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102)
Communication
2e édition
Stéphane Billiet
Coordonné par
Olivier Aïm
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Suivi éditorial : Chloé Schiltz et Yaël Bourcet
Fabrication : Nelly Roushdi
Direction artistique : Élisabeth Hébert
Création graphique de la maquette intérieure : SG Création
© Dunod, 2020
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
&"/ 978-2-10-08169-
Sommaire
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente 10
III
Sommaire
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Partie 4 Quand la communication se fait plus
relationnelle 200
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Index des concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
Index des marques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
IV
Présentation des auteurs
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l’espace, des territoires, de la culture et de la communication (IDETCOM), au
sein de l’université Toulouse 1 Capitole. Il a organisé le premier colloque scien-
tifique international pluridisciplinaire sur le thème de l’e-réputation en 2013. Il
vient de diriger la publication de l’ouvrage E-réputation ; regards croisés sur une
notion émergente (Gualino Lextenso, 2014) et il anime le blog de veille dédié
à l’e-réputation, www.influenceursduweb.org. Il a rédigé le chapitre « Opinion,
influence et (e-)réputation » de ce manuel.
Nicole D’Almeida est professeur des universités en SIC au sein du Celsa
(Paris-Sorbonne). Spécialisée dans la communication d’entreprise, elle est
l’auteure de nombreux ouvrages de référence sur le sujet : Les Promesses de
la communication (PUF, 2001) et La Société du jugement (Armand Colin,
2007). Elle a co-écrit le chapitre « La communication institutionnelle » de
ce manuel.
Stéphane Billiet dirige We Agency, une agence de conseil en communication
relationnelle. Maître de conférences associé au Celsa (Paris-Sorbonne), il est
administrateur de Syntec Conseil en Relations publics et membre du bureau
de l’ADETEM, association française des professionnels du marketing. Il a
publié Les Relations publiques. Refonder la confiance entre l’entreprise, les
marques et leurs publics (Dunod, 2009). Il a coordonné cet ouvrage et rédigé
le chapitre « Des relations publiques aux communications relationnelles » ainsi
que la conclusion.
Yves Chevalier est professeur des universités en SIC, à l’université de Lille 3
Charles de Gaulle, puis à l’université européenne de Bretagne. Philosophe de
formation, il a consacré sa recherche à l’étude des dispositifs médiatiques et
technologiques dans leurs relations avec la société et ses modes de pensée, à
la constitution et à la circulation des représentations sociales. Il a contribué au
chapitre « Opinion, influence et (e-)réputation » de ce manuel.
VI
Présentation des auteurs
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formation, il s’intéresse à la culture matérielle, la consommation, les marques
et le design. Il a écrit de nombreux ouvrages, notamment La Marque, Le Logo
et Le Packaging dans la collection « Que sais-je ? ». Il est par ailleurs consultant
en stratégie de marque. Il a rédigé le chapitre « Marketing, branding, contenus
de marques » de cet ouvrage.
Valérie Jeanne-Perrier est professeure des universités en sciences de l’informa-
tion et de la communication et directrice de l’école publique de journalisme du
CELSA, école interne de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université. Elle
encadre les cursus destinés à former des professionnels des médias avec l’aide
de journalistes en poste ou de pigistes et de chercheurs associés, également
directement impliqués dans des rédactions en télévision, presse, radio et médias
émergents. Ses recherches portent sur les transformations des pratiques et des
identités professionnelles des journalistes liées aux usages de nouveaux médias
et sur l’analyse des interfaces des dispositifs que ceux-ci mobilisent pour exercer
leur métier. Elle anime également un séminaire de recherche portant sur les
mutations des processus de médiations dans le secteur de la mode.
Sylvie Merran-Ifrah travaille depuis 15 ans à développer la communication
et les relations médias pour des grands groupes (Lafarge, Carte Bleue Visa,
DuPont de Nemours, Natixis, Alma Consulting Group) comme pour de petites
structures innovantes. Diplômée du Celsa, elle y enseigne également les relations
presse et publics depuis 2002. Elle a co-écrit le chapitre « La communication
institutionnelle » de cet ouvrage.
Emmanuelle Lallement est anthropologue des mondes contemporains et
développe une approche d’anthropologie de la communication. Professeure des
universités à l’Institut d’Études Européennes de l’Université Paris 8, membre
du Laboratoire Architecture, Ville, Urbanisme, Environnement (LAVUE),
elle mène plus particulièrement des recherches en anthropologie urbaine sur la
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Présentation des auteurs
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de l’université Lumière Lyon 2 et membre du laboratoire ELICO. Ses travaux
portent sur les pratiques journalistiques et les médias spécialisés, notamment
dans la culture. Il a co-écrit le chapitre « Diversité et complexité des dispositifs
médiatiques » de ce manuel.
Jean-François Tétu est ancien professeur à l’IEP et à l’université de Lyon. Spé-
cialiste du journalisme, des médias et de l’analyse de discours, il fut un acteur
important du développement de la discipline des Sciences de l’information et
de la communication. Auteur de nombreux ouvrages et articles dans le champ
général du journalisme et de la communication, il a rédigé le chapitre « Histoire
des théories de la communication et des médias » de cet ouvrage.
Yves Winkin professeur des universités, est directeur du Musée des Arts et
Métiers (Paris). Il a publié aux éditions du Seuil des travaux d’histoire sociale
des sciences sociales américaines (La Nouvelle Communication, 1981 ; Gregory
Bateson : premier état d’un héritage, 1988 ; Erving Goffman : les moments et
leurs Hommes, 1988), ainsi qu’une invitation à la démarche ethnographique
en sciences de la communication (Anthropologie de la communication : de
la théorie au terrain, 2001). Il a contribué au chapitre « L’anthropologie de la
communication » de ce manuel.
Romain Zerbib est enseignant-chercheur HDR à l’ICD Business School et
chercheur associé à la Chaire ESSEC de l’Innovation Managériale et de l’Ex-
cellence Opérationnelle (IMEO). Ses recherches se concentrent sur les dyna-
miques de diffusion et d’adoption des nouveaux dispositifs de gestion au sein
des organisations. Romain ZERBIB est également responsable de l’innovation
pédagogique à l’ICD Business School, rédacteur en chef adjoint de La Revue
des Sciences de Gestion (La RSG) et directeur de la publication de Management
& Data Science (MDS).
VIII
Table des matières
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V
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Introduction La théorie de la communication : repères
historiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XIV
IX
Table des matières
Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
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Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux .... 59
Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
X
Table des matières
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2 La recommandation, un héritage des théories de l’influence personnelle . . . . . . . . . . 122
XI
Table des matières
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Partie 4 Quand la communication se fait plus
relationnelle 200
1 L’opinion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
3 questions à Édouard Lecerf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
2 L’influence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208
3 questions à Nicolas Chabot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
3 La réputation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
4 E-réputation et enjeux de société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
3 questions à Fabien Aufrechter ...................................................... 220
XII
Table des matières
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276
Corrigés des applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278
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Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Index des concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
Index des marques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
XIII
Avant-propos
Cet ouvrage, destiné aux étudiants qui entament, suivent ou terminent un cursus
d’études en communication, se veut un parcours transversal au cœur des notions
et des concepts essentiels de la communication.
De l’invention de l’écriture à sa réinvention électronique dans des dispositifs
d’information de plus en plus hybrides, l’ouvrage se présente ainsi comme une
lecture historique, économique, sémiotique, technique et bien sûr sociale des
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phénomènes de communication.
Des premiers schémas linéaires de la communication aux modèles beaucoup
plus complexes des réseaux contemporains, l’ouvrage rend compte de manière
progressive et réflexive de l’impact des technologies de l’information et de la
communication – d’Internet à l’ensemble des interfaces et des écrans qui nous
entourent – sur deux composantes essentielles de la communication : l’opinion
et la relation.
Fondé sur le principe de la mise en regard permanente d’une double approche,
à la fois théorique et appliquée, ce livre propose au fil du texte des définitions et
des focus pour illustrer ou préciser les notions, ainsi que des QCM pour vérifier
l’acquisition des connaissances et les mobiliser sur des questions de réflexion.
Le témoignage de professionnels prolonge la parole des enseignants-chercheurs
qui apportent leur contribution à ce manuel pour que l’étudiant, futur profes-
sionnel de la communication, puisse mettre l’histoire et l’actualité des concepts
en perspective avec des situations concrètes et opératoires.
Enfin, cet ouvrage ne veut pas se substituer aux cours que dispensent les en-
seignants et les intervenants professionnels au sein des écoles, des instituts ou
des universités, mais, au contraire, leur faire écho afin de nourrir la curiosité
et l’intérêt des étudiants pour les enjeux et les processus d’information et de
communication.
V
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Introduction
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La théorie de la
communication :
repères
historiques
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Plan
1 L’année 1948 : la « théorie de l’information » et la « cybernétique » 3
2 Les années 1960-1980 : « l’interactionnisme » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
3 Les années 1980-1990 : le modèle de la médiation . . . . . . . . . . . . . . . 6
4 Les années 2000 : le modèle du réseau et du milieu . . . . . . . . . . . . . . 7
5 Les années 2010-2020 : vers une « écologie » de la communication . . .
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
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donne à cette réflexivité le cadre d’une réflexion qui va faire l’objet de nombreuses
formalisations. L’époque de la modernité fait, en effet, advenir les questions de
l’information, de la foule, de l’influence, de « la vie spirituelle dans les grandes
villes » (Georg Simmel), puis de la propagande, de la publicité, des relations
publiques. Autant d’éléments qui définissent l’émergence de « l’espace public »
à la fois comme objet et comme sujet d’un questionnement nécessaire pour
comprendre l’évolution des sociétés. Les techniques de la communication, les
médias et ce que l’on appellera ensuite les « technologies de l’information »,
engagent les chercheurs de l’époque dans un souci dès lors « scientifique ».
Du côté des sciences sociales, d’abord, puis des sciences dites « exactes ». L’évolu-
tion des réseaux de diffusion et de transmission des messages à distance produit
une série de théories, non plus seulement langagières, mais « mathématiques »,
au sens que les ingénieurs des « télécommunications » vont donner au terme de
communication : de l’électricité à la cybernétique, en passant par l’informatique,
ce souci « scientifique » des premières sciences de l’information et de la commu-
nication recouvre un mouvement de pensée progressif et plus global que Milad
Doueihi appelle la « conversion numérique ».
Toujours est-il que cette orientation formelle s’est matérialisée, dès la fin des
années 1940, dans la production de schémas et de modèles de la communication.
Si la complexité des relations, des réseaux et des processus de communication
s’est progressivement imposée chez les chercheurs (ce qui a limité le recours à
ces diagrammes), les différents schémas ont scandé les premiers temps de la
recherche en communication et permettent de mieux comprendre l’histoire des
théories afférentes jusqu’aux infléchissements les plus actuels.
2
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
1 L’année 1948 :
la « théorie de l’information »
et la « cybernétique »
La première modélisation appartient à la « théorie de l’information » de Claude
Shannon, ingénieur américain en télécommunication.
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Source
de bruit
3
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
Émetteur Récepteur
Feedback
Définition 1
Norbert Wiener définit la cybernétique (du grec kubernan, qui a donné « gou-
vernement ») comme une science qui étudie les relations entre les hommes et
les machines à travers la double notion de commande et de fonction. Vouée
à une grande fortune théorique (et fictionnelle), la cybernétique étudie les
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liens entre les communications et leurs régulations dans les systèmes naturels
et artificiels. Outre ses reprises théoriques, on trouve trace de cette approche
dans l’ensemble des termes formés sur la base du préfixe « cyber- ».
4
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
Définition 2
Le transhumanisme est un mouvement intellectuel, culturel et politique
qui promeut l’usage des technologies pour modifier l’être humain avec
l’objectif, selon ses défenseurs, de l’améliorer ou de l’augmenter dans ses
capacités physiques, intellectuelles et même morales. Le terme a été utilisé
pour la première fois par le biologiste américain Julian Huxley (frère du
romancier Aldous Huxley) en 1957 dans un texte où il appelait à croire
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à cette transcendance possible de l’humain pour accéder à un « nouveau
type d’existence ». Le préfixe « trans- » a une double signification, à la fois
comme transcendance de la condition humaine et comme transition d’une
humanité vers une étape ultérieure de notre évolution, le « posthumain ».
Dans le creuset intellectuel que constituait la Californie libertaire des
années 60-70, de nombreux penseurs, scientifiques et écrivains eurent
une influence, consciente ou non, sur le développement des premières
idées transhumanistes : Timothy Leary, Buckminster Fuller, Marshall
McLuhan…
1 Cette définition a été rédigée par Edouard Kleinpeter de l’Institut des sciences de la communication,
CNRS – Université Paris Sorbonne – Université Pierre et Marie Curie.
5
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
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aux courants de la socio-sémiotique et de la sémio-pragmatique.
Tiers médiateur
Émetteur Récepteur
Après avoir été envisagée de manière linéaire puis réciproque (avec le feedback),
la modélisation de la communication devient ternaire. Le modèle de la média-
tion s’emploie ainsi à prendre en considération les environnements matériels,
les acteurs de la médiation, les visées symboliques et les enjeux économiques en
6
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
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réseaux socio-numériques produit une ouverture du modèle à la faveur de la
création de nouvelles médiations et de nouvelles « intermédiations » : le portail,
la curation, l’agrégation, la recherche documentaire, la recommandation, l’algo-
rithme, la plateforme, etc.
7
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
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cette « pensée du média » se montre, elle aussi, plus contrastée à mesure que
les questions de la surveillance, de l’algorithmisation, de la vie privée, de la
plateformisation, de l’économie de l’attention, du coût environnemental sont
venues nuancer, depuis lors, les premiers temps de l’« utopie du Web ».
La prise en compte de la complexité des réseaux s’accompagne d’une prise
de conscience de la pluralité des enjeux, des matérialités et des « agencies »
qui composent les couches multiples de l’« étoffe électronique » de nos vies
connectées.
Du point de vue théorique, les modèles laissent la trace de questionnements
qui ne peuvent plus être tranchés par la seule forme apparemment éclatante
d’un schéma unique, mais qui s’additionnent pour produire un même ensemble
d’enjeux et un même ensemble de recherches possibles. Bien entendu, l’expres-
sion de soi, l’opinion, l’influence, la réputation, la valeur, l’échange, mais aussi
le débat ou la dispute, restent des questions vivaces du champ. Mais, au-delà
des modèles, la complexité impose un nouveau paradigme épistémologique,
qui émerge de manière puissante avec le temps : les médias forment non plus
un milieu mais un écosystème traversé par une histoire (et une archéologie
possible) ; les médiations s’inscrivent dans une géologie de leurs acteurs et de
leurs dispositifs ; les opinions, les réputations, les performances, les attentions
sont prises dans un environnement de formats et d’écrans multiples. Si bien
qu’une métaphore ancienne devient heuristique – et en phase avec les enjeux
plus généraux de l’époque –, celle de l’écologie. Gregory Bateson parlait de
l’« écologie de la culture », pendant que McLuhan initiait au même moment
une « écologie des médias ». Plus récemment, c’est Yves Citton qui propose de
parler d’une « écologie de l’attention » pour désigner l’ensemble des « envoûte-
ments médiatiques ».
Le fait est que la communication a tout pour devenir l’objet d’une nouvelle culture,
dans la mesure où les pratiques communicationnelles relèvent de plus en plus
8
Introduction La théorie de la communication : repères historiques
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Partie 1
Quand l’écriture
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s’invente
et se réinvente
L
a communication désigne l’action de communiquer, les moyens et techniques
nécessaires à la diffusion d’un message et l’intention qui motive les parties impliquées
dans le processus.
Mise en signes, en partage, en relation, en tension, la communication n’a cessé d’évoluer
en même temps que se complexifiaient les sociétés humaines. Cette partie met en lumière
l’influence des supports et des contextes de communication sur les modes de pensée et la
manière de faire société.
De l’invention de l’écrit à l’invention de l’écran, le chapitre 1 montrera que l’histoire de la
communication est une affaire de rapports de force, de prise et de reprise de contrôle des
uns sur les autres grâce au pouvoir de la technique.
Le chapitre 2 mettra l’accent sur la mise en scène de l’information et questionnera le rôle
du « milieu » dans lequel la communication s’exerce sur les médias, sur la façon dont un
message circule et est reçu.
Enfin, le chapitre 3 prendra la mesure de la place que les réseaux sociaux tiennent
désormais dans la production et la diffusion de l’information.
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Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux . . .58
Chapitre 1
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S Tablette contenant des textes administratifs,
Jamdat Nasr, période Uruk III (3100–2900 av. J.-C.) (détail)
L
’invention de l’écriture, sous forme de signes Communiquer semble avoir désigné d’abord
gravés sur des tablettes en pierre, ne marque l’acte de partager (« communiquer à la grâce de
pas le point de départ de la communication à Dieu »), puis l’objet du partage, et enfin, à partir
proprement parler, mais, à coup sûr, une rupture du XVIIIe siècle, le moyen de mettre en commun
décisive dans le développement de la pensée (« les tubes communicants »), si bien que c’est la
humaine. Le progrès technologique – l’invention transmission qui domine tous les usages à partir
de l’imprimerie ou, plus récemment, la révolution du XIX e siècle : les routes, le chemin de fer et le
numérique – ne cessera de faire évoluer les modes téléphone sont des moyens de communication.
de communication. Aujourd’hui, le terme est mêlé Mais cette signification usuelle présente le risque
à tant de phénomènes disparates, de situations de réduire la communication à la seule transmis-
et d’acteurs sociaux qu’il semble bien illusoire sion d’informations alors qu’elle recouvre bien
de vouloir tenter de le définir d’une seule façon. d’autres réalités.
Histoire des théories
de la communication
et des médias
Plan
1 Qu’est-ce que la communication ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
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2 L’invention de l’écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
3 La forme du livre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
4 Les sophistes et la rhétorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
5 Les formes de la lecture et ses « révolutions » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
6 L’apparition du livre ou la révolution de l’imprimé . . . . . . . . . . . . . . . 25
7 Dirigeants et dirigés : la communication, moyen de domination . . . 26
Objectifs
¼¼Comprendre la signification sociale de l’écrit.
¼¼Mesurer l’influence du support sur les phénomènes de communication.
¼¼Appréhender le lien communication-démocratie.
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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La communication tend ainsi à accompagner toute activité sociale ou politique
dans un projet utopique où elle permettrait de résoudre, ou du moins de dissi-
per, les conflits. Condition de la modernisation à l’aube des Temps Modernes,
la communication est devenue l’instrument d’une mondialisation à laquelle nul
n’échappe.
FOCUS
La communication est polémique par essence
Communiquer, ce n’est pas rayonner librement comme le soleil dans un ciel sans nuage mais lutter
contre d’autres ondes ou d’autres messages, contre le bruit de tous les autres, ce que montre le niveau
sonore des voix des enfants dans une cour de récréation.
Toute communication peut être considérée d’emblée comme polémique car si l’énoncé appartient au
domaine du sens, l’énonciation, elle, est toujours prise dans un rapport de force. Et le vrai ne s’impose
pas par sa seule force de vérité comme la mort de Socrate, qui refusait de se défendre devant ses juges,
nous l’a appris. Le vrai n’est pas vrai en soi, sa force doit être construite. On ne peut comprendre la
communication sans se questionner sur le rôle du « milieu » où la communication s’exerce (on ne parle
pas devant une caméra de télévision comme dans un meeting), sur celui des médias en somme, mais
aussi sur la façon dont un message circule et est reçu, ce que la sociologie de la réception tente d’élucider.
14
Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
2 L’invention de l’écriture
« Au commencement était le Verbe », écrit saint Jean. La question que pose la
communication sociale serait plutôt : quelle est la différence entre une parole
orale et une parole écrite ? Quelle est la signification sociale de l’écrit ? Ou, plus
concrètement, qu’est-ce que l’invention de l’écriture a apporté à la civilisation ?
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jusqu’alors toutes les écritures à leur support comme à leur complément indis-
pensable » et poursuit : « en se dégageant de l’espace visible et manipulable qui
régissait l’écrit depuis toujours, celui-ci était devenu un instrument de classifi-
cation quasi abstrait et par conséquent d’autant plus fiable1 ». La nouveauté de
l’écrit n’est pas qu’il représente la parole, mais qu’il la rend visible, car on peut
supposer que l’écriture est née d’un métissage entre deux types de communica-
tion : la parole, qui lie le groupe social, et l’image, qui donne accès à l’invisible
et permet une communication entre les hommes et les dieux, magie de l’image
dont l’héritage s’est poursuivi dans la typographie, bien sûr, mais aussi dans la
séduction publicitaire et toutes ses formes sur écran.
15
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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Jack Goody (1919)
Jack Goody est un spécialiste de l’écriture qui a montré les transformations produites
socialement par l’invention de l’écriture à travers une expérience menée lors de ses
voyages au Ghana. Il retranscrit dans un premier livre des histoires racontées dans
un groupe du Nord Ghana qui ne connaît pas l’écriture. S’il en fait bien une histoire
complète, il remarque que chaque fois qu’un individu en raconte un passage, ce n’est
jamais exactement la même histoire, en fonction du lieu, du moment, des auditeurs,
etc. Lorsqu’il retourne au Ghana avec un magnétophone et enregistre tout ce qu’il
entend, cela fait un livre très différent, La Récitation du Bagré (voir Le mythe du Bagré,
Oxford, 1972) : on est passé d’une histoire (un mythe) à une « récitation », c’est-à-dire
à la communication de ce mythe. ■
16
Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
La réflexion sur l’écriture permet de penser enfin le poids des supports matériels
des productions symboliques dans une culture livresque, qu’on songe seulement
aux formes de sociabilité que transforment les courriels et les « réseaux sociaux »
contemporains. Elle permet aussi de penser comment notre culture a confié à
l’image ce qui se poursuit de notre « pensée magique », car depuis plus d’un siècle,
nos « industries de l’imaginaire »1 sont massivement audiovisuelles.
3 La forme du livre
De nombreux supports ont porté l’écriture (la pierre, le bois, l’argile, les tissus,
l’écaille, le bronze, les poteries…) mais c’est sous la forme du livre que l’écrit
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s’est le plus communément stocké et transmis.
Même si d’innombrables textes se sont perdus au fil du temps (il ne reste que sept
des soixante-dix tragédies d’Eschyle et seulement dix-sept des quatre-vingt-dix
d’Euripide), le livre a pu se développer grâce à deux supports initiaux :
– le papyrus, d’origine égyptienne, depuis le IIIe millénaire au moins ;
– le parchemin, vers le IIIe siècle av. J.-C., plus solide et plus souple que le papy-
rus, et surtout d’un usage susceptible d’être utilisé partout puisqu’il peut être
fait avec la peau de beaucoup d’animaux.
Outre de nombreuses formes plus ou moins occasionnelles, le livre a pris deux
formes majeures qui imposent deux modes de lecture différents.
■■ Le volumen, rouleau de
papyrus relativement encom-
brant, impose d’être tenu des
deux mains, ce qui interdit
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17
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
Le codex, fait de feuilles encartées et pliées, peut être écrit des deux côtés
■■
des pages, et, au fur et à mesure de son développement, permet toute une
structuration (pagination, re-
ports, tables, index, etc.) qui
crée un nouveau mode de lec-
ture, dont le développement
numérique comme les liens
hypertextes ne sont que le pro-
longement. Plus maniable, muni
de marges qui autorisent les
scolies et commentaires qui
vont en se multipliant, le codex
remplace progressivement le
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environ.
Ces deux formes d’écrit ont en commun d’être un objet, susceptible de commerce
(depuis les livres des morts égyptiens au IIe millénaire), de collections et de
conservation, notamment dans les bibliothèques privées ou publiques (qui sont
une des ressources et un des agréments des thermes romains), et évidemment
de diffusion, ce qui supplante les recitationes romaines sous l’Empire.
Le livre se distingue donc des écrits privés (documents d’archive) et des supports
monumentaux voués à un autre usage (politique ou religieux), pour devenir, avec
l’image, l’instrument majeur de conservation, de diffusion et de transmission
de la culture.
Il convient aussi de faire une place de choix à l’image, narrative ou symbo-
lique, à qui l’Église chrétienne naissante a donné un nouvel essor, à côté de la
reconnaissance du caractère sacré de l’image de l’empereur romain à partir du
IV e siècle. L’image, à la fois outil de transmission d’un savoir (l’histoire sainte est
ainsi transmise pendant des siècles aux tympans des églises, sur les chapiteaux,
les vitraux et les mosaïques) et sujet de dévotion ou de culte (icônes), fit l’objet
aux VIIIe et IX e siècleS d’un très fort mouvement iconoclaste, né de la réaction
du monothéisme contre les matérialisations du sacré et le polythéisme. Cette
forte querelle théologique aboutit à plus d’un siècle de destruction d’images
et à une rupture culturelle durable à Byzance. À côté de ses développements
cultivés ou sacrés, l’image a continué de faire l’objet d’un engouement populaire
dont témoignent les images médiévales ou les magazines illustrés et les cartes
postales du XIX e siècle.
18
Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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Alors que la philosophie grecque fut une philosophie de l’être, une « ontologie »,
et que la philosophie ionienne visait la connaissance de la nature, les sophistes
provoquent une rupture majeure pour la communication : ils ne cherchent pas à
« parler de » (l’être ou le monde) mais à « parler à » : à un tribunal, à des citoyens,
à des gouvernants. Cela dans deux perspectives ; celle de l’éducation et celle du
pouvoir. Cette double compétence politique et éducative vient de leur maîtrise
du langage :
– la linguistique (morphologie, grammaire, sémantique) ;
– la rhétorique (étude des tropes, des sonorités, de l’opportunité de chaque
élément du discours et de sa composition).
C’est justement ce qui fut reproché à ces pionniers des sciences du langage, à ces
maîtres de la rhétorique, et les disqualifia aux yeux des philosophes de la Grèce
classique par qui nous les connaissons surtout. Car peu de textes subsistent,
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en dehors des citations que font Platon dans le Théètète par l’intermédiaire de
Protagoras et Aristote dans sa Métaphysique (« l’homme est la mesure de toutes
choses : de celles qui sont, qu’elles sont, de celles qui ne sont pas, qu’elles ne sont
pas ») ou dans Gorgias. On sait que Gorgias avait écrit notamment un Traité
du non-être et un Éloge d’Hélène et il reste d’Antiphon un papyrus nommé Sur
la vérité.
Définition 2
La rhétorique (technè rhétorikè) revendique une mission : « chercher pour
chaque sujet ce qui est propre à persuader », pour reprendre les termes
d’Aristote (384-322 av. J.-C.).
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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– pathos (les passions et les émotions que l’orateur déclenche sur l’auditoire ;
– ethos (la personnalité et la réputation de l’orateur).
Dans l’Athènes du V e siècle avant J.-C., une cité qui donne, en théorie du moins,
la parole à tous les citoyens, la rhétorique devient un instrument majeur de
pouvoir, selon la célèbre formule de Fénelon : « Chez les Grecs tout dépendait
du peuple, et le peuple dépendait de la parole. »
La maîtrise de la parole publique, souvent apprise
à prix d’or chez les rhéteurs, permet d’arracher
Recherche
des arguments une décision dans une assemblée, de plaider devant
(inventio,
les tribunaux ou encore de chanter la cohésion et
heurésis)
les valeurs de la cité. Aristote a ainsi dévoilé dans
la Rhétorique les trois grands genres répondant
Ordre des
différentes parties aux principaux lieux de discours et aux différents
(dispositio, auditoires : le genre judiciaire (logos dikanikos),
taxis)
qui cherche à convaincre du juste ou de l’injuste
devant des juges ; le genre délibératif (logos sym-
Mise en mots bouleutikos) destiné aux citoyens ou à leur(s) re-
(alocutio,
lexis) présentant(s), qui a pour sujet l’utile ou l’inutile
pour le bien commun ; et enfin le genre démons-
Manière tratif ou épidictique (logos epideiktikos), dévolu à
de mémoriser
(memoria,
l’éloge ou au blâme, dont la pierre angulaire est le
mnémè) beau ou le laid et qui s’adresse à un public, à des
spectateurs.
Mise
Les nombreux traités qui ponctuent l’histoire de
en scène
Figure 1.1 ! (actio, la rhétorique donnent les clés pour la construction
Les étapes hyopokrisis)
du discours en adaptant les principes généraux à
de l’élaboration
la cause et à l’auditoire : depuis la recherche des
de la parole publique
20
Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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de Chaïm Perelman au milieu du XXe siècle), la rhétorique, en tant que technique
et pratique, permet d’appréhender les rapports de l’homme avec l’autre, avec son
milieu, avec son temps1.
Ces premiers sophistes ont été condamnés par la philosophie à de multiples égards :
■■ ontologique : le sophiste ne vise pas l’être mais le non-être et l’accident ;
■■ logique : il ne cherche pas la vérité mais l’opinion ;
■■ éthique, pédagogique et politique : il ne vise pas la sagesse et la vertu mais le
pouvoir et l’argent ;
■■ littéraire enfin : son style n’est que boursouflure2 .
Et pourtant, on peut considérer aujourd’hui la sophistique comme le premier
« existentialisme tragique », d’après l’expression de Barbara Cassin, car elle
repose sur la frontière entre le rationnel et l’irrationnel et la situation du sujet.
L’importance politique des sophistes vient de leur recherche du consensus, de
l’accord, de la concorde, qui pour eux procède d’une persuasion, d’un débat.
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La raison, selon la formule de Daniel Bougnoux 3, n’est pas « en nous mais entre
nous ». Car le vrai ne s’impose pas de lui-même, il existe partout, au tribunal, à
l’assemblée ou dans les affaires, des points douteux ou discutables qui exigent
cette persuasion ; et aucune compétence particulière ne peut s’imposer sans le
discours : ni le médecin ni l’architecte ne peuvent convaincre leur patient ou leur
client sans ce savoir-faire qu’est la maîtrise discursive de la relation. La question
n’est pas en effet d’aller de l’erreur à la vérité, ou de l’ignorance à la sagesse,
mais d’un état moins bon à un état meilleur : « le médecin, explique Protagoras,
produit ce passage par les drogues, le sophiste par des discours » (Théètète, 167a).
1 L’ensemble de cette définition a été rédigée par Émeline Seignobos, docteur en sciences de
l’information et de la communication et enseignante à Paris-Sorbonne.
2 B. Cassin, article La sophistique, encyclopédie Universalis.
3 D. Bougnoux, La Communication par la bande, La Découverte, Paris, 1991.
21
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
S’il y a une certaine condamnation des sophistes – surtout faite par Aristote qui,
assimilant curieusement legein et semainein ti (« dire » et « signifier » quelque
chose), leur reproche de parler « pour ne rien dire » –, on peut aujourd’hui
considérer que la sophistique, outre son rôle pionnier en sciences du langage :
■■ a montré le rôle essentiel de la technique dans la communication (il faut des
outils pour penser et des médias pour lier les masses en une communauté) ;
■■ fut la première à étendre le domaine du sens grâce au signifiant et qu’ainsi
la psychanalyse en est l’héritière (voir Le mot d’esprit et ses rapports avec
l’inconscient de Freud) ;
■■ a ouvert la voie aux sciences humaines.
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5 Les formes de la lecture
et ses « révolutions »
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Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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L’effet de la lecture silencieuse est plus lent dans la société laïque (saint Louis
lisait à haute voix et Joinville dicte La vie de saint Louis), mais la séparation des
mots permet aux langues vernaculaires d’être moins phonétiques que le latin, et,
de ce fait, la prononciation peut changer et se distinguer de l’orthographe qui
reste stable (la disparition des voyelles muettes dans la prononciation du français,
par exemple). Cela influence bien entendu la forme de l’écriture manuscrite avec
le développement de l’écriture cursive, plus rapide, et permet enfin la naissance
de symboles d’écriture, comme les guillemets (statut de l’énonciateur), la pa-
renthèse (les a parte) et la ponctuation syntaxique (virgules, deux points, etc.),
qui rendent plus visible l’argumentation. Et cela permet, plus tard, une autre
révolution de la lecture qu’est la lecture « extensive » que Roger Chartier situe
au XVIIIe siècle, liée à la multiplication des livres mais aussi des autres formes
de textes comme les journaux et périodiques, et des lieux où on peut lire sans
acheter comme les cabinets de lecture.
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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– conduisant à la lecture silencieuse – avec le livre, on est maître de ce que l’on
lit1 et de ce que l’on pense –, ce qui devient un grand aliment pour les hérésies
et conduira à brûler les livres jugés douteux.
24
Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
6 L’apparition du livre1
ou la révolution de l’imprimé
Le livre imprimé coïncide avec le début d’un gigan-
tesque mouvement des idées. Est-ce l’imprimerie qui
provoque ce mouvement ou l’inverse ? En d’autres
termes, est-ce la technique qui bouleverse l’ordre so-
cial ? Pour l’historien Lucien Febvre, l’innovation a été
soutenue par l’ensemble des mouvements intellectuels
et sociaux de l’époque. Le livre n’est pas, par nature,
un outil de communication : 45 % des incunables
imprimés au XV e siècle sont des livres religieux.
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Mais la mise en mouvement des idées, la Réforme,
d’abord, puis le vaste mouvement humaniste, inversent
la tendance : le livre n’est pas seulement conservé mais
révisé, à commencer par la Bible. C’est la Renaissance
qui fait vraiment du livre le premier outil de com-
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munication à grande échelle2 . Et cet outil devient un
objet commercial de grande diffusion. La plupart des
historiens considèrent que la grande transformation
intellectuelle de la Renaissance fut de faire des idées un
objet de communication, un objet mental : l’intellectuel
n’est plus seulement le commentateur du texte sacré
S Strasbourg, place Gutenberg. Statue de
ou des anciens, il est un écrivain qui forge des idées et
Gutenberg, bronze, David d’Angers, 1839.
provoque le débat religieux, littéraire ou scientifique. Gutenberg, debout près d’une presse d’imprimerie, tient
Premier exemple historique d’une innovation qui gagne un parchemin sur lequel on lit « et la lumière fut »
toute la société en devenant marchandise, l’imprimé permet au débat d’idées
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d’entrer dans un circuit marchand. L’idée ayant une valeur marchande com-
mence à être considérée comme une information. La question de savoir si cela a
modifié les modalités du raisonnement est discutée, mais il est sûr que le livre a
considérablement modifié les techniques et sciences descriptives et le système de
mémorisation et donc d’argumentation. Pour E. Eisenstein, les conséquences en
furent très différentes selon les domaines qu’on envisage.
■■ Du côté de la religion, l’imprimé produit pour la première fois une unité du
culte, mais en permettant la diffusion de la Bible, il suscite le développement
d’un débat interminable sur les origines et produit toute une recherche décalée
de la foi : date de la Création ou du déluge, angélologie, etc.
1 Titre de l’ouvrage d’Henri-Jean Martin avec Lucien Febvre, Albin Michel, Paris, 1958.
2 Entre 1517 et 1520, par exemple, les seules publications de Luther dépassent 300 000 exemplaires.
Invité à se défendre devant un petit cénacle, il s’est trouvé parler au monde entier.
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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7 Dirigeants et dirigés :
la communication,
moyen de domination
La démocratie athénienne était un régime de démocratie directe. Le faible nombre
de citoyens et le mode de désignation (responsabilités tournantes par tirage au
sort) faisaient que les relations entre dirigeants et dirigés étaient directes et
interchangeables : pas d’intermédiaire, pas de fonctionnaire ou de bureaucratie,
pas de mandants à informer de ce que fait le mandataire. Est-ce à dire qu’il
n’y a pas de « communication politique » ? Non, car il y a bien un médiateur, le
héraut, mais surtout une communication qui s’articule à un espace politique qui
n’est pas distinct, comme dans les monarchies qui succèdent à l’Antiquité. La
communication ne peut être manipulatoire car elle repose sur l’identification
totale des émetteurs et des récepteurs. En outre, la communication (les discours
et discussions) se traduit par une décision immédiate, si bien qu’elle n’a pas
l’effet qu’elle acquiert dès que l’espace du pouvoir est séparé de la population
(Versailles en est l’exemple monarchique le plus parlant). Elle a une fonction
de symbiose sociale, c’est pour cela qu’Aristote peut définir l’homme comme
« animal politique » quand il vit dans une cité (la « polis » régule la société et la
violence en assurant les lois).
La communication, pensée alors comme naturelle à l’homme, fait de la constitution
de la cité un processus naturel (et non contractuel comme plus tard chez Hobbes
ou Rousseau), qui n’exclut pas sa visée de discernement du juste et de l’injuste,
de l’avantageux et du favorable, ce qui veut dire que la définition des normes et
valeurs sociales et politiques repose bien sur la communication.
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Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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reposent sur une communication d’intersection entre gouvernants et gouvernés
par le moyen de la représentation.
La communication se spécifie donc et se distingue de l’exercice du pouvoir poli-
tique (la praxis grecque) au fur et à mesure que la représentation, qui va de pair
avec l’élargissement du nombre de citoyens, devient le mode de fonctionnement
de l’ensemble sociopolitique. On assiste alors à un double mouvement :
■■ celui du développement croissant d’une communication politique, conduite
par le pouvoir pour tenter de corriger les effets de la distance, l’échec politique
étant assimilé à un défaut de communication ;
■■ et celui des médias qui tentent d’organiser l’espace des citoyens, chaque nou-
veau média ayant aussitôt le mérite imaginaire ou mythique d’améliorer ou de
restaurer la démocratie, avec l’étrange nostalgie d’une démocratie « directe »
dont témoigne aujourd’hui l’idée d’une « démocratie électronique », oubliant
qu’à l’époque de Périclès, les citoyens ne sont qu’une minorité.
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communication et qui est au point de départ de son Éthique de la discussion comme de tous
ses travaux sur la politique délibérative est la Théorie de l’agir communicationnel (1981, trad.
française Fayard, 1987). Fortement inspiré depuis longtemps par la philosophie pragmatique
américaine (Dewey, Mead, Peirce), il associe la raison, l’action et la communication, et
retient d’Austin les « actes de langage » (! chapitre 5, p. 98), surtout les actes illocutoires
qui pour lui sont à la source de l’intercompréhension : « par les concepts complémentaires
de monde vécu et d’agir communicationnel, j’entends donner tout son sérieux à la mise
en situation de la raison. » ■
28
Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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considère que l’état de nature ne conduit qu’à « la guerre de tous contre tous ». Un
contrat social est donc indispensable, par lequel l’individu abandonne une part
de son pouvoir au profit d’une autorité commune qui garantit à tous la préserva-
tion de leurs vies et de leurs biens : ils cèdent donc au souverain leur droit de se
gouverner eux-mêmes.
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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Au début du XIXe siècle, une idée nouvelle se fait jour : l’« individualisme ». Le mot
apparaît en 1825 mais la démocratie américaine en a été le précurseur. C’est ce
que constate Tocqueville dans ses deux tomes de De la démocratie en Amérique
(1835 et 1840). Le constat que « le lien social est rompu » dans la nouvelle société
parce que « ses différents membres deviennent étrangers, indifférents et presque
invisibles les uns aux autres, à cause de leur multitude » conduit Tocqueville à
penser qu’« il n’y qu’un journal qui puisse venir déposer au même moment dans
mille esprits la même pensée ». La presse est pour lui le seul moyen de rétablir
un lien social disparu, de réunir les citoyens, de les « associer » dans le souci des
affaires communes et de poursuivre le changement social fondé sur l’aspiration
des hommes à l’égalité des conditions.
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Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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S Les Communards font tomber la colonne Vendôme le 16 mai 1871.
Gabriel Tarde2 invite à voir, dans ce changement de société, l’entrée dans « l’ère
des publics », car s’il n’y a qu’une seule foule, on peut appartenir à plusieurs
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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public, c’est-à-dire une abolition des frontières entre usage public et privé de
la raison. Avec l’introduction des intérêts économiques dans l’espace public au
XIX e siècle, la discussion est « commercialisée » : l’usage public de la raison n’a
plus pour visée l’émancipation mais la consommation et le profit de ceux qui
détournent la sphère publique pour servir des intérêts privés. De ce point de
vue, l’on passe alors de la culture discutée à la culture consommée.
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Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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La profonde mutation qu’a connue le dispositif à l’orée
du XXIe siècle trouve son origine dans plusieurs ruptures
technologiques majeures. Elles s’expliquent par l’extension
de l’IP et la généralisation du THD (très haut débit), par
des services mobiles toujours plus nombreux permettant
une accessibilité permanente ainsi que par l’omniprésence
de l’intelligence dans le réseau avec la mise en place
de plateformes informatiques autorisant une réelle
interopérabilité entre les diverses couches de réseaux, enfin,
par la mise au point et la diffusion de terminaux multi-accès
innovants. Ces ruptures ont pour conséquence une profonde
remise en cause du modèle technologique dans lequel nous
évoluions jusqu’à présent. À la fin de 2014, plus de 40 % de
la population mondiale a accès à Internet. Au total, ce sont
environ 3 milliards d’êtres humains qui sont connectés.
Peut-on parler d’un nouvel écosystème ?
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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Les points clés
¼¼La nouveauté de l’écrit n’est pas qu’il représente la parole, mais qu’il la rend
visible et pérenne. Selon Jack Goody, la véritable rupture apportée par
l’écrit se trouve dans l’opposition entre l’espace de la graphie et le temps
de la parole.
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Chapitre 1 Histoire des théories de la communication et des médias
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a. Claude Chappe. peur des masses ?
b. Thomas Edison. a. La Révolution française.
c. Samuel Morse. b. La concentration dans les villes d’une nouvelle
population liée à l’industrialisation.
2 De quel siècle date le premier câble trans- c. L’apparition de la presse d’opinion.
atlantique reliant l’Europe et l’Amérique ?
a. xviiie siècle.
b. xixe siècle.
c. xxe siècle.
a. Platon.
b. Aristote.
c. Kant.
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Chapitre 2
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La diffusion web brouille ainsi les genres mé-
diatiques. Très finement, François Rollin joue la
confusion jusqu’au bout pour mieux la dénoncer :
à la fin de sa chronique, il se cache le visage, sans
décrire ce geste à l’antenne, afin que les auditeurs
et internautes, en accédant à des informations
différentes, puissent percevoir la distinction des
deux dispositifs. Par cette réaction contre l’image
S Chronique de François Rollin dans le 7/9 à la radio, il dénonce le fait qu’elle n’enrichit pas
de France Inter, le 14 octobre 2014 le dispositif initial, mais au contraire l’appauvrit.
Cette intervention de 2014 paraît aujourd’hui
L
e 14 octobre 2014, sur l’antenne de France anecdotique tant les journalistes et invités des
Inter, les auditeurs ont pu entendre en direct matinales radio sont désormais habitués à la
la remise en question d’un dispositif média- présence des caméras dans les studios.
tique. En effet, l’humoriste, acteur et homme de Elle pose cependant la question des spécificités
radio François Rollin conteste le fait d’être filmé de chaque média, de chaque dispositif et surtout
lors de ses chroniques. Certes, le contrat qu’il a du fait que sur le Web, il y aurait un lissage de ces
signé contenait une autorisation de diffusion sur différences : la presse fait de la Web radio ou du
le Web, conduisant ainsi le journaliste radio qui reportage filmé, la radio peut faire des émissions
peut faire son travail mal coiffé, le regard baissé filmées, la télévision peut produire des dossiers
sur ses notes à subir le dispositif relevant d’un autre écrits… Mais avant de considérer ces formes
média, la télévision. Il s’explique : ne disposant pas médiatiques hybrides, chaque dispositif média-
des moyens de la télévision (maquillage, éclairage, tique s’est construit dans le temps, souvent par
cadrage, décor…), la radio propose aux internautes différenciation avec celui qui précédait. Les dif-
une image médiocre, une sous-télévision qui remet férences entre les médias étaient fondatrices dans
en question la spécificité même de la radio. un secteur économique et discursif concurrentiel.
Diversité
et complexité
des dispositifs
médiatiques
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Plan
1 Les grands dispositifs médiatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2 Dispositifs et évolutions des pratiques d’information . . . . . . . . . . . . 46
Objectifs
¼¼Comprendre ce qu’est un dispositif médiatique
¼¼Appréhender le rôle d’un dispositif médiatique dans la mise en scène
de l’information
¼¼Mesurer l’importance du « contrat de lecture » dans le rapport aux médias
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
FOCUS
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L’apport de Michel Foucault à la notion de dispositif
À la fois objet et concept, le dispositif occupe une place significative
dans de nombreux travaux scientifiques, notamment dans le domaine
des sciences humaines et sociales. Michel Foucault en donne une
définition dans la revue Ornicar, lors d’un entretien publié en 1977 :
■■ un ensemble hétérogène d’éléments et notamment des énoncés
(dits et non-dits) mais également des ressources matérielles et tech-
niques, des pratiques et des comportements ;
■■ le réseau qui assure des liens, des relations entre tous ces éléments
disparates : la nature de ces liens est signifiante car elle renseigne sur
les relations de pouvoir, les rapports de force à l’œuvre entre les différents acteurs ;
■■ ce qui construit une vision du monde et se donne les moyens stratégiques de l’imposer.
38
Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
FOCUS
Time Magazine
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Fondé par Henry R. Luce et Briton Hadden, le premier numéro du Time est publié à New York le
3 mars 1923. Parce que les deux jeunes journalistes ont compris que les lecteurs sont trop occupés pour
avoir encore le temps de lire de longs articles, ils proposent des articles courts et concis organisés par
grands domaines : affaires nationales et internationales, entreprises, éducation, science, médecine,
droit, religion, sport, livres et arts. Ce format est devenu la norme pour la plupart des autres magazines
d’information générale.
ne pas perturber les lecteurs dont les usages dépendent de cette régularité. Les
rubriques constituent la colonne vertébrale d’une publication, ce dont témoigne
le sommaire. Elles en forment l’ossature à partir de laquelle sont organisés les
articles, autre élément clé du dispositif du média écrit. De longueur variable
mais toujours présentés sous forme de colonne, les articles sont rangés par
genre : brève, reportage, entretien, portrait… Une page se caractérise par une
mosaïque d’énoncés relevant de registres et de modes de valorisation différents.
Mais un journal ou un magazine n’est pas qu’une affaire de mise en pages ; il est
aussi question de mise en mots :
■■ ce qui attire l’attention en une, ce sont les titres ;
■■ ce qui incite à la lecture, ce sont les textes introductifs des articles appelés
chapôs ;
39
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
■■ ce qui constitue une page intérieure, ce sont des textes mais aussi des illus-
trations, des dessins, des photographies, des schémas…
Le dispositif de la presse se caractérise par une imbrication de pages, de ru-
briques, d’articles, de mots et d’images qui fonctionnent comme des poupées
gigognes dont l’agencement formel n’est jamais neutre. La structuration d’un
titre de presse est le reflet d’une synthèse entre les choix de la rédaction et les
attentes supposées des lecteurs. En décidant d’un titre, d’un emplacement des
articles, d’un régime d’écriture (l’analyse, la critique, le fait apparemment brut),
un titre de presse propose sa vision de l’actualité. Il arrête la marche du monde
pour en proposer une mise en ordre spécifique et se saisit du « réel » pour en
donner une représentation qu’il offre en partage à ses lecteurs1. Autrement dit,
à travers son dispositif, le journal donne un cadre de lecture vecteur de sens.
Néanmoins, même s’il prépare, oriente, prédétermine l’acte de lecture, le dis-
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positif n’est pas seulement contraint. Certes, le regard du lecteur est guidé mais
il peut aussi prendre les « chemins de traverse » qu’implique la lecture tabulaire
(comme pour un « tableau ») de la page : lire d’abord le courrier des lecteurs
plutôt que l’éditorial, s’arrêter sur les dessins humoristiques plutôt que sur des
cartes géographiques, apprécier un article approfondi plutôt qu’une collection
de brèves… Toute lecture est active. Ainsi, en tant que cadre formel et concep-
tuel, le dispositif de la presse permet la rencontre entre les deux partenaires
de la communication. À travers lui, une relation s’instaure, conférant à chacun
une place précise : par exemple, celle du journal qui s’affiche en pédagogue ;
celle du lecteur qui se pose en interlocuteur curieux et vivace. Les membres qui
officient dans le média écrit, comme les journalistes, se situent également dans
cette relation. Aussi, leur activité est-elle définie en fonction de la perception
qu’ils ont de leur titre, de leur rôle et de leur public. Le dispositif est un cadre
commun et relationnel.
S’agissant de l’écrit, la particularité est que cette rencontre se fait à distance, dans
un temps et un lieu distincts. Il n’y a pas de simultanéité entre la diffusion et la
lecture du journal. L’absence de contact « physique » entre l’instance d’émission
et l’instance de réception est même considérée comme la force de l’écrit. Le dis-
positif de la presse écrite suppose de la part du lecteur une capacité à l’analyse,
à la critique, au raisonnement dotant ainsi tout ce qui est du domaine du lisible
d’un certain degré d’intelligibilité, contrairement au dispositif audiovisuel.
1 M. Mouillaud, J.-F. Têtu, Le Journal quotidien, PUL, Lyon, 1989, n° 21, pp. 64-65.
40
Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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S Un studio RTL, dans les nouveaux locaux à Neuilly-sur-Seine (la radio ayant
déménagé fin 2017 de son site historique rue Bayard qu’elle occupait depuis
cinquante ans). © Photo Serge Surpin
41
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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et ainsi amorcé le phénomène de starisation dans le domaine musical.
Le dispositif radiophonique n’exige pas de l’auditeur une totale disponibilité.
Si à ses débuts la radio faisait plutôt l’objet d’une écoute attentive en famille, en
raison de la taille et de l’emplacement du poste de radio mais aussi de l’absence
du média télévisé, très vite, la miniaturisation a permis une écoute individuelle
et mobile. La radio est devenue un média d’accompagnement que l’on peut
pratiquer tout en faisant autre chose : conduire, cuisiner, travailler…
Le développement des appareils mobiles et notamment l’écoute à partir du
téléphone portable ne font qu’accentuer cette dimension. L’auditeur ne dispose
que d’un fil sonore comme lien avec la situation de production à laquelle il doit
faire confiance, sans autres éléments disponibles de vérification. Ainsi, une des
dimensions du dispositif radiophonique est sa capacité à produire des effets de réel.
Exemple 1
La Guerre des Mondes, un effet de réel qui a marqué l’histoire de la radio
L’œuvre littéraire de H. G. Wells qui
a fait l’objet d’une dramatique radio
écrite, lue par Orson Welles et interpré-
tée par la troupe du Mercury Theatre,
est un exemple emblématique de ce
phénomène. La mémoire collective a
retenu que la diffusion d’un épisode,
le 30 octobre 1938, aurait provoqué
une vague de panique chez les nom-
breux auditeurs qui, entendant le (faux)
S Orson Welles au micro du réseau CBS bulletin d’information annonçant une
invasion extraterrestre, auraient fui
dans la précipitation. Même si la véracité et l’ampleur des faits sont discutées, il s’agit
néanmoins d’un exemple parlant de la manière dont le dispositif radiophonique joue
avec les cadres d’interprétation en passant d’un cadre fictionnel à un cadre réel.
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Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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S Vue générale du plateau de l’émission On n’est pas couché (France 2) à Paris
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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unité laissant facilement entrevoir son organisation, autant le téléspectateur dé-
couvre un programme nouveau au fur et à mesure de sa diffusion. Même si cette
opération de classification existe nécessairement pour les faiseurs d’émissions,
elle n’est pas accessible d’emblée pour le téléspectateur dont la réception n’est
rythmée et balisée par aucun titre, aucune rubrique, à l’exception des journaux
et magazines d’information.
Pour autant, le dispositif télévisuel est lui aussi fait de choix formels routinisés
parfaitement identifiables par le téléspectateur fidèle qui reconnaît instantané-
ment le décor de l’émission, ses protagonistes et même son organisation générale :
■■ constituant la séquence inaugurale, le générique situe immédiatement le genre
de l’émission qui peut être à caractère informatif ou divertissant, de nature
sportive ou culturelle… La présence d’une musique légère ou grave, d’images
abstraites ou figuratives, du titre de l’émission définit un univers, en donne le
ton et la portée tout en éveillant la curiosité du public ;
■■ le générique est, en principe, suivi par une séquence d’ouverture qui cerne les
intentions de l’émission. Le téléspectateur ne doit plus avoir de doute quant
à sa thématique, sa finalité, l’identité de ses participants. Ces éléments de
clarification sont généralement donnés par le présentateur qui joue un rôle
pivot puisque c’est à travers lui que se déploie la mise en scène de l’émission.
Qu’il s’agisse d’un jeu ou d’un journal télévisé, d’un magazine d’information
ou d’un bulletin météo, le présentateur distribue la parole, lance les repor-
tages, se charge des transitions, souligne parfois avec emphase auprès du
téléspectateur complice un passage croustillant ;
■■ le cœur de l’émission est ensuite constitué d’un continuum de sous-séquences
variant d’un programme à l’autre mais dont l’animateur reste le fil conducteur ;
■■ la clôture consiste à prendre congé et à donner rendez-vous. C’est un « à
suivre » qui cherche à conserver le public jusqu’à la prochaine fois ;
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Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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■■ Dans le spectacle sportif, le plateau s’efface au profit du terrain de jeu qui laisse
découvrir une suite d’actions magnifiées insistant sur les prouesses techniques
des joueurs, le visage fermé des entraîneurs, la joie des supporters… Le tout
étant ponctué par les expertises des commentateurs peu visibles à l’écran et
pourtant omniprésents, des statistiques de performance en sur-incrustation,
les messages publicitaires diffusés à la mi-temps…
L’adoption d’éléments de mise en scène communs renvoie avant tout aux bords
matériels de l’écran sur lequel apparaît l’image animée. Aussi, le dispositif té-
lévisuel se définit-il notamment par un cadrage, une profondeur de champ, une
échelle de plans, un point de vue dont l’emploi fabrique chaque séquence en
même temps qu’il lui donne sens.
Exemple 2
– Une retransmission sportive filmée en plan d’ensemble renverra au jeu collectif et
aux choix tactiques alors que la même retransmission en plans rapprochés montrant
les joueurs mâchoires serrées évoquera l’exploit individuel de ceux qui sont désormais
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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partenaires de l’échange soit égalitaire car celui qui s’exprime à l’écran, tantôt
porte-parole et dénonciateur, tantôt pédagogue et arbitre, sera toujours celui
qui délivre des connaissances à un téléspectateur qui découvre, s’émerveille ou
s’émeut grâce à lui. Néanmoins, l’illusion d’un temps et d’un espace partagés
actualise la relation, ce que renforce d’ailleurs le direct. À la télévision, le visible
se présente sans délai, dans l’instant, en s’affranchissant des contraintes maté-
rielles et, souvent aussi, des précautions intellectuelles nécessaires à la mise en
perspective d’une situation politique ou d’une conjoncture économique. Le flot
incessant des images à la télévision se caractérise davantage par le spectacle, le
drame, l’intime et la polémique que par l’analyse et le débat.
2 Dispositifs et évolutions
des pratiques d’information
Les dispositifs médiatiques agissent comme des régulateurs entre l’instance
médiatique et les publics, ils constituent des configurations qui s’appuient sur des
caractéristiques techniques et discursives. Le pluriel est de mise car il existe autant
de dispositifs qu’il y a de médias, chacun proposant à son public un « contrat »,
des modalités singulières d’accéder au sens et d’interagir.
Définition 1
Le contrat de lecture désigne la relation spécifique qui se noue entre un
support médiatique et son public. Cette notion a été forgée par Eliséo
Veron à partir de travaux menés sur la presse féminine française dans les
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Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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de lecture peut aussi apparaître sous des termes voisins s’inspirant plus
ou moins des mêmes fondements théoriques : s’agissant de l’audiovisuel,
François Jost proposera la notion de promesse (1997) alors que Patrick
Charaudeau insistera sur celle de contrat de communication (1997).
D’autres auteurs privilégient le terme de pacte dans la filiation des travaux
de Philippe Lejeune (1996).
généralistes ;
– le flux des contenus radiophoniques était écouté à domicile et se poursuivait
tout au plus en voiture.
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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Le dispositif du Web ne fait pas disparaître les précédents dispositifs médiatiques
mais les assimile, les absorbe et les renouvelle. Cette imbrication des dispositifs
que permet Internet a bien sûr de profondes répercussions.
■■ Pour les publics : les habitudes de lecture, d’écoute et de visionnage des mé-
dias sont redéfinies, invitant à prendre la pleine mesure des transformations
culturelles à l’œuvre dans nos sociétés.
■■ Pour les professionnels des médias : les pratiques professionnelles doivent
s’adapter. Qu’ils travaillent dans une publication de presse, une radio ou
une chaîne de télévision, ces professionnels doivent désormais maîtriser des
savoir-faire qui ne sont plus liés aux spécialisations traditionnelles : aujourd’hui,
écrire dans un quotidien implique aussi d’alimenter un site web et de réaliser
des contenus vidéo ayant nécessité, au préalable, l’installation d’un studio
permettant le cas échéant de diffuser des émissions en partenariat avec des
chaînes toute info, par exemple.
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Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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apparu à la fin du XIX e siècle, puis de la télévision des années 1950 et de l’ordi-
nateur accessible au grand public depuis les années 1980. Aujourd’hui, l’écran
est aussi celui d’un téléphone mobile, d’une tablette ou d’une console de jeux,
illustrant l’évolution d’un support, initialement large et collectif, devenu minia-
ture et individuel.
Qui dit écran dit surface, champ, cadre, plan… Ces termes liés au dispositif té-
lévisuel (mais aussi photographique et cinématographique) valent aussi pour le
Web. Par exemple, au cadre matériel constitué par les bords de l’écran, s’ajoutent
le cadre du navigateur utilisé, celui parfois du site consulté, ainsi que ceux qui
définissent les zones de contenus, comme c’est le cas dans la presse. De ce point
de vue, la composition d’une page web emprunte clairement les principes d’orga-
nisation du média écrit. Il suffit de comparer le « zoning » d’une page web et la
maquette d’un journal pour constater que le web appartient à l’univers du lisible.
Le dispositif Web présente aussi des éléments propres aux interfaces graphiques
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
Les « signes passeurs » (Jeanneret et Souchier 1) qui incarnent cette lecture agie
possèdent certes une dimension fonctionnelle (celle du lien) mais aussi symbolique
puisqu’à l’initiative d’effets de sens inédits. Ils donnent par exemple accès à un
entrelacs de textes ou à l’itinéraire mémorisé d’une recherche qui s’avèrent aussi
originaux que signifiants. Leur particularité est qu’ils sont lus en même temps
qu’ils permettent de lire, à l’image du dispositif Web tout entier que l’usager
découvre au fur et à mesure de sa navigation.
Le dispositif du Web évolue néanmoins dans les limites de ce que permettent
de faire les programmes utilisés par les concepteurs de site. Que ceux-ci
utilisent un éditeur de code maniant les langages informatiques du HTML
et du CSS ou des systèmes de gestion de contenu comme les CMS (content
management system), ils définissent un format de site au sein duquel tout ne
peut pas se produire.
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Comme tout dispositif, celui du Web prescrit des usages et rassemble les interlocu-
teurs autant qu’il les tient à distance. Même sur le Web, la relation qui se construit
entre les deux pôles de la communication est loin d’être symétrique. Ainsi, le
dispositif Web reprend et renouvelle les dispositifs des médias traditionnels. Il
s’inspire autant qu’il réinvente les univers du lisible, de l’audible et du visible.
Mais sa singularité ne se limite pas à ce trait pourtant considérable. Elle réside
aussi dans le fait que le Web correspond à un dispositif de communication à la
fois configuré et configurant, c’est-à-dire produit par une ingénierie organisant
les conditions de l’échange et construisant une lecture en actes. Tout dispositif
est à la fois un format et un formant, mais le Web pousse encore plus loin cette
logique en se présentant comme un espace pratiqué.
Depuis les années 2010, on peut constater par exemple une évolution notoire
dans les sites web qui pratiquent désormais le design adaptatif : ils sont conçus
désormais pour s’adapter à toutes les tailles d’écran, notamment ceux des smart-
phones qui constituent une grande partie des consultations. Ainsi les modalités
de consultation des informations impactent la conception des sites web.
1 Ibidem.
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Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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2.3 Du Web aux plateformes numériques :
des dispositifs imbriqués
L’évolution des dispositifs médiatiques avec le Web n’est pas la seule évolution
impulsée par l’apparition de l’Internet grand public au milieu des années 1990.
En effet, l’émergence de nouveaux acteurs spécialisés dans l’équipement infor-
matique, l’industrie des logiciels et des systèmes d’exploitation ou le réseautage
social notamment, constitue un phénomène notable tant elle a modifié les
pratiques informationnelles et culturelles. Aujourd’hui, l’accès aux contenus en
ligne passe nécessairement par ces géants du numérique, souvent réunis sous
l’acronyme GAFAM 1 et qualifiés d’infomédiaires.
Définition 2
Initialement, l’infomédiation renvoie aux techniques de recherche assistée
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1 Cet acronyme emprunte la première lettre de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
2 G. Guibert, F. Rebillard, F. Rochelandet, Médias, culture et numérique. Approches socioéconomiques,
Paris, Armand Colin, « Cursus », 2016.
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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une parfaite boîte noire ;
– Sociale : apparue avec l’essor du Web dit « participatif », cette activité est prise
en charge par les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) qui assurent, là encore
grâce à la programmation informatique mais aussi la curation humaine3, la
publication et le partage de contenus écrits et audiovisuels sur les pages des
« fans », « suiveurs » ou « amis » (voir chapitre suivant) ;
– Applicationnelle : le développement d’applications est devenu central au fur et
à mesure que de nouveaux appareils mobiles, et en particulier le smartphone
équipé des systèmes d’exploitation Android et iOS, se sont imposés dans les
usages au début des années 2010.
À travers ces trois modalités d’infomédiation, les firmes du numérique imposent
leur propre logique aux acteurs traditionnels de l’information et de la culture.
Leur position de force rend plus ou moins visibles les contenus conçus par les
éditeurs avec lesquels ils entretiennent une relation d’« associés-rivaux »4 , ca-
ractérisée à la fois par une dépendance et une concurrence accrues en matière
économique notamment (un moteur de recherche ou un acteur de réseau social
a recours au même financement publicitaire qu’un média).
Dans un contexte de hausse de la consultation de l’information sur les téléphones
mobiles, les grands acteurs du numérique ont lancé des services spécifiques
consacrés à l’actualité sur smartphone (Snapchat discover, Facebook Instant
52
Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
Articles, Apple News…). Parmi eux, les réseaux sociaux tendent à devenir cen-
traux tant ils sont parvenus à associer la diffusion de l’information aux logiques
de sociabilité connectée. De ce point de vue, le réseau social apparaît comme
un « infomédiaire intégral » en se présentant à la fois comme :
– un espace de médiation reposant sur la mise en relation entre usagers, ri-
valisant avec la mission sociale exercée traditionnellement par les médias
(infomédiation sociale) ;
– un filtre sélectionnant, à travers les pratiques de conversation et d’échange,
les médias à consulter (infomédiation algorithmique) ;
– un passage obligé pour tout média souhaitant être présent sur des terminaux
dont l’usage dépend des applications qui y sont implantés (infomédiation
applicationnelle).
Dès lors, la logique imposée par ces réseaux sociaux oblige les médias à concevoir
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leur offre en fonction du dispositif technologique et symbolique de ces acteurs,
qu’incarne aujourd’hui le modèle de la plateforme numérique.
Définition 3
Selon la définition du Conseil national du numérique, une plateforme
numérique « est un service occupant une fonction d’intermédiaire dans
l’accès aux informations, contenus, services ou biens édités ou fournis
par des tiers1 ». Une plateforme se définit ainsi par le fait qu’elle assure
une activité d’intermédiation par le biais d’un dispositif technique tout en
permettant, assurant et maîtrisant la rencontre entre des producteurs de
contenus et des usagers/consommateurs finaux. De fait, elle ne produit
généralement aucun contenu.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1 Conseil national du numérique, Ambition numérique, Rapport remis au Premier Ministre, juin 2015,
p. 395.
53
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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médiatique sommes-nous en train de pra-
tiquer ? La prégnance du réseau social
dans la manière dont nous consultons cette
information est manifeste car c’est lui qui
décide des modalités de mise en visibilité :
le moment qui fait apparaître cet article
S La capture d’écran d’un smartphone dans notre fil ; ainsi que des possibilités
depuis l’application Snapchat, 15 janvier d’interagir à partir d’une publication :
2020. Facebook définit les modalités de partage,
de commentaires et de like autour d’une
publication.
Certains auteurs parlent de dilution éditoriale1 ou d’effacement énonciatif 2 pour
qualifier les enjeux des stratégies éditoriales impliquées par cette imbrication
entre les dispositifs des médias et des plateformes. Cette imbrication est certes
éditoriale mais elle est également technique, organisationnelle et économique, et
traduit des rapports de force entre ces acteurs du numérique et de l’information.
La question que l’on peut légitimement poser alors est : qui est le média ? En effet,
les plateformes comme YouTube ou Snapchat imposent les formats, maîtrisent les
modalités de diffusion des contenus, mais aussi les modalités de consultation et
d’interaction. Ce sont eux qui permettent et construisent la rencontre entre des
usagers et une information. Si l’on considère que le dispositif de chaque média
organise l’espace et le temps de l’information (mise en forme et modalités de
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Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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55
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
¼¼Les médias ont d’abord une définition historique liée à la masse de leur
public ; on parle de « médias de masse » (ou mass media) : il s’agit principa-
lement de la presse, de la radio et de la télévision.
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des modèles économiques et éditoriaux variés : présence gratuite ou payante
en ligne, complémentarité des supports (textes, vidéos, extraits sonores,
etc.) ou repli sur un support dominant (comme le support graphique dans
le cas des « mooks »).
56
Chapitre 2 Diversité et complexité des dispositifs médiatiques
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a. Jacques Derrida. aux informations pour les internautes.
b. Michel Foucault. b. la représentation par une icône des différents médias
c. Bernard-Henri Lévy. sociaux.
2 Qu’est-ce qu’un mook ?
a. Un objet d’édition hybride.
b. Un cours accessible en ligne.
57
Chapitre 3
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S Les médias s’installent sur les réseaux S Un journaliste assure la promotion et
fréquentés par leurs publics : Teen Vogue s’installe l’animation d’un collectif de journalistes travaillant
ainsi sur la plateforme TikTok prisée par les à vérifier les informations douteuses pendant la
adolescents dès 2019. pandémie de Covid19 sur un serveur Discord.
L
es médias ne se contentent plus de fournir Plus généralement, les applications et les plate-
tout ou partie de leurs articles en ligne sur formes configurent des lieux de mise en visibilité
leur propre site web. Ils s’inscrivent dans des informations et des gestes journalistiques liés
l’écosystème plus large des outils « sociaux » de la à la production d’articles, de reportages et de leurs
communication numérique. Ainsi que le montrent échanges de pensées : diffuser, veiller et choisir,
les deux captures d’écran ci-dessus, les articles relayer et commenter. Les plateformes encadrent
deviennent des contenus que reconditionnent et définissent des liens recomposés entre les
les pratiques des journalistes : pratiques à la fois publics et les journalistes, mais également entre
collectives (au nom du journal : capture d’écran 1) les médias et les annonceurs, en se posant en
et individuelles (le journaliste se fait médiateur : intermédiaires incontournables des nouvelles
capture d’écran 2). circulations des productions médiatiques. De nou-
velles relations s’installent actuellement entre les
journalistes et les réseaux sociaux.
Les journalistes et
les médias face aux
réseaux sociaux
Plan
1 Les genres journalistiques, avant et après les réseaux sociaux . . . . 62
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2 La production et la consommation des contenus au quotidien
sur les réseaux sociaux, une atomisation
des contenus d’information . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
3 La relation entre profils individuels des journalistes et l’identité
collective du média . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
Objectifs
¼¼Questionner la fonction traditionnelle des journalistes
¼¼Mesurer la place que les réseaux sociaux tiennent dans la production
et la mise en circulation de l’information
¼¼Comprendre les effets de ce phénomène sur le débat au sein de l’espace
public
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
Entre 2009 et 2010, les journalistes français, comme leurs homologues interna-
tionaux, ont commencé à utiliser les plateformes des réseaux sociaux, à travers
notamment Twitter et Facebook, pour produire et faire circuler des informa-
tions. Dix ans plus tard, dans les médias et dans les écrits des journalistes, ces
outils sont présents partout et régulièrement utilisés. Cependant, au début des
années 2020, cette pratique se déroule avec beaucoup plus de distance et selon
une logique professionnelle consistant principalement à relayer des articles ou à
trouver des sources : une source est une personne, une institution, un organisme
qui va parler aux journalistes pour qu’ils établissent des faits.
En quelques années, après l’euphorie et l’espoir que ces outils ou plateformes
permettent de retendre la confiance entre les professionnels de l’information
et les publics par une supposée activité de « conversation », c’est la méfiance et
la prudence qui prévalent. Les « fausses nouvelles » (expression mobilisée pour
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désigner les pratiques de manipulation et de désinformation), les « trolls » (ceux
qui, sur un réseau social, viennent « pourrir » les échanges par des invectives ou
des discours virulents présents dans les messages) et les commentaires haineux
ont endommagé l’image positive des débuts des plateformes.
Définition 1
Les fausses informations, nombreuses dans le contexte d’élections et
de polémiques, aussi appelées « infox » en France, sont soit des données
volontairement mensongères ou des histoires imprécises venant rendre
flou le déroulement des événements aux yeux des publics.
Malgré ces dérives des contenus et des formes acceptées de débats réglés par des
normes de respect des individus, en vingt ans, les marques telles que Facebook,
Twitter, Instagram, Snapchat ou TikTok ont tout de même trouvé une place
dans l’univers de l’information et de la communication, marqué désormais par
la présence de la prescription des algorithmes.
FOCUS
L’importance des algorithmes
dans la prescription de l’information
L’analyse d’un expert des cultures numériques, Tristan Mendès France,
maître de conférences associé, université Paris-Diderot.
« Les algorithmes ont envahi le Web. La majorité de ce que l’on consomme en ligne aujourd’hui a été
travaillée de près ou de loin par les algorithmes. Que ce soient les sites marchands, les plateformes
60
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
sociales, culturelles ou nos moteurs de recherches, ils ordonnent puis suggèrent ce qui est présenté à
l’internaute. Le cas le plus flagrant est celui de YouTube et ses 1,5 milliards d’utilisateurs. On estime
que 70 % du milliard d’heures de vidéos visionnées quotidiennement, sont le résultat d’une recomman-
dation algorithmique.
Prescripteurs, ces algorithmes façonnent de plus en plus le paysage informationnel de ce que les gens
regardent et prescrivent ensuite à leur tour. Avec son lot de dérives inquiétantes comme notamment
la propagation de contenus toxiques comme les « infox », ces fausses informations qui polluent le
paysage médiatique. Le problème de fond réside dans le fait que ces algorithmes sont aveugles à la
qualité du contenu qu’ils mettent en avant. La seule logique qui leur est sous-jacente est commerciale.
L’objectif est de présenter du contenu dit « engageant » (qui sollicite l’attention et engendre une action
soit de prescription ou d’achat) qui gardera l’internaute le plus longtemps en ligne afin de l’exposer à
un maximum de publicités. »
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Elles se sont institutionnalisées et permettent à des médias de continuer
de se faire connaître et de prolonger leurs contrats d’audience et de lecture
auprès de nouveaux publics, parfois plus jeunes, qui en 2020 passent parfois
quotidiennement onze heures à consulter des données de toute nature sur
des écrans !
Ces marques se sont banalisées par l’institutionnalisation des formes minima-
listes du récit qu’elles imposent aux rédactions et aux journalistes. Ces derniers
tentent en retour de se les approprier en proposant des informations mises en
forme selon les gabarits imposées par les plateformes. Le format majeur est
celui de la « story ».
Définition 2
Une « story » est une petite histoire composée de plusieurs plans se tradui-
sant sous la forme d’une image constituée de textes, de dessins accumulés
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Dans ce contexte, les genres journalistiques, garants d’une relation établie entre
un média et ses publics et stables dans le temps, sont donc à nouveau question-
nés. Schéma de progression des contenus d’un média, anticipé par la rédaction,
par lequel le lecteur ou un auditeur passera le chemin de fer est remplacé par
la conception de « cheminement » à travers un ensemble de supports possibles,
intégrant désormais.
Quelles places sont alors possibles pour le portrait, l’interview, le reportage, la
brève, le direct, l’enquête lorsque la consultation enchaînée d’un post (petite unité
d’information), d’un « live » (flux en direct de contenus), d’un snap (photographie
61
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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1.1 Contextes
Dans ce contexte de montée en puissance de ces petites unités sous formes de
« petits articles » ou de « papiers brefs » prescrits par les plateformes, l’enquête
journalistique continue pourtant de se situer au cœur de la pratique en évoluant
dans ses processus et dans ses mises en forme, tout en étant relayée sur les
réseaux sociaux.
Paradoxalement, des formats traditionnels plus longs, comme ceux du livre,
retrouvent auprès des journalistes une grande attractivité pour rendre compte
d’une enquête, dans une période d’accélération des supports numériques afin
de produire et de faire circuler les informations.
Parfois, les journalistes associent les deux types de pratiques et de formats pour
valoriser leurs enquêtes. Le journaliste David Dufresne a ainsi pu documenter
les violences policières répertoriées par un travail de sollicitation des publics
assistant au cours de l’année 2019 à des situations de confrontations lors des
manifestations des Gilets jaunes avec le hashtag #alloplacebeauvau. Ces tweets
successifs présents sur le profil du journaliste, marqués par ce mot-clé, ont mis
en évidence le nombre élevé de coups et blessures graves sur des personnes
poursuivies ou interpellées par les forces de l’ordre en France ; le journaliste
a ensuite condensé cette enquête en un récit paru en 2020 et intitulé Dernière
sommation. Dans le livre, son double de fiction relate les conditions de cette
enquête réalisée par le moyen des tweets et des images reçues avec des sources
sur le terrain-même des manifestations.
Les entreprises de médias, toujours fragiles économiquement, encouragent
ces productions complémentaires au travail de leurs journalistes. Les articles
62
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
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domaine sémantique que ceux proposés par les articles proposés sur ces sites et
à faire s’afficher, avec ces mots-clés identiques, des contenus alternatifs. Le site
français Stop hate money suit cette logique éditoriale. Celle-ci vient s’appuyer
sur la lecture critique du travail de militants, imitant eux-mêmes les pratiques
journalistiques. Le modèle de l’article et de l’argumentation médiatique reste
fort, même s’il est concurrencé de toutes parts.
tous les supports existants dans le contexte numérique peut être visuelle ou
textuelle, en mobilisant des images (fixes ou animées, photos ou vidéos) ou des
mots. L’écriture peut aussi articuler ces deux types de codes distincts qui en
forment alors un troisième, rendant insécables les rapports entre la partie texte
et la partie image d’un message informationnel. Les journalistes « écrivent », en
ce sens qu’ils établissent le montage entre les différents éléments donnés à lire
ou à voir. Parfois il s’agit de texte, d’un lien hypertexte à ajouter, d’une image à
ajouter, ou bien encore d’un flux de direct à animer.
63
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
voire de réapparition. L’unité article composée d’un titre, avec une longueur
définie et accompagné d’illustrations, dans cette histoire longue de la presse
moderne née à la fin du XIX e siècle, est le fruit d’une triple évolution qui se fige
progressivement pour ensuite évoluer de nouveau jusqu’à nos jours. Un article
aujourd’hui peut aussi bien contenir quelques milliers de signes ou peut devenir
un reportage long avec plusieurs types de formes qui s’enchâssent. S’entrecroisent,
dans les façons de concevoir les genres dans les rédactions, les influences des
formats, des habitudes d’écriture et des manières de recevoir l’information.
Aujourd’hui, reprendre un tweet dans un article, comme matière à citer ou comme
illustration est acceptable et peut même devenir la source d’une enquête longue
d’une équipe entière de journalistes expérimentés, comme dans cette enquête
du New York Times autour des 11 000 tweets du président américain Trump sur
une période de deux années à partir de 2017.
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Les réseaux sociaux constituent donc un nouvel exemple de cette triple influence
des formes, des processus professionnels et des usages de l’information par les
publics dans l’élaboration de contenus journalistiques. Les pratiques journalis-
tiques sont cadrées par ces contextes éditoriaux mouvants. Ainsi, nous allons
décrire, dans la partie suivante, comment les journalistes et les médias font face
à ce processus d’évolution progressive des manières de structurer l’information.
Nous verrons notamment combien elles sont marquées par une forte « atomisa-
tion » des unités, dans un contexte de constantes mutations des techniques, des
supports et des pratiques de consultation des informations. L’histoire récente
du journal Le Monde et des pratiques de travail de ses journalistes est à ce titre
exemplaire.
64
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
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appelée éditorialisation pour le Web. À cette période,
l’équipement majeur est l’ordinateur personnel, avec
un écran horizontal : les sites de presse suivent alors
la logique imposée par cette disposition particulière.
Les équipes des journalistes ne sont pas dédiées aux
éditions numériques. Quelques personnes sélectionnent
des articles et les transfèrent sur des serveurs dédiés.
La mise en forme est minimale, le journal s’inspire
S Illustration tirée de l’édition du journal
alors de la forme générale des sites web. Le Monde pour la plateforme Snapchat
2 La production et la consommation
des contenus au quotidien sur les
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65
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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d’en nourrir la cadence.
Une exception notable à cette nouvelle logique de la construction du sens est à
trouver dans les versions au format PDF des journaux livrées par abonnement
numérique sur des sites ou des applications « kiosques » : le journal se numérise
entièrement et se donne à voir dans sa forme originelle, la consultation est donc
une sorte de glissade entre les différentes pages. Elle reprend parfois la métaphore
du feuilletage. Dans cette seconde logique, les journalistes n’interviennent plus, la
forme du média auquel ils contribuent leur échappe et est confiée à des program-
mateurs et des designers, chargés de l’aspect final du média et de l’information.
Dans la plupart des cas, les éditeurs de presse vont faire le choix d’adapter leurs
sites aux évolutions des équipements et des pratiques de lecture. Comme les écrans
des mobiles grandissent, certaines pièces du puzzle informationnel constitué
par un site deviennent progressivement indépendantes de cette mosaïque de
formats et de liens hypertextes. Ainsi, avec le développement de la téléphonie
mobile, et à partir des années 2015, les applications dessinent soit une spécialité
thématique soit une fonction, comme marquer un tempo d’information, celui du
matin ou de la seconde partie de journée. Il devient alors impossible de saisir
toute la production du média en une seule lecture.
Reprenons l’exemple du journal Le Monde.
66
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
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Cette stratégie semble être payante puisque trois ans plus tard, l’un des direc-
teurs du journal se félicite de la progression globale des audiences de la marque
appartenant à un groupe lui-même possédé par deux actionnaires principaux.
Au-delà de l’imaginaire d’une marque globale d’un média, il s’agit aussi de
faire vivre une entreprise recherchant un équilibre financier, en mobilisant tous
les corps de métiers, dont les journalistes qui ne sont plus nécessairement les
décideurs principaux de l’organisation médiatique.
Le groupe suit le développement des formats portés par les plateformes pour
s’adapter aux évolutions des pratiques et des usages de l’information en ligne.
Parmi ces formats, celui du « direct » connaît un développement fort depuis
2015. À cette époque, des applications permettent de faciliter le streaming
(flux d’information diffusé en direct), sans difficulté de connexion et avec
fluidité. Dans ce cadre, les journalistes utilisent d’abord des applications telles
que Périscope, application rachetée par la plateforme Twitter en 2016. Cette
plateforme va l’intégrer dans les outils directement disponibles pour écrire
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une information.
67
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
La plateforme Instagram exige elle aussi des adaptations de la part des usagers
médiatiques ou non : elle reprend comme celles de Twitter et de Facebook
cette symbolique simplificatrice de l’amour inconditionnel porté à des bribes
d’informations. Cependant, elle dessine aussi une partition à part, puisqu’elle
se spécialise sur l’amour partagé de l’image, fixe ou animée.
FOCUS
Instagram : analyse d’un outil
potentiellement journalistique
Pour se distinguer, cette plateforme a choisi pour logo un objectif
stylisé d’un appareil photo, qui semble aussi pouvoir être interprété
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comme un bouton de démarrage d’un appareil technologique. Encore
une fois, la vie en réseaux dépend de cet effet d’engagement et de
cliquage par l’engrenage symbolique, porté par une focalisation sur
un signe unique. Ce symbole incarne une partie d’un système numé-
rique global de mobilisation de chacun et de chacune dans le flux de
son quotidien, qu’il pourra retrouver également disséminé sur chacun
des écrans de sa consommation d’information. Le journal Le Monde
n’échappe pas, comme tous les types d’entreprise médiatique à cette
logique particulière, puisque qu’il est aussi possible de découvrir
certains articles en ligne, via la photographie qui l’illustre, légendée Photographie © V. Jeanne-Perrier
à la manière d’une longue suite de mots indexés, comme on les trouve
sous les photos ordinaires des usagers non-journalistes.
68
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
via ses journalistes sélectionnant les éléments et les invités animant de tels
« directs ». La maîtrise du cadre de la page reste donc du côté du journal, ayant,
dans le même temps, développé des formats dédiés autour de l’application
Snapchat, application de messagerie sous forme de petites histoires animées.
E N P R AT I Q U E
La « Matinale » du Monde
Le journal Le Monde choisit à ce moment précis de l’année 2017 de prolonger son site initial avec
plusieurs temporalités, correspondant à différentes éditions numériques dédiées à la consultation sur
les téléphones mobiles. Ainsi, La Matinale du Monde est publiée le matin, elle reprend la hiérarchie
des rubriques principales du site. Là encore, et comme sur le site, les titres accrocheurs jouent le rôle
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de signalement des articles présents et sélectionnés pour l’application, gérée en même temps que le
site par une équipe éditoriale dédiée, qui en décide les notifications spéciales s’affichant sur les télé-
phones des abonnés. La notification est une apparition d’un morceau d’information, dont l’accroche
est spécifiquement écrite pour l’écran du mobile. La Matinale, en tant qu’application, n’est pas la seule
« extension » du site du journal car elle est suivie, dans la scansion du rythme de l’information dans la
journée par les contenus du journal collectés pour l’application Snapchat et ensuite diffusés dans le
courant de l’après-midi.
Pour cette édition spécifique, une équipe éditoriale dédiée est formée, avec un rédacteur-en-chef qui
assiste à la conférence de rédaction générale du journal et va ensuite choisir avec son équipe et en accord
avec le directeur de la publication, de dérouler une seule « histoire » majeure, traitée en profondeur
par l’équipe. Le traitement éditorial se présente sous la forme d’une série de cartes animées, avec
du son et des interactions courtes. La consultation de l’information est alors celle d’une information
principale, traitée à la manière du Monde, comme une sorte de « chef d’œuvre quotidien ». Cette
transformation du traitement journalistique de l’information est majeure car le journal ne se présente
plus comme une vision totale d’une journée d’actualité passée au filtre d’une équipe collective, mais
plutôt comme un regard sélectif sur une seule information. Elle devient une forme narrative, plutôt
amusante et souvent traitée de manière décalée, à la manière des « strips » de la presse américaine.
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Dans l’information, un sujet devient central, comme un « héros ». Le récit va suivre un déroulement
linéaire, dans lequel l’information est la résolution d’une intrigue principale autour du héros sélec-
tionné pour l’édition du jour. L’enquête, genre central dans la pratique journalistique, se réduit alors
à son expression la plus simple.
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Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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S Ces deux captures d’écran traduisent le montage séquencé autour d’une seule
« story » postée le 11 mars 2020 dans l’entrée Discover de Snapchat pour le journal
Le Monde.
Tous ces titres et entreprises s’intéressent alors aux objets numériques poten-
tiellement supports de leurs contenus. Ils se tournent alors non plus vers des
développeurs d’outils numériques comme des applications mais vers l’entreprise
Google. Cette entreprise déploie à partir de 2017 un outil à interface vocale, le
Google home. Le boîtier, sans écran, est censé faciliter la consommation dans
les foyers, par un outil connecté et guidé par la voix des usagers ordonnant des
« demandes » exécutées par l’outil disposé au centre des foyers. Le Monde ne
communique pas sur un tel projet ; certains médias hésitent à déployer leurs
contenus sur un support encore peu mobilisé par les publics.
Il est pourtant déjà présent pour un autre quotidien, dédié à l’information éco-
nomique, Les Échos. Le flux de l’information est donc guidé, dans ce cas et pour
ce second journal, par le flux de la voix. Elle devient ainsi la nouvelle interface
de commande et de recommandation des contenus. Les données d’usage sont à
nouveau au cœur de la stratégie de déploiement de ces outils : nos commandes
70
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
d’articles par la voix sont analysées et remontées vers les rédactions qui peuvent
ainsi essayer de formaliser un contenu plus adapté aux attentes des consommateurs.
Les interfaces sont donc à la fois des outils de proposition et des outils d’analyse
de nos pratiques sociales en ligne. Les journalistes, dans ce cadre, deviennent des
« storyboaders » : ils écrivent des scénarios d’usage de l’information qu’ils condensent.
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sents sur la plateforme Twitter, avec de nombreux comptes, liés à des rubriques,
ou à des comptes de journalistes. Les comptes dédiés sont animés par les chefs
de services et des journalistes spécialistes, pendant que les comptes person-
nels sont directement nourris par les prises de parole écrites des journalistes
eux-mêmes. Après une phase d’essais, les journalistes ont rapidement adopté
l’usage du tweet comme modèle de discours sur leurs pratiques et à propos des
médias pour lesquels ils travaillent ; l’outil est devenu un moyen de valorisation
des contenus d’information. Certains journalistes sont plutôt bavards sur cette
plateforme, pendant que d’autres modèrent leurs usages, en se concentrant sur
une logique de veille thématique liée à leurs domaines d’expertise.
Ainsi, certains journalistes maintiennent une activité de veille autour des thé-
matiques dont ils ont la charge pour le journal. On peut aussi prendre l’exemple
du compte du Décodex du Monde, animé régulièrement par plusieurs rédacteurs
s’étant spécialisés sur la valorisation de la vérification de l’information. Sur cet
espace particulier, ils soulignent toutes les étapes de constitution de la rubrique,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
ils présentent les activités engagées pour produire l’information vérifiée et les
difficultés de son animation. Le compte est suivi mais il est aussi ponctué par
de nombreux retours agressifs, voire insultants pour l’équipe dédiée à ce tra-
vail de vérification des informations : la participation des publics dans le flux
du travail journalistique est de ce fait une incursion pouvant présenter aussi
des risques psychiques pour les journalistes confrontés en permanence à ces
logiques de défiance venus de sources parfois non directement identifiables.
Les tweets ont évolué dans leurs longueurs et leurs possibilités d’insertion de
différents formats d’images ou de vidéos. Ils constituent aussi à leur tour des
petites mosaïques de contenus, orchestrés en amont par les conditions de possibi-
lités d’écriture des tweets pensés par les concepteurs de la plateforme et par son
chef d’entreprise, Jack Dorsey, veillant aussi à ce que l’outil conserve une bonne
image globale. Là aussi, l’entreprise fait face à des accusations de facilitation de
71
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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3.1 Les journalistes et les médias tiraillés
entre des dispositifs externes imposés
et des injonctions internes venues
des réseaux sociaux
Comme la plupart des supports médiatiques, le journal Le Monde apparaît sur
Internet en 1995, avec un site qui contient essentiellement des liens vers une
sélection d’articles ; à partir de cette date, les versions du site vont se succéder à
la fois en fonction des évolutions des technologies de mise en ligne et de stockage
des informations et des directions éditoriales du journal. En effet, un site est,
pour un média qui a un passé papier, souvent pensé comme un complément au
quotidien bouclé et diffusé en kiosques.
Après de nombreuses évolutions, les premières pages du site du journal apparaissent
désormais comme dépouillées, centrées sur le texte de l’article. Le modèle de la
page est longtemps resté déterminant pour tous les types d’écrans. Désormais,
l’aire de l’écran est fragmentée. L’article reste l’unité centrale. Il tente de défendre
son autorité et son unité de sens, face aux proliférations de boutons incorporés
dans la page et qui en ponctuent son entourage. À chaque moment, l’internaute
est sollicité pour agir sur l’écran et se projeter vers d’autres contenus, appartenant
le plus souvent au journal. L’internaute reste dans la boucle informationnelle
construite par l’ensemble des journalistes d’un média, signant d’ailleurs régu-
lièrement leurs papiers de leurs identités sur la plateforme Twitter. Le profil se
substitue donc progressivement à la signature collective, l’orchestre du journal
est composé de la présence incarnée de l’ensemble de ces solistes désormais
directement interpellés par des internautes en capacité de les interroger.
72
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
Les journalistes créent donc une boucle narrative doublement reliée à l’identité du
journal et à leurs propres « lignes de temps » individuelles. La vie sociale des réseaux
se constitue donc selon une logique circulaire consistant à se faire connaître et à
permettre à l’utilisateur de se sentir dans un contexte d’énonciation familier. Les
boutons simples d’apparence renforcent cette logique de familiarité et de simplicité :
il est difficile d’apporter des nuances ou des contre-arguments quand, à la suite
d’un article ou d’une information, le seul signe activable sous un tweet est un cœur,
signifiant unique de « l’amour » supposé être porté à la donnée ainsi singularisée.
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nécessitant des réflexes nouveaux
de protection ?
Depuis quinze ans, les journalistes s’approprient donc les outils d’Internet et des
réseaux sociaux. Leur métier continue d’évoluer autour d’un mot d’ordre circulant
à travers toutes les rédactions des médias : celui d’une injonction à l’ubiquité. Les
responsables des médias demandent en effet à leurs journalistes d’être sur tous les
fronts. Ils doivent être à la fois toujours présents sur les terrains de l’enquête et dans
le même temps, ils doivent s’assurer d’un contact fort avec les publics, à travers les
écrans des sites sur le web (en produisant différents formats) et des réseaux sociaux.
Ces publics deviennent de plus en plus critiques et n’hésitent pas à s’adresser
directement, via ces mêmes réseaux, aux journalistes pour remettre en cause à la
fois leur profession dans son ensemble et les informations produites. Dès lors, la
nécessité de la pédagogie du travail effectué dans l’exercice du métier est encore
davantage accentuée alors que les journalistes sont aussi menacés par des restric-
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73
Partie 1 Quand l’écriture s’invente et se réinvente
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précisément contre les processus de désinformation et parfois de propagande
qui se sont développés sur l’ensemble des plateformes.
¼¼Ces informations fallacieuses, trompeuses, ont été regroupées sous le
vocable de « fake news » : l’expression désigne des médias jugés « fautifs »
car partiaux dans le traitement des informations.
¼¼L’information est désormais soumise, dans sa diffusion sur les réseaux
sociaux, aux choix éditoriaux, pour les faire apparaître dans les comptes des
utilisateurs, de l’automatisation de leur affichage permise par l’intégration
d’algorithme programmant l’aspect final d’un flux de données.
¼¼Les journalistes ont adapté leurs pratiques d’écriture des informations ;
certains deviennent des spécialistes de formes courtes (en vidéo, en sons ou
en textes) pendant que d’autres explorent de nouveaux formats, plus longs
et renvoyant aux formes sérielles ou documentaires, s’inspirant alors des
feuilletons en vogue dans la presse naissante du XIX e siècle.
¼¼Pour faire face au processus de morcellement de la consommation des
informations, les entreprises de médias ont fait le choix de découper en
applications, sites et éditions papiers indépendantes leurs contenus.
¼¼Les grandes entreprises du numérique constituent des partenaires incon-
tournables pour les entreprises journalistiques qui dépendent de l’accès des
publics à leurs contenus, via les plateformes telles que celles de Facebook,
Twitter, Instagram, TikTok ou encore Snapchat.
¼¼L’exemple de la plateforme Instagram illustre ces logiques d’interdépendance
des médias émergents et des médias plus anciens : beaucoup de journalistes
et de photographes de reportages y « postent » des contenus pour s’y faire
connaître et y présenter une approche plus personnelle de l’information.
74
Chapitre 3 Les journalistes et les médias face aux réseaux sociaux
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sur les plateformes des réseaux sociaux ? leurs publications et de leurs productions sur les
a. La présence d’images. réseaux sociaux ?
b. L’importance des textes. a. Oui.
c. L’apparition des informations sous l’effet de la b. Non.
prescription d’algorithmes de sélection. c. Ça dépend.
2 Les formats ont connu en vingt ans une grande 7 Un journal comme Le Monde dédie-t-il des
évolution et présentent des variétés de longueurs et équipes de journalistes à la production d’information
de montage de contenus diverses sur les réseaux. sur les plateformes de réseaux sociaux ?
Lequel de ces formats est le plus populaire aux a. Oui.
cours des années 2018 à 2020 ? b. Non.
a. La brève.
b. Le reportage.
c. La « story ».
75
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de communiquer
devient créateur
2
Quand l’acte
Partie
de valeur
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A
vec l’avènement de la société industrielle puis de la société de consommation, la
communication a pris une multitude de valeurs : politique, symbolique et marchande.
Sur un marché concurrentiel, gagner les faveurs de l’opinion s’est révélé un enjeu
majeur pour les entreprises et les marques. Dans cette deuxième partie de l’ouvrage, l’accent
est mis sur la mobilisation de la communication comme un puissant moyen d’action.
Le chapitre 4 campera les différents courants de pensée qui sous-tendent les systèmes
économiques et dressera le portrait de quelques grandes figures qui influencent la pensée
économique.
Dans un système libéral, il est utile de questionner la dimension de plus en plus
performative de la communication. Politique, institutionnelle, externe, interne, la
communication ne se contente pas de « faire passer des messages », elle vise à transformer
le réel. Le chapitre 5 pointera l’importance d’agir avec les mots.
Enfin, le chapitre 6 insistera sur l’importance de la recommandation dans les processus
d’influence et montrera que le Web social confirme les théories des chercheurs du siècle
dernier sur l’influence personnelle.
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© La Dépêche du Midi
L
’opinion se forme sur un fond idéologique fondamental pour intégrer au mieux la manière
qui n’est pas neutre en termes de commu- dont s’articulent les enjeux et les méthodes de
nication des entreprises. Les notions de communication. Quelles sont les grandes théo-
profit, de productivité, de RSE ne peuvent être ries de la pensée économique ? Quels systèmes
appréhendées en communication sans avoir majeurs en découlent ? Quelles dynamiques et
conscience de l’histoire de la pensée économique ruptures imposent un renouvellement des logiciels
et des grands courants qui l’ont structurée. Mettre de gouvernance ?
en perspective de tels facteurs est un préalable
Communication
et contextes
économiques
Plan
1 Qu’est-ce que l’économie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
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2 Les trois grandes théories de la pensée économique . . . . . . . . . . . . . 81
3 Les trois grands systèmes économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
4 Vers un changement de paradigme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Objectifs
¼¼Connaître les courants fondamentaux de l’histoire économique
¼¼Se forger une culture générale économique
¼¼Articuler les théories économiques aux théories de la communication
¼¼Appréhender la montée en puissance de la communication comme enjeu
économique
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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soit par leur apport en capital. Il s’agit en conséquence d’une problématique à
la fois de justice sociale et d’efficacité économique.
Définition 1
Le terme économie vient des mots grecs nomos (« lois ») et oikos (« mai-
son »). Au sens premier du terme, l’économie est donc l’art de gérer les
biens qui composent une maison. Adam Smith (1723-1790), père de l’éco-
nomie politique, reprendra en quelque sorte cette étymologie en décrivant
l’économie comme étant l’étude des comportements liés à la production,
à la distribution et à la consommation des biens et services.
80
Chapitre 4 Communication et contextes économiques
appréhender, quel que soit le modèle utilisé. Il en résulte une incapacité à prédire
– avec justesse – les réactions individuelles et collectives et, par ricochet, les effets
de tel ou tel modèle théorique sur la réalité. L’économie, néanmoins, progresse,
combinant approches quantitatives, mathématiques et comportementales, elle
intègre de mieux en mieux la variable humaine dans le cadre de ses modèles et
améliore en conséquence ses prévisions.
Les économies du monde entier demeurent toutefois confrontées à des enjeux
majeurs que les modèles en cours, bien qu’améliorés, ne permettent guère de
résoudre, du moins de manière optimale. En effet, l’immense complexité induite
par la crise écologique, la financiarisation de l’économie ou encore l’avènement
des nouvelles technologies de l’information et de la communication remodèlent
en profondeur l’économie mondiale et disqualifient nombre de paradigmes
jusqu’alors considérés comme étant incontournables.
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2 Les trois grandes théories
de la pensée économique
L’histoire de la pensée économique met en avant au moins trois courants majeurs
ayant eux-mêmes donné naissance à de multiples théories et écoles de pensée
qui, aujourd’hui encore, induisent nombre de débats et discussions. Chacun d’eux
offre d’appréhender à sa manière les grands enjeux stratégiques du XXIe siècle.
L’école classique est née en 1776 avec la parution de Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations, un ouvrage de référence rédigé par l’économiste
écossais Adam Smith. David Ricardo, Thomas Malthus ou encore Jean-Baptiste
Say comptent parmi les principaux contributeurs de ce courant de pensée.
En pleine révolution industrielle, ils analysent les phénomènes économiques
et tentent de déceler les lois universelles qui assurent le fonctionnement de
l’économie capitaliste. Leurs thèmes de prédilection se concentrent sur la
production, la répartition des richesses, la monnaie, le prix ou encore la crois-
sance. Les théories qu’ils développent sont extrêmement variées d’un auteur
à l’autre mais convergent néanmoins sur un point : les marchés s’ajustent et
s’autorégulent naturellement. Les partisans de l’école classique affirment en
effet que les marchés sont gouvernés par un ordre naturel fondé sur deux piliers
81
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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marché est-il réellement capable de
s’autoréguler ? Est-il créateur de
prospérité et de stabilité ? L’État
doit-il intervenir ? Voici, au fond, les
Adam Smith ! trois questions majeures que soulève
(1723-1790) la théorie classique.
FOCUS
La main invisible
Le concept dit de la main invisible a été formulé pour la première fois par Adam Smith dans son
ouvrage intitulé Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Il utilise cette expres-
sion pour illustrer le mécanisme de régulation naturel induit par la mise en concurrence des acteurs
pour le contrôle des ressources rares. Il affirme plus particulièrement que l’intérêt individuel constitue
un levier de régulation des comportements économiques à l’échelle nationale. Un pâtissier s’efforce
par exemple de produire les meilleurs gâteaux, d’accueillir aimablement sa clientèle et d’emballer
soigneusement ses produits, non par altruisme, mais pour augmenter ses profits. Or, de tels compor-
tements profitent aux clients de la pâtisserie ainsi qu’à la renommée de la rue commerçante. Adam
Smith affirme en conséquence que la quête d’intérêts individuels, dans une nation respectant liberté et
droit de la propriété privée, constitue le meilleur moyen d’organiser une société. Le concept de main
invisible a significativement façonné le courant classique et continue d’orienter le débat économique
et politique contemporain.
82
Chapitre 4 Communication et contextes économiques
2.2 Le marxisme
Le marxisme est un courant de pensée politique, économique et philosophique
fondé sur les travaux de Karl H. Marx (1818-1883) et Friedrich Engels (1820-
1893). Il affirme que les entreprises sont contrôlées par une minorité dominante
qui utilise le capital en vue de renforcer sa position sociale au détriment d’une
classe majoritaire mais néanmoins exploitée : le prolétariat. La théorie marxiste
s’inscrit en conséquence dans une logique d’opposition entre classes sociales.
Le raisonnement est schématiquement le suivant : l’enrichissement individuel
implique de vendre un produit dont la valeur d’échange est supérieure à la valeur
intrinsèque. Quelques morceaux de bois valent en effet moins qu’une table ornée
de motifs gravés. Les marxistes observent que le différentiel de valeur résulte
du travail des ouvriers mais que les profits bénéficient prioritairement aux pro-
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priétaires des moyens de production. Il s’agit en conséquence d’une exploitation.
Les marxistes jugent en outre que le capitalisme conduit à un implacable ren-
forcement des inégalités dans la mesure où les profits ainsi engrangés sont
réinvestis dans de nouveaux moyens de production et renforcent ainsi la domi-
nation de la classe capitaliste… On aboutit in fine à d’incontournables crises de
surproduction et de suraccumulation qui rognent méthodiquement la rentabilité
des entreprises et favorisent la
concentration du capital. L’exploitation
et les inégalités sont donc, du point de
vue marxiste, intrinsèques au système
capitaliste. La doctrine marxiste invite
en conséquence les prolétaires à prendre
le contrôle des moyens de production
pour échapper au système d’exploitation.
La chute du mur de Berlin, l’effondre-
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Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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économique fondée sur le postulat qu’une
! intervention étatique était indispensable au
John Maynard Keynes soutien de la croissance. Keynes développa
(1883-1946) cette idée en pleine dépression, alors que
la durée et l’ampleur du chômage malme-
naient les fondements de la théorie classique. Il affirmait, à rebours du courant
dominant, qu’il était de la responsabilité des gouvernements de venir corriger
les biais relatifs à la nature intrinsèquement instable des cycles économiques.
Keynes, bien que partisan de l’économie de marché, ne croyait guère en sa
capacité d’autorégulation naturelle. Il préconisait en conséquence un programme
d’investissement massif conjugué à un allégement de la fiscalité pour retourner
la baisse de la demande. Une fois la croissance retrouvée, il recommandait de
réduire les dépenses et d’augmenter les impôts en vue de contenir l’inflation.
Keynes notait que pour réduire le chômage, il suffisait d’embaucher des chômeurs
pour creuser un trou le matin et le reboucher le soir… La logique étant que
les salaires ainsi distribués seraient ensuite réinjectés dans la consommation et
favoriseraient, par effet de chaîne, la reprise économique. Le keynésianisme
influença nombre de politiques nationales d’après-guerre et disparut progressi-
vement au profit du libéralisme, de la mondialisation et de la financiarisation
qui, ensemble, réduisirent significativement le rôle de l’État dans l’économie.
La crise financière de 2008 redonna toutefois quelques couleurs au keynésianisme
compte tenu de la nécessité d’une intervention gouvernementale pour remettre
d’aplomb le système financier international.
84
Chapitre 4 Communication et contextes économiques
FOCUS
Pour les Français, la baisse de la dette
n’est plus une priorité
« Les députés ont voté, vendredi 17 avril, à une très large majorité, une rallonge budgétaire de plusieurs
dizaines de milliards d’euros au budget 2020, portant la prévision du déficit public de la France à 9,1 %
du PIB (soit 185,4 milliards d’euros). À situation exceptionnelle, mesures budgétaires exceptionnelles.
Une telle décision semble renvoyer aux calendes grecques l’orthodoxie budgétaire consistant à s’aligner
sur les critères européens de soutenabilité des finances publiques. Peut-être sont-ce les leçons de la crise
de 2008 qui forcent aujourd’hui les États à réagir de la sorte pour éviter une catastrophe économique
dans leurs espaces nationaux. Car, malgré le programme massif d’intervention de la Banque centrale
européenne, aucun accord n’a été trouvé sur les “coronabonds” ou eurobonds pour mutualiser la dette
au niveau européen. Après avoir semblé absente de la gestion de l’urgence sanitaire elle-même, l’Union
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européenne n’est pas perçue positivement dans ce contexte. Et l’opinion publique française ne s’y trompe
pas puisque seulement 9 % des personnes interrogées dans l’enquête Ipsos-Sopra Steria pour le Cevipof
se déclarent satisfaites de la manière dont l’UE a géré la crise. Cette perception de l’impuissance euro-
péenne peut-elle faciliter ou accélérer une conversion au keynésianisme économique de la France ? »
Source : Martial Foucault et Sylvain Brouard., « Pour les Français, la baisse de la dette
n’est plus une priorité », scienceshumaines.com, 20 avril 2020.
de l’histoire du XXe siècle. Bien que les deux modèles recherchent l’intérêt général,
ils s’appuient sur des fondements diamétralement opposés, dont nombre de pays
– notamment émergents – tentent aujourd’hui de trouver une voie alternative.
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Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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de prix libres, aucun planificateur étatique ne peut gouverner rationnellement
une structure aussi sophistiquée qu’une économie moderne.
FOCUS
Le coup d’œil d’Isabelle Musnik, fondatrice,
directrice générale, directrice des contenus
et de la rédaction de la revue INfluencia
Plus jamais seuls…
Quelque 26 milliards de dollars : l’économie collaborative est désormais un secteur dynamique, un
modèle de transition et… un choix de société.
Co-voiturer, « louer citoyen », « couch surfer », mais aussi co-travailler, co-entreprendre, cofunding…
Le « co » est à la mode, en France comme ailleurs.
Crise mondiale oblige, l’humain doit doublement s’adapter. D’abord, le consommateur ou le citoyen se
transforme en maker. Il veut toujours donner son point de vue mais, désormais, il demande à partici-
per pour se sentir utile. Ensuite, il veut soit posséder moins mais posséder mieux, soit posséder moins
mais consommer plus. Le XXIe siècle sera en tout cas certainement celui où la possession mutera en
partie en usage.
Mais le phénomène va encore plus loin, il retricote le lien social et s’accompagne d’une volonté d’être
et de vivre ensemble. Et si le « do it yourself » faisait place au « do it with others », à l’idée de coopérer
avec les autres ? De nouvelles pratiques émergent, auxquelles les entreprises se doivent de répondre.
Petit à petit, nous sommes en train de passer de la génération de la participation née au début des
années 2000 à la génération de l’interdépendance, où les notions d’« entraide », de « crowdsourcing »
et de « care » deviennent des tendances lourdes.
INfluencia est une newsletter quotidienne et une revue trimestrielle qui observe partout dans le monde
tout ce qui est en train de bouger et de s’inventer, dans le domaine de la consommation, du marketing,
de la communication et des médias.
86
Chapitre 4 Communication et contextes économiques
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dimension créative et imaginaire dans les secteurs de la
consommation.
Pourquoi avoir titré votre ouvrage L’Esthétisation
du monde ? Qu’est-ce que le « capitalisme artiste » ?
L’époque est marquée par cette inflation esthétique : le
design est partout. Les territoires autrefois disjoints de l’art
et de l’industrie, de la mode et de l’art, de l’avant-garde et
du business sont pris dans une dynamique d’hybridation.
Le capitalisme a changé le sens de l’art. Il se l’est approprié
pour assurer son développement, à l’échelle de la planète.
Avec le design, le cinéma, la musique, la publicité… le
capitalisme a créé une nouvelle forme d’art : un art de
consommation de masse, sans aucun idéal d’élévation.
Ce n’est plus « l’art pour l’art » mais un art qui s’exprime
dans les marques, le sport, la mode, le divertissement…
Le capitalisme artiste est ce système qui, s’appuyant sur
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Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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Le capitalisme libéral est un système économique au sein duquel les agents
(entreprises et individus) ont la liberté de vendre et d’acheter des biens, services
et capitaux dans un cadre dit de concurrence pure et parfaite.
Définition 2
La concurrence pure et parfaite est définie par une structure de marché
parfaite : atomicité de l’offre et de la demande, homogénéité du produit,
liberté d’entrer et de sortir du marché, information parfaite des acteurs
sur le marché, mobilité parfaite des facteurs de production. Une telle
configuration est théorique mais constitue néanmoins la base du raison-
nement libéral.
La doctrine libérale, fondée sur la théorie classique, affirme que l’État ne doit
aucunement intervenir. Un consommateur trouvera par lui-même le meilleur
rapport qualité-prix ; un salarié, le meilleur emploi ; un dirigeant, les meilleurs
investissements… Les libéraux, convaincus des bienfaits de la main invisible,
jugent que la conjonction des décisions individuelles garantit un fonctionnement
optimal du marché, qu’aucune entité centralisée ne saurait égaler. Le rôle de
l’État ne doit en conséquence se cantonner qu’à un statut de gendarme et favo-
riser, via ses pouvoirs régaliens, le droit de la propriété privée, la bonne exécution
des contrats, une infrastructure opérationnelle, la sécurité intérieure et la
défense du territoire nationale, autrement dit, le bon fonctionnement du marché.
La doctrine libérale est par ailleurs favorable à une libre circulation des biens
et services à l’échelle planétaire et défend en conséquence l’ouverture des
frontières nationales. L’idée étant de favoriser une organisation mondiale du
travail articulée autour des avantages comparatifs de chaque nation. David
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Chapitre 4 Communication et contextes économiques
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ciente qui induit toutefois de fortes
inégalités ainsi que la prolifération de
monopoles planétaires en mesure de
réagencer les règles du jeu en fonction " David Ricardo
de leurs intérêts. (1772-1823)
FOCUS
Les dangers de la montée des inégalités
au menu du Forum de Davos
Les très riches et les très puissants participants du Forum économique mondial de Davos (Suisse)
devraient pour la première fois se pencher […] sur les dangers que représente l’aggravation des inéga-
lités pour la stabilité mondiale. […] Le Forum commence à écouter les économistes qui alertaient sur
la dangerosité du fossé en train de s’élargir entre les riches et les pauvres, à l’instar de Joseph Stiglitz,
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prix Nobel d’économie en 2001, ou François Bourguignon, ancien chef économiste de la Banque
mondiale (2003-2007). […] Interrogée dans le numéro du lundi 20 janvier [2014] du Financial Times,
Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), invite les « maîtres
du monde » réunis à Davos à s’inquiéter que « dans de trop nombreux pays, les bénéfices de la croissance
ont profité à trop peu de gens, ce qui n’est pas la bonne recette pour la stabilité et la durabilité » de la
croissance mondiale. […] La fortune du 1 % de l’humanité le plus riche s’élève à 110 000 milliards de
dollars (81 126 milliards d’euros), c’est-à-dire autant que celle possédée par les 99 % restants. […] Oxfam
affirme que ces évolutions sont « moralement contestables » et qu’elles permettent aux plus riches de
« biaiser les règles en leur faveur », ce qui ébranle la cohésion sociale et les fondements de la démocratie.
A. Faujas, « Les dangers de la montée des inégalités au menu du Forum de Davos »,
LeMonde.fr, 20 janvier 2014.
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Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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capitalisme libéral à ceci près que l’État est ici propriétaire monopolistique du
capital. On aboutit in fine à une cohabitation entre deux modèles à l’instar du
système économique chinois, où les autorités politiques planifient les objectifs
et utilisent le marché pour y parvenir. Reste toutefois à déterminer combien
de temps un État peut réellement maintenir une telle position compte tenu du
poids croissant du marché et du pouvoir qu’il est alors en mesure d’exercer sur
le fonctionnement dudit parti.
FOCUS
La Chine s’engage à laisser un rôle « décisif »
aux marchés
Le Parti communiste chinois (PCC) a décidé d’accroître la place laissée aux marchés pour réguler l’éco-
nomie dans le programme de réformes pour la décennie à venir adopté mardi à l’issue de quatre jours
de réunions à huis clos. […] « La question clé est de clarifier la relation entre le Gouvernement et le
marché, en permettant au marché de jouer un rôle décisif dans l’allocation des ressources et en amélio-
rant le rôle du Gouvernement », déclare le PCC dans son communiqué. […] L’économie chinoise, très
endettée, moins compétitive et en surcapacité industrielle, doit trouver de nouveaux relais de croissance
après trois décennies d’un développement rapide tiré par les exportations, estiment le président Xi
Jinping et le Premier ministre Li Keqiang. […] « Ils ont mis le changement de la relation entre le Gou-
vernement et les marchés tout en haut de leurs priorités. [...] Ils cherchent à rompre avec le contrôle de
l’État, autorisant les marchés à prendre la direction. [...] C’est une philosophie révolutionnaire, à l’aune
chinoise », commente Dong Tao, économiste chez Credit Suisse à Hong Kong.
H.-P. André, « La Chine s’engage à laisser un rôle décisif aux marchés »,
capital.fr, 12 novembre 2013.
90
Chapitre 4 Communication et contextes économiques
4 Vers un changement
de paradigme
L’immense complexité induite par la crise écologique, la financiarisation de l’éco-
nomie ou en encore l’avènement des nouvelles technologies de l’information et
de la communication remodèle en profondeur l’économie mondiale et disqualifie
nombre de paradigmes jusqu’alors considérés comme étant incontournables.
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destruction systématique des ressources naturelles. Nous entrons en consé-
quence dans une crise écologique mondiale qui marque la difficulté de concilier
croissance économique et développement durable. Le modèle actuel menace
autrement dit l’équilibre naturel de la planète. Le Programme des Nations unies
pour l’environnement juge, par exemple, que d’ici à 40 ans, quelque 9 milliards
d’êtres humains devraient consommer 140 milliards de tonnes de minerais,
hydrocarbures et autre biomasses (bois, cultures, élevage). Or, une telle consom-
mation provoquerait, à en croire le groupe intergouvernemental sur l’évolution
du climat, une augmentation de la température des océans et de l’atmosphère,
soit un profond déséquilibre de l’écosystème global. Il importe en conséquence
d’inventer de nouvelles modalités de production et de consommation si l’on ne
souhaite pas subir un bouleversement social et géopolitique inédit.
L’enjeu est toutefois particulièrement complexe :
■■ premièrement, le marché est mondial et les instances de gouvernances majo-
ritairement nationales. Un pays seul ne peut en conséquence endiguer le
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Les tenants de l’école néoclassique, autrement dit les libéraux, estiment au
contraire que le marché peut s’autoréguler et endiguer par lui-même la dispa-
rition progressive des ressources naturelles. L’incontournable hausse des prix
des matières premières conduirait les agents à limiter leur consommation et à
opter pour de nouveaux moyens de production. Nombre de libéraux sont ainsi
favorables à une privatisation pure et simple de la nature de sorte à clarifier la
valeur qui est la sienne, indispensable à la régulation des échanges économiques.
La pêche et le tourisme à Hawaï dépendent ardemment, par exemple, des récifs
coralliens. Un rapport international1 juge qu’il génère 360 millions de dollars
par an à l’État d’Hawaï. Une privatisation de la nature permettrait, autrement
dit, de mieux évaluer le coût induit d’une éventuelle destruction et de modifier
le comportement des agents à l’égard des ressources rares. Le développement
de technologies nouvelles enfin, ainsi que les attentes écologiques d’un nombre
croissant de parties prenantes (citoyens, consommateurs, actionnaires, etc.)
favoriseraient de fait l’accélération du mouvement d’ajustement vers une éco-
nomie plus soutenable.
Il est néanmoins probable que l’on assiste à une combinaison des deux approches
(libérales et interventionnistes) dans la mesure où les États joueront vraisem-
blablement un rôle clé dans le financement des innovations visant à limiter,
sinon corriger, les biais consécutifs au système économique actuel. Les acteurs
à l’initiative de tels développements pourront en outre orienter les normes envi-
ronnementales en fonction de leurs intérêts et participer ainsi à une nouvelle
architecture mondiale des marchés.
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Chapitre 4 Communication et contextes économiques
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bilisation de positions historiques (États, institutions…). Les NTIC induisent en
outre une crise de la gouvernance compte tenu d’un rapport nouveau au temps
et à la hiérarchie. Les réseaux numériques compriment le temps : ils opèrent
une pression à la milliseconde, démultipliée par le pouvoir des internautes, sans
commune mesure avec l’émergence des chaînes d’information en continu (CNN,
BFM TV…). Et la tension monte encore à mesure qu’évolue la combinaison
entre médias classiques et numériques, le tout sous commandement du digital.
Transversales par essence, les NTIC aplanissent les pouvoirs et permettent ainsi
à nombre d’acteurs, même de poids infime, d’interférer dans l’évolution des mar-
chés. Le perfectionnement constant des algorithmes de traitement, d’analyse et
d’interprétation des mégadonnées ouvre enfin la voie à une série de ruptures
vertigineuses, tant sur le plan économique que stratégique, comme en témoigne
entre autres la campagne de ciblage de Barack Obama ou encore la robotisation
des transactions financières à l’échelle planétaire. Sans compter la place centrale
qu’elles occupent dans les avancées nanotechnologiques, biotechnologiques,
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Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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secteur de plus en plus opaque où les échanges de produits complexes s’opèrent
de gré à gré dans un vaste maillage de paradis fiscaux. Le tout conduisant à une
instabilité historique des marchés internationaux dont dépend notamment la
paix mondiale.
FOCUS
Les produits dérivés dépassent leur niveau d’avant-crise
« Les produits dérivés sont une arme de destruction massive » a coutume de dire l’investisseur et
milliardaire américain Warren Buffett. L’étude publiée mardi 17 décembre [2013] par le cabinet
d’analyse financière indépendant AlphaValue, intitulée « Quelles banques sont des Fukushima en
puissance ? », montre que ce n’est pas près de changer. Celle-ci révèle en effet que la valeur notion-
nelle des dérivés (c’est-à-dire la valeur faciale qui apparaît sur les contrats de ces produits) dépasse
désormais son niveau d’avant la crise des subprimes. Au premier semestre 2013, elle s’élevait en effet
à 693 000 milliards de dollars, contre 684 000 milliards au premier semestre 2008, selon les chiffres
que le cabinet a tirés des rapports de la Banque des règlements internationaux (BRI). L’équivalent de
dix fois le PIB mondial, contre trois fois le PIB mondial il y a quinze ans. « C’est un risque potentiel
énorme, et la crise n’a pas changé les pratiques des banques en la matière », explique Christophe
Nijdam, qui a piloté l’étude.
M. Charrel, « Les produits dérivés dépassent leur niveau d’avant-crise »,
LeMonde.fr, 17 décembre 2013.
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Chapitre 4 Communication et contextes économiques
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Définition 3
Le terme anglophone greenwashing, contraction des mots green (vert) et
brainwashing (lavage de cerveau) est utilisé par les groupes de pression
environnementaux pour désigner les efforts de communication des entre-
prises sur leurs avancées en termes de développement durable, avancées
qui ne s’accompagnent pas de véritables actions pour l’environnement. Le
terme a été employé pour la première fois suite à un article paru dans la
revue Mother Jones au début des années 1990 1.
FOCUS
Le poids de l’opinion sur la performance des entreprises
L’économie, nous l’avons vu, est une science humaine et sociale qui s’appuie sur un ensemble de fonde-
ments philosophiques et politiques, par nature subjectifs. Les économistes sont par ailleurs confrontés
à une difficulté majeure : anticiper avec précision l’évolution des marchés. Or, comme le notait Keynes,
95
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
« demain, tout simplement, on ne sait pas 1 »… Et le système actuel, fondé sur un vaste maillage de
réseaux complexes, peut difficilement invalider une telle affirmation. Les TIC, la libéralisation et la
mondialisation ont méthodiquement brouillé les grilles de lecture classiques, laissant ainsi place à une
économie incertaine.
Un des effets tangibles, outre l’hyper-turbulence, est le poids de plus en plus prégnant de la société
civile sur la performance des entreprises. Une éventuelle action jugée illégitime peut en effet déclencher
une mobilisation massive et briser en un clin d’œil un cours boursier : le digital démultipliant force et
vitesse de la contestation… Bâtir un lien solide avec les parties prenantes et acquérir une maîtrise aigüe
de la communication apparaît en conséquence vital pour surmonter indemne les multiples secousses
du marché. Et l’enjeu ne vaut pas seulement pour les multinationales. Un petit distributeur favorisant
uniquement les fournisseurs locaux et la nourriture bio, mais qui ne communiquerait pas suffisamment,
pourrait en effet se faire doubler par un concurrent moins responsable, mais également moins coûteux.
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Une communication de qualité, fondée sur les faits, est par conséquent un préalable essentiel pour
affirmer son identité et clarifier ses relations avec les parties prenantes.
1 J.-M. Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, traduction de l’anglais par J. De Largentaye
en 1942, Payot, Paris, 1936.
¼¼Bâtir un lien solide avec les parties prenantes et acquérir une maîtrise
aigüe de la gestion de crise, apparaît en conséquence vital pour surmonter
indemne les multiples secousses du marché.
96
Chapitre 4 Communication et contextes économiques
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d. Les citoyens ont le contrôle du capital pour amé-
a. David Ricardo. liorer la performance globale de l’économie.
b. Thomas Robert Malthus.
c. Adam Smith. 7 Que veut prouver la théorie des avantages
d. Jean-Baptiste Say. comparatifs ?
a. Qu’un pays n’a pas intérêt à importer un bien qu’il
2 Pour résorber le chômage, Keynes préconise peut lui-même produire à moindre coût.
de : b. Qu’un pays qui n’est pas plus productif pour au
a. Relancer la consommation. moins un bien n’a aucune possibilité de commercer.
b. Relancer la production. c. Que les échanges ne sont possibles qu’entre pays
c. Favoriser l’épargne. de développement similaire.
d. Dévaluer la monnaie. d. Que si chaque pays se spécialise là où il possède
la meilleure productivité, alors il accroîtra fortement
3 Comment Marx analyse-t-il la valeur ?
sa richesse nationale.
a. À travers le salaire et le profit.
b. En décryptant la lutte des classes.
c. En distinguant valeur d’usage et valeur d’échange.
d. En analysant le phénomène de croissance.
97
Chapitre 5
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S Fin 2017, la SNCF change le nom de son service de réservation
en ligne pour le baptiser « Oui-Sncf » et s’engage dans une logique
de marque avec les offres « Ouigo », « Inoui » et « Ouibus ».
Y
« es we can » sur le plan politique ; « Oui- Sous une forme numérisée, il s’agit pour toutes
Sncf » comme nouveau nom de marque les organisations de « faire » « agir/adhérer/croire/
d’une grande entreprise publique, par acheter/… » le public selon les objectifs « commu-
ailleurs plus grand site marchand de France. En nicationnels » traditionnels, mais également de le
recourant à ce petit mot de trois lettres « oui », « faire participer/intervenir/interagir/parler/… »
ces deux exemples différents pointent vers l’un selon des objectifs de plus en plus « sociaux ».
des gestes de communication les plus impor- Cet objectif s’inscrit dans la théorie classique
tants, surtout à l’heure actuelle : l’engagement. de la performativité, selon laquelle « dire, c’est
Or, l’engagement est un « acte de langage ». S’en- faire ». Mais il s’ouvre à de nouveaux champs de
gager, c’est prendre la parole pour dire « oui », de l’expression et de la performance des acteurs
manière individuelle et collective. De manière engagés eux-mêmes. Quel effet les nouveaux
plus générale, l’engagement est devenu la marque médias ont-ils sur la parole performative ? Com-
de confiance qui se noue entre une organisation ment les marques renouvellent-elles leur prise de
et ses publics. Sous forme de signature, charte parole ? Que signifient « dire » et « faire » à l’ère
ou label, l’implication est le mode privilégié de des réseaux sociaux ?
Formes et enjeux
de la communication
performative
Plan
1 La théorie classique des « énoncés performatifs » . . . . . . . . . . . . . . . . 100
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2 La postérité d’Austin : détour et retour de la notion
de performativité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
3 Le second tournant pragmatique : l’écriture et l’essor des écrans. . 107
Objectifs
¼¼Comprendre la notion de performativité
¼¼Appréhender l’usage qui en est fait dans les champs théorique
et professionnel
¼¼Mesurer la part grandissante de la performativité écrite d’une part,
et des performances excessives d’autre part
¼¼Être capable d’analyser les effets produits par les discours
¼¼Appliquer la théorie performative au marketing et aux médias
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
1 La théorie classique
des « énoncés performatifs »
La théorie a une histoire précise et bien connue. D’emblée définie par son inven-
teur John Austin comme un moyen de « faire des choses avec des mots » (How
to do things with words), la performativité renouvelle la pratique ancienne de la
rhétorique (définition de la rhétorique du chapitre 1, p. 19) en lui donnant une
valeur médiatique forte, qui évolue en fonction des nouveaux supports et des
nouvelles approches de la communication.
En ce sens, la performativité est également une théorie des dispositifs média-
tiques et s’inscrit pleinement dans l’évolution des pratiques individuelles et
professionnelles de la communication.
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Définition 1
Voilà précisément la définition première de la performativité : est perfor-
matif un énoncé qui ne se contente pas de décrire l’état du monde, mais
qui cherche à modifier la situation et la réalité qui précèdent sa profération.
100
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
Définition 2
L’épistémologie est la branche de la philosophie qui s’occupe de l’histoire
des sciences et des modèles scientifiques qui prévalent à une époque don-
née. Par extension, l’épistémologie recouvre l’ensemble des réflexions sur
la manière dont on produit de la connaissance, à la fois d’un point de vue
théorique et méthodologique.
Elle cherche, d’une part, à produire une théorie formelle, logique, c’est-à-dire
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quasi mathématique des langues naturelles. Elle cherche, d’autre part, à articuler
à cela une réflexion « pratique » sur les usages et les significations que les énoncés
prennent dans la réalité des situations parlées. Autrement dit, ses recherches
peuvent se ramasser autour de la question du « langage ordinaire ».
Dans une première approche, la performativité est ainsi directement reliée aux
tours, aux détours et aux retours de ce que l’on appelle depuis la « pragmatique ».
Définition 3
D’origine à la fois européenne et américaine, la pragmatique est la théo-
rie de l’action. Américaine, elle repose avant tout sur le point de vue des
acteurs, c’est-à-dire des institutions, des personnes, des rôles et des objets
qui portent l’action. Européenne, elle suit plutôt une tradition linguis-
tique puis discursive : le fameux rapport entre « les mots et les choses »
dont parlait le philosophe Michel Foucault. La pragmatique moderne et
contemporaine voit le rapprochement et même la fusion entre ces deux
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traditions.
101
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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de communication aussi bien politiques que personnelles.1 ■
1 Pour aller plus loin sur l’histoire de la philosophie du langage et de la pragmatique, on pourra lire
l’excellente bande dessinée Logicomix qui raconte comme un roman l’histoire des futurs pragmaticiens.
102
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
FOCUS
Quand dire, c’est faire : le livre
Le projet théorique de J.-L. Austin est d’abord pédagogique et s’inscrit dans
un cadre universitaire. L’ouvrage d’Austin est le fruit de l’édition de douze
conférences qu’il a tenues en 1955 à l’université de Harvard. Notons d’abord
le choix très important du titre original de l’ouvrage : How to do things with
words. Ce choix n’est pas anodin puisqu’il parodie tous les guides très pra-
tiques qui promettent à la ménagère de l’époque de bien entretenir sa maison,
de bien élever ses enfants ou de bien cuisiner. De manière ironique, Austin
apparente sa réflexion universitaire à une série de « recettes » faciles pour
rendre actif, pour ne pas dire « magique », la parole. Pour ce faire, il s’appuie
sur quelques scènes de discours exemplaires.
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Prenons un exemple : le mariage. Voilà comment Austin en décrit la scène
performative :
« L’un de nos exemples était, on s’en souvient, l’énonciation “Oui [je prends cette femme comme épouse
légitime]’’, telle qu’elle est formulée au cours d’une cérémonie de mariage. Ici nous dirions qu’en pro-
nonçant ces paroles, nous faisons une chose (nous nous marions), plutôt que nous ne rendons compte
d’une chose (que nous nous marions). » (Conférence n° 2)
Les verbes qui se contentent de « rendre compte » prennent le nom de « verbes constatifs ».
La définition d’Austin
En généralisant cet exemple, toutes les situations de parole où l’enjeu est de produire un acte et des
effets sur le monde qui reviennent à « dire oui » sont aptes à recevoir le nom de performatif :
« Pour ces exemples, il semble clair qu’énoncer la phrase (dans les circonstances appropriées, évidem-
ment), ce n’est ni décrire ce qu’il faut bien reconnaître que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni
affirmer que je le fais : c’est le faire. […] Je propose d’appeler ce type de phrase une phrase performative
ou une énonciation performative ou – par souci de brièveté – un “performatif’’. Ce nom dérive, bien
sûr, du verbe perform, verbe qu’on emploie d’ordinaire avec le substantif « action » : il indique que
produire l’énonciation est exécuter [perform] une action (on ne considère pas, habituellement, cette
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103
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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Il n’est guère étonnant que, dans la suite d’Austin, de nombreux chercheurs en analyse du discours et
en communication parlent de « contrat de communication » pour désigner plus clairement l’ensemble
des conditions qui organisent et encadrent les interactions verbales.
2 La postérité d’Austin :
détour et retour à la notion
de performativité
2.1 Les évolutions d’Austin sur sa propre
théorie
Du fait même de cette montée en généralité du modèle institutionnel de départ,
Austin semble lui-même être pris d’un certain vertige dans la suite de ses confé-
rences. À le lire avec attention, il semble même faire un peu machine arrière en
remettant en question le sens de l’action qu’un énoncé – quel qu’il soit – peut avoir :
104
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
« Il est temps, après cela, de reprendre le problème à neuf. Il nous faut reconsidérer
d’un point de vue plus général les questions : en quel sens dire une chose, est-ce
la faire ? En quel sens faisons-nous quelque chose en disant quelque chose ? (Et
peut-être aussi, ce qui est un autre cas : en quel sens faisons-nous quelque chose
par le fait de dire quelque chose ?) […] Après tout, « faire quelque chose » est une
expression très vague : lorsque nous formulons une énonciation, quelle qu’elle
soit, ne « faisons »-nous pas « quelque chose » ? » (Conférence n° 7)
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binaire entre « énoncés constatifs » et « énoncés performatifs » pour proposer
une approche ternaire de l’action dans le discours. Au fond, Austin se met à
considérer que tout énoncé est actif, à un niveau ou un autre, et que ce qu’il faut
dorénavant regarder, c’est l’endroit où les actions opèrent :
« Nous avons reconnu, en premier lieu, l’ensemble de ce que nous faisons en disant
quelque chose, et nous l’avons nommé acte locutoire. Nous entendons par là,
sommairement, la production d’une phrase dotée d’un sens et d’une référence,
ces deux éléments constituant à peu près la signification – au sens traditionnel du
terme. Nous avons avancé, en second lieu, que nous produisons aussi des actes
illocutoires : informer, commander, avertir, entreprendre, etc., c’est-à-dire des
énonciations ayant une valeur conventionnelle. Enfin, nous avons défini les actes
perlocutoires – actes que nous provoquons ou accomplissons par le fait de dire
une chose. Exemples : convaincre, persuader, empêcher, et même surprendre ou
induire en erreur. » (Conférence n° 9)
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105
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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réflexion première des philosophes du langage, et suivant le dernier Austin, il abandonne
la notion de performativité et s’applique à produire une classification des différents
actes de langage. De sa description typologique ressortent cinq « actes de langage »
principaux.
1. Les assertifs : un acte assertif engage le locuteur sur la véracité d’une proposition.
Exemple : informer.
2. Les directifs : un directif correspond à la tentative de la part du locuteur d’obtenir
quelque chose de son destinataire. Exemple : demander.
3. Les promissifs : un promissif engage le locuteur sur le déroulement de l’action.
Exemple : promettre.
4 Les expressifs : cet acte exprime l’état psychologique du locuteur (comme la gratitude,
etc.). Exemple : remercier.
5. Les déclarations : elles modifient un état institutionnel. Exemple : déclarer la guerre.
Très en vogue dans les années 1970 et 1980, cette classification perdra par la suite de
son influence dans la mesure même où, quelque peu abandonnée par les théoriciens
de l’époque, la notion de performativité fera son retour sur le devant de la scène dans
les années 2000 en raison de sa reprise en main par les théoriciens et les praticiens de
la communication. ■
106
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
3 Le tournant « écranique »
de la performativité :
inscriptions, performances
et expressivité
Dans le prolongement d’une application sociologique élargie des « actes de
langage », c’est d’abord du côté de l’écriture que s’engage, à la fin des années
2000, une vaste entreprise de relecture et d’extension de la théorie performative.
Effleurée seulement par les premières théories linguistiques, la pragmatique de
l’écriture devient de plus en plus évidente dans le cadre des communications
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actuelles, au point de constituer ce que nous appellerons ici une « performati-
vité scripturale ».
Définition 4
Avec l’émergence des médias personnels et mobiles, on parle de plus en
plus de productions scripturales pour évoquer l’ensemble des supports
et des gestes d’écriture qui vont de l’annotation la plus brève (un SMS et
un clic) jusqu’à la rédaction la plus complète d’un texte (mail ou article),
en passant par toutes les formes intermédiaires d’inscription ou de posts.
En parlant d’énonciation scripturale, on prend ainsi acte de l’évolution de
l’ère de l’écriture traditionnelle à la pluralité des modalités actuelles de
production sur écran.
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107
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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pluralité d’acteurs en fonction de situations elles aussi multiples et potentiel-
lement diffractées. Cela conduit Fraenkel à définir la performativité écrite
comme une « performativité distribuée ».
Actuellement en voie de développement, ces redéploiements ont l’avantage
d’ouvrir la notion à des réalités elles-mêmes en redéfinition constante avec
l’évolution des cadres et des dispositifs d’expression, d’information et de com-
munication. Béatrice Fraenkel plaide pour une réévaluation de la temporalité
et de la matérialité performatives au contact des nouvelles technologies. Où se
situe par exemple la performativité de la signature au moment où sur Internet
elle passe d’un état « autographique » à un état dit « électronique » ? Plus géné-
ralement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTIC) ne conditionnent-elles pas une nouvelle manière de faire des choses
avec des signes ?
108
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
FOCUS
Performativité cliquée, performativité tactile
À l’heure actuelle, dans le champ des médias, des écrans, des réseaux sociaux, la « parole » elle-même
est redéfinie comme une « oralité seconde » selon l’expression du macluhanien Walter Ong : elle est
notamment de plus en plus proche de l’écriture à travers l’émergence de formes hybrides qui s’appellent,
entre autres, le « SMS », le « tweet », le « post » ou le « commentaire ». Voilà pourquoi, dans les pratiques
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personnelle et professionnelle de la communication que nous connaissons, l’actualisation et l’application
les plus récentes et les plus riches portent sur la valeur écrite de la performativité. Le contexte de la
« tactilité » des écrans et des interfaces numériques ne fait qu’amplifier cette valeur communicationnelle
et expressive de la lecture et de l’écriture sur écran.
Pour parler comme Austin, tous les nouveaux usages numériques multiplient les occasions de « dire oui ».
S Ensemble des icônes qui représentent l’acte de « partager » un contenu sur Internet
convient-il plutôt d’agir coûte que coûte, quitte à fragmenter le lien symbolique
propre au débat public ? Notre époque est obsédée par cette tension communi-
cationnelle. Elle est ainsi tiraillée par cette double postulation de la communi-
cation, apparemment contradictoire : « trop de bla-bla », d’un côté, « pas assez
de dialogues » de l’autre. Cette opposition se trouve elle-même redoublée sur
les écrans par une autre série d’imaginaires de la communication : le « clash »,
le « buzz », la « viralité », qui « font parler » pour ne rien dire, et au-delà pour ne
rien faire, par opposition à l’engagement qui est censé « faire agir » ou « faire
s’éveiller les consciences »…
Comme on le voit, cette série de représentations des enjeux de la communication
renvoie à l’ambivalence des objectifs « factitifs » de la performativité.
109
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
Définition 5
Appartenant au champ de la grammaire, la notion de factitivité renvoie
à l’ensemble des actions que le sujet ne fait pas directement, mais qu’il
« fait faire » à un autre agent. On parle de verbes, de voix ou de processus
« factitifs ». En général, il s’agit de la tournure : Faire + Verbe à l’infinitif.
Exemple : Pierre a fait construire sa maison par Paul. Paul a fait croire à
Pierre qu’il était architecte. Il a fait fructifier son investissement. Cette
publicité fait rêver.
Les formulations factitives permettent de décrire des actions de manière
« indirecte » ou « passive », en insistant sur les effets que les agents (humains
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ou non humains) produisent les uns sur les autres.
Faire est, en français, le verbe performatif par excellence, dans la mesure où il est
apte à représenter toutes les actions possibles et toutes les manières d’impliquer
l’autre : « faire connaître », « faire valoir », « faire savoir », « faire penser » d’un côté,
mais aussi « faire vendre », « faire croire », « faire acheter », « faire voter » de l’autre.
D’où les reprises négatives dans les discours critiques : « faire avaler », « faire
gober », « faire marcher », « (se) faire avoir », etc.
Dans le prolongement de la rhétorique, l’objectif factitif des énoncés performa-
tifs porte sur le récepteur, l’interlocuteur voire la cible des messages. Il s’agit
d’induire, de provoquer ou de modifier des comportements, des représentations
sinon des actes : « faire agir » ou « faire réagir », « faire acheter » ou « faire vendre »,
« faire croire » ou « faire voter ». Communiquer pour faire agir ou réagir rejoint
l’idée même d’un « retour sur investissement » performatif. La logique perfor-
mative s’apparente à une chaîne de valorisation réciproque entre les paroles et
les actes. Rien ne le montrerait mieux que l’enjeu actuel autour des échanges et
des conversations numériques.
110
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
FOCUS
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Marketing et performativité 2.01
À l’heure du Web 2.0, la question centrale pour la communication performative d’une marque est
celle de l’implication, de l’engagement conversationnel du consommateur en sa faveur sur les réseaux
sociaux. Aujourd’hui, la compétence performative de la publicité dépasse le cadre stricto sensu de l’acte
de faire acheter. La préoccupation des marques est aussi de faire parler, faire en sorte que l’internaute
devienne par sa parole sur la toile un prescripteur, un médiateur favorable.
Un nouveau contrat relationnel se crée avec le consommateur où il est « avant tout une personne qui
souhaite être entendue et qui valorise plus le lien que le bien ». Ceci est devenu un tel enjeu pour les
marques qu’à partir des années 2000, des agences spécialisées dans le Web 2.0 aux noms évocateurs
(Trendy Buzz, Net Conversations, Blobang) ont vu le jour en France avec pour objectif principal d’ob-
server, d’analyser, de solliciter les conversations sur la toile afin de mettre à contribution la blogosphère
pour créer la notoriété de la marque. Le marketing performatif de la participation est ainsi de trois
ordres pour les marques dont nous allons donner des illustrations :
1. concevoir son site de marque pour créer une « communauté de marque » active et faire le buzz (Web 2.0) ;
2. faire parler les objets via les objets connectés mais aussi récupérer des données des consommateurs
avec le Big Data (Web 3.0) ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1 Cet encadré a été rédigé avec l’aide de Pauline Escande-Gauquié, maître de conférences au Celsa.
2 J.-M. Adam et M. Bonhomme, L’argumentation publicitaire, Nathan, Paris, 1997.
111
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
PUBLICITÉ CLASSIQUE
Produire Ayant une force Visant l’achat
Action langagière
un message de persuasion d’un produit
Effet perlocutoire
Dimension
Acte locutoire Force illocutoire (Réussite de l’acte
pragmatique
performatif)
Constatif directif Faire croire
Constatif
Performatif Faire faire
Quand dire c’est faire
Quand dire c’est dire Quand dire c’est faire
faire
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Dimension publicitaire Faire dire au produit Pour faire acheter
S Tableau 5.1 La publicité classique
Sur le Web, la force illocutoire du « faire dire au produit » ne suffit plus, elle doit être relayée par une
caution médiatrice du consommateur qu’on pourrait appeler la force interlocutoire (inter : « entre »,
exprimant cet espacement de la relation parlée entre la marque et son consommateur). Cette force inter-
locutoire consiste donc pour la marque à « faire parler sur le produit » pour faire faire. D’un point de vue
communicationnel, le « tournant écranique » s’accompagne d’une redistribution des valeurs et d’une
réorganisation de la chaîne opératoire des paroles.
La constitution du produit en objet de valeur ne passe plus seulement par la valorisation symbolique
de l’objet lui-même (par la publicité) mais aussi par une valorisation symbolique de l’échange.
112
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
FOCUS
Numérique et « expressivisme » : une rétrospective
entre corpus et concepts
L’expressivisme n’est pas un narcissisme
Entre 1997 et 2003, en étudiant des newsgroups ou des pages
perso ayant trait à la culture ou à l’activisme, il nous est apparu
qu’un tournant « expressiviste » pouvait être caractérisé en
rapport avec le développement du réseau de communication
Internet et de différents services ou expérimentations de l’ex-
pression personnelle et collective. Ce n’était plus seulement
les amateurs qui trouvaient là un terrain de communication de
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leurs passions ordinaires comme on l’a trop surexposé, mais
bien plutôt les curieux, celles et ceux qui « aimaient sans trop
savoir » comme s’en moquaient les encyclopédistes, du fait
de leur ascendance aristocratique au XVIII e siècle (Allard, 1999). Dans un contexte de modernité
tardive, d’individualisation réflexive et de la mise en crise des institutions pourvoyeuses d’identités
toutes faites (Ulrich Beck, Anthony Giddens, Scott Lash, 1994), l’expression en ligne a été investie
d’enjeux identitaires devant une nouvelle « technologie du soi », support d’écriture, de maintien et
de transformation des subjectivités, comme il en a existé depuis l’antiquité notamment suivant les
recherches de Michel Foucault. Il faut toujours souligner la distinction entre le diagnostic psycho-
pathologisant du narcissisme et la notion foucaldienne de la « culture du soi » qui constitue un geste
politique ouvrant à la possibilité de nouvelles formes de subjectivités et refusant le type d’individualité
imposée depuis plusieurs siècles.
Des Hupomnêmata (ὑπομνήματα) aux stories mobiles
Aux sources de ce moi exprimé, le moment romantique renforce ce geste émancipateur de l’ex-
pressivisme constituant les bases d’une individuation nouvelle et émancipatrice en la corrélant à
l’expression d’une intériorité. Charles Taylor, dans sa généalogie des « sources du moi » publiée en
1989, définit ainsi l’individu moderne en fonction de sa singularité, de son originalité et de sa créa-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
tivité. Le talent à l’âge romantique est alors être d’exception tandis que la célébrité commence à
lui faire une certaine ombre à l’aube des premières médiatisations, comme le précise Antoine Litli
dans sa généalogie de la culture people (2014). Si « l’ami Jean-Jacques » (Rousseau) personnifie l’une
des premières célébrités par la publication de ses « rêveries » intérieures, ce sont les youtubeuses
lifestyle qui vivent de leur talent à être elles-mêmes, mettant en scène une authenticité reconnue
par les publics de leur vlog, dans lesquels ces « licornes » bankable font de leur vie quotidienne un
spectacle médié par des écrans.
Vloger sa vie : l’économie symbolique du talent expresssif
« Ce qui m’étonne, c’est le fait que dans notre société l’art est devenu quelque chose qui n’est en rap-
port qu’avec les objets et non pas avec les individus ou avec la vie (…). Mais la vie de tout individu ne
113
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
pourrait-elle pas être une œuvre d’art ? Pourquoi une lampe ou une maison sont-ils des objets d’art
et non pas notre vie ? », s’interrogeait en 1983 Michel Foucault. Cet appel à une « stylistique de
l’existence » peut sembler se concrétiser sans moralité quand les talents numériques deviennent
des marques aux côtés des lampes et des maisons ou quand des fonctionnalités sur des applications
telles que Instagram les couvrent de publicités (Allard, Carah, Shaul : 2015). L’hypothèse de
« l’authenticité réflexive » – empruntée en 2003 au philosophe Alessandro Ferrara – que nous avons
formalisée comme étant la reconnaissance entre pairs de la logique d’individuation expressive,
semble désormais être valorisée par l’intermédiaire de l’économie créative des talents et la culture
de la micro-célébrité.
Écologie de la communication et sobriété numérique : la culture de réparation
À l’heure où l’on promet la 5G pour mieux visionner sans latence et avec outrance des séries en série, se
pose la question des limites planétaires à de telles pratiques numériques énergivores au plan de la nature
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géophysique des pratiques numériques. Si vivre avec des écrans, tels que les smartphones semblables
à des caméras-stylos (Astruc, 1948), a permis à toutes et tous d’exercer une « écrivance » du quotidien
(Allard, 2018) et donner une voix expressive aux sujets mineurs et minorés – des adolescents aux Gilets
jaunes –, celle-ci peut également être mise au service de l’alarme environnementale au profit d’une
sobriété numérique (Shift Project, 2018). Des usages de réparation-recréation et d’agencements low
tech peuvent matérialiser le futur des supports de l’expression d’un soi plus vulnérable au sein d’une
nouvelle écologie de la communication.
Par Laurence Allard, maître de conférences, Sciences de la Communication,
Université Lille/IRCAV-Paris 3
114
Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
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la communication en entreprise est réellement performative.
Une nouvelle performativité qui suppose de faire plus de
place à l’autre est à inventer. Y compris pour débattre,
se confronter, se disputer. Dire à l’autre, c’est faire. Voilà la
définition de la performativité idéale.
Il faut distinguer deux pratiques qui ont cours dans les
entreprises : « communiquer le changement » d’une part,
« communiquer pour changer » d’autre part. La vraie
performativité est intransitive « pour changer ». Le fait
de communiquer, de revivifier la parole et le dialogue au
sein de l’entreprise, est la seule manière de produire le
changement.
Communiquer le changement se situe le plus souvent dans
une conception unidirectionnelle de la communication.
La « com » se confond avec une police des discours,
contrôlée et non réciproque.
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Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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la notion d’« actes de langage ».
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Chapitre 5 Formes et enjeux de la communication performative
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b. Ludwig Wittgenstein.
c. John L. Austin. Questions
2 À quelle discipline linguistique la théorie de la
performativité renvoie-t-elle ?
de réflexion
a. La rhétorique.
b. La sémiologie. 6 Les nouveaux visages de la parole efficace
c. La pragmatique. En quoi la performativité comme théorie de la parole
politique est-elle en train d’évoluer avec l’essor des
3 Quelle valeur performative désigne l’« effet » médias ?
produit par l’énonciation d’un acte de langage ?
a. Locutoire. 7 La monétisation factitive des échanges
b. Illocutoire. numériques
c. Perlocutoire. Quels intérêts économiques les marques ont-elles à
devenir l’enjeu d’une conversation numérique ?
4 Par quelle visée communicationnelle la nouvelle
valeur « interlocutoire » se traduit-elle dans le
marketing performatif ?
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a. Faire acheter.
b. Faire parler.
c. Faire vendre.
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Chapitre 6
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L
« ike, share, comment », tels pourraient l’image de marque de l’individu ou de l’organi-
être les commandements des plateformes sation qui publie sur Internet. Les questions que
du Web social ! Invité en permanence posent ces nouveaux gestes, devenus réflexes,
à aimer, partager ou commenter, l’internaute sont nombreuses : dans quelle mesure peut-on
est en même temps assailli de propositions de considérer que les individus sont devenus actifs
navigation pour lire, voir ou acheter des conte- dans le processus de réputation des marques ?
nus. S’il influence par sa recommandation et ses Dans quelle mesure peut-on considérer que les
commentaires, il est réciproquement influencé plateformes cherchent à influencer le parcours des
dans son parcours et dans ses actes. Organisé internautes ? De manière plus générale, quels sont
autour de « boutons » et de « liens », le geste de les nouveaux territoires et les nouveaux enjeux de
la recommandation redéfinit les contours de l’influence et de la recommandation sur Internet ?
Influence et
recommandation
sur le Web social
Plan
1 De la recommandation à la recommandation en ligne . . . . . . . . . . . . 120
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2 La recommandation, un héritage des théories
de l’influence personnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
Objectifs
¼¼Appréhender les nouveaux enjeux de l’influence sur le Web
¼¼Comprendre la part des mécanismes de partage et de recommandation
dans le principe d’influence
¼¼Décrypter les enjeux stratégiques des plateformes du Web derrière les
incitations à « recommander »
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
1 De la recommandation
à la recommandation en ligne
Les pratiques de recommandation de contenus occupent désormais une place
centrale parmi les actions que les sites web proposent aux internautes. D’emblée,
l’internaute peut se voir invité à « recommander » en un clic les contenus d’un
site pour autrui. Réciproquement, ce même internaute peut se voir proposer
de découvrir de nouveaux contenus lorsqu’une page web les lui présente sous
l’étiquette « recommandé pour vous ».
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recommandables
En ligne, on lit des textes, on écoute des sons, on regarde des images ou des
vidéos… Et on les partage. Les contenus sont de plus en plus « recommandables »
car les sites web qui les contiennent intègrent des boutons afin qu’ils soient
recommandés et diffusés et des rubriques spécialisées pour en recommander
toujours davantage.
Exemple 1
La recommandation sur le site 20minutes.fr
La lecture du site du journal 20 Minutes illustre bien l’ampleur qu’atteignent les
pratiques de recommandation de contenus sur Internet au XXI e siècle. Quel que soit
l’article qu’un lecteur-internaute choisit de consulter sur 20minutes.fr, sa pratique de
lecture et de navigation doit se confronter à une série de recommandations affichées
sur l’écran. Tout autour du texte de l’article, 20 Minutes propose au lecteur-internaute
un ensemble d’invitations, tantôt pour influencer son clic, tantôt pour qu’il soit in-
fluencé par les clics d’autres lecteurs.
120
Chapitre 6 Influence et recommandation sur le Web social
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l’écran : sur Facebook, Twitter, LinkedIn et Messenger,
les partages totalisent « 11, 312 » et valent à l’article
d’occuper la première position.
– Sur le côté droit de la page, le site propose des liens
vers d’autres contenus et sites d’annonceurs (Ireland,
Peugeot), présentés sous l’étiquette « À lire aussi » dans
une rubrique qui porte la mention « Contenus sponso-
risés par Outbrain ».
– Enfin, lorsqu’un article intègre des contenus héber-
gés par d’autres sites ou des lecteurs (audio, vidéo), ces
reproducteurs incorporent dans leur cadre leurs propres
recommandations : ainsi, le lecteur vidéo de 20minutes.
fr affiche systématiquement un écran intercalaire avec la
légende « Découvrez plus de vidéos », inspiré du modèle Recommandations d’un lecteur vidéo et
du player de YouTube, qui propose en fin de visionnage d’Outbrain intégrées à une page du site
une mini-mosaïque de vidéos similaires. 20minutes.fr1
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1 Pont effondré à Mirepoix-sur-Tarn : Le poids lourd et son chargement pesaient « plus de 40 tonnes »,
20minutes.fr, 19 novembre 2019.
121
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
2 La recommandation, un héritage
des théories de l’influence
personnelle
La problématique de la recommandation sur écran trouve ses racines dans les
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travaux des penseurs du XXe siècle qui se sont intéressés aux relations de pouvoir
qu’entretiennent les médias, les groupes sociaux et les individus.
1 P.-F. Lazarsfeld et E. Katz, Personal Influence, the Part Played by People in the Flow of Mass
Communications, Free Press, New York, 1955. Tr. fr. Influence personnelle : ce que les gens font des
médias, Armand Colin, Paris, 2008.
122
Chapitre 6 Influence et recommandation sur le Web social
FOCUS
Les deux étages
Dans un article qui revient sur l’ouvrage Personal influence de 1955, Katz résume ainsi la thèse du
modèle des deux étages, tout en expliquant la métaphore que lui donne son nom : « Les gens acquièrent
leurs convictions de façon très heureuse par l’intermédiaire d’échanges avec d’autres personnes et l’in-
fluence des mass media se révèle moins automatique et moins puissante qu’on ne l’avait supposé […].
Certaines influences transmises par les mass media atteignent d’abord des leaders d’opinion [1er étage]
qui, à leur tour, communiquent ce qu’ils lisent et entendent à leurs semblables [2e étage] sur lesquels
ils exercent de l’influence. »1
1 E. Katz, « Les deux étages de la communication », in F. Balle et J.-C. Padioleau, Sociologie de l’information,
Larousse, Paris, 1973, pp. 285-304.
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2.2 Le Web démultiplie le phénomène
de recommandation
Le modèle de Lazarsfeld et Katz est particulièrement pertinent pour questionner
l’influence du flux de recommandations qui a cours sur le Web.
123
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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Modèle du two step flow
Média de masse
Leader d’opinion
1 Université de Twente, « Facebook introduces social graph search », The Next Web, 15 janvier 2013.
124
Chapitre 6 Influence et recommandation sur le Web social
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à faire croire au potentiel de « contagion1 » de ce qui est recommandé, partant
du principe que les gens s’imitent les uns les autres.
Pour suggérer que l’influence se joue désormais à plus de deux étages, on parle
de « multi-step flow » car l’effet de réseau social fait qu’un internaute influencé
par un leader d’opinion peut toujours devenir l’influenceur d’un autre, celui-ci
pouvant à son tour en influencer un autre et ainsi de suite pour former une chaîne
de « relais prescriptifs »2 et de recommandations.
Avec cette promesse d’une « transmission d’influences » quasi épidémiologique,
diverses industries de la recommandation sur le Web assoient leur emprise éco-
nomique en faisant miroiter à leurs partenaires (marques, médias, institutions,
industries culturelles) l’horizon d’une efficacité maximale lorsqu’il est question
d’orienter les internautes vers certains contenus promus.
que la publicité
Croire au succès de la recommandation sur Internet revient à valider la puissance
des relations entre influenceurs et influencés. Cela explique la valorisation du
bouche-à-oreille, du marketing « viral », de la recherche d’influenceurs et de
buzz au détriment de pratiques promotionnelles et publicitaires plus classiques.
125
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
FOCUS
Vous avez dit « influenceur » ?
Selon une étude OpinionWay réalisée en octobre 2014
pour la société Mozoo auprès de 1 006 personnes
majeures, 78 % des Français estimaient que la publicité
sur Internet était devenue une nuisance. Ce climat
de méfiance envers des formats jugés trop intrusifs,
explique sans doute le succès que connaissent des
formes plus subtiles de persuasion publicitaire, comme
celle qu’incarnent les « influenceurs ».
La figure de l’influenceur renouvelle l’héritage du
leader d’opinion et le décline selon de multiples ava-
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tars : aux répertoires de blogueurs et twittos influents
s’ajoutent désormais l’influenceur ou l’influenceuse Une « influenceuse » © Shutterstock/Diego Cervo
instagram, le youtubeur ou youtubeuse, etc. Au fil
des plateformes, ces divers influenceurs peuvent proposer leurs services d’intermédiaires-clés auprès
d’une audience fidélisée à toute sorte d’acteurs en quête de rouages promotionnels. Pratiqué aussi bien
par les marques que par les institutions, l’« influencer marketing » devient un poste budgétaire à part
entière, destiné à concrétiser des relations d’influence (sponsoring, partenariats) avec ces créateurs de
contenus des réseaux.
En 2019, les lexicographes du dictionnaire anglais Merriem-Webster ont décidé d’intégrer cette accep-
tion digitale du mot influenceur : « Une personne qui est capable de susciter de l’intérêt pour quelque
chose (comme un produit) en lui consacrant des posts sur les médias sociaux. » Leurs homologues de
l’Oxford English Dictionary notent également une spécialisation du terme « influencer » en fonction
des domaines particuliers d’influence : « microinfluencer » ou « nanoinfluencer » (petites audiences),
« fitfluencer » (sport), « pinfluencer » (sur Pinterest) ou « techfluencer » en sont des variantes attestées
de nos jours.
126
Chapitre 6 Influence et recommandation sur le Web social
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aux autres ce qu’ils consomment et à maintenir entre eux une atmosphère
positive de « confiance » pour que ce soit le vrai nom qui s’affiche avec le lien 2 .
Comme dans une lettre de recommandation à l’ancienne portant la caution
d’une signature, il est question de connoter à l’écran une certaine authenticité.
La somme de ces cautions individuelles donne lieu aussi à des recommanda-
tions collectives : c’est le cas des contenus « les plus populaires/partagés » ou
qui portent des quantifications (« 9 684 personnes aiment ça »). Dans ce cas, à
la place du nom et du visage, ce sont les chiffres et classements qui jouent un
effet prescripteur.
127
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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S Quelques recommandations nominatives sur Twitter et Facebook
Exemple 2
À l’écran, un exemple de ce type de recommandation est celui d’Amazon dont l’algorithme
nourrit deux rubriques dans la page de chaque produit : « Les clients ayant consulté [nom
du produit] ont également consulté [nom d’autres produits] » ou encore « Les clients
ayant acheté cet article ont également acheté [nom d’autres articles] ». Il en va de même
pour le choix des vidéos similaires recommandées par YouTube (avec leurs publicités
respectives) après avoir croisé les « historiques » des visionnages des internautes. C’est
aussi en suivant cette logique que le moteur de Facebook va suggérer des amis que « vous
connaissez peut-être » ou rendre certains contenus sponsorisés prioritaires selon le visiteur.
128
Chapitre 6 Influence et recommandation sur le Web social
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contenus sur différents sites. L’enjeu de cette intermédiation peut-être multiple :
grâce aux services d’un petit moteur et à des titres accrocheurs (dits clickbait ou
putaclic), on peut continuer à exploiter un contenu devenu inactuel, échanger du
trafic ou des « bouffées d’audience »2 avec d’autres sites clients du même prestataire.
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129
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
Définition 1
D’après l’Office québécois de la langue française, un cookie ou « témoin
de connexion » est un élément d’information qui est transmis par le ser-
veur au navigateur lorsque l’internaute visite un site web, et qui peut être
récupéré par ce serveur lors de visites subséquentes. Ces cookies sont
développés dans le but d’adapter dynamiquement le contenu des sites web
aux habitudes de navigation de l’internaute, ce qui leur vaut parfois des
« connotations négatives » (mouchard et espions).
2.5 La recommandation,
indicateur de performance
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Sous ses diverses déclinaisons et hybridations
en ligne, la notion de recommandation connaît
un succès certain parmi les professionnels de la
communication dont l’enjeu est d’atteindre les
internautes et de les engager dans la promotion
de leurs contenus. Les consultants en commu-
nication digitale, les concepteurs de sites, les
stratèges du Web marketing et autres community
managers doivent dès lors réfléchir en amont
à la « recommandabilité » de leurs contenus.
Qu’est-ce qui marche le mieux ? Peut-on anticiper le potentiel de circulation d’un
contenu entre les internautes ? Ces questions sont complexes car elles mobilisent
non seulement une conception schématique de l’influence interpersonnelle
mais aussi une certaine foi dans les formes standardisées d’intermédiation que
proposent les grandes plateformes du Web.
Pour les professionnels du Web, la traduction opérationnelle de cette pensée
stratégique de la « recommandation » conduit à une dépendance accrue vis-à-vis
des internautes et des sites sur lesquels ceux-ci sont inscrits.
130
Chapitre 6 Influence et recommandation sur le Web social
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■■ Quel contenu marche auprès des
hommes ? des femmes ? de quelle
tranche d’âge ?
■■ Qu’est-ce qui a fait exploser l’au-
dience (comme l’intervention d’un
internaute influent) ?
■■ Combien d’internautes ont été tou-
chés par le contenu ?
■■ Etc.
Cette batterie d’arguments quan-
titatifs, automatiquement livrée au
communicant, lui permet de justifier
l’efficacité supposée de son travail
d’influence à l’aide de diagrammes
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131
Partie 2 Quand l’acte de communiquer devient créateur de valeur
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S Mesures de l’influence des contenus sur YouTube et Facebook
¼¼D’un clic, l’internaute peut aussi bien influencer ses amis, s’ériger en leader
de son groupe, prêter la caution de son nom, consommer les services d’un
site intermédiaire, intégrer une niche d’audience, prospecter des clientèles
potentielles, créer du trafic entre des sites, faire tourner leur stock de contenus,
prendre part à l’optimisation des algorithmes, se rendre lisible comme cible
et contribuer à l’évaluation quantifiée d’une stratégie de communication.
132
Chapitre 6 Influence et recommandation sur le Web social
Une seule bonne réponse est possible pour chacune 5 Dans la logique « d’économie de la recomman-
des questions. dation », quand les professionnels de la communica-
tion doivent-ils réfléchir à la « recommandabilité »
1 Quel chercheur est à l’origine du modèle du two des contenus ?
step flow ? a. En aval.
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a. Paul Lazarsfeld. b. En amont.
b. Gabriel Tarde.
c. Brian Solis.
consommation de contenus médiatiques que par leurs Pourquoi est-il si difficile de mesurer l’influence en
proches, amis et collègues. ligne ?
b. Que les individus sont plus influencés par leur
133
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3
à se confondre
public tendent
Quand espace
Partie
marchand
et espace
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L
a deuxième partie de cet ouvrage a permis de voir comment la communication
produisait de la valeur. Cette troisième partie montrera que, portée par la société
industrielle, instrumentalisée par le marché, la communication tend même à
transformer l’espace public en un vaste espace marchand.
Dans le chapitre 8, la communication est étudiée sous l’angle de la marque et du
marketing, des enjeux de différenciation à la production de contenus et au storytelling.
Entre une fascination pour l’inventivité publicitaire et un sentiment de marchandisation
du monde dénoncé par les altermondialistes, la place de la publicité dans la société sera
observée dans ses changements de paradigmes successifs (chapitre 9).
Mais avant cela, le regard anthropologique porté sur la communication dans le chapitre 7
portera à considérer l’entreprise comme un champ social et le marché comme un système
d’échanges et d’interactions dans lesquels des jeux de pouvoir sont à l’œuvre.
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P
reuve de la prise médiatique de l’anthro- des phénomènes de communication. Bien plus
pologie classique, les émissions de voyage que l’engouement actuel pour le « savoir anthro-
et de découverte abondent sur nos écrans pologique » qui envahit les univers médiatique,
(exemple ci-dessus, « Rendez-vous en terre incon- communicationnel et professionnel, la méthode
nue », émission diffusée sur France télévisions). et les concepts de cette discipline participent à
Si l’anthropologie et l’ethnologie conservent la compréhension du contemporain et, en cela,
encore aujourd’hui une image de sciences de éclairent ceux qui pensent le monde par la com-
l’homme du lointain, ces disciplines sont, depuis munication tout autant que ceux qui pratiquent
de nombreuses années, étroitement liées à l’étude la communication.
L’anthropologie
de la
communication
Plan
1 Faire de l’anthropologie en communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
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2 Une anthropologie de la communication historique
et très contemporaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
3 Vers une anthropologie communicationnelle en France . . . . . . . . . . 145
Objectifs
¼¼Découvrir l’une des sciences humaines et sociales fondamentales pour
la théorie et l’observation de la communication : l’ethnologie
¼¼Appréhender l’histoire d’une tradition renouvelée de l’analyse
des échanges, des interactions et des relations humaines : l’anthropologie
de la communication
¼¼Maîtriser les enjeux de la méthodologie ethnographique pour analyser
les phénomènes et les processus de communication contemporains
¼¼Savoir appliquer cette approche à des terrains spécifiques : la ville,
le travail et le loisir, le groupe, l’entreprise, la consommation…
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
1 Faire de l’anthropologie
en communication
Claude Lévi-Strauss, à qui l’on doit la distinction française des trois termes qui
définissent la discipline (ethnographie, ethnologie et anthropologie), avait cou-
tume de se les représenter comme une sorte d’édifice à trois étages :
■■ au rez-de-chaussée, l’ethno-
graphie, dont l’étymologie
indique qu’il s’agirait bien
de l’écriture d’un ethnê
(« peuple » en grec), est le pre-
mier niveau de la recherche,
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à savoir l’expérience sur le
terrain, la collecte des don-
nées et la description des faits
observés in situ ;
■■ l’ethnologie, toujours sur la
même racine, ferait monter
d’un étage dans la compré-
hension d’un peuple, puisqu’il
s’agirait ici non plus seulement
de décrire mais d’analyser,
c’est-à-dire de saisir le « pour-
quoi ils font comme ça ? »,
produisant ainsi des inter-
prétations ethnoculturelles ; S Le Nouvel Observateur n° 2269, 2008
138
Chapitre 7 L’anthropologie de la communication
Définition 1
L’ethnographie, méthode d’immersion, d’observation et de dialogue avec
des individus sur le terrain, permet d’appréhender la communication en
acte, d’analyser finement la dynamique interactionnelle tout en prenant
en compte le contexte social dans lequel elle prend sens.
Définition 2
L’anthropologie de la communication s’intéresse à la communication
en tant que structure dynamique soutenant l’ordre et la créativité dans
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l’interaction sociale. Elle prend en compte la communication sous trois
aspects : l’action, la compréhension, la relation.
2 Une anthropologie
de la communication historique
et très contemporaine
Les liens entre l’anthropologie et la communication sont très anciens, au point
que l’on peut se demander si les deux disciplines ne seraient pas tout simplement
consubstantielles. Faire de l’anthropologie de/dans/par la communication, c’est
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139
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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élargit la question de la communication au cadre dans lequel
elle s’inscrit. Il l’envisage de manière circulaire et introduit
l’idée de « feedback », c’est-à-dire d’un principe de rétroaction
entre l’émetteur et le récepteur. Ainsi, sa théorie générale de
la communication est celle des interactions.
Bateson privilégie une approche systémique de la communi-
cation qui s’intéresse autant aux protagonistes qu’aux cadres
dans lesquels s’inscrit la relation. Si les individus s’influencent
mutuellement, ils sont aussi influencés, chacun et ensemble,
par le milieu ou le système dans lequel ils évoluent. Dans cette
approche systémique, les systèmes eux-mêmes, constamment
en mouvement, sont influencés par les autres systèmes avec
qui ils sont en interaction.
Cette tradition de l’observation de l’ailleurs et de la distance
produit même depuis quelques années une véritable passion
médiatique pour sa mise en spectacle hyper vulgarisée. Le
succès des émissions télévisées portant sur la rencontre avec un autre lointain
procède d’une véritable « médiagénie » ethnologique dans la manière dont nous
nous représentons collectivement ce qu’est la description idéale de la com-
munication avec l’autre. Six millions de téléspectateurs regardent l’émission
Rendez-vous en terre inconnue qui fait l’événement sur France 2 en mettant en
scène une célébrité découvrant un groupe ethnique dans un coin reculé de la
planète. Reste à savoir, comme toujours, l’objectif final d’une telle entreprise
de découverte : les autres ou soi-même ? Comme dans le Miroir d’Hérodote2 , il
140
Chapitre 7 L’anthropologie de la communication
est légitime de se demander si ce « miroir tendu » n’est pas fait pour que l’on s’y
pense en regardant les autres.
Définition 3
Le concept de médiagénie est proposé par le spécialiste des médias
Philippe Marion pour qualifier la capacité d’un sujet, d’un projet nar-
ratif, voire d’un genre à se réaliser de manière optimale dès lors qu’ils
sont mis en discours ou en images par le partenaire médiatique qui leur
convient le mieux.
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2.3 Yves Winkin
En 1981, Yves Winkin publie La nouvelle communication et formalise alors
une véritable anthropologie de la communication. Dans cet ouvrage devenu
un classique des sciences de la communication, il développe une nouvelle
conception de la communication en introduisant en France les travaux de
l’École de Palo Alto et ceux du sociologue américain de l’interaction Erving
Goffman avec qui il a travaillé à l’université de Pennsylvanie entre 1976 et 1982.
Au modèle « télégraphique » (! Introduction, p. 2), très calqué sur le langage
et la linguistique et qui suppose simplement la transmission de message entre
un émetteur et un récepteur, Winkin substitue la communication de type
« orchestral », c’est-à-dire une communication dans laquelle tous les acteurs
participent et sont impliqués. Comme dans un orchestre, chacun joue sa parti-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
tion et s’accorde avec les autres pour créer un ensemble. Dans cette situation,
tout compte (le verbal comme le non-verbal) pour assurer la communication.
« Communication et information vont devenir quasi interchangeables, ou plutôt
vont devenir les membres de l’ensemble communication de l’information »,
explique-t-il.
141
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
FOCUS
Erving Goffman (1922-1982) selon Yves Winkin
Sa dernière intervention (1982) s’intitule « L’ordre
de l’interaction », comme le dernier chapitre de sa
thèse (1953). C’est dire si Goffman avait de la suite dans
les idées et s’il tenait à cette idée que l’interaction est
une « espèce d’ordre social » : la respecter, c’est respecter
la société tout entière ; la brutaliser, c’est commettre
une offense qui demandera réparation, comme toute
agression. Goffman affinera sa vision de l’articulation
entre ordre de l’interaction et ordre social à l’occasion
de trois longs terrains d’étude.
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– Le premier est celui de sa thèse, entre 1949 et 1951,
dans l’île d’Unst, dans les Shetland.
– Le deuxième se déroule entre 1954 et 1955 dans l’asile
psychiatrique de Sainte-Elizabeth, sur les hauteurs de
Washington.
– Le troisième est plus mystérieux parce que Goffman
n’en a pas tiré de livre, il s’agit d’études par observa-
tion participante, comme joueur et croupier, dans
divers casinos de Las Vegas, Reno et Atlantic City au
début des années 1960 et à la fin des années 1970. On
ne retient trop souvent de Goffman que l’idée d’un monde social décrit comme une « mise en scène ».
Certes, c’est la métaphore qui sous-tend son premier livre, La Présentation de soi (p. 2, 1959), mais il
y en a onze autres qui font de Goffman l’un des sociologues les plus originaux du XX e siècle.
142
Chapitre 7 L’anthropologie de la communication
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vélocité. Je cherche ainsi à ne pas attribuer d’intentions
aux « acteurs » et encore moins à caractériser socialement
ou moralement les individus qui sont « dans » ces masses
en mouvement. Je veux juste voir une « chorégraphie » :
je pose que ces corps se déplacent en relation les uns
avec les autres, selon une partition que je ne connais
pas mais que je vais peu à peu mettre au jour. En cela, je
m’inspire à la fois du Goffman proche de l’éthologie, celui
qui m’envoyait étudier les séquences interactionnelles
de petits singes au zoo de Philadelphie, et du Goffman
qui écrivait « ainsi donc, non pas les hommes et leurs
moments ; mais plutôt les moments et leurs hommes »
pour terminer son introduction à Rites d’interaction
(1967-1974).
Pouvez-vous décrire ce qu’est pour vous le concept
d’interaction ?
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143
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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souviens encore de Goffman nous disant que personne
n’avait jamais réussi à faire les deux analyses en même
temps. Soit, mais je continue à penser que cette division
du travail ne doit pas nous donner trop rapidement
bonne conscience. Il faut penser à Bourdieu quand on fait
du Goffman et à Goffman quand on fait du Bourdieu.
En d’autres termes, penser structures quand on travaille
les interactions, et ne pas oublier les interactions quand
on fait dans les structures. C’est ainsi que je m’efforce
de procéder. ■
144
Chapitre 7 L’anthropologie de la communication
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3.1 De l’anthropologie de la communication
à l’anthropologie contemporaine
de la ville
En France, les liens entre sciences de la communication et anthropologie se
sont noués assez tardivement, dans les années 1980 et 1990, à une époque où
l’anthropologie se redéfinissait elle-même autour de la notion de contemporain,
opérait en quelque sorte son « tournant contemporain 2 ». On peut faire l’hypo-
thèse que c’est par les recherches sur les villes et les phénomènes urbains que
ce rapprochement a été fait.
Ce sont d’abord les sociologues de l’École de Chicago qui formalisent cette
approche dans des enquêtes microsociologiques au service d’une étude du
phénomène macrosocial de l’urbanité. Depuis les années 1930, ces chercheurs
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1 Voir Yves Winkin, La communication n’est pas une marchandise. Résister à l’agenda de Bologne,
Éd. Labor/Éd. Espace de Libertés, coll. « Liberté j’écris ton nom », Bruxelles, 2003.
2 Michel Agier, « Le tournant contemporain de l’anthropologie », Socio, 1 | 2013, 77-93.
145
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
FOCUS
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La ville de l’anthropologue
de la communication
Observer la ville en anthropologue de la communication, c’est donc ne pas se limiter aux échanges
conversationnels prenant place dans un contexte urbain. Ce n’est pas non plus se cantonner à l’ana-
lyse des panneaux publicitaires, des affiches publicitaires, de ce qui se présente comme communi-
cationnel dans la ville au sens du champ d’action social que représente la communication dans le
domaine professionnel. C’est envisager la ville, ses différents espaces, les échanges qui s’y déroulent
et le contexte communicationnel ensemble afin de saisir les différentes modalités du « faire ville »
aujourd’hui. La question n’est donc pas de savoir ce qu’est la ville mais de saisir des opérations par
lesquelles des organisations marchandes et des institutions sociales et politiques, des habitants et des
touristes participent à faire de la ville un lieu spécifique de culture, de valeurs, de représentations et
d’imaginaire. En partant d’exemples comme les fêtes urbaines, on peut montrer d’une part comment
les villes produisent des événements urbains dans un objectif de production d’identité locale, d’autre
part comment ces événements participent à la définition d’une urbanité plus générique qui permet de
mettre en comparaison les villes. Politique, communication et événements de rassemblements urbains
sont donc au cœur de l’approche de la ville.
146
Chapitre 7 L’anthropologie de la communication
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le monde de l’entreprise2 .
Définition 4
L’anthropologie économique est définie par Francis Dupuy, professeur
à l’université Toulouse Jean-Jaurès, comme le « champ de la discipline
anthropologique qui étudie les dispositifs mis en œuvre par les sociétés
humaines afin de produire et échanger les biens matériels nécessaires à
leur consommation et à leur reproduction en tant que groupes. 3 »
1 Voir les travaux de l’équipe de Dominique Desjeux sur la consommation, notamment sur le site
www.argonautes.fr.
2 Voir Marc Abélès, « L’homo oeconomicus dans son biotope », Finance & Bien commun, 2005,
no 22, pp. 96-98.
3 Francis Dupuy, Anthropologie Économique, Armand Colin, 2e éd., Paris, 2008, p. 9.
4 L’Harmattan, Paris, 1998.
147
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
qui n’est pas neutre car l’activité y est finalisée (la production) et les rapports
sociaux qui s’y jouent sont déterminés par les hiérarchies et les catégories propres
au monde du travail.
L’ethnologie dans l’entreprise a également permis de montrer que le pouvoir
était au cœur de l’analyse ethnologique des organisations. En passant par l’an-
thropologie du politique pour penser les liens entre pouvoir et organisation,
plus particulièrement les modalités d’exercice du pouvoir dans les situations
de travail, l’entreprise devient un des hauts lieux d’observation du politique
comme dynamique des rapports sociaux dans la société, dans lequel la place de
la communication est centrale.
Le travail qu’a mené Nicolas Flamant sur les managers dans une entreprise
aéronautique française est une illustration possible de l’analyse ethnologique du
pouvoir dans l’entreprise. Dans Anthropologie des managers1 , il décrit notam-
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ment une des mises en scène les plus significatives de production du pouvoir
dans l’entreprise : les comités de direction.
FOCUS
L’ethnologie du travail selon Anne Monjaret
L’ethnologie a beaucoup étudié les formes traditionnelles de travail et de rapport au travail : la
culture ouvrière, les représentations symboliques des métiers et des organisations, les « rituels »
en entreprise.
Par exemple, les travaux d’Anne Monjaret, qui développe une anthropologie des espaces de travail1 ,
décrivent et analysent des situations de festivité en entreprise comme la fête de la Sainte-Catherine2
issue du monde des ateliers de couture parisiens. Elle s’intéresse aussi à l’appropriation des bureaux
par les salariés d’entreprises3, aux usages du téléphone 4 , aux temps de travail et de loisirs 5 , aux fêtes et
pots de départ en retraite qui sont autant d’incursions du domaine privé dans l’entreprise.
1 A. Monjaret, « Les bureaux ne sont pas seulement des espaces de travail », Communication & Organisation,
GREC/O, 2002, n° 21, pp. 75-90.
2 A. Monjaret, « La Sainte-Catherine dans la couture, une fête au féminin », Ethnologie française, 1986, n° 4, pp. 361-378.
3 A. Monjaret, « Être bien dans son bureau : jalons pour une réflexion sur les différentes formes d’appropriation
dans l’espace du travail » Éthnologie française, 2006, n° 1, pp. 129-139.
4 A. Monjaret, « Éthnographie des pratiques téléphoniques de “cadres” parisiens », Réseaux, Usages de la téléphonie,
mars-juin 1997, n° 82-83, pp. 101-127.
5 A. Monjaret, « Fêtes et travail dans les organisations professionnelles : quelles relations possibles ? », Varia,
Ethnographiques.org, revue internationale (franco-suisse) en ligne de sciences humaines et sociales, n° 24, juillet 2012.
148
Chapitre 7 L’anthropologie de la communication
entière dans les cabinets de conseil en organisation ainsi que dans les directions
des ressources humaines de grands groupes industriels.
FOCUS
Quand anthropologie et SIC fonctionnent de concert
L’anthropologie de la communication qui étudie la structure dynamique de l’interaction sociale est
devenue un incontournable dans les départements de communication en France et à l’étranger. Des
cours se sont développés dans tous les cursus, des thèses et des ouvrages sont publiés. Aux États-
Unis, les départements d’anthropologie de la communication sont variés, on y parle d’« anthropology
and mass communication », d’« anthropology of media », d’« anthropology of visual communication »,
d’« anthropology of online communities »…
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Mais comment s’y prendre alors en anthropologie de la communication ? L’idée est de considérer
son terrain, son objet, comme étant une situation sociale qui ne se résume pas à l’observation des
pratiques, à la technique de l’entretien, à la sémiologie des objets présents, ni encore à l’analyse de
contenus d’un corpus de discours, rendus ainsi textuels. Elle est, pour l’ethnologue, une situation
profondément communicationnelle. En ethnologie, le savoir se produit dans l’échange lui-même, lors
de la rencontre que permet l’enquête de terrain. Cette enquête donne une place centrale à la posi-
tion de l’observateur, aux effets de sa présence sur la situation étudiée, à tout ce qui est d’ordinaire
glissé dans les coulisses de la recherche, voire rendu invisible et, au final, considéré comme biais,
de rapport à l’objet, de rapport d’« enquêteur » à « enquêté ». Avec ce programme méthodologique
simple mais déterminant, de nombreux terrains s’ouvrent qui, chacun, concourt à l’intelligibilité des
situations de notre présent.
Dans cette perspective, il est alors possible d’établir des entrelacs entre SIC et anthropologie, sans
rigidité disciplinaire, dans le but de participer à ce vaste ensemble que pourraient être les sciences du
contemporain et auquel une anthropologie communicationnelle peut puissamment participer.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
149
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
¼¼Dans les années 1980, Yves Winkin formalise une véritable anthropologie
de la communication avec le concept de communication de type « orches-
tral » fondé sur les travaux de l’École de Palo Alto et sur ceux du sociologue
américain de l’interaction Erving Goffman.
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la consommation, le réseau).
150
Chapitre 7 L’anthropologie de la communication
Une seule bonne réponse est possible pour chacune 6 Quel anthropologue est à l’origine de l’École
des questions. de Palo Alto ?
a. Maurice Godelier.
1 Claude Lévi-Strauss se représentait l’anthro- b. Yves Winkin.
pologie comme une sorte d’édifice à : c. Gregory Bateson.
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a. trois étages.
b. sept étages.
c. dix étages.
151
Chapitre 8
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L
a marque a pour rôle essentiel de distin- formes rudimentaires de signature (qui apparaît
guer, d’authentifier et de protéger l’offre vers le XVIe siècle). On retrouve d’ailleurs fréquem-
d’une organisation dans une économie de ment cette fonction signature de la marque dans
marché. Avant de devenir un atout stratégique et les univers de la mode et du luxe qui regorgent de
concurrentiel, la marque a d’abord été un signe de marques patronymiques (Louis Vuitton, Dior,
reconnaissance dont le rôle initial était d’identifier Armani, Chanel, etc.). Le paradoxe de la marque
l’artisan à l’origine du produit. La marque est un est qu’elle est finalement issue du domaine artisanal
signe anthropologique qui renvoie d’une part à la et qu’elle fleurit à mesure que s’étiole partiellement
culture artisanale (et à la nécessité de distinguer le régime artisanal dans un monde industriel. D’où
des produits relativement équivalents), d’autre le fait que des marques comme Hermès ou Louis
part à la question de la trace et de la signature, Vuitton déploient une rhétorique de l’artisanat
dans la mesure où les premières marques étaient à travers une référence constante au travail de
finalement des ancêtres des monogrammes et des l’artisan et à la figure omniprésente de la main.
Marketing,
branding, contenus
de marques
Plan
1 Les facteurs de l’essor des marques au milieu du XIXe siècle . . . . . . . 154
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2 Marque, marché, marketing . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
3 Les cinq piliers de l’économie des marques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
4 La marque comme système de signes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
5 Valeurs, récit, codes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
6 Quels enjeux pour les marques ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Objectifs
¼¼Définir ce qu’est une marque
¼¼Saisir à quoi servent les marques
¼¼Comprendre pourquoi les marques se sont développées jusqu’à devenir
un actif immatériel clé de l’entreprise
¼¼Appréhender les logiques et la culture de marché
¼¼Décoder le fonctionnement des marques en termes de sens, de signes
et de récits
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
Définition 1
La marque n’est pas propre au marketing et à l’entreprise moderne. C’est
un signe anthropologique dont la présence est attestée par les archéologues
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depuis l’Antiquité (3000 à 4000 ans avant J.-C.). Presque tous les diction-
naires définissent la marque comme un signe ou symbole qui identifie un
objet et permet de le différencier d’objets concurrents. Cette définition met
l’emphase sur deux fonctions essentielles de toute marque : une fonction
d’identification de la source et une fonction de différenciation. L’étymo-
logie du terme (datant du xiiie siècle) renvoie à la question de la trace, de
l’empreinte, voire du tatouage. Le mot marque viendrait de « merchier »,
faisant référence à l’acte de marquage du bétail au fer rouge en guise
d’appropriation. On retrouve d’ailleurs la même signification dans le mot
anglais brand qui serait une dégénérescence d’un mot nordique brandr
(proche du terme de brandon qui signifiait également ce signe apposé sur
le bétail) et que les Vikings auraient contribué à diffuser en Angleterre.
Marquer, c’est donc laisser une trace, que ce soit sur un objet ou dans
l’esprit des clients. La marque est essentiellement une empreinte, une
trace, et réfléchir à la trace conduit à mieux comprendre une composante
essentielle de la condition humaine affrontée à la gestion de l’absence.
Bien que plus ancienne que le marketing, la marque en signe l’essence à
partir du moment où elle est, comme le rappelle Laufer, « ce signe que
porte le produit et qui le désigne au consommateur comme étant bien ce
qu’il paraît être1 ».
154
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
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– le développement d’une économie du libre-service qui impose au produit de
devenir un acteur sur le linéaire ;
– l’essor de la publicité, enfin, qui devient une source de revenus pour les médias
et permet aux industriels de toucher leurs clients sans être dépendants des
commerçants.
155
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
sion de « vendeur silencieux » forgée par Vance Packard dans son ouvrage
séminal The Hidden persuaders1.
La marque présuppose en effet la mise en œuvre de dispositifs
d’intermédiation symbolique par lesquels le produit va pouvoir
prendre la parole et s’adresser au client final. Il s’agit donc de subs-
tituer une médiation symbolique à une médiation humaine, d’où
l’importance des phénomènes d’anthropomorphisation à travers
l’apparition des personnages de marque qui ont pour fonction
de donner vie et identité à la marque dans le but d’accroître son
potentiel de séduction.
Pour imposer leurs marques, les industriels ont vite compris qu’il
était nécessaire :
– d’imprimer un nom sur les produits ;
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– d’attirer l’attention des autres agents sur cette inscription, pour faire en sorte
qu’ils considèrent la marque autant que le produit ;
– d’aller contre les vieilles habitudes des clients consistant à juger la qualité des
produits d’après leur apparence et leur texture davantage que d’après leur
nom.
L’essor de cette idéologie signifiait donc, très concrètement, la capacité à conduire
les personnes à accepter le remplacement de la chose par le signe, et faire
en sorte que « le client achetât des mots en lieu et place des objets »2 . C’est
ainsi que les fabricants fournirent avec la marque et le packaging une réponse
pragmatique à cette question : « ils s’efforcèrent de déplacer la relation linguis-
tique entre le signifié (la marque) et le signifiant (le
produit) vers un troisième terme : […] l’emballage que
l’on acquiert autant pour son contenu que pour son
aspect et pour la marque qui y figure. Le conditionne-
ment permettait l’association irréductible du produit et
de la marque »3. Le packaging permettait en quelque
sorte à travers les « boîtes » et les « bidons » de créer un
écran servant à dissimuler une réalité ancienne (celle
du vrac) mais surtout à projeter une vérité nouvelle en
érigeant la marque comme seule mention de l’origine et
surtout comme seul critère de choix possible. La marque
certifie l’origine des produits, engage la responsabilité
du fabricant, d’où l’assurance d’une certaine constance
de la qualité des produits et le fait que la société de
1 Ouvrage paru en 1957 aux États-Unis et traduit en français sous le titre La persuasion clandestine.
2 F. Cochoy, Une histoire du marketing. Discipliner l’économie de marché, La Découverte, Paris,
1999, p. 36.
3 Ibidem.
156
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
FOCUS
Pour le spécialiste des marques Georges Lewi1 , « la marque est un repère mental sur un marché ». Elle
a par conséquent pour le consommateur une double fonction :
1. lui indiquer le « repère sur le marché » : quel produit, quel prix, quel circuit de distribution, quel
niveau de notoriété ? Il s’agit alors pour l’entreprise de bien définir les 4 P du marketing traditionnel.
La première différenciation est transactionnelle ;
2. lui indiquer le « repère mental » : qu’est-ce qui va faire la différence dans son esprit entre une marque
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et une autre qui diffuserait sensiblement les mêmes produits, au même niveau de prix ? Le story-
telling de la marque participe fortement à cette différenciation mentale. La seconde différenciation
est émotionnelle.
1 Mythologue, spécialiste des marques. Auteur de Branding Management (3e édition, Pearson, 2012), de Mythologies
des marques (Pearson, 2009) et de E-branding (Pearson, 2013).
des produits sur lesquels elles sont apposées. Il peut alors nommer, demander
voire exiger le produit qu’il souhaite. La connaissance des produits dont jouit
le consommateur ne dépend ainsi plus, en principe, de ce que le marchand
veut bien lui en dire.
157
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
Logique PULL
- Produit
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- Nom de marque
- Packaging
- Publicité
- Promotion
Logique PUSH - Personnage Logique PUSH
de marque
158
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
afin de référencer les produits de ladite marque. La marque est donc essentielle-
ment un enjeu de pouvoir dans l’objectif de contrôle de la relation marchande.
Avec l’économie des marques, se met en place un système d’intermédiation mar-
chande qui vise à établir une relation avec le consommateur final, caractérisée par :
– l’essor du produit qui remplace la commodité ;
– l’avènement du packaging qui remplace l’emballage papier (qui prévalait dans
une logique de vrac) ;
– l’importance croissante des noms pour identifier les produits et créer de la
redemande ;
– l’apparition des personnages de marque (ces « vendeurs silencieux ») qui visent
à personnifier les produits pour leur donner plus de valeur ;
– la publicité qui remplace graduellement la réclame et qui sert à enrober le
produit d’un imaginaire pour le rendre attractif.
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3 Les cinq piliers de l’économie
des marques
L’essor des marques a permis de structurer le marché mais aussi de déployer
une culture du marché qui repose sur cinq grands principes.
159
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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de marque, c’est-à-dire un différentiel de prix que la marque est susceptible
de créer par rapport à des marques concurrentes. L’économie des marques est
donc essentiellement fondée sur une logique de premiumisation qui consiste à
vendre un produit plus cher que le prix de référence des marchés en l’enrobant
d’un imaginaire. L’accouplement de la fonction symbolique et de la fonction de
premiumisation a pour conséquence directe que la marque a pour fonction ultime
de défonctionnaliser un bien marchand en faisant porter le regard sur d’autres
dimensions que les seules fonctionnalités du produit, afin de faire oublier le prix
et aussi paradoxalement le produit lui-même. C’est ainsi que l’on désensibilise
au prix afin de mieux sensibiliser à la marque : c’est la décommodification.
Exemple 2
Swatch ne vend pas des montres, mais des « accessoires de mode qui accessoirement
donnent l’heure ». De même que Nike a littéralement transformé la chaussure de
sport en un accessoire essentiel de la quotidienneté branchée.
160
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
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de contradiction possible qui travaillerait le bénéfice de marque est donc écartée
d’emblée, d’où la difficulté récurrente des marques à revendiquer simultanément
le plaisir et la diététique, le confort et le prix bas, etc. La rhétorique des marques
occidentales s’est construite sur des séries d’oppositions fondées sur l’exclusion
de principes a priori antagonistes.
© Coca-Cola
161
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
Sans parler de la marque BIC qui a conquis avec succès les marchés du stylo,
du rasoir, du briquet, de la planche à voile et du téléphone portable. Cette
stratégie se révéla moins fructueuse lorsque la marque eut l’idée de s’introduire
sur le marché du parfum ou des sous-vêtements. Cet exemple montre qu’une
extension de marque a toutes les chances de fonctionner si trois conditions
sont réunies :
– les clients doivent percevoir un lien (d’expertise ou d’image) entre la marque
mère et le produit issu de l’extension ;
– la marque doit posséder une légitimité suffisante pour se lancer sur ce nou-
veau marché ;
– le produit doit proposer une contribution réelle au marché et ne pas être
qu’un produit existant sur lequel on se contente d’apposer un logo (logique
de badging). Weight Watchers est, par exemple, beaucoup plus légitime sur
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le marché des plats diététiques que Colgate ; Lego n’a pas su apporter une
véritable contribution avec sa gamme de vêtements pour les enfants.
Toujours est-il que le paradigme dominant qui préside à l’économie des marques
est celui du capital des marques (brand equity) qu’il s’agit de développer et
d’enrichir dans une logique essentiellement actionnariale qui se caractérise
notamment par le découplage entre ceux qui gèrent la marque et ceux qui la
détiennent. Ce découplage est souvent dommageable car il induit l’idée que
la marque n’est qu’une « cash machine » destinée avant tout à conforter et
accroître le retour sur investissement des actionnaires. Or la marque, en plus
de créer de la valeur économique, produit de la valeur symbolique, culturelle
et anthropologique.
162
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
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Roland Barthes (1915-1980)
Critique littéraire et sémiologue français, Roland Barthes est une figure centrale de
la vie intellectuelle de la deuxième partie du XXe siècle. Il est l’un des fondateurs du
structuralisme qu’il applique dans les domaines des études littéraires, de la linguistique
et de la sémiologie. Il propose une méthode d’analyse des discours, des images et des
productions médiatiques comme autant de nouveaux mythes qu’il cherche à déconstruire.
La mythique DS Citroën illustre la couverture de son ouvrage Mythologies publié en
1957. ■
La marque a pour fonction de produire du sens pour rendre désirables des biens
marchands : si les entreprises fabriquent des produits ou proposent des services,
les clients achètent d’abord du sens ! Le postulat fondateur de la sémiotique, la
discipline qui s’intéresse à la production du sens, est que le sens n’existe qu’à
travers des signes d’une part et d’un principe de différentiation d’autre part.
Autrement dit, les signes ne peuvent justement signifier que par différence les
uns par rapport aux autres. Et comme l’a fort bien montré Jean Baudrillard, la
société de consommation renvoie à un système d’objets qui sont un vaste système
de signes qui renvoient l’un à l’autre.
163
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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une simple dimension du produit. Dans une perspective holiste, le rapport pro-
duit/marque s’inverse, puisque c’est le produit qui devient une dimension de
cette instance fédératrice qu’est la marque. C’est en partie ce qui explique que
le produit se soit absenté du champ de la conceptualisation et des recherches
marketing pour laisser place à des travaux sur les marques, l’innovation, etc.
Dans une approche holiste, la marque n’est ainsi plus définie comme un simple
signe (ou symbole) ajouté aux produits pour en garantir l’origine et les différencier
des produits concurrents. Au contraire, c’est le produit qui vient s’insérer dans
ce système identitaire qu’est la marque. Ce changement de statut de la marque
impose en effet le passage d’une analyse de la marque se situant exclusivement
au niveau du signe à une analyse se situant essentiellement au niveau d’un sys-
tème. C’est d’ailleurs ce passage du signe au système qui légitime l’apport de la
sémiotique structurale au concept de marque.
164
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
E N P R AT I Q U E
Sémiologie et sémiotique : les courants francophones
analysés par Eleni Mouratidou (Maître de conférences
à l’université Paris 13 – LabSic)
Dans un livre posthume, publié par ses disciples et intitulé Cours de linguistique générale, Ferdinand
de Saussure, linguiste suisse, postule l’existence d’une science qui étudie les faits du langage verbal mais
aussi du langage non verbal. Partant du principe que tout langage est un système de signes, Saussure
avance l’hypothèse selon laquelle cette nouvelle science prendrait en charge les signes verbaux et non
verbaux, comme les rituels ou les gestes. Le linguiste genevois nomme cette science sémiologie, du
grec sémêion signifiant « signe », et la définit comme la « science qui étudie la vie des signes au sein de
la vie sociale »1.
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S’inspirant des travaux de Saussure, Roland Barthes postule une sémiologie générale comme une praxis
critique. Son ouvrage, intitulé Mythologies 2 , traite des objets du quotidien tels que le catch, le vin ou la
DS en tant que systèmes mythologiques contemporains et dont la démythification repose sur une analyse
sémiologique. Cette dernière se systématise davantage en 1962 avec le texte Rhétorique de l’image 3 où
Barthes poursuit son programme analytique en s’intéressant à une affiche publicitaire. Avec l’analyse
de la publicité Panzani, Barthes introduit la sémiologie dans des espaces sociaux à valeur commerciale.
Contemporain de Roland Barthes, Algirdas Julien Greimas est un linguiste et sémioticien lituanien
qui a fondé l’École de sémiotique de Paris. Contrairement à la sémiologie saussurienne, la sémiotique
de Greimas s’intéresse aux « systèmes de signification », comme un « ensemble signifiant que l’on soup-
çonne à titre d’hypothèse de posséder une organisation, une articulation interne et autonome ». Suivant
les thèses de Greimas, Jacques Fontanille met en place une sémiotique du discours où sont discutés et
développés les jalons de la sémiotique greimassienne et post-greimassienne. Fontanille théorise, entre
autres, le passage du signe au discours, les instances des discours et l’énonciation.
Jean-Marie Floch est peut-être le premier sémioticien à introduire la sémiotique dans les études mar-
keting et à la mobiliser à des fins de recherche appliquée. Sa démarche revisite le socle immanentiste
de la sémiotique. Soulignant que « les objets de sens – comme on dit – sont les seules réalités dont
s’occupe et veut s’occuper la sémiotique » 4 , Floch les introduit dans une problématique à vocation
communicationnelle. Il souligne que « le contexte dans lequel s’inscrivent ou apparaissent les objets
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165
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
En Belgique, le groupe µ publie en 1982 l’ouvrage intitulé Rhétorique générale 1 revisitant la rhétorique
classique et la mettant en relation avec les recherches en linguistique, en sémiotique et en poétique. Le
groupe µ marque un tournant dans la recherche en sémiotique visuelle avec la publication du Traité du
signe visuel. Pour une rhétorique de l’image. Comme son titre l’annonce, il s’agit d’une étude exhaustive
développant les modalités sémiotiques et rhétoriques des signes iconique et plastique en focalisant sur
leurs composantes que sont la forme, la couleur et la texture, dans l’optique de transposer les modalités
rhétoriques du langage verbal dans le langage iconique.
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5 Valeurs, récit, codes
Le parcours génératif de la signification issu de la sémiotique greimassienne
présuppose en effet que le sens se produit par enrichissement progressif à partir
d’un noyau constitutif (les valeurs fondamentales) et remonte progressivement à
la surface jusqu’à sa mise en scène discursive à travers des objets et des éléments
figuratifs. Le premier niveau, appelé niveau axiologique, correspond aux valeurs
profondes de la marque. L’axiologie signifie ici que la marque opère un choix
parmi un univers de valeurs qui structurent son marché.
Les principes axiologiques n’ont de sens qu’à partir du moment où ils peuvent
être matérialisés pour advenir au monde sensible et passer d’un niveau abstrait
à un niveau concret et donc préhensible par le consommateur. La procédure
qui permet de transformer ces éléments abstraits en unités signifiantes pour le
consommateur est en fait une mise en récit qui consiste à incarner les valeurs,
la vision et la mission de la marque à travers une histoire qui fait sens pour le
consommateur.
Exemple 3
Ainsi Marlboro ne peut se contenter de parler de façon abstraite de valeurs telles
que l’endurance, la liberté et la solitude si elles ne sont pas incarnées dans un récit,
en l’occurrence celui de la conquête de l’Ouest américain.
166
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
2. une mise en récit de ces valeurs à travers le choix d’une certaine esthétique, d’un
certain code de communication, d’un certain type d’articulation entre les élé-
ments linguistiques et iconiques du logo. Elle correspond au récit de la marque ;
3. une mise en signes qui correspond au choix des éléments plastiques de la
marque : couleurs, formes, symboles, etc. répondant aux identifiants de la
marque.
Les codes
de marque
(communication,
design)
Le récit de marque
(contrat, compétences,
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bénéfices)
Les principes
(vision, valeurs, savoir-faire)
Une marque se caractérise tout d’abord par des principes directifs qui sont impulsés
par le(s) créateur(s), partagés par les officiants de la marque (direction générale,
marketing, communication) et qui orientent l’ensemble des décisions stratégiques
qui la concernent. Les valeurs ne sont donc pas des principes communicationnels
que l’on afficherait par exemple sur un site web, mais sont des principes actifs
implicites qui orientent toute la stratégie de marque.
167
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
Exemple 4
© Société BIC
Tous les produits BIC sont universels, ingénieux, bon marché et simplifient la vie des
utilisateurs. Ces valeurs permettent de définir une vision qui correspond au point de
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vue que porte la marque sur son marché, sa manière propre « d’informer le réel » :
– Polaroïd n’est pas tant un appareil photo qu’un « lubrifiant social » ;
– Swatch, se définissant comme « un accessoire de mode qui accessoirement donne
l’heure » a profondément redéfini la conception du marché de l’horlogerie pour ensuite
proposer une idée (et une autre mesure) du temps (en bits) ;
– Apple fut la première marque à s’intéresser à l’utilisateur final en développant un
ordinateur convivial (notamment en 1984 avec le MacIntosh) dont l’utilisation était
largement facilitée par des programmes ergonomiques (les fameuses icônes de bureau
dessinées par Susan Kaïser) et par la souris.
Une grande marque est d’abord celle qui, du fait d’une idée, d’une innovation
ou d’une expertise particulière, est capable de déjouer les attentes à l’égard d’un
univers de produits, de les anticiper en reconfigurant les usages et les croyances
qui lui sont associés. En ce sens, la marque réorganise un ensemble de croyances
et de pratiques dans un univers de produits ou de vie.
Cet engagement recouvre notamment la revendication d’un savoir-faire qui fonde
la légitimité de la marque. Toute marque est en effet créée sur un savoir-faire
spécifique qui fonde sa raison d’être et la rend légitime aux yeux des consom-
mateurs. Cette légitimité est bien souvent ancrée dans un produit icône qui est
le dépositaire d’une manière particulière de bien faire : une certaine façon de
tisser la maille pour Lacoste, un savoir-faire pâtissier créatif hors du commun
pour Pierre Hermé…
168
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
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en proposant des produits simples, astucieux, utiles et bon marché. La notion de
contrat est d’autant plus importante dans le cadre d’une marque-corporate (un nom
d’entreprise qui est transformé en marque en vertu d’une décision stratégique) qui
décide de s’engager derrière ses produits et ses marques. On mesure à l’aune du
contrat à quel point une marque est avant tout une parole adressée à ses publics
(consommateurs, partenaires commerciaux, actionnaires, etc.), verbale mais aussi
non verbale. C’est d’ailleurs cette capacité de la marque à prendre parole qui
autorise à parler d’éthique de marque en ce qui concerne les marques corporate.
La capacité de la marque à communiquer des valeurs (qui sont implicites) dépend de
la force de son récit. Ce récit de marque rend compte d’un problème que la marque
se promet de résoudre pour les clients. En ce sens, la marque répond donc toujours
à un consumer insight qui est la formulation du problème rencontré par le client
dans la catégorie de produits. Ainsi les marques de fast fashion comme Zara ou
H&M s’appuient notamment sur un insight très puissant qu’expérimentent presque
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tous les jours les jeunes femmes devant leur armoire regorgeant de vêtements en
tous genres : « ce matin, j’ai vraiment l’impression que je n’ai rien à me mettre… »
169
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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– les éléments caractéristiques du design des produits de la marque (un bruit) : on
reconnaît les automobiles Ferrari et le briquet Zippo à leur bruit, les produits
Chanel et Apple à des éléments stylistiques particuliers ;
– des produits icônes : le sac Kelly d’Hermès, la DS de Citroën, la cocotte-
minute de Seb ;
– un code coloriel : le rouge et blanc de Marlboro, le violet de la marque Whiskas,
etc. ;
– un symbole : la pomme croquée pour Apple, le swoosh de Nike, les arches
dorées de McDonald’s ;
– un personnage qui incarne la marque de façon durable (le Géant vert, le
Bidendum de Michelin, Uncle Ben’s, etc.) ;
– une signature de marque dont la principale fonction est d’incarner la pro-
messe de la marque et de renforcer la valeur ajoutée de la marque signifiée
par le nom de marque : « Just do it » (Nike), « Sense and simplicity » (Philips),
« Creative technology » (Citroën), etc.
Les identifiants d’une marque dépendent bien évidemment de son positionne-
ment, c’est-à-dire de la place précise et distinctive que l’on veut lui faire prendre
dans l’esprit des consommateurs.
170
Chapitre 8 Marketing, branding, contenus de marques
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ne s’adresse à ses clients qu’à travers des points de vente ou des messages de
nature publicitaire. Les marques raisonnent désormais en termes de points de
contact qui sont autant d’opportunités de s’adresser à leurs parties prenantes.
Ces points de contact se rangent essentiellement en trois catégories :
1. les points de contact statiques et analogiques (produits, publicité, opérations
promotionnelles) ;
2. les points de contact digitaux et multidirectionnels (les blogs, les démonstrations
produits, le marketing interactif, les médias sociaux et l’utilisation du Web) ;
3. les points de contact humains bidirectionnels (service consommateurs, centre
d’appel, service après-vente).
Il s’agit donc de hiérarchiser les objectifs de chacun de ces types de points de
contact, en vectorisant si possible le discours de marque.
La communication de marque ne peut plus se contenter de recourir à un modèle
classique de type émetteur-récepteur, dans la mesure où la marque s’insère de
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171
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
¼¼La marque signe une origine mais aussi une duplication à l’identique
du produit et tend finalement à labelliser le produit autant que l’expérience
de consommation qui lui est associée.
¼¼En tant que système de signes, la marque se caractérise par des éléments
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matériels et des éléments immatériels.
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8 Marketing,
ChapitreChapitre 8 Marketing, branding
branding, contenus
, contenus
de marques
de marques
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b. Au Moyen-Âge. b. Un océan.
c. Au xixe siècle. c. Un iceberg.
d. Après la Seconde Guerre mondiale. d. Un bateau.
2 Le mot marque signifie originellement : 8 Quels éléments ne font pas partie du niveau
a. Une trace. immatériel d’une marque ?
b. Un tatouage. a. La vision.
c. Un signe d’ostentation. b. Le logo.
d. Un produit qui coûte cher. c. Les valeurs.
d. La notoriété.
3 Quelles différences y a-t-il entre un produit et
une marque ? 9 Quel(s) élément(s) ne figure(nt) pas dans un récit
a. La marque fait qu’un produit est plus qu’un produit. de marque ?
b. Le produit est ce que l’entreprise fabrique, la a. Le contrat.
marque ce que le client achète. b. Le bénéfice.
c. La marque sert à faire préférer un produit ou un c. Les compétences.
service sur un marché concurrentiel. d. La personnalité de marque.
d. La marque sert à enrober le produit d’une dimen-
sion imaginaire. 10 Une marque est une promesse plutôt :
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a. Fonctionnelle.
4 Les marques ont accru leur importance au b. Émotionnelle.
milieu du XIXe siècle : c. Fonctionnelle et émotionnelle.
a. Pour que les industriels puissent créer une relation d. Ni fonctionnelle, ni émotionnelle.
directe avec leurs consommateurs finaux.
b. Pour que les grossistes renforcent leur pouvoir aux
dépens des fournisseurs.
c. Pour que les détaillants puissent accroître leur
marge.
Question de réflexion
5 La marque Yves Saint-Laurent agit comme une 11 Marketing et branding
signature parce que : Selon Jean Baudrillard, le sociologue de la « société
a. Le logo est manuscrit. de la consommation », nous « ne consommons pas des
b. La marque atteste d’un savoir-faire. produits mais des signes ». Dans quelle mesure cette
c. La marque porte le nom du créateur. formule vous semble-t-elle pertinente pour décrire les
d. La marque est prestigieuse. dernières évolutions du marketing et du branding ?
173
Chapitre 9
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F
aire parler les animaux, faire s’exprimer les narratives, ses formats, ses supports, tout est en
enfants voire les bébés comme dans cette perpétuel mouvement, en permanente réinvention.
publicité pour l’eau minérale Evian, faire De fait, le discours publicitaire est condamné à se
parler les objets ou les produits eux-mêmes : la réinventer : discours persuasif et à visée perfor-
pratique langagière de la publicité est vouée à la mative par excellence, il est obligé d’adhérer aux
« créativité » verbale permanente. Au-delà des valeurs socioculturelles et de consommation de
jeux de mots (à la manière des fameuses publicités son époque et d’adopter les styles, les langages, les
Oasis), des slogans et des signatures de marque, modalités expressives qui sont celles de ses cibles,
la publicité est une pratique rhétorique qui reflète au risque de manquer de pertinence, d’impact ou
les différents discours et les différents langages d’attrait. Mais la publicité est tellement inscrite
d’une société. Elle les met en scène de manière dans le quotidien, tellement omniprésente dans
directe ou indirecte, réaliste ou fictionnelle. Alors l’espace cognitif immédiat qu’il est difficile de
que son discours et ses pratiques donnent sou- l’appréhender dans une perspective historique.
vent l’impression de répéter sans arrêt les mêmes Pourtant, les bébés joufflus des premières affiches
recettes et d’asséner les mêmes rengaines, la publi- publicitaires de la marque Evian ont bel et bien
cité évolue sans cesse : son langage, ses formes dû faire place aux roller babies !
Publicité
et société
Plan
1 Le « Benetton turn », la dissémination sociale de la marque . . . . . . . . . 176
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2 Le « branding turn », une nouvelle inscription socioculturelle
pour la publicité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
3 Quel sera le prochain tournant du discours publicitaire ? . . . . . . . . . 189
4 Le storytelling, une nouvelle façon de faire de la publicité ? . . . . . . . . 193
Objectifs
¼¼Comprendre l’immixtion de la publicité dans la sphère sociale
¼¼Maîtriser les codes sémiotiques de la communication publicité
¼¼Appréhender l’évolution actuelle et future de la publicité
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
1 Le « Benetton turn »,
la dissémination sociale
de la marque
La mise en perspective diachronique permet d’interroger l’évolution du discours
publicitaire. Regarder dans le rétroviseur permet, en effet, de mieux comprendre
les transformations en cours et les enjeux très importants auxquels ce discours
est aujourd’hui confronté et le sera bien plus encore demain. Il s’agit bel et
bien d’un changement de paradigme car l’ensemble des éléments constituants
le discours publicitaire – son objet propre, ses modalités expressives, les tech-
nologies qui lui permettent d’exister, ses modalités de diffusion, les attitudes et
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les attentes des publics à qui il s’adresse – connaissent, dans leur ensemble, un
changement profond.
Définition 1
Le paradigme, terme emprunté à la philosophie des sciences, est une
manière de voir les choses, à un moment donné. En l’espèce, c’est l’en-
semble des règles de fonctionnement, des modalités de manifestation et
de circulation d’un discours social ou d’une configuration culturelle d’une
part et, d’autre part, les modalités de réception de ce même discours, le
consensus qui l’entoure et qui tend à considérer ses éléments constitutifs
comme autant de fragments de la « réalité » sociale du moment.
176
Chapitre 9 Publicité et société
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© Benetton Group
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Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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spécificité de la marque, mais seulement de manière indirecte, presque cryptée.
■■ L’inscription de la marque dans le nouvel horizon de mondialisation éco-
nomique et multiculturelle qui se met en place. À contre-pied des marques
« globales » traditionnelles (comme Coca-Cola ou McDonald’s) qui conçoivent
alors la mondialisation de la consommation comme la généralisation au
reste de la planète du mode de vie et de l’imaginaire américains, Benetton
change de perspective. La signature United Colors of Benetton prend une
nouvelle signification, avec l’évocation à peine voilée de l’ONU (Organisation
des Nations unies) en toile de fond, donc celle d’une mondialisation multi-
polaire, démocratique, pacifique. Le commerce se rapproche du politique et
de l’humanitaire. Un rapprochement qui n’est pas près de disparaître.
© Benetton Group
178
Chapitre 9 Publicité et société
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une perspective historique, la communication de Benetton marque une nouvelle
phase de la communication publicitaire, caractérisée par une présence bien plus
importante de celle-ci en dehors de la stricte sphère marchande et par une montée
en généralité de son discours, qui ne se sent plus obligé de s’auto-confiner à la
sphère de la production et de la consommation de produits ou de services. Le
discours publicitaire, après s’être métamorphosé en discours de marque, poursuit
son évolution en brouillant les codes entre sphères commerciale et sociétale.
FOCUS
À la fin des années 1960, Stanley Pollitt introduit le planning stratégique dans l’organigramme de
l’agence anglaise BMP (Boase Massimi Pollit, qui deviendra DDB). Stephen King en fait de même aux
États-Unis au sein de l’agence JWT. Le planning stratégique ne cessera alors de se développer progres-
sivement dans les agences de publicité puis dans toutes les spécialités de la communication : agences
média, agences de design, bureaux de style, agences corporate et relations publics… Les annonceurs
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
ont plus récemment introduit la fonction dans leurs directions marketing et leurs services études.
Le planning stratégique répond au besoin de comprendre un consommateur de plus en plus difficile
à décrypter : quand la publicité n’a plus suffi pour obtenir des résultats sur les ventes, il est devenu
nécessaire de planifier la stratégie et de guider la création au plus juste.
La mission du planning stratégique consiste à :
1. analyser les études, observer et décrypter les tendances, développer une solide connaissance des marchés ;
2. enrichir la réflexion des annonceurs quant à l’identité de leurs marques et de leurs produits, en
amont des campagnes de publicité ;
3. collaborer, en aval, avec les commerciaux et les créatifs à l’élaboration des campagnes.
Le planneur stratégique est celui qui, par sa compréhension fine de la marque et du produit, apporte
de la cohérence et de la résonance entre le discours de marque et les individus que la communication
veut toucher. En ayant une idée claire de l’identité du produit (forces, faiblesses) et en comprenant
les individus (aspirations, motivations, freins), il doit trouver le concept, l’idée que les créatifs auront
ensuite la charge de mettre en œuvre.
179
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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le porte-parole de celui qui n’est pas invité à la réunion :
le consommateur face à la marque, le client face aux
créatifs, etc. Il doit être un toboggan pour le client, afin de
l’emmener là où il y a de la valeur pour lui, et un trampoline
pour les créatifs, afin de les conduire sur les chemins de la
création qui serviront au mieux les intérêts de la marque.
Le planneur stratégique est parfois présenté comme
le « penseur » de l’agence. Est-il plus intelligent que
les autres ? Concrètement, quel est son quotidien ?
En étant cynique, on pourrait dire que le planning
stratégique a été créé pour débarrasser les bons
commerciaux de la production des idées. La division du
travail a également atteint les agences à mesure qu’elles se
professionnalisaient. Mais cela ne veut pas dire qu’il est plus
intelligent que les autres. Le planneur n’est pas enfermé
dans une tour d’ivoire, il travaille en équipe, c’est une
fonction très collaborative ! En fait, c’est un intermédiaire,
un « facilitateur », qui aide les différents acteurs impliqués
dans une campagne à se comprendre malgré leurs
différences de points de vue.
Comment voyez-vous évoluer le planning stratégique ?
La fonction est née du besoin de disposer d’outils d’analyse
pour guider la stratégie. Le premier devoir du planneur,
c’est de rendre intelligibles des phénomènes complexes.
Plus la société sera complexe, plus les enjeux et les outils
de la communication seront sophistiqués, plus le planning
stratégique gagnera du terrain1. ■
1 A Master Class in Brand Planning : The Timeless Works of Stephen King, sous la direction de Judie
Lannon et Merry Baskin, John Wiley & Sons, HoboKen, 2007.
180
Chapitre 9 Publicité et société
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socialement pertinent, voire légitime. Désormais, le discours publicitaire entre
dans une nouvelle phase : le terme « publicité » est progressivement remplacé
par celui, bien plus générique, de « communication ».
181
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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2.2 Implosion et reconfiguration
Ces phénomènes, accentués et accélérés par la crise financière de 2008, étaient
déjà en gestation bien avant elle. Depuis une dizaine d’années, un profond chan-
gement du fonctionnement de la discursivité sociale et du langage publicitaire
est à l’œuvre :
■■ d’une part, le discours publicitaire puis la communication publicitaire se
vident progressivement de leur spécificité et tendent à emprunter les codes,
les formes expressives et les contenus d’autres univers communicationnels
(les médias, le sport, les industries culturelles, l’art, le design, l’information,
et même le discours politique) ;
■■ d’autre part, certains éléments propres au discours publicitaire et notamment
sa nature pragmatique, sa vocation efficace, sa dimension performative, sa
visée persuasive et sa perspective ouvertement orientée à la séduction sont
récupérées par d’autres sphères de la communication sociale, comme le discours
politique, le discours institutionnel ou le discours médiatique, confrontées à
une perte de pertinence et de légitimité sociétale.
Une reconfiguration profonde de la discursivité sociale se met en place. Et c’est
paradoxalement au moment où la publicité perd de sa force et de sa spécificité
sémiotique que son héritage communicationnel est récupéré par d’autres compo-
santes majeures de la discursivité sociale et notamment par les réseaux sociaux
qui invitent à gérer les individus comme des marques, avec des stratégies de
personal branding.
182
Chapitre 9 Publicité et société
Définition 2
Le personal branding ou « marketing personnel » consiste à appliquer à une
personne les techniques de communication utilisées par les marques. Le
concept s’est popularisé avec l’explosion des réseaux sociaux sur lesquels,
pour un individu, la gestion cohérente et maîtrisée de son identité, de sa
notoriété et de sa réputation numériques est devenue une préoccupation,
voire un enjeu.
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pour une entité communicationnelle, c’est-à-dire ce qui rend une marque désirable
et permet de lui attribuer également une valeur économique, sont placées de plus
en plus à l’extérieur de la marque elle-même et se trouvent pour large partie en
dehors de son contrôle direct. C’est un changement de paradigme majeur.
183
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
E N P R AT I Q U E
La valeur de la marque comparée à la valeur
d’un appartement
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Du point de vue de l’entreprise, il n’y a pas vraiment de motivation à abandonner spontanément le
modèle descendant et unidirectionnel, qui assure un confortable contrôle sur la chaîne de valeur sémio-
tique et, in fine, sur la valeur financière de la proposition. Mais, face aux changements socioculturels et
socio-économiques qui ont progressivement déplacé vers l’extérieur du périmètre contrôlé par la marque
un nombre croissant d’éléments qui à leur tour vont acquérir un rôle de plus en plus important dans le
processus de création de la valeur, le modèle perd de son efficacité. Pour comprendre ce phénomène, il
suffit de prendre comme exemple la valeur financière d’un appartement. Sa valeur économique (le prix
qu’on peut obtenir en le vendant) est largement déterminée par des facteurs qui échappent totalement
à l’emprise du propriétaire. Celui-ci peut tout au plus effectuer des travaux de rénovation, apporter des
améliorations à son logement (« refait à neuf »), mais ces actions n’auront qu’un impact marginal sur
la valeur du bien, qui est pour l’essentiel déterminée par le cycle économique, par le niveau des taux
d’emprunt, par la fiscalité sur les transactions immobilières, par la valeur perçue du quartier (écoles,
commerces, transports), par la solidité de la demande, par la rareté de l’offre et par d’autres facteurs
d’ordre macrostructurel. Cela peut être tout à fait frustrant pour le propriétaire, car il a la sensation,
à juste titre, qu’il n’a qu’une marge de manœuvre étroite et qu’il est relativement passif par rapport à
une situation et à un environnement qu’il ne contrôle pas.
184
Chapitre 9 Publicité et société
– la marque doit s’appuyer de plus en plus sur des énonciateurs extérieurs pour
engendrer sa valeur, sa désirabilité et sa cote d’amour. La performativité du
discours de marque, sa capacité pragmatique et son efficacité sont de nature
exogène, de manière croissante. Dans ce nouveau paradigme, se met en place
une sorte de circulation sémiotique extracorporelle qui devient de plus en
plus cruciale pour faire vivre la marque et parfois pour la maintenir en vie,
tout simplement ;
FOCUS
Le recours par les marques à des sources
de légitimité extérieures
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Les marques vont de plus en plus puiser leur énergie sémiotique et leurs logiques de légitimation auprès
de sources qui n’appartiennent pas stricto sensu à l’univers de la consommation : l’univers du spectacle,
des jeux, le monde des célébrités, du sport, de l’art, du design, l’engagement écologique ou humani-
taire… Bref, dans les narrations postmodernes encore capables de produire du sens dans un espace
socioculturel post-consumériste. Les chansons à succès servent de bande son aux films publicitaires,
les célébrités deviennent égéries des marques, les designers signent des produits autrefois totalement
banalisés (Philippe Stark pour la box de Free, Ora-ïto pour une bouteille Heineken), d’anciens hommes
politiques ou des guitaristes mythiques témoignent en faveur de la marque, comme Mikhaïl Gorbatchev
pour Louis Vuitton ou Iggy Pop pour Le Bon Coin. On arrive même, avec les nouvelles technologies
numériques, à ressusciter et à « enrôler » au service des marques des stars disparues depuis longtemps
(Marilyn Monroe pour Dior, Fernandel pour Puget ou encore Steve McQueen pour Tag Heuer).
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Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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point de pouvoir fonctionner sans chauffeur, les maisons
deviennent communicantes et pilotées à distance, votre
compteur d’électricité devient communicant, ainsi que de
très nombreux objets du quotidien, jusqu’à votre brosse à
dents ! Pour concevoir cette nouvelle génération d’objets
connectés, il faut inclure la communication dès le processus
de conception. C’est pourquoi beaucoup d’entreprises
aujourd’hui se réorganisent pour penser leur innovation
dans des Labs qui intègrent compétence technique et
compétence communicationnelle.
Cette évolution des innovations plus communicantes
n’est-elle pas accélérée par le phénomène des big
data ?
Sans aucun doute. Les objets ou services connectés
s’incarnent principalement dans des « apps », des
applications mobiles, dont la particularité est de permettre
non seulement aux internautes de disposer et d’utiliser
le produit ou service en question, mais aussi d’interagir
avec lui. Prenons l’exemple d’une innovation pionnière en
matière d’intégration des big data, l’application Tranquilien,
un service qui permet de connaître en temps réel le taux
d’occupation des trains de banlieue. Il est alimenté à la
fois par des données provenant de la SNCF, mais aussi
par des données provenant des usagers eux-mêmes
qui acceptent de signaler s’il reste des places dans leur
wagon. Par définition, les applications sont des innovations
communicantes conçues par des « Creative Technologists ».
De Google à Airbnb, en passant par Amazon ou Netflix,
l’intégration en temps réel des données clients est au cœur
de l’innovation.
186
Chapitre 9 Publicité et société
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2.3 La marque devient une expérience
concrète
La montée en puissance des dimensions expérientielles et participatives renouvelle
le paradigme communicationnel des marques contemporaines. De manière com-
plémentaire et en prolongement de la participation virtuelle propre aux réseaux
sociaux et aux plateformes d’échange électroniques, les marques entretiennent
le lien avec leurs publics en multipliant les initiatives concrètes, permettant à ces
publics d’avoir une expérience physique, aussi concrète que possible, de la marque.
Les marques qui disposent de réseaux de vente physiques exploitent leurs points
de vente pour en faire des lieux où la rencontre avec la marque se veut un moment
mémorable, inscrit dans un véritable échange relationnel.
Exemple 1
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
187
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
L’événementiel prend une place plus centrale dans les démarches de communica-
tion. Les marques proposent des situations où les publics peuvent se rencontrer
physiquement et participer à une situation collective, vivre une expérience plutôt
que simplement recevoir une communication. Festivals, réunions, concours,
compétitions, foires, salons, toutes les occasions sont bonnes pour mettre les
consommateurs en contact direct avec la marque et, plus important encore, en
contact entre eux grâce à la médiation de la marque.
Exemple 2
Avec sa boisson énergisante, Red Bull a créé de toutes pièces un nouveau marché. De
nombreux autres acteurs se sont engouffrés dans ce juteux segment, sans pour autant
arriver à remettre en question la position de leader de cette marque. Si Red Bull fait
aussi de la publicité « traditionnelle », notamment en presse, elle consacre la majeure
partie de son budget de communication à des formes plus contemporaines de promo-
tion, comme la distribution d’échantillons, la gestion de la communauté des fans de la
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marque et tout particulièrement sa présence dans l’univers des sports extrêmes.
Outre le sponsoring de sportifs et autres aventuriers (le dernier en date est le Red Bull
Stratos, avec le saut stratosphérique du parachutiste Felix Baumgartner), la marque
organise de très nombreuses rencontres où les consommateurs eux-mêmes sont les
protagonistes des activités proposées : base-jump, plongeons, etc. Ces activités jouent un
rôle clé dans la stratégie de Red Bull et sont emblématiques des nouvelles formes d’inte-
raction et de participation qui caractérisent le paradigme communicationnel actuel : des
moments de rencontre entre la marque et ses fans, mais aussi entre les consommateurs
eux-mêmes ; une façon de rendre concret le lien avec la marque, de produire du conte-
nu (souvent d’ailleurs autoproduit par les participants avec des caméras embarquées)
pour alimenter la communication de la marque, de créer des expériences intenses et de
donner une dimension bien réelle à la communauté virtuelle des fidèles de la marque.
188
Chapitre 9 Publicité et société
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cation pouvait être établie à l’avance par la direction de l’entreprise ou par une
agence de communication et emprunter des formes expressives et des canaux
strictement « publicitaires ». Désormais, une stratégie est nécessairement flexible
et évolutive. Si elle reste, certes, impulsée par l’entreprise, elle est tout aussi vite
« reprise en main » par les destinataires et échappe en grande partie au contrôle
de ses maîtres.
Les nouvelles stratégies de communication doivent sortir du périmètre tradi-
tionnel de la marque pour faire sens et rencontrer leurs publics.
La marque a toujours prise sur sa communication : elle reste à l’origine du projet
de marque, elle propose des positionnements, des territoires de communication,
des initiatives, des propositions d’échange. Mais de nouvelles figures profession-
nelles émergent ou prennent plus d’importance, comme le community manager,
le responsable des relations publics, celui de l’événementiel ou du brand content
qui ont pour rôle, précisément, de gérer et d’alimenter ce nouvel environne-
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189
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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réinventer leurs modes d’existence sémiotique et communicationnel. C’est donc
non seulement la nature du discours publicitaire mais plus largement son éco-
système socioculturel et sémiotique qui sont soumis à une mutation profonde et
aux fortes tensions qui accompagnent souvent ces mutations.
E N P R AT I Q U E
Les 7 piliers du changement de paradigme
de la communication publicitaire
1. La disparition des « communications-signature » qui ont été si caractéristiques du passé. Il est dif-
ficile d’imaginer pour le futur des campagnes de communication comme la saga Marlboro dans les
années 1980 ou la campagne Benetton dans les années 1990.
2. Une réinvention des thèmes et imaginaires publicitaires capables de rester pertinents et attractifs
dans un environnement socioculturel post-consumériste (récits écologique, humanitaire, artistique,
spectaculaire).
3. La poursuite de la dilution du discours publicitaire, avec un mélange de genres, à la fois pour
camoufler le discours publicitaire et « parasiter » les codes et les langages d’autres univers (design,
mode, médias, art).
4. Une fragmentation des outils et des supports de communication, pour profiter de toutes les possi-
bilités offertes par les nouvelles technologies.
5. Une parallèle fragmentation des discours, pour gérer l’atomisation des cibles et de leurs centres
d’intérêt.
6. Des stratégies d’implication des cibles, selon une logique participative, qui leur permet de contri-
buer de manière créative à l’élaboration du langage des marques qui les concernent (logiques du
community management et du brand content).
7. Des stratégies de participation concrètes, où la communication devient (ou redevient) échange,
rencontre, présence physique des consommateurs, de manière complémentaire par rapport aux
formes de participation virtuelle.
190
Chapitre 9 Publicité et société
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est-il utile pour les marques ?
Aujourd’hui, je dirais que le brand content désigne le fait
qu’une marque devienne éditrice de contenu, crée son
écosystème médiatique et occupe l’espace public. Il y a
8 questions à cinq ans, nous disions « le brand content désigne le fait
qu’une marque crée ou édite du contenu. » La question
Daniel Bô n’est plus de savoir s’il faut se mettre au brand content
Président-directeur général mais comment on définit une politique éditoriale. C’est
de QualiQuanti
d’abord un enrichissement de la consommation avec des
conseils d’usage, un surcroît de sens et le développement
de services. Le contenu conduit à une réinvention de la
relation avec toutes les cibles. Les entreprises accèdent au
statut d’agents culturels et animent la sphère publique.
Elles s’approprient des atouts réservés aux médias :
influence, rayonnement, animation, contacts périodiques,
partenariats… Elles créent une bibliothèque de contenus,
mobilisables sur les points de contact. Le contenu peut
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191
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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éditoriale de la brand culture.
Comment développer une politique de brand content
stratégique ?
Il convient d’observer le paysage éditorial international
du secteur, de comprendre intimement la marque et ses
potentialités, d’identifier un territoire éditorial et culturel
appropriable, fertile, attractif et pertinent, de mobiliser
l’interne, de définir une direction artistique et un calendrier
et d’accepter l’apprentissage ; il s’agit d’expérimenter en
continu en vérifiant que le contenu étonne, intéresse,
stimule pour s’adapter.
Quels sont les défauts du brand content aujourd’hui ?
L’absence de vision stratégique renvoie à :
– des contenus de marque de mauvaise qualité : ligne
éditoriale molle, informations à faible valeur ajoutée… ;
– des opérations (sites génériques interchangeables) qui ne
reflètent pas le point de vue de la marque ;
– des contenus sporadiques non reliés aux autres
manifestations de la marque.
Quelles sont les meilleures stratégies de brand content
selon vous ?
Red Bull, Oasis, Coca-Cola, Evian, Picard, Weight Watchers,
Johnson & Johnson, Axe, E. Leclerc, Leroy Merlin,
Castorama, Macy’s, Quechua, Nespresso, GoPro, PMU, Louis
Vuitton, LVMH, Hermès, Chanel, Boucheron, Benetton,
Michelin, John Deere, IBM, Pantone, AXA, Xerfi, Chipotle,
Honda, Intel…
192
Chapitre 9 Publicité et société
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4 Le storytelling, une nouvelle
façon de faire de la publicité ? 1
Selon Georges Lewi, mythologue spécialiste des marques, le storytelling est l’art
de raconter avec efficacité l’histoire de la marque.
193
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
de nos adversaires car la figure de l’ennemi semble ne pas pouvoir être abolie
par les progrès de la civilisation. Le sémioticien ajoute qu’elle doit posséder
toutes les caractéristiques de l’altérité physique, mentale, comportementale :
« les ennemis sont différents de nous, et ils suivent des coutumes qui ne sont
pas les nôtres. »
Tout bon storytelling commence par la définition de l’ennemi, du fléau contre
lequel la marque lutte avec hardiesse pour le bienfait du consommateur, du col-
laborateur (marque-employeur), du citoyen (storytelling politique), du touriste
(marque de territoire) ou de son environnement (personal branding). Optimiste
et humaniste, Umberto Eco ne conseille pas de « tuer » tous ses ennemis. On peut
essayer de les comprendre. Mais ils n’en demeureront pas moins des ennemis.
Ce serait à ce seul prix qu’une identité pourrait se construire.
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Définition 3
Le storytelling est le terme qui synthétise l’ensemble des techniques uti-
lisées pour élaborer et raconter une histoire dans le but de convaincre via
un message structuré. Le storytelling qui consiste à captiver d’abord pour
convaincre ensuite vient de Hollywood, de l’ensemble des techniques issues
de l’expérience des scénaristes. Car l’écriture d’un scénario repose sur des
conventions très précises auxquelles un jeune scénariste doit impérative-
ment se soumettre. Les marques, surtout avec les possibilités narratives,
nombreuses et budgétairement abordables offertes par Internet, se sont
approprié ces techniques venues autant du cinéma que la politique.
194
Chapitre 9 Publicité et société
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Oppositions Oppositions Oppositions
d’attitude de nature de comportement
Groupe/Individu Vivant/Mort Fidèle/Infidèle
Vrai/Mensonger Féminin/Masculin Artiste/Artisan
Passion/Raison Jeune/Vieux Rural/Urbain
Interdit/Permis Humain/Divin Spécialiste/Généraliste
Dominant/Dominé Passé/Futur Proche/Lointain
Don/Dû En haut/En bas Éphémère/Durable
Amour/Haine Nature/Culture Espoir/Aporie
Réel/Illusion Pureté/Souillure Respect/Irrespect
Exemple 3
Storytelling, le match Coca-Cola/Red Bull
Dans la plupart des marchés, il existe des marques en opposition absolue de story-
telling, de « repère mental », alors qu’elles ont souvent un marketing analogue : même
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1 D’après Georges Lewi, La fabrique de l’ennemi : construire son storytelling, Vuibert, 2014.
195
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
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mais aussi un engagement doublé d’un storytelling sans concession. Le récit de la
marque réside dans l’optimisme, résumé dans un tweet en 2013 (« Merci à tous ceux
qui ont partagé leurs astuces #Optimisme2014 ! Gardez le sourire et on continue de-
main. ») – et porté avec constance dans les spots publicitaires qui ont fait la marque :
« Coca-Cola, c’est ça », « Always Coca-Cola », etc.
Certains ont acquis la dimension de films mythiques : le cartoon Vaillant Tailleur de
1950, la Pause Coca avec l’ours polaire et la fameuse Happiness Factory (la « fabrique
du bonheur ») en 2011. Là, toute la magie des films d’animation est convoquée pour
fabriquer, conserver, apporter la bouteille (« la femme au fourreau ») à l’appareil au-
tomatique où le garçon va pouvoir l’offrir à sa belle pour une séance de cinéma. La
vie, selon Coca-Cola, serait un conte de fées. Sa saga publicitaire s’inscrit dans les
moments de bonheur qui jalonnent la vie. En famille, avec les enfants, car, à l’instar d’un
film d’animation de chez Disney, il y a un goût de bonheur régressif chez Coca-Cola.
Dans ce mythe du bonheur éternel que la consommation de soda permet d’atteindre,
le film Les Ours a définitivement identifié Coca-Cola à la magie de Noël. Les ours
de Coca-Cola annoncent les cadeaux de Noël. La publicité est accompagnée d’un
film sur le Net de sept minutes produit par Ridley Scott racontant les aventures d’une
famille d’ours polaires.
La marque trouve son incarnation dans la forme originale de la bouteille : « La star,
c’est elle : la bouteille légendaire ! »1 , nous dit le site officiel de la marque.
Le storytelling de Coca-Cola définit, comme dans les premiers films de Disney, son
ennemi. C’est le malheur. Le héros pour le combattre est la marque, sa bouteille et
sa recette magique. Leur mission est d’aider au bonheur des gens, partout, toujours :
« always ».
1 www.coca-cola-france.fr/125-ans-d-histoire.
196
Chapitre 9 Publicité et société
Dietrich Mateschitz fonde Red Bull dans les années 1980. Il crée la formule de
Red Bull Energy Drink et développe le concept marketing original de Red Bull.
La commercialisation débute le 1er avril 1987 dans son Autriche natale. Aujourd’hui,
Red Bull est présent dans plus de 165 pays et, jusqu’à présent, plus de 35 milliards de
canettes de Red Bull ont été consommées1 .
Depuis sa naissance, Red Bull a créé une saga composée de cartoons fondés sur un
schéma narratif simple autour du slogan « Red Bull donne des ailes ». Le premier film
d’animation raconte l’histoire d’un oiseau qui laisse tomber sa fiente sur un passant.
Celui-ci prend sa canette de Red Bull, en boit le contenu et rattrape dans les airs
l’oiseau pour se venger.
De là est née l’idée de s’appuyer sur les sports extrêmes, ceux de l’adolescence plu-
tôt que ceux de l’enfance ou de la famille : Red Bull, c’est d’abord se faire peur ! La
composition elle-même, toujours prétendument secrète, fait frémir : elle inclurait du
sang de taureau (ce qui est démenti par les analyses chimiques).
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La boisson est décriée ; elle a le goût de la transgression. En juillet 2011, Dietrich
Mateschitz expliquait à L’Équipe : « Ce que je veux quand j’investis quelque part,
dans une discipline ou un événement sportif, c’est être responsable de A à Z, du
succès ou de l’échec, le cas échéant. Où est l’intérêt de s’engager dans le foot si c’est
juste pour coller le logo Red Bull sur le maillot des joueurs ? » Red Bull a donc car-
rément racheté le SV Austria Salzburg, désormais Red Bull Salzburg ; les New York
MetroStars, aujourd’hui New York Red Bulls ; le SSV Markranstädt, devenu Red Bull
Leipzig… La même logique a prévalu en Formule 1, la discipline qui représente « le
meilleur retour mondial sur investissement », affirme Dietrich Mateschitz. Sponsor
de l’écurie Sauber pendant dix ans, l’Autrichien s’offre l’écurie Jaguar, fin 2004,
rebaptisée Red Bull Racing.
La devise de la marque pourrait être ainsi résumée par son créateur : « Qui se repose
rouille. » Et il poursuit : « Je ne voulais pas vendre le vingtième jus d’orange ou pro-
poser un soft drink de plus, ces eaux colorées aromatisées qui n’ont aucune fonction
si ce n’est celle d’étancher la soif. Je voulais offrir le premier functional food, une
boisson qui prolonge l’endurance, augmente la concentration, décuple vos capacités,
aiguise vos réactions. Red Bull, c’est plus qu’une boisson. »2
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Que retenir du storytelling de Red Bull ? Le schéma narratif de Red Bull repose
sur l’adage « Qui se repose rouille ». La mission est l’action, jusqu’au bout et au-delà.
L’ennemi est le bonheur tranquille : c’est tout le contraire de Coca-Cola. L’adjuvant
est la sulfureuse formule. Tout est dans l’action ; cela ne se dit pas mais se fait et se
voit. Red Bull est dans la preuve, la preuve d’abord de « posséder le sport extrême »,
à commencer par la Formule 1, mais aussi des événements largement médiatisés
comme le saut de plus de 30 000 mètres d’altitude réalisé par Felix Baumgartner,
une pure folie. Red Bull invente le brand content en étant non seulement le sponsor
mais aussi l’organisateur de ce type d’événements.
197
Partie 3 Quand espace marchand et espace public tendent à se confondre
¼¼La dimension publique de la publicité est favorisée par l’essor des réseaux
sociaux.
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publicitaire se renouvelle sans cesse en investissant l’espace public et en
cherchant à être traversée par lui.
¼¼Le recours au storytelling est l’un des moyens privilégiés pour la communi-
cation publicitaire d’occuper plusieurs espaces médiatiques et de transformer
ainsi la relation sémiotique en « expérience » de marque.
198
Chapitre 9 Publicité et société
1 Qu’est-ce qui explique le déclin du discours 5 Qu’est-ce que le « brand content stratégique » ?
publicitaire classique dans les années 1990 ? a. C’est une démarche de création d’un contenu de
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a. La lassitude des consommateurs. marque plus stratégique que créatif.
b. La crise du modèle de consommation qui le sous-tend. b. C’est une démarche de création d’un contenu qui
c. Le manque de créativité des agences de publicité. contribue au développement de la marque en tant
qu’agent culturel.
2 Quel est l’impact de l’apparition des c. C’est une démarche de création d’un contenu par
« consomm’acteurs » sur le discours publicitaire ? le planning stratégique.
a. La montée de la publiphobie.
b. Le développement de formes plus participatives
de relation avec les marques.
c. La hausse des tarifs publicitaires sur le média TV.
du discours publicitaire ?
4 Quelle logique semble le mieux répondre au
nouveau paradigme de communication publicitaire ? 7 L’expérience avec la marque
a. Une logique créative pour séduire les consomma- Pourquoi l’événementiel prend-il une place de plus en
teurs. plus centrale dans les démarches de communication ?
199
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4
communication
relationnelle
Partie
se fait plus
Quand la
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L
a seconde partie du XXe siècle a vu une accélération des pratiques de communication.
Après la barbarie de la Seconde Guerre mondiale, la communication s’est imposée,
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sous l’impulsion de Norbert Wiener et des cybernéticiens du MIT, comme une
idéologie de la conciliation universelle. Instrumentalisée par les gouvernants pour gérer
l’opinion publique et mobilisée par les marques pour séduire les consommateurs, elle a fini
par investir tout l’espace public.
La quatrième et dernière partie de cet ouvrage tentera de dessiner les perspectives
d’évolution de la communication des organisations.
Le chapitre 10 permettra de faire le point sur les notions d’opinion et d’influence et de
confirmer l’importance grandissante de l’e-réputation.
Le chapitre 11 s’intéressera à la communication institutionnelle et au rôle sociétal qu’elle
joue pour les organisations.
Enfin, le chapitre 12 montrera que les approches consistant à appréhender la
communication comme un ensemble de techniques et de procédés dont disposent les
« pouvoirs » pour circonvenir l’opinion laissent place à des formes de communication plus
relationnelles.
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D
epuis l’explosion des médias sociaux, la
donne de l’influence a changé. La révo-
lution numérique a fait entrer l’humanité
dans un nouvel âge : les puissants – institutions,
entreprises – ont perdu le monopole de l’in-
fluence au profit, potentiellement, de tout individu
connecté. Hier, les entreprises soignaient leur
image de marque, aujourd’hui, leur réputation
et leur e-réputation sont devenues un enjeu vital.
Individus et organisations doivent gérer l’ensemble
des discours, des signes et notamment des traces
qu’elles produisent et qu’elles laissent dans les
archives des sites web, des réseaux sociaux ou
des plateformes de contenus notamment vidéo.
Comme le montre cette une de Télérama, le
modèle de la réputation est devenu celui de la per-
sistance et de la traçabilité.. Profondément remises
en cause par la démultiplication des canaux et
l’importance des phénomènes d’opinion et de
réputation, les pratiques de communication se
réinventent. Devenue digitale, la communication
pose des questions inédites aux professionnels et
à la société toute entière.
Opinion,
influence,
(e-)réputation
Plan
1 L’opinion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
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2 L’influence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208
3 La réputation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
4 E-réputation et enjeux de société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
Objectifs
¼¼Fixer les notions d’opinion et d’influence
¼¼Comprendre comment ces notions évoluent avec l’explosion des médias
sociaux
¼¼Mesurer l’importance de l’e-réputation dans la communication
des organisations
¼¼Prendre conscience des questions de société soulevées
par l’e-réputation
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
1 L’opinion
1.1 Qu’est-ce que l’opinion ?
L’opinion, depuis Platon, c’est ce qui n’est pas la science : d’un
côté, les « amateurs de spectacle » (République, 476 b), de l’autre,
les amoureux du vrai. Si une opinion peut se révéler « vraie »,
son régime de véridiction, en tant qu’opinion, est d’un tout autre
ordre que celui du savoir ou de la foi : une opinion ne peut être
prouvée comme une vérité scientifique.
Selon Platon (République, 478 a-d), l’opinion est un intermé-
diaire, une médiation (metaxu), qui « saisit ce qui erre entre
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deux choses », un intermédiaire entre connaître et ignorer.
Définition 1
L’opinion, du latin opinio, évoque le jugement personnel :
l’idée qu’on se fait d’une chose, un avis que l’on s’est forgé
sur une question. C’est une conjecture, une croyance, une
S Statue de Platon devant
l’Académie d’Athènes
illusion qui ne relève pas de la connaissance rationnelle.
Gaston Bachelard dit : « L’opinion pense mal ; elle ne pense pas »1 . Or, toute
l’histoire de la pensée tourne autour de cette interrogation, déclinée dans les
grands champs du questionnement anthropologique : comprendre les régimes de
vérité, s’assurer que ce sur quoi on construit un système de savoir peut rendre des
comptes sur sa cohérence. Vrai/faux, croyance/savoir, théorie/praxis, confiance/
doute sont des notions étroitement imbriquées.
Définition 2
Plus complexe encore que l’opinion d’un individu sur une question donnée,
la notion d’opinion publique renvoie à l’ensemble des convictions et des
valeurs, des jugements et des croyances que partagent les individus dans
une société. On l’associe souvent à la doxa grecque.
204
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
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Ils appliquent des méthodes issues de la statistique et de
la sociologie afin, comme le dit Loïc Blondiaux dans son
livre La Fabrique de l’opinion, de transformer un « concept
ambigu » en « construit mesurable ».
Comment se mesure l’opinion publique ?
Les sondages s’appuient sur les techniques de
l’échantillonnage et de la représentativité. On reproduit à
échelle réduite la population dont on souhaite connaître les
opinions, les habitudes, les comportements, les pratiques (la
population française, les jeunes de 18 à 25 ans, les urbains,
etc.). Sur la base des statistiques disponibles (produites par
l’Insee, par exemple), on construit un échantillon, modèle
réduit de cette population. On assure la représentativité de
cet échantillon en lui donnant les mêmes caractéristiques
(quotas) que celles de la population dans son ensemble sur
des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle,
de région, de taille de l’agglomération habitée, etc.
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205
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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1.2 Qu’est-ce qui fait la force des opinions ?
Bien que non fondées sur la science et le savoir, les opinions sont utiles aux
individus car elles remplissent deux fonctions :
■■ une fonction psychologique : en laissant croire que l’on sait, sans effort intel-
lectuel, l’opinion rassure, donne du sens – une sorte de sens commun – et
fournit des repères qui guident l’action (« c’est ce que tout le monde pense ! ») ;
■■ une fonction sociale : en se conformant aux préjugés et aux croyances d’un
groupe, l’opinion permet de s’y faire accepter ; c’est un moyen d’intégration
sociale qui peut conduire à préférer adhérer à l’opinion dominante plutôt que
de rechercher la vérité.
L’opinion peut être préférée à la vérité et posée comme vraie pour plusieurs rai-
sons : par habitude ou pour respecter la coutume, à cause du ouï-dire, par paresse
intellectuelle ou par lâcheté, parce qu’elle est partagée par un grand nombre de
personnes ou encore parce que celui qui l’énonce jouit du prestige de l’autorité.
206
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
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comme un « hyperactif cognitif » ne viendront jamais totalement à bout de l’image
d’un récepteur plutôt passif, porteur plus que sujet des opinions qu’il manifeste.
FOCUS
Les effets des médias sur le public
Au début de l’histoire des médias de masse (radio et télévision au début du XXe siècle, en particulier aux
États-Unis), l’idée s’est spontanément imposée que plus on était exposé à un message, plus celui-ci était
efficace. Le récepteur est, dans ce cas, assimilé à une entité passive qui réagira mécaniquement à des stimuli.
Le Viol des foules par la propagande politique, ouvrage de Serge Tchakhotine publié en 1939 (Gallimard),
est emblématique de cette idée. Rapidement, dès les premiers travaux empiriques sur les effets de la radio
menés par Paul Lazarsfeld et son laboratoire (1944), cette idée cède le pas à ce que l’on a appelé la « théorie
des effets limités » : les destinataires des messages ne sont pas passifs, ils mettent en œuvre des processus
sélectifs d’attention, de mémoire, etc. selon leurs origines, leur âge, leurs situations sociale et professionnelle.
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D’autres théories verront le jour et viendront compléter et nuancer les modèles en présence. C’est bien
entendu le vif intérêt suscité par les résultats éventuels de ces travaux (sondages politiques, publicité,
marketing…) qui explique le foisonnement de ces recherches durant tout le XX e siècle. La théorie de
l’agenda setting, par exemple, est encore discutée aujourd’hui : cette théorie postule que le plus important
dans les médias de masse, ce n’est pas de dire au public ce qu’il doit penser, mais ce à quoi il doit penser.
(McCombs et Shaw1). Il convient donc d’avoir la maîtrise de l’agenda des médias. La psychologie cognitive
va se pencher sur les différents processus cognitifs qui entrent en jeu dans les phénomènes de persuasion.
Elle va ainsi mettre en évidence et modéliser les phases : exposition, attention, compréhension, acceptation…
Elle promeut un sujet « hyperactif cognitif », à l’opposé du modèle cartésien ou antique de la « cire molle ».
1 M. McCombs et D. Shaw, « The Agenda Setting Function of Mass Media », Public Opinion
Quarterly, n° 36, 1972.
207
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
De manière générale, il est admis que les opinions proviennent de sources non
contrôlées, non maîtrisées et non réfléchies : l’expérience quotidienne, les médias,
l’éducation, les passions.
À partir de ce postulat, l’opinion est de plus en plus parasitée par un phénomène
massif : les fake news.
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la mise en œuvre d’action de désinformation sur les réseaux sociaux américains
afin de manipuler l’opinion lors de la campagne présidentielle américaine en
2016 et l’élection de Donald Trump.
Pourquoi le phénomène des fake news explose au point d’ébranler la vie démo-
cratique et la construction des opinions publiques ? Tout d’abord, les relais
d’opinion sont de plus en plus nombreux et variés avec la croissance continue
des réseaux sociaux que les québécois nomment de façon plus juste les médias
sociaux (Charest, Alcantara, Lavigne, Moumouni, 2016). Ce constat se double
d’une perte d’influence des discours des experts au profit de discours alternatifs
produits par des particuliers. Ces derniers, par leur audience, se substituent aux
experts avec une image d’amateur engagé. L’émergence de la figure de l’amateur
a été mis en évidence dès 2010 : « L’Internet de masse du début du XXIe siècle se
distingue des médias qui se sont développés au siècle précédent pour cette rai-
son essentielle : les amateurs y occupent le devant de la scène. » (Flichy, 2010:7).
Agir sur l’opinion de façon licite par l’expression d’une opinion ou illicite par la
publication de fake news a pour objectif de produire une influence.
2 L’influence
2.1 Qu’est-ce que l’influence ?
Définition 3
L’étymologie renvoie à l’idée d’une action du ciel et des astres exercée
sur les hommes et les choses. Notion complexe, l’influence désigne à la
fois l’ascendant qu’un individu peut avoir sur un autre et le processus par
lequel le premier fait adopter son point de vue au second, sans coercition.
208
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
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médias des marques. Voilà pourquoi, depuis quelques années déjà, on croise les
« blogueuses stars » aux défilés de la Fashion Week !
Comment définissez-vous l’influence ?
Selon la définition du WOMMA (Word of Mouth Marketing
3 questions à Association), l’influence est « la capacité à changer les
opinions ou comportements d’autres personnes ». Elle
Nicolas Chabot s’exerce traditionnellement à l’intérieur du cercle familial,
Investisseur et VP EMEA amical ou professionnel.
chez Traackr, société
de technologie basée Sommes-nous tous égaux devant l’influence ?
à San Francisco spécialisée
dans le marketing Non ! Depuis longtemps les marques reconnaissent que
d’influence certains individus exercent une influence beaucoup plus
forte que les autres : ce sont par exemple les journalistes,
les leaders d’opinion ou d’autres parties prenantes comme
les chercheurs, les hommes politiques… qui, par leur
fonction, influencent l’image et la notoriété d’une marque
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
209
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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2.3 Influence et viralité
S Profil d’un influenceur dans sur les réseaux sociaux
le domaine du marketing digital
(source : Traackr) Dans The Tipping Point: How Little Things Can Make a Big Diffe-
rence (2000), Malcom Gladwell émet l’hypothèse que l’influence en
réseau suit le même modèle de croissance qu’une épidémie et postule
le rôle clé joué par quelques individus pour atteindre la masse critique
qui déclenche la viralité d’un contenu.
Pourtant, en 2003, Duncan Watts remet en cause cette théorie en démontrant
que les principales connexions d’un réseau concentrent seulement 5 % des mes-
sages. C’est la densité des liens au sein d’une communauté qui serait le facteur
clé de diffusion d’un contenu.
En fait, les deux approches sont en partie valides. L’étude des réseaux sociaux
confirme que la concentration y est beaucoup plus forte que le traditionnel 20/80.
On estime que 3 % des individus concentrent 90 % de l’impact sur les réseaux
sociaux. Ce sont les « influenceurs ».
3%
Topic
90 % Profile Timing
Influenceurs Impact
S Figure 10.1 L’impact des « influenceurs » S Figure 10.2 Une influence
sur le public relative à chaque moment
et à chaque profil
210
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
Pour autant, ces 3 % sont uniques sur chaque sujet car cette capacité à générer
de l’impact est contextuelle. Ainsi, les 3 % d’influenceurs sur la « voiture élec-
trique » seront différents des 3 % d’influenceurs sur la « course automobile ». Il
n’y a pas d’influenceur universel. Il y a un petit nombre d’influenceurs spécifiques
sur chaque contexte, défini par un sujet, un profil et un moment. Et c’est au sein
de ces communautés bien définies que s’exerce l’influence.
Il faut alors remarquer que le Web est aristocratique, contrairement aux uto-
pies fondatrices d’Internet qui faisaient référence en particulier au caractère
démocratique de celui-ci par la prise en compte de la parole de chacun dans un
environnement transparent. Cela signifie que sur le Web, toutes les opinions ne
se valent pas. Seules comptent celles des plus visibles et des plus influents, qui par
le maillage de leur écosystème web vont pouvoir agir sur la perception des tiers.
Définition 4
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Le marketing d’influence ou marketing influenceur est une nouvelle disci-
pline qui cherche à identifier les influenceurs clés et développer des actions
spécifiques envers eux. Dans leur livre sur le marketing d’influence, Sam
Fiorella et Danny Brown expliquent comment les marques doivent essayer de
cibler les consommateurs tout au long de leur cycle d’achat afin d’influencer
leur décision car, selon une étude Google/TNS/Ogilvy, les avis sur les réseaux
sociaux sont la principale source d’influence des consommateurs en ligne.
Ces critères permettent d’identifier et de classer les individus dans leur contexte.
Pour autant, de nombreux autres facteurs peuvent être pris en compte pour
identifier les influenceurs : impact sur la communauté, profil, affinité avec la
marque par exemple.
Mesurer l’influence, c’est surtout mesurer l’impact des programmes mis en œuvre.
L’important ici est de ne pas mesurer seulement les signaux générés (nombre de
publications, de mentions) mais l’impact sur les objectifs recherchés (trafic sur
le site web, génération de prospects, ventes, activation de contenu, etc.).
211
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
Exemple 1
Des outils comme Klout, Kred ou Peerindex ont tenté des définir des scores stan-
dards d’influence qui permettent de classer chacun selon son influence. Ils ont été
très critiqués pour leur manque de pertinence contextuelle par des auteurs comme
Sam Fiorella. Plus récemment, des plateformes de nouvelle génération telles que
Traackr, Getlittlebird ou Appinions ont développé des solutions plus spécifiques et
adaptées pour aider les professionnels de la communication à identifier les influen-
ceurs, gérer leur programme d’influence et mesurer leur impact.
E N P R AT I Q U E
Le cas ASOS
ASOS est leader des ventes en ligne dans le secteur de la mode. Avec un milliard d’euros de chiffre
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d’affaires en 2013 et 40 % de croissance, ASOS a développé un modèle unique de communication fondé
sur une connexion émotionnelle très forte avec ses clients et amoureux de la mode.
Le programme
Déjà très présent sur les réseaux sociaux, ASOS a lancé fin 2013 un programme d’influence ambitieux
afin de renforcer sa recommandation de marque auprès de son cœur de cible le plus actif sur les réseaux
sociaux. Le programme #AccessAllASOS met à la disposition de ses membres des opportunités
exclusives autour de la marque qu’ils souhaiteront naturellement partager sur leurs comptes sociaux.
En leur envoyant des cadeaux de bienvenue personnalisés, en les invitant à participer à des concours
de style ou à créer des contenus originaux, ASOS encourage les participants à partager du contenu
positif authentique sur le Web.
Résultat
Avec plus de 7 500 contenus originaux créés en 4 mois par environ 700 membres, le programme a généré
plus de 12 millions d’impressions potentielles. Dans le même temps, les mentions positives spontanées
ont augmenté de 800 %. Le programme, considéré comme un immense succès, a été étendu puis
développé dans les pays où ASOS est présent.
212
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
3 La réputation
3.1 Qu’est-ce que la réputation ?
Évaluation sociale du public envers une personne, un groupe ou une organisation,
la réputation peut se vivre harmonieusement ou être subie, mais elle s’impose.
Contrairement à l’image qui peut être façonnée, la réputation semble posséder
un caractère autonome. La réputation se conjugue exclusivement à la forme
passive : on est réputé.
Définition 5
La notion de réputation est ancienne. Elle est présente depuis que les
hommes vivent en société. C’est la perception, l’appréciation qu’autrui peut
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avoir de quelqu’un ou quelque chose. Cette expression est aussi synonyme
de renommée, c’est-à-dire d’opinion favorable ou défavorable que l’on a
d’un sujet. L’expression englobe à la fois les notions d’honorabilité, de
notoriété et d’opinions associées à un sujet. Sur un plan étymologique, la
référence latine est reputare, qui signifie « faire et refaire les comptes »,
« réfléchir » et « animer ».
Selon Henry Ford : « Les deux choses les plus importantes n’apparaissent pas au
bilan de l’entreprise : sa réputation et ses hommes ! » La réputation est, en effet,
une ressource essentielle que l’entreprise doit gérer pour en retirer un avantage
concurrentiel et éviter de perdre la confiance de ses parties prenantes.
213
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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d’un ordinateur connecté sur le Web
et, ainsi, d’y associer une personne
(l’abonné) pour, éventuellement, tra-
cer les trajectoires de navigation de
cet internaute.
© Mk-Photo-Fotolia.com
214
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
FOCUS
Un fait divers éclairant : les gérants du Super U
et les chasses en Afrique
Un couple avait publié en 2015 des photos de leur parties de chasse en Afrique sur les réseaux sociaux.
Ce couple de chasseurs de trophées exotiques avait une autre identité, professionnelle celle-là : ils étaient
gérants d’un Super U en France. Des internautes les repèrent comme chasseurs posant devant les animaux
abattus en 2019 et lancent un appel au boycott des Super U dans l’hexagone. Celui-ci devient très vite
viral et le PDG de l’enseigne intervient dans les médias pour se désolidariser des salariés et il annonce
leur départ avec « effet immédiat ». Ce cas est très éclairant sur les enjeux de l’e-réputation où l’on voit que
l’identité personnelle du couple vient télescoper leur identité professionnelle dans une proximité symbo-
lique intenable sur le Web. L’e-réputation des gérants affecte par porosité l’e-réputation de l’entreprise.
Il y a une influence et une contamination dans ce cas précis de l’entreprise et de la marque Super U par
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l’e-réputation des gérants. Les frontières entre l’intérieur et l’extérieur de l’entreprise sont alors ténues.
Pour en savoir plus : https://www.brut.media/fr/news/3-exemples-de-personnes-licenciees-suite-a-une-
publication-sur-les-reseaux-sociaux-5498c5da-431a-40e0-a7a7-141b799150ac
En ce sens, par son action sur la mise en visibilité, il est un acteur de son e-réputation.
De façon plus volontaire, l’internaute peut gérer sa présence en ligne sur le mode
du personal branding en instrumentalisant et façonnant son e-réputation pour que
toutes ses traces numériques se répondent et s’articulent de manière cohérente.
Définition 6
Le terme personal branding, apparu pour la première fois en 1981 dans le
livre d’Al Ries et Jack Trout The Battle for your Mind, renvoie au concept
de « marque personnelle » selon lequel la réputation d’un individu pourrait
être gérée avec les techniques de communication utilisées pour les marques.
Appliqué au Web social, le personal branding concerne la gestion cohérente
et structurée de l’identité, de la notoriété et de la réputation numériques sur
les différents canaux numériques où l’on peut trouver des traces d’un individu.
215
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
La recherche d’emploi en ligne, par exemple, peut se faire avec des experts en
communication numérique qui vont aider demandeurs d’emploi et jeunes diplômés
à optimiser leur présence sur les réseaux sociaux et à produire un profil riche
sur des réseaux dédiés tels que LinkedIn et Viadeo. Ces descriptions visent à
valoriser la gestion rigoureuse d’un « soi » unique totalement instrumentalisé et
optimisé au service d’un objectif. La réalité est plus complexe. L’expression d’un
soi en ligne passe par des ressorts psychologiques qui dépassent la simple vision
utilitaire. Des percussions frontales des différents profils en ligne peuvent alors
exister au lieu d’une cohabitation paisible et cohérente.
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la communication verticale, descendante, propre à toute organisation ayant un
mode de management pyramidal. Dès lors, la communication digitale est à la
fois une menace et une opportunité pour les organisations.
L’e-réputation : un objet de la communication digitale
Pour une organisation, l’e-réputation est une forme de prolongement en ce qu’elle
permet à toutes ses parties prenantes (clients, fournisseurs, salariés, bénévoles,
partenaires, usagers…) d’interagir en permanence sur les réseaux sociaux, de
prolonger ses ramifications et de démultiplier ses publics.
Cette communication en ligne donne aux parties prenantes le pouvoir d’intervenir
sur l’image de l’entreprise et d’influencer l’audience sans nécessairement que
l’organisation l’ait souhaité, ni puisse le maîtriser. C’est parce que l’image d’une
organisation est un actif précieux que l’e-réputation est devenue une composante
essentielle des stratégies de communication.
La confiance des parties prenantes passe par l’e-réputation. Si l’organisation
accepte le principe d’une communication horizontale et intègre dans sa démarche
stratégique le fait d’investir les réseaux sociaux, alors la communication digitale
peut couvrir toutes les formes de communication, tant commerciale qu’institu-
tionnelle, tant dans une perspective de construction que de préservation de la
réputation, en situation de crise. Dans tous les cas, l’avantage des réseaux sociaux
est qu’ils permettent de toucher directement ses publics sans passer par le filtre
ou le biais d’un traitement médiatique.
L’e-réputation : un objet du marketing digital
L’e-réputation est un objet du marketing tout autant que de la communication.
Prévoir, stimuler et co-construire les besoins des consommateurs en termes de
produit et de service passent de plus en plus par les réseaux sociaux : en ce sens,
l’e-réputation est un mode opératoire pour assurer la rencontre entre l’offre et
la demande.
216
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
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questions de société, comme le droit à l’oubli, la colonisation numérique dont
le RGPD est une réponse juridique apportée par l’union européenne à ces
phénomènes digitaux.
217
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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apparaître comme un censeur en ligne.
■■ Le référenceur Web : il prend appui sur une expertise fine des tactiques d’in-
dexation des algorithmes des moteurs de recherche pour mettre en visibilité
par une indexation pertinente le sujet considéré sur les principaux champs
lexicaux associés aux requêtes des internautes.
Enfin, sur un autre plan, le marché des données personnelles s’inscrit dans ce
marché émergent de l’e-réputation :
– selon une étude publiée par le Boston Consulting Group (2013), le marché
des données personnelles aurait représenté 300 milliards de dollars en 2013
en Europe et pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars à l’horizon 2020 ;
– selon cette même étude, la monétisation de la traçabilité complète d’un
Européen, c’est-à-dire d’un internaute à fort pouvoir d’achat, est de 600 euros.
218
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
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S Le but du RGPD (source : www.cnil.fr)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
219
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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grâce à l’émission de valeurs digitales (crypto-monnaies)
compensant les coûts de l’énergie des ordinateurs sécurisant
les réseaux (minage). La valeur de ces crypto-monnaies
dépend tant de facteurs économiques (offre et demande)
que de facteurs réputationnels. Une simple annonce
négative peut bouleverser le cours d’une crypto-monnaie
et, à l’inverse, une annonce positive vérifiée ou non vérifiée
peut entraîner des « pump » vertigineux. Dans l’écosystème
blockchain, l’entreprise doit donc être en totale maîtrise
de sa réputation offline et online, et cela avec vigilance
et professionnalisme.
Comment la « blockchain economy » réinvente-t-elle
les Relations Publics ?
Les acteurs de l’écosystème blockchain sont divisés en deux
catégories : celle des prestataires se rattachant généralement
à l’économie traditionnelle d’une part, soit des entreprises
tokenisées (autrement dit rattachées à une devise digitale,
qu’il s’agisse d’une crypto-monnaie ou d’un autre type
de valeurs) d’autre part. Dans ce cas, la valeur de ces devises
digitales est liée à deux variables que sont l’offre
et la demande. La réputation, elle aussi, est un facteur
clé sur laquelle elles doivent s’appuyer pour augmenter
leurs valeurs et financer leur développement.
Les Relations Publics ne se limitent donc pas
à la réputation mais deviennent de facto un enjeu
financier. Et cela en capitalisant sur des « publics »
qui sont pour certains strictement technologiques puisque
les écosystèmes blockchain sont structurés avant tout
sur des machines ou des pools de machines qui sécurisent
les transactions.
220
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
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221
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
¼¼Les sondages ne sont pas l’opinion publique, ils en sont l’instrument de mesure.
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¼¼Des outils informatiques existent pour identifier les influenceurs, gérer les
programmes d’influence et en mesurer l’impact.
¼¼Le RGPD est un règlement européen qui s’applique de la même façon dans
l’UE avec une volonté de créer transparence et confiance dans l’économie
numérique et lutter contre la position dominante des GAFAM.
222
Chapitre 10 Opinion, influence, (e-)réputation
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son image.
Web 2.0. d. un sujet qui ne la concerne pas si elle n’a pas d’ac-
b. concomitante à la création du Web au début des tivité en ligne.
années 1990.
c. une notion très ancienne qui fait référence princi-
palement à l’honorabilité et la notoriété d’un sujet.
5 Le RGPD :
d. associée au développement des applications a. est un droit nouveau qui va pouvoir s’appliquer sur
mobiles. l’ensemble de la sphère web.
b. est une volonté de développer l’e-commerce.
2 Les fake news sont liées : c. est un projet de règlement européen qui cherche
à consacrer le droit à la vie privée des individus.
a. à la perte d’influence du discours des « experts »
d. est un règlement qui s’applique de la même façon
par rapport aux discours des « amateurs ».
dans l’UE pour créer confiance et transparence dans
b. à l’avènement du Web.
l’univers digital.
c. à l’émergence du Web mobile.
d. à la création du RGPD.
3
Question
L’enjeu de l’e-réputation pour un individu :
a. est de bien faire cohabiter la somme de ses identités
individuelles en ligne.
de réflexion
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223
Chapitre 11
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P
endant que les marques cherchent à s’insti- termes renvoient tantôt à des techniques, tantôt
tutionnaliser comme des repères forts dans à des pratiques, tantôt à des concepts. Quelle que
la vie des consommateurs, les institutions soit la terminologie utilisée, la communication
– ensemble hétérogène d’organisations privées, institutionnelle mobilise des méthodes et des
publiques ou hybrides – adoptent les codes des techniques qui mettent en scène, en sens et en récit
marques et inscrivent leurs prises de parole dans les organisations face à leurs différents publics :
une logique de mise en lien et de mise en visi- collaborateurs, parties prenantes (actionnaires,
bilité. Quitte à « surprendre » comme le montre décideurs publics, etc.), opinion publique…
cet exemple, lorsque de « vénérables » institutions
s’ouvrent au regard des autres et au discours sur soi.
La généralisation de la communication institu-
tionnelle qui supplante la communication publici-
taire marque la prééminence du discours de l’être
(valeurs, rôles et engagements) sur un discours de
l’avoir (possessions matérielles, consommation)
et du faire (compétence technologique).
La communication institutionnelle est com-
plexe. Elle recouvre de nombreux champs et de
multiples pratiques, qui évoluent dans le temps
et surtout dans l’espace professionnel où elle est
exercée. Communication globale, communication
intégrée, communication corporate ou stratégique, S Annonce institutionnelle du musée des Arts
relations publics, relations extérieures… Ces décoratifs (© MAD, Paris/Jean Tholance/Agence
BETC)
La communication
institutionnelle
Plan
1 La communication institutionnelle : produire du sens
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et organiser une place . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
2 La communication institutionnelle à la conquête de l’espace public 232
3 Les défis de la communication institutionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
4 La communication institutionnelle des pouvoirs
et des services publics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
Objectifs
¼¼Comprendre la part « institutionnelle » de la communication dans la vie et
le développement des organisations
¼¼Prendre la mesure du rôle (positif ou négatif) des « parties prenantes »
dans la communication des entreprises et des institutions
¼¼Mesurer l’effet des réseaux sociaux sur la temporalité
de la communication, sur l’éclaircissement ou le brouillage des messages
et sur les enjeux de la réputation
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
1 La communication
institutionnelle : produire
du sens et organiser une place
La communication institutionnelle n’est pas un simple ornement de l’organisation,
elle agit sur elle dans la mesure où elle désigne, nomme et qualifie ses actions
et ses acteurs : en ce sens, elle l’organise.
Crozier et Friedberg estiment que l’organisation est « un construit humain qui
n’a pas de sens en dehors du rapport à ses membres » (1977). Cette définition
met l’accent sur les actes de communication dans les organisations (langages,
discours, pratiques) ainsi que sur les pratiques informationnelles et communica-
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tionnelles qui y coexistent. En ce sens, la communication institutionnelle est une
communication organisante et organisée car elle permet la constitution d’une
organisation, elle lui donne sa cohérence et définit son action.
226
Chapitre 11 La communication institutionnelle
Définition 1
Le terme d’organisation est un terme générique qui recouvre autant des
entreprises que des institutions publiques ainsi que des organismes du secteur
associatif. Il existe des organisations dans tous les secteurs d’activité : sec-
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teur commercial lucratif et concurrentiel intervenant sur les marchés par la
production et commercialisation de biens et de services (grandes, moyennes
et petites entreprises), secteur étatique (ministères, organismes publics) et
administratif (collectivités territoriales, villes, départements, régions), secteur
culturel (musées et théâtres publics ou privés). Toute organisation assemble,
structure et coordonne des moyens (humains, financiers et techniques) en vue
d’atteindre un ensemble d’objectifs qu’il s’agit de faire connaître et partager
avec ses parties prenantes, internes et externes. Le terme désigne également
les associations ou ONG, secteur en fort développement et qui recouvre
des réalités locales, nationales ou internationales (tel le WWF ou Oxfam).
227
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
de jugement de premier ordre, conférant aux publics une tribune amplifiée par les
dynamiques conversationnelles. Les organisations doivent donc assurer leur pré-
sence dans les conversations sur les réseaux sociaux et dans les médias. Elles créent
aussi leurs propres médias à destination de leur public interne (intranet, journaux
d’entreprises) et à destination des publics externes (blogs, newsletters, vidéos…).
Le progrès des offres technologiques comme Watson pour Microsoft ou encore
sur Facebook Messenger à partir de 2016 ont bouleversé la donne en instaurant (et
consacrant) le mode conversationnel des organisations avec leurs parties prenantes.
La maîtrise de plus en plus fine (et de plus en plus courante) du langage naturel, des
intelligences artificielles, a permis aux marques et aux institutions d’instaurer de
façon automatisée des conversations, via les chatbots (voire les « cleverbots ») qui
construisent une nouvelle proximité et un rapport au temps inédit, plus spontané,
plus immédiat. D’abord limitées aux informations techniques, les conversations
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deviennent de plus en plus élaborées pour être récréatives ou pédagogiques.
Le besoin relationnel, déjà construit sur et par les réseaux sociaux s’intensifie :
l’institution, sur le modèle de la marque, doit répondre à tous et à toutes, tout
de suite. Une nouvelle expérience « conversationnelle » voit le jour, qui va en
s’intensifiant. Les institutions ont « lâché prise » sur les conversations sociales
des réseaux sociaux et privilégient une relation plus directe, en animant leurs
communautés. Ces conversations, initiées au début via des claviers, sont en
train de migrer vers la voix, accentuant la proximité et l’immédiateté… La
communication institutionnelle est en train de changer son régime de langage,
sa temporalité comme son rapport à ses publics.
L’intensification du mode conversationnel vient grandement renforcer l’approche
anglosaxonne de la communication institutionnelle, retenue par la PRSA (Public
Relations Society of America)1 , qui implique un processus de rétroaction per-
pétuelle entre l’organisation et ses publics. La communication ne peut être uni-
directionnelle, elle est toujours relationnelle, elle est portée, formée, déformée
ou reformée par des conversations.
Définition 2
Le terme de parties prenantes est issu de la pensée économique américaine
(Freeman, 1984). Il désigne l’ensemble des publics internes et externes qui
peuvent être touchés directement ou indirectement par les activités d’une
organisation. Le terme, adapté de l’anglais stakeholders, s’est généralisé
dès lors que sont prises en compte des nouvelles pratiques de gestion des
organisations : engagement envers le bien public et les générations futures ;
considérations environnementales, économiques et sociales ; responsabilité
sociale et développement durable ; transparence, etc.
1 www.prsa.org
228
Chapitre 11 La communication institutionnelle
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une tension permanente
entre la société et le marché
Selon les moments et les objectifs, la communication institutionnelle oscille
entre deux pôles : le versant social et le versant commercial, suscitant dans les
discours tantôt un ancrage sur les valeurs sociétales (mise en avant d’un rôle
social), tantôt sur l’avantage concurrentiel des produits ou marques (mise en
avant d’un imaginaire de marque).
La communication institutionnelle consiste à produire :
– un ensemble d’informations légales (obligatoires) et volontaires : au volume
d’informations qui ne cesse de se renforcer sous l’impulsion des réglemen-
tations nationales (reporting financier, informations RSE), européennes
et internationales s’ajoutent des informations volontairement données par
l’organisation sur des aspects qui lui semblent importants ;
– un ensemble de productions narratives dans lesquelles peut être repéré un
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229
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
FOCUS
La communication institutionnelle de GRDF
Prendre l’opinion à contre-pied, tel est le parti-pris de GRDF pour modifier la perception que les Français
ont du gaz et se positionner comme un acteur majeur de la transition énergétique. Plutôt qu’un discours
technique ou institutionnel, le distributeur de gaz naturel opte pour des textes directs et des visuels
décalés. La vision et la raison d’être de GRDF sont encapsulés dans un hashtag : #LeGazCestLavenir.
Opportunément lancée en amont du Salon de l’Agriculture de 2018, la campagne mise sur l’humour
pour faire savoir que la France produit du gaz naturel vert, 100 % renouvelable, à partir de déchets
organiques issus de cultures agricoles et de déchets ménagers. Conseillé par son agence Rosapark,
GRDF n’hésite pas à casser les codes de la communication institutionnelle pour mieux faire passer son
message, pas tant auprès des agriculteurs que de ceux qui ont les choix énergétiques entre leurs mains.
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© GRDF, Rosapark
230
Chapitre 11 La communication institutionnelle
FOCUS
La Fondation Louis Vuitton
Inaugurée à Paris en octobre 2014, elle s’est rapidement imposée comme un haut lieu de la culture
contemporaine. Bernard Arnault s’exprime ainsi sur sa Fondation, réalisée par l’architecte Franck
Gehry : « Quand j’ai parlé [...] aux cadres du groupe LVMH à qui je faisais visiter la Fondation en
avant-première, j’ai souligné que l’immeuble de Frank reflétait trois valeurs de notre groupe : la créativité
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[…] ; la qualité […] et la détermination […]. Cette fondation d’entreprise illustre la proximité historique
de Louis Vuitton avec les artistes [...]. Je voulais surtout que tous les collaborateurs de notre groupe
puissent profiter de cette aventure magnifique, qu’elle leur soit, en quelque sorte, dédiée. Un mécénat
comme celui-là permet de les rassembler autour d’une forme de transcendance, au-delà des produits,
de la profitabilité, des parts de marché, des cours de Bourse… »1
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Iwan Baan for Fondation Louis Vuitton © Iwan Baan 2014 © Gehry partners LLP
231
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
2 La communication
institutionnelle à la conquête
de l’espace public
Avec la création des premières directions de la communication à partir des
années 1970, la communication devient un nouveau champ d’action pour l’en-
treprise. La communication institutionnelle désigne alors des pratiques dont on
attend la création d’une valeur ajoutée, immatérielle mais puissante : goodwill,
image, réputation, confiance, crédibilité.
La communication institutionnelle répond au besoin des organisations d’inscrire
leur présence dans l’espace public en générant des cadres de confiance : elles
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choisissent les valeurs qui les représentent et les mettent au service de leur action.
232
Chapitre 11 La communication institutionnelle
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Les garanties extérieures de la qualité des produits et services de l’entreprise,
de son action et de son engagement irriguent la communication institutionnelle
et ont pour but de rassurer et orienter les publics.
En 2018, dans le sillage de la loi Pacte et sur l’initiative du think tank Terra
Nova, de nouveaux mouvements naissent autour de la contribution positive des
entreprises à la société et au bien commun. L’entreprise contributive prend la
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responsabilité de produire plus d’impacts positifs sur son écosystème que d’ef-
fets négatifs. La communication de l’institution devient la communication de
la contribution, organisée par l’implication, la participation, les initiatives, les
modes partagés de gouvernance et de représentation. Deux événements forts
sont venus marquer cette nouvelle danse entre le « bien » et « l’économique » – le
discours d’Emmanuel Faber, PDG de Danone sur le campus d’HEC en juin 2016
(qui a été une première dans la communication institutionnelle d’un grand patron
du CAC 40), où il déclare notamment : « Sans justice sociale, il n’y aura plus
d’économie, poursuit-il. Les riches, nous, les privilégiés, nous pourrons monter
des murs de plus en plus hauts […] mais rien n’arrêtera ceux qui ont besoin de
partager avec nous. Il n’y aura pas non plus de justice climatique sans justice
sociale. » En évoquant la figure de son frère schizophrène, il invite la sphère
233
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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pagner la croissance des entreprises françaises tout en repensant leur place dans
la société. Inspirée par les travaux menés à l’École des Mines et par le rapport
Notat-Senard, elle définit un nouveau type d’entreprises, « les sociétés à mission »,
dont les statuts mentionnent une raison d’être, énoncent un ou plusieurs objectifs
sociaux et environnementaux menés en parallèle de l’activité ainsi que les modalités
de suivi et d’exécution de la mission (point vérifié par un organisme indépendant).
S’opère ainsi un certain rapprochement avec l’Économie sociale et solidaire (ESS)
qui repose sur un équilibre entre économie et responsabilité sociétale. Le secteur
de l’ESS garde cependant sa spécificité par son type d’organisation qui prend la
forme de coopératives, mutuelles, associations ou fondations. Dans le débat suscité
sur le sujet de la mission (auquel le MEDEF était d’abord hostile, préférant une
« responsabilité volontaire ») se remarquent des espoirs (mise en évidence du sens
et du « purpose »), des craintes (green ou social washing) et des ralliements de
grandes entreprises. Un cadre légal est à présent donné à des entreprises qui sou-
haitent s’engager formellement à mettre en œuvre des moyens concrets permettant
d’accomplir la mission inscrite dans les statuts selon des critères précis et exigeants.
234
Chapitre 11 La communication institutionnelle
Définition 3
La réputation est un actif immatériel alimenté par la perception que les
publics se font d’une organisation, principalement à partir de son compor-
tement passé, présent et laissant présager ce qu’il sera à l’avenir.
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munication publicitaire marque la prééminence du discours de l’être (valeurs,
rôles et engagements) sur un discours de l’avoir (possessions matérielles) et du
faire (compétence technologique).
Les choix rhétoriques et techniques mobilisés par la communication institu-
tionnelle doivent être en phase avec les sociétés. L’échelle spatiale sur laquelle
interviennent les organisations ne cessant de s’élargir à l’heure de la mondia-
lisation, les communicants opèrent des choix dans le mode d’adresse à leurs
publics : choix globaux et internationaux (stratégie de Coca-Cola ou de L’Oréal
qui interviennent sur tous les continents selon le même registre), interventions
déclinées ou adaptées à des aires culturelles spécifiques. La globalisation des
messages est une tendance lourde, elle anime la dénomination même des orga-
nisations qui adoptent des consonances reconnaissables dans toutes les langues.
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235
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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Elle modifie totalement les principes d’action antérieurs qui reposaient sur la
verticalité (logique top-down) et participe d’une verticalité de l’échange qui
se complexifie ainsi (multiplicité des émetteurs, prolifération de messages aux
statuts variés).
Les nouveaux médias contrarient la gestion de l’opinion. « Le dir’com doit
accepter qu’il ne maîtrise plus seul la communication, que les voix ne sont
plus uniquement officielles et que la diffusion de l’information est très accélé-
rée », analyse Stéphane Billiet, président de We agency. Il ajoute : « Passer des
messages, structurer une communication devient complexe lorsqu’il faut faire
vite et qu’en même temps la dimension émotionnelle s’exprime sur les médias
sociaux ! Cette évolution est aussi une opportunité pour la profession : tout le
monde a compris le risque à laisser des messages extérieurs ou hostiles circuler
sans réagir. »
236
Chapitre 11 La communication institutionnelle
laquelle ils appartiennent. Le contrat qui lie l’entreprise et ses salariés suppose
de nouvelles manières de collaborer, d’adhérer, de concourir au rayonnement
de l’organisation. Le discours unificateur de la communication institutionnelle,
diffusé autrefois par une source centralisée et souvent unique (le dirigeant
comme seul agent de personnalisation et la direction de la communication),
éclate en de multiples visages sur les réseaux sociaux. L’inscription sociétale
d’une organisation passe également et fortement par des réseaux sociaux tels
Twitter ou Linkedln, ce qui pèse fortement sur les enjeux de réputation. Ce sont
les voix, les textes et les visages des collaborateurs qui nourrissent la diversité
des points de vue émis, leurs discours qui appuient (ou contredisent) l’expertise
et la crédibilité de l’entreprise, leur activité conversationnelle qui assure l’exten-
sion voire la prolifération de la marque dans l’espace public : ils constituent de
nouveaux « leviers sociaux ». Les valeurs de l’entreprise (et leur adéquation avec
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les pratiques) sont mises en discussion, souvent avec véhémence. Le départ de
la CEO du groupe Engie en février 2020 a été accompagné en interne par une
pétition de soutien signée par près de 1 800 collaborateurs.
La communication institutionnelle reste puissance organisatrice, elle fournit
un certain nombre de contenus et de récits partageables mais que les publics
traduisent en jugements concordants, contrastés ou opposés.
Dans cette perspective phatique et polyphonique, la communication institu-
tionnelle se dote d’une nouvelle fonction éditoriale car il s’agit de fournir aux
collaborateurs un contenu riche, optimisé selon leur profil et ce d’une façon
continue : le rythme et le séquencement temporel constituent les conditions de
performance et de pérennité de l’échange avec les publics.
237
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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Starbucks, un mea culpa à 12 millions de dollars
Accusée de racisme après la publication, abondamment relayée sur les réseaux sociaux,
d’une vidéo montrant la police en train d’arrêter deux hommes noirs dans un Starbucks
de Philadelphie alors qu’ils attendaient un ami avant de passer commande, la chaîne
s’est engagée à fermer ses 8 000 cafés sur le sol américain pendant un après-midi, le
temps de sensibiliser ses 175 000 employés aux préjugés racistes et aux discrimina-
tions. Dans un communiqué, le PDG de Starbucks qui a présenté ses « excuses les
plus sincères aux deux hommes qui ont été arrêtés », a déclaré que l’entreprise avait
commencé « une revue complète de ses pratiques ».
238
Chapitre 11 La communication institutionnelle
FOCUS
La communication de la responsabilité sociale
des entreprises (RSE)
Face aux attentes des citoyens et à l’évolution de la réglementation (loi Grenelle II), les entreprises
privées et publiques sont tentées ou contraintes de communiquer toujours davantage sur les consé-
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quences sociales et environnementales de leurs activités et sur les engagements pris pour les réduire.
Comment y parvenir sans être taxé de greenwashing ?
Tout d’abord, les entreprises doivent s’engager de manière profonde et pérenne sur des actions d’iden-
tification et de réduction de leurs impacts. Cette démarche se fera en réponse aux préoccupations des
parties prenantes (fournisseurs, clients, ONG, riverains…) et en lien avec la stratégie globale. Mobiliser
et accompagner les salariés, connecter les actions aux produits et aux services proposés sont quelques
clés du succès.
Les sujets RSE sont particulièrement complexes : impacts environnementaux et sociaux multiples
et imbriqués, méthodes et outils scientifiques pointus pour les évaluer, arbitrages indispensables,
multiplicité des labels et des normes, etc. De surcroît, ces sujets sont adressés de manière récente
et peu systématique dans les formations des professionnels du marketing et de la communication.
Il apparaît donc nécessaire de faire monter ces équipes en compétences à travers des formations
dédiées.
En matière de communication externe, les entreprises peuvent mettre en place de véritables plateformes
de communication RSE qui dépassent la simple publication d’un rapport annuel. L’objectif est alors
de porter les résultats, engagements et objectifs sociétaux de l’entreprise à la connaissance des parties
prenantes sous des formes et par des canaux appropriés et variés (print, digital, événementiel…) tout
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au long de l’année.
Sur le fond, la communication sur les engagements RSE doit être sincère et présenter des actions véri-
fiables dont les effets ont été évalués. Il s’agit également de mettre en lumière les obstacles rencontrés
et les incontournables marges de progrès : le public n’attend pas la perfection mais la transparence.
Par ailleurs, il est préférable que la rationalité du discours RSE s’accompagne de mise en relation,
d’émotion et de projection dans un futur soutenable plus souhaitable.
Finalement, comme nous le montrent plusieurs exemples récents (cf. www.com-rse.fr), la commu-
nication sur les enjeux de soutenabilité sait être innovante, créative, mobilisatrice et créatrice de
valeurs.
Mathieu Jahnich, fondateur et gérant de Sircome
(bureau de conseil en stratégie de communication), www.sircome.fr.
239
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
4 La communication
institutionnelle des pouvoirs
et des services publics
La communication publique est la communication institutionnelle des pouvoirs
et des services publics. C’est une communication administrative de service
et d’intérêt général qui se distingue de la communication politique, et plus
encore de la communication électorale dont les périodes et les modalités de
financement sont, en France, strictement encadrées par l’article L. 52-1 du
Code électoral.
Le développement de l’interventionnisme économique et social de l’État-
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providence a conduit les pouvoirs publics à jouer un rôle d’organisateur du vivre
ensemble dans la cité. Les campagnes de communication « comportementales »
régulièrement menées par des ministères, des agences et opérateurs de l’État (ex. :
Pôle emploi, INPES), des entreprises publiques (ex. : La Poste, SNCF, RATP)
font appel à la raison ou au civisme pour promouvoir des conduites individuelles
ou collectives conformes à l’intérêt général : sécurité routière, santé et prévention
(tabac, alcool, drogue, médicament), économies d’énergie et développement
durable, solidarité et Sécurité sociale. La créativité des institutions publiques,
sur tous les supports de communication, n’a rien à envier à celle des entreprises
commerciales.
240
Chapitre 11 La communication institutionnelle
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C’est pourquoi la parole d’une institution publique est performative (! chapitre 5),
c’est-à-dire qu’elle réalise une action par le fait même de son énonciation : elle
crée une situation, institue un fait (publication du plan d’urbanisme), officialise
une décision (déclaration d’utilité publique), rend possible une action (mobili-
sation, permis de construire).
de la démocratie.
Quelles évolutions notables ?
La communication publique a progressivement évolué vers
une fonction de relation et de dialogue de plus en plus
personnalisés avec les administrés. De ce fait elle ne peut
pas être l’affaire des seuls « communicants » : les exigences
de la gestion des personnels comme de la relation avec
les citoyens et usagers en font nécessairement une fonction
partagée, une fonction managériale à la fois stratégique
et opérationnelle, indispensable à l’efficacité et à
l’adaptation des administrations publiques. Informer
et écouter les administrés, rendre compte aux citoyens,
associer les usagers, motiver les agents, mesurer l’opinion
241
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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et des usagers de plus en plus éduqués, exigeants
et connectés, l’enjeu est celui d’une administration
plus proche des gens, notamment au niveau local,
par l’implication des citoyens dans l’élaboration
et la prise de décision publique. Venant compléter
la démocratie représentative de délégation,
la démocratie participative d’implication directe
des parties prenantes est la nouvelle frontière
de la communication publique. ■
242
Chapitre 11 La communication institutionnelle
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dans les organisations relevant d’horizons les plus variés.
Le mot de la fin, qui est un mot d’ouverture, revient au directeur de la com-
munication de l’INSERM, Arnaud Benedetti : « L’avenir de la communication
en tant que pratique professionnelle n’est certainement pas dans la com’ et ses
multiples impasses mais dans la médiation parce que celle-ci suppose, au préa-
lable, la reconnaissance du point de vue des autres. C’est seulement au prix de
cette confrontation sans concession avec le monde réel des sociétés et non avec
le monde rêvé des marchands de com’ que l’on parviendra à libérer la commu-
nication des langues de bois qui trop souvent l’emprisonnent. »
FOCUS
La communication institutionnelle
est un objet vivant de recherche scientifique
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La communication organisationnelle constitue un champ d’étude scientifique qui dépasse les approches
à visée opérationnelle et affirme une posture à la fois critique et analytique, alimentée par des question-
nements et des concepts spécifiques. La création de groupes de recherche au sein de la Société française
des sciences de l’information et de la communication confirme le poids scientifique de ce champ de
recherche marqué par un nombre important de revues, de centres de recherche, de thèses et d’ouvrages.
243
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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ganisation en tant qu’entité productive, espace de travail et de relations
professionnelles.
244
Chapitre 11 La communication institutionnelle
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a. Multi-objectif, multipublic et multitechnique.
b. Mono-objectif, mono-public et mono-technique. Questions
2 Quel processus entre l’organisation et ses publics
implique la communication institutionnelle selon
de réflexion
la Public Relations Society of America ?
a. Un processus d’émission unilatérale. 7 Risques et opportunités de la pluralité à l’heure
b. Un processus de rétroaction perpétuelle. du numérique
L’avènement des conversations sur les réseaux sociaux
3 Pourquoi la communication institutionnelle suscite l’engagement et l’adhésion des parties prenantes
est-elle dite « communication organisationnelle » ? dans l’entreprise. Cette activité digitale est également
a. Parce qu’elle est stratégiquement organisée. synonyme de moindre maîtrise, voire de perte de
b. Parce qu’elle donne sa cohérence et son sens à une contrôle, de l’organisation sur sa communication.
organisation. Pouvez-vous exposer les bénéfices que les organisations
c. Parce qu’elle se présente sous la forme d’un orga- peuvent retirer de leur présence en ligne, des nouveaux
nigramme. modes conversationnels et les risques auxquels elles
doivent se préparer ?
4 La réputation est un actif de l’entreprise.
8
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Chapitre 12
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L
e 26 septembre 2019, le feu dévaste l’usine leur territoire et le soutien apporté à ses habi-
de produits chimiques Lubrizol située au tants gagne du terrain en France. Pas étonnant !
sud-ouest de la ville de Rouen. L’épais En abolissant les distances spatiales et tempo-
panache de fumée noire qui s’échappe de ce relles, Internet a remis l’accent sur l’importance
site classé « Seveso » laisse présager le pire. Bien des relations qu’une organisation tisse avec ses
que ni morts ni blessés ne soient à déplorer, une parties prenantes. Si, au-delà de la qualité de
série de mesures sont rapidement prises pour ses produits ou de ses services, la performance
la protection de la population : confinement, d’une organisation a toujours été corrélée à la
fermetures d’écoles, entreprises en activité par- manière dont elle s’insère dans son écosystème,
tielle, suspension de la production agricole… c’est encore plus vrai quand tout et tout le monde
Après quelques mois d’une communication jugée ne sont plus qu’à un clic de souris. Tous voisins
inopérante, le PDG affirme que son entreprise dans le village global !
est disposée à financer des indemnisations : « Je
n’ai pas de budget, nous souhaitons être de bons
voisins, nous souhaitons aider. », explique-t-il
aux autorités et aux médias. « Je suis frustré du
fait que nous n’ayons pas encore pu verser des
fonds aux personnes qui en ont le plus besoin.
Je vais essayer de voir comment on peut le faire
plus vite. Il ne s’agit pas d’obligations légales,
mais d’être de bons voisins à Rouen et sur tous
nos sites dans le monde. », précise-t-il.
Proximité, responsabilité, coopération… La
notion de voisinage qui qualifie sur le continent S L’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en 2019
nord-américain l’insertion des entreprises dans (© Daniel Briot)
Des relations
publiques aux
communications
relationnelles
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Plan
1 Les relations publiques, prémices des communications relationnelles 248
2 Les domaines d’application des communications relationnelles . . . 254
3 La structuration d’une stratégie de communication relationnelle . 262
4 L’avènement des communications relationnelles . . . . . . . . . . . . . . . . 267
Objectifs
¼¼Comprendre les notions d’opinion et de relation
¼¼Mesurer l’importance croissante de la relation dans les démarches
de communication
¼¼Découvrir les fondamentaux des techniques de communication
relationnelle
¼¼Appréhender la communication à la lumière de la relation
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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la gazette qui, chaque jour, fait la chronique de la vie quotidienne à Rome.
Si la démarche semble vieille comme le monde, la profession naît aux États-
Unis à la fin du XIX e siècle, en même temps que débute l’aventure industrielle
américaine. Dans un pays démocratique qui voit chaque travailleur comme un
consommateur et un actionnaire en puissance, les firmes comprennent qu’elles
doivent se préoccuper de l’opinion. Pour cela, elles vont rapidement solliciter
les services d’anciens journalistes.
Exemple 1
John D. Rockefeller : le management de la réputation
En janvier 1925, John D. Rockefeller Jr. fait la une de Time Magazine. Avant cela, il
a fait l’objet de vives attaques de presse pour la façon brutale dont lui et sa famille
avaient géré les employés de leurs nombreuses entreprises. Fils de l’homme qui a fon-
dé la compagnie pétrolière Standard Oil (Esso), Rockefeller Jr. est particulièrement
mis en cause lorsqu’en 1914, il brise avec violence la grève des mineurs de charbon
du Colorado. En grève depuis plusieurs mois pour protester contre les bas salaires
et les conditions de travail dangereuses, les mineurs, chassés de leurs maisons qui
appartiennent à l’entreprise, s’installent dans des tentes pour poursuivre leur mouve-
ment. Pour disperser les grévistes, les agents de sécurité tueront quarante personnes
et en blesseront grièvement une centaine. Bien qu’informé, Rockefeller niera avoir
quelque chose à voir avec ce qui sera qualifié de « massacre de Ludlow ». Il refusera
même de répondre aux demandes des mineurs jusqu’à ce qu’Ivy Lee, appelé pour le
conseiller, lui fasse accepter l’idée de rencontrer les mineurs et même de dîner avec
eux. Des photos où l’on voit John D. Rockefeller Jr. danser avec leurs épouses seront
diffusées par voie de presse.
Cette gestion de l’opinion qui s’accompagnera d’arguments plus rationnels sur la
contribution des Rockefeller au dynamisme économique du pays contribuera gran-
dement à reconstruire la réputation de la famille, jusque-là haïe. Le retournement
de l’opinion sera complet lorsque John D. Rockefeller Jr. crée une Fondation pour
la recherche scientifique et laisse, pour la postérité, l’image d’un généreux mécène.
248
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Après la crise des années 1930, le recours aux professionnels des relations publics
s’intensifie : il faut réanimer l’économie et regagner les faveurs du public. Les
faillites et le chômage ont sérieusement entamé la réputation des entreprises
et de leurs dirigeants. Le « big business » est accusé à la fois par le personnel
licencié et par les épargnants ruinés.
Définition 1
Les relations publics sont la réponse à un besoin sociologique et écono-
mique d’un monde nouveau fondé sur le principe démocratique.
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relations publics pour faire passer des mesures douloureuses dans une écono-
mie exsangue, puis pour faire accepter l’engagement dans la Seconde Guerre
mondiale et l’effort de guerre que cela implique.
À partir des années 1950, le modèle américain s’impose en Europe et avec lui
les techniques de communication qui ont fait son succès.
FOCUS
Des relations publiques aux relations publics :
les RP bougent le Q !
En 2011, Syndicat du Conseil en Relations Publics, n’a pas hésité
à malmener l’orthographe dans le but de corriger la trompeuse
traduction de l’anglais « public relations ». Rebaptisée « relations
publics », comme on dit « relations investisseurs » ou « relations
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249
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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– « This is not a secret press bureau. All our work is done in the open. We aim to
supply news. »
– « This is not an advertising agency. If you think any of our matter ought properly to
go to your business office, do not use it. »
– « Our matter is accurate. Further details on any subject treated will be supplied
promptly, and any editor will be assisted most carefully in verifying directly any
statement of fact… »
– « In brief, our plan is frankly, and openly, on behalf of business concerns and public
institutions, to supply the press and public of the United States prompt and accurate
information concerning subjects which it is of value and interest to the public to
know about. » ■
Définition 2
« Les relations publics sont une fonction de direction de caractère perma-
nent et organisé, par laquelle une entreprise ou un organisme public ou
privé cherche à obtenir et maintenir la compréhension, la sympathie et le
concours de ceux à qui elle a ou peut avoir à faire. »
En 2011, la Société des Relations Publics d’Amérique (PRSA) a voulu
préciser cette définition de l’Association internationale des Relations
Publics (IPRA) en ajoutant que les Relations Publics sont « un processus
stratégique de communication qui construit des relations mutuellement
bénéficiaires entre les organisations et leurs publics ».
250
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
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l’allument ostensiblement. La photo, choquante pour l’époque, fait le tour des rédactions.
Si cette campagne, « Les torches de la liberté », a pu contribuer au mouvement en
faveur des droits des femmes, elle a surtout servi les intérêts de l’industrie du tabac ! ■
Pour mener à bien ses projets, a fortiori lorsque ceux-ci ont aussi un impact négatif
sur la société ou sur l’environnement, une entreprise doit s’expliquer et rendre
compte. Parce que son efficacité et, même parfois, sa pérennité en dépend, une
entreprise doit installer et entretenir les meilleures relations possible avec les
différents publics susceptibles d’agir pour ou contre ses intérêts.
251
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
Définition 3
L’opinion est un jugement personnel que l’on s’est forgé sur une question
ou un sujet. C’est une idée préconçue qui ne relève pas de la connaissance
rationnelle, une conjecture qui, même affirmée avec conviction, n’est pas
nécessairement juste.
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L’opinion publique, appelée généralement « l’opinion », désigne la pensée
dominante d’une société, à un moment donné.
252
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Définition 4
Un relais d’opinion est un individu qui, du fait de sa notoriété, de son
expertise ou de son charisme, exerce une influence sur un grand nombre
d’autres individus.
Élaborer puis donner à ces individus ou à ces groupes des raisons et des moyens
de se mobiliser est la manière dont les relations publics procèdent pour créer et
amplifier les mouvements d’opinion.
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la pertinence de l’argumentation et la bonne utilisation des canaux d’information.
Contrairement à une campagne de publicité dont l’impact dépend de la pression
exercée sur les « cibles » visées, une démarche efficace de relations publics passe
par la propagation d’informations destinées à agir sur les idées, les jugements
et les représentations.
Autre différence, les publicitaires achètent l’espace dont ils ont besoin pour
placer leurs annonces. Pour les professionnels des relations publics, la diffusion
du message dépend de l’intérêt que celui-ci représente pour le public : l’espace
rédactionnel ou l’engagement d’un relais d’opinion ne s’achète pas, il se mérite.
Les notions de « paid, owned, earned media », apparues avec l’explosion des
médias sociaux, permettent de bien comprendre la différence entre publicité
et relations publics.
253
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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En septembre 2019, Pierre-André de Chalendar, PDG de Saint-Gobain, annonce
l’engagement de son groupe vers zéro émission nette de carbone d’ici à 2050. Deux
mois plus tard, Saint-Gobain révèle sa plateforme de communication engagée : « Mis-
sion To Earth ». Le dispositif qui comprend, entre autres, un film destiné aux écrans
publicitaires, une série de podcasts et des opérations événementielles, vise à mettre
en lumière l’engagement du groupe, à travers ses matériaux, à résoudre les grands
défis auxquels le monde doit faire face : loger, transporter, prendre soin de près de
10 milliards de personnes en 2050 tout en préservant la planète.
254
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
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naires et cherchent à financer leur développement.
Exemple 3
Aujourd’hui, c’est le jour J : l’entreprise X annonce qu’elle doit faire face à un plan de
sauvegarde de l’emploi. Après le comité d’entreprise, l’information est présentée aux
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managers. Beaucoup de questions sont posées. Pendant plusieurs mois, les publics
internes, au premier chef, mais aussi les publics externes de l’entreprise X vont vivre
dans ce « temps de l’incertitude ».
255
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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plan de sauvegarde de l’emploi, annoncer des résultats financiers florissants…
Pour y remédier : demander de la visibilité sur les prises de paroles importantes
pendant la durée du projet, afin de préparer les messages.
256
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
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qui apporte des réponses aux inquiétudes des salariés.
Quelles sont les qualités du communicant interne ?
Garder les nerfs solides, savoir défendre ses idées, faire
preuve de bon sens : en période sensible comme par temps
calme, le communicant interne doit appréhender le court
terme et garder le cap du moyen/long terme. Un exercice
spatio-temporel pas toujours évident mais qui fait la richesse
du métier ! ■
257
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
Sur un marché concurrentiel, le succès des entreprises passe par la mise en avant
des marques et des produits ou services qu’elles proposent aux consommateurs.
Qu’il s’agisse de faire connaître une innovation, de donner envie ou de rassurer
sur la qualité d’un produit, l’exposition médiatique et le bouche-à-oreille positif
sont déterminants pour soutenir les ventes.
En complément des démarches publicitaires – parfois en substitution, compte
tenu de l’importance des budgets nécessaires ! –, les marques ont recours aux
relations avec les médias, sous une forme événementielle ou par simple envoi
de communiqués et de dossiers de presse aux journalistes. Avec l’explosion des
médias sociaux, les stratégies se déploient nécessairement aussi « on line » à
destination des sites d’information et des influenceurs numériques.
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publics et le lobbying
Tant au niveau national qu’à l’échelle de l’Union européenne, la vie des entre-
prises est encadrée par des lois, des normes et des règlements qui autorisent ou
interdisent telle ou telle pratique. C’est pourquoi les entreprises, individuellement
et/ou par le biais de leurs syndicats et associations professionnelles, s’organisent
pour faire entendre leurs intérêts à un public déterminant pour elles : le décideur
public. Ce terme désigne essentiellement ceux qui représentent la puissance
publique : les élus qui préparent et votent la loi et le personnel des administra-
tions qui veille à son application.
Définition 5
Le lobbying est l’action de protection par des groupes de pression, les
lobbies, des intérêts particuliers de telle ou telle organisation face aux
décisions des pouvoirs publics.
L’expression, qui vient du mot anglais lobby, fait référence au hall de l’hôtel
Willard, à Washington, où des représentants de groupes d’intérêt, pensant
y trouver le général Grant devenu président des États-Unis après la guerre
de Sécession, venaient le guetter pour plaider leur cause.
258
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
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posé comme le porte-parole des parents
en colère, redonne une actualité à la crise
Lactalis, deux ans après les faits. Déclen-
chée en décembre 2017 par la publication
du rapport de la Direction Générale de la
Santé suite à l’intoxication de 38 bébés,
cette affaire de lait infantile contaminé à
la salmonelle est caractéristique d’une crise
mal gérée : manque de réactivité, manque
de transparence et manque d’empathie à
l’égard des victimes. L’incapacité de Lactalis
à maîtriser la situation, ponctuée par de
nombreux rebondissements tout au long
de l’année 2018, conduira le ministre de
l’Économie, Bruno Le Maire, à devoir « se
substituer à une entreprise défaillante ».
Disqualifié, Emmanuel Besnier qui, de-
puis dix-huit ans qu’il dirige l’entreprise
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259
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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2.6.1 Les caractéristiques de la crise
Dans le cours de leur activité, les organisations connaissent régulièrement des
incidents et des accidents qui sont réglés sans que l’opinion n’en soit informée.
Une entreprise ne se trouve en situation de crise que lorsque l’un de ces pro-
blèmes se trouve porté à la connaissance du public et que sa nature, l’ampleur
de ses conséquences ou la manière dont il est pris en charge suscite un sentiment
de réprobation ou d’hostilité à l’égard de l’entreprise.
Définition 6
Une crise est un événement probable mais pas certain qui…
– se produit de manière soudaine et inattendue ;
– place l’organisation au centre d’une attention critique élevée de la part
de l’opinion ;
– dont la nature, l’ampleur ou la réprobation suscitée conduit à une réso-
nance médiatique qui peut plus ou moins gravement porter atteinte à sa
réputation, voire remettre en cause sa pérennité.
260
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
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leurs coordonnées pour pouvoir entrer rapidement en relation avec eux ;
■■ mise en place des procédures de gestion de la communication en période de
crise ;
■■ constitution d’une cellule de crise ;
■■ préparation des messages adaptés aux différents sujets sensibles qui peuvent
se révéler critiques ;
■■ préparation des porte-parole (media training de crise) ;
■■ préparation de pages web qui pourront être mises en ligne rapidement le cas
échéant.
Pendant la crise :
■■ prendre la parole sans tarder pour éviter que le silence ne soit interprété
comme de la culpabilité ou comme un manque de réactivité – et aussi pour
tenter de donner le la de la communication plutôt que de se trouver en situa-
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tion de se justifier ;
■■ se montrer à l’écoute et jouer la transparence ;
■■ occuper le terrain médiatique, y compris en faisant intervenir des sources
neutres ou alliées (un syndicat professionnel, par exemple).
Après la crise :
■■ faire un retour d’expérience utile pour être plus efficace lors de la prochaine
crise.
261
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
FOCUS
Faut-il encore parler de communication digitale ?
La communication digitale – ou numérique si l’on veut respecter les préconisations de l’Académie fran-
çaise – concerne la stratégie et les actions de communication à mener sur le Web, les médias sociaux
et les terminaux mobiles.
Si toutes les entreprises n’ont pas la même maturité numérique, plus aucune stratégie de communica-
tion ne peut se concevoir sans sa dimension digitale. Non seulement convient-il d’ajouter les comptes
Twitter, LinkedIn ou Facebook à la panoplie des outils de communication, encore faut-il concevoir
et mettre en œuvre des démarches réellement adaptées aux pratiques rendues possibles par Internet.
L’avènement du Web social combiné à la convergence des médias et au développement des usages en
mobilité renforcent la dimension relationnelle de la communication. Plus instantanée, plus interac-
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tive, plus participative, la communication digitale ne doit plus se satisfaire de mettre l’information de
l’entreprise en ligne mais doit proposer à tous les publics qui souhaitent interagir avec elle un espace
d’échange sur tous les supports numériques. Désormais, toute communication est nécessairement
digitale, ou alors elle est incomplète.
262
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
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et d’opportunités.
Les questions à se poser sont nombreuses, en voici quelques-unes.
■■ Au plan institutionnel :
– Quels sont les principaux objectifs poursuivis ?
– Quels sont les messages institutionnels actuellement émis ?
– Quelles sont les principales parties prenantes ?
– Comment l’organisation est-elle perçue par ses différentes parties prenantes ?
– Quels sont les principaux sujets sensibles pouvant avoir un impact sur l’or-
ganisation ?
■■ Concernant le marché :
– Quel est l’état du marché ?
– Quelles sont les dynamiques de ce marché ?
– Quel est le positionnement de l’organisation sur le marché ?
– Qui sont les principaux concurrents et comment se situent-ils par rapport à
l’organisation ?
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Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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La classification des objectifs en trois catégories, couramment utilisée en mar-
keting, peut être appliquée aux objectifs de communication :
■■ objectifs cognitifs : faire connaître/développer la notoriété ;
■■ objectifs affectifs : faire aimer/développer le capital sympathie, travailler l’image ;
■■ objectifs conatifs : faire agir/accroître la motivation, réduire les freins au
passage à l’acte.
264
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
FOCUS
Cibles ou parties prenantes ?
La plupart des entreprises et des marques continuent d’utiliser la « com’ » pour se présenter sous leur
meilleur jour. En optant pour une communication de séduction et de persuasion, elles espèrent pou-
voir passer sous silence les questions qui fâchent. Résultat : sous la pression croissante de l’opinion, la
communication finit par être gérée sur un mode schizophrène, passant alternativement d’un discours
exagérément positif à un discours ultra-défensif.
Cette approche de la communication peut-elle résister encore longtemps à l’épreuve de la transparence,
de l’infobésité et de l’interactivité ? Difficilement ! L’abolition des distances et la redéfinition des espaces
physiques et virtuels impliquent désormais de donner tout son sens à la notion de parties prenantes.
La transparence interdit la dissimulation, l’infobésité rend compliquées la profération de messages et
l’interactivité en permettant la rétroaction systématique, oblige au dialogue. Il faut arrêter de prendre
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pour cible les parties prenantes !
265
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
Formats Contenus
• conférences • sites
• colloques • éditions
• événementiels • serious games
• voyages d’étude • films
• etc. • etc.
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3.6 Mesure et évaluation : est-on arrivé
à l’état désiré ?
Une stratégie de communication relationnelle doit pouvoir se mesurer, comme
toute démarche de communication.
Les indicateurs de performance, idéalement définis lors de la fixation des objec-
tifs, peuvent porter sur deux niveaux de résultats :
■■ d’une part, les résultats directs des actions conduites (une couverture de presse,
un taux de clics, le nombre de participants à un événement…) ;
■■ d’autre part, l’impact de l’action sur les indicateurs de performance de l’orga-
nisation (l’accroissement des ventes, du nombre de candidatures spontanées
reçues ou encore une hausse du cours de la Bourse…).
Pour faciliter la mesure de performance, la profession a développé un référentiel
de la mesure des RP1 , disponible en ligne. Ce document propose un référentiel
d’outils et de méthodes de mesure permettant aisément de rendre compte de la
création de valeur.
1 https://www.referentieldelamesure.com
266
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Définition 7
L’efficience et l’efficacité sont deux notions complémentaires : une
action est efficace lorsque les objectifs sont atteints, elle est efficiente
lorsque les objectifs sont atteints à moindre effort, en l’occurrence, à
moindre coût.
Cette étape, souvent oubliée ou mal préparée, est pourtant utile pour savoir
quelles actions, plus efficientes que d’autres, pourront utilement être reconduites
quand d’autres devront être remplacées par des moyens plus pertinents.
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4 L’avènement
des communications
relationnelles
Exemple 6
Amazon : le danger du risque d’opinion
Vendredi 29 novembre 2019, des militants écolo-
gistes lancent le mouvement « Block Friday » en
riposte au « Black Friday » qui ouvre la période
des achats de Noël. Leur mot d’ordre : #StopA-
mazon. À Paris, Lyon, Lille, les manifestants
médiatisent leur opposition à la surconsommation
que symbolise le géant du commerce en ligne et
à son impact négatif sur l’environnement. « Au-
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Cet exemple, illustratif du risque que l’opinion fait peser sur les entreprises et
leurs marques, montre aussi que jusqu’à présent, tout particulièrement en France,
l’interface entre la société et le fait économique s’était principalement jouée
sur deux terrains : la consommation et l’emploi. De fait, trois parties prenantes
appréhendées distinctement ont longtemps dessiné l’horizon simpliste de la
communication : les actionnaires, les salariés, les consommateurs. Publié en
267
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
FOCUS
La Commission Brundtland, créée en 1983 par l’Assemblée générale des Nations
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unies, a procédé à trois ans de consultations avant de publier son rapport, en
1987, sous le titre original Our Common Future.
Ce rapport a posé les bases du Sommet de la Terre de 1992 qui a popularisé
l’expression « développement durable » défini comme « un développement qui
répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs. »
268
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Accusée d’avoir une politique destructrice pour la planète, mise en cause pour
les conditions de travail dans ses centres logistiques, critiquée pour la destruction
d’emploi induite dans les commerces de centre-ville, l’entreprise de Jeff Bezos
pourra-t-elle pérenniser son leadership si sa réputation est toujours plus fragilisée ?
FOCUS
Image et réputation
Les notions d’image et de réputation renvoient toutes deux à des représentations mentales que l’on
se fait d’une entreprise, d’une marque, d’un produit. Cependant, ce sont deux concepts spécifiques et
complémentaires dont l’étymologie latine aide à comprendre la différence.
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■■ Dans le monde antique, l’imago est le portrait de l’ancêtre en cire que les Romains placent dans
l’atrium et portent aux funérailles pour établir la noblesse de leur lignage. Étymologiquement, l’image
fait référence au portrait sublimé d’un mort illustre destiné à positionner socialement une famille.
■■ Le mot « réputation » vient du latin reputatio et signifie « examen » ou « considération » (! chapitre 10).
La réputation, contrairement à l’image façonnée pour impressionner favorablement, est une opinion
formée à partir des qualités ou des vertus réelles ou supposées, éprouvées soi-même ou rapportées
par d’autres, c’est une appréciation à l’épreuve des faits.
L’image se gère dans la représentation qu’une marque s’efforce de donner d’elle-même, notamment
à travers son exposition publicitaire, quand la réputation se construit dans le comportement que l’en-
treprise adopte, dans l’expérience qu’elle fait vivre à ses différents publics. Idéalement, il ne doit pas
y avoir incohérence entre image et réputation.
269
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
qui implique un déséquilibre entre les parties prenantes – l’une prenant l’ascendant
sur l’autre – peut conduire à la frustration, voire au rejet. Parce que la relation
symétrique, a contrario, invite chacun à faire valoir son point de vue, elle favorise
la co-construction. Établir la communication sur un mode symétrique répond aux
aspirations de l’époque pour plus de respect et de participation
Exemple 7
OUI Talk, une plateforme communautaire et participative pour co-construire
l’expérience OUI. sncf
Renommé OUI. sncf en décembre 2017, le site marchand de la SNCF a non seulement
changé d’identité mais aussi de nature. D’un site transactionnel, le numéro 1 du e-com-
merce français est devenu un site relationnel grâce, notamment, à une plateforme
communautaire et participative : OUI Talk. Sur cette plateforme digitale, les clients
peuvent contribuer au développement de nouveaux services grâce à des ateliers virtuels.
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Au-delà de l’écran, les équipes de OUI. sncf organisent environ une fois par mois
des ateliers à Paris et en
régions au cours desquels
les clients membres de la
communauté OUI Talk
sont invités à faire en-
tendre leur point de vue
sur les services et à par-
tager leurs idées sur les
fonctionnalités ou projets
du site et de l’appli.
270
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
© Dunod | Téléchargé le 04/09/2021 sur www.cairn.info via Université de Reims Champagne-Ardenne (IP: 194.57.104.102)
façonnent… ». Dans La Galaxie Gutenberg (1962), McLuhan décrit les trois étapes de
développement du processus de communication. Ainsi, au « stade primitif » d’avant
l’invention de l’écriture, l’ouïe est essentiellement sollicitée pour percevoir la parole.
Avec l’invention de l’imprimerie, un deuxième sens est mobilisé : la vue. En entrant dans
la civilisation de l’audiovisuel avec la radio puis la télévision (« la Galaxie Marconi »),
la proximité des sociétés orales est recréée… Qu’aurait dit McLuhan de la révolution
numérique, lui, le philosophe, sociologue, professeur de littérature anglaise et théoricien
de la communication canadien à qui l’on doit le concept de « village global » ? ■
Pour une entreprise, être un bon voisin, c’est adhérer à des principes qui guident
l’action, c’est prendre l’engagement de faire le nécessaire pour occuper une
juste place dans le voisinage. Comment ? Déjà, en laissant de côté la technique
pour penser la communication comme le ferait un voisin à l’égard de ceux qui
l’entourent. Pour une entreprise ou une marque aussi, la vie en société suppose
le respect de certaines règles de « savoir-vivre ». Les qualités du bon voisin sont-
elles transposables à la communication des entreprises et des institutions ? Assez
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271
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
FOCUS
Tous voisins dans le village global ?
La proximité, l’instantanéité et l’interactivité que permet Internet doivent conduire à privilégier une
communication plus relationnelle qu’instrumentale, moins produite que vécue, ressentie, expérimentée.
Au risque d’être contre-productive, la communication doit désormais chercher à favoriser des relations
d’échange et de coopération entre les parties prenantes, internes et externes, plus qu’à imposer le point
de vue unique de l’émetteur. Elle doit être inclusive et reconnaître que les différents acteurs d’une
organisation partagent une communauté de destin. Si, au siècle dernier, Herbert McLuhan soutenait
que « the medium is the message », on peut dorénavant avancer que « social is the message ».
Exemple 8
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Toute l’équipe organise des ateliers de dégustations de nos chouettes recettes.
Au programme : bar à vaches, bar à cookies, tests produits et une conférence
pour TOUT savoir sur notre drôle d’aventure.
Ne criez pas. Ne paniquez pas. C’est GRATUIT !
En 2005, Michel & Augustin font une entrée remarquée sur le marché des biscuits,
dominé par des géants comme, par exemple, le groupe Mondelēz International (LU,
Vandame, Oreo…). Lorsque les « trublions du goût » lancent leur entreprise et imposent
leur marque, ils ne disposent pas de budget publicitaire équivalent à ceux de leurs
grands concurrents. Ils optent alors pour une démarche de communication relation-
272
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Pour une entreprise comme pour une marque, gérer des relations de bon voisinage
passe par la rencontre. L’ouverture est la meilleure façon de se faire accepter par
ses voisins – et peut-être même de se faire préférer. Tous ne pourront pas être
rencontrés mais ils en recevront la proposition. Les formats de la communication
relationnelle sont variés. Dans le registre institutionnel, les sessions de parties
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prenantes sont de formidables moments de rencontre où se fabrique le consen-
sus entre « voisins » partageant une même préoccupation ou concernés par un
même enjeu. Le tourisme industriel, les opérations portes ouvertes ou encore
la Fête des Voisins au travail, par exemple, sont des formats de communication
authentiquement relationnels.
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273
Partie 4 Quand la communication se fait plus relationnelle
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propositions et de ses décisions.
274
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
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orthographie désormais relations publics plutôt
que relations publiques pour :
a. Attirer l’attention sur l’activité de ses membres.
Questions
b. Rectifier la mauvaise traduction de l’anglais « rela-
tions avec les publics ».
2 L’opinion désigne :
a. L’acquiescement donné à une organisation par ses
de réflexion
parties prenantes.
b. La pensée dominante d’une société, à un moment 8 Proposer une stratégie de relations publics
donné. La marque COG, qui souhaite conquérir le marché
français de la chaussure végane, vous demande conseil.
3 La communication institutionnelle ou Proposez à cette entreprise fondée par un défenseur
« corporate » : de la cause animale une stratégie et un plan d’action
a. A vocation à promouvoir les produits ou les services de relations publics, sachant que cette start-up n’a pas
ainsi que l’institution elle-même. les moyens de financer une campagne de publicité.
b. N’a pas vocation à promouvoir les produits ou les
services mais l’institution elle-même. 9 Rédiger la « Charte du bon voisin »
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de l’entreprise BVE
4 L’origine du mot « lobbying » fait référence au L’entreprise BVE, dont la Charte de valeurs parle
mot anglais lobby, et évoque : notamment d’esprit d’équipe et d’innovation, veut
a. Le hall d’un hôtel. rendre plus concrète et plus opérationnelle sa culture
b. L’action d’appuyer fortement sur quelque chose d’entreprise à travers la rédaction d’une Charte du
pour le faire plier. bon voisin qui définirait son comportement à l’égard
c. Le fait de tirer sur le lobe de l’oreille pour signifier de ses parties prenantes. Proposez-lui la structure
qu’on veut se faire entendre. de cette Charte.
275
Conclusion
La communication ne peut se retrouver décrite tout entière dans une définition
simple. Transversale par nature, la communication est à la fois une science par-
tagée par plusieurs disciplines, une pratique de transmission et une action de
mise en relation. La communication évoque l’acte de communiquer mais aussi
les moyens techniques de la communication. Verbale et non verbale, elle est le
fait de l’être humain mais aussi de l’animal, de la plante et même de la machine.
Avec l’Internet des objets, elle concerne désormais – et ce n’est qu’un début ! –
les modalités d’échange d’informations homme/machine et potentiellement de
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machine à machine.
Tout aussi complexe, la communication organisationnelle, objet de ce manuel, est
un domaine qui relève à la fois des Sciences de l’Information et de la Commu-
nication, de la Sociologie des organisations, de l’Anthropologie et, bien sûr, des
Sciences de gestion. Car, dans la pratique professionnelle, aucune fonction des
organisations ne peut plus ignorer l’importance des enjeux de communication.
Matière vivante par excellence, la communication est une discipline en perpé-
tuelle évolution : elle se pense dans des contextes de société et se déploie grâce
aux moyens techniques que l’époque met à la disposition des professionnels.
Devenue un enjeu stratégique pour les entreprises et les institutions, elle s’inscrit
dans une pensée théorique (! chapitre 1), dans une histoire, celle des dispositifs
médiatiques (! chapitre 2), dans une pratique en réinvention permanente, celle
des journalistes et des influenceurs digitaux, apparus avec l’explosion des réseaux
et des médias sociaux (! chapitre 3).
La communication n’est pas une pratique hors-sol. Utilisée par les organisations
pour atteindre leurs objectifs stratégiques et pérenniser leurs activités, elle se
situe au point de rencontre, parfois brutal, entre les logiques de marché et les
logiques de société. De fait, les professionnels de la communication ne peuvent
ignorer les modèles économiques qui constituent la toile de fond idéologique
de leur action (! chapitre 4). Ils doivent pouvoir mobiliser la performativité de
la communication (! chapitre 5) et savoir maîtriser les nouveaux canaux de
l’influence (! chapitre 6).
Combinée au marketing, la communication crée de la valeur pour les marques et
participe à les intégrer dans l’espace public (! partie 3). Car même si les pratiques
publicitaires s’adaptent et se réinventent (! chapitre 9), il arrive que le marché
donne l’impression de prendre le pas sur la société. Influencer l’opinion, gérer
l’image et construire la réputation deviennent alors des impératifs (! chapitre10).
276
Conclusion
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C’est précisément pourquoi, plus que jamais, il doit faire l’effort de questionner
des notions fondamentales comme la transparence, la proximité, l’interactivité,
l’authenticité… Seule une approche réflexive qui interroge sans cesse les pratiques
et les discours lui permettra d’être toujours juste et pertinent.
277
Partie 4
Corrigés Quand la communication se fait plus relationnelle
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sujets de l’État ni d’agents économiques préoccupés par des juge par les tendances qui s’affirment en matière de pra-
affaires d’intérêt individuel mais par un public raisonnant tiques journalistiques, tout porte à croire que les fonctions
de manière libre et éclairée, l’espace public est l’endroit où des journalistes vont poursuivre leur mouvement vers une
peut se générer l’autorité légitime, c’est-à-dire l’articulation plus grande transversalité :
de l’intérêt général authentique. C’est dans cet espace public, – transversalité des supports tout d’abord : face au choix
différent de la sphère du pouvoir et de l’espace « privé », que quasi unanime des titres de presse pour un statut « bi-média »,
peut se former une opinion publique. Mais si le peuple est il devient indispensable pour tout journaliste de manier une
dépolitisé et qu’à la « publicité critique » se substitue une écriture orientée à la fois vers le papier et le numérique ;
publicité « de démonstration et de manipulation », on passe – transversalité des rôles éditoriaux ensuite : que le sup-
de la culture « discutée » à la culture « consommée », de la port soit papier, audiovisuel ou numérique, la présence sur
rhétorique au marketing politique. Lorsque l’opinion publique, le Web est nécessaire pour « amplifier » la résonance des
telle qu’envisagée par Habermas, est neutralisée, le public contenus, ne serait-ce que sous la forme du relais sur les
est alors « vassalisé », soumis au contrôle social exercé par sites web, les blogs, les réseaux sociaux et autres interfaces
l’État et, alors que se développe la société de consommation ou plateformes vidéo ;
à partir de la fin du XIXe SIÈCLE, soumis aux intérêts privés qui – transversalité des contenus enfin : la nature « hybride »
agissent pour progressivement transformer l’espace public des dispositifs médiatiques d’information favorise une com-
en un vaste espace marchand. En ce sens, les lois du marché position « transmédiatique » des contenus qui se complètent
engendrent une re-féodalisation de la société. dans chacun des supports où ils se trouvent.
Ces tendances sont générales et entérinent l’idée que l’avenir
des médias est à la « convergence ». Cela n’induit pas pour
autant la mort des médias (comme on l’annonce trop souvent)
Chapitre 2 et cela n’implique pas l’effacement des « spécialités » ou des
« spécificités » de chacun des supports. Seul le temps nous
1 b. 2 a. 3 b. 4 b. 5 a. 6 a. dira comment cette dialectique de la convergence et de la
spécialité se manifestera dans des gestes journalistiques et
7 Le blog participatif, un dispositif pas si simple éditoriaux particuliers.
Bien que fondé sur une logique de participation et d’inte-
ractivité, un blog est un média qui, en tant que tel, connaît
au moins trois types de contraintes :
– d’abord, les contraintes techniques régies par les interfaces Chapitre 3
d’administration qui imposent des formats et des usages ;
– ensuite, les contraintes légales liées à la responsabilité 1 c. 2 c. 3 b. 4 b. 5 c. 6 c 7 a.
d’éditeur (déclaration à la CNIL, mentions légales, obligation
d’information des lecteurs sur la collecte des données, etc.) ; 8 TikTok sur le port du masque pendant la
– enfin, les contraintes définies par l’éditeur du blog lui- pandémie de Covid19 en 2020
même : contrairement à sa promesse de liberté, un blog n’est Réponse propre à chaque étudiant.
278
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Corrigés
Chapitre 4 Chapitre 5
1 c. 2 b. 3 c. 4 a. 5 a. 6 a. 7 d. 1 c. 2 c. 3 c. 4 b. 5 a.
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phie mondiale explose, et qu’en l’absence de changements
majeurs, le tout pourrait entraîner un profond déséquilibre dinaires et les plus quotidiennes : le SMS, le chat, le post,
le like sont devenus des opérations banales d’écriture sur
de l’écosystème global. Il importe en conséquence d’inventer
écran qui donnent à la prise de parole un nouveau « visage
de nouvelles modalités de production et de consommation
médiatique ».
si l’on ne souhaite pas subir un bouleversement social et
De ces modifications modestes et profondes de nos formes et
géopolitique inédit.
de nos formats discursifs, il découle une nouvelle configura-
– La financiarisation de l’économie ensuite, car elle incarne
tion de la performativité et donc une nouvelle définition des
une explosion historique des activités financières dans le
« actes de langage ». L’expression, l’opinion, la mobilisation,
produit intérieur brut des pays dits développés conduisant
l’engagement, mais aussi le dialogue, l’interaction, en un
– par effet de chaîne – à un système qui oriente la majeure
mot l’échange, se trouvent inscrits dans des « situations de
partie de ses revenus en direction du capital, et s’ajuste communication » beaucoup plus variées et complexes. Loin
progressivement à la loi du dividende. Nous pourrions y d’accréditer l’hypothèse d’un appauvrissement, ces formes
ajouter l’émergence d’un secteur de plus en plus opaque, où renouvelées de la performativité offrent des espaces et des
les échanges de produits complexes s’opèrent de gré à gré outils souvent plus subtils pour la relation, dans la mesure où
dans un vaste maillage de paradis fiscaux : le tout conduisant elles ne se substituent pas forcément aux anciennes modalités et
à une instabilité historique des marchés internationaux dont « procédures » de prise de parole, mais viennent les compléter.
dépend notamment… la paix mondiale.
La crise écologique et la financiarisation posent in fine la 7 La monétisation factitive des échanges
même et lancinante question de la gouvernance des marchés, numériques
dans la mesure où les deux problématiques germent sur la Qu’elles soient directement commerciales ou qu’elles re-
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base d’un profond déficit de régulation. Et pour cause, les couvrent des institutions, des associations ou des médias, les
marchés sont planétaires et s’ajustent en temps réel… là où marques incarnent de manière symbolique et sémiotique les
la plupart des modalités de gouvernance sont confinées à organisations. Elles sont au cœur d’enjeux et de stratégies
l’intérieur de frontières nationales, parfois continentales, et de plus en plus sophistiqués, qui s’adaptent eux aussi aux
soumises à la lente temporalité des démocraties. Pourtant, évolutions et aux mutations médiatiques.
les marchés ne peuvent être à la fois pérennes et efficients Elles s’inscrivent, en outre, dans un contexte de plus en plus
sans une véritable autorité à même de garantir le respect des sociétal et culturel (! voir chapitres 8 et 9), ce qui les oblige
contrats, le droit de la propriété privée ou encore une fiscalité à nouer des relations variées avec les consommateurs. Leur
équitable, à l’endroit de tous les agents économiques, pour objectif économique se trouve ainsi d’autant plus associé à
endiguer les effets consécutifs à une mauvaise répartition un objectif relationnel et social, qui les conduit à créer du
du capital. Il convient en conséquence d’imaginer un nou- lien au-delà du simple acte d’achat des produits.
veau modèle de gouvernance démocratique des marchés, Tant et si bien que d’autres actes deviennent essentiels pour
ainsi qu’une approche nouvelle en matière de croissance qu’une marque perdure et suscite l’adhésion : des actes de
et de consommation régie par une implacable exigence en langage qui ne relèvent plus seulement de la dimension
termes de valeurs humanistes et écologiques. Ainsi, lenteur « perlocutoire » (faire agir), mais encore de la dimension
et sobriété pourraient tout à fait incarner les deux axes clés « interlocutoire » (faire parler). En apparaissant sous une
d’un nouveau modèle économique plus apaisé. forme médiatique accessible sur les écrans et notamment
279
Partie 4
Corrigés Quand la communication se fait plus relationnelle
sur les réseaux sociaux, les marques peuvent devenir des 7 Enjeu de la mesure de la performance
interlocuteurs, voire des « amis »… Plusieurs facteurs rendent complexe la prétention à mesurer
Plus utilement encore, elles gagnent à devenir l’objet d’une l’influence en ligne. En premier lieu, on peut évoquer des
« conversation numérique » en créant des événements dis- difficultés d’ordre idéologique relatives à la notion même
cursifs (un buzz, un contenu viral, etc.) et en essayant de d’influence. En quoi le fait de cliquer pour « aimer » ou « par-
constituer des regroupements, des communautés de parole tager » un contenu recommandé revient-il pour l’internaute
autour d’elles. à « se faire influencer » ? Ne tend-on pas vers un clivage
À côté d’une performativité verticale (celle de la communi- trop schématique entre « influenceurs » et « influencés » ?
cation publicitaire traditionnelle, par exemple), les marques En second lieu, on peut s’interroger sur la manière dont les
cherchent à construire des formules performatives toujours professionnels de la communication digitale interprètent les
plus indirectes et apparemment désintéressées, c’est-à-dire indicateurs de performance que les sites du Web contempo-
riches en contenus et en relations. Les professionnels de la rain leur fournissent. Est-ce qu’un nombre de like possède
communication digitale parlent alors d’une « monétisation » la même valeur selon que l’on travaille pour un journal, un
symbolique de la parole, qui repose sur le calcul du nombre musée ou une marque de chocolats ? Cherche-t-on du volume
d’occurrences sur la toile, du nombre de « vues » ou de en chiffres ou des retombées plus qualitatives qui engagent
« clics », c’est-à-dire du nombre de micro-actes de langage davantage les internautes ? En dernier lieu, on peut prendre
qu’une marque a occasionnés. Il s’agit d’occuper l’attention en compte des facteurs plus opaques comme l’existence
des consommateurs, et non plus seulement de viser une
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d’un marché noir de robots-cliqueurs (pour augmenter
rentabilité économique directe. artificiellement les nombres de like, vues, followers) ou les
modifications propres aux sites intermédiaires qui sont en
constante évolution (changements des algorithmes ou des
formes des boutons de Twitter ou Facebook, comptabilisation
Chapitre 6 des « gens qui en parlent », etc.).
1 a. 2 a. 3 b. 4 b. 5 a.
280
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Corrigés
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Dans la société post-consumériste, le rapport à la publicité
1 a. 2 ab. 3 abcd. 4 a. 5 bc. 6 a. 7 ?. 8 bc. 9 d. 10 c.
et aux marques a changé de nature. Parce que les médias
sociaux sont désormais les lieux où bat le cœur des marques,
11 Marketing et branding les directions du marketing doivent inscrire leurs stratégies
Jean Baudrillard s’inscrit dans la perspective « situation- dans des logiques de plus en plus participatives. En complé-
niste » de la « société du spectacle », théorie qui envisage ment et en prolongement de l’interactivité permise par le
la transformation des marchandises en « signes » et leur Web, il faut alimenter les conversations par des expériences
consommation en « spectacle ». Si la perspective de Bau- physiques, aussi concrètes que possible, de la marque. Plutôt
drillard est critique, il s’avère que le constat ne cesse de que d’être simplement exposés à un message, les publics
donner des preuves de sa pertinence. Il suffit de penser à la sont invités à rencontrer la marque et à participer entre eux
pratique du « selfie » et des réseaux sociaux, qui manifeste à son initiative, à des événements qui donneront lieu à des
cette tendance des individus-consommateurs à se montrer communications sur les médias sociaux. Les événements sont
en train d’acheter des produits, de les essayer, de les arborer, autant d’occasions de mettre les consommateurs en contact
voire de les consommer… direct avec la marque et, plus important encore, en contact
À un niveau symbolique, l’émergence du « branding » ou plus entre eux grâce à la médiation de la marque.
encore du « brand content » enfonce encore le clou de cette
hypothèse « sémiotique » (Jean Baudrillard parle de « valeur
d’échange-signe » des « objets » consommés). La marque
produit non seulement des biens de consommation, mais
de plus en plus des « contenus » à forte valeur symbolique
Chapitre 10
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281
Partie 4
Corrigés Quand la communication se fait plus relationnelle
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l’entreprise sur son marché : des célébrités, des influenceurs
ou encore des personnalités reconnues qui s’expriment
dans les médias.
Chapitre 11 – Les objectifs business, une fois précisés (par exemple
prendre 5 % de parts de marché dès la première année,
1 a. 2 b. 3 b. 4 a. 5 c. 6 a. ouvrir 10 boutiques dans les 18 mois…), sont traduits en
objectifs de communication (notoriété, image, réputation)
7 Lâcher-prise : risques et opportunités et exprimés de manière à être évalués : nombre de retombées
La popularisation des usages du Web a considérablement dans les médias, taux de clic sur le site Internet, nombre
modifié le comportement des individus à l’égard des en- d’invitations à parler dans des conférences sur le thème de
treprises. Avec le Web social et l’explosion des médias la bientraitance animale…
sociaux, l’utilité d’Internet ne se limite plus à la recherche – Pour le parti pris stratégique, deux voies peuvent être
d’information. Les entreprises ont bien compris que si leur envisagées compte tenu de l’offre de COG : l’axe « bien-être
présence en ligne comportait des risques qu’il fallait anticiper animal » ou l’axe « mode-tendance ».
et, le cas échéant, savoir gérer, plus nombreux étaient les – Le plan d’actions doit prévoir des moyens pertinents pour
bénéfices à retirer d’une stratégie digitale bien conduite. influer favorablement sur l’opinion des publics identifiés :
– Bénéfices : accroître la visibilité, moderniser l’image, des relations médias et des relations blogueurs, peut-être la
présenter les produits, gérer la relation client en temps réel participation à des événements, ou toute autre forme de prise
et sur de nouveaux canaux, attirer de nouveaux clients, de parole permettant de « mettre à l’agenda » la pertinence du
toucher les jeunes diplômés, recruter… et aussi, répondre choix de chaussures véganes… Au-delà de la pertinence des
aux critiques, faire entendre le point de vue de l’entreprise actions, c’est le budget disponible qui décidera de l’ampleur
en cas de crise. du plan. Le budget permet-il, par exemple, la création d’un
– Risques : au-delà de la perte de la maîtrise absolue de événement de marque pour le grand public ?
la communication, les risques sont liés à l’interactivité – Les indicateurs de performance, décidés en regard des
que permettent les médias sociaux. Ainsi, un manque de objectifs, doivent mesurer l’impact de chaque action pour
réactivité dans la réponse à une interpellation ou une ré- permettre d’apprécier le retour sur investissement : progres-
ponse inadaptée peuvent porter atteinte à l’image ou à la sion de la couverture médiatique, du nombre de blogueurs
réputation d’une entreprise. Cependant, le risque le plus avec lesquels la relation est établie, du nombre de « fans » et
grand est certainement d’être absent de la conversation ou de « followers », nombre de participants aux événements…
dans l’incapacité d’y prendre part pour se faire entendre et – Le budget détaille le coût de chaque action en incluant
empêcher que le fil de la relation ne se rompe. un poste « études » destiné à la mesure de performance.
282
Chapitre 12 Des relations publiques aux communications relationnelles
Corrigés
désir d’entretenir, comme lui, des relations de respect et de Respect des engagements
collaboration dans la durée. On est en droit d’attendre que chacun se conduise de ma-
nière éthique en toutes circonstances et soit comptable de
Respect de la clientèle
ses actes. Un bon voisin est digne de confiance.
Servir un client, ce n’est pas que livrer une commande, traiter
une demande ou fournir un service, c’est lui faciliter la vie Respect de la planète
Une entreprise doit sans relâche veiller à réduire au maxi-
et l’aider à accomplir sa mission. Les clients sont la raison
mum ses impacts négatifs en agissant sur tous les leviers qui
d’être d’une entreprise, c’est pourquoi leurs souhaits et leurs
permettent de préserver les ressources. Un bon voisin est
besoins sont le focus premier de chaque collaborateur. Un
soucieux des générations futures.
bon voisin est serviable.
Respect du travail des autres
Respect des collègues Un acteur sur le marché doit s’investir activement dans les
Une entreprise doit fonctionner en équipe, à tous niveaux organisations de son secteur professionnel ainsi qu’avec des
et dans chaque situation professionnelle, parce que c’est la ONG dont l’activité fait écho à la sienne. Un bon voisin est
clé du succès. Un bon voisin est coopératif. désireux d’apporter sa pierre à l’édifice.
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Index des concepts
A efficacité 267
algorithme 93, 129, 130 épistémologie 101
anthropologie 138, 139 e-réputation 213
économique 146 espace public 27, 28, 32, 232
Öffentlichkeit 28
B
esthétisation du capitalisme 87
ethnographie 138
blockchain 220 ethnologie 138
brand content 191, 231 du travail 148
branding 181 événementiel 188
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expérience (marketing) 187
expressivisme 113
C extension (de la marque) 161
capitalisme 88
captation 127
codes 169
F
communication 181 factitivité 110
de crise 259 fake news 208
concurrence 88 financiarisation 93
confiance 232 format 39, 50
consommateur 171
contrat de communication 6
contrat de communication 47
G
cookie 130 gazette 29
corporate 254 gouvernance 243
crise de la consommation 181 GRDF 230
crypto 221 greenwashing 95
culture livresque 17
cybernétique 3
H
D hybride 47
dispositif 38
disruption 187 I-J
illocutoire 105
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Index des concepts
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rhétorique 19, 100, 161
O
opinion 95, 252 S
leader 124 scripturale 107
relais 124, 253 segmentation 160
ordinaire (langage) 102 selfies 114
oubli (droit à l’) 218 sémantisation 159
sémiotique (sémiologie) 165
287
Index des marques
20minutes 51 Ferrari 170
Fête des Voisins 273
A Fluocaryl 161
Fondation Louis Vuitton 231
Airbnb 186 France 2 140
Amazon 128, 186 France 2 43
Apple 168, 170 France 24 58
AXA 192 France Inter 36
Axe 192 Free 185
B G
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Benetton 176, 178, 181, 190, 192 Géant vert 170
BIC 162, 168, 169 Giorgio Armani 170
Bonne Maman 161 Google 186
Boucheron 192 GoPro 192
Build a Bear 171
H
C Haribo Pik 257
Castorama 192 Heineken 185
CBS 42 Hermès 152, 170, 192
Chanel 170, 192 H&M 169
Chipotle 192 Honda 192
Citroën 170
Club Med 171
Coca-Cola 161, 171, 178, 192, 195, 235 I
Colgate 162 IBM 192
Instagram 60, 68, 210
D Intel 192
E
E. Leclerc 192 K
Elmex 160 Kering 170
Email Diamant 161 Kiko 187
ERDF 115
Evian 170, 174, 192
L
F Lacoste 168
Lactalis 259
Facebook 123, 125 La Vache qui rit® 156, 170
288
Index des concepts
M Seb 170
Sécurité routière 240
MacIntosh 168 SNCF 186
Macy’s 192 Starbucks 238
Marlboro 160, 166, 170, 190 Swatch 160, 168
McDonald’s 170, 178 Swiss Life 217
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Michel & Augustin 272
Michelin 170, 192
Mondel z International 272 T
Monsanto 229 Tag Heuer 185
musée des Arts décoratifs 224 TikTok 74, 75
Musée du quai Branly 151 Time 39
Twitter 123
N
Nespresso 192 U
Nestlé 171 Ultra Brite 161
Netflix 186 Uncle Ben’s 170
Nike 160, 170
V
O Vivendi 170
Oasis 174, 192
OUI. sncf 270
W
P Weber 171
Weight Watchers 162, 192
Pantone 192 Whiskas 170
Panzani 165
Philips 170
Picard 192 X-Y
Pierre Hermé 168 Xerfi 192
PMU 192 Yves Saint-Laurent 173
Polaroïd 168
Puget 185
Z
Q Zara 169
Zippo 170
Quechua 192
289