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Hassan RACHIK
Orientations théoriques
Nous pensons que l’explication doit être davantage recherchée du côté des
traditions théoriques dominantes orientant le choix des objets d’étude. C’est
moins l’accessibilité, la fréquence ou la nature d’une pratique qui la rendent
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populaire. Dans le premier cas, l’écrit serait privilégié, dans le second c’est
l’oralité et le gestuel qui s’imposeraient. C’est ainsi qu’on a reproché aux
ethnologues de la période coloniale d’avoir négligé des rites comme la prière
et le sacrifice musulman qu’ils ont associés aux villes et à l’islam de la haute
culture, et d’avoir concentré leurs recherches sur les jeux et mascarades
considérés comme des rituels païens et antéislamiques. Inspirée par une
idéologie soulignant l’islamisation superficielle de l’Afrique du Nord, la
recherche d’une religion berbère perdue rendrait invisible tout ce qui rappelle
l’islam orthodoxe (A. Hammoudi, 1988, 15-18).
Je pense qu’il faut dépasser ce type d’interprétation. Le choix des faits à
étudier n’est pas déterminé par leur caractère orthodoxe ou hétérodoxe, mais
surtout par leur intégrabilité dans l’orientation théorique du chercheur. Les
anthropologues ont retenu les rites orthodoxes qui se prêtent à une
interprétation en termes d’origine et de survivances. Doutté applique la même
démarche évolutionniste à la zakat (aumône légale), au sacrifice musulman, au
hajj (pèlerinage), à la prière de l’istisqa (prière de rogations de la pluie), etc.
Le mot çalât (prière) est également invoqué, mais comme une trace
linguistique de la pratique de l’holocauste, car la racine du mot renferme à la
fois le sens de « rôtir » et de « prier ». La prière n’est pas non plus négligée
lorsqu’elle est liée à des pratiques exotiques : « Dans une foule de cas, chez
les sauvages, le fer est tabou lorsqu’on se livre à une cérémonie magique ou
religieuse : les Mozabites ne doivent pas avoir de fer sur eux lorsqu’ils font la
prière. » (E. Doutté, 1984, 41, 484, 454, 491-493, 591-593). Dans tous les cas,
tout rite ou croyance susceptibles d’être interprétés comme des débris de
religions antiques, comme des manifestations d’une croyance primitive
universelle sont les bienvenus, leur caractère orthodoxe ou non importe peu.
Dans le cas de Westermarck, c’est le souci d’exhaustivité empirique qui l’aurait
poussé à décrire plusieurs pratiques orthodoxes comme la prière du mort et
les prières collectives en cas d’éclipse et de sécheresse (E. Westermarck,
vol. I : 123, 128, 134, 254-258, 488). Mais ce souci d’exhaustivité ne va pas
jusqu’à l’étude des cinq prières quotidiennes.
L’ethnographie religieuse de Jacques Berque dépasse la simple description
des rites et croyances. Elle serait essentiellement orientée par la recherche des
liens entres les pratiques religieuses et les activités sociales, politiques et
économiques communautaires. La majorité des rituels décrits relève de ce qu’il
appelle le « culte naturiste », « un sacré d’efficace agricole », en raison de
leurs liens étroits avec le calendrier agricole (ouverture des irrigations, la
nouaison des amandiers et des noyers, semailles, récolte, dépiquage, etc.)
Berque insiste aussi sur le caractère anonyme, non figuratif, du sacré observé
à l’échelle des communautés rurales étudiées. « Non seulement l’eau
d’irrigation, mais la pluie bienfaisante, et inversement l’ouragan dévastateur
et l’inondation, la santé et la maladie des plantes, des bêtes et des hommes, sont
soumis à des puissances, le plus souvent sans nom ». Berque distingue ainsi
« entre deux catégories de sacré, celui qui se précise en noms, légendes et
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