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Estime de Soi, L' Marie Joseph Chalvin
Estime de Soi, L' Marie Joseph Chalvin
Marie-Joseph
CHALVIN
Ce document est la propriété exclusive de Christophe BURESI (christophe.buresi@free.fr) - 28 septembre 2011 à 19:15
Je m’estime, tu m’estimes,
on s’estime ! L’estime
de soi
Qu’est-ce que l’estime de soi ? C’est un état fluctuant qui
se construit, se déconstruit et se reconstruit au jour le jour,
au gré des circonstances heureuses et malheureuses de la vie.
L’estime de soi
Il nous permet de nous appuyer sur nous-mêmes tout en tenant
compte des autres et de leur reconnaissance.
Pourquoi n’avons-nous pas confiance en nous ? Qu’est-ce qui
nous empêche de changer ? Comment se forme une estime
2 e édition
de soi bien tempérée ?
de l’analyse transactionnelle et de
l’affirmation de soi, est déjà l’auteur
de nombreux livres sur la relation
parent enfant ou en pédagogie.
17 y
user 177 at Thu Nov 11 05:10:59 +0100 2010
Ce document est la propriété exclusive de Christophe BURESI (christophe.buresi@free.fr) - 28 septembre 2011 à 19:15
Groupe Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris cedex 05
www.editions-eyrolles.com
Marie-Joseph Chalvin
L’estime de soi
Apprendre à s’aimer
avec ou sans les autres
Deuxième édition
Avant-propos .................................................................................. 1
PREMIÈRE PARTIE
L’estime de soi : une relation
entre soi et les autres
L’ESTIME DE SOI
DEUXIÈME PARTIE
Estime ou mésestime de soi :
origines et mécanismes
TROISIÈME PARTIE
Entretenir et réparer son estime
de soi au quotidien
VI
VII
Avant- propos
L’ESTIME DE SOI
1. Proverbe cité en septembre 2004 aux actualités de RTL par un responsable chinois,
pour commenter la nouvelle possibilité offerte aux Chinois de venir faire du tou-
risme en France.
© Groupe Eyrolles
L’ESTIME DE SOI
possible de vivre une relation amoureuse sans avoir assouvi ses besoins
physiologiques, cependant ces liens, menacés par un environnement
hostile, seront plus fragiles. On voit également des solidarités indéfecti-
bles se manifester quand la sécurité est mise en péril, mais elles sont
moins « choisies » que marquées par la nécessité de se serrer les coudes.
Charles Aznavour illustre cette situation avec humour :
« Nous étions si pauvres que nous n’avions pas de quoi manger chaque
jour. Mon père disait : “Si tu n’as pas de pain chez toi, descends dans la
rue. Tu vois un ami passer, tu lui dis : Tu ne sais pas où manger ? Va donc
acheter le pain et viens manger à la maison !” »
1. Il est intéressant de noter que A. Maslow, qui a élaboré son modèle en 1940, l’a
commenté et révisé en 1970, après la grande vague soixante-huitarde : « Je consi-
© Groupe Eyrolles
dère à présent que ce livre affichait un parti pris trop marqué en faveur de l’indi-
vidu et contre les groupes… De fait, je me sens autorisé, pour de nombreuses
raisons empiriques, à affirmer que les besoins fondamentaux des hommes ne peu-
vent être satisfaits que par et à travers d’autres êtres humains, c’est-à-dire la société.
Le besoin de communauté (appartenance, contact, groupe) lui-même est un besoin
fondamental. » (L’accomplissement de soi, Eyrolles, 2004).
L’ESTIME DE SOI
Chacun s’emploie donc à satisfaire d’une part son désir de liberté, d’indé-
pendance, de respect et de confiance en lui, et d’autre part son désir d’être
apprécié des autres et de gagner leur estime. Il ne peut cependant y
prétendre sans s’être assuré de la solidité des étages inférieurs et parti-
culièrement du deuxième : la véritable estime de soi passe par le maintien
de relations enrichissantes.
Une solide estime de soi incite à se hisser vers le quatrième et dernier
étage, qui est celui de l’accomplissement ou de la réalisation de soi (self-
actualisation needs). Dans les pays développés du monde occidental, de
nombreuses personnes se mobilisent pour la satisfaction de ce besoin,
qui vise à découvrir leur potentiel personnel et à le mettre en valeur. De
nombreux cabinets et des publications diverses nous proposent de
procéder à cette « mise à jour » de nos potentialités : questionnaires,
bilans personnels et professionnels, coaching…
Cette recherche pour « devenir de plus en plus ce que l’on est, ou devenir
tout ce que l’on est capable d’être »1 est un véritable luxe, puisqu’elle
n’est pas d’actualité pour ceux qui manquent du nécessaire pour vivre ou
survivre. En revanche, pour les nantis que nous sommes, cette soif
d’estime de nous-mêmes n’est pas considérée comme un luxe superflu
mais comme un besoin fondamental inéluctable, qui structure notre vie,
canalise notre énergie et déclenche nos motivations.
Souvent générateur de conflits interpersonnels et d’anxiété, ce luxe n’est
pas toujours « confortable ». En effet, celui qui se soucie de se réaliser
pleinement doit parfois subir les critiques : on lui reproche de se compli-
quer la vie ou d’être trop exigeant. S’il en souffre, il a parfois lui aussi la
dent dure envers ceux qui accumulent des biens pour combler un besoin
© Groupe Eyrolles
La naissance de l’individu
La notion d’estime de soi est inséparable de la notion d’individu. Pour
pouvoir se pencher sur soi et penser à s’occuper de ses propres aspirations,
il est nécessaire d’avoir le droit d’exister et de disposer des moyens de
survivre hors d’un groupe, c’est-à-dire d’être un individu à part entière.
En ce sens, l’estime de soi est tributaire de l’évolution des sociétés et de
leur essor économique1.
Dans les sociétés primitives, la survie de chacun dépendait de sa capacité
à se faire accepter dans un groupe. La solitude, le rejet ou l’exclusion
entraînaient la mort. Pour subsister, il fallait donc être conforme et
associé : chaque individu était soumis aux exigences du groupe et dépen-
dait essentiellement de l’estime des autres.
Dans les sociétés monarchiques, un ensemble de normes morales obli-
geaient l’individu, le « sujet », à s’effacer devant son Dieu, son roi, son
seigneur et son prochain. Il acceptait de taire ses pulsions et s’interdisait
toute tentative de se mettre en valeur, dans l’espoir de « gagner son
ciel ».
de la croissance économique, Seuil, 1999) arrive aux mêmes conclusions que le psy-
chologue Abraham Maslow. Il décrit la croissance économique d’une société en
cinq étapes successives, qui lui permettent de passer de la société de subsistance à
la société de consommation avec une intervention de plus en plus importante de
l’État. La réalité économique de chaque étape correspond à la hiérarchie des besoins
physiologiques et psychologiques de Maslow.
L’ESTIME DE SOI
1. Selon l’expression de F. de Singly (Les uns avec les autres, Armand Colin, 2003).
De l’intimité à l’extimité
Le psychiatre Serge Tisseron a forgé le néologisme extimité 1 pour nommer
ce phénomène de société qui consiste à mettre à nu en public, sans pudeur
ni gêne, ses pensées les plus personnelles ou son corps. Il choisit pour
illustrer sa réflexion l’émission de télévision Loft Story, qui a provoqué
© Groupe Eyrolles
L’ESTIME DE SOI
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qui reviendrait vers soi chargé d’idées enrichissantes pour vivre mieux et
découvrir en soi un potentiel encore inexploré.
L’extimité aurait ainsi pour but de procéder à une « auto-création » de
soi, de manière plus rapide et efficace qu’avec les traditionnelles pratiques
de l’introspection. Il s’agirait donc de satisfaire le besoin d’accomplisse-
ment de soi : la nouvelle génération aurait ainsi atteint le dernier étage
de l’immeuble des besoins fondamentaux, laissant derrière elle les « grin-
cheux » des générations précédentes ! Certains participants aux émis-
sions si décriées de téléréalité témoignent en ce sens : ils soutiennent que
leur présence sur les plateaux de télévision a provoqué chez eux un véri-
table changement en profondeur de leur comportement. Certains certi-
fient s’être « trouvés », d’autres « se sentir mieux avec eux-mêmes »…
On serait cependant en droit de se demander si ce besoin de rendre
publique son intimité ne constituerait pas plutôt un aveu de faiblesse.
Ce besoin de retour permanent vers les autres semble en effet signaler
une difficulté à être soi sans la confirmation d’un public choisi. Ce n’est
pas l’hypothèse de Serge Tisseron, qui souligne que l’excès d’extimité
commence à influencer les comportements de ceux qui s’y livrent
(volontairement ou malgré eux), en déclenchant de salutaires réactions
de défense et de protection de soi, qui ne peuvent exister sans une bonne
estime de soi. Noyés dans un tourbillon d’images et de paroles, ceux qui
s’exposent sont en mesure de craindre que l’on dévoile leur jardin
personnel, cet espace intime1 où ils gardent précieusement leurs secrets.
© Groupe Eyrolles
1. Serge Tisseron décrit trois espaces distincts : l’espace public, ce que l’on partage
avec le plus grand nombre, l’espace privé, ce que l’on partage avec des personnes
choisies, l’espace intime ce que l’on ne partage pas, ou seulement avec quelques très
proches… et aussi ce que chacun ignore de lui-même. Ce dernier espace constitue
à la fois son jardin secret et l’inconnu. « Le droit à avoir un espace intime est essen-
tiel pour chacun d’entre nous, et ce, aussi bien du point de vue mental que social. »
11
L’ESTIME DE SOI
Ils savent alors ruser pour éviter l’intrusion des regards indiscrets : ils
revendiquent le droit d’être eux-mêmes et annoncent clairement « L’in-
timité, c’est là où je veux et quand je veux. »1 Ayant appris à percevoir
la frontière entre espace public et espace privé, ils choisissent ce qu’ils
veulent montrer ou dire, cacher ou taire.
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PREMIÈRE PARTIE
1
Chapitre
Qu’entend-on
par estime de soi ?
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L’ESTIME DE SOI
Le temps où celui qui avouait suivre une thérapie ou faire une psychana-
lyse prenait le risque d’être taxé de malade semble bien loin, c’était
pourtant il y a à peine une dizaine d’années ! Encore marginales il y a
trente ans, les psychothérapies se sont en effet banalisées, au point d’appa-
raître comme un phénomène de société. Ceux qui s’y montrent réticents
– ou ne peuvent y accéder pour de multiples raisons – se sentent presque
un peu marginalisés.
En tant que fait de société massif, et semble-t-il incontournable, la quête
d’estime de soi trouve un écho dans les médias. Elle en serait devenue,
dit-on, la préoccupation essentielle et la principale source de revenus.
Journaux, radios, télévisions et agences publicitaires s’en sont emparés :
pour réussir une bonne campagne, un zeste d’estime de soi constitue
toujours un plus. Après le fameux « Avec Carrefour, je positive ! »,
les agences ont exploré ce filon et continuent de le décliner : on nous
conseille de manger des céréales pour « améliorer notre bien-être inté-
rieur », on nous invite au « salon du mieux-être », un journaliste prend
congé de ses auditeurs en disant : « Au revoir, portez-vous bien et prenez
soin de vous ! »
L’impact de nombreuses émissions consacrées à ce thème et l’intérêt
qu’elles suscitent auprès d’un large public ont contribué à nous familia-
riser avec le langage des techniques du développement personnel. Ce
jargon est aujourd’hui dans toutes les bouches et tous les foyers :
« J’arrête de complexer. »,
« J’ai décidé de lâcher prise. »,
« Je veux devenir moi-même. »,
© Groupe Eyrolles
16
Cependant, comme ces idées fausses recèlent une part de vérité, nous
nous appliquons à les mettre en œuvre avec persistance et détermination.
17
L’ESTIME DE SOI
Voici les dix croyances1 le plus souvent observées chez ceux qui pensent
que l’estime de soi est inaccessible. Partant battus, ils forcent le trait et
se font de fausses représentations de la démarche qui mène à l’estime de
soi. S’engager sur la voie du changement commence par le repérage
préalable de ses croyances bloquantes afin de les troquer contre des
croyances dynamisantes.
Cependant, comme dans tout travail de développement personnel extrê-
mement individualisé, les remarques et les conseils donnés ici ne convien-
nent pas forcément à tous : éclairants et utiles pour les uns, ils peuvent se
montrer peu fondés et inadaptés aux yeux des autres. Si la mise en appli-
cation de l’une ou l’autre de ces idées vous a aidé, et vous aide encore, à
acquérir et à développer une véritable estime de vous-même, ne vous
laissez pas troubler. Continuez à faire ce qui vous permet d’être mieux à
la fois avec vous-même et avec les autres, c’est le seul critère fiable pour
« estimer l’estime de soi ».
1. Ce catalogue n’est pas exhaustif, il s’agit des principales idées qui constituent des
freins à un travail efficace sur nous-même et nous gâchent la vie. Pour approfondir ce
thème, lire Les relations durables amoureuses, amicales et professionnelles de G. Apfeldorfer,
paru en 2004 aux Éditions Odile Jacob.
2. F. Dodson, Tout se joue avant six ans, Robert Laffont, 2004.
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âge fatidique. Ceux qui abordent ainsi un travail personnel sont mal
partis pour acquérir une bonne estime d’eux-mêmes, car ils adoptent
une attitude fataliste et défaitiste : « À quoi bon chercher à me prendre
en main ? Je n’ai pas de chance dans la vie, je n’ai pas tiré le gros lot ! »
Ils utilisent cet « argument massue » qui leur permet de justifier le fait
de ne pas agir.
L’éducation reçue avant six ans est certes primordiale dans la construc-
tion de l’estime de soi, cependant il est toujours possible de se prendre
en main et de « re-décider » sa vie.
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L’ESTIME DE SOI
Bonheur à perpétuité
« Le bonheur ? C’est possible ! »
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De fait, croire que l’on peut échapper aux incertitudes et aux inconvé-
nients de la vie génère frustration, déception et anxiété.
La dictature de l’émotion
Notre société nous a longtemps appris à refouler nos émotions, au point
que certaines personnes étaient – ou sont encore – incapables de les
ressentir et de les identifier. Depuis une quarantaine d’années, la tendance
s’inverse : nous vivons à l’âge de « la dictature de l’émotion »3.
« Vos émotions sont intelligentes : écoutez-les ! Laissez-leur la parole
pour trouver le soi caché au fond de soi. » entend-on dire de tous côtés.
Pour répondre à ces nouvelles injonctions, nous avons tendance à
adopter une attitude libérée et à nous méfier de la raison. À trop réflé-
chir, ne se prive-t-on pas de l’énergie née de l’élan spontané ? Fions-nous
donc à nos intuitions, libérons-nous de toutes contraintes, obéissons à
nos pulsions, apprenons à assouvir nos envies, à combler nos désirs !
Accéder à ses émotions permet de mieux vivre sa vie. Cependant, il ne
faut pas croire qu’en les exprimant on s’en débarrasse définitivement.
Ceux qui lâchent la bride à leurs émotions se répandent et s’épanchent
jusqu’à l’indécence. Non seulement ils n’en sont pas libérés, mais ils se
retrouvent de plus rapidement isolés, blessés, rejetés par leur entourage
sans l’avoir voulu.
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L’ESTIME DE SOI
Un corps de rêve
Les progrès rapides et fabuleux de la chirurgie esthétique, de la diété-
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Il suffit de vouloir…
Certaines personnes dynamiques annoncent triomphalement à qui veut
l’entendre : « Moi, je ne me pose pas de questions sur moi… Je n’ai pas
de problèmes, il suffit de se prendre en main. J’ai décidé d’arrêter de
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1. Le souci de l’apparence varie selon les cultures. Les femmes d’origine africaine con-
sacrent à leur beauté un budget neuf fois supérieur à celui d’une Européenne de
souche. Faut-il interpréter cette pratique comme un signal de faible estime de soi
ou comme un fait culturel ? Le Monde 2, 4 septembre 2004, « Beauté black ».
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L’ESTIME DE SOI
trois fois par jour : « Tous les jours et à tous points de vue, je vais de mieux en
mieux. » La méthode Coué a connu un vif succès du vivant de son créateur, avant
d’être délaissée à sa mort. Elle a été redécouverte aux États-Unis, où elle a trouvé
un nouvel essor dans le domaine de la pédagogie et du développement personnel.
(É. Coué, La méthode Coué – La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente,
Marabout, 1996).
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pouvoir me révéler quelque chose sur moi n’est pas encore né ! » Ils se font
une gloire de maîtriser leurs émotions et de savoir mentir à bon escient.
Leur agressivité et leurs comportements excessifs semblent incompatibles
avec la définition habituellement donnée de l’estime de soi. Cependant,
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L’ESTIME DE SOI
Le droit à la plainte
Certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres. Elles attribuent
leur fragilité émotionnelle à une blessure ancienne ; certaines l’ont iden-
tifiée, d’autres n’en ont pas trouvé l’origine, les dernières préfèrent ne
pas la chercher. Quel que soit leur parcours, elles ont plus que d’autres
besoin de se protéger de toutes les flèches qui pourraient réveiller cette
douleur, toujours prête à se raviver. Leur blessure devient leur bouclier
protecteur.
Dès qu’elles se sentent en difficulté, elles cherchent à échapper à la frus-
tration, aux critiques, ou au conflit en se plaignant, espérant attirer ainsi
l’estime des autres. La plainte joue le rôle d’une muraille derrière
laquelle elles maintiennent leur douleur emprisonnée, de façon à se faire
entourer par les autres, les accuser de ne pas en faire assez pour les aider
et éviter de changer. Bien qu’il arrive qu’on vante leur courage, leur
persévérance, leur force d’âme et qu’on leur donne cette protection
qu’elles recherchent, la tactique de la plainte déclenche le plus souvent
des réactions de rejet, par un entourage qui se sent manipulé.
Cette stratégie va à l’encontre de l’estime de soi, en rassemblant la
contemplation exclusive de soi, le déni de la réalité et la revendication.
Comme le faisait déjà remarquer Nietzsche, « il y a dans toute plainte
une dose subtile de vengeance »1.
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Un mot-valise
La notion d’estime de soi se range en effet dans la catégorie des « mots-
valises ». Ce type de mots ou d’expressions – violence, civilité, respect,
donner du sens et aussi… estime de soi, surgit sous le feu des projecteurs
pour désigner un manque qu’il est soudain urgent de combler. Ils sont
utilisés par exemple pour signaler un équilibre rompu ou un besoin à satis-
faire. Chaque mot-valise fait l’amalgame entre des notions très différentes,
parfois même hétéroclites. Mais comme dans la valise, où sont entassées
toutes sortes d’objets plus ou moins utiles, il arrive que l’on ait oublié d’y
mettre l’indispensable ! Les mots-valises occultent parfois l’essentiel…
La valise de l’estime de soi déborde de tant d’éléments divers qu’il serait
vain de prétendre être exhaustif. On y trouve côte à côte : le moi dans tous
ses états, conscients et inconscients, les autres et leur regard acéré ou
bienveillant, l’espace privé et ses représentations, l’espace public et ses
contraintes, le passé et le présent, le corps et la santé, le bien-être et le
mal-être… Chaque individu fait sa valise à sa façon. Même si les éléments
de base y sont toujours présents, certaines personnes sont plutôt centrées
sur l’exploration et le développement de leurs ressources personnelles,
tandis que d’autres donnent plus d’importance à leur entourage… Mais
quand on fait l’inventaire, il arrive que manque cruellement l’élément
nécessaire et primordial pour trouver l’heureux équilibre souhaité.
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L’ESTIME DE SOI
S’accepter
L’estime de soi consiste à découvrir ce qui fait de chacun de nous un être
humain unique au monde et donc différent des autres. Il est important
de se voir tel que l’on est sans se mentir ou chercher à embellir la réalité.
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Bien que nous soyons tous différents, nous avons pourtant besoin de
nous comparer aux autres. La normalité est cependant une affaire de
statistiques et de moyennes, elle nuit à l’estime de soi. Se respecter en
s’acceptant tel que l’on est, avec ses forces et ses faiblesses est une marque
d’estime de soi.
1. Pour punir les hommes, Zeus avait créé Pandore, une femme séduisante. Il lui
remit une jarre scellée qui contenait tous les maux qui affligent l’humanité, ainsi
que l’Espérance, placée au fond. Mais Pandore, ne pouvant résister à la curiosité
© Groupe Eyrolles
d’ouvrir le récipient, libéra les fléaux, les maladies, les vices et tous les malheurs
qui frappent les êtres humains. Épouvantée de son geste, elle referma le couvercle
mais il était trop tard… L’Espérance, restée enfermée au fond de l’urne, suggéra à
Pandore de la libérer pour qu’elle puisse alléger les peines des hommes. Depuis ce
moment, les hommes s’épuisent à la tâche pour assurer leur existence tout en gar-
dant l’espoir d’une vie meilleure.
29
L’ESTIME DE SOI
Rester soi sans se faire avoir et gagner, ou garder, son indépendance sont
les deux principales préoccupations de ceux qui veulent améliorer leur
estime d’eux-mêmes. Respecter les autres est une chose mais il est aussi
important de recevoir leur respect en retour… ce qui n’est pas toujours
30
le cas. Certains échanges nous font perdre toute confiance en nos capa-
cités et nous pouvons parfois perdre totalement pied.
Comment se protéger pour moins s’user au contact des autres et devenir
moins vulnérable, tout en conservant une relation enrichissante ? C’est le
défi qui doit être relevé pour améliorer l’estime de soi. Il faut savoir placer
clairement ses frontières entre ses territoires public, privé et intime et les
ouvrir judicieusement, ce qui permet de garder aussi son indépendance
et sa liberté de pensée, tout en affirmant son droit à la différence.
Accepter de négocier
Accroître son estime de soi consiste à vaincre la peur de « se faire avoir »
et suppose donc une bonne connaissance de soi et de ses capacités.
Ceux qui ont fait un vrai bilan sans concession de leurs forces, de leurs
limites et de leurs fragilités, et qui les acceptent avec modestie, sont
dans la situation idéale pour exister au milieu des autres. Ils sont alors
capables de négocier quand il le faut avec prudence et vigilance. Prêts à
changer de point de vue si on les convainc d’une erreur, ils savent aussi
se mettre en retrait quand ils ne font pas le poids, et tirer profit de leur
avantage quand ils sont en position favorable.
31
L’ESTIME DE SOI
tion de bon sens n’est pas si facile à adopter : une bonne dose d’indépen-
dance et d’assurance est nécessaire pour accepter de plaire mais surtout de
déplaire, ou supporter l’indifférence des autres sans en être affecté.
Ceux qui possèdent cette force intérieure sont capables d’accepter les
compliments et de recevoir les critiques, mais aussi de travailler dans
l’ombre sans être admirés ni reconnus. Sûrs de leur valeur, ils n’en souf-
frent pas car ils donnent en permanence le meilleur d’eux-mêmes.
Le conflit fait si peur que nous sommes souvent prêts à toutes les compro-
missions pour l’éviter. Il n’y a cependant pas de quoi être fier de soi quand
on cherche à masquer les différends ou à arranger les choses… Le conflit
mérite une réhabilitation, il n’est pas si négatif qu’on le pense. Il a le
mérite de réajuster les comportements et de débloquer des situations qui
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Si l’on applique cette loi venue du sport à l’estime de soi, on peut dire
que ce n’est pas grave de perdre pied si l’on se sait capable de retrouver
complètement, et le plus rapidement possible, sa confiance en soi. Une
estime de soi suffisante permet de récupérer rapidement son énergie
33
L’ESTIME DE SOI
après avoir subi un revers. Celui qui, ayant peur d’être déstabilisé, se
cramponne pour ne pas subir de difficultés, risque d’être plus fortement
affecté que celui qui accepte tranquillement l’éventualité de moments
difficiles à vivre.
Être réaliste
Au terme de l’énumération des différents ingrédients qui composent
une bonne estime de soi, vous serez peut-être frappé de constater que cet
état est aussi instable et sensible qu’un baromètre. Que les autres vous
acceptent ou vous reconnaissent et le mercure est au beau temps, qu’ils
vous rejettent et vous critiquent et la colonne de mercure baisse immé-
diatement.
L’estime de soi est donc un état fragile, fluctuant, sans cesse menacé, à
construire et à reconstruire sans cesse, parfois à reconquérir… Et pour-
tant, les plus réalistes ne se découragent pas et mettent tout en œuvre
pour l’atteindre, malgré sa nature insaisissable et son aspect inaccessible.
Ils se connaissent suffisamment pour trouver en eux les ressources néces-
saires pour rebondir et les moyens de surmonter les obstacles. Ils savent
se donner l’énergie nécessaire pour continuer ce travail sur eux-mêmes,
tout en se félicitant de ce qu’ils entreprennent pour progresser. N’ayant
pas peur des autres, ils savent tirer profit de ce que leur contact peut leur
apporter.
L’ensemble de ces dix points esquisse le portrait d’une personne qui
possède une excellente estime de soi. Vous pourrez les utiliser pour
identifier :
© Groupe Eyrolles
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Faites le point !
Quel est votre niveau d’estime de vous-même ?
Ce questionnaire se propose de vous aider à faire le point sur votre niveau
d’estime de vous-même1. Il est à considérer comme un test de personna-
lité à valeur indicative : il vous renvoie l’image que vous avez de vous-
même, ici et maintenant, et constitue un point de départ pour une
réflexion sur vos comportements.
Pour chaque affirmation du tableau, inscrivez une croix dans la colonne
qui coïncide le mieux avec votre point de vue habituel. « Ça me
ressemble » signifie que vous reconnaissez l’un de vos comportements
familiers, « Ça ne me ressemble pas » indique que vous avez rarement
recours à ce type de comportement. Répondez à ce questionnaire sans
chercher l’exactitude absolue, et si une question vous laisse perplexe,
laissez-la sans réponse.
© Groupe Eyrolles
35
L’ESTIME DE SOI
Ça ne me
Ça me
ressemble
ressemble
pas
6 J’ai de l’assurance.
36
Ça ne me
Ça me
ressemble
ressemble
pas
18 J’aime ma voix.
37
L’ESTIME DE SOI
Ça ne me
Ça me
ressemble
ressemble
pas
38
Ça ne me
Ça me
ressemble
ressemble
pas
53 Je suis intelligent(e).
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L’ESTIME DE SOI
Niveau d’estime
Score Conseils
de soi
De 60 Surestime de soi Vous faites preuve d’une très haute estime de vous-
à 48 même et vous avez une totale confiance en vous et
en vos capacités. Mais êtes-vous suffisamment ouvert
et à l’écoute ? Êtes-vous aussi estimé des autres ?
Votre estime de vous-même n’est-elle pas si exclusive
qu’elle s’exerce au détriment des autres ? Si oui,
réfléchissez à ce que vous pouvez gagner à être
plus ouvert et attentif au reste du monde.
De 47 Saine estime de soi Vous savez allier une bonne confiance en vous et le
à 36 souci des autres. Continuez sur cette voie pour vous
réaliser pleinement et faire bénéficier votre entourage
de vos richesses.
De 35 Estime de soi Vous êtes sur la bonne voie. Vous êtes capable
à 22 variable d’avoir une bonne estime de vous-même et d’en
bénéficier largement. Cependant, vous avez des
« pannes » d’estime, au cours desquelles vous vous
surestimez ou sous-estimez selon les circonstances.
Réfléchissez à la manière dont vous pourriez stabiliser
et renforcer vos capacités à pratiquer une estime de
© Groupe Eyrolles
40
…/…
De 21 Mésestime de soi Vous êtes désespéré(e) car vous vous focalisez sur ce
à 10 variable qui ne va pas et vous rêvez de transformation
immédiate ? Détrompez-vous et reprenez espoir !
N’écoutez pas vos petites voix négatives, continuez
à progresser à petits pas vers une estime de vous-
même variable, puis vers une saine estime. Dites-
vous chaque jour tout le bien que vous pensez de
vous-même.
De 10 Mésestime de soi Vous êtes enfermé(e) dans une prison dont l’atmos-
à0 ancrée phère vous oppresse. Brisez vos chaînes en vous
faisant aider, guider et soutenir. Ne vous lancez pas
imprudemment dans des changements trop impor-
tants, avancez à tous petits pas. N’oubliez surtout pas
de vous féliciter pour tout changement survenu, aussi
minime soit-il. Vous avez en effet besoin de nom-
breuses gratifications pour accumuler l’énergie néces-
saire à une bonne estime de vous-même.
41
L’ESTIME DE SOI
Vie affective,
Apparence Reconnaissance Réussite privée
amicale et
physique de ses atouts et professionnelle
sentimentale
3 5 7 1
4 6 8 2
10 11 12 9
14 15 16 13
18 19 20 17
22 21 25 23
26 24 30 27
32 29 31 28
34 38 39 33
36 42 44 35
40 43 47 37
45 50 54 41
48 53 57 46
51 56 59 49
55 58 60 52
Faites ensuite le total par colonne. Pour chacun des domaines proposés,
voici comment interpréter vos résultats :
• De 15 à 13 : vous vous surestimez peut-être dans ce domaine, vérifiez-
le auprès de votre entourage.
• De 12 à 9 : vous faites preuve d’une bonne estime de vous-même dans
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L’ESTIME DE SOI
Je déprime.
Je culpabilise.
Je cherche vite
J’en veux au à trouver une
monde entier. solution.
Je laisse
tomber.
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Je déprime.
Je culpabilise.
Je cherche vite
J’en veux au à trouver une
monde entier. solution.
Je laisse
tomber.
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L’ESTIME DE SOI
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2
Chapitre
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L’ESTIME DE SOI
1. « Peut-on toujours être sûr de soi ? Je ne le crois pas […] Un sentiment d’estime
de soi inébranlable n’est pas bon signe. Il est normal de douter, de se remettre
en question et de se sentir parfois prêt à mettre le monde à ses pieds. » (M. Rufo,
Tout ce que vous ne devriez jamais savoir sur la sexualité de vos enfants, Anne Carrière,
2003).
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2. Les spécialistes utilisent les termes altérité et identité pour décrire ce mécanisme
interactif entre soi et autrui. L’altérité (du latin alteritas qui signifie différence)
désigne le sentiment de différence que l’on éprouve au contact d’autrui. L’identité
désigne le caractère permanent et fondamental de quelqu’un, ce qui contribue à
faire son individualité, sa singularité, ce qui le différencie des autres et permet qu’il
se reconnaisse comme tel.
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Pourquoi est-il si difficile d’être soi parmi les autres ? Les psychana-
lystes, les psychologues et les sociologues nous fournissent quelques clés
pour le comprendre mieux.
1. Ce type de comportement a été étudié par D. Anzieu, qui nomme illusion groupale
le phénomène de paralysie qui touche les membres d’un groupe soudain saisis du
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désir fou de revenir à l’état de symbiose vécu au cours de leur vie fœtale, vie idéale
où le conflit est inconnu (Le groupe et l’inconscient, Dunod, 1999). Max Pagès, de son
côté, insiste sur le rôle de l’angoisse dans la difficulté à affirmer son identité et à
se distinguer d’autrui : la peur de l’abandon et de la solitude pousse chacun à se
montrer solidaire de son groupe d’appartenance (La vie affective des groupes, Dunod,
2002).
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L’ESTIME DE SOI
sentiment de faible estime d’elles-mêmes, elles sont prêtes à tout pour se faire
apprécier. Il est possible de constater une contradiction entre leur état interne et
la stratégie qu’elles utilisent avec les autres. Alors qu’elles se dévalorisent, on
les voit faire une présentation valorisante de leurs capacités : elles se vendent bien
et suscitent l’intérêt et l’estime des autres (« At last, a Rejection Detector », Psy-
chology Today, vol. 28, 1995).
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fait fausse route dans une relation, et qu’on a essayé en toute honnêteté
51
L’ESTIME DE SOI
1. Pour E. T. Hall, le bébé se crée dès la naissance un « langage du corps » qui lui est
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Ça ne se fait pas…
« On ne peut pas faire ça, c’est interdit ! », « Ce n’est pas bien. », « Ce
n’est pas moral. », « Ça ne se fait pas. »…
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L’ESTIME DE SOI
d’être conformes, les jeunes adultes prennent aussi grand soin de leur
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L’ESTIME DE SOI
1. Émission passée sur M6 en octobre 2004, qui faisait vivre des adolescents de notre
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époque dans l’ambiance d’un pensionnat des années cinquante. Plus de 70 % des
jeunes l’ont regardée assidûment.
2. Pour l’analyse transactionnelle, la honte est un sentiment complexe dans lequel se
mêlent la peur du regard des autres et la joie de transgresser un interdit. La peur
est plus grande lorsqu’il s’agit d’une transgression qui implique une personne
aimée.
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Être tenu pour responsable de la honte ressentie par les autres agit
comme un puissant frein au changement, en déclenchant un sentiment
d’indignité et de perte de l’estime des autres. Pour éviter la rupture ou
le rejet, il est tentant de ne rien faire pour modifier des comportements
pourtant gênants.
Il est vrai que l’autre nous gêne, nous bloque, nous freine dans nos élans
vers la construction d’une meilleure estime de nous-mêmes… Mais que
faire, que devenir sans lui ? À peine sommes-nous libérés de sa présence
que nous sommes envahis d’un malaise et que nous cherchons vers qui
nous tourner pour combler ce vide inconfortable.
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L’ESTIME DE SOI
Qu’il nous fascine ou nous déçoive, nous ne pouvons nous résoudre à nous
séparer de notre alter ego1, cet autre moi que nous malmenons sans précau-
tion et qui s’applique à nous rendre les coups selon la loi du talion, « œil
pour œil, dent pour dent ».
Pourquoi les autres nous sont-ils si précieux et indispensables ? Parce
qu’ils nous permettent d’assouvir notre besoin d’appartenance, d’affec-
tion et d’amour, l’un des besoins fondamentaux décrits par A. Maslow
(voir Avant-propos p. 1). Malgré nos velléités d’affranchissement, nous ne
pouvons nous passer de la reconnaissance des autres, de leur assentiment
ou de leur réprobation. Ils nous donnent la vie, mais aussi l’envie de
vivre et de survivre.
1. Georges Brassens a su parler avec émotion de l’autre, cet alter ego que l’on rudoie
sans ménagement pour le regretter aussitôt : « J’ai plaqué mon chêne, Comme un
saligaud, Mon copain le chêne, Mon alter ego […] Auprès de mon arbre, Je vivais
heureux, J’aurais jamais dû le quitter des yeux. »
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Un miroir révélateur
Comment savoir qui l’on est, valider ses choix de changements et
évaluer les résultats d’un travail sur soi sans avoir recours aux autres ?
L’introspection solitaire était autrefois jugée suffisante pour explorer sa
personnalité et se connaître parfaitement. Cette assurance a fondu au
soleil avec les travaux des psychanalystes : Freud écrivait que nul ne peut
se découvrir sans avoir recours à la médiation d’un autre.
Nous devons bien avouer que les autres nous connaissent souvent beau-
coup mieux que nous ne le croyons. À l’inverse, nous ne nous connais-
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sons pas toujours si bien que nous le disons. L’autre est un découvreur
de talents, un révélateur, un miroir dans lequel se reflète notre propre
nature.
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L’ESTIME DE SOI
Organiser la cohabitation
À côté de ceux qui prétendent pouvoir vivre sans les autres, se trouvent
des personnes qui croient pouvoir enterrer leur passé et bâtir un futur sans
regrets ni culpabilité ! Une fois de plus, il s’agit d’une idée reçue qui
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conduit à une impasse. Même si nous n’en avons pas toujours conscience,
notre vie entière est inscrite en nous à l’encre indélébile : notre cerveau est
en effet la plus fiable des machines à enregistrer. En revanche, ce « disque
dur personnel » a de graves défaillances lorsqu’il doit restituer ce qu’il a
enregistré. Ainsi, nous ne pouvons nous séparer de notre passé, mais nos
souvenirs sont en partie égarés quelque part dans notre inconscient, et en
partie reconstruits pour servir nos stratégies de communication.
Ainsi, toutes les personnes, réelles ou fictives, que nous avons rencontrées
au cours de notre vie sont inscrites dans notre mémoire et nous accompa-
gnent partout. Nos parents, nos amis, nos éducateurs dialoguent en
permanence avec nous, et côtoient nos héros, acteurs de films ou indi-
vidus « vus à la télé », avec qui ils font bon ménage. Tous nous guident,
nous parlent, nous conseillent et nous influencent malgré nous. Leur
disparition ne les fait pas taire, au contraire, « seuls les morts ne meurent
jamais » souligne Boris Cyrulnik1.
Notre mémoire fantaisiste a cependant transformé ces individus en
caricatures aux traits appuyés. Ils sont devenus des constructions schéma-
tiques, dont nous avons gardé peu de chose : un précepte, une recomman-
dation, une opinion générale sur la vie et les gens, ou encore un interdit,
une convention contraignante, une norme à ne pas transgresser, un juge-
ment négatif sur nous-mêmes. Leur influence est pourtant déterminante,
car leur présence invisible se manifeste par des petites voix qui nous
encouragent ou nous empêchent au contraire d’accéder à une véritable
estime de nous-mêmes. Le sentiment de culpabilité2, déclenché par
exemple par des messages négatifs, nous fait adopter des comportements
pénibles de réparation.
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L’ESTIME DE SOI
Les autres en savent parfois beaucoup plus que nous sur notre système
de relations, nos valeurs, nos envies et nos dégoûts. Ils lisent dans notre
corps et nos mimiques à livre ouvert, et voient à travers les carreaux de
notre fenêtre sans que nous le soupçonnions.
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La fenêtre de Johari
(Mon inconscient)
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1. Joseph Luft et Harry Ingham ont créé dans les années 60, la fenêtre de Johari
(JOseph et HARry) pour représenter l’évolution de la communication entre deux
personnes.
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L’ESTIME DE SOI
Le grand jour
La vie en société nous oblige à livrer une part de nous-mêmes dans le
domaine public. Certaines personnes, très ouvertes et accessibles, se
livrent sans peur : les autres en savent beaucoup sur elles, elles donnent
l’impression de vivre derrière une vaste baie vitrée.
Plus notre vitre du grand jour est grande, plus nous sommes transpa-
rents. Cette transparence peut être extrêmement enrichissante, car
l’ouverture suscite l’échange, mais elle peut aussi rendre vulnérable.
Plus notre vitre du grand jour est étroite, moins nous nous livrons, plus
nous sommes isolés ou mal compris.
La face cachée
Nous ne pouvons pas tout dire : il y a des informations sur nous-mêmes,
sur les autres, sur certains événements que nous ne souhaitons pas
ébruiter, ou que nous ne pouvons révéler. Nous cachons tous de petits et
de grands secrets, c’est une bonne manière de nous protéger et de
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La zone aveugle
Nous révélons tous nos malaises par des signaux réflexes dont nous
n’avons pas conscience, mais qui sont bien connus de notre entourage :
tics (haussements d’épaule, contacts des mains sur le visage), mouve-
ments incontrôlés (pied ou jambe qui s’agite nerveusement), bruitages
(toux, raclements de gorge)… Ces manifestations, qui font partie de notre
zone aveugle, en disent beaucoup sur nous et gênent parfois les autres :
cette zone est appelée parfois pour cette raison la zone de la « mauvaise
haleine ».
Derrière cette fenêtre, transparente pour les autres, nous agissons sans
voir ce que nous faisons. Nous ressemblons parfois à un éléphant dans
un magasin de porcelaine, qui enchaîne maladresse sur maladresse.
Plus cette vitre est grande, plus nous sommes privés de références pour
connaître notre impact sur les autres. En vérifiant l’image que nous
donnons auprès des membres de notre entourage, nous avons la possibi-
lité de réduire la taille de cette fenêtre. Nous avons alors le choix de
cacher ou de révéler aux autres ce que nous venons d’apprendre de nous.
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L’inconnu
Il existe en chacun de nous une terra incognita qui, tout en se trouvant en
dehors de notre conscience, nous dicte de nombreux comportements.
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L’ESTIME DE SOI
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DEUXIÈME PARTIE
3
Chapitre
nous ? Où allons-nous ? »1
1. En 1897, à la fin de sa vie (il mourra en 1903), Gauguin, très profondément affecté
par la disparition de sa fille Aline, s’est interrogé sur les finalités de la vie. De cette
réflexion est né ce tableau aux dimensions inhabituelles.
69
L’ESTIME DE SOI
70
La transparence de l’apparence
L’apparence, notre enveloppe extérieure, tient une place importante à
notre époque, du fait de l’omniprésence des images. Une grande part de
l’estime de soi se joue donc, encore de nos jours, sur l’apparence physique
et l’image sociale.
Nul ne peut rester indifférent au regard des autres. Or ils nous jugent
en première instance d’après les apparences. Ce jugement, parfois réduc-
teur ou superficiel, s’attache à une expression de nous-mêmes qui ne
reflète pas la réalité.
Malgré les efforts consentis pour soigner notre aspect extérieur, nous nous
apercevons souvent que la lecture de notre personnalité par les autres ne
s’arrête pas aux apparences. Ils peuvent aussi nous coller une étiquette
indésirable : « Toi le bourge, le bobo… », « Toi la séductrice… », ou
nous percer à jour : « Tu as beau me dire que tu es bien dans ta peau, je
ne te crois pas. » Les remarques de ce type sont à même de déclencher en
nous l’insatisfaction et la frustration, sentiments qui entraînent la perte
de l’estime de nous-mêmes.
1. Se dit d’un état psychique dont le sujet n’a pas conscience, mais qui influe sur son
comportement.
71
L’ESTIME DE SOI
Ainsi, certaines créatures de rêve, qui semblent avoir été comblées dès le
berceau, se montrent incapables de s’estimer, tandis que d’autres per-
sonnes, peu favorisées par leur apparence physique et sociale, affichent
une estime d’elles-mêmes capable de résister à toutes les épreuves.
L’image de soi se situe au carrefour de l’environnement extérieur et du
moi : elle fait le lien entre les contraintes de la vie sociale et les sentiments,
les fantasmes et les pulsions qui émanent des structures profondes du moi.
Construite en grande partie sur des sensations et des émotions confuses et
contradictoires, l’image de soi est difficile à cerner et à maîtriser.
1. C’est en 1920, dans Au-delà du principe du plaisir que Freud présente le moi comme
un lieu d’angoisses soumis à une triple servitude et à un triple danger : le monde
extérieur, la libido du ça et la sévérité du surmoi.
72
73
L’ESTIME DE SOI
Pour d’autres, et non les moins célèbres puisque Pascal figure parmi eux,
aller à la recherche de soi est un exercice inutile : « Montaigne faisait
trop d’histoires et parlait trop de soi. »3 Fort de ce soutien, Roger
Mucchielli4 s’insurge lui aussi contre cette habitude de s’interroger sur
tout ce qui nous a fait devenir ce que nous sommes :
« Parler de soi, quelle bêtise ! C’est du narcissisme, de la dépression, de
la mélancolie, de l’hypocondrie psychique. Je souscris absolument au
mot de Pascal sur Montaigne […] Le Moi au sens de l’ensemble des
déterminations de l’individualité ne mérite vraiment pas tout le cas
qu’en font les Narcisses et les gens qui sont à l’écoute d’eux-mêmes […]
Car c’est justement ce qu’il y a de moins intéressant dans le Moi. […]
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75
L’ESTIME DE SOI
Une personne bien dans sa peau s’est construite un moi solide et sain, qui
lui permet d’aborder la vie avec calme et sérénité. Cela ne signifie pas
qu’elle n’a pas, comme tout le monde, ses zones d’ombre, ses échecs, ses
problèmes et ses moments de déprime, mais elle est capable de récupérer
rapidement après les coups durs, car elle croit en ses capacités et s’accepte
telle qu’elle est. Elle ne dissimule donc pas ses erreurs et reçoit les compli-
ments sans chercher à s’en défendre.
Forte de cet équilibre acquis, elle se comporte de manière libre et auto-
nome et a le sens de sa responsabilité. Elle dira rarement : « C’est plus
fort que moi. », « Ce n’est pas de ma faute. », ou « Je ne l’ai pas fait
exprès. ». Attentive à ne rien faire « malgré elle », elle l’avouera cepen-
dant ouvertement si cela lui arrive par mégarde.
Un moi sain signale donc une bonne maturité psychologique, qui
permet de vivre au quotidien sans frustration excessive, en maîtrisant
correctement ses pulsions et ses sentiments. Comment se fait-il que nous
n’arrivions pas tous à ce niveau de détachement et de lucidité ?
Le moi atteint sa maturité psychologique en même temps que le corps
© Groupe Eyrolles
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Vive le narcissisme !
« Tout être humain, enfant ou adulte, rêve que le monde s’arrête de
tourner pour l’admirer. »1
termes par Héra : « Tu auras toujours le dernier mot, mais jamais tu ne parleras la
première »), il provoqua sa mort. Nemésis se venge alors en attirant Narcisse près
d’une fontaine où il voit son visage se refléter dans l’eau. Épris d’amour pour son
reflet, il en oublie de manger et de boire, prend racine au bord de la fontaine et se
transforme en une fleur qui porte désormais son nom. Comme lui, le narcissique,
obsédé par son image, condamne tous ceux qui l’entourent à lui renvoyer son reflet.
77
L’ESTIME DE SOI
interdits, les lois, les autres). Nous continuons alors à entretenir nos rêves
grandioses d’enfants, à penser qu’il est possible de « décrocher la lune »…
La société de consommation et les techniques virtuelles modèlent et
influencent nos structures mentales. Habitués aux produits bon marché,
78
79
L’ESTIME DE SOI
1. La figure de l’idéal du moi est une projection de l’enfant dans une figure idéalisée
(un héros investi de valeurs), choisie pour sa capacité à le doter d’une puissance
réelle. Voir S. Tisseron, L’intimité surexposée, Hachette Littératures, 2002.
80
Nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre à ces questions qui, sous
leur aspect totalement anodin, nous renvoient à notre identité sociale et
à la perception que nous en avons. La hiérarchisation sociale existe dans
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1. Article paru dans la revue La personnalité n° 1-2 (PUF, 1980), repris par L. Bellenger
dans La confiance en soi (ESF Éditeur, 2004) sous le titre suivant : « Préambule : la
confiance en soi ».
81
L’ESTIME DE SOI
Esmeralda ou Quasimodo ?
La confiance en soi trouve également sa source dans le regard que l’on
pose sur soi, et tout particulièrement dans la façon de vivre son corps et
d’éprouver son soi physique. Assumer son sexe et accepter son corps tel
qu’il est, avec ses petites imperfections, favorise la confiance en soi. À
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L’ESTIME DE SOI
naviguons pas toujours sur une mer d’huile, nous sommes à la merci des
tempêtes qui menacent notre équilibre et nous mettent en difficulté
pour acquérir une solide confiance en nous.
Ces tempêtes peuvent être provoquées par le rôle et l’attitude des
parents1, le contexte scolaire, ou encore les expériences sentimentales ou
professionnelles. La confiance en soi est une fleur fragile, qui s’étiole et
meurt si elle rencontre un excès d’anxiété ou d’exigence, un comporte-
ment possessif, l’ironie mordante ou la moquerie.
Le jeune enfant a besoin de s’opposer à ses parents et d’explorer son envi-
ronnement à ses risques et périls. Le préadolescent doit ensuite pouvoir
critiquer les valeurs familiales, et l’adolescent revendiquer son indépen-
dance. Si les réponses à ces nécessaires manifestations d’affirmation de
soi laissent percevoir à l’enfant qu’on ne le juge pas capable de prendre
son autonomie, il risque de perdre confiance en lui.
1. Dans L’estime de soi (Odile Jacob, 2002), C. André et F. Lelord résument le livre de
S. Forward Toxic Parents (Bantam Books, 1989), qui décrivait le profil d’une caté-
gorie de parents dont le comportement excessif altère sévèrement l’estime de soi de
leurs enfants : les contrôleurs intrusifs, les abuseurs verbaux, physiques ou sexuels
et les alcooliques.
84
85
L’ESTIME DE SOI
Ces deux expressions, souvent employées par ceux qui ont frôlé le drame
personnel, décrivent bien le double mécanisme de la restauration de la
confiance en soi : énergie découverte au moment où l’on perd pied et
révision à la baisse des ambitions du moi.
La perte de confiance en soi est en effet due à la découverte de ses limites
et donc de son incapacité à accomplir les performances nécessaires pour
atteindre son idéal du moi. Nous l’avons vu pour les enfants qui se choi-
sissent des héros inégalables. En se fixant des objectifs moins prestigieux
et plus accessibles, il devient possible de sortir de la crise morale dans
laquelle on est englué. Encore faut-il être capable de prendre ses
distances et de sortir des automatismes solidement ancrés…
86
mari, sa veuve, s’imaginant menacée de mort par toutes les victimes d’une
Winchester, acquit l’intime conviction qu’elle serait invulnérable tant
qu’elle construirait de nouvelles extensions à sa maison. Elle s’employa
donc à bâtir, sans faire appel à un architecte, un ensemble étrange et inco-
hérent de pièces, juxtaposées sans logique évidente : fenêtres donnant sur
87
L’ESTIME DE SOI
88
ambiant qui nous incite à jeter la morale aux orties. Elles nous dictent les
règles qui nous permettent de vivre sans peur au milieu des autres, mais
aussi celles qui nous empêchent d’accepter un changement pourtant
utile.
1. Léon Festinger appelle dissonance cognitive le mécanisme mis en jeu dans le change-
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89
L’ESTIME DE SOI
90
Le piège judéo-chrétien
La quête de soi et le désir de s’accomplir et de se réaliser pleinement se
heurtent au système de valeurs judéo-chrétiennes dont nous avons hérité.
Ce système brime en effet l’expression de soi, en conseillant de s’effacer à
l’excès devant les autres.
Ces préceptes sont aujourd’hui pris à contre-pied. Tout ce qui constitue
actuellement une valeur permettant d’accéder à l’estime de soi va en
effet à l’encontre des valeurs d’autrefois : celui qui se reposait était
accusé de paresse, se féliciter d’une réussite relevait de l’orgueil, se faire
plaisir était une preuve d’égoïsme, prendre soin de soi était une marque
de coquetterie, quant à celui qui cherchait à plaire, on lui reprochait de
jouer de sa séduction.
La société a évolué et les valeurs se sont infléchies pour s’adapter à ces
changements, elles permettent aujourd’hui réellement l’épanouissement
de l’individu. Néanmoins, certaines personnes, encore sous l’influence
de ces valeurs du passé, n’osent pas les abandonner sciemment, et leur
« désobéissent ». Elles adoptent pour devenir totalement libres des
comportements choquants, qui font penser qu’elles se punissent d’avoir
osé transgresser leurs propres valeurs. Elles font ce qu’elles ont envie de
faire, en ne tenant compte ni de leur morale personnelle, ni de leur envi-
ronnement. Se faisant rejeter de ce fait, elles finissent surtout par penser
qu’elles ne peuvent accéder à une bonne estime d’elles-mêmes.
91
L’ESTIME DE SOI
92
Se donner :
Je donne facilement et souvent la parole à mes petites voix positives.
Je donne plutôt la parole à mes petites voix critiques et négatives.
93
L’ESTIME DE SOI
Accepter :
J’accepte, sans me défendre ou me justifier, les compliments et les féli-
citations.
J’accepte, avec un certain plaisir masochiste, les critiques injustifiées ou
blessantes.
Demander :
J’ose faire connaître ce que je fais pour recevoir des compliments.
J’attends vainement les compliments, avec une certaine rancœur.
Refuser :
Je refuse les compliments, en minimisant ou en dévalorisant ce que j’ai
fait.
Je refuse les critiques injustifiées et les propos blessants à mon égard.
Donner :
Je suis attentif(ve) à faire des remarques positives à mon entourage.
Je ne sais pas, ou je ne peux pas, faire des compliments aux autres.
congratulent bruyamment.
94
1. Selon l’expression du sociologue F. de Singly (Les uns avec les autres, Armand Colin,
2003).
2. H. Laborit considérait que 99 % de nos comportements sont des automatismes, ce
qui réduit notre part de liberté à 1 % (Éloge de la fuite, Robert Laffont, 1999).
95
L’ESTIME DE SOI
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96
4
Chapitre
Les altérations
de l’estime de soi
97
L’ESTIME DE SOI
Les mamandises…
« Ferme ta bouche ou je saute dedans ! »
« Il a encore fallu que tu fasses ton intéressante. »
« On ne rit pas du malheur des gens. »
« Mieux vaut ne rien faire que tout mal faire. »
« On n’est pas sur terre pour s’amuser. »
« On m’avait bien dit que tu me ferais verser des larmes de sang. »
« On ne va pas en faire en drame. »
« On n’a rien sans rien. »
« On ne parle pas de ces choses-là. »
98
des contraintes en nous rappelant des interdits. Dans ce cas, elles consti-
tuent des freins puissants qui ralentissent notre marche vers l’estime de
nous-mêmes.
Si elles sont parfois indésirables, elles font cependant partie de notre
héritage culturel. Elles nous ont été transmises par notre famille, surtout
de mère en mère, et nous les transmettrons nous-mêmes à nos enfants,
en les modernisant peut-être un peu… Il est donc vain de se brouiller
avec ses parents ou de les accuser de nous avoir « passé le bébé avec l’eau
du bain ». Instinctivement, ces petites phrases reviennent au galop sans
crier gare lorsque nous nous y attendons le moins, même si nous avions
décidé consciemment de les ranger définitivement au placard. Mieux
vaut donc atténuer leurs effets désagréables, que se battre contre ces
fantômes du passé.
Prenez un papier et un crayon, et notez pêle-mêle toutes les phrases-
clichés qui vous viennent spontanément à l’esprit lorsque vous pensez à
vos parents ou aux personnes qui vous ont éduqué. Après cet inventaire
spontané, procédez à un classement pour faire le point : séparez d’un côté
les messages valorisants, et de l’autre les messages bloquants et dévalo-
risants. Vous pourrez alors identifier « la phrase qui tue », c’est-à-dire le
message intériorisé qui bloque votre épanouissement personnel, et mettre
en place une stratégie pour cesser d’en être dépendant.
Un grand nombre de nos petites et grandes souffrances, comme beau-
coup de nos tourments, naissent dans notre for intérieur, de ces discus-
sions sans fin qui s’établissent entre les différents éléments de notre moi.
Nous avons alors l’impression de ne plus savoir qui nous sommes, il nous
© Groupe Eyrolles
99
L’ESTIME DE SOI
debout sur le trottoir devant un passage clouté sans avoir l’air de savoir
où il va. Quand un passant s’inquiète de ce qu’il fait là, il avoue :
« Je veux plus retourner chez moi, je veux plus revoir mes parents… je
suis parti de la maison… mais je sais pas quoi faire parce que j’ai pas le
droit de traverser tout seul.1 »
100
De fait cette personne, ne faisant rien pour aller vers les autres, est objec-
tivement transparente pour son entourage. Son comportement lui fournit
alors la preuve qu’elle attend pour éviter de changer.
Le complexe se déclenche de manière quasi automatique devant des situa-
tions semblables à celles qui ont déjà été vécues avec difficulté. « À chaque
fois que je dois prendre la parole en public, je bégaye, je tremble comme
une feuille, c’est plus fort que moi ! Il n’y a rien à faire, j’ai tout essayé… »
Carl Gustav Jung notait sa surprise devant la soudaineté d’apparition de
ce type de comportement :
« Vous devisez tout à fait tranquillement avec une personne quand, subite-
ment, vous effleurez son complexe : et voilà cette personne partie ! Cette
personne, prisonnière de ses idées “stupides”, se met alors à tourner en
rond. Les complexes inhibent et stérilisent l’homme […]. »1
101
L’ESTIME DE SOI
même et en est empêché. Plus fort que lui, le complexe obscurcit sa luci-
dité, il arrive même à l’influencer et à l’obliger à adopter des comporte-
ments qui le mettent en situation délicate :
«… les complexes, en effet, se comportent comme des malins génies
cartésiens ; ils paraissent se complaire à des espiègleries […] ; ils vous
mettent sur les lèvres juste le mot qu’il ne fallait pas dire ; ils vous subti-
lisent le nom de la personne que vous allez présenter ; ils causent un
besoin incoercible de toussoter au beau milieu du pianissimo le plus
émouvant du concert ; ils font trébucher sur sa chaise avec fracas le retar-
dataire qui veut passer inaperçu… »1
Tous les complexes nuisent à l’estime de soi. Ils sont difficiles à classer et
à repérer car, en ce domaine, il arrive qu’un complexe en cache un autre.
Les complexes d’infériorité et leur conséquence attendue, la dévalorisa-
tion de soi, sont généralement bien détectés. En revanche, les complexes
de supériorité passent souvent pour l’expression d’une bonne estime de
soi, car ils donnent à leur victime l’apparence d’un gagnant. Nous nous
débrouillons tous pour mettre en place des comportements substitutifs
de surcompensation et de compensation qui brouillent les pistes.
102
Le complexe de culpabilité
« […] Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts,
« Ayant levé les yeux, au fond des cieux funèbres,
« Il vit un œil tout grand, ouvert dans les ténèbres,
« Et qui le regardait dans l’ombre fixement,
« Je suis trop près, dit-il avec un tremblement. […]
Caïn, ayant tué son frère Abel, est obsédé par son crime. Il fuit avec toute
sa famille pour échapper au regard de Dieu, chargé de reproche et de
colère. Mais quoi qu’il fasse pour se dissimuler, « l’œil était dans la
tombe et regardait Caïn. »1
Certains individus avancent dans la vie avec le sentiment pénible d’être
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sans cesse sous le regard impitoyable de tous ceux qu’ils croisent. Ils ont
le sentiment de ne pas être en règle ou d’avoir fait une bêtise. Vivant ainsi
103
L’ESTIME DE SOI
Le complexe d’infériorité
De nombreuses personnes donnent l’impression de souhaiter disparaître
lorsqu’on cherche à les mettre en valeur. Ayant la certitude intime de ne
pas être à la hauteur, elles se montrent timides et inhibées. Cette fragi-
lité supposée les rend méfiantes. Ainsi sur la défensive, elles se montrent
parfois agressives et imaginent souvent que les autres disent du mal
d’elles. Ne s’aimant pas, elles pensent que les autres ne peuvent pas les
aimer ; se sentant ridicules, elles craignent d’être ridiculisées en retour.
Le complexe d’exclusion
« Personne ne m’aime ! »
« On m’évite… Ça va te paraître incroyable, mais quand je m’assieds à
une table, les gens s’installent ailleurs ! Même quand je fais la queue au
cinéma, les gens font le vide autour de moi. »
« Bon, puisque je vous gêne, dites-le franchement ! »
Le complexe d’échec
« C’est trop dur, je n’y arriverai jamais ! D’ailleurs, je ne suis pas fait
pour ça, je vais encore échouer, c’est sûr. »
104
faire respecter. »
105
L’ESTIME DE SOI
106
cher avec autorité, elles savent présenter les choses de manière à couper
toute velléité de contestation, ce qui leur permet d’affirmer une chose et
son contraire sans preuves solides. Elles se félicitent et se valorisent à
tout propos sans attendre que les autres le fassent.
Même si nous les trouvons désagréables, nous aimerions parfois aussi
avoir leur toupet et leur assurance. Nous en venons même à nous
demander si les personnes qui s’expriment ainsi sans complexe sont vrai-
ment complexées… Leur comportement est-il destiné à masquer une
faille cachée ou est-ce tout simplement la manifestation bruyante et
tapageuse d’une saine estime de soi, qui dérange et offre le flanc aux
critiques ? L’excès de démonstration et l’irritation qu’il provoque inci-
tent à trancher pour une manifestation de mésestime de soi. Ce type de
comportement s’observe chez les personnalités à tendance narcissique.
La surcompensation s’exprime également sous une autre forme, qui
consiste à dévaloriser systématiquement son entourage. Ce comporte-
ment s’appuie parfois sur le désir de ressentir un bref instant l’impres-
sion d’être tout-puissant, alors qu’on se sent soi-même très dévalorisé.
« Quand j’étais jeune, j’étais très gros, on m’appelait Bouboule. J’ai
tellement souffert des moqueries de mes camarades de classe que je me
suis cuirassé. Je critique avant qu’on ne me détruise ! Le pire, c’est que
je m’identifie à tous ceux qui me semblent en position de faiblesse. Je
les défends sans trop savoir si c’est judicieux. »1
1. Carl Gustav Jung insistait sur les conséquences néfastes de la surcompensation qui
nous rend odieux à notre entourage : « Personne n’est plus sensible que le sujet
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L’ESTIME DE SOI
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L’ESTIME DE SOI
1. Parmi les nombreux ouvrages qui développent cet outil, il faut signaler les deux
livres de T. A. Harris : D’accord avec soi et les autres (Desclée de Brouwer, 1995) et
Toujours gagnant (InterÉditions, 1986).
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MOI +
+– ++
{ Survalorisation de soi
Dévalorisation des autres { Bonne connaissance de soi
Acceptation des autres
–– –+
{ Dévalorisation de soi
Dévalorisation des autres { Dévalorisation de soi
Survalorisation des autres
→ Tristesse → Peur
→ Rage → Ressentiment, rancœur
→ Passif, désabusé → Timide, arrangeant
→ Destructeur, ironique → Revendicatif
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MOI –
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L’ESTIME DE SOI
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Additionnez ensuite les mots cochés dans les deux colonnes de chaque
quadrant. Le score le plus élevé marque sans doute la position existen-
tielle qui est la vôtre en cas de stress.
113
L’ESTIME DE SOI
114
autres. Quand il leur arrive d’être bons princes, ils font preuve d’une
générosité excessive et sont tellement condescendants que leur pitié
empreinte de supériorité devient vite insupportable.
S’ils cherchent à se convaincre de leur valeur personnelle et donnent
l’impression d’avoir acquis une haute estime d’eux-mêmes, ils se font
pourtant rejeter.
115
L’ESTIME DE SOI
Pour savoir comment vous sortir de ces trois positions de vie négatives,
rendez-vous à la fin du chapitre 5, p. 158 à 160.
116
1. J.-L. Beauvois, R.-V. Joule, La soumission librement consentie, comment amener les gens à
faire librement ce qu’ils doivent faire ?, PUF, 1999.
2. F. Roustang, La fin de la plainte, Odile Jacob, 2001.
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L’ESTIME DE SOI
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Le déni
Apprendre à débusquer ses méconnaissances et ses dénis permet de se voir
tel que l’on est. Quand nous sommes mal à l’aise, nous arrangeons souvent
la réalité pour qu’elle colle mieux à nos désirs ou nous permette de justifier
un comportement. Nous argumentons beaucoup et nous rationalisons :
celui qui ne veut pas endosser ses responsabilités de père ou de manager
dira par exemple : « Je ne suis pas ton père, je suis ton copain. » ou « Je ne
suis pas votre chef, considérez-moi comme votre collègue. »
Quand nous pratiquons le déni, il nous arrive souvent de nous en défendre
avec véhémence : « Ne croyez pas que… », « Vous vous trompez sur moi,
je ne suis pas celui ou celle que vous croyez ! », ou encore de reconnaître
volontiers qu’il y a un problème mais qu’il est insoluble : « C’est vrai, je
suis très influençable, je suis incapable de me décider. Mais je suis comme
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L’ESTIME DE SOI
Comment débusquer nos dénis quand nous savons que, par définition,
chacun « nie ses dénis » ? Pour les dépister, rappelons-nous que les
autres connaissent mieux que nous notre zone aveugle (voir p. 62) et
peuvent nous donner des informations précieuses pour nous aider à nous
comprendre mieux.
Le blocage ou le pinaillage
Nous sommes formés à ne pas accepter les choses sans les avoir discutées
et mises en perspective, habitude utile et louable. Cependant, il nous
arrive parfois de présenter une chose et son contraire, en donnant une
vision du monde ambiguë et complexe où tout se contredit sans cesse,
où chaque avantage a son inconvénient, ce qui nous mène à décider de
ne rien changer. À force d’opposer des « oui, mais… » à chaque propo-
sition, nous rendons les choses si confuses que le simple fait d’y penser
nous épuise.
À l’inverse, le même résultat peut être obtenu en pratiquant l’excessive
simplification et la mise en catégorie : « Tu dis que je suis passive et tout
à l’heure tu disais que je t’agressais ! Il faudrait savoir : c’est l’un ou
l’autre, on ne peut pas être agressif quand on est passif… »
Acceptons la complexité de l’être : s’il est intéressant de nommer et
d’identifier les comportements, il est préférable d’éviter les simplifica-
tions qui bloquent les velléités de changement. Un comportement peut
en dissimuler un autre, il est important de débusquer ce comportement
caché afin de décider de la meilleure stratégie à adopter pour s’améliorer.
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plus que soi est cependant douloureuse et peut devenir une entrave au
développement de l’estime de soi. À trop regarder dans le jardin du
voisin, nous nous faisons souffrir inutilement, nous vivons dans l’envie
et la jalousie, ce qui n’a rien de positif pour assurer notre épanouisse-
ment dans la sérénité !
Il est plus constructif de nous comparer à ceux qui nous ressemblent ou
encore à tous ceux, les plus nombreux, qui n’ont pas autant de chance
que nous.
Dans le même ordre d’idée, la comparaison avec les performances du
passé peut être un excellent moteur pour gagner en estime de soi, mais
elle devient démoralisante quand la maladie ou la vieillesse ont fait leur
œuvre.
La compétition excessive
Vouloir s’améliorer sans cesse pour grandir à ses propres yeux est la
meilleure des choses. En revanche, se donner des modèles inatteignables
mène à l’échec, à la déception ou à la colère contre soi-même. Pire
encore, l’incapacité à atteindre des objectifs trop élevés peut avoir pour
conséquence la limitation excessive de ses ambitions, c’est-à-dire la mise
en sommeil de ses potentialités. La bonne compétition consiste à se fixer
des objectifs stimulants, à sa portée.
L’extrême dépendance
Nous avons évoqué l’importance de la validation auprès de notre entou-
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L’ESTIME DE SOI
jugements et aux conseils des uns et des autres, nous finissons par perdre
le nord, en nous laissant influencer, et par laisser alors les autres décider
pour nous.
Le désir de conformité
Vivre et évoluer au milieu des siens favorise une saine estime de soi.
Nous y apprenons en effet à nous frotter aux autres, à exprimer notre
avis, à entendre la contradiction et à y répondre, et donc à clarifier les
mécanismes que nous mettons en œuvre dans nos relations.
En revanche, le désir excessif de conformité mène à l’électroencéphalo-
gramme plat ! Trop soucieux de plaire et de nous couler dans le moule,
nous en venons à oublier de réfléchir et d’être nous-mêmes avec notre
originalité et notre différence. Nous nous laissons manipuler par les plus
forts, qui ne sont pas toujours les meilleurs ; la loi du groupe devient
tyrannique, nous n’osons plus exprimer nos pensées et nous sommes
envahis par le sentiment amer d’avoir perdu notre liberté.
laisse souvent fatigués et cafardeux. Il n’y a rien de pire que de vivre dans
l’enfermement et la solitude, car nous perdons tout contact avec la
réalité pour dialoguer uniquement avec ces petites voix désincarnées qui
entretiennent nos insomnies, en nous faisant inventer ce qui n’est pas, et
en transformant les petits incidents en problèmes.
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TROISIÈME PARTIE
5
Chapitre
Se prendre en main
pour vivre mieux
avec les autres
L’estime de soi n’est pas un cadeau que l’on découvre au pied du sapin le
jour de Noël, il s’agit d’un travail qui nécessite une implication impor-
tante et de l’endurance.
Devenir pleinement soi suppose que l’on se prenne en main, pour
décider en conscience de l’orientation que l’on veut donner à sa vie. Cet
exercice délicat consiste à trouver le juste équilibre entre velléités
d’indépendance et désir de liberté, entre conformité et originalité. Pour
s’assurer la réussite de cette entreprise, il est nécessaire de se respecter,
en tenant compte de ses capacités et de ses faiblesses.
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Ce travail sur soi est au bout du compte très gratifiant, car il s’accom-
pagne d’un fort sentiment de fierté : satisfaction de se sentir libre, de ne
pas se laisser influencer et enfin de constater le chemin parcouru depuis
le début de l’aventure.
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L’ESTIME DE SOI
Se sentir en sécurité
Par où commencer ce travail de reconquête ? Il est évident que l’esprit est
plus disponible et plus lucide quand l’individu évolue dans un environ-
nement agréable. Certaines situations mettent objectivement en péril
l’estime de soi : chômage, maladie, deuil, conflits familiaux (séparation,
divorce, problèmes avec les enfants adolescents), ambiances difficiles au
travail… Il n’est pas toujours facile de se ménager un espace chaleureux
et accueillant. Néanmoins, il est bon d’avoir un lieu, même exigu, où l’on
puisse se retirer pour se ressourcer, se « poser » dans tous les sens du
terme. La détente et les moments de bien-être, même fugitifs, favorisent
la confiance en soi et redonnent de l’énergie. Encore faut-il se sentir
capable de revendiquer et d’obtenir ce petit morceau d’espace réservé à
soi-même !
128
que nos requêtes sont rejetées. Une certaine énergie est nécessaire pour
lutter contre la peur d’exprimer ses besoins légitimes et présenter ses
revendications avec sérénité et assurance.
Il est évidemment impossible de gagner en estime de soi en cherchant à
construire son territoire au détriment de celui des autres. Aussi un
compromis réaliste doit être trouvé entre les droits que l’on aimerait se
donner et ceux que les autres peuvent revendiquer, afin d’asseoir son
confort personnel tout en vivant harmonieusement avec son entourage.
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L’ESTIME DE SOI
1. D. Anzieu, Le moi-peau, Dunod, 1995, voir aussi M.-J. Chalvin, V. Girard, Un corps
pour comprendre et apprendre, Nathan, 1999.
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mation de son corps, comme le disait Boby Lapointe1 avec son humour
décapant.
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L’ESTIME DE SOI
1. Ces stances à Marquise ont été écrites en 1658 par Corneille, qui était dépité et
vexé d’avoir été éconduit. Elles comportaient huit strophes.
132
1. Brassens a fait une chanson (enregistrée en octobre 1962) des stances écrites par
Corneille, où il reprend les trois premières strophes et y ajoute une quatrième,
parodie irrévérencieuse composée par Tristan Bernard.
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L’ESTIME DE SOI
L’énergie est l’une des choses les moins bien partagées : certaines per-
sonnes ont un dynamisme et une résistance au-dessus de la moyenne,
d’autres ont des réserves plus limitées, qui les obligent à s’économiser.
Connaître ses limites et ses besoins évite de détraquer cette machine si
sophistiquée et fragile qu’est notre corps. Ceux qui dévorent la vie par les
deux bouts, en prenant le risque d’épuiser leurs réserves, se mettent en
danger. Avides de tout avoir en même temps, ils grignotent sur leurs
temps de repos et de sommeil, et s’agitent sans résultats. Ils oublient de
réfléchir à leur vie et se retrouvent souvent vulnérables devant l’adversité.
Tout excès se paye un jour ou l’autre : le manque de sommeil et le surme-
nage rendent susceptible et inapte à l’écoute. Une fatigue trop impor-
tante empêche l’endormissement naturel, ce qui augure de longues nuits
sans sommeil au cours desquelles les idées noires tournoient sans relâche.
Le stress, né de la volonté de se montrer à la hauteur en toutes circons-
tances, sème l’anxiété et la sous-estime de soi. Pour pallier ces manifesta-
tions gênantes, la solution choisie est souvent la pire : en faisant appel aux
tranquillisants et aux somnifères par exemple, nous nous privons de
l’énergie nécessaire pour retrouver notre équilibre.
Il est essentiel d’écouter les signaux d’alerte envoyés par notre corps, qui
se plaint et se manifeste par divers troubles facilement repérables : maux
de tête, maux de ventre, mal de dos, perte de mémoire, troubles
oculaires… Étudions-les avec attention, car ils surviennent parfois pour
nous empêcher d’agir et de changer, ou pour nous signaler une véritable
fatigue. Certaines situations nous obligent parfois à persévérer malgré
tout, sans tenir compte de ces avertissements, mais c’est au détriment de
notre estime de nous-mêmes : nous nous en voulons, peu fiers de cons-
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les idées malsaines et faire le vide dans leur tête, certains préféreront le
jogging ou les sports de combat, d’autres choisiront le yoga ou la médi-
tation. Ce travail de « restauration » demande aussi de se ménager quel-
ques plages de liberté pour rêver et paresser, traîner et somnoler, en
laissant vagabonder ses pensées, en dégustant les bonheurs qui passent
et en les conservant en mémoire pour se remonter le moral quand tout
va mal. Ces techniques prennent peu de temps et contribuent grande-
ment à favoriser l’efficacité et la stabilité émotionnelle.
135
L’ESTIME DE SOI
1. Les sentiments ont été étudiés avec beaucoup d’attention par Éric Berne et ses
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L’ESTIME DE SOI
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sentiments :
« J’ai dix kilos de trop, je me suis mis au régime. Une fois par semaine,
je me prépare un déjeuner gargantuesque composé de tout ce qui m’est
interdit. C’est fabuleux, mais si tu savais comme j’ai honte de manger
tout ça ! »
139
L’ESTIME DE SOI
S’estimer, c’est aussi prendre des décisions utiles et bonnes pour soi, et
tenir le coup malgré ses petites voix qui cherchent à empêcher les chan-
gements. Celui qui leur résiste fermement, pendant une période suffi-
samment longue, parviendra à les faire taire définitivement. Il se sentira
fier de sa réussite, ce qui est la meilleure des choses pour mettre au beau
fixe son baromètre de l’estime de lui-même.
Apprendre à s’apprécier
Même doté d’une bonne estime de lui-même, l’individu garde son origi-
nalité. L’estime de soi ne transforme pas forcément celui qui l’a acquise
en un être beau, intelligent, extraverti, souriant, « heureux » et bavard !
Nous gardons tous notre image de marque très personnelle, qui dépend
de la structure de notre moi intérieur, de notre culture, du savoir-vivre et
des conventions. Pour s’estimer, il est important d’apprendre à s’appré-
cier tel que l’on est, et donc de savoir s’évaluer en se jetant un regard
positif et affectueux, mais cependant honnête.
140
sur la perception des différences entre nous et les autres, nous ne sortons
pas toujours gagnants de la comparaison…
Après un examen attentif, nous sommes cependant généralement capa-
bles de nous reconnaître comme des personnes originales, uniques en leur
genre, même si nous sommes parfois déçus de ne pouvoir nous couler
dans la peau d’un autre. Nous aimerions tant être conformes aux images
et aux modèles imposés par les médias, que cette confrontation, qui n’est
pas à notre avantage, nous soumet au désespoir et au doute.
141
L’ESTIME DE SOI
142
personnes à qui nous allons faire confiance, et à tenir bon face au rejet et
à « l’impopularité ».
De la naissance à la mort, nous sommes intégrés malgré nous dans des
groupes que nous n’avons pas choisis : famille, classes, collègues de
travail… Privés d’une saine estime de nous-mêmes, nous nous laissons
parfois influencer et manipuler, sans trouver la force de quitter un
groupe dans lequel nous nous sentons pourtant contraints et mal à l’aise.
Quelles que soient les contraintes sociales auxquelles nous sommes
soumis, nous restons libres de choisir nos pairs et de nous en séparer,
quand nous ne nous sentons plus « en phase » avec eux. Une confiance
en soi bien tempérée permet de s’affirmer au sein même de ces groupes,
ou encore de leur échapper, en dénouant certains liens.
Le sentiment d’appartenance à un groupe ou à un réseau relationnel est
très fort, il permet de prendre conscience de sa valeur et de son impor-
tance aux yeux des autres. Se sentir accepté dans un groupe, créer des
liens sociaux, pouvoir exprimer son point de vue sans se sentir rejeté,
donne un sentiment de sécurité. En cas de « panne » de confiance en soi,
on sait vers qui se tourner, assuré de trouver un recours, un soutien, un
confident chaleureux et encourageant, qui réconforte et valorise. De
plus, le fait d’appartenir à un groupe permet de se laisser aller au plaisir
de donner et de partager. Enfin, c’est dans ce milieu chaleureux, où l’on
se sent en confiance, que l’on peut apprendre à se connaître mieux et à
découvrir certains aspects de sa « zone aveugle » (voir p. 62).
143
L’ESTIME DE SOI
considérer ces choses avec sérénité pour vous donner la force d’aller de
l’avant ?
1. Voir à ce sujet F. de Singly, Les uns avec les autres, Armand Colin, 2003.
144
d’estime de soi. Une piètre estime de soi dans un domaine signale une
douleur ou un traumatisme aux origines lointaines. Rejet de notre appa-
rence, manque de confiance en nos capacités, refus de la réussite ou inap-
titude à nous réaliser dans notre vie affective, nous avons tous nos zones
de sous-estime. Il est souvent vain de s’acharner à restaurer son estime
145
L’ESTIME DE SOI
Nous ne sommes pas tous aussi talentueux que ce grand chanteur, nous
n’avons pas vécu les mêmes drames que lui, cependant, comme lui, nous
pouvons surmonter certains de nos traumatismes et lever les blocages
qui nous empêchent de nous estimer en nous appuyant sur nos atouts.
C’est ce travail de restauration de l’estime de soi que Boris Cyrulnik
décrit sous le terme de résilience1, cette aptitude à retrouver la force
d’aller de l’avant malgré de profondes blessures.
146
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L’ESTIME DE SOI
148
Une bonne estime de soi ne consiste pas à baisser sa garde devant les
autres et à tout accepter sans vérification préalable, car trop de naïveté
mène à se faire avoir. Cependant une trop grande méfiance est un frein à
l’épanouissement personnel, car elle conduit à se priver d’une relation
enrichissante. Pour évoluer, il est bon de trouver les moyens de faire taire
ses voix néfastes et d’analyser objectivement les faits.
S’il se trompe ou se fait « rouler dans la farine », celui qui jouit d’une
bonne dose d’estime de lui-même ne s’en montre pas affecté outre
mesure car il sait qu’il est capable de redresser la barre. Après un petit
pincement douloureux et un court moment de rumination négative, il
se fixe une stratégie pour s’en sortir au mieux : mise au point ou excuses,
selon les circonstances, lui permettent de repartir du bon pied.
Soumis aux critiques, aux piques ou aux sarcasmes, il reste stable exté-
rieurement, même si l’attaque a fait mouche, et répond froidement et
brièvement si nécessaire. Il examine la situation pour adapter sa stratégie
en conséquence : est-ce de l’humour maladroit ou de la méchanceté, une
maladresse ou une volonté de nuire, la vérité ou un mensonge ? Cette
analyse lui permet de pardonner au maladroit, en se disant qu’il lui arrive
aussi de s’énerver, de choquer et de vexer involontairement. Il en vient
même parfois à se dire que derrière la maladresse se cache une remarque
judicieuse… Ses observations successives, lui évitant des lectures de
pensée non fondées, lui facilitent la vie.
un sens à sa vie et de bâtir des projets réalistes que l’on est capable de
mener à bien. Quelle meilleure manière de se valoriser à ses propres yeux,
mais aussi aux yeux de ceux que l’on aime ?
149
L’ESTIME DE SOI
150
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L’ESTIME DE SOI
152
C’est ainsi que l’on peut voir celui qui rêvait d’être médecin devenir kiné-
sithérapeute ou infirmier, celle qui voulait être ingénieur s’orienter vers
un poste d’informaticienne, et celui qui avait visé trop modestement un
poste de comptable, tenter et obtenir le concours d’expert-comptable. La
personne qui jouit d’une saine estime d’elle-même ne considère pas cette
153
L’ESTIME DE SOI
1. Ce comportement est identifié sous le nom d’« enfant revanchard » en analyse tran-
sactionnelle par T. Kahler et P. Ware. Pour aller plus loin, voir Les nouveaux outils
de l’Analyse Transactionnelle de D. Chalvin (ESF Éditeur, 2003), ou Enseignement et
Analyse Transactionnelle de M.-J. Chalvin (Nathan, 1993).
154
« Je ne suis pas capable de dire ce que je pense. J’ai décidé d’oser, peu
importe si les autres sont blessés par mes propos, ce n’est pas mon
problème… »
Ces revendications sont sans doute ancrées sur un malaise réel qui mérite
d’être pris en compte, mais la solution choisie s’appuie sur la négation
des autres, qui fait adopter une position de surestime de soi.
Un projet légitime
De multiples peurs, d’origines diverses, s’expriment dans une certaine
cacophonie lorsque nous cherchons à nous fixer des objectifs de change-
ment. Elles nous rappellent à l’ordre, en nous disant que nos vœux sont
exagérés et illégitimes, et nous invitent à rentrer dans le rang et à nous
contenter de ce que nous avons. Nous nous posons alors la question : au
nom de quoi pouvons-nous revendiquer le droit d’être libres, aimés,
reconnus, indépendants, uniques ou résolument différents des autres ?
Ces peurs sont nos ennemies ! Pour les combattre, effectuons l’inventaire
de nos droits légitimes et donnons-nous de nouveaux droits, afin de ne
pas nous laisser imposer des activités ou des comportements qui ne nous
conviennent pas.
Asseyez-vous et reposez-vous un instant. Demandez-vous quels sont les
droits que vous aimeriez vous donner et écrivez tout ce qui vous passe
par la tête, même les demandes et les désirs les plus farfelus :
J’aimerais me donner le droit de .......................................................................
..................................................................................................................................
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L’ESTIME DE SOI
1. L’affirmation de soi insiste sur l’importance des droits légitimes pour lutter contre les
peurs qui nous empêchent de nous réaliser pleinement (voir D. Chalvin, L’affirmation
de soi, ESF Éditeur, 2004 et M.-J. Chalvin, Prévenir conflits et violence, Nathan, 2004).
156
Osez penser :
• Remettez au goût du jour vos vieux principes et vos préjugés : « Ça
ne se fait pas… et pourquoi pas ? ».
• Retrouvez votre libre arbitre et remplacez les « On dit… » par des
« Je pense… ».
• Sachez pourquoi vous dites oui ou non.
• Sachez écouter, trier et choisir parmi plusieurs suggestions celle qui
vous sera la plus profitable.
Osez dire :
• Interdisez-vous les expressions comme « Bof », « Ça m’est égal » ou
« Comme tu veux ! ».
• Apprenez à dire oui et non.
• Exprimez clairement vos souhaits et vos goûts.
• Donnez des informations sur vous pour en obtenir sur les autres et
pouvoir dialoguer.
• Annoncez aux autres ce qui vous est insupportable car ils ne le savent
pas toujours.
• Critiquez sans vexer, choquer, ou provoquer des blocages.
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L’ESTIME DE SOI
158
votre vie quotidienne. S’il s’agit de l’une des trois positions négatives,
vous trouverez ici quelques pistes pour vous sortir de cette attitude néfaste
à une saine estime de vous-même.
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L’ESTIME DE SOI
richesses cachées des autres, vous pourrez mieux vous intégrer dans un
groupe. L’irritation ressentie est bien souvent le signal d’un malaise inté-
rieur. En acceptant de vous remettre un peu en cause, et de vous révéler
vos petites faiblesses, vous cesserez de fuir vos responsabilités et vous serez
à même d’affronter calmement la réalité.
160
6
Chapitre
S’épanouir en couple
et en famille
Pour se sentir bien dans sa tête, dans sa vie et à la maison, il est essentiel
de définir ses frontières, en dessinant clairement les cercles concentriques
qui séparent les différents espaces du territoire dans lequel on évolue :
• l’espace privé et secret du moi ;
• l’espace intime réservé au couple (moi et mon partenaire) ;
• l’espace plus vaste et ouvert de la vie en famille (moi, mon partenaire
et mes enfants) ;
• l’espace public (moi, mon couple et ma famille soumis au regard des
autres) ;
• et enfin l’espace extra-familial (moi, mes amis, mes loisirs et ma vie
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professionnelle).
Si la délimitation de ces frontières, qui se fait au jour le jour, n’est pas
accomplie, l’estime de soi devient difficile à instaurer et les relations se
détériorent rapidement.
161
L’ESTIME DE SOI
les conflits.
• Quelles sont vos motivations pour fonder un couple et avoir un ou des
enfant(s) ?
• Sur quels principes fondez-vous votre couple et votre désir d’enfant ?
162
163
L’ESTIME DE SOI
Connaissance de soi
• Êtes-vous calme et ouvert(e) quand on vous révèle un comportement
dont vous n’avez pas conscience ?
• Niez-vous ou vous défendez-vous devant les critiques factuelles énon-
cées sans hostilité ?
• Vous reconnaissez-vous volontiers quelques « défauts incorrigibles » ?
Transparence ou opacité ?
Nous avons tous droit au secret, qui nous protège contre les intrusions
et les indiscrétions, nous permet de conserver notre intimité physique et
psychologique et donc de rester nous-mêmes parmi les autres.
Le secret stimule par ailleurs la curiosité de ceux qui nous aiment. Malgré
son rôle positif, il peut entrer en contradiction avec le désir d’une relation
totalement transparente avec son partenaire. Chaque honte, chaque
culpabilité, chaque activité de « plaisir » vécue par l’un et l’autre peut
être l’objet de secrets. Tout secret d’importance devient alors une souf-
france, et peut instaurer un climat particulier dans le couple et la famille2.
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Amour ou haine ?
Le conflit, c’est la vie, ni l’amitié ni l’amour ne nous en protègent… Plus
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l’amour est violent et exclusif, plus la colère est forte quand surviennent
la déception, l’opposition, et l’incompréhension. Cette colère se trans-
forme parfois en brutales et éphémères poussées de haine. Prendre cons-
cience de ses pulsions de haine et de leur origine conduit à mieux les
domestiquer et à dédramatiser.
165
L’ESTIME DE SOI
• Le besoin d’entente est-il plus fort chez vous que le désir de trouver la
juste réponse à votre problème ?
• Pensez-vous à analyser d’abord les origines des situations difficiles
(fatigue, surmenage, problème dû à la maladie, au milieu profession-
nel, à un enfant, au couple) avant de déclencher un conflit ?
166
Pour sortir de ce monde clos où il ressasse sans fin les mêmes problèmes,
il doit nourrir son esprit pour mieux communiquer avec les autres, sans
oublier pour autant de penser à lui. Il lui faut donc trouver le point
d’équilibre entre ses préoccupations et celles des autres.
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1. P. Watzlawick en décrit les mécanismes avec un humour décapant dans Faites vous-
même votre malheur, Seuil, 1990.
2. Le stress et les tensions peuvent avoir des origines diverses. Nous parlons exclusi-
vement ici des non-dits qui empoisonnent la vie de couple. Il semble que le besoin
de séances de relaxation soit motivé par des tensions nées plus souvent dans le
milieu professionnel qu’en famille.
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1. Iago : « Seigneur, prenez garde à la jalousie ! C’est une hydre ténébreuse, livide,
aveugle, qui s’empoisonne avec son propre venin, une plaie vive lui déchire le
sein… »
© Groupe Eyrolles
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Vous êtes touché(e) plus que de raison par les critiques concernant
ceux que vous aimez. Coupez le cordon ombilical qui vous rattache à
votre partenaire et à vos enfants. Ne les considérez pas comme un mor-
ceau de vous-même : ils sont indépendants, donnez-leur le droit de ne
pas être conformes.
• La culpabilité vous envahit-elle dès que vos proches ont le moindre
problème ? Pensez-vous toujours que tout est de votre faute ? Exami-
nez-vous votre passé à la loupe pour y trouver des milliers de raisons
de vous fustiger ?
Battre sa coulpe et répéter à qui veut l’entendre que l’on est coupable
ne règle pas les problèmes, c’est une stratégie maladroite qui vise à se
faire punir et critiquer ou à se purifier en se faisant pardonner… Soyez
responsable, cherchez plutôt à réparer vos actes involontaires et incons-
cients par une stratégie adaptée.
• L’envie vous empêche-t-elle de profiter du bonheur au quotidien ?
Comme la chèvre de Monsieur Seguin, trouvez-vous que l’herbe est
toujours plus verte dans le champ du voisin ?
Cessez de vous comparer avec ceux qui ont plus et mieux que vous…
Vivez plutôt en faisant pour le mieux. Si vous êtes un(e) drogué(e) de
la comparaison, ne regardez que ceux qui sont moins bien lotis que
vous.
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1. Méthode comportementale américaine dont les outils sont présentés dans L’affir-
mation de soi de D. Chalvin (ESF Éditeur, 2004) et Prévenir conflits et violence de
M.-J. Chalvin (Nathan, 2004).
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ser d’utiliser son enfant comme allié contre son conjoint, et à lui donner
tout l’amour dont il a besoin pour supporter ce moment difficile.
1. Michel Jonasz, Dites-moi (Paroles : Frank Thomas, musique : Michel Jonasz, 1974).
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tant de libertés ? Surprotégés par des parents attentifs à leur éviter tout
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Score
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Score
12 J’élève mes enfants dans l’idée qu’ils sont uniques. Ils savent que
chacun a sa personnalité, ses points forts et ses points faibles.
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Score
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Score
27 Un enfant est assez intelligent pour savoir ce qui est bon pour lui,
il suffit de lui expliquer les conséquences de ses actes.
29 J’ai peur que mon enfant soit traumatisé par ses camarades
ou ses enseignants, je le défends dès que je le sens mal.
1. Le lecteur souhaitant en savoir plus sur les comportements à privilégier pour aider
ses enfants à développer leur Q.A., trouvera des suggestions utiles dans Parents :
aidez vos enfants à réussir de M.-J. Chalvin aux Éditions Eyrolles.
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N° de N° de N° de
Score Score Score
proposition proposition proposition
2 3 1
8 5 4
10 7 6
12 11 9
16 14 13
18 20 15
19 21 17
22 23 25
24 26 29
28 27 30
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quelles vous avez affecté 0 ou 2 points, ce qui vous donnera des exem-
ples de comportements à développer dans les domaines où vous avez
du mal à pratiquer l’estime de soi. Choisissez parmi eux celui qui vous
sera le plus facile à mettre en œuvre.
• Si vous obtenez un score inférieur à 30 points, vous êtes particulière-
ment attentif à l’épanouissement de vos enfants mais avez-vous pensé
à les préparer à l’adversité ? Sont-ils armés pour réagir aux échecs ou
aux inévitables traumatismes ? Il semble que non, regardez donc très
attentivement vos résultats en surestime et sous-estime pour savoir
quelle stratégie élaborer afin de gagner en efficacité.
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7
Chapitre
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Score
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Score
9 Quand mon chef sollicite mon avis dans une réunion de travail,
je bredouille, je perds mes moyens et je rougis parfois.
14 C’est plus fort que moi mais quand je croise mon chef,
je me fais tout(e) petit(e).
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Score
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Score
Quel est votre degré d’estime de vous-même avec vos responsables hiérar-
chiques ? Pour le savoir reportez vos scores dans le tableau suivant en face
du numéro correspondant et faites le total de chaque colonne.
N° de N° de N° de
Score Score Score
proposition proposition proposition
4 1 2
5 6 3
8 7 9
11 10 12
17 13 14
19 15 16
21 20 18
24 22 23
27 26 25
30 28 29
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Score
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Score
16 J’ai beau travailler beaucoup, je ne suis jamais sûr d’en faire assez.
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Score
Quel est votre degré d’estime de vous-même avec vos collègues ? Pour
le savoir reportez vos scores dans le tableau suivant en face du numéro
correspondant et faites le total de chaque colonne.
N° de N° de N° de
Score Score Score
proposition proposition proposition
1 5 2
4 7 3
9 8 6
12 13 10
15 14 11
17 18 16
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19 21 20
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26 27 25
29 30 28
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Plus encore que dans le pilotage de sa vie privée, il est nécessaire de réflé-
chir clairement à l’orientation que l’on veut donner à sa vie profession-
nelle. Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, diplômés d’écoles
prestigieuses ou self made men (ou women), tous n’ont pas la même concep-
tion d’une carrière. Plusieurs facteurs agissent sur ces décisions.
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Être femme dans un milieu où dominent les hommes n’est pas toujours
simple : les risques de harcèlement y sont plus forts. Les femmes doivent
alors être plus prudentes qu’ailleurs, et gagnent à garder le silence sur
leurs difficultés personnelles et à se réfugier dans le rôle attribué à leur
fonction.
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L’ESTIME DE SOI
En vous réfugiant dans votre tour d’ivoire, vous vous trouverez isolé(e)
et vous serez privé(e) de la chaleur des échanges avec vos collègues.
En taisant ce que vous savez, vous conserverez un certain pouvoir sur les
autres : plus vous connaîtrez ce que les autres ignorent, plus vous serez
puissant(e), mais plus vous susciterez la méfiance.
À vous de décider en connaissance de cause !
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Listez systématiquement sur une feuille de papier les droits que revendi-
quent les personnes avec lesquelles vous partagez votre vie professionnelle.
Vous pourrez ensuite réfléchir à la légitimité de leurs revendications, et les
accepter ou les refuser.
• Mon manager demande qu’on lui reconnaisse le droit d’évaluer, de cri-
tiquer, de faire des erreurs, de demander de l’aide : dois-je lui donner
le droit de les exercer ?
• Mes collègues demandent qu’on leur reconnaisse le droit de ne pas être
en forme, d’être préoccupés, de critiquer, de faire des erreurs ou des
oublis, d’être maladroits. Dois-je accéder à leurs requêtes ?
Nous sommes cependant parfois frustrés de devoir reconnaître aux
autres certains droits qui freinent notre volonté d’étendre notre propre
territoire. Pour mieux les accepter, mettons-nous un instant dans leur
peau : les envions-nous vraiment ?
• D’accord, mon chef a le droit de m’évaluer mais j’aime mieux être à
ma place qu’à la sienne pour les raisons suivantes ....................................
..............................................................................................................................
..............................................................................................................................
..............................................................................................................................
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les critiques dont les collègues ne sont généralement pas avares pour
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Dans notre culture où règnent les non-dits et les secrets, nous nous
demandons parfois le sort qui nous est réservé dans notre milieu profes-
sionnel. Devons-nous exprimer nos désaccords ou être prudents dans
l’expression de nos opinions ?
212
Comment nous positionner pour trouver le juste milieu entre une trop
grande intégration, qui nous oblige à suivre des modèles qui nous écra-
sent, et une différenciation trop importante, qui nous rend rebelles aux
yeux des autres ?
La crainte, souvent justifiée, de se faire mal voir ou rejeter par un groupe
de collègues étrangle parfois la velléité d’être soi-même. Pris dans le
carcan de la pensée unique, il est alors impossible de s’exprimer et donc
de s’affirmer. Quelle est la marche à suivre en pareilles circonstances
pour conserver et accroître son estime de soi ? Voici quelques pistes pour
vous guider dans cette voie.
Refuser la médiocrité
Si vous acceptez de vous installer dans l’attentisme et l’absence de
stimulation, en vous disant que vous travaillez pour la paie et que vos
intérêts sont ailleurs, vous vous préparez à souffrir 35 heures « chrono ».
Quel gâchis, bien mal rémunéré !
Par ailleurs, vous n’allez pas être fier(e) de vous, la sous-estime va devenir
votre tasse de thé et cette boisson laisse la bouche amère. Vous risquez
de payer en malaises physiques et psychologiques ce laisser-aller…
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actuellement le vent en poupe. Ils n’hésitent pas à faire état de leur métier,
qui leur attire des marques de considération. Les médecins et les ensei-
gnants font preuve de moins d’empressement à se faire connaître, pour ne
pas déclencher les critiques contre leurs professions, qui commencent à se
dévaloriser. Quant aux CRS, aux huissiers ou aux percepteurs, ils restent
souvent très discrets sur leur métier…
Travailler dans un secteur d’entraide, de santé, ou de protection de l’envi-
ronnement attire l’admiration et donne un fort sentiment d’utilité, favo-
rable à l’essor de l’estime de soi. En revanche, les gratifications sont plus
rares si l’on travaille pour la police, une usine d’armement ou une centrale
nucléaire. Il faut alors s’appuyer sur le sentiment de sa valeur personnelle
et fonder son estime de soi sur la satisfaction du travail bien fait.
Selon l’étiquette, valorisante ou dévalorisante, qui s’accroche à l’image
de notre fonction et du secteur dans lequel nous travaillons, nous
partons avec un potentiel plus ou moins élevé pour acquérir et déve-
lopper notre estime de nous-mêmes dans le domaine professionnel.
Par ailleurs, nous nous identifions souvent à l’entreprise dans laquelle
nous travaillons : si sa réputation est prestigieuse, ou qu’elle fait preuve
d’une bonne gestion du personnel, nous nous en montrons fiers. Nous
serons par exemple plus motivés d’aller travailler pour un « patron
social ». Il est aussi plus facile de dire que l’on travaille chez Renault,
que pour une entreprise mise en difficulté par un patron à la politique
hasardeuse.
en situation difficile
L’absence d’estime de soi rend difficile la navigation en milieu profes-
sionnel. Conscients de notre faiblesse, nous en faisons un peu trop, espé-
rant exorciser ainsi nos peurs et dissimuler notre méfiance. Pour lutter
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Oser critiquer
Avoir confiance en soi et être sûr(e) de ses droits donne la force d’oser
entreprendre l’une des démarches les plus difficiles qui existent pour
celui qui manque d’estime de lui-même : oser critiquer.
Dans le milieu professionnel, savoir critiquer est un savoir-faire fort
utile pour remettre les pendules à l’heure quand c’est nécessaire, surtout © Groupe Eyrolles
1. Il est important d’éviter de confondre le sens des verbes justifier (donner des argu-
ments et des faits pour expliquer quelque chose), et se justifier (donner des preuves,
démontrer son innocence). Justifier donne une information concrète sur les raisons
d’une action entreprise, se justifier consiste à vouloir se disculper en s’appuyant sur
des arguments qui touchent à la personnalité : « Je suis trop honnête pour… »,
« Je suis compétent donc je n’ai pas pu… »
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nine. Il est usant et très nocif pour l’estime de soi de vivre dans ces
conditions : certaines femmes se « blindent » et pratiquent la surestime
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p. 220) pour préciser les limites à ne pas franchir et s’assurer que ce type
de débordement ne se reproduise plus à l’avenir. Toute remarque peut
être justifiée, mais il est inacceptable de l’exprimer avec violence, son
auteur doit le savoir.
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Conclusion
repérer vos points faibles, pour les atténuer autant que possible et vous
aider à rester serein devant les critiques.
En pratiquant cette démarche, vous redeviendrez pleinement propriétaire
de votre territoire personnel, à vous de l’entretenir avec autant de soin
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souvent ceux qui sont en sous-stress (trop peu stimulés par des challenges
personnels) ou en surstress (placés devant des objectifs trop ambitieux
pour eux). On ne peut donc vivre heureux sans stress, mais il est impor-
tant de savoir se fixer des objectifs correspondant à ses capacités, ni
trop faciles, ni trop difficiles… Dans le cas contraire l’anxiété survient et
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Échec. Le mot fait mal et souvent tellement peur qu’on cherche à atté-
nuer son impact en lui trouvant des synonymes. On ne parle plus d’enfant
en échec mais en difficulté ! Cet état de fait est culturel. Les managers
américains considèrent l’échec comme une opportunité pour s’améliorer
et s’aguerrir. Ils définissent le gagnant comme celui qui sait quoi faire
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1. L’intelligence émotionnelle : accepter ses émotions pour développer une intelligence nouvelle,
J’ai lu, 2007.
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atout pour mieux vivre avec soi au milieu des autres. Il définit « l’intel-
ligence émotionnelle » comme une nouvelle intelligence qui s’appuie sur
des compétences de self-control, de persévérance, de motivation, de respect
d’autrui et d’aisance sociale.
Il n’a jamais parlé d’expression immédiate et spontanée d’un sentiment
ressenti ! Il n’a jamais conseillé à qui que ce soit d’exprimer un senti-
ment dans un contexte où il peut choquer, étonner, faire rire ou faire
peur ! Il a au contraire révélé la puissance du ressenti et de son langage
codé qui dicte à ceux qui le connaissent une stratégie efficace pour vivre
au milieu des autres.
Gérer ses émotions ce n’est donc ni exprimer spontanément ce que l’on
ressent, ni céder à cette « tyrannie des émotions » qui fait tant de
ravages mais plutôt avoir les clés pour décoder ce langage. Un sentiment
exprime une demande de stratégie (voir p. 137), il est primordial d’en
connaître le code pour choisir et adopter le meilleur comportement.
Une bonne gestion de ses émotions est le résultat d’un choix réfléchi
qui prend en compte l’identification précise des émotions, l’expression
pondérée des sentiments et le souci de ne pas rompre la relation avec son
entourage. Il est parfois utile d’oser manifester ses sentiments, parfois
nécessaire de les garder pour soi, parfois dangereux et manipulatoire de
les exprimer. On peut oser ce que l’on n’aurait jamais imaginé et garder
pour soi ce que l’on exprime habituellement… Car, en ce domaine, tout
dépend du résultat escompté ! C’est pourquoi il est toujours délicat de
bien « gérer ses émotions ». Avant de décider de « se lâcher » il faut
penser d’abord aux conséquences, et se demander s’il vaut mieux garder
© Groupe Eyrolles
pour soi ou exprimer son ressenti et dans ce dernier cas de quelle façon
l’exprimer (voir p. 135 à 140). Un soulagement temporaire et immédiat
peut s’avérer très négatif à moyen ou à long terme… Garder ses émotions
pour soi peut être très performant… Extérioriser ses sentiments peut être
très positif, encore faut-il les exprimer sans excès.
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qui nous ont mal armés pour la vie, contre un conjoint qui nous a trahi,
contre des enfants qui ne se comportent pas comme nous le souhaite-
rions, contre un chef…). Une colère tournée vers le passé est inefficace
puisqu’on ne peut changer ce qui est accompli ! Pour arriver à faire son
deuil, il faut arriver à substituer à cette colère, signe d’impuissance, une
tristesse qui exprime la souffrance de la perte subie. Pour y arriver il est
souvent nécessaire de s’entourer d’amis chaleureux et « sympathiques »
(sympathie signifie « souffrir avec »). Ce travail de deuil permet alors
de souffrir moins, moins souvent et moins longtemps, et de retrouver
l’énergie suffisante pour aller de l’avant.
ses valeurs mais de faire le tri afin de prendre conscience des comporte-
ments obsolètes que nous continuons à nous imposer inutilement, des
acharnements sans résultats et de tout ce qui pompe notre énergie pour
rien. Pour faire ce tri, il est intéressant de faire la liste des obligations
que l’on s’inflige (« Il faut… », « On doit… » voir p. 88 à 90) et de se
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Bibliographie
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Les nouveaux outils de l’analyse transactionnelle, ESF Éditeur, 2003.
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