Vous êtes sur la page 1sur 57

Cahiers d'études africaines

La géomancie ouest-africaine. Formes endogènes et emprunts


extérieurs
M Brehima Kassibo

Abstract
B. Kassibo — West African Geomancy: Endogenous and Borrowed Forms.
West African Systems of geomancy, especially in the Mande cultural zone, are, for scholars, hermetic but, for initiates, mystical
and esoteric. This inquiry pursues two Unes of investigation: the problem whether "native" Systems are genuinely
autochthonous (in comparison with classical geomancy of an Arab or Islamic sort); and the plausibility of the hypothesis of
cultural symbiosis, as traditional divination was affected by the civilization of the written word, which has been present for more
than a thousand years. This comparative study establishes relations be-tween various Systems and sheds light on the key
referent—the Sudanese social world—that has underlaid the development and geographical diffusion of these Systems.

Citer ce document / Cite this document :

Kassibo Brehima. La géomancie ouest-africaine. Formes endogènes et emprunts extérieurs. In: Cahiers d'études africaines,
vol. 32, n°128, 1992. pp. 541-596;

doi : 10.3406/cea.1992.1528

http://www.persee.fr/doc/cea_0008-0055_1992_num_32_128_1528

Document généré le 02/06/2016


TUDES ET ESSAIS

Bréhima Kassibo

La géomancie ouest-africaine

Formes endogènes et emprunts extérieurs

La divination est une pratique que on retrouve en Afrique depuis les


temps les plus reculés où elle revêtu une infinité de formes dont plu
sieurs ont subsisté nos jours Notre propos est pas entre
prendre une étude un tant soit peu exhaustive de art divinatoire mais
plutôt orienter la réflexion sur une de ses formes particulières est la
divination par la terre appelée géomancie présente en Afrique depuis
plusieurs siècles Son origine pose problème et prête de multiples
conjectures On la retrouve en de nombreux endroits du continent afri
cain de la côte atlantique océan Indien Cette expansion géographique
considérable suscite une interrogation de poids qui est celle une plau
sible identité culturelle commune des aires géopolitiques traditionnelle
ment considérées comme historiquement discontinues où hypothèse
sous-jacente un facteur commun unification culturelle identifiable
sous les traits de la civilisation islamique dont la géomancie ne serait
un mode expression particulier parmi tant autres
Parallèlement cet axe de réflexion vient se greffer une autre problé
matique non moins importante relative existence une géomancie dite
païenne qui serait autochtone et antérieure au système classique obé
dience arabe on retrouve dans les traités savants Certains auteurs spé
cialisés dans étude des cosmogonies africaines trouvent le fondement de
la géomancie dans les systèmes de représentation du monde dont les signes
seraient les symboles vivants en tant archétypes de univers matériel
Quand on sait par ailleurs que ces cosmogonies qualifiées de bambara
dogo bozo reposent sur des connaissances astronomiques astrolo
giques arithmologiques et sur le symbolisme des signes connaissances
qui apparaissent également sous une forme plus systématisée dans la géo
mancie classique on est en droit de se demander il pas eu une
interférence plausible entre les deux systèmes apparemment autonomes
dont la résultante serait existence une culture syncrétique incontour
nable dans évaluation de la réalité socio-culturelle ouest-africaine
Quand bien même hypothèse une identité originelle serait établie
entre les différents systèmes géomantiques il en demeure pas moins

Cahiers tudes africaines 128 XXXII-4 1992 pp 541-596


542 BR HIMA KASSIBO

ayant pris racine dans le vaste champ socio-culturel de Ouest africain


la science du sable est teintée une coloration originale qui est traduite
par un foisonnement écoles dont les praticiens en laissant libre cours
leur imagination ont incontestablement contribué enrichissement grâce
une adaptation féconde aux réalités qui étaient les leurs est cet aspect
original que nous ferons ressortir dans étude des systèmes ouest-africains
pour marquer la ligne de démarcation entre un savoir codifié et fossilisé
dans le livre et autre débarrassé de tout carcan scriptural et qui ne cesse
étonner cause de sa surprenante faculté adaptation et de ses
immenses potentialités eu égard la compréhension et la maîtrise du fait
social global travers les comportements de ses acteurs

Origine de la géomancie classique

Cette géomancie se caractérise par un ensemble de seize figures formées


de signes les figures étant des vecteurs binaires de dimension quatre En
outre le tableau est constitué un ensemble de seize maisons dont les
douze premières ont une signification astrologique
Sur emplacement du foyer originel les auteurs se perdent en conjec
tures lui attribuant soit la Perse Arabie la Chine ou Egypte soit
Inde ou la Mésopotamie parmi les plus cités où incertitude la plus
complète sur le lieu précis de son invention1
Quant aux foyers historiques il semble évident on puisse rattacher
la géomancie classique aux mondes méditerranéen et oriental car les plus
anciens traités reconnus sont en langue arabe ou adaptés de arabe Selon
la majorité des auteurs la géomancie aurait déjà été pratiquée couram
ment en Perse aux vine et ixe siècles et exportée vers la Syrie et Egypte
par des savants juifs et arabes pour se répandre ensuite en Afrique et en
Europe La géomancie classique dite arabe serait redevable au Moyen-
Orient qui lui aurait fourni essentiel de ses éléments constitutifs sinon la
totalité Cet essor serait principalement dû expansion de islam qui
travers les occupations arabes de la Perse 650) de Inde 664 de
Egypte et de la Syrie 634-640) aurait trouvé les fondements des
connaissances astrologique astronomique mathématique et divinatoire
génératrices du courant scientifique dont le monde musulman est fait le
propagateur au Moyen ge en Europe et en Afrique2
Le traité de Cheikh Mohammed Ez enat datant du xvie siècle est

Hadj KAMBALLAH 1976 22) établit dans un parallèle saisissant la parenté


entre les idéogrammes géomantiques et les trigrammes chinois appelés pakoua
et certaines écritures uniques Scandinaves comme les tifinars qui sont les carac
tères de la langue tamachèque Il conclut leur origine antique et souligne leur
caractère hautement métaphysique
Cf MAUNY 1961 25) sur les conditions historiques de émergence de la
civilisation arabo-musulmane
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 543

considéré par tous les auteurs comme le principal ouvrage de vulgarisation


de la géomancie classique en Afrique noire Il conviendrait de remarquer
que introduction première de la géomancie paraît être antérieure au
xv siècle en Afrique de Ouest et ceci pour plusieurs raisons Sissoko
1936 considère en effet le Wagadu comme un des premiers foyers origi
nels de la géomancie au Soudan occidental Na Moussa et Na Bourema du
Wasulu province mère auraient été initiés par unjinn en lequel il reconnaît
un des maîtres es-sciences occultes ayant émigré du Wagadu après la chute
de cet tat Pour Sissoko le célèbre Jitumu Musa voir infra) disciple des
deux maîtres historico-mythiques cités aurait été introducteur de la géo
mancie dans le Soudan occidental Celle-ci se serait propagée selon un axe
sud ouest 3e et 2e régions administratives actuelles du Mali) est-à-dire du
Jitumu au Bélédugu puis au Kaarta Birgo Kukodugu Bambuk et Khaso
La présence des mots wangara parler principal affirme-t-il de ancien
Wagadu incite désigner celui-ci comme son lieu de provenance
Les hypothèses énoncées par Sissoko pèchent énormément abord sur
le plan historique au niveau de la datation chronologique ensuite en ce qui
concerne le cas de Jitumu Musa le fameux Na Bourema identifié par
auteur comme un des pères fondateurs de la géomancie aurait été rien
autre après la tradition que son esclave en la personne du berger peul
Soma Sangare3 Bien que Sissoko parle de géomancie païenne celle-ci
conserve la même structure originelle que la géomancie classique quant aux
figures et aux maisons quelques variantes près ailleurs il conclut fina
lement origine sémitique et anté-islamique de la géomancie du Wagadu
dont les figures portent les noms des prophètes de Ancien Testament ce
qui en soi est pas une preuve suffisante car Ancien Testament été
adopté par islam qui reconnaît tous les prophètes antérieurs hégire
Mahomet étant que le dernier maillon de la chaîne
Si islam été un tant soit peu le facteur de propagation de la géoman
cie au Soudan il faudrait remarquer que déjà au xie siècle El Bekri signale
la conversion de Baramandana un roi du Mali par les soins occultes un
marabout4 autre part le Ghana dès le vne siècle était déjà entré en
contact avec le monde arabo-musulm Le même auteur signale exis
tence un quartier musulman peuplé de commer ants nord-africains et
moyen-orientaux côté du quartier royal obédience païenne dans la capi
tale Koumbi Saleh
En supposant que le Wagadu dont parle Sissoko soit ancien Ghana il
serait bon de remarquer que empire de Ghana champ historique de ren-

Sur origine et le rôle de la géomancie au Jitumu cf Jean-Loup AMSELLE


1990 157)
Conversion
Youssouf
Mali et de Tata
loin
trèspostérieur
Cissé
controversée
qui affirment
Baramandana
par plusieurs
que même
était
auteurs
Soundiata
pas musulman
dont Keïta
Wa CfKamissoko
empereur
Wa KAMIS
du
et
SOKO Youssouf Tata CISS 1988)
544 BR HIMA KASSIBO

contre entre la culture musulmane et le monde négro-africain appa


raîtrait dans ce cas comme un des premiers foyers infiltration de la
géomancie classique plusieurs siècles avant ouvrage de vulgarisation
Ez enat Dès le vine siècle islam en devint le principal vecteur de
propagation par entremise des marchands et dévots arabo-berbères
relayés progressivement par les négociants soudanais Wangara
Wakoré Diula et Marka et les marabouts négro-africains dans le
Soudan occidental
Cependant il ne convient pas de ne voir en islam un simple sup
port de la géomancie son principal vecteur est surtout écriture arabe
véhicule de la pensée scientifique arabo-musulmane ouvrage Ez
enat rien de religieux est un simple traité profane De même plu
sieurs ouvrages de divination le grand et le petit comptes les tableaux
des prophètes arithmologie étaient soumis au fil des siècles une
intense circulation de Atlantique la Grande île et aux Comores
Les érudits africains ont abord découvert écriture au travers du Coran
et nos jours les caractères arabes revêtent aux yeux du profane
une signification pieuse
islam transmis le premier système écriture aux Africains Paral
lèlement ce phénomène de diffusion scripturale des efforts de transcrip
tion des langues nationales peul haoussa songhay en caractères arabes
furent entrepris dans tout le Soudan occidental Ainsi donc dans cette
civilisation soudanienne arbitrairement qualifiée de civilisation de ora-
lité par les doctes africanistes il convient de discerner existence une
communauté de lettrés dont influence été considérable dans ingestion
et la propagation de la civilisation musulmane sur les plans religieux et
scientifique La présence de la géomancie classique au sein des sociétés
secrètes komo kore etc. obédience païenne semble attester du pro
fond niveau de pénétration de la société rurale par la culture arabo-
musulmane contrairement au vieux schéma dichotomique traditionnel
opposant citadins lettrés et islamisés aux ruraux païens et analphabètes
schéma devenu caduc de nos jours
Con comme émanation de la culture religieuse islamique le savoir
islamique englobe un vaste champ conceptuel ordre historique commun
tous les musulmans ouest-africains et repose sur la nature acquisi
tion et usage adéquat un savoir religieux articulé autour une doc
trine une cosmogonie une méthode et une pratique Brenner
1985 Dans le cadre de ce savoir religieux la géomancie joue un rôle
ambigu Vivement combattue par les ulémas comme une méthode non
orthodoxe en contradiction avec les principes de islam elle en conti
nua pas moins circuler sous le manteau et sa pratique accentuait consi
dérablement le prestige des marabouts capables de déchiffrer les mes
sages du monde extra-naturel instar des devins païens Le prophète
Mahomet dit-on accorda sa grâce au songe procédé légal du genre
prophétique permettant entrer en contact avec le surnaturel Pour Ibn
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 545

Khaldoun5 astrologie et la géomancie apparaissent comme amas de


conjectures et de suppositions est le démon qui influence le devin en
lui révélant les choses cachées tandis que le prophétisme serait dû aux
anges où la condamnation de la mantique par les théologiens musul
mans
Pour Brenner 1985 162 les pratiquants du khatt al-rami science des
signes ont contribué le diffuser partout en Afrique et certains adeptes
musulmans ont tenté de le faire adopter par islam en se référant une
révélation divine antérieure celle-ci
Il nous semble judicieux affirmer avec Jaulin 1976 162 que la géo
mancie été véhiculée en même temps que islam elle connut un
grand succès si on considère elle fut adoptée ainsi que le thé et le
café de même origine non seulement par les indigènes qui islamisèrent
mais encore par ceux qui ne islamisèrent point Cette implantation et
les transformations subies sont rapporter aux conditions socio-histo
riques qui lui servirent de support tant pour son intégration que pour sa
diffusion est ainsi que on retrouve en Afrique de Ouest deux formes
de géomancie celle dite classique obédience arabo-islamique le khatt
al-rami ou turabu apanage des lettrés musulmans en particulier et celle
qualifiée indigène ou de païenne buguri cien ou laturu en banma-
nan utilisée par des populations païennes analphabètes Pour des rai
sons pratiques nous qualifierons la géomancie classique de blanche
cause de ses liens avec écriture qui est considérée comme signe de
savoir elle est pratiquée par les lettrés musulmans autre exercée par
les païens analphabètes cause de son mode de transmission initia
tion ésotérisme etc.) évoque ombre le savoir noir redoutable dans ses
effets et liée tout un ensemble de connaissances thérapie conjuration
agression défense de individu et/ou du groupe ancrées dans la réalité
sociale et dépassant le cadre de la simple mantique
Il nous paraît intéressant afin de situer les traits de similitude et de
divergence existant entre les deux systèmes de les étudier systématique
ment dans leur structure leur logique et leur finalité mais aussi par rap
port au contexte socio-culturel qui leur servi de creuset historique pour
la reformulation de leurs pratiques

Les systèmes ouest-africains

Nous avons distingué en Afrique de Ouest deux systèmes de divination


pour des raisons méthodologique et historique mais depuis fort long
temps les deux systèmes se sont fortement imbriqués au point il est dif
ficile hui de parler une existence autonome de la géomancie

IBN KHALDOUN Les prolégomènes 1.1 pp 231 sq


546 BR HIMA KASSIBO

obédience païenne ou musulmane Les emprunts sont si nombreux de


part et autre aucun système ne peut être qualifié de pur le système
classique Ez enat ayant subi au cours des siècles des altérations pro
fondes dans son processus acclimatation aux réalités ouest-africaines
Nous étudierons donc dans un premier temps les systèmes apparentés
comportant seize signes identiques ceux du système classique et dont le
mode de déduction des signes est similaire avec une forte ressemblance
sémantique dans la désignation des noms des figures et des maisons
Ensuite il sera question des systèmes hybrides qualifiés autochtones
dont les modes investigation varient par rapport au système classique
altération des signes déformation de leurs noms leur rapport avec les
maisons et la signification de ces maisons les procédés interprétation
etc. Selon les différents contextes socio-historiques le système classique
été profondément repensé modifié et adapté des fins diverses En
Europe par exemple il été dépouillé au fil des siècles de tous ses
aspects exotiques sacrifices nosomancie nosographie et cosmogonie au
détriment une coloration astrologique compatible avec les calculs
mathématiques dont avènement de la conquête arabe favorisa expan
sion est surtout Madagascar que on retrouve cette voie de diffusion
prédominante du modèle astrologique dans le procédé local sidiky de
arabe sikl signifiant signe où les noms des seize signes comprennent huit
noms de signes du zodiaque et huit noms approximatifs de signes géoman-
tiques Dans le reste du continent africain le système classique été for
tement intégré aux pratiques locales et subi des modifications notoires
en ce qui concerne son mode de transmission et son rôle dans les systèmes
cosmogoniques et les sociétés secrètes Considérons quelques-uns de ces
systèmes qualifiés autochtones

Etude comparative des systèmes géomantiques

La géomancie classique véhiculée en Europe par les Arabes subi de


nombreuses altérations le tableau de consultation ne comporte plus que
quinze maisons les douze premières ont gardé leur signification astrolo
gique les trois dernières se répartissant entre le juge et les deux témoins
De plus la gangue idéologique qui la recouvrait initialement sacrifice
soins curatifs incantations etc. cédé la place un système rigide où
interprétation des thèmes fait peu de place imagination cause de sa
codification sous forme de clés que les pratiquants apprennent par ur
Il nous faut considérer ces altérations comme inévitables dans le proces
sus de diffusion du système originel cause de la diversité des milieux
acclimatation Tel semble être le cas du système Ez enat que on
peut qualifier de classique au sens historique du terme On le retrouve
dans les mains des batuta moriw marabouts devins sous une forme dif
férente de la forme originelle mais aussi dans la pratique des soma géo-
OIV1/N(H Si 547

maneicib païens La version des marabouts qui esi nommée ïè


celle des somu appelée II keme ii on uini senibienl maigre
originalité apparentées till Système in Scl des Secteurs biliaires
eoiiipoitani sci/c figures en oime iie letragiamrnes es deux systèmes
Sli! pla! Comparatif beaucoup de similitudes emoinS de lei
inserltoii dans Ics realties sociales qui nul cle leur c.idre expression Les
lableaiix suivants nous fournissent Ics caractéristiques de trois systèmes
ainsi que les conilitions de variabilité des unes par rapport aux autres el
liar apport au système oiii iiiel Il nous semille que le système di
Zenali servi de liase aux systèmes africains on retrouve au Mali
âet nel Beledugu Khasso Wassolon Della eentrai ele. et de Atlan
tique oeean Indien Trois tableaux comparatifs serviront notre
démonstration assortis de commentaires sur le mode de filiation en ce qui
concerne entre autres érection du thème la signification des figures et
des maisons et les procèdes interprétation
Le système au repos Tableau comparatif est représente par le
tableau fourni par Ahmadou dano un analphabète avant suivi ensei
gnement un marabout liarles Monleil lors un séjour que
celui-ci fit Djenne Soudan fran ais en IW en tait est la reconstitu
tion du système i1 .enali dans nne position dite de repos èrec
lion du Iheme se iaii partii une sélection des quaire premiers ncs
appelés mères selon un procède base sur le pair et impair La naissance
des quatre figures suivantes appelées filles est réalisée par la translation
des mères La copulation deux liai deux des huit premières figures donne
naissance quatre nièces La copulation des quatre nièces deux par deux
donne naissance deux petites filles puis addition de celles-ci produit la
quill/lerne ligine l/addilion iie celte iteiniere ligine avec la pienneie
mere donne naissance la seizième figure Le thème est érige de la
gauche vers la ilroile se lii dans le même sens es figures se placent
dans des maisons situées dans un ordre croissant de XVI
Sur le sens des maisons plusieurs auteurs ont relevé des analogies
frappantes entre le système au repos de Zonati et les formes apparen
tées que nous éludions actuellement après Monteil 1932 104

l.L système bmnbtini est niie oriiitition ile hi geomeineie Zen;ili il donnr
pour les noms îles signes les noms îles m;iisons ei soit pai ignonmee soi pour
toni diitre il est ilonhie p;ii ilivers proreiles lie livin;i1ion pour ileterminer le
signe iii domine Id ueslion lèsouilre signe ainsi ilèeouvert esi tenn pour
une .livinile liKïiielle on niresse l;i lois .les prières musulmanes iïUiinil on en
sail el îles sderiliees puiens

Monteli énonce ici sans le savoir les principes essentiels ni lont la spéci
ficité des systèmes africains mal per us par beaucoup auteurs au point
ils es qualifient de île-grades lin fait le système au repos été repris
dans toutes les autres variantes on va èluilier les dou/.e premières mai
sons ont conservé leurs significations astrologiiïues les quaire dernières
UMANt li 1;1-.!-Ai KK AINi
550 êë

in sens proprement géomaniique Il pas vraimeni dans ces svs


lemes- niie confusion sm le sens originel des maisons es geomanciens
noirs se sont heurtés un problème ordre culturel en ee tlili concerne le
symbolisme es figures dont éiyri ologie première esi liée lem morp io
logie el iiix représentations dii milieu origine- es modifications niter
venues soni lonclion des contrainles liées la vulgarisation dii système
initicil La terminologie nahe des signes avérait ires diiïiciie retenir
pour des populations en majorité analphabètes ou un système didae-
tique ei synopiique axe SL la lepiésentalion du système au epos dans
lequel les ligures sont arbitrairement forces Mais ce qui est ctonnani
est que dans tous les systèmes soudaniens ordre des ligures est reste
lige au point que les ligures ont fini par identifier aux maisons hôtes
Mais des que le système entre en activité on se rend compte que est une
apparence trompeuse elles revêtent une infinité de significations dépas
sant celles des maisons Le fait une figure prenne la place occupe
dans le système au repos ne signifie pas que cette position soit la mai
son de mais simplement comme le dit fort propos Jaulin IW-i 2<S
que recouvre où apparition de nouvelles relations
implique cette situation
Parallèlement la géomancie classique circulait dans aire expan
sion de la civilisation arabo-musulmane un procede de divination prise
des marabouts el des erudits musulmans ce propos Monleil 32
nous donne quelques informations sur le sort des prophètes où il est
la usage un tableau compo tant trente-deux noms de prophètes Apres
la récitation de la ///c/ le devin pose le doigt sur le tableau et h! le nom
du prophète ainsi désigné Un petit recueil donne pour chaque nom un
ensemble de renseignements On retrouve le même procede une
manière plus précise transplante au Dahomey Bénin où on appelle fa
le géomant récite la devise des figures qui apparaissent dans le théine Au
Mail les noms des prophètes qui désignaient les maisons dans le système
Zenati ont fini par désigner les figures géomantiques où impres
sion de confusion rapportée par plusieurs auteurs voir supra entre
figures et maisons notre avis ce phénomène expliquerait surtout pai
des raisons ordre didactique mnémothechnique et culturel Il est lié au
mode apprentissage de la pratique géomanlielle en milieu africain anal
phabète la récitation) est dans une telle perspective que les prophètes
dont les péripéties biographiques étaient récitées sous forme de devises
pouvaient représenter les figures qui déterminaient leur tour le sens des
maisons qui devenaient spécifiquement les leurs Ainsi Jalifa Alinami ko
ni signifie que Jésus qui été tralli donné sa vie pour le salut de
humanité La piemiéic maison deviendra le Ni ou maison de la vie
celle du demandeur est ainsi que les sei/e ligures sont successivement
mises en relation avec les sei/.e maisons qui devienneni leurs gîtes il
une part homologie entre le sens des figures el le sens des maisons dans
le système au repos el autre part recouvrement du sens des maisons par
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 551

les figures dans le système en activité Dans le système Ez enat une cor
respondance existe entre les noms des prophètes et califes de islam et les
noms des maisons géomantiques Maupoil 1943 74-75 nous décrit un pro
cédé utilisé par les géomants musulmans du Bénin qui présente beaucoup
de divergences par rapport au premier Celui dont nous parlerons nous été
fourni par Ali Kaïtina mon informateur et maître Il comporte beaucoup
inexactitudes quant identité réelle des califes et des prophètes et les
péripéties qui leur sont attribuées Seuls les érudits musulmans connaissent
fond histoire de ces personnages qui deviennent interchangeables chez
les géomants suivant leur degré initiation la géomancie blanche
Ainsi les califes musulmans et les prophètes de Ancien et du Nouveau
Testament culturellement appropriés par islam ont-ils été judicieusement
utilisés dans les systèmes soudaniens dérivés de celui Ez enat
Voyons présent histoire de ces prophètes et califes laquelle la signi
fication des figures reste attachée travers les récits La vie de chacun eux
symbolise un événement majeur ou un trait dominant de caractère et ce
symbolisme est mis en relation avec la maison correspondante Ce procédé
mnémotechnique qui consiste retenir histoire des signes et la significa
tion des maisons revêt une grande efficacité pédagogique en ce sens il
permet de relier facilement le signifiant au signifié une manière réitéra
tive

Histoire des maisons et des figures

Maison ou Ni so maison de la vie Elle est attribuée la figure nommée


Janfa Almami voir tableau des maisons qui symbolise la fois la vie et la
trahison En effet Janfa Almami le maître on trahi est autre que
Issa le Jésus des chrétiens Pour Kaïtina il été trahi par les siens et fait
don de sa vie Ses ennemis voulant le mettre épreuve lui ont demandé de
faire tomber le tô6 ce qui fut réalisé sur le champ Ils lui demandèrent
ensuite de ressusciter un mort ce qui fut fait Le Dieu des chrétiens exaucé
toutes les requêtes de son envoyé mais les ennemis demeurèrent scep
tiques ils le trahirent et il fut mis mort
Dans le système classique cette maison demeure celle de la vie elle est
celle du demandeur consultant et garde le même sens dans les systèmes
soudaniens elle sert déterminer le motif de la consultation dans le cas où
le demandeur refuse de le dévoiler Chez Ez enat elle appelle Issoufou
dans les systèmes soudaniens elle porte le nom de Ni so maison de la vie
comme en astrologie voir Tableau comparatif II Par contre le signe qui
lui est lié est Janfa Almami Yonissa ou Sidjou selon les systèmes étudiés

Plat africain base de céréales généralement du mil


BREHIMA KASSIBO

12 11 10

14 13

15 16

Janfa almamy Kalalaw


Adama 10 Mansa Solomani
Malej 11 Badara
Albayada 12 Nunkoro
Tariki 13 Lusiné
gansa 14 Tontigi
Lumara 15 Mori Sumana
Mankusi 16 Jamati Moussa

LES SEIZE FIGURES OMANTIQUES DANS LE SYST ME AU REPOS


LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 553

Maison II ou Hardiegé so maison de la chance Elle est attribuée au


signe Adama ancêtre des hommes Adama symbolise la chance parce
que de son union avec Awa la première femme créée il engendra
humanité Procréer est prospérer croître avoir des enfants est être
riche car la descendance est la plus grande richesse que peut espérer un
homme Quand une femme est enceinte on dit ka hardiegela est-à-
dire elle eu de la chance La maison de la chance symbolise les biens
humains et matériels qui entrent dans la famille Chez Ez enat elle se
nomme Adama ou maison des biens Elle garde la même signification en
astrologie que dans les systèmes dérivés africains et dans ces derniers elle
est symbolisée par Adama ancêtre mythique En observant bien le
tableau comparatif II énigme de la pseudo-confusion entre figures et
maisons géomantiques trouve sa solution
Dans le tableau Ez enat les figures ont un nom propre Dahika
etc Elles gardent un sens précis du point de vue de leur signification éty
mologique Al bayad signifie la blancheur El tana la route El omr le
rouge etc En plus de la signification astrologique des maisons les douze
premières) Ez Zenati leur octroie un nom spécifique est ainsi
Issoufou devient la maison du demandeur Adama la maison des biens
Ibrahima la maison des enfants etc
Quand on passe aux systèmes africains on se rend compte du trans
fert qui est effectué du nom des maisons celui des signes Ces systèmes
ont gardé contrairement ce que pensent bon nombre auteurs la signi
fication astrologique des douze premières maisons et ont même ajouté un
sens particulier aux quatre dernières qui deviennent les maisons de la
richesse du foyer conjugal de la connaissance et de la fin ou destin là où
le système classique ne parle que de renseignements divers ailleurs
dans les traités européens et même chez Hadji Kamballah7 qualifié de
représentant authentique du système classique la maison XIII devient
celle du témoin droit la XIV devient celle du témoin gauche la XV
devient celle du juge et la XVI disparaît complètement du thème Elles
ont plus de sens précis comme les douze premières
Les systèmes africains dans la majorité des cas en gardant le sens ini
tial astrologique des maisons ont transféré les noms qui les désignent
chez Ez Zenati sur les signes est ainsi que par exemple Adama qui est
la maison des biens chez Ez Zenati devient le nom de la figure correspon
dant cette maison dans les systèmes indigènes Al bayada qui est le nom
une figure chez Ez Zenati désigne la même figure dans les autres sys
tèmes ainsi que Tariq etc Partout où chez Ez Zenati le symbolisme origi
nel de la figure est évident celle-ci été adoptée par les autres géoman-
ciens sous sa terminologie arabe quoique un peu déformée pour désigner
les même signes Là où il est plus flou et moins signifiant Al kaussadji

Cf son ouvrage op cit. devenu un classique de la science géomantique


554 BR HIMA KASSIBO

Dahika etc.) les figures ont plutôt emprunté les noms des maisons du
système classique ainsi Madiou nom de maison devient Malej nom de
figure dans la géomancie soudanienne Il apparaît donc que est Ez
enat qui attribué le nom des prophètes aux maisons qui possèdent
déjà dans astrologie un sens originel les systèmes indigènes ont res
pecté affectation astrologique des maisons mais ont utilisé tantôt les
noms des signes tantôt les noms des maisons Ez enat pour désigner
des signes cf Tableau comparatif II Nous avons vu par la suite
comment le système au repos figé la dénomination des figures qui fini
par identifier celle des maisons en réalité comme nous avons expli
cité plus haut il pas confusion mais recouvrement du sens des mai
sons par les figures Dans analyse de la signification des autres maisons
les remarques que nous venons de faire apparaîtront que plus évidentes
Maison III ou Ba so maison de la mère Elle est attribuée Maleju ou
Madiu le mâdi qui sera envoyé par Dieu sur terre pour extermination de
tous les kafiri infidèles mécréants Le Ba so garde le même sens astrolo
gique dans le système Ez enat il est nommé Madiou et conserve le
même sens Madiou devient nom de figure dans les systèmes africains
sous le nom de maleju Le Ba so représente les familiers les frères et
urs est-à-dire unité matricentrique au sein de la famille étendue où
les enfants utérins se regroupent autour de leur mère est la fraternité de
lait badenya Un enfant qui illustre dans une action quelconque fait
abord honneur sa mère sur laquelle rejaillira la gloire
Maison IV ou Fa so maison du père Elle symbolise le lignage la mai
son des pères et par extension le clan le pays la patrie la terre où
viennent les ancêtres et où ils reposent Dans les sociétés lignagères
structure patrilineaire autorité du patriarche étend toute la commu
nauté dont il la charge Le Fa so regroupe un certain nombre de familles
polygyniques subdivisées en unités matricentriques Les agnats entrent en
émulation permanente fadenya) ce qui se traduit par des tensions entre
frères de mères différentes ou entre descendants agnats fils de frères de
même père)
Dans le tableau Ez enat le Bä so porte le nom Idriss est-à-dire
le prophète Enoch tandis que la figure correspondante est appelée Al
bayada la blancheur) signification elle garde aussi en latin albus
Dans les systèmes africains la maison garde le même sens mais le nom de
la figure devient Albayalu Albayada ou Idrissa selon les versions cf
Tableau comparatif II Il donc un usage indifférencié des noms de
maison ou de figure dans appellation des figures par les géomanciens
africains
Maison ou Den so maison des enfants Elle est symbolisée par la
figure appelée Tariki signifiant le chemin La maison garde le même sens
partout Chez Ez enat elle représente les enfants et les nouvelles Chez
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 555

les Africains la figure Tariki el tariki la route devient soit Taliké géo
mancie du Bélédougou) ou Tariki ou carrément Tariki-Ibrahima qui est
une combinaison des noms de la maison et de la figure qui sont différents
chez Ez enat
Pour Ali Kaitina Tariki est assimilé Ibrahim Abraham Il voulu
sacrifier Allah son bien le plus précieux est-à-dire son fils Ce dernier
fut sauvé par Djibril ange Gabriel et remplacé par un bélier La
Tabaski est que la commémoration de ce grand événement chez les
musulmans

Maison VI ou Dimi so maison de la maladie La figure gansa


rapporte est la maison de la maladie de la souffrance La maison porte
le nom du prophète Issa chez Ez enat et symbolise la maladie et les
esclaves tandis elle conserve son sens étymologique arabe est-à-dire
kabuba raj la poignée entrante En astrologie est la maison des ser
vitudes La figure gansa est aussi appelée Issa Ins ou Kalazan selon
les systèmes africains Pour Kaitina du Korondugu gansa est rien
autre que Yuba alias Job Il tomba malade pendant soixante ans dit-on
il incarne ainsi la souffrance Il fut guéri grâce au fruit du tamarinier
tamarindus indica on lui faisait boire en infusion Les graines on
jetait après usage ont germé et donné naissance autres arbres et est
grâce ces arbres il fut guéri Job personnifie la patience la résigna
tion devant adversité il est esclave de la douleur

Maison VII ou Furu so maison du mariage est la maison du


mariage chez Ez enat et dans les systèmes soudaniens mais en astrolo
gie elle est qualifiée de maison des adversaires La figure qui lui est ratta
chée est Al humura ou El omr la rougeur en arabe chez Ez enat El
omr devient Lumara Lomara ou Oumarou dans la zone soudanienne
Selon la version de Kaïtina Lumara serait né dans la famille de son oncle
maternel qui avait trois filles était le gendre idéal pour tout beau-parent
de par sa conduite exemplaire Il épousa aînée de ses cousines qui lui
donna des jumeaux et mourut On rempla la défunte par sa servante qui
accoucha son tour de jumeaux et trépassa Il épousa sa seconde cousine
qui eut son tour des jumeaux avant de mourir La servante de cette der
nière et la troisième cousine connurent exactement le même sort que les
autres épouses Il épousa enfin la servante de sa troisième cousine en
sixième noce celle-ci aussi accoucha de jumeaux et survécut devenant
ainsi la mère des douze enfants de son mari qui seraient dit-on ori
gine des funèw bardes religieux regroupés en caste dans aire mandé)
Maison VIII ou Banan so maison de la mort Elle est attribuée la
figure Almankusu le renversé en arabe) nommée Al Mangoussi dans le
système Ez enat elle symbolise dans tous les systèmes la mort Elle
appelle Ayouba chez Ez enat et la figure correspondante Al Man
goussi est devenue Mankusi chez Kaïtina) Alemankeursi chez Sissoko)
556 BR HIMA KASSIBO

Yacouba chez Labouret et Travele) et Alimankoussi selon autres


écoles africaines cf Tableaux comparatifs Voici la version attribuée
cette figure Mangoussi ou Idrissa pour équivalent Jonas elle symbo
lise obscurité la tombe Mangoussi aurait été avalé par un gros poisson
et longtemps séjourné dans son ventre dans une totale obscurité Dieu
somma le poisson de le délivrer ce qui fut fait Une autre fois pendant
on creusait la tombe un défunt voulant savoir si les dimensions
étaient correctes Nabilaï Idrissa le prophète Idriss étendit dans la
tombe et refusa en sortir trouvant il faisait aussi frais au paradis
On se résolut enterrer selon ses propres ux Al Mangoussi repré
sente donc la mort obscurité dibi où se trament tous les complots
est le domaine des choses cachées de la connaissance noire redoutée de
tous est le symbole de la sournoiserie et de la duplicité
Maison IX ou Sira so maison des voyages En astrologie est la mai
son de la religion tandis que Ez enat et les autres écoles soudaniennes
en font la maison des voyages Ez enat appelle Allah Taala la figure
correspondante conserve la même dénomination arabe Nacrât Al Kha-
rija est-à-dire la victoire sortante chez ce dernier Les écoles africaines
vont carrément adopter le nom de la maison pour désigner la figure
Cependant on retrouve dans le symbolisme de cette figure non seulement
la notion de victoire mais aussi le sens religieux attribué par astrologie
En effet après Kaïtina Katalaw ou Allahoutala ou Kalantala selon
les versions est rien autre que le nom du prophète Mohamed qui
est venu indiquer aux hommes la voie le chemin du salut Les païens
ayant pas voulu prononcer son nom de là vient le surnom de Kalalaw
ils lui attribuèrent en géomancie8 Le Sira so est donc la maison de la
route voie sprirituelle autant que terrestre symbolisant le voyage
Maison ou Mansaya so maison du pouvoir est la maison de la
royauté de la puissance publique des honneurs La figure qui lui est rat
tachée est Ackaf et thaqâra intelligence instruction dans la géomancie
traditionnelle arabe Ez Zonati lui attribue le nom de Souleymani Les
systèmes africains rattachent plutôt ce nom la figure qui la symbolise
Mansa Souleymani pour les Banmana chez Travele) Mansa Solomani au
Korondugu chez Kaïtina Chez Fily abo Sissoko elle devient Téré-
messé dit Diamfa Alamamy et au Bélédougou elle garde toujours cette
appellation de Térémessé Sissoko se trompe en la confondant avec Janfa
äimäni puisque la puissance publique est représentée selon la légende
par le roi Salomon Mansa Solomani qui joue un rôle de premier plan
dans la mythologie politique des peuples du Soudan occidental Janfa
Alamany est celui qui été trahi qui donné sa vie il apparenterait

notre avis ces différentes orthographes ne sont une déformation du terme


arabe Allah Taala Envoyé de Dieu après le Coran
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 557

plutôt Jésus après Ali Kaïtina Mansa Solomani fils de Daouda


Daoud) est vu attribuer par Dieu la maîtrise de toutes les créatures
même des génies Il pouvait sur un simple ordre faire agir importe
quelle force Il représente le roi merveilleux omniscient et omnipotent
dans la conscience populaire ouest-africaine Mansa Solomani apparaît
partout comme incarnation du pouvoir la figure garde un lien étroit
avec la maison elle symbolise
Maison XI ou Jigi so maison des amis La signification de cette mai
son est identique aussi bien sur le plan astrologique que sur le plan géo-
mantique Elle symbolise amitié la protection Ez enat appelle Ali
ou maison de la tutelle et de la protection La figure qui lui est attribuée
est Ljitimay dans la géomancie traditionnelle arabe Ez enat appelle
Al rajah union Dans les systèmes ouest-africains la figure prend le
nom attribué la maison Ali elle se nomme Badara Ali dans le
Korondugu) Ali chez les Bambara de Labouret et Travele) mais
devient Fali dit Badara Sadia Khasso avec Fily Dabo Sissoko) Badara
Alou ou Saou dans le Bélédougou Selon Kaïtina Badara apparaît
comme le protecteur de islam est lui qui prit le sabre de la jihad
guerre sainte pour défendre et protéger la foi islamique devenant ainsi
un des principaux piliers de islam Il est incarnation des valeurs che
valeresques le protecteur du faible de la veuve et de orphelin Il prend
la dénomination de Kalazan guerrier chez certains géomanciens
bambara
Maison XII ou Jugu so maison des ennemis La signification astrolo
gique de cette maison est affliction Dans tous les systèmes géoman-
tiques que nous étudions actuellement est la maison des ennemis Ez
enat appelle Nouhoun ou maison des ennemis Dans les systèmes
ouest-africains selon le procédé de tranfert qui nous est présent devenu
familier les praticiens appliquent le terme Nouhoun au signe dont la ter
minologie originelle conservée ailleurs par Ez enat est Nasara dabili
la victoire entrante Il devient Nunkoro le vieux Nouhoun dans le
Korondougou) Nouhoun chez les Bambara pour Labouret et Travele)
Anabi Nouhoun dans le Khasso avec Fily Dabo Sissoko Nouhoun est le
symbole de adversité est le patriache Noe affectueusement appelé
Nunkoro le vieux Noe il est pas méchant mais il est plutôt la victime
de la haine des méchants dont il finit par triompher Toujours selon la
version de Kaïtina Allah voulant punir les idolâtres et les pécheurs aver
tit Noe de arrivée prochaine du déluge sur la terre afin de la purifier de
la souillure des hommes Il lui recommande la construction une très
grosse pirogue Absorbé par sa tâche il ne rencontra de la part des païens
que moqueries et dérision Allah en guise avertissement répandit sur
ces derniers une épidémie de gale et personne ne fut épargné Un jour
un enfant tomba au milieu des excréments humains répandus par les ido
lâtres qui avaient transformé la pirogue de Noe en dépotoir Sa mère le
558 BR HIMA KASSIBO

repêcha pour le laver et quelle ne fut sa surprise en constatant la dis


parition de la gale qui lui recouvrait le corps Alertée par ce miracle
toute la population se rua sur embarcation du patriarche afin de se
frotter le corps avec le reste des excréments elle-même avait
déposé et la guérison survint Les retardataires en manque excré
ments emparèrent du peu qui restait sur les parois en les lavant
les faire luire ils consacrèrent ainsi le triomphe absolu du
patriarche sur adversité Une autre fois dit-on les idolâtres le prièrent
intervenir auprès de Dieu pour faire jaillir une source Il le fit et eau
jaillit de la terre Ses ennemis ne avouèrent pas vaincus pour autant
Pour donner le change son insu ils remplirent eau une outre gigan
tesque ils enfouirent sous un foyer ils la percèrent pour en faire jail
lir eau instar de la source Allah dans sa miséricorde transforma
cette source artificielle en une source vive ininterrompue Graduelle
ment eau envahit la terre noyant tout sur son passage ce fut le
déluge Le patriarche suivant les recommandations divines fit monter
toute sa famille dans embarcation Parmi ces cinq fils Cham Ham
Hafiz Yafiz le benjam Yuwasu le rebelle refusa de monter Il
périt noyé comme tous les infidèles Noè embarqua un couple de
chaque espèce animale et il leur fut défendu de copuler Le chien en
tint pas compte et monta sur sa compagne mal leur en prit ils furent
maudits est ainsi que encore de nos jours dès que deux chiens
copulent ils restent longtemps rivés un autre le temps étaler leur
honte la face du monde
Nous retrouvons ici une opposition de sens entre le symbolisme de la
maison considérée comme le gîte des ennemis et celui de la figure Nou-
houn qui triomphe toujours eux Au-delà de cette contradiction est
surtout idée adversité il faut retenir comme signification la fois de
fadenya voir supra et juguya méchanceté)

Maison XIII ou Siyoro so maison des époux Elle pas de significa


tion astrologique tout comme les quatre dernières les maisons astrolo
giques se limitant douze est la maison des renseignements divers
Pour Ez enat elle garde le même sens mais ce dernier appelle Hous-
seini Le nom de la maison XIII servi désigner le signe correspondant
dans les systèmes ouest-africains Laoussina ou Hassan chez Fily abo
Sissoko Lassine chez Labouret et Travele et Lusiné tous ces noms sont
des variantes de Housseini
Lusina après Kattina était le fils de Seïdna Ali Badara Ali voir
supra On appelait aussi Hossein ou Aluseyni Il fut un des derniers
porteurs de sabre pour la défense de islam et symbolise les jumeaux Le
Siyoro so ou chambre coucher désigne le foyer conjugal et ses secrets
épouse est la ur jumelle de homme mais elle doit être considérée
comme sa pire ennemie Gardienne des secrets de homme elle risque de
trahir ce dernier tout moment étant donné elle est incapable de les
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 559

garder où le rôle de cheval de Troyes elle peut jouer II ne faut jamais


avoir confiance en une femme proclament unanimement tous les géoman-
ciens est la pire ennemie de homme
Le sens particulier attribué cette maison par les praticiens africains
démontre de fa on évidente le rôle joué par épouse dans la vie de homme
dont elle tient le destin en main Chez les Banmanan par exemple le Ce so
maison de homme où il garde jalousement ses secrets est soustrait
emprise de ses épouses De par opposition des unités matricentriques la
famille étendue devient le lieu exacerbation des conflits et des émulations
de toute nature et ennemi vient très souvent dit-on de entourage immé
diat
Maison XIV ou afalo so maison de la richesse Consacrée aux ren
seignements divers dans le système classique Kamballah 1947 et chez Ez
enat elle devient la maison de la richesse dans les systèmes ouest-africains
Chez Ez enat elle se nomme lounous et cette fois-ci le nom de la maison
ne passera pas la figure correspondante qui revêt des appellations diverses
selon les praticiens africains Tontigi dans le Korondugu Ladari chez les
Bambara de Labouret et Travele Djiné Moussa ou Ganian dans le Khasso
qui se rapproche de Garian du Bélédougu Tontigi apparaît comme une
figure redoutable chez Kaitana les Bambara appellent Jiné Moussa et nous
avons vu que Sissoko en faisait un des ancêtres grands maîtres ès-géoman-
cie entré dans la légende après sa mort Tontigi chez les Bambara évoque
image de homme de connaissance initié au secret de invisible et toujours
prêt forcer le destin le chef païen par excellence doté de pouvoir occulte
Nafolo so représente les biens matériels et Tontigi Ganian ou Djiné
Moussa qui la symbolisent en tant que figures sont toutes tirées de la culture
africaine Ce ne sont plus les héros de Ancien Testament mais ceux de la
culture locale
Maison XV ou Kéné so maison de la clarté Kéné signifie espace et sym
boliquement la clarté intellectuelle Cette maison chez Ez enat et dans le
système classique arabe est vouée aux renseignements divers est aussi la
maison du juge Dans le système en activité elle ne doit jamais recevoir de
figure impaire ce qui corroborerait inexactitude du thème et dans ce cas
précis les géomanciens africains empressent de effacer car est un mau
vais présage Ez Zenati donne cette maison le nom Ousmane et affecte
au juge Les praticiens locaux ont attribuée la figure correspondante
Celle-ci prend les appellations suivantes Mori Soumana le marabout chez
Kaitina Ousmane chez Labouret et Travele Ansoumane chez Sissoko Sou-
mana ou Ousmane dans le Bélédougou appellations qui somme toute sont
très proches de originel propos de cette figure Kaitina nous dit seule
ment que Mori Soumana Ousmane est le type idéal de erudii musulman
est le premier marabout qui récité le Coran par ur ainsi donc la maison
qui lui est attribuée devient celle de la connaissance blanche liée au savoir
tiré du livre
560 BR HIMA KASSIBO

Maison XVI ou Laban so maison de la fin Chez Ez enat cette mai


son est consacrée aux nouvelles de toute nature Il appelle Moussa le
signe correspondant pour nom Al djemaa assemblée Les géoman-
ciens ouest-africains appellent cette maison Laban so ou maison de la fin
qui résume peu près les significations des autres maisons Quant au nom
du signe correspondant il été emprunté Ez enat est Moussa iké
ou Jamati Moussa addition des noms du signe et de la maison du système
Ez enat iké est le nom autochtone attribué au signe Pour Kaïtina
Nabilaï Moussa ou Moïse évoque la fin de la captivité de son peuple
mais aussi la plénitude Il dialoguait très souvent avec Allah lors de ses
démêlés avec Firaouna Egypte Tous les géomanciens font de cette
figure archétype des quinze autres figures dont elles sont dérivées En
effet après une version ange Gabriel Djibril ayant ramassé le thème
géomantique dressé par Firaouna en montant au ciel laissa échapper le
signe Moussa partir duquel ce dernier reconstitua tous les autres Dans
une autre version Idriss est substitué Firaouna
historique des maisons et des signes été exposé dans un souci de
comparaison afin de situer le degré de filiation existant entre le système
traditionnel classique arabe celui de Ez enat et enfin ceux de aire
ouest-africaine qui apparaissent comme des systèmes apparentés fruit
une adaptation laborieuse des réalités culturelles différentes Cepen
dant cette démarche ne doit pas être considérée comme une tentative
exhaustive adaptation du modèle Ez enat aux réalités africaines
partir de la biographie des prophètes Cette version est celle un géo-
mancien Ali Kaïtina parmi tant autres elle bénéficié successive
ment de enseignement des marabouts autant que des maîtres païens
au cours une longue initiation Ce il faut retenir de ce discours est
il permet éclairer les rapports entre signes et maisons que certains
auteurs qualifiaient de confus et dévoile la subtilité et la richesse inter
prétation résultant de la conjugaison des multiples facteurs engendrés par
le système en activité Les écoles africaines loin être homogènes pré
sentent bien souvent des particularismes assez prononcés mais étude
comparative permis de les identifier et de les rapprocher des modèles
antérieurs en guise exemple usage courant des noms de maisons et de
figures dérivant systématiquement de ceux des maisons du système Ez
enat dans les systèmes ouest-africains que nous venons analyser est
la preuve une filiation incontestable

Les systèmes dégradés

Dans les descriptions fournies par les premiers observateurs étrangers sur
les systèmes païens africains se dégage une impression étonnement par
fois de curiosité insatisfaite face une pratique dont ils arrivent pas
saisir la logique interne et ils qualifient aussitôt de magique est
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 561

ainsi que Binger 1892 42 assiste en simple spectateur une consulta


tion dont il est objet explorateur ne note que les gestes du praticien
manipulation du fusil alignement des noix de cola blanches et rouges et
les signes cabalistiques tracés sur le sable mais dont il ne comprend pas la
signification Mollien 1820 observe au Sénégal un stratagème simi
laire de la part de son guide sans parvenir saisir le principe de la
méthode utilisée qui ne serait autre que la géomancie Maubert 1928 se
fait dire par les Gourounsi que est grâce Oumarou le génie de la divi
nation que le devin entre en contact avec Dieu Toutes les autres figures
descendraient Oumarou seul comme affirmé Maubert appuyé en
cela par Delafosse 1912 Labouret et Travele 1927 485 élucident les
questions soulevées propos de ces différentes pratiques Les signes caba
listiques observés par Binger étaient en fait que des signes géoman-
tiques De même la filiation des signes au lieu être uvre Oumarou
seul relevait un procédé mécanique aléatoire de détermination du pair
et de impair sur quatre rangées de traits barrés deux par deux de la
droite vers la gauche Les quatre premiers tétragrammes issus de la répé
tition de ce procédé constituaient ainsi les signes mères partir desquels
effectuait la filiation de tous les autres Ils venaient ainsi de découvrir les
principes fondamentaux de la science du sable pratiquée après eux
dans toutes les parties du Soudan occidental où islam avait pénétré
ibid 183 La description un procédé bambara par les auteurs nous
révèle un tableau de consultation de sept signes le dernier fournissant la
réponse la question posée Bien énon ant la possibilité érection
un tableau de seize figures les auteurs en démontrent pas tout le
mécanisme mais partir de ces constatations ils fournissent les noms des
figures travers lesquels ils retrouvent une origine sémitique et une
grande analogie avec le système Ez enat
Monteil 1932 104) propos du système exposé par nos deux auteurs et
qualifié de bambara parle une déformation de la géomancie Ez
enat après lui les signes auraient des noms bambara et leur
connaissance systématique pourrait conduire la découverte une géo
mancie indirectement adaptée au milieu nègre avec sa terminologie et ses
pratiques propres Pour Hébert 1961 149) la classification des figures
en jinns et êtres humains chez Sissoko traduit illogisme du système
avec lui-même En plus de cela il trouve que ordre des figures est
interverti par rapport au classement méthodique Jaulin 1976 54) son
tour trouve peu géomantique les significations des figures se rapportant
des animaux tant domestiques que sauvages) instar de Monteil qui
décèle dans leur configuration graphique une filiation altérée mais cer
taine avec le modèle initial qui ne serait rien autre que le système Ez
enat
En observant minutieusement les tableaux comparatifs voir supra on
constate que le système original reproduit par Hadj Kamballah et celui
adopté par les Européens utilisent pas contrairement Ez enat des
562 BR HIMA KASSIBO

noms propres de prophètes ou de califes pour nommer les maisons les


quelles ont conservé leur signification purement astrologique Presque
tous les modèles soudaniens ont utilisé les noms des maisons Ez Zenati
pour désigner les figures autre part la présentation ordonnée du sys
tème au repos dans les géomancies soudaniennes est une reproduction du
système consigné dans les livres Ez Zenati il en est de même des cor
respondances établies avec les métaux les étoiles les signes du zodiaque
les chiffres les lettres les noms des prophètes et des califes que nous
exposons plus loin il existe une filiation entre les systèmes soudaniens
et celui Ez Zenati celle-ci semble solidement établie Mais en quoi les
systèmes africains sont-ils différents Sont-ils vraiment des modèles
dégradés
altération des figures qui comptent parfois douze points
contrairement au tetragramme classique constatée chez plusieurs géo-
mants soudaniens et utilisation des termes indigènes dans la désignation
des figures la limitation des figures du thème tantôt sept tantôt onze
etc. tendent faire admettre existence une géomancie différente mais
dégradée de la part des observateurs profanes Cependant travers
toutes ces considérations nous croyons percevoir la cause du malen
tendu la géomancie africaine se présente sous deux formes observa
tion abord le système au repos instauré par Ez Zenati dont la compré
hension est facile ensuite le système en activité où le mouvement des
figures dans les maisons engendre des rapports multiples qui condi
tionnent interprétation Il nous semble que Delafosse Mollien Maubert
et même Labouret et Travele nous ont décrit des systèmes en activité dif
ficiles interpréter cause du particularisme des figures en mouvement
dont la signification change chaque maison où impossibilité de saisir
leur logique interne Les systèmes gourmantché bambara entre autres
ne sont en fait que des cas particuliers autrement dit des méthodes
exposition propres des écoles différentes Toutes les opérations ne
sont pas indiquées de même que tous les signes et toutes les maisons ne
sont pas représentés systématiquement ce qui donne impresssion on
se trouve devant des systèmes tronqués
titre exemple nous allons étudier quelques méthodes de praticiens
soudaniens liées des écoles particulières puis en établissant une compa
raison rigoureuse avec la méthode du turabu très proche du katt al rhami
démontrer leur efficacité
La description des différents procédés géomantiques ouest-africains
superficielle chez certains auteurs Haillot 1936) consistante chez
autres Maubert 1928 Labouret Travele 1927 Monteil 1931) de
même que les analyses comparatives ordre culturel structurel ou formel
Monteil 1931 du Picq 1930 Hébert 1961 Jaulin 1957 1976 etc. ont
pas fourni les éléments essentiels la compréhension de leur spécificité et
de leur logique interne et nos jours ces pratiques de par leur
mode acquisition initiation et de fonctionnement ésotérisme symbo-
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 563

li me) gardent une part de mystère qui les rend hermétiques aux non-
initiés Cependant au-delà de cette opacité imposée par les praticiens
transparaissent pour observateur attentif et averti les règles de fonc
tionnement qui leur sont inhérentes grosso modo nous pouvons déceler
deux écoles qui par leurs pratiques de production de signes et inter
prétation présentent quelques différences avec le système classique
Nous appellerons kala tous les procédés indigènes soudaniens qui uti
lisent les seize maisons classiques dans leur pratique de consultation
Nous avons le laturu ou turabu qui est une dénomination générique
des systèmes païens au même titre que le kénié le cien le buguri le diaba
etc Le terme turabu était origine affecté la géomancie blanche des
gens du livre est-à-dire les lettrés musulmans adeptes du système Ez
Zenati mais de nos jours le turabu sert autant désigner la géomancie
noire que la géomancie blanche et il tend se substituer aux autres
termes pour devenir un réfèrent générique dans le langage des praticiens
eux-mêmes Cet amalgame sémantique est révélateur maints égards
une imbrication profonde des deux systèmes résultant des contraintes
liées un environnement social initialement réfractaire introduction
une pratique étrangère issue un milieu culturel différent et des diffi
cultés adaptation et expansion consécutives sa vulgarisation
Au nombre des systèmes seize maisons nous retrouvons
le turabu dont étymologie arabe el teret la terre) applicable aussi au
terme laturu est la dénomination initiale du système arabe Ez Zenati
adoption du même terme par les illettrés païens dénote la filiation des
systèmes soudaniens qui lui sont fortement apparentés voir supra
le timba cien ou système de orychtérope Le timba est une sorte de
taupe qui jouit un don de double vue Il ne sort que la nuit et on lui
prête des pouvoirs occultes ce système est surtout employé par les chas
seurs Il existe un système de divination traditionnel axée sur interpréta
tion des empreintes de cet animal chez les populations soudaniennes en
particulier chez les Bambara et les Malinké) surtout dans les sociétés
secrètes Le bota gobon bousier jouit lui aussi de la même considéra
tion car Dieu lui aurait donné la connaissance les traces il laisse der
rière lui peuvent révéler les choses cachées Le renard pâle joue le même
rôle chez les Dogo Cependant ces trois systèmes de mantique utilisés
sont différents de la géomancie ils sont rudimentaires de portée limitée
et est en ce sens on peut les considérer comme des systèmes auto
chtones simples Le timba cien dont il est question ici est une terminolo
gie utilisée pour désigner un procédé de géomancie seize maisons qui se
différencie peu sur le plan structurel du turabu sauf dans sa méthode
interprétation
le batron littéralement sabot de bouc Antérieurement utilisé par
les indigènes pour la lecture des empreintes il servi par la suite dési
gner un procédé géomantique qui dans ensemble garde la même struc
ture formelle que le turabu
564 BREHMA KASSIBO

le siratu nabili est aussi un système apparenté seize maisons la


différence avec les autres est que les signes mères sont obtenus partir
un chapelet de trente trois grains est-à-dire 33 4- 33 34 100 grains
La particularité réside dans son utilisation par les païens aussi bien que
par les musulmans
Le kalajan parmi les systèmes de plus de seize maisons est un sys
tème vingt-deux maisons Une fois on tracé les seize figures des
thèmes on recommence un autre thème où les quatre dernières figures
servent de mères la production de quatre autres les filles qui génére
ront deux nièces et ainsi de suite En fait est le principe il faut rete
nir car dans tous les systèmes plus de seize maisons le second tableau
dérive des dernières figures du premier Certains géomanciens suivant
leur inspiration peuvent aller quarante-huit figures dans le souci
de trouver une réponse précise la question posée Il existe plusieurs sys
tèmes de kalajan mais nous en retiendrons que les plus significatifs au
nombre de deux
le bére littéralement cailloux est un système géomantique vingt-
deux maisons Du point de vue structurel il se distingue des autres surtout
par le mode de détermination des quatre figures mères réalisé aide de
petits cailloux suivant le principe du tirage aléatoire basé sur le pair et
impair Le bére est surtout utilisé par les donso chasseurs) mais les
signes aussi bien que les maisons ont les mêmes structures et les mêmes
agencements que dans le turabu On lui reconnaît une grande précision
dans les pronostics du fait il est utilisé par les géomants chasseurs
réputés parmi les meilleurs maîtres ès-géomancie La brousse et la faune
sauvage en fournissent les thèmes de prédilection mais le thème adresse
aussi au géomancien et parle de ses proches surtout de sa femme dont le
comportement adultérin expose au danger en perméabilisant tous ses
systèmes occultes de protection) du village et des présages les plus
importants pour la communauté Nous pouvons rapprocher de ce système
celui des gourmatché exposé par Maubert voir supra dont les figures
qui sont les mêmes que dans le système classique seize maisons ont des
appellations animaux domestiques aussi bien que sauvages dénotant
ainsi les préoccupations cynégétiques de ce groupe social
le diou-soutoun Ce système est présenté par Sissoko 1936 qui le qua
lifie de païen et lui reconnaît une origine sémitique anté-islamique cause
du nom des figures empruntées aux prophètes de Ancien Testament
Cependant le procédé érection du tableau la morphologie tétragram-
mique des seize figures géomantiques reconnues leur nombre ainsi que
la signification des maisons astrologiques correspondent ceux du turabu
des marabouts qui est directement issu du système Ez Zenati Les noms
des figures sont ceux des maisons de ce dernier
Sissoko commence par dresser un premier tableau de seize figures
il appelle le prati-folo en langue khassonké ou premier précipité Ce
premier thème serait après lui interprétation douteuse où la néces-
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 565

sité un contrôle par deux autres tableaux partir des quatre dernières
figures du premier tableau se trouvant dans les maisons XIII XIV XV et
XVI et qui deviennent les mères il procède érection du second
thème il nomme dibito kango ou voix des ténèbres Les quatre der
nières figures du second tableau servent leur tour de mères pour
érection du troisième thème il appelle kountogamo ou la vérité glori
fiée Comme on le voit cette méthode est vraiment laborieuse et
demande plus de temps interprétation que dans le tableau unique il va
de soi que le procédé est réservé aux problèmes importants mais il pèche
par son manque de concision
Sissoko signale 256 thèmes possibles susceptibles apparaître au
cours une consultation Les systèmes de divination pratiqués au sud du
Nigeria et au Bénin appelé ifâ chez les Yoruba et fa chez les Fon
comporte 256 signes après Brenner 1985 85 Le dédoublement des
signes dans le système du fa fait dire ce dernier que le diou-soutoun
repose sur le même système accouplement des figures interprétées
uniquement les unes par rapport aux autres et toujours par paires
notre avis le système exposé par Sissoko est-à-dire le diou-soutoun
est très différent du fa qui regroupe les figures par paire le principe
interprétation des figures est différent Sissoko insiste surtout sur les
rapports entre toutes les figures ainsi avec les maisons Au nombre de
ces rapports il parle des positions des figures dans les thèmes de leur
concordance discordance et harmonie de leurs aspects bénéfique ou
maléfique de leur puissance etc Il énonce ainsi leurs rapports symbo
liques avec entre autres les plantes les activités humaines les maladies
est plus un rapport opposition basé sur la symétrie morphologique
des figures En plus de toutes ces considérations le thème parle du client
mais aussi du praticien il donne en même temps des indications sur le vil
lage sur son chef sur le voyageur qui est en route sur les événements
survenir dans le village ou dans la région où une multitude de signi
fiants qui ne peuvent ailleurs tous être décryptés par le praticien
Le diou-soutoun tout comme le fa ou le sidiki de Madagascar uti
lisent tous les seize vecteurs binaires de dimension quatre Dans ces cas
précis il ne peut avoir que vingt-quatre tétragrammes seize figures
dans tous les thèmes possibles et après Jaulin 1976 27) le nombre
de combinaisons de seize figures par groupe de quatre implique exis
tence de 65 536 ou 164 tableaux divers du système en activité
Parmi les systèmes de moins de seize maisons on relève
le surukuni petite hyène est un procédé qui utilise douze maisons
parfois six ou sept lui suffisent pour donner la réponse cherchée Le mode
de production des signes mères est le même que dans le siratu nabiu voir
supra aide du chapelet mais cette pratique est aussi utilisée par les
géomanciens païens
le namani Ce système dont nous avons déjà parlé plus haut ne
comporte pas uniquement seize cases ou maisons mais leur nombre se
566 BR HIMA KASSIBO

limite un chiffre inférieur seize tels que 12 etc est le principe


contraire celui du kalajan où on peut retrancher autant de maisons des
seize normales dont on besoin pour procéder une bonne interprétation
En fait cette économie de signes et de maisons témoigne une grande
maîtrise dans art de interprétation de la part du praticien Nous parle
rons des différentes méthodes de détection rapide et sûre du signe qui
parle aussi bien chez les géomanciens lettrés que païens De la part de ces
derniers cela laisse supposer une large connaissance des procédés sakira
utilisés dans la géomancie blanche En fait on se rend compte aussi
bien que les signes les maisons de par leurs positions et leurs relations
avec ces derniers fournissent des informations très utiles pour interpré
tation Au lieu de les considérer comme des systèmes tronqués elles appa
raissent plutôt comme des procédés savants que les grands maîtres gardent
secrets et ne livrent pas tous les disciples Le tableau sept figures pré
senté par Labouret et Travele 1927 487) travers les planches
ils donnent comme modèle est incomplet Ils procèdent la produc
tion des nièces directement par addition copulation des quatre mères
sans passer par la première opération de naissance des quatre filles par
translation des mères Logiquement on ne peut aboutir un tableau de
sept signes qui est loin épuiser le processus de production des seize
signes Ils parlent des seize figures on pourrait obtenir par ce procédé
mais ils sont incapables de le démontrer car une des phases essentielles est
omise dès le début
Tous les tableaux de moins de seize figures que les auteurs nous ont
présentés comme des systèmes tronqués ou dégradés ne sont en fait que
des procédés secrets des géomants pour donner plus de précision la
réponse cherchée aide du signe qui parle autre part les praticiens
confirmés de la science du sable retiennent dans leur tête la configuration
du système au repos après avoir produit les signes mères ils choisissent
abord mentalement les maisons concernées et placent les signes impor
tants Bien souvent les autres maisons ne sont pas représentées dans le
thème est plutôt un signe de maîtrise de art géomantique seuls quel
ques cas altération peuvent se rapporter oubli ou ignorance de cer
tains géomants soucieux de suppléer ces carences en inventant des solu
tions de substitution mais la maîtrise de art ne commence-t-il pas par
apprentissage des techniques érection du tableau

partir de la définition que nous avons donnée de la géomancie nous


constatons que tous les systèmes dits endogènes que nous avons analysés
entraient dans le cadre de cette définition en ce qui concerne la morpholo
gie des signes la signification des figures dont les dénominations pou
vaient seulement varier sans remettre en cause leur identité par rapport
original Par exemple une figure trois ou huit niveaux ne répondant
pas la description du tetragramme ne fait pas partie de notre étude car
étant pas géomantique
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 567

De ces considérations nous pouvons déduire une filiation de tous les


modèles utilisés il conviendrait plutôt de parler de procédés géoman-
tiques propres différentes écoles dans le cadre une dynamique du sys
tème ordre structurel par rapport au système Ez enat qui pré
sente lui aussi quelques variations par rapport au système originel arabe
et titre exemple attribution de noms de prophètes aux maisons astro
logiques possédant déjà une signification propre est cette initiative qui
sera reprise par les géomants négro-africains lorsque leur tour ils vont
attribuer aux figures les noms des maisons Ez enat nous avons déjà
expliqué le pourquoi de ce processus et il serait inutile revenir Il faut
constater que dans les procédés non musulmans dans lesquels le nombre
des maisons est supérieur seize il pas création de nouvelles mai
sons mais simplement la production un nouveau tableau aide des
figures résidant dans les quatre dernières maisons du premier thème Il
pas non plus création de nouveaux signes Dans ces différents sys
tèmes on fait donc varier le nombre de maisons par superposition des
tableaux sans que ordonnancement et la signification originelle ne
changent est un ordre qui se répète Le mécanisme élaboration du
tableau en partant de la droite vers la gauche et les opérations de la géo
mancie classique sont identiques sous tous les cieux
Il est noter que ce sont les conditions adaptation du système clas
sique des réalités sociales autres que celles qui ont vu naître qui sont
origine de ces modifications constatées non pas sur le plan structurel où
les mécanismes essentiels ont gardé leur caractère universel mais sur le
plan de la dynamique interne interprétation qui fait objet une
appropriation culturelle intelligente et féconde Ainsi peut-on déceler
partout les règles de transformation de la géomancie par rapport aux
cultures de ses lieux implantation Aussi retrouvons-nous usage préli
minaire du chapelet et des noix de cola au Soudan occidental au Bénin et
Madagascar des cailloux et autres ingrédients noyaux de fruits) sous
toutes les latitudes La réutilisation de la sémantique autochtone dans la
dénomination des procédés géomantiques indique un transfert sémiolo-
gique une technique rustique une autre plus élaborée Mais homolo-
gie arrête là car au niveau de la technique divinatoire on change quali
tativement de registre en passant un système intuitif signifiants réduits
un système discursif opératoire et multirelationnel plus efficace sur le
plan prévisionnel en ce qui concerne appréhension de la chaîne des évé
nements étude comparative revêt un intérêt certain nos yeux quand
elle parvient lever les équivoques et les péjorations qui entourent les
systèmes africains qui parce que produits par des sociétés sans écri
ture seraient condamnés demeurer des sous-produits un système
originel parfait ils ont contribué dégrader Mieux dans la dernière
partie de cet exposé le rôle joué par la géomancie dans les sociétés
secrètes et les cosmogonies ouest-africaines nous édifiera sur le caractère
fécond du métissage culturel qui est réalisé au contact des cultures dif-
568 BR HIMA KASSIBO

férentes dont chaque partie bénéficié une fa on ou une autre et posé


ainsi le jalon une universalité définie comme une entité ouverte toutes
les influences et en permanente élaboration

Les systèmes africains

Malgré le foisonnement des systèmes ouest-africains et leur grande diver


sité nous avons établi une filiation certaine entre eux et le système clas
sique Il est point exclu il ait pu exister des systèmes apparentés
complètement autochtones avec une logique différente mais nous en
avons pas eu connaissance Ce dont on est certain est de introduction
du système classique dans les systèmes de représentation des diverses
populations est donc au niveau des pratiques sociales que portera
essentiel de cette analyse et nous chercherons savoir en quoi les sys
tèmes africains se distinguent des autres quelle est leur logique interne et
quelles sont les valeurs culturelles ils véhiculent et qui leur servent en
même temps de support créateur est univers social en tant que
réfèrent matriciel des pratiques endogènes qui nous servira de cadre
étude
La science du sable cienda) cause de sa méthodologie axée sur
ésotérisme et de sa finalité manipulation des forces occultes au profit de
homme) appartient la catégorie des sciences occultes Le savoir
occulte possède une méthodologie propre différente de celle de la science
moderne elle repose sur initiation ésotérisme le symbolisme et pos
sède sa logique propre Contrairement la science moderne qui peut se
définir comme un ensemble de connaissances que on acquiert librement
par étude observation et expérimentation il se caractérise par son
herméticité apprentissage de la géomancie classique en Europe peut se
faire individuellement dans les ouvrages les connaissances psycholo
giques pouvant être acquises par la pratique En milieu africain tradi
tionnel le marabout aussi bien que le devin païen ne dispenseront leur
art après avoir exigé de la part du patient une initiation réelle et une
rétribution symbolique ou financière Ce savoir sera délivré par étapes et
sous le sceau du secret
Le terme initiation employé abondamment par les ethnologues
revêt plusieurs sens plus ou moins contradictoires suivant emploi on
en fait Pour certains il est synonyme de méthode empirique acquisition
de connaissances pour autres est une démarche mystique de la quête
du savoir Selon le révérend Tempels 1949 35) adepte une ontologie
dynamique

Un sujet est susceptible de changer identité de force et de développer


conjointement sa connaissance en se soumettant influence un ancêtre ou
un esprit détenteur une force supérieure Tel est le principe sur lequel
reposent les rites faussement qualifiés initiation Il ne agit pas dans ces rites
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 569

éduquer un sujet de lui conférer une connaissance intellectuelle mais de le pla


cer sous influence la possession de ancêtre ou un esprit en question

Griaule 1948) Griaule et Dietenen 1951 et leurs émules entre autres


Pâques 1954 Dieterlen 1951 Dieterlen Cissé 1972 trouvent dans les
philosophies dogo et bambara une pensée orientée entièrement vers
une sophie le but de initiation étant de révéler une connaissance fonda
mentale de ordre du monde par étapes est-à-dire par paliers successifs
initiation un caractère éducatif elle enseigne une philosophie et
conduit individu fusionner consciemment avec son environnement
Pour Zahan 1960) initiation aurait autre but que la théomorphose
de homme son union avec Dieu La pensée ignore abstraction elle est
tournée vers le monde concret Le mythe est pas une sorte de connais
sance ultime il est lié une démarche normale une pensée qui utilise
comme mode instruction palliative initiation devient donc une
expérience mystique exprimée aide des symboles et visant la partici
pation au divin Il lieu opposer cette démarche mystique de Zahan
école de Griaule franchement intellectualiste qui oppose elle-même
ontologie dynamique de Tempels Dans quelle catégorie se range ini
tiation géomantique
La géomancie est assimilée une méthode inductive et on oppose
souvent la voyance qualifiée de méthode intuitive Dans la religion
musulmane on la condamne cause de sa prétention atteindre le caché
sans intermédiaire du divin voir supra on lui préfère oniromancie
très prisée des soufis qui en font une méthode privilégiée pour entrer en
contact avec le divin il est vrai que la pratique de production des signes
est purement mécanique la géomancie en consacre pas moins une part
active intuition en ce qui concerne inspiration du géomant dans
interprétation du thème
Les géomants musulmans récitent la fatiha pour se mettre sous la pro
tection divine et se protéger ainsi des dangers du turabu De même les
non-musulmans procèdent toujours ouverture de la bouche de la
terre en récitant des incantations adressées aux esprits jinns du sable
Le consultant est mis en contact avec le cienfan tableau avant son érec
tion il récite sur une partie du sable ou de la poussière le motif de la
consultation Le fusil de Binger est posé en travers du kenié le sable) et
les noix de cola rouges et blanches on lui place dans la main sont utili
sées aux mêmes fins
De même le taleb algérien qui place un crayon entre les lèvres du
consultant dans la forme moderne de la géomancie où le papier sert de
support agit dans la même optique Une bonne interprétation du thème
permet de bien répondre la question posée Pour les non-musulmans
aide une puissance est nécessaire acquisition de la clairvoyance Il
ne fait donc pas de doute que la divination est une pratique discursive
basée sur le raisonnement inductif mais en même temps intuition
570 BR HIMA KASSIBO

occupe une place très importante Il va sans dire que les symboles géo-
mantiques apparaissent comme la cristallisation un message qui est
expression une volonté supérieure et qui se donne lire selon un
code précis connu des seuls spécialistes initiation est autre que
apprentissage de ce décryptage qui se déroule par étapes elle est assez
superficielle et se limite un savoir-faire purement technique qui
consiste en la connaissance des signes et en acquisition de la technique
érection du tableau La seconde étape est celle de la connaissance pro
fonde elle consiste placer le praticien sous influence des forces
occultes qui lui dévoilent le sens caché des choses est ce on
appelle éveil kununi ou ouverture des yeux nye eleni) acqui
sition de la clairvoyance Cette prise de contact avec extra-naturel
nécessite une cérémonie on appelle turabu furu siri ou mariage mys
tique
Le mariage mystique se déroule en plusieurs phases dont les princi
pales sont la détermination de la ou des figures protectrices du
turabu sous influence de laquelle ou desquelles sera placé le postu
lant la fourniture par le postulant des attributs symboliques de cette
figure noix de cola tissu céréale volailles en accord avec sa couleur
préférée blanche noire etc. Ces attributs lui seront donnés en
offrande accomplissement secret du rituel sacrifice selon un code
précis Par exemple le sang de la victime est bu par la terre les os et les
plumes sont jetés dans eau du fleuve lors de la cuisson le feu rentre en
possession de son dû ceux qui ont consommé les victimes les enfants
surtout) par les pets ils lâcheront livreront air sa part appa
rition de la puissance protectrice en songe au postulant signe de acqui
sition de la clairvoyance il lui délègue le maintien des rapports
maître-élève par les cadeaux que le second se doit chaque année offrir
au premier pour le renouvellement des liens mystiques aide du sacri
fice
Après le mariage mystique la science du sable est enseignée graduel
lement au postulant Cet enseignement peut étendre sur une durée
plus ou moins longue suivant les motivations de ce dernier et ses apti
tudes intellectuelles psychologiques et morales Au cours de sa quête il
peut bénéficier successivement de enseignement de plusieurs maîtres
Dans le Wasulu en milieu païen une séance examen collectif réunit
les apprentis géomants les meilleurs étant admis faire partie du corps
Cette cérémonie appelée cien ma dien dien littéralement secouer le
sable lieu sous la présidence des cien mansa est-à-dire des maîtres
du sable Les épreuves portent sur interprétation des thèmes les
offrandes appropriées les caractéristiques des figures etc Les postu
lants doivent faire montre une grande sagacité pour déjouer les pièges
tendus par les examinateurs et faire preuve humilité Malgré le carac
tère ésotérique et enseignement oral de la science du sable en milieu
non musulman une systématisation du savoir géomantique est réalisée
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 571

sur une vaste échelle donnant naissance des écoles renommées au


niveau de toute la sous-région9
La connaissance secrète profonde du turabu ou du kénié sable
intervient lors de la dernière phase de initiation est le ud véritable
du système en ce sens elle fait du géomant un homme de pouvoir le
savoir révélé lui assure la maîtrise des forces occultes et lui permet de les
utiliser pour parvenir ses fins La géomancie se révèle ainsi dans son
aspect le plus ésotérique mais aussi le plus terrifiant simple jeu aux
mains des géomants européens elle devient une arme redoutable en
Afrique Elle évoque un champ de force il faut apprendre maîtriser
Ainsi homme de connaissance par exemple le géomant se trouve-t-il
placé au carrefour une multitude de forces et influences néfastes dont
il doit se préserver il le pouvoir de faire le mal et de en préserver
Cette logique est basée sur les systèmes attaque et de défense dont les
figures sont les acteurs Avant de étudier il nous faut exposer abord
les caractéristiques des signes et le symbolisme qui leur est attaché est
ainsi que toutes les composantes de univers entreront en scène

Le pouvoir des signes Comme convenu les figures que nous étudions
sont des tétragrammes quatre échelons de points ou de tirets en nombre
pair ou impair de par leur production partir de quatre mères nous
obtenons deux puissance quatre ou seize signes différents Dans le sys
tème binaire il ne peut en avoir plus Chaque figure un nom et une
physionomie propres De haut en bas on distingue la tête le cou que cer
tains géomants appellent ur ou poitrine) le ventre et les pieds Symbo
liquement la tête correspond est et élément feu le cou air le
ventre eau et les pieds la terre
Les seize signes revêtent des valeurs symboliques et sociales diffé
rentes Dans le classement Ez enat ils se divisent en deux grandes
classes où sept signes sont alternativement serviteurs et chefs et neuf sont
grands chefs Ceux-ci commandent dans leur maison mais aussi dans
celles des autres et ils ne sont commandés par aucun autre signe Dans les
systèmes soudaniens les figures sont classées enjinns jiné denw) et êtres
humains adama denw) mais la base du classement repose sur la parité
des figures Tous les jinns totalisent un nombre impair de points ce sont
les figures impaires tandis que toutes les figures paires sont des êtres
humains en outre les figures opposent deux par deux est donc un
classement géométrique sur le plan formel mais il traduit surtout le rap
port de forces entre les figures rapport qui est capital dans interpréta
tion Toutes les figures impaires linne denw commandent aux humains
elles sont au nombre de huit

Amadou HAMP 1965 cite tous les grands centres enseignement tradi
tionnel précoloniaux du Soudan au nombre desquels école de géomancie de
Nionsombougou tient une place de choix
572 BR HIMA KASSIBO

Jaulin 1976) dans son analyse mathématique pertinente arrive labo


rieusement la conclusion aucune figure impaire ne peut tomber en
maison XV celle du juge Les géomants maliens sont parvenus depuis
avènement chez eux de la science du sable la même conclusion
Cependant ils expliquent pas rationnellement le phénomène ils
énoncent autrement La maison XV est inhospitalière au jinn figure
impaire dès que un entre eux occupe non seulement est signe
erreur mais est aussi un signe de présage funeste qui annonce une
mort immédiate Aussitôt le praticien doit se lever en effa ant tous les
signes tracés sur le tableau La source de erreur est pas recherchée
elle est inspiration divine est un message que les forces du
turabu envoient au devin Plusieurs événements de ce genre révèlent des
messages funestes Par exemple si la poussière ou le sable utilisé est pas
très propre le géomant peut se blesser si le sang coule sur le den fan
écusson géomantique) est un signe de mort pour le praticien
Les figures sont aussi classées en mâles et femelles par rapport aux
quatre points cardinaux en diurnes et nocturnes et elles sont regroupées
en fonction des quatre éléments Ce sont toutes ces caractéristiques qui
doivent être retenues par le praticien car elles sont indispensables la
bonne interprétation des thèmes
espace sur lequel inscrit les signes est un champ de forces qui est le
lieu privilégié de la manifestation de extra humain que le géomant tente
de contrôler Le diseur de choses cachées est donc un manipulateur de
forces en ce sens il étend son emprise sur tous les aspects de la vie
sociale qui se trouvent résumés dans les maisons et les signes du tableau
Les figures sont les vecteurs des forces cachées elles sont expression
de la voix du destin dakan en bamanan et grâce elles le maître du
sable démêle les fils complexes de la trame de la vie

Le symbolisme des figures La technique de interprétation se fonde


sur une adaptation du sens des figures celui des maisons dans lesquelles
elles tombent en fonction de la question posée par le demandeur et de la
nature de cette question Huit figures impaires représentent les jiné denw
et huit autres les adama denw Comme nous avons déjà énoncé es jinns
étant dotés de pouvoir redoutable souvent maléfique ils sont utilisés
dans les systèmes attaque contre ennemi qui veut nuire Certains
adama denw sont aussi dotés de grands pouvoirs et ils assurent un rôle de
protection En plus de ces constatations une figure de terre est plus puis
sante une figure eau eau quant elle éteint le feu tandis que ce
dernier est attisé par air qui peut son tour donner naissance eau
exemple de la pluie La conjonction une figure air et une figure de
feu indique un renforcement de la situation Dans un thème les figures se
parlent opposent devenir antagonistes surtout il agit
de figures symétriques elles allient se combattent se répètent tout en
dialoguant avec les maisons Par exemple quand Janfa almamy al Kous-
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 573

sadji ou Puer en latin) qui est une figure de feu vient en maison VIII
dévolue Mangusi figure de terre puissante et maléfique le rapport de
forces sera défavorable au premier Le géomancien pour rétablir équi
libre ou renverser la situation doit exécuter des pratiques occultes selon
un code précis Chez les musulmans ces pratiques consistent en des
offrandes appelées saraka tandis que chez les non-musulmans on les
nomme sonni sacrifice sanglant Mais nous avons déjà affirmé que les
pratiques ont fusionné depuis très longtemps et que les batuta moriw
marabouts devins) bien que travaillant avec les versets du Coran ne
dédaignent pas effectuer le sacrifice sanglant qui continue toujours
revêtir appellation de saraka terme repris aussi par les non-musulmans
pour désigner toute sorte de sacrifice ou offrande Pour Sissoko 1936
261 le saraka ou sacrifice propitiatoire est le don que les esprits du
diaba réclament pour bâtir le bien et anihiler le mal Notons que la réci
proque est aussi vraie il agit de se débarrasser un ennemi ou de
lui jeter un mauvais sort
Le moment du sacrifice est souvent tenu secret mais il se déroule dans
des endroits symboliques brousse termitière dankun ou carrefour
cimetière etc. Pour le géomant non musulman les objets noix de cola
métaux poudre de fusil sont mis en contact avec le buguri fan tableau
de consultation pour leur consécration Dans bien des cas la poudre le
sang ou la cendre sont jetés sur une figure de terre dont on sollicite aide
voir infra)
Le sarakabo offrande sacrifice se déroule selon un rituel précis et le
codage répond au symbolisme de chaque figure qui procède de ses carac
téristiques intrinsèques Chaque figure donc son saraka propre titre
exemple voici une liste de correspondance fournie par Ali Kaïtina du
Korondugu

Janfa almamy Symbole le rouge figure nocturne mâle jour mardi


figure de feu orientale
Saraka porte sur tout ce qui est rouge depuis les chameaux rouges les
ufs les moutons les chèvres les poulets cinq noix de cola
rouges ainsi que or
Adama Couleur le noir figure divine mâle jour dimanche figure
de feu orientale
Saraka chameaux noirs bovins ovins caprins et/ou poulets noirs et
céréales surtout le mil
Maléju Couleur le blanc figure diurne femelle jour dimanche
figure air occidentale
Saraka offrir un bélier blanc et deux noix de cola blanches un turban ou
un bonnet blanc ou même des aliments liquides tels que le lait ou le dégê
crème de mil)
Albayada Couleur le blanc figure diurne mâle jour mercredi
figure eau méridionale
574 BR HIMA KASSIBO

Saraka réclame les aliments liquides depuis le lait le dégê la


simple eau sept noix de cola blanches du genre marsa woro
Tariki Couleur le blanc figure diurne mâle jour mercredi figure
eau méridionale
Saraka offrir quatre grosses noix de cola blanches de type dakabana
woro qui suscite étonnement ou quatre petites boules de dégê solide
ou du tissu blanc
gansa Figure diurne mâle jour samedi figure eau méridionale
Saraka réclame du lait ou du dégê ou sept noix de cola de type kaba
woro même signification que le dakabana jeter eau ou offrir soit
un aveugle soit un lépreux gansa symbolise la douleur la maladie
affliction après Kaïtina le lépreux et aveugle sont des personnes qui
hébergent la maladie toute leur vie sans pouvoir en défaire
Lumara Couleur le rouge figure diurne femelle jour samedi
figure air occidentale
Saraka réclame du zira mugu pain de singe on dépose dans un mor
ceau de calebasse brisée On trace la figure lumara et on expose air
qui la mange petit petit en la dispersant
Mängust Couleur le noir figure nocturne mâle jour vendredi
figure de terre septentrionale
Saraka accepte tout ce qui est noir depuis les camelins aux ovins
caprins et poulets noirs un sachet noir rempli de cendre ou de poudre de
fusil de charbon ou de crottes âne ou encore de chiffon noir la noix de
cola genre kaba woro inman avec des points noirs)
Kalalaw Couleur le blanc figure diurne mâle jour mardi figure de
feu orientale
Saraka accepte le chameau blanc les bovins ovins et caprins ou les pou
lets blancs Offrir six noix de cola blanches ou du lait
10 Mansa Solomani Figure diurne femelle jour vendredi figure de
terre septentrionale
Saraka uf entre dans ses préférences ou la poule pondeuse avec des
ufs dans son ventre si possible on peut lui offrir la mansaya woro noix
de cola royale) ou les poumons un animal
11 Badara AU Couleur le blanc figure diurne femelle jour jeudi
figure air occidentale
Saraka accepte le chameau blanc ou les bovins ovins caprins et poulets
blancs six noix de cola blanches du lait ou du tissu blanc
12 Nunkoro Couleur le rouge figure nocturne femelle jours mer
credi et samedi figure de terre septentrionale
Saraka le chameau rouge les bovins ovins et caprins de même couleur
Le coq rouge ou de la viande du fil rouge On peut offrir aussi six noix de
cola rouges de préférence un qui appelle Nouhoun
13 Lusiné Figure nocture femelle jour lundi figure eau méridio
nale
Saraka réclame le muminan mouvette) du dégê ou du lait
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 575

14 Tontig Couleur le noir figure nocturne femelle jour samedi


figure de terre septentrionale
Saraka camelin noir au coq noir de la poudre de fusil du chiffon
de la crotte âne noire
15 Mor Sumana Couleur le blanc figure nocturne mâle jours mardi
et vendredi figure air orientale
Saraka depuis le chameau blanc au turban du lait du dégê des
feuilles de papier blanches
16 Jamati Moussa Couleur le rouge figure nocturne femelle jour
mercredi figure de feu occidentale
Saraka du chameau rouge la noix de cola de même couleur on
en offrira huit un se prénommant Moussa)
Le principe du sacrifice repose fondamentalement sur le symbolisme
de la figure qui se définit essentiellement par un ensemble de caractères
selon le sens fondamental résumé par son nom la nature élémentaire
définie par un des quatre éléments naturels air eau terre feu dont la
figure participe la qualité pouvant être bonne ou mauvaise et le symbo
lisme
ceux-ci ajoutent autres attributs tels que entre autres la cou
leur le sexe le statut les jours de la semaine les métaux Il est nécessaire
avoir une connaissance approfondie de toutes les caractéristiques et de
tous les signifiants de chacune des seize figures pour une bonne inter
prétation du thème Le saraka est intimement lié la géomancie souda-
nienne Là où le géomant européen demeure impuissant face implaca-
bilité du destin qui se révèle son confrère africain utilise expédient du
saraka pour le conjurer et même pour le maîtriser Le saraka se traduit
soit par des sacrifices sanglants soit par des libations mais bien souvent
des objets sont consacrés par écriture coranique et cousus dans des amu
lettes protectrices seben) ou par les puissances occultes symbolisées par
les figures auxquelles on sacrifie Ils servent la protection des patients
mais aussi attaquer les ennemis ou les neutraliser Les amulettes talis
mans seben bagan tafo siri) indistinctement fabriqués par les devins
musulmans ou païens deviennent les enjeux des consultations car loin de
arrêter une action de psychothérapie les diseurs de choses cachées
essaient de changer le cours des événements grâce la manipulation des
forces occultes on comprend dès lors le rôle prépondérant ils ont tou
jours joué dans les sociétés africaines auprès des gens de pouvoir qui leur
étaient assujettis aussi bien auprès de ensemble des gens du peuple
est dans cette optique il faut comprendre la nature un savoir qui
leur confère une certaine puissance et les fait redouter de tous ils
commandent au bien et au mal Cette science ne peut acquérir et se
développer que sous le sceau du secret dont les spécialistes ne se dépar
tissent pas mais ils cultivent afin en rajouter au mystère dont ils
entourent Labouret et Travele 1927 477 écrivaient
576 BR HIMA KASSIBO

En effet ce que les Européens nomment volontiers gris-gris fétiches amulettes


ou talisman forme un ensemble complexe instruments magiques destinés
attaque et la défense tantôt bienfaisants et tantôt nocifs susceptibles de causer
la maladie ou de la détourner assurer la fortune la prospérité le bonheur ou de
déterminer au contraire la ruine et la mort

On con oit donc que si certains magiciens révèlent aisément leurs pro
cédés et vendent au grand jour leurs produits autres qui se disent mal
faisants dissimulent avec soin le mystère de leurs opérations On
comprend dès lors les difficultés rencontrées par les observateurs étran
gers saisir la logique des systèmes exposés altération des figures les
déformations sémantiques la réduction du nombre des signes du tableau
Les invocations cabalistiques sont autant de moyens utilisés pour brouiller
la piste au profane Par exemple le batuta mori marabout devin consulte
aide de son chapelet partir duquel il établit les quatre signes mère
Après avoir déterminé la question posée il renvoie le patient et lui fixe
un rendez-vous en lui faisant savoir il va travailler pour lui En
effet tandis que le géomant païen adresse aux figures du sable le mara
bout prononce des invocations prières aux figures afin arriver ses
fins Le savoir profond ne se confère pas automatiquement un étranger
cause de la puissance il renferme ce dernier peut le retourner contre
son informateur qui aurait ainsi transgressé les règles de sa dévolution
voir supra)
Dans une société où on croit que tout ce qui arrive homme une
cause que on peut déterminer univers naturel humain et extra-humain
se peuple ennemis dont il faut tout prix se préserver où le recours
expérimentateur en psychologie sociale est le géomant qui détient la
clef de interprétation de invisible sur lequel il agit par la force des
signes Nous développerons plus loin cette logique du mal qui est un des
principaux ressorts de la vie sociale africaine et surtout le pouvoir des
signes que on retrouve aussi dans les cosmogonies ouest-africaines
Tout géomancien est avant tout un stratège qui par la manipulation
des signes expression des forces occultes contrôle ensemble des opéra
tions de défense et attaque Ce faisant il se livre un jeu dangereux
dont issue peut lui être fatale Les grands maîtres nommés cien mansaw
imposent la crainte et le respect cause du pouvoir ils sont censés
détenir et qui en font des hommes redoutables hésitant pas semer la
mort autour eux dès ils se sentent offensés On entend souvent dire
que homme noir fara fin orienté la connaissance vers le mal la des
truction de son prochain Le savoir étant secret par nature et jalousement
gardé par ses détenteurs absence écriture renforcé son caractère
ésotérique Mais même chez les lettrés musulmans il pas été démocra
tisé et par le jeu des pratiques de divination le batuta mori acquis le
prestige du géomant païen écriture arabe la maîtrise des lettres
signes et des nombres sont apparues comme des forces mystiques du
savoir forces qualifiées de connaissance blanche Le vrai géomancien est
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 577

plus un devin il est donma homme de connaissance et soma thau


maturge guérisseur versé dans utilisation de la pharmacopée tradition
nelle Il sait fabriquer le poison körti tout comme les antidotes
Tout praticien de la science du sable est pas un botaniste mais la
connaissance des arbres jiriw est nécessaire pour soigner les patients
Toute une partie secrète de son art repose sur la connaissance des plantes
liée au symbolisme des figures elles-mêmes en rapport avec chaque partie
de organisme humain De même la nature des maladies est déterminée
par un des quatre éléments et une classification existe cet effet Le géo-
mant qui ne sait pas soigner le mal en détecte cependant origine et ren
voie le patient au spécialiste instar de tout homme de connaissance le
géomant maître du sable doit observer rigoureusement le protocole qui
régit couramment la vie de ces genres êtres Il doit éviter les bains fré
quents au risque entamer son armure de protection que lui confèrent les
fumigations et les bains secrets partir de décoctions de plantes Certains
observent de longues périodes abstinence sexuelle afin de conserver
leur pureté le coït affaiblit homme en perméabilisant ses capacités de
résistance Pour autres les cheveux constituent un des substrats de la
personne ils se rasent rarement ou ils sont contraints ils font rapide
ment disparaître le résidu de peur être vulnérable face ennemi
autres ne se lavent presque jamais la bouche de crainte de perdre le
nyama force maléfique au sens large du terme contenu dans les paroles
cela ajoutent pour certains maîtres païens une saleté repousssante
entretenue par un accoutrement rébarbatif tunique incrustrée de cauris
et de petits miroirs) et un port allier et mena ant chasse-mouche tenu en
permanence dans la main gauche homme de connaissance se ménage
ainsi un univers part gouverné par des rites stricts et mystérieux
inverse le lettré musulman batuta mori apparaît très souvent drapé
dans son grand boubou blanc et propre la tête enturbannée il adopte
attitude rassurante une docte personne Adepte de la ville ou des gros
villages il se comporte en citadin et la confiance il inspire aide
mieux abuser ses clients Malgré le prestige de écriture il est placé
actuellement sur le même registre que le devin non musulman
Dans les sociétés soudaniennes une manière générale univers
pour fondement harmonie et toute rupture exige une remise en ordre
La rupture quand elle se produit en homme perturbe son équilibre La
maladie la guigne le mauvais sort etc. en sont que expression et
constituent autant de symptômes renvoyant une cause déterminante qui
se donne décrypter travers les signes qui sont les paroles de la terre
Le géomant est le trait union entre deux mondes celui du regard
endroit domaine des humains dunia nyè nyuma et celui du regard
envers dünyâ nyè jugu peuplé êtres extra-naturels aux pouvoirs
énormes il est au carrefour des influences En ce sens il joue le rôle de
médiateur social La prospérité du groupe la santé et la vie de chacun de
ses membres dépendent des influences fastes ou néfastes qui exercent
578 BR HIMA KASSIBO

sur eux où le questionnement permanent des forces mystiques qui


dévident échevau du destin des êtres afin de dévoiler leurs intentions et
prévenir les attaques ennemies individu est en situation de danger per
manent même au sein de sa propre famille Le maître du savoir se doit de
lui venir en aide tout en se préservant lui-même contre les attaques de ses
pairs avec lesquels il entretient une rivalité légendaire alimentée par la
renommée la compétition et animosité découlant de sa position privilé
giée Le géomant apparaît comme le vecteur du mal car est lui qui
oriente soit sur demande soit par vengeance sur autrui Son action sera
contrée par celle un autre géomant en vue de annihiler La confronta
tion invisible tourne souvent au défi les forces se mesurent et les plus
faibles en font les frais Pour demeurer maître des signes et donma il faut
renforcer continuellement sa puissance La force consiste évaluer ses
propres limites et ne pas attaquer plus fort que soi être
constamment sur le qui-vive et chercher prévenir toute attaque enne
mie La véritable force du turabu ou du cien réside dans certaines pra
tiques secrètes que tous les maîtres ne révèlent pas facilement leurs
émules Cette connaissance secrète des signes confère la puissance et
élève au rang de maître est-à-dire celui qui est capable orienter les
forces occultes son gré
Avant attaquer autrui il faut savoir se défendre soi-même en renfor
ant sa propre puissance pour cela aide de certaines figures est indis
pensable Si Badara Ali et Maleju Madiou sont des figures bénéfiques
Janfa almamy et Nunkoro incarnent la trahison et la méchanceté elles
symbolisent les ennemis avec leurs intentions néfastes Quant Mangusi
et gansa ce sont les puissances de ombre qui sèment la mort et afflic
tion est donc de ces quatre dernières figures que viendra agression
Dès que la trahison apparaît dans le thème on en vue le complot
fomenté par les ennemis Il faut rapidement annihiler et voici exemple
donné par Kaïtina
Si Janfa almamy vient se coucher en maison VIII mort ou en maison
royauté) cela veut dire que le consultant été travaillé chez et par
un maître du savoir qui est peut-être un marabout Si Janfa almamy vient
en maison IV et VIII ennemi du consultant provient de sa propre
famille une manière générale il est question de trahison ou agres
sion dans le thème les parades sont nombreuses il faut cependant agir
rapidement avoir le dessus Quelques exemples illustrent des cas de
défense
Pour rompre le complot disperser les ennemis ou les rendre inoffen
sifs on inscrit sur un uf de poule le signe de Janfa almamy symbole de
la trahison puis on le brise par terre en récitant la formule suivante

Cette maudite coalition que voici


Si personne ne la brise que Dieu le fasse
Si personne ne la disperse que Dieu la disperse
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 579

On prend de la poudre noire de fusil on creuse cinq petits trous en


terre image de la figure Janfa almamy on remplit de poudre
ensuite on dépose une braise dans chaque trou pour faire exploser la
poudre ce qui provoquera immanquablement la dispersion des ennemis
On peut remplacer ce stratagème par un sachet noir boro fin rempli
de cendre on coud pour le déposer ensuite un carrefour dankun
on récite une formule consacrée comme dans exemple Dès que le sac
éclatera sous les pieds des passants la cendre se dispersera aux quatre
points cardinaux Il en sera de même des ennemis qui se disperseront sans
parvenir leur fin
Le siri ou système de neutralisation veut dire littéralement attacher
Il vise neutraliser un en lui enlevant sa force son agressivité ou
sa puissance sexuelle est un phénomène qui paraît-il est fréquemment
détecté par les géomants et dont les symptômes seraient assez évidents Il
se traduit par échec dans toutes les entreprises le manque énergie de
combativité et résulte de action un ennemi exemple le plus cité est
celui de impuissance sexuelle Les coépouses un polygame ont ten
dance le travailler pour le rendre docile et gagner ses faveurs et
pour cela elles recourent au devin Dès que homme ne parvient plus
acquitter correctement de son devoir conjugal auprès une de ses
épouses est le signe du siri provoqué par une elles Lors de la consul
tation dès que Nunkoro apparaît en maison XIII maison conjugale) cela
signifie une ennemie est introduite entre ta femme et toi si le
consultant est un homme Badara qui se laisse tomber en maison
VIII mort complot et III fa so) indique le siri Al bayada en mai
son XIII signifie impuissance sexuelle Lorsque le siri frappe une femme
il se manifeste sous forme de frigidité et incapacité enfanter stérilité
Cela est toujours imputé une rivale très souvent la coépouse Pour
lever le siri le géomant indique au consultant plusieurs saraka offrir
Badara AU époux polygame par exemple victime de siri doit se
rendre devant son ce so chambre homme où il re oit successivement
ses différentes épouses au cours de la semaine il prend un osselet blanc
côtelette sur lequel il grave le signe de Badara Ali sur chaque face et
aux deux extrémités Il le dépose devant sa porte en récitant une formule
consacrée aide une hache ou un coupe-coupe il brise osselet en
deux chacune des parties devant voler de part et autre de la porte
entrée de sa chambre Il sort sans se retourner de son du concession
Sa puissance sexuelle lui reviendra alors infailliblement
gansa Tontigi Janfa almamy et Mankusi forment dans le système
attaque les kèlè denw combattants Ce sont les figures les plus terri
fiantes du turabu elles servent faire entrer le mal dans autrui
attaque peut aller de la simple intimidation la mise mort de adver
saire La manipulation de ces figures est assez délicate et fait objet un
grand secret Dès que on se découvre des ennemis il faut se mettre en
garde et assurer contre la mauvaise bouche le mauvais il et se libérer
580 BR HIMA KASSIBO

de tout siri en offrant des saraka On procède aussi des rituels de ren
forcement de sa propre puissance par des fumigations base de plantes
de bain ou onctions La géomancie est un système double langage
elle parle abord du consultant mais la fin de la consultation avant
effacement du tableau les signes parlent au praticien lui-même et le
message ils lui transmettent est très important car il lui donne des
informations capitales Il doit toujours observer les maisons vie) IV
maison des pères) IX route) XV connaissance) et XIII foyer conju
gal Les figures qui trouvent informeront sur tous les événements le
concernant
ennemi une fois débusquée la riposte se prépare aide des
combattants Le sexe des figures renseigne sur la nature de adversaire
leurs différentes propriétés permettent de le localiser et de mesurer sa
puissance Les figures de terre sont extrêmement puissantes et si elles
symbolisent ennemi ce dernier sera hors de portée de la riposte Il faut
donc savoir avance qui attaquer au risque en faire les frais Il
des moments précis pour attaque que les figures indiquent au praticien
Une attaque lancée de nuit est contrecarrée de nuit celle qui est diurne
est parée le jour Chaque figure son jour faste pendant lequel elle doit
être sollicitée son efficacité une durée connue et ses saraka doivent
être offerts dans les délais elle exige afin de ne pas aller au-devant
un échec
Pour faire entrer le mal en ennemi plusieurs procédés sont utili
sés On trace le signe gansa sur une noix de cola genre Kabaworo
voir supra en récitant la formule consacrée on la perce avec une arête
de poisson trois fois sur chacun des deux côtés on récite une seconde
formule et on jette la noix de cola dans eau du fleuve partir de ce
moment la souffrance pénètre dans ennemi On trace le signe Tontigi
sur du savon noir il agit un ennemi redoutable on se place sur
le flanc droit un baobab en récitant une incantation dans laquelle on
associe le nom de la victime abattre on enduit écorce de arbre avec
le savon et on trace Tontigi dessus on crache sur le tout et on dessine
Tontigi aux quatre angles de arbre dans le sens des points cardinaux
la fin du rituel ennemi devient impotent pour la vie Au cas où on
voudrait le tuer on subsitue au baobab un arbre mort en tra ant Tontigi
sur trois de ses côtés seulement il mourra infailliblement dans le délai
fixé assure Kaïtina On cherche la racine un acacia nommé zegenen
on sectionne aide une hache on enveloppe ensuite dans du
linge blanc tout comme un cadavre dans un linceul On trace Janfa
almamy dans le trou où la racine été extraite Après avoir récité
incantation appropriée on dépose le tissu blanc sur la figure de Janfa
almamy dans le trou on la recouvre de terre avec le dos de la main on
prend un poulet rouge dans une main une aiguille dans autre on récite
une nouvelle incantation la gloire de Janfa almamy en même temps
on enfonce aiguille dans la chair du poulet rouge et on le relâche
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 581

après ennemi meurt au bout de trois ou sept jours dit-on ou bien au


bout de sept mois de toute manière il est condamné mourir
Ceci est un échantillon de la vaste panoplie des procédés occultes
utilisés des fins attaque et de défense Peut-on admettre une quel
conque vérité dans ce que disent les maîtres du sable Ceci constitue une
mauvaise question car la géomancie procède une autre logique qui
régente les comportements et les croyances de ceux qui recourrent
consultants aussi bien que praticiens Ils souscrivent pleinement sans
mettre en doute son efficacité pratique car dès lors un résultat
escompté ne se produit pas explication en est donnée dans le cadre un
registre approprié reconnu de tous
Tous les manuels de géomancie font état de interprétation Ce qui
retiendra notre attention est importance elle revêt dans tous les
systèmes dont elle forme le noyau Nous avons vu que les descriptions
portaient sur des systèmes en activité où les procédés personnels des pra
ticiens jouaient un rôle important parce que faisant objet un secret
jalousement gardé intérêt de la consultation réside dans la détermina
tion de la maison de la question mais aussi et surtout dans la formulation
de la réponse correcte cette question Par exemple chez Kaitina qui
possède une longue expérience en la matière les douze premières mai
sons fournissent essentiel des informations elles sont régroupées en
trois groupes de quatre Les maison angulaires IV VII et consti
tuent les pieux al aulad en arabe Si les signes qui figurent dans ces mai
sons sont favorables le consultant aura satisfaction Les maisons succé
dantes II VIII et XI constituent ce qui touche aux pieux maiali al
autad en arabe Si les signes présents en elles sont en majorité favorables
le demandeur des chances de réussir dans ses projets Les maisons
cadentes III VI IX et XII sont appelées z.aïlal autad en arabe ce terme
signifie la fin des pieux Quand elles sont occupées simultanément par des
signes favorables le consultant voit ses souhaits réalisés sans délai Les
maisons angulaires sont les plus puissantes pour la durée de réalisation
le mode de calcul varie suivant les praticiens Les signes répartis en caté
gories peuvent soit représenter le consultant soit déterminer objet de sa
visite soit annoncer issue de la consultation Les durées sont relevées en
jours par ceux du premier groupe en semaines par ceux du
second en mois par ceux du troisième 10 11 12 ou mar
quées par le signe occupant la maison XIV Pour Kaïtina par exemple il
existe une manière plus sûre de calculer la durée et les délais de réalisa
tion des projets Les seize figures sont réparties dans un tableau entre les
sept terres et les sept cieux Le temps de réalisation sera fonction de la
place assignée chacune elles dans ce classement astrologique
Pour les non avertis la multiplicité des techniques interprétation
laisse croire en existence de plusieurs systèmes de géomancie surtout
cause du nombre et de la disposition des figures et des maisons Nous
avons vu que dans les systèmes soudaniens il existait des tableaux de
582 BR HIMA KASSIBO

10 16 22 32 et 48 figures ayant chacun un nom propre voir supra


La variation des tableaux est fonction de importance de la question
posée avons-nous fait remarquer Pour beaucoup de praticiens il est
pas nécessaire de représenter toutes les figures et toutes les maisons du
thème les figures qui parlent et les maisons de la question sont élabo
rées par représentation mentale Prenons par exemple le cas Issa
Daou rapporté par Monteli 1931 96 Celui-ci en fait détermine le
signe répondant la question puis déduit celui de la maison VII Il
se sert donc des figures des maisons angulaires en observant leur
nature leur influence réciproque leur qualité pour résoudre le pro
blème posé
partir de la connaissance des maisons fondamentales et du thème
explorer les géomants procèdent la détermination du signe qui parle
Chez les païens analphabètes des objets divers noix de cola bracelet
etc. sont jetés au hasard sur le tableau de consultation pour détecter la
figure qui répond la question ibid 103 Le devin effectue alors sa pré
diction et annonce les objets consacrés au sacrifice sonni Les amulettes
confectionnées avec ces objets balles pinces crocs animaux poils
plantes ossements ou autres jouent les mêmes rôles que le saraka des
marabouts géomanciens qui se sont eux aussi versés dans la confection
de ces talismans
Pour les érudits tels que Kaïtina ayant autant bénéficié de la forma
tion des païens que de celle des marabouts la détection du signe qui parle
se fait suivant un procédé complexe et secret appelé sakira tiré probable
ment de ouvrage Ez enat ou de un des nombreux traités inter
prétation qui circulent aux mains des lettrés
Seules dix maisons dans le système décrit par Kaïtina peuvent se prê
ter la sakira Ce sont les maisons III VII VIII IX XI XII XIV et
XV Elles sont sollicitées dès elles deviennent maisons de la question
est-à-dire celles dont relève objet de la question considéré dans ses
rapports avec celui qui la pose et pour qui le thème est érigé Ces maisons
sont regroupées par affinité et sont déterminées par la nature du pro
blème posé en vue de la détection du signe qui parle Par exemple si
un vient consulter le devin sur issue un mariage projeté est la
maison VII qui devient celle de la question On examine les maisons VII
et III et surtout les figures qui trouvent on copule les figures résidant
en maisons XV et XI pour obtenir une troisième figure On copule cette
dernière avec celle issue de la première opération et on obtient ainsi le
signe qui ne ment jamais est la sakira majeure qui indiquera infaillible
ment la saraka offrir pour issue favorable du mariage
Le schéma suivant nous aidera mieux comprendre le système Les
dix maisons regroupées deux par deux indiquent la sakira majeure tandis
que par groupe de quatre elles donnent la sakira moyenne Leur utilisa
tion est fonction de la question posée et leur regroupement suit un ordre
précis
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 583

1er groupe XI XV III VII


2e groupe XII VIII IX
3e groupe VIII XII XIV
Les opérations portent sur les figures qui se trouvent dans ces maisons
et non sur les maisons elles-mêmes Ces trois groupes de maisons
répondent toutes les catégories de question en fournissant la sakira
majeure cas de mariage de voyages des situations etc. Les sarika
secrètes concernent surtout les deux derniers groupes où il est question
adversité de mort de complot et de pouvoir tandis que celles du pre
mier groupe sont appelées foroba sakira sakira commune et sont réser
vées des thèmes intérêt commun
Le calcul des points consiste compter le nombre de points que
comportent les rangs ou étages impairs des figures qui occupent les
douze premières maisons qualifiées de fondamentales Le reste de la divi
sion de ce nombre par douze désigne la maison où tombe le point de
intention Pour Kaïtina la figure occupant cette maison représente le
signe qui parle et peut être considérée comme un signe secret

Géomancie et société africaine

Dans le système géomantique le signe joue un rôle primordial est la


volonté de extra-naturel qui exprime et elle représente des puissances
virtuelles on peut mettre en uvre dès que on sait les invoquer La
manipulation des forces cachées aide des signes confère au géomant
omnipotence on lui attribue et la place épicentre de la sphère
sociale laquelle aucun élément échappe La science géomantique est
une science englobante dont le mode expression est un discours dans
lequel sont subsumées toutes les catégories existentielles de univers per
mettant appréhender toutes les situations possibles homme de
connaissance est le carrefour obligé de toutes les transactions sociales en
cela il devient un expérimentateur en idéologie un psychologue averti
un thérapeute de âme et du corps de ses semblables et sert interces
seur auprès de ceux qui détiennent les rênes du destin des êtres deux
pieds et des choses créées Les sociétés secrètes comme par exemple le
komo le kore le ïà sont les fondements de organisation sociale de
plusieurs groupes ethniques du Soudan occidental Bambara Malinké
Sénoufo Soninké Kaghoro etc. En tant que sociétés entraide juri
dique et culturelle elles régentent tous les aspects de la vie collective ou
individuelle des populations Le prêtre soma joue le même rôle que le
géomant dans ordonnancement de la vie sociale au sein un clergé sou
verain Or très souvent le géomant païen remplit la fonction de chargé
de culte identifiant ainsi au prêtre qui détient le secret des signes qui lui
ouvrent la porte de la connaissance du monde connaissance il trans
met aux initiés On retrouve ainsi la pratique géomantique au ur des
584 BR HIMA KASSIBO

principales sociétés secrètes Il semble donc que le terrain commun la


géomancie et aux systèmes de représentation ouest-africains soit le signe
qui joue le rôle de moniteur universel La géomancie étant un des élé
ments clefs de la culture islamique il est évident elle été élément
déterminant dans la convergence des deux systèmes islamique et païen
Plusieurs auteurs africanistes placent les signes géomantiques la base de
la cosmogonie de la psychologie de la mantique des sociétés africaines
en leur octroyant une origine païenne autochtone De même dans les sys
tèmes païens de conception du monde arithmologie mystique des
nombres tient un rôle symbolique de premier plan autant que chez les
soufis musulmans Les ressemblances sont si frappantes on est tenté
établir un parallèle entre les deux systèmes de cultures pour mieux cer
ner les interférences réciproques
Tous les auteurs qui ont réfléchi sur les idéogrammes reconnaissent en
eux les éléments de base de la création du monde Il aurait 266 signes
originaux considérés comme les attributs de Dieu et témoins de exis
tence des choses Dieterlen Cissé 1972 est chez les Bambara que
serait affirmée une sorte de primauté de souveraineté du signe est par
lui que les choses existent et prennent conscience elles-mêmes après
Griaule Griaule Dietenen 1951 5) est grâce lui que homme
son tour poussière de univers entre en possession de la plus grande
partie de son domaine qui est univers Quant Zahan 1970 62) il
place les idéogrammes origine même de la connaissance un seul signe
serait origine de tous les autres et identifierait au Dieu unique
créateur du monde Il apparaît donc que les signes sont la base de la
création ils identifient au créateur lui-même Ainsi apparaît la notion
de religion ethnique religion bambara dogo etc. articulée autour un
système de représentation cosmogonie) et celle de Dieu unique signe
un monothéisme irréfutable cause de ses bases religieuses de la
richesse des connaissances il détient et de la profondeur de enseigne
ment il distribue Dieterlen Cissé 1972 12 Toute connaissance
proviendrait donc de Dieu par signes interposés qui lui sont identiques
Aux 266 noms et attributs du Dieu païen créateur du monde font
pendant les 99 noms du Dieu musulman dont la connaissance fait de
homme un initié des mystères de univers tout entier en lui permettant
accéder au divin Zahan dans ce sens parlait de la théomorphose
comme finalité de enseignement initiatique du kore Connaître les signes
est donc participer au divin arithmologie dans les deux cas sert
outil de démonstration grâce la manipulation du symbolisme des
nombres
Le nombre est celui de la masculinité Il représente la verge et les
deux testicules Le celui de la féminité il symbolise les quatre lèvres du
sexe féminin qui est la somme de est le symbole de la perfection
Il représente la personne humaine dans son propre sexe et son double
dya toujours de sexe opposé Or 7= 28 cette somme représente
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 585

quatre fois celle de la personne ce chiffre exprime donc la plénitude et


définit Dieu car 10 ce nombre exprime unité Il est représenté
par le cercle10 qui est le symbole essentiel de la divinité chez les amanan
10 ne contient-il pas tous les nombres Il est la somme des quatre pre
miers qui de un quatre marquent le point de départ le dédoublement
la masculinité et le mouvement la féminité et la naissance est-il pas
enfin expression de la perfection et de unicité de être il se
réduit De même les 266 nombres qui correspondent aux signes de
Dieu donneraient selon arithmologie bambara 266 266 532 10
où unicité On se trouve ainsi dans un vaste système classificatoire inté
grant les éléments de la société et de univers les nombres gourvernent le
monde travers le langage humain
Les musulmans tout comme les Bambara raisonnent très souvent par
analogie ou par métaphore en jouant sur homonymie et le symbolisme
après Brenner 1985 27 homme ne posséderait que quatre des cent
quatre livres qui lui ont été révélés Ces quatre livres les plus récents sont
contenus et résumés dans le Coran et ce dernier tout entier tient dans la
fatiha qui son tour est regroupée dans Bismillah al-rahman al-rahim
Cette formule est condensée dans le mot Allah Or la valeur numérique
des lettres qui composent Allah est de 66 All(a)h 30
Ce chiffre 66 est sacré et englobe toutes les qualités de Dieu 50 et du
prophète 16 Toute création est uvre de Dieu connaître Dieu est
connaître univers et ses mystères Une valeur numérique est attribuée
chaque lettre et chaque mot et les relations entre ces valeurs font objet
de spéculation et de médiation Cissé 1973) en parlant des 266 noms de la
Création en déduit la genèse du monde la durée de la gestation du tus
au sein du placenta les composantes essentielles de armature corporelle
et spirituelle de homme symbolisée par le tracé du banangolo etc
Pour Hampâté Bâ musulman et disciple de Thierno Bocar tous les
nombres sont venus de le est venu aucun nombre Dans arith-
momancie musulmane les relations entre les nombres symbolisent les
relations entre les choses créées ésotérisme musulman de la mystique
des nombres ajoute une autre dimension aussi capitale celle de écri
ture qui exercé une fascination irrésisible sur les païens illétrés
Achaque lettre de alphabet correpond un chiffre voir exemple
Allah) et chacune elles des correspondances avec les étoiles les
signes du zodiaque les quatre éléments La science des lettres devient ce
que Brenner 1985 68 nomme une méthode abord pour deviner par
analogie les relations ésotériques de existence ensuite pour interpréter
la signification cachée du monde manifeste La mystique du nombre et

10 après Issa Baba TRAOR 1979) certains géomants païens du Bélédougou au


début de la consultation tracent sur le sable un cercle censé symboliser
univers
586 BR HIMA KASSIBO

des signes est commune aux deux cultures on évoquées et les analo
gies sont évidentes
Les signes sont la base des comogonies soudaniennes qui recouvrent
de vastes territoires et on retrouve chez de nombreux groupes entre
autres bambara malinké dogo bozo soninké Les systèmes bambara et
dogo ont fait objet une étude intensive de la part des ethnologues fran
ais Les signes de la création qui appartiennent au komo seraient représen
tés dans le ciel par 266 étoiles et constellations Le corps des prêtres se servi
rait dans son enseignement de données astronomiques pour explication
des cycles biologique et végétatif pour la fixation du calendrier des fêtes
religieuses qui est en étroit rapport avec le calendrier agricole Le nombre
33 un des chiffres clefs de la cosmogonie bambara devient le nombre
années qui écoule avant que les calendriers solaire et lunaire ne
débutent de nouveau le même jour Le nombre 60 aux dires de Dietenen
et Cissé 1972 21) correspondrait au cycle de la comète de Halley chez les
Bambara De même chez les Dogons la détermination de la date de célé
bration des fêtes marquant le soixantenaire du sigi effectuerait partir de
la conjonction de Sirius et de son satellite appelé Poni lo invisible il
nu Ce dernier pas le même cycle de révolution que Sirius Ces rapports
interstellaires précèdent-ils les rites ils expliqueraient ou lui sont-ils
consécutifs bâtis après coup pour les besoins de leur intelligibilité ou sim
plement de provenance extérieure Le problème demeure entier
La géomancie est fille de astrologie affirment tous les spécialistes et
cela est corroboré par existence des douze maisons astrologiques qui
servent de fondement au système géomantique Ez enat lui-même attri
buait le surnom astrologue et intitulait son ouvrage le livre de la distinc
tion sur les principes de la science du sable après lui les paroles
agréées pour la connaissance du mel renferment la connaissance des pla
nètes des étoiles des signes du zodiaque des quatre éléments et beaucoup
de connaissances relatives la science du mel. La géomancie est une
des composantes de la culture islamique qui atteint son plus haut degré
élaboration au contact des astronomes perses et des savants indiens et
méditerranéens voir supra)
après Ez enat la somme de tous les points ou traits qui composent
les seize signes est égale 96 Ce nombre toujours selon cet auteur ren
ferme un secret car il 12 signes du zodiaque 28 phases de la lune pla
nètes le soleil et la lune sont les astres les plus éclatants et la constellation
babania comprend 48 étoiles Le total de ces nombres donne 96 Chaque
indice des signes sur terre correspond un signe du zodiaque une phase
de la lune une des cinq planètes au soleil ou la lune ou une des 49
étoiles de babania
on sait le rôle joué par les jumeaux dans les sociétés ouest-afri
caines on est étonné de les voir figurer dans les signes graphiques bambara
tout comme les planètes les étoiles les constellations et autres signes du
zodiaque tel que le scorpion par exemple
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 587

Plusieurs auteurs font état de la géomancie dans les sociétés secrètes


dont elle serait issue surtout partir des systèmes cosmogoniques Ils lui
attribuent par conséquent une origine endogène purement autochtone
Cissé 1973 141 fait du banangolo ossature de la cosmogonie bambara
Au-delà des 266 signes de la création il symbolise il évoquerait pour
les Bambara et les Malinké une des origines des signes de la géoman
cie qui comme on le sait est une pratique divinatoire courante dans
ouest-africain Pour Cissé agencement des dix-huit segments verti
caux du banangolo donne trois signes géomantiques de la personne appe
lés/a père) ba mère et den enfant) ou encore moko ba saba les trois
substrats de la personne Cette opération aurait pour nom dyabo est-à-
dire sortir le dya ou révéler le double malin principe spirituel de la per
sonne Cissé conclut que dyabo parfois prononcé dyaba serait le nom ini
tiatique de la géomancie Selon tout géomancien averti les termes père
mère et enfant ne sont pas des noms de figures géomantiques mais plutôt
ceux des maisons et nous avons vu ils étaient origine astrologique
En ce qui concerne les trois substrats de la personne le symbolisme attri
bué spécifiquement la cosmogonie bambara est aussi présente dans le
symbolisme des figures où chaque niveau du tetragramme porte un nom
De haut en bas il la tête qui correspond élément feu le cou qui cor
respond air le ventre qui correspond eau et les pieds correspon
dant la terre après Pâques 1954 75) quatre signes ont donné leur
nom aux figures de géomancie on divise en quatre éléments tête cou
ventre pied. Tous les êtres vivants sont formés de ces quatre parties
tête cou ventre jambes Hébert 1961 67 découvre dans le système
géomantique pratiqué au Bénin le même symbolisme des figures qui se
divisent en quatre parties constituant les assises les points sensibles de
être humain par lesquels il est maintenu debout donc vivant attaquer
eux est attaquer aux substrats de la personne Le signe que Cissé pré
sente comme signe de géomancie symbolisant la personne sans considé
ration de sexe appelle Gabda et Khakhidja chez Ez enat gansa
chez Kaïtina il symbolise surtout le mal et la perte dans les différents sys
tèmes mais ne symbolise pas particulièrement la personne humaine géné-
riquement parlant Pâques son tour place origine de la géomancie
dans le banangolo Les deux signes géomantiques elle nous montre il
agit de Adama et de Jamati Moussa dans les systèmes soudaniens pro
viendraient de la dislocation des branches du banan ils représenteraient
Dieu et les six ancêtres pour les premiers et huit ancêtres pour les
seconds Ces signes auraient donné naissance tous les autres et leur
combinaison révélerait homme son destin Le tableau reproduit par
auteur ne compte que dix figures dont la dernière contrebalancerait les
neuf autres Pâques 1954 schéma de la note 73 Il est noter que
malgré inachèvement du tableau présenté ce système dérive incontes
tablement de celui Ez enat au même titre que tous ceux que nous
avons étudiés les signes sont morphologiquement identiques ceux de la
588 BR HIMA KASSIBO

géomancie arabe et malgré altération sémantique due la transcription


de la prononciation dialectale on identifie aisément les dénominations
qui leur sont communes dans les systèmes africains étudiés En revanche
ce qui est intéressant est usage en font les prêtres dans leurs sys
tèmes de représentation du monde Un nouveau symbolisme leur est attri
bué travers celui des quatre éléments air eau dont est issu le fer et
la pierre qui symbolise le sable support des signes faisant communiquer
homme avec Dieu Il serait fastidieux énumérer tous les rapports exis
tant entre la géomancie et les différents systèmes cosmogoniques ouest-
africains tant les exemples sont nombreux mais une analyse comparative
révélerait encore si besoin en était la filiation entre culture païenne et
culture musulmane Au cours de ce dernier chapitre nous nous efforce
rons établir une véritable corrélation entre les deux cultures en vue
arriver déterminer les caractéristiques essentielles de chacune elles

La convergence des cultures

II plus un millénaire que les sociétés secrètes africaines sont entrées


en contact avec islam et sous les derniers coups de boutoirs de la coloni
sation qui anéanti la culture traditionnelle islam plus accommodant
pris le dessus sur le paganisme dont moins de 30 adeptes se déclarent
ouvertement dans le Mali actuel Est-ce pour autant la fin du paganisme
Il suffit un tant soit peut aller en profondeur dans analyse des réalités
sociales contemporaines pour voir on se trouve en présence une
culture syncrétique facettes multiples Ainsi le terme islam noir consa
cré par des auteurs comme Vincent Monteil 1980) ou celui de paganisme
blanc avancé par Jean-Loup Amselle 1990 ne reflètent-ils un aspect
de cette réalité complexe dont les racines enfoncent dans la nuit des
temps Essayer de retrouver un degré zéro du paganisme comme ont
tenté de le faire les ethnologues fran ais travers les sociétés secrètes est
une tentative vaine Le paganisme originel pur de toute influence en
plein xxe siècle est un mythe Plusieurs auteurs ont insisté sur accultura
tion subie par les peuples soudaniens sous le joug colonial occidental tout
en oubliant infiltration discrète et continue de la culture musulmane
travers les arcanes du corps social païen dont la phase ultime été celle
de islamisation et ce des siècles durant
Le social est le champ investigation privilégié qui permet entre
prendre une analyse féconde des faits culturels la présence au sein de la
culture païenne des éléments essentiels de la culture musulmane géo
mancie arithmologie cosmologie astrologie etc. représente en ce sens
un indice important pour évaluation historique de ce contact culturel
multiséculaire échelle spatio-temporelle afin en mieux appréhender
les étapes essentielles
Nous avons démontré que le signe était élément fédérateur le socle
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 589

commun aux deux cultures Si nous pensons que les systèmes géoman-
tiques africains étaient inspiration étrangère est-il possible de nier
existence de tout système mantique autochtone Les signes africains de
même que écriture ont une histoire et il serait intéressant étudier leur
genèse et évolution des divers procédés de divination histoire des
idéogrammes peut se résumer en plusieurs étapes
La première forme de divination apparue en Afrique de Ouest se
rapporte au monde animal Les premiers signes étaient les empreintes
laissées par les pattes des animaux et est ce niveau que on peut par
ler une géomancie autochtone au sens étymologique du terme divina
tion par la terre Ainsi le timba ti signe de oryctérope) le sumku ti
signe de hyène) les traces du bota gobon bousier) ou du vulpes pal
lidas renard font partie de ces formes autochtones de géomancie primi
tive Chez les Kouroumba les Dogo et les Mossi aux dires de certains
auteurs Griaule Dieterlen 1951 38) interprétation des empreintes
laissées par le renard sur des tableaux tracés sur le sable constituaient un
procédé divinatoire et une première forme écriture Dieterlen le
remarque fort propos en affirmant que écriture pu être primitive
ment en même temps mode expression et technique de divination
Cependant les signes naturels ne sont pas la propriété de homme et les
possibilités interprétation étant limitées il fallait orienter vers autres
systèmes plus performants Tous les animaux cités jouent un rôle de pre
mier plan dans les systèmes de représentation du monde des peuples sou-
daniens au sein des sociétés secrètes ce qui incite penser ils ont dû
fournir la matière première indispensable la confection des mythes cos-
mogoniques
On distingue deux catégories les graphiques et les idéogrammes géo-
mantiques Avec eux nous entrons dans un système plus élaboré de signes
qui deviennent la clef de la connaissance de univers expression même
de la divinité con ue comme unité originelle Ces mêmes signes sont tra
cés sur la terre ou sur la fa ade des édifices de culte On peut les considé
rer comme des idéogrammes de par leur morphologie qui repose sur des
principes simples En effet après Dieterlen ibid nous avons une clas
sification des signes en quatre séries en fonction des quatre éléments et il
est possible en identifier la série partir du début de leur tracé Une
spirale ou un segment courbe pour air un cercle pour eau un segment
droit pour la terre deux segments croisés ou une ligne brisée pour le
feu Chaque signe peut se rapporter aux autres éléments dans son évolu
tion Les signes sont les marques de la connaissance intime des choses
elles ont servi désigner avant même leur existence matérielle
homme en les assimilant participe la connaissance divine La connais
sance consiste donc pour lui décomposer les signes et les analyser
Mais les signes ne sont réellement opératoires que dans abstrait car ils
sont un moyen expression des mythes dont ils dévoilent les contours
est en ce sens que Griaule ibid 1951 les qualifiait de mythe
590 BR HIMA KASSIBO

visuel Ils possèdent en commun avec les idéogrammes géomantiques


le symbolisme car ils renvoient toujours autre chose
Du fait de leur morphologie très conventionnelle et stylisée prédo
minance géométrique ils ne sont pas des mots mais plutôt des concen
trés idées après les africanistes cités Griaule Dieterlen qui les
classent la fois dans les formes écritures dites autonomes et dans celles
dites écriture des idées ibid travers les signes on reconnaît un
pouvoir sur les choses de la création et leur représentation est le mode
expression de ce pouvoir Il apparaît clairement que les signes consti
tuent une théorie indigène des systèmes graphiques qui sont le fondement
des cosmologies ouest-africaines Malgré toute leur richesse ils ont pas
cependant la même valeur opératoire que les idéogrammes géomantiques
qui révèlent un caractère plus universaliste
Les signes géomantiques se présentent sous la forme de tétragrammes
quatre niveaux et ils se distinguent de tous les autres Ils apparentent
aux pakoua chinois et aux tifinar voir supra) mais ils ont pas la même
morphologie quoique conservant par ailleurs le même mode opératoire
de type inductif On peut les considérer dans la mantique comme la
forme la plus élaborée des méthodes divinatoires cause des signifiants
multiples sur lesquels ils opèrent Bien que le principe élaboration des
signes graphiques soudanais repose sur des notions mathématiques il ne
nous paraît pas possible de nous prononcer sur leur origine propre mais
on peut postuler raisonnablement que ces notions ont précédé intro
duction de la géomancie classique dans les systèmes cosmologiques afri
cains païens évoqués11 En ce qui concerne acquisition et la diffusion de
la connaissance tant dans la science du sable que dans les sociétés
secrètes initiation au secret apprentissage graduel par classes âge
dans les sociétés initiatiques le sacrifice le symbolisme en sont les règles
essentielles Le prêtre païen aussi bien que le géomancien accomplissent
les mêmes fonctions au niveau de la mantique tandis que apprentissage
est obligatoire et collectif dans les sociétés secrètes où elle prend aspect
une imprégnation culturelle elle est individuelle et volontaire dans la
géomancie Cependant la science du sable jouit une très haute considé
ration dans les sociétés secrètes où les adeptes poursuivent le perfection
nement de leur art au sein de la classe des hommes de connaissance Les
vaticinations des géomanciens sont indispensables dans le choix du suc
cesseur du chef du komo ainsi que dans les prédictions annuelles du komo
sur le sort de la communauté
émergence des signes et leur liaison étroite avec le divin ont conduit
les africanistes élaboration une religion ethnique censée caractériser

11 affectation aux procédés modernes géomantiques des anciens noms des procé
dés divinatoires basés sur la lecture des empreintes animaux timba sumku
namani etc. peut être considérée comme un transfert sémantique et une forme
de récupération culturelle du nouveau par ancien
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 591

ensemble des systèmes de représentation philosophie cosmogonie


mathématique psychologie etc. des divers groupements Ces systèmes
peuvent-ils vraiment être qualifiés de religieux
Certains auteurs après avoir qualifié ces systèmes de religion leur ont
conféré un caractère monothéiste travers tous ces systèmes Dieu appa
raît comme Deus ex machina et disparaît ensuite de la préoccupation des
humains il est cause de intelligibilité du monde qui se donne lire
homme travers les signes ce Dieu pas de sacrifice sanglant Dans le
turabu païen ce sont les puissances occultes de la terre qui sont invoquées
tandis que Valfa le marabout adresse ses prières Dieu source de son
inspiration Le Dieu des païens est-il réellement le même que celui des
religions révélées supposer il soit antérieur celui-ci dans la
conscience païenne son contenu sémantique a-t-il pas changé au
contact de islam et des ethnologues instar du Dieu musulman le
Dieu païen revêt une infinité attributs et semble intervenir dans la vie
de homme Ne pourrait-on pas penser plutôt un panthéisme originel
où Dieu progressivement aurait endossé les attributs du néant auquel on
aurait subsume dans le processus de genèse de univers car islam est
tellement infiltré dans la culture païenne que même la sémiologie tradi
tionnelle en été affectée preuve les nombreux concepts empruntés
la langue arabe pour désigner des concepts métaphysiques indigènes Par
exemple le terme Allah est complètement substitué celui de Ma chez
les Bambara et les Malinké est au niveau des deux clergés longtemps
présentés comme antinomiques que les échanges les plus féconds ont été
réalisés Plusieurs auteurs signalent des marabouts musulmans en train de
célébrer les rites du komo De même la terminologie musulmane recou
vert les noms des jours de la semaine et des mois de année Dans leur
pratique le prêtre ou le géomant païen et le marabout devin officient sur
le même terrain depuis des siècles Sur le plan politique la présence dans
les cours royales un clergé de géomants païens et musulmans chargé
éclairer les décisions des rois de leur assurer la victoire sur leurs enne
mis et sur la nature témoigne de importance de la science du sable tous
les échelons de la vie sociale
De par les récurrences de histoire des lieux sacrés sont devenus
endroits de culte et inversement des conversions successives ont amené
des groupes sociaux embrasser successivement le paganisme et islam
La notion des sept cieux et des sept terres est commune islam la
cosmogonie bambara et la géomancie classique est donc sur de
vastes superficies que on retrouve des modes identiques de pensée
bambara malinké soninké kagoro mossi kouroumba gourmantché
ashanti etc. qualifiés de religions ethniques La dispersion de ces
connaissances et de ces pratiques sur une aire aussi considérable quali
fiée de mandé par certains auteurs soulève une question de poids qui
est celle de leur spécificité des groupes particuliers Ainsi pour Amselle
1990 27) les découpages opérés par les ethnologues centrés sur le vil-
592 BR HIMA KASSIBO

lage conduisent la réalisation une série de monographies des sociétés


secrètes komo do ritorno kore qui additionnées permettent par
exemple de confectionner une religion bambara auteur trouve
dans cette pseudo-religion bambara un ensemble de pratiques cultuelles
décentralisées qui transcendent les limites ethniques coloniales. et qui
sont communes plusieurs groupes sociaux Il conviendrait affirme-t-il
de privilégier plutôt le caractère essentiellement politique de ces cultes
il faudrait lier des entités politiques de tailles diverses et montrer
leur mode de fonctionnement essentiellement pragmatique et instrumen
tal Il nous paraît exagéré de qualifier les systèmes de pensée africaine
de religion ethnique amalgame effectué des fins politiques par les admi
nistrateurs coloniaux Delafosse Brévié entre autres et les ethnologues
en quête un paganisme originel Amselle postule quant lui existence
un état de paganisme pré-islamique sous forme de mélange originaire
mais il est impossible hui de qualifier de système instar des
grandes religions monothéistes le cadre referentiel actuel étant islam
Hampâté Bâ 1965 33 postule existence de trois divinités Ma dieu
eau) Oua dieu volant) et Sa dieu rampant) la base de tous les sys
tèmes de représentation africains et est la société initiatique des chas
seurs donso ton qui va fournir le tronc duquel émergeront les sociétés
secrètes caractère éducatif et religieux kore komo ïà nya etc
Cette thèse bien que séduisante pour explication de expansion des pra
tiques mythico-rituelles sur de vastes aires géopolitiques en conserve
pas moins un caractère evolutionniste et même diffusionniste Il est exact
que la connaissance des systèmes géomantiques fortement structuré les
représentations des sociétaires prêtres et initiés de cultes païens de
Afrique de Ouest cause de son universalité qui se traduit par des cor
respondances tous les niveaux entre les signes et le monde humain
est ainsi que des correspondances étaient établies avec les signes les
quatre éléments et les quatre points cardinaux les douze signes du
zodiaque les nuits et les jours en général les mois de année les
nombres les lettres de alphabet les parties du corps humain les pla
nètes et les constellations les couleurs les parties de la maison les
saveurs les formes les prophètes ou califes les métaux et les plantes Ce
vaste corpus de connaissances est trouvé un moment donné la por
tée des peuples du Soudan occidental et nous savons il été appré
hendé et adapté des réalités nouvelles Il nous paraît difficile
hui affirmer que le paganisme est demeuré en marge de islam
La pharmacopée traditionnelle païenne la nosomancie et la nosographie
les divers systèmes de classement du monde minéral végétal et animal les
théories cosmogonique et astrologique la connaissance des astres etc.
sont redevables plus ou moins vaste échelle de la culture arabo-isla-
mique mais leur adaptation relève du génie des peuples qui les ont re us
a-t-il pas eu de contrepartie Nous pensons que si car sur le plan
économique humain et culturel le monde arabo-musulman largement
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 593

bénéficié du bilad es Sudan Quant parler un état de paganisme anté


rieur islam influence culturelle de Egypte ancienne sur les peuples
noirs ne peut être passée sous silence et est en ce sens que uvre de
Cheik Anta Diop doit être poursuivie pour enfin travers ce magma
incertitudes un point ancrage temporaire puisse être trouvé afin
arrimer notre connaissance le temps de récupérer nos forces pour de
nouvelles digressions

En guise de conclusion il faudrait voir dans cette synthèse culturelle le


résultat un échange fécond dont la caractéristique majeure est émer
gence de écrit au sein une civilisation de oralité dont il profon
dément modelé la structure usage du signe permis le passage de
immanent au transcendant La mantique intuitive axée sur interpréta
tion des traces animaux sur la terre bousier renard pâle ou autres
inscrit avant tout dans la sphère du quotidien utilisation des signes
des chiffres et des lettres rend possible la métaphysique La pensée
décolle du réel vers intelligible érigé en système de représentation cos
mogonie agencement un ordre structurel métaphysique partir des
signes et des nombres semble être le point de jonction des systèmes indi
gènes avec le système scriptural appréhension de univers système
propre la culture arabo-islamique Loin de nous intention de récuser
idée une intelligibilité de univers partir de la parole concept
propre toute civilisation elle soit orale ou autre mais le concentré
de pensée figuré par le signe dont le développement permet la concep
tualisation de univers en système cohérent et intelligible est en soi un
saut qualitatif dans histoire de la pensée humaine Le signe écriture le
nombre sont les marques du savoir et ce savoir confère le pouvoir celui
qui le possède Ils sont la base de émergence des maîtres de cultes
païens et musulmans des devins et autres hommes de connaissance aux
plus hautes sphères de univers social ils contrôlent par leur pratique
ésotérique Le secret qui garantit initiation en tant que voie accès ce
corps élite social est lié la possession du signe idéogramme lettre
chiffre qui apparaît comme le moniteur universel Rien échappe
emprise des hommes de connaissance même pas les souverains car
aucune action éclat aucune initiative un tant soi peu importante ne peut
se faire leur insu Ils sont la base des succès et des malheurs humains
La base objective de ce pouvoir supra-naturel est univers matériel Si le
système géomantique classique renfermait des traités de botanique
astrologie de minéralogie etc. la connaissance des vertus thérapeu
tiques des plantes des animaux et des minéraux locaux de loin renforcé
efficacité de ce pouvoir De même que la connaissance profonde de la
société et de ses différents acteurs permis élaboration une véritable
594 BR HIMA KASSIBO

science du comportement humain psychologie caractérologie... La


transmission
en pas moins
de assuré
ces différents
la pérennité
savoirsAinsi
utiles homme
travers de
desconnaissance
voies propresest
doublé du praticien rompu dans art de guérir âme et le corps de ses
semblables Sur ce registre le marabout devin était obligé avoir recours
aux mêmes pratiques pour acquérir une quelconque efficacité est donc
univers social qui servi de ferment pour la sédimentation et la fusion
des différentes cultures et qui assuré la liaison entre milieux lettrés et
sociétés rurales en même temps il servi de champ expérimentation
pour amélioration des pratiques et des observations empiriques La maî
trise scripturale du monde été une des conditions essentielles de son
intelligibilité rationnelle et est en cela que le signe apparaît comme
élément fédérateur universel

Orstom Bamako 1992

BIBLIOGRAPHIE

AMSELLE J.-L
1990 Logiques métisses Anthropologie de identité en Afrique et ailleurs Paris
Payot
BINGER
1892 Du Niger au golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi Paris
Hachette tomes
BRENNER
1985 Réflexion sur le savoir islamique en Afrique de Ouest Bordeaux Centre
Etudes Afrique noire Institut tudes politiques
CISS
1973 Signes graphiques représentations concepts et tests relatifs la personne
chez les Malinké et les Bambara du Mali in La notion de personne en
Afrique noire Paris ditions du CNRS 131-179
DELAFOSSE
1972 Haut Sénégal Niger Paris Larose Iré éd 1912)
DIETERLEN GISSE
1972 Les fondements de la société initiatique du komo Paris-La Haye Mouton
Cahiers de homme 10
GRIAU
1966 Dieu eau entretiens avec Ogotemmêli Paris ditions du Chêne Iré éd
1948)
LA OMANCIE OUEST-AFRICAINE 595

GRIAULE DIETERLEN
1951 Signes graphiques soudanais homme Paris Hermann
HAILLOT
1936 Sur la géomancie et ses aspects africains Bulletin du Comité tudes
historiques et scientifiques de AOF XIX(l 131-137
HAMP
1965 Les traditions africaines gage de progrès in Tradition et modernisme en
Afrique noire Paris Editions du Seuil Rencontres internationales de
Bouaké 31-48
BERT J.-C
1961 Analyse structurale des géomancies comoriennes malgaches et afri
caines Journal de la Société des Africanistes XXXI 115-208
IBN KHALDOUN
1863-1868 Les prolégomènes Ibn Khaldoun traduits en fran ais et commentés
par DE SLANE Paris Imprimerie impériale réimpression 1934-1938
Paris Genthner)
JAULIN
1957 Essai analyse formelle un procédé géomantique Bulletin de IFAN
Série XIX 43-71
1976 La géomancie analyse formelle Paris-La Haye Mouton
KAMBALLAH
1976 La géomancie traditionnelle du Cheikh Hadjii Kamballah Traité pratique
enseignement et dictionnaire interprétation géomantique Paris Vegas
Irc éd 1947)
KAMISSOKO CISS
1988 La Grande geste du Mali des origines la fondation de Empire traditions
de Krina aux colloques de Bamako Paris Karthala
LABOURET TRAVELE
1927 Quelques aspects de la magie africaine Amulettes et talisman au Soudan
fran ais Bulletin du Comité tudes historiques et scientifiques de AOF
XII 478-545
MAUBERT
1928 Les coutumes du Gourma Bulletin du Comité tudes historiques et
scientiques de AOF XIII 685-694
MAUNY
1961 Tableau géographique de Ouest africain au Moyen Age après les sources
écrites la tradition et archéologie Dakar IFAN Mémoire de IFAN
no 61)
MAUPOIL
1943 Contribution origine musulmane de la géomancie dans le Bas Daho
mey Journal de la Société des Africanistes XIII 1-94
MOLLIEN DE
1820 Voyage dans intérieur de Afrique aux sources du Sénégal et de la Gambie
fait en 1818 par ordre du gouvernement fran ais Paris Imprimerie
Coursier
596 BR HIMA KASSIBO

MONTEIE
1931 La divination chez les Noirs de AOF Bulletin du Comité tudes his
toriques et scientifiques de AOF XIV(1-2 27-136
MONTEIL
1932 Une cité soudanaise Djénné métropole du delta central du Niger Paris
Maisonneuve rééd 1971)
1980 islam noir Une religion la conquête de Afrique Paris Edition du Seuil
3e éd.)
QUES
1954 Les bouffons sacrés du cercle de Bougouni Journal de la Société des
Africanistes XXIV(l)
PICQ DU
1930 tude comparative sur la divination en Afrique et Madagascar Bulle
tin du Comité tudes historiques et scientifiques de AOF 9-23
SISSOKO
1936 La géomancie Bulletin de Recherches soudanaises 5-6 248-268
TEMPELS
1949 La philosophie bantoue Paris Présence africaine rééd 1961)
TRAOR
1979 Vers une pensée originelle africaine exposé géomantique critiques de la
négritude et du consciencisme Thèse de 3e cycle Paris-IV inédit
ZAHAN
1960 Sociétés initiation bambara le domo le Kore Paris-La Haye Mouton
1970 Religion spiritualité et pensées africaines Paris Payot

Vous aimerez peut-être aussi