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Chapitre I : La Vesphalie, le paradis

Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour le jeune Candide, docile et
ingénu. Le baron de Thunder-ten-tronckh, l’« un des plus puissants seigneurs de la Vestphalie », et
probablement son oncle, l’a accueilli dans un château protégé et clos, qui fait rempart à toute
violence extérieure. Candide est secrètement amoureux de Cunégonde, la fille du baron et de la
baronne. La félicité est absolue, jusqu’au drame : Candide et Cunégonde sont surpris par le baron
dans leurs ébats, Candide est chassé du paradis, et l’aventure commence. Candide n’aura de cesse
de retrouver Cunégonde, objet d’une quête qui le révélera peu à peu à lui-même.
À travers les yeux de Candide, le château protecteur renvoie à un âge d’or où l’abondance et
l’équilibre apparents dispensent d’une réflexion plus aboutie que la philosophie de Pangloss,
précepteur de la maison. Ce paradis se révèle cependant artificiel : l’exclusion du héros ouvre la
boîte de Pandore, et l’idéologie qui animait cet univers ne résiste pas longtemps aux tempêtes.
Voltaire inscrit d’emblée le conte dans une référence commune qu’il va s’appliquer à déconstruire
à travers un voyage où le héros se trouve successivement confronté à tous les malheurs du
monde, puis aux turpitudes de l’âme humaine.

Chapitre II
Seul et désemparé, Candide rencontre dans la ville voisine de Valdberghoff-trarbk-dikdorff, à la
porte d’un cabaret, deux recruteurs de l’armée du roi des Bulgares qui l’enrôlent aussitôt, au seul
motif que Candide mesure « cinq pieds cinq pouces de haut ». Après des débuts difficiles, Candide,
peu au fait des usages militaires, déserte avant d’être rattrapé et conduit au cachot. Un choix lui
est offert : « être fustigé trente-six fois par tout le régiment, ou recevoir à la fois douze balles de
plomb dans la cervelle ». Candide choisit le fouet, puis les balles, avant d’être sauvé par le roi des
Bulgares, sensible à ce jeune métaphysicien « fort ignorant des choses de ce monde ».

Chapitre III : En Hollande, la guerre


Candide, séduit dans un premier temps par le spectacle de la bataille, se met à trembler devant ce
qui, à ses yeux, devient vite une « boucherie héroïque » qui conduit le héros à se cacher avant de
s’enfuir en enjambant les cadavres. Il arrive en Hollande, tente de mendier pour manger, et
rencontre, après quelques échanges malheureux sur la religion, l’anabaptiste Jacques qui le
nourrit et lui propose un travail dans une manufacture d’étoffes. Il va croiser « un gueux tout
couvert de pustules »…
C’est avec une ironie grinçante que Voltaire propose une représentation de la guerre qui dénonce
la brutalité et l’inconséquence militaires, tout autant que le désastre d’un système de pensée en
total décalage avec le monde qu'il tente d'expliquer. Le sujet est d’actualité, alors même que la
guerre de Sept Ans (1756-1763) fait rage en Europe et dans les colonies d’Amérique du Nord : les
dommages humains considérables conduiront à une réorganisation des forces en présence.

Chapitre IV
Le « gueux tout couvert de pustules » se révèle être Pangloss, à bout de forces, malade de la vérole
et dans l’incapacité de se soigner. Il informe Candide de la destruction du château après son
départ, de la mort du baron, de la baronne, de leur fils, et, surtout, de Cunégonde. Le paradis n’est
plus. Candide s’interroge : « Ah ! Meilleur des mondes, où êtes-vous ? », tout en restant fidèle aux
certitudes de Pangloss qui s’évertue à justifier jusqu’à la vérole qui le tue. Jacques, le bon
anabaptiste, parvient à guérir Pangloss et le prend avec Candide à son service.
Ils embarquent ensemble pour Lisbonne et affrontent une terrible tempête à l’approche du port.
L’optimisme du philosophe est confronté à l’épreuve des faits. Les personnages s’obstinent
cependant, ce n’est que le début du voyage…

Chapitre V : Lisbonne, au nom de Dieu


Les catastrophes s’enchaînent : la tempête anéantit le vaisseau et ses passagers ; l’anabaptiste
Jacques périt d’avoir aidé un matelot qui le laisse se noyer. Seuls Pangloss et Candide survivent,
pour être aussitôt exposés au tremblement de terre qui détruit Lisbonne et écrase ses trente mille
habitants. « Quelle peut être la raison suffisante de ce phénomène ? » s’interroge Pangloss.
Voltaire met en scène le tremblement de terre de Lisbonne survenu le 1er novembre 1755 :
l’événement bouleverse profondément les mentalités. Capitale d’un pays réputé pour sa foi
catholique, Lisbonne ne semblait pas mériter ce châtiment. Pourquoi une pareille catastrophe le
jour d’une fête catholique ? La philosophie du XVIII e siècle ne s'explique pas une telle
manifestation de colère divine. L’Inquisition s’acharne, en vain, à chercher des coupables.

Chapitre VI
Afin d’empêcher les tremblements de terre, des hommes sont brûlés pour des raisons absurdes ;
Pangloss et Candide sont proches de subir un sort identique : Pangloss est pendu, et Candide,
fouetté. Cette cérémonie n’empêche en rien un nouveau séisme, le soir même. Une parodie de
raisonnement tente d’enchaîner les liens de cause à effet. Mais Candide s’interroge : dans un
grand désarroi, il voit s’ébranler ses certitudes…

Chapitre VII : En mer, l’art du récit


Candide est sauvé par une vieille femme, personnage symbolique qui revient plusieurs fois au
cours du voyage. Comme l’anabaptiste, la vieille lui permet de se soigner, de se nourrir et de
s’habiller. Elle le conduit vers une jeune fille, que Candide dévoile : « Quel moment ! Quelle
surprise ! Il croit voir mademoiselle Cunégonde, il la voyait en effet, c’était elle-même ». Coup de
théâtre ! Ce ne sera pas le dernier puisqu’à la logique de causalité de Pangloss, la narration
oppose la surprise et le retour de personnages qui semblaient, a priori, écartés du périple. Le
désastre du château est raconté une seconde fois par Cunégonde ; récit enchâssé qui laisse
entrevoir une autre histoire, parallèle à celle suivie par le lecteur depuis le chapitre II.
Le conte s’inscrit dans une tradition qui emprunte à la fois au roman d’apprentissage, au récit
initiatique, sentimental, comique… Voltaire s’inspire de ces traditions, pour les détourner
doublement : non seulement il les parodie mais il les récupère pour élaborer une pensée
philosophique. L’auteur joue aussi en virtuose des procédés narratifs par le biais des ellipses, des
récits enchâssés, des changements de perspective qui confèrent à la narration une densité de
contenu et une liberté de ton.

Chapitre VIII
Cunégonde se lance dans un récit aux nombreuses péripéties : suite à l’attaque du château, elle
tombe sous le joug d’un capitaine bulgare qui la revend à un trafiquant, Don Issachar. Celui-ci la
partage depuis six mois avec le grand inquisiteur. Ces malheurs en série la conduisent à remettre
en cause la philosophie de Pangloss.

Chapitre IX
Don Issachar n’apprécie guère la présence de Candide et la perspective d’un second rival : il le
menace d’un poignard ; Candide brandit une épée et abat son adversaire. L’inquisiteur surgit ;
Candide commence à raisonner, l’épée à la main et tue l’inquisiteur. Pour une nature si peu
belliqueuse, c’est là un changement radical. Candide s’explique : « Ma belle demoiselle, […] quand
on est amoureux, jaloux et fouetté par l’Inquisition, on ne se connaît plus ». La vieille les exhorte à
l’action et ils s’éloignent sur des chevaux andalous avant l’arrivée de la Sainte-Hermandad, la
police régionale. Ils gagnent alors la ville d’Avacena dans les montagnes de la Sierra Morena.

Chapitre X
Les dernières richesses de Cunégonde ont été volées ; le trio est dans l’embarras : « Quel parti
prendre ? », s’interroge Candide. Ils vendent l’un des trois chevaux et arrivent à Cadix. Une flotte
s’apprête à partir pour le Paraguay afin de combattre des révérends pères jésuites : Candide
convainc le général de ses compétences militaires et devient capitaine d’un équipage. Cunégonde,
la vieille, et deux valets embarquent, avec deux chevaux, pour le Nouveau Monde, avec l’espoir
que celui-là sera meilleur. L’espace est clos ; le temps est alors au récit : la vieille raconte son
histoire.

Chapitre XI : En mer, le malheur des femmes


Fille du pape Urbain X et de la princesse de Palestrine, la vieille déroule son histoire sur le mode
superlatif : palais, robes, talents, grâces… tout surpasse en beauté l’univers de référence de
Candide et Cunégonde, le château de Thunder-ten-tronckh. L’avenir s’annonçait radieux, porté
par un mariage prévu avec le prince souverain de Massa Carrara. À cette perspective idyllique
répond une chute brutale : le fiancé meurt, un corsaire attaque, et elle est capturée avec sa mère.
L’arrivée au Maroc assombrit davantage encore le tableau : les combattants s’opposent et se
disputent le butin, entraînant la mort de la princesse et de tous les prisonniers, à l’exception de la
vieille, laissée pour morte.
Non seulement la fidélité aux prières ne prémunit pas contre les pires horreurs, mais le récit
souligne encore l’injustice et le malheur que subissent les femmes. Asservies aux hommes,
éloignées des fonctions sociales, volontiers tenues responsables des misères humaines, elles
peinent à exister.
Quelques années avant la Révolution française, Voltaire s’interroge sur la place des femmes dans
la société.

Chapitre XII
La vieille poursuit un récit qui propose une vision extrêmement sombre de la nature humaine. Elle
survit à la peste et, vendue comme esclave, passe, au fil des transactions, de Tunis à Tripoli,
d’Alexandrie à Smyrne, de Constantinople à Moscou. Elle y perd une fesse en pleine famine,
sacrifiée pour satisfaire les soldats turcs. Devenue la servante de Don Issachar, elle rencontre alors
Cunégonde.
Trahison, anthropophagie, suicide sont abordés dans ce périple vers le Nouveau Monde : autant
de questions débattues au XVIII e siècle. L’ironie de la narration favorise la construction d’une
distance critique.

Chapitre XIII
L’histoire de la vieille fait école, et le vaisseau avance au fil du récit des voyageurs. Ils arrivent
finalement à Buenos Aires, et y rencontrent le gouverneur qui s’empresse de demander
Cunégonde en mariage. La vieille encourage cette dernière à accepter « d’épouser monsieur le
gouverneur et de faire la fortune de monsieur le capitaine Candide ». Mais le passé les rattrape, et
ils risquent la mort pour avoir tué le grand inquisiteur. Candide fuit, Cunégonde reste ; leur chemin
se sépare pour la deuxième fois.

Chapitre XIV
Candide est accompagné dans sa fuite par un valet nommé Cacambo. « Il avait été enfant de
chœur, sacristain, matelot, moine, facteur, soldat, laquais » : voilà un compagnon de choix pour un
Candide en pleine évolution. Homme d’action plein d’allant, il encourage son maître : « quand on
n’a pas son compte dans un monde, on le trouve dans un autre ». Au Paraguay, chez les jésuites,
Candide reconnaît dans le commandant le frère de Cunégonde, le fils du baron, miraculeusement
rescapé du massacre du château.

Chapitre XV
Le fils du baron raconte – C’est la troisième fois pour le lecteur – l’invasion du château par l’armée
bulgare et comment, tenu pour mort, il fut sauvé par un jésuite. Les retrouvailles se déroulent sous
les meilleurs auspices, le baron qualifiant Candide de « frère » et de « sauveur ». Les relations se
dégradent cependant lorsque Candide fait part de son souhait d’épouser Cunégonde : fidèle aux
valeurs familiales, le baron refuse catégoriquement, car Candide n’a pas les quartiers de noblesse
requis. Candide tente d’argumenter et de défendre l’attachement de Cunégonde à son égard,
mais, devant l’obstination du baron, il n’a d’autre choix que de le tuer. Habillés en jésuites,
Candide et Cacambo parviennent à s’enfuir.

Chapitre XVI : Au Pays des Oreillons, Images de l’autre


Tout inquiète en terre inconnue, tout particulièrement « l'autre », menaçant par son étrangeté,
soupçonné de mœurs barbares. Candide abat deux singes à la poursuite de deux femmes nues… Il
s'agit semble-t-il de leurs amants ! Candide et Cacambo sont ligotés pendant leur sommeil et vont
être mangés par les habitants des lieux, les Oreillons, qui les prennent pour des Jésuites.
L'agressivité contre les Jésuites qui les ont dépossédés de leur territoire tombera dès qu'il sera
clair que Candide n'est pas jésuite : ils seront dès lors traités avec tous les égards.
Là où jusqu'alors les Européens voyaient des "sauvages", le siècle des Lumières veut voir des êtres
humains, égaux en droit quelle que soit leur race. Aussi n'est-ce pas sans ironie que Voltaire décrit
ici les mœurs les plus extrêmes fantasmées par les Européens, de l'anthropophagie à la zoophilie.

Chapitre XVII
L’Eldorado est découvert par Candide et Cacambo au hasard de ce périple en Amérique du Sud.
Les expériences douloureuses du Nouveau Monde ont convaincu Cacambo de retourner en
Europe, mais les deux protagonistes n’ont d’autres choix que de poursuivre leur route, et
s’embarquent à l’aventure dans une petite barque en se recommandant à la Providence. Le canot
finit par se fracasser contre des écueils qui ouvrent la porte de l’Eldorado : « C’est probablement le
pays où tout va bien ; car il faut absolument qu’il y en ait un de cette espèce », espère Candide.

Chapitre XVIII : L'Eldorado, utopie et société idéale


Pas de cour de justice, de parlement, ni de prison dans ce pays, mais un palais des sciences, des
libertés individuelles reconnues, avec interdiction, pour les habitants, de sortir de ce royaume.
Candide et Cacambo décident pourtant d’en partir, parce que Cunégonde manque à l’un d’eux, et
que la richesse leur ouvre des perspectives.. Une machine est spécialement construite pour les
conduire de l’autre côté des montagnes, accompagnés de cent moutons chargés de vivres, de
présents, d’or et de pierreries.
L’Eldorado tient une place essentielle dans le conte, puisqu’il en marque le milieu, à la fois point
d’aboutissement d’un parcours et point de départ du voyage de retour : Candide découvre un
autre modèle de gouvernement et de bonheur qui se substitue au château initial. Cependant, le
lieu, aussi doré soit-il, ne comble pas toutes les attentes. Entre utopie et construction politique, il
reste du chemin à parcourir pour créer son propre jardin : la société idéale est un sujet
d’interrogation majeur du XVIIIe siècle.

Chapitre XIX : Le Surinam, l’esclavage


Candide et Cacambo quittent l’Eldorado chargés d’or et de rêves. Mais ils perdent vite leurs
richesses et doivent renoncer à s’acheter un royaume. Aux abords du Surinam, la rencontre avec
un esclave noir dans un état pitoyable achève de leur enlever leurs illusions. On l’a amputé de la
main droite et de la jambe gauche : « c’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ».
Ce violent réquisitoire contre l’esclavage s’inscrit dans un vaste mouvement d’opinion qui
dénonce cette pratique. Il faudra, en France, attendre 1848 pour que l’esclavage soit
définitivement aboli.

Chapitre XX : Buenos-Aires, Mal physique, mal moral


Candide a chargé Cacambo de passer à Buenos Aires pour racheter Cunégonde et la vieille, tandis
qu'il se rend directement à Venise. Désespéré par le vol de ses dernières richesses, il décide
d’emmener avec lui l’homme le plus malheureux de la province. Il choisit, parmi une foule de
prétendants, le philosophe Martin. Tandis que le vaisseau vogue vers Bordeaux, les deux
compagnons de voyage discutent quinze jours durant, du mal physique et du mal moral. Le
combat naval qui s’achève par le naufrage du bateau pirate qui a volé tous les biens de Candide
alimente leurs débats : s’il punit l’immoralité du capitaine, il engloutit dans le même temps des
centaines d’innocents. Ironie du sort : seul un mouton en réchappe !
Le mal est partout : cruauté des hommes, injustice de la religion, désastre naturel, incohérence
politique. La question du mal, en étroite relation avec la question de Dieu, alimente toute la
réflexion philosophique du XVIII e siècle.

Chapitre XXI
Aux abords des côtes françaises, Candide expose son projet : rejoindre Venise depuis Bordeaux.
Nulle curiosité de sa part après un mois passé dans l’Eldorado, d’autant que les commentaires de
Martin sur les Français sont sans appel. Candide veut atteindre l’Italie pour y attendre Cunégonde ;
Martin accepte de le suivre pour son argent. La fin du voyage est l’occasion de questions de
Candide à Martin sur la pérennité du mal et sur la possibilité du bien. Son raisonnement s’affine : il
est question en dernier lieu du libre arbitre.

Chapitre XXII : Paris, jeux de société


Candide et Martin se rendent finalement à Paris. Voltaire met en scène une satire de la vie
parisienne en évoquant successivement l’absence de reconnaissance sociale dont souffrent les
actrices, la cruauté des critiques, les jeux d’argent et la perfidie des conversations mondaines : «
d’abord du silence, ensuite un bruit de paroles qu’on ne distingue point, puis des plaisanteries
dont la plupart sont insipides, de fausses nouvelles, de mauvais raisonnements, un peu de
politique et beaucoup de médisance ». Tout au long du chapitre, Candide est trompé ; il part
finalement pour Dieppe puis Portsmouth sans renoncer à rejoindre un jour Venise.
Le Paris présenté est futile et superficiel, mondain et trompeur. Le jeu y occupe une place de
choix, en relation avec une société des Lumières où les jeux d’argent, licites ou illicites, ont envahi
l’espace urbain et gagné toutes les couches de la société. Les formes en sont variées : cabarets et
billards, académies tolérées et tripots clandestins, bureaux de loterie… Rien à voir avec le Paris
populaire que mettra en scène la littérature du XIXe siècle.

Chapitre XXIII
Sur fond d’explication de la guerre qui oppose à grands frais les armées anglaise et française pour
une terre canadienne fort éloignée, l’arrivée à Portsmouth coïncide avec l’exécution d’un amiral
qui bouleverse Candide : l’homme périt de n’avoir pas provoqué assez de morts en affrontant
l’ennemi. Candide refuse de descendre du navire et arrange au plus vite un départ pour Venise,
toujours conduit par le désir de retrouver Cunégonde.

Chapitre XXIV
Cacambo et Cunégonde ne sont pas au rendez-vous vénitien, et Candide sombre dans la
mélancolie, prêt à succomber au pessimisme de Martin : « Que vous avez raison, mon cher Martin !
Tout n’est qu’illusion et calamité. » Les idées sombres ne résistent pas, cependant, à la vision
plaisante d’un moine théatin, frère Giroflée, avec une fille à son bras. Celle-ci se révèle être
Paquette, la servante du château de Thunder-ten-tronckh. Derrière l’image du couple amoureux,
se cache la sordide histoire d’un moine défroqué et d’une misérable prostituée, ravagée par la
maladie. Candide s’obstine toutefois à croire à l’amour et continue à attendre un improbable
retour de Cunégonde.

Chapitre XXV : Venise, masques et carnaval : l'inversion des valeurs


Le seigneur vénitien, Pococurante, « un homme qui n’a jamais eu de chagrin », retient l’attention
de Candide et de Martin. Il passe en revue la peinture, la musique, l’opéra, la littérature, la poésie,
les sciences, le théâtre, la philosophie, les jardins… L’homme est revenu de tout : l’opéra ? Des
chansons ridicules ! Un concerto ? Du bruit qui fatigue tout le monde ! Homère ? Rien que des
batailles ! Candide s’interroge : peut-il y avoir du plaisir à n’avoir pas de plaisir ?
Ville de carnaval, Venise est la ville de l’inversion des valeurs. Voltaire en fait un décor de choix
pour un personnage blasé, un anti-Casanova dans une ville multiforme, singulière et inattendue.
Chapitre XXVI : Venise, pouvoir et rois déchus
Cacambo surgit brusquement au cours d’un dîner et révèle que Cunégonde se trouve à
Constantinople : lui-même est esclave et exhorte Candide à se tenir prêt au départ. Ce
rebondissement n’est pas la seule surprise d’un épisode mystérieux, au cœur du carnaval de
Venise qui inverse les rôles entre maîtres et valets. Les six compagnons de Candide et de Martin
lors de ce dîner se révèlent être des rois déchus qui narrent tour à tour leur parcours malheureux :
le sultan Achmet III, Ivan, empereur de toutes les Russies, le roi d’Angleterre, Charles-Edouard,
deux rois des Polaques et, enfin, Théodore, roi de Corse. Tous sont venus à Venise pour le
Carnaval, et tous sont déchus de leur pouvoir.
Voltaire convoque ici des figures historiques qui incarnent la vanité et le caractère éphémère du
pouvoir : l’épisode participe de la réflexion politique du philosophe sur la notion de gouvernement
qui constitue l’un des fils conducteurs de Candide, bien sûr, mais aussi du Dictionnaire
philosophique. Du système hiérarchique aristocratique qui règne au château dont Candide est
exclu, à l’organisation communautaire du jardin dont le baron est chassé, c’est une réflexion sur la
place de l’individu dans le système qui le gouverne et l’émergence de l’homme social qui se
déploie.

Chapitre XXVII
En route vers Constantinople, Cacambo décrit la situation de Cunégonde : esclave dans la maison
d’un ancien souverain sur le rivage de la Propontide, « chez un prince qui a très peu d’écuelles », «
elle est devenue horriblement laide ». Candide se soucie peu de cette évolution, mais s’interroge
sur l’usage de la fortune, dilapidée selon un schéma désormais classique dans le conte : rachat de
la personne humaine, piraterie, errance, esclavage. Cacambo est racheté par Candide, et le petit
groupe retrouve au hasard de la traversée le frère de Cunégonde et Pangloss, devenus tous deux
galériens. Les derniers diamants de l’Eldorado libèrent les deux malheureux, et tous repartent vers
la Turquie pour délivrer Cunégonde.

Chapitre XXVIII
Le baron et Pangloss racontent leur histoire : l’un, réchappé du coup d’épée de Candide, devenu
aumônier avant d’être condamné aux galères ; l’autre, pendu, disséqué, un temps laquais, avant
d’être à son tour condamné aux galères. Devant ces injustices nées de l’intolérance et de la
superstition, Candide, à présent capable de discernement, interroge Pangloss : « avez-vous
toujours pensé que tout allait le mieux du monde ? ». Pangloss est formel : son jugement n’a pas
évolué.

Chapitre XXIX
Narration des aventures, raisonnement sur les effets et les causes, interrogation sur le mal moral
et sur le mal physique, sur la liberté et la nécessité, portent les protagonistes jusqu’à la maison du
prince de Transylvanie, où ils retrouvent, enfin, Cunégonde et la vieille. Cacambo avait dit juste :
Cunégonde est bien laide et Candide s’en émeut avec élégance. Le fils du baron n’a pas changé : il
refuse toujours radicalement une possible union entre Cunégonde et Candide, malgré les larmes
de sa sœur, et la colère de Candide devant tant d’absurdité et d’ingratitude. L’apparence de
Cunégonde détourne désormais quiconque de tout désir d’union.
Chapitre XXX : En Orient, le jardin
Attaché à une domination aristocratique qui n’a plus cours, le baron s’avère incapable d’évoluer et
s’exclut de la nouvelle communauté. Celle-ci, privée des richesses de l’Eldorado, doit trouver en
elle-même les ressources pour développer, non sans mal, la modeste métairie dans laquelle elle
s’est installée. Cacambo en a assez de cultiver les légumes ; le caractère de Cunégonde se dégrade
; Pangloss souffre de ne pouvoir briller. Seul, Martin, avec son fatalisme habituel, s’accommode de
la situation. Tous philosophent cependant, alors que Paquette et le frère Giroflée les rejoignent. La
devise d’un bon vieillard turc donne sens à ce jardin comme promesse de vie : « le travail éloigne
de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. ». Candide la fait sienne et tous l’acceptent
: « chacun se mit à exercer ses talents » et la petite société prend sens.
Ce jardin métaphorique constitue le point d’aboutissement d’un périple qui, à partir d’un lieu clos
et hiérarchisé, a conduit à parcourir un monde extérieur, hanté par le mal et la violence, et un
monde intérieur plus trouble encore, permettant à Candide de se révéler. L’Eldorado est
déterminant puisqu’il propose l’espoir d’un autre système social, appuyé sur le consentement
collectif. Le jardin, par la place laissée à chacun et la reconnaissance de son travail, ouvre l’espace
d’une liberté et d’un bonheur, certes plus modestes mais assurément plus fiables.

Il faut cultiver notre jardin !

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