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Averroès

Ibn Rushd est né en 1126, alors que l’empire Almoravide était en passe de disparaître.
Avant l’avènement des Almohades en 1147, l’empire Almoravide était en proie à des conflits
de sectes qui ont marqué la jeunesse du philosophe. Le retour de la paix avec l’avènement
des Almohades a marqué profondément le philosophe. Dans son commentaire des Lois de
Platon, qu’il a rédigé à la fin de sa vie, il a adressé des louanges au régime almohade, qui, à
la différence de celui des almoravides, avait su sauvegarder la paix. En 1153 environ, alors
qu’il est à Marrakech, il est présenté par Ibn Tufayl au sultan almohade. Celui-ci lui demande
d’entreprendre un commentaire de l’ensemble de l'œuvre d’Aristote. C’est à partir de ce
moment que Ibn Rushd commence sa carrière intellectuelle et se lie de façon très étroite à
l’autorité almohade. En effet, il a exercé des fonctions de cadi presque toute sa vie.
Le Discours décisif n’est pas un texte philosophique à proprement parler. Ibn Rushd
s’adresse à son lectorat en tant que cadi. Il veut les convaincre de l’innocuité de la
philosophie. Ibn Rushd distingue trois types de discours : 1/ le discours rhétorique, qui
emploie des figures de style comme la métaphore, pour faciliter l’édification de la foule ; 2/ le
discours dialectique, qui est le domaine privilégié des théologiens, qui vont au-delà du sens
littéral du texte coranique et s’efforcent de percer le sens caché ; 3/ le discours démonstratif,
qui est le propre des philosophes péripatéticiens, qui maîtrisent l’art du syllogisme. Chaque
type de discours est donc associé à un type de personne.
Pour Ibn Rushd, le discours démonstratif jouit d’une autonomie vis-à-vis du Coran. À la
différence de la dialectique théologienne, le discours rationnel et démonstratif ne s’appuie
pas sur la Révélation. Celle-ci sert d’aiguillon à la recherche démonstrative, en tant que le
Coran encourage la quête du savoir scientifique, mais elle ne contribue pas à la construction
du savoir à proprement parler. Tout comme le discours démonstratif, le discours dialectique
jouit lui aussi d’une certaine autonomie. En fait, aucun des trois types de discours n’a le droit
d’empiéter sur le domaine des autres. Les théologiens n’ont pas le droit de récuser les
thèses philosophiques, comme a prétendu le faire Al-Ghazali, puisqu’ils ne maîtrisent pas
l’art du syllogisme (la syllogistique).
Cette délimitation des domaines est réciproque, c’est-à-dire que les philosophes eux aussi
n’ont pas le droit d’empiéter sur le domaine des théologiens. En effet, cela répondrait le
scepticisme parmi les théologiens et ceux-ci le répandraient à leur tour dans la foule. Les
théologiens n’ont pas le droit d’exposer publiquement leurs thèses, puisque la foule ne
saisirait que la réfutation du sens obvie du Coran, sans pour autant en saisir le sens caché
qui est dévoilé par la dialectique. Ibn Rushd s’oppose donc à la fois aux malikites
almoravides (théologiens) qui souhaitent imposer leurs thèses à tous qu’à Ibn Tamut, le
fondateur de l’Almohadisme, qui souhaitait imposer à tous un régime de connaissance
rationnelle (ce à quoi ne peut atteindre la foule).
Le Discours décisif a donc été rédigé par Ibn Rushd pour deux raisons : 1/ établir
l’autonomie de la philosophie vis-à-vis de tous les autres types de discours, en montrant
qu’elle ne présente aucun danger à l’ordre établi et 2/ proposer une solution aux conflits
inhérents entre les sectes en montrant que chaque type de discours jouit de sa propre
sphère d’autonomie sur laquelle personne n’a le droit d’empiéter.

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