMA KASSIBO
occupe une place très importante Il va sans dire que les symboles géo-
mantiques apparaissent comme la cristallisation un message qui est
expression une volonté supérieure et qui se donne lire selon un
code précis connu des seuls spécialistes initiation est autre que
apprentissage de ce décryptage qui se déroule par étapes elle est assez
superficielle et se limite un savoir-faire purement technique qui
consiste en la connaissance des signes et en acquisition de la technique
érection du tableau La seconde étape est celle de la connaissance pro
fonde elle consiste placer le praticien sous influence des forces
occultes qui lui dévoilent le sens caché des choses est ce on
appelle éveil kununi ou ouverture des yeux nye eleni) acqui
sition de la clairvoyance Cette prise de contact avec extra-naturel
nécessite une cérémonie on appelle turabu furu siri ou mariage mys
tique
Le mariage mystique se déroule en plusieurs phases dont les princi
pales sont la détermination de la ou des figures protectrices du
turabu sous influence de laquelle ou desquelles sera placé le postu
lant la fourniture par le postulant des attributs symboliques de cette
figure noix de cola tissu céréale volailles en accord avec sa couleur
préférée blanche noire etc. Ces attributs lui seront donnés en
offrande accomplissement secret du rituel sacrifice selon un code
précis Par exemple le sang de la victime est bu par la terre les os et les
plumes sont jetés dans eau du fleuve lors de la cuisson le feu rentre en
possession de son dû ceux qui ont consommé les victimes les enfants
surtout) par les pets ils lâcheront livreront air sa part appa
rition de la puissance protectrice en songe au postulant signe de acqui
sition de la clairvoyance il lui délègue le maintien des rapports
maître-élève par les cadeaux que le second se doit chaque année offrir
au premier pour le renouvellement des liens mystiques aide du sacri
fice
Après le mariage mystique la science du sable est enseignée graduel
lement au postulant Cet enseignement peut étendre sur une durée
plus ou moins longue suivant les motivations de ce dernier et ses apti
tudes intellectuelles psychologiques et morales Au cours de sa quête il
peut bénéficier successivement de enseignement de plusieurs maîtres
Dans le Wasulu en milieu païen une séance examen collectif réunit
les apprentis géomants les meilleurs étant admis faire partie du corps
Cette cérémonie appelée cien ma dien dien littéralement secouer le
sable lieu sous la présidence des cien mansa est-à-dire des maîtres
du sable Les épreuves portent sur interprétation des thèmes les
offrandes appropriées les caractéristiques des figures etc Les postu
lants doivent faire montre une grande sagacité pour déjouer les pièges
tendus par les examinateurs et faire preuve humilité Malgré le carac
tère ésotérique et enseignement oral de la science du sable en milieu
non musulman une systématisation du savoir géomantique est réalisée
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 571
Le pouvoir des signes Comme convenu les figures que nous étudions
sont des tétragrammes quatre échelons de points ou de tirets en nombre
pair ou impair de par leur production partir de quatre mères nous
obtenons deux puissance quatre ou seize signes différents Dans le sys
tème binaire il ne peut en avoir plus Chaque figure un nom et une
physionomie propres De haut en bas on distingue la tête le cou que cer
tains géomants appellent ur ou poitrine) le ventre et les pieds Symbo
liquement la tête correspond est et élément feu le cou air le
ventre eau et les pieds la terre
Les seize signes revêtent des valeurs symboliques et sociales diffé
rentes Dans le classement Ez enat ils se divisent en deux grandes
classes où sept signes sont alternativement serviteurs et chefs et neuf sont
grands chefs Ceux-ci commandent dans leur maison mais aussi dans
celles des autres et ils ne sont commandés par aucun autre signe Dans les
systèmes soudaniens les figures sont classées enjinns jiné denw) et êtres
humains adama denw) mais la base du classement repose sur la parité
des figures Tous les jinns totalisent un nombre impair de points ce sont
les figures impaires tandis que toutes les figures paires sont des êtres
humains en outre les figures opposent deux par deux est donc un
classement géométrique sur le plan formel mais il traduit surtout le rap
port de forces entre les figures rapport qui est capital dans interpréta
tion Toutes les figures impaires linne denw commandent aux humains
elles sont au nombre de huit
Amadou HAMP 1965 cite tous les grands centres enseignement tradi
tionnel précoloniaux du Soudan au nombre desquels école de géomancie de
Nionsombougou tient une place de choix
572 BR HIMA KASSIBO
sadji ou Puer en latin) qui est une figure de feu vient en maison VIII
dévolue Mangusi figure de terre puissante et maléfique le rapport de
forces sera défavorable au premier Le géomancien pour rétablir équi
libre ou renverser la situation doit exécuter des pratiques occultes selon
un code précis Chez les musulmans ces pratiques consistent en des
offrandes appelées saraka tandis que chez les non-musulmans on les
nomme sonni sacrifice sanglant Mais nous avons déjà affirmé que les
pratiques ont fusionné depuis très longtemps et que les batuta moriw
marabouts devins) bien que travaillant avec les versets du Coran ne
dédaignent pas effectuer le sacrifice sanglant qui continue toujours
revêtir appellation de saraka terme repris aussi par les non-musulmans
pour désigner toute sorte de sacrifice ou offrande Pour Sissoko 1936
261 le saraka ou sacrifice propitiatoire est le don que les esprits du
diaba réclament pour bâtir le bien et anihiler le mal Notons que la réci
proque est aussi vraie il agit de se débarrasser un ennemi ou de
lui jeter un mauvais sort
Le moment du sacrifice est souvent tenu secret mais il se déroule dans
des endroits symboliques brousse termitière dankun ou carrefour
cimetière etc. Pour le géomant non musulman les objets noix de cola
métaux poudre de fusil sont mis en contact avec le buguri fan tableau
de consultation pour leur consécration Dans bien des cas la poudre le
sang ou la cendre sont jetés sur une figure de terre dont on sollicite aide
voir infra)
Le sarakabo offrande sacrifice se déroule selon un rituel précis et le
codage répond au symbolisme de chaque figure qui procède de ses carac
téristiques intrinsèques Chaque figure donc son saraka propre titre
exemple voici une liste de correspondance fournie par Ali Kaïtina du
Korondugu
On con oit donc que si certains magiciens révèlent aisément leurs pro
cédés et vendent au grand jour leurs produits autres qui se disent mal
faisants dissimulent avec soin le mystère de leurs opérations On
comprend dès lors les difficultés rencontrées par les observateurs étran
gers saisir la logique des systèmes exposés altération des figures les
déformations sémantiques la réduction du nombre des signes du tableau
Les invocations cabalistiques sont autant de moyens utilisés pour brouiller
la piste au profane Par exemple le batuta mori marabout devin consulte
aide de son chapelet partir duquel il établit les quatre signes mère
Après avoir déterminé la question posée il renvoie le patient et lui fixe
un rendez-vous en lui faisant savoir il va travailler pour lui En
effet tandis que le géomant païen adresse aux figures du sable le mara
bout prononce des invocations prières aux figures afin arriver ses
fins Le savoir profond ne se confère pas automatiquement un étranger
cause de la puissance il renferme ce dernier peut le retourner contre
son informateur qui aurait ainsi transgressé les règles de sa dévolution
voir supra)
Dans une société où on croit que tout ce qui arrive homme une
cause que on peut déterminer univers naturel humain et extra-humain
se peuple ennemis dont il faut tout prix se préserver où le recours
expérimentateur en psychologie sociale est le géomant qui détient la
clef de interprétation de invisible sur lequel il agit par la force des
signes Nous développerons plus loin cette logique du mal qui est un des
principaux ressorts de la vie sociale africaine et surtout le pouvoir des
signes que on retrouve aussi dans les cosmogonies ouest-africaines
Tout géomancien est avant tout un stratège qui par la manipulation
des signes expression des forces occultes contrôle ensemble des opéra
tions de défense et attaque Ce faisant il se livre un jeu dangereux
dont issue peut lui être fatale Les grands maîtres nommés cien mansaw
imposent la crainte et le respect cause du pouvoir ils sont censés
détenir et qui en font des hommes redoutables hésitant pas semer la
mort autour eux dès ils se sentent offensés On entend souvent dire
que homme noir fara fin orienté la connaissance vers le mal la des
truction de son prochain Le savoir étant secret par nature et jalousement
gardé par ses détenteurs absence écriture renforcé son caractère
ésotérique Mais même chez les lettrés musulmans il pas été démocra
tisé et par le jeu des pratiques de divination le batuta mori acquis le
prestige du géomant païen écriture arabe la maîtrise des lettres
signes et des nombres sont apparues comme des forces mystiques du
savoir forces qualifiées de connaissance blanche Le vrai géomancien est
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 577
de tout siri en offrant des saraka On procède aussi des rituels de ren
forcement de sa propre puissance par des fumigations base de plantes
de bain ou onctions La géomancie est un système double langage
elle parle abord du consultant mais la fin de la consultation avant
effacement du tableau les signes parlent au praticien lui-même et le
message ils lui transmettent est très important car il lui donne des
informations capitales Il doit toujours observer les maisons vie) IV
maison des pères) IX route) XV connaissance) et XIII foyer conju
gal Les figures qui trouvent informeront sur tous les événements le
concernant
ennemi une fois débusquée la riposte se prépare aide des
combattants Le sexe des figures renseigne sur la nature de adversaire
leurs différentes propriétés permettent de le localiser et de mesurer sa
puissance Les figures de terre sont extrêmement puissantes et si elles
symbolisent ennemi ce dernier sera hors de portée de la riposte Il faut
donc savoir avance qui attaquer au risque en faire les frais Il
des moments précis pour attaque que les figures indiquent au praticien
Une attaque lancée de nuit est contrecarrée de nuit celle qui est diurne
est parée le jour Chaque figure son jour faste pendant lequel elle doit
être sollicitée son efficacité une durée connue et ses saraka doivent
être offerts dans les délais elle exige afin de ne pas aller au-devant
un échec
Pour faire entrer le mal en ennemi plusieurs procédés sont utili
sés On trace le signe gansa sur une noix de cola genre Kabaworo
voir supra en récitant la formule consacrée on la perce avec une arête
de poisson trois fois sur chacun des deux côtés on récite une seconde
formule et on jette la noix de cola dans eau du fleuve partir de ce
moment la souffrance pénètre dans ennemi On trace le signe Tontigi
sur du savon noir il agit un ennemi redoutable on se place sur
le flanc droit un baobab en récitant une incantation dans laquelle on
associe le nom de la victime abattre on enduit écorce de arbre avec
le savon et on trace Tontigi dessus on crache sur le tout et on dessine
Tontigi aux quatre angles de arbre dans le sens des points cardinaux
la fin du rituel ennemi devient impotent pour la vie Au cas où on
voudrait le tuer on subsitue au baobab un arbre mort en tra ant Tontigi
sur trois de ses côtés seulement il mourra infailliblement dans le délai
fixé assure Kaïtina On cherche la racine un acacia nommé zegenen
on sectionne aide une hache on enveloppe ensuite dans du
linge blanc tout comme un cadavre dans un linceul On trace Janfa
almamy dans le trou où la racine été extraite Après avoir récité
incantation appropriée on dépose le tissu blanc sur la figure de Janfa
almamy dans le trou on la recouvre de terre avec le dos de la main on
prend un poulet rouge dans une main une aiguille dans autre on récite
une nouvelle incantation la gloire de Janfa almamy en même temps
on enfonce aiguille dans la chair du poulet rouge et on le relâche
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 581
des signes est commune aux deux cultures on évoquées et les analo
gies sont évidentes
Les signes sont la base des comogonies soudaniennes qui recouvrent
de vastes territoires et on retrouve chez de nombreux groupes entre
autres bambara malinké dogo bozo soninké Les systèmes bambara et
dogo ont fait objet une étude intensive de la part des ethnologues fran
ais Les signes de la création qui appartiennent au komo seraient représen
tés dans le ciel par 266 étoiles et constellations Le corps des prêtres se servi
rait dans son enseignement de données astronomiques pour explication
des cycles biologique et végétatif pour la fixation du calendrier des fêtes
religieuses qui est en étroit rapport avec le calendrier agricole Le nombre
33 un des chiffres clefs de la cosmogonie bambara devient le nombre
années qui écoule avant que les calendriers solaire et lunaire ne
débutent de nouveau le même jour Le nombre 60 aux dires de Dietenen
et Cissé 1972 21) correspondrait au cycle de la comète de Halley chez les
Bambara De même chez les Dogons la détermination de la date de célé
bration des fêtes marquant le soixantenaire du sigi effectuerait partir de
la conjonction de Sirius et de son satellite appelé Poni lo invisible il
nu Ce dernier pas le même cycle de révolution que Sirius Ces rapports
interstellaires précèdent-ils les rites ils expliqueraient ou lui sont-ils
consécutifs bâtis après coup pour les besoins de leur intelligibilité ou sim
plement de provenance extérieure Le problème demeure entier
La géomancie est fille de astrologie affirment tous les spécialistes et
cela est corroboré par existence des douze maisons astrologiques qui
servent de fondement au système géomantique Ez enat lui-même attri
buait le surnom astrologue et intitulait son ouvrage le livre de la distinc
tion sur les principes de la science du sable après lui les paroles
agréées pour la connaissance du mel renferment la connaissance des pla
nètes des étoiles des signes du zodiaque des quatre éléments et beaucoup
de connaissances relatives la science du mel. La géomancie est une
des composantes de la culture islamique qui atteint son plus haut degré
élaboration au contact des astronomes perses et des savants indiens et
méditerranéens voir supra)
après Ez enat la somme de tous les points ou traits qui composent
les seize signes est égale 96 Ce nombre toujours selon cet auteur ren
ferme un secret car il 12 signes du zodiaque 28 phases de la lune pla
nètes le soleil et la lune sont les astres les plus éclatants et la constellation
babania comprend 48 étoiles Le total de ces nombres donne 96 Chaque
indice des signes sur terre correspond un signe du zodiaque une phase
de la lune une des cinq planètes au soleil ou la lune ou une des 49
étoiles de babania
on sait le rôle joué par les jumeaux dans les sociétés ouest-afri
caines on est étonné de les voir figurer dans les signes graphiques bambara
tout comme les planètes les étoiles les constellations et autres signes du
zodiaque tel que le scorpion par exemple
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 587
commun aux deux cultures Si nous pensons que les systèmes géoman-
tiques africains étaient inspiration étrangère est-il possible de nier
existence de tout système mantique autochtone Les signes africains de
même que écriture ont une histoire et il serait intéressant étudier leur
genèse et évolution des divers procédés de divination histoire des
idéogrammes peut se résumer en plusieurs étapes
La première forme de divination apparue en Afrique de Ouest se
rapporte au monde animal Les premiers signes étaient les empreintes
laissées par les pattes des animaux et est ce niveau que on peut par
ler une géomancie autochtone au sens étymologique du terme divina
tion par la terre Ainsi le timba ti signe de oryctérope) le sumku ti
signe de hyène) les traces du bota gobon bousier) ou du vulpes pal
lidas renard font partie de ces formes autochtones de géomancie primi
tive Chez les Kouroumba les Dogo et les Mossi aux dires de certains
auteurs Griaule Dieterlen 1951 38) interprétation des empreintes
laissées par le renard sur des tableaux tracés sur le sable constituaient un
procédé divinatoire et une première forme écriture Dieterlen le
remarque fort propos en affirmant que écriture pu être primitive
ment en même temps mode expression et technique de divination
Cependant les signes naturels ne sont pas la propriété de homme et les
possibilités interprétation étant limitées il fallait orienter vers autres
systèmes plus performants Tous les animaux cités jouent un rôle de pre
mier plan dans les systèmes de représentation du monde des peuples sou-
daniens au sein des sociétés secrètes ce qui incite penser ils ont dû
fournir la matière première indispensable la confection des mythes cos-
mogoniques
On distingue deux catégories les graphiques et les idéogrammes géo-
mantiques Avec eux nous entrons dans un système plus élaboré de signes
qui deviennent la clef de la connaissance de univers expression même
de la divinité con ue comme unité originelle Ces mêmes signes sont tra
cés sur la terre ou sur la fa ade des édifices de culte On peut les considé
rer comme des idéogrammes de par leur morphologie qui repose sur des
principes simples En effet après Dieterlen ibid nous avons une clas
sification des signes en quatre séries en fonction des quatre éléments et il
est possible en identifier la série partir du début de leur tracé Une
spirale ou un segment courbe pour air un cercle pour eau un segment
droit pour la terre deux segments croisés ou une ligne brisée pour le
feu Chaque signe peut se rapporter aux autres éléments dans son évolu
tion Les signes sont les marques de la connaissance intime des choses
elles ont servi désigner avant même leur existence matérielle
homme en les assimilant participe la connaissance divine La connais
sance consiste donc pour lui décomposer les signes et les analyser
Mais les signes ne sont réellement opératoires que dans abstrait car ils
sont un moyen expression des mythes dont ils dévoilent les contours
est en ce sens que Griaule ibid 1951 les qualifiait de mythe
590 BR HIMA KASSIBO
11 affectation aux procédés modernes géomantiques des anciens noms des procé
dés divinatoires basés sur la lecture des empreintes animaux timba sumku
namani etc. peut être considérée comme un transfert sémantique et une forme
de récupération culturelle du nouveau par ancien
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 591
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