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GUIDE PÉDAGOGIQUE
par Cédric Corgnet
■ Un théâtre à voir
La pièce de Hugo permet d’envisager le rapport entre le texte et la représentation. Lucrèce
Borgia est une pièce romantique très littéraire dans son dialogue et spectaculaire dans ses
changements de lieux et son atmosphère onirique, voire cauchemardesque. Après le
e
XIX siècle, cela a pu sembler un obstacle à la représentation : les spectateurs n’auraient
plus l’habitude de ce mélange, propre au drame romantique, de sublime et de grotesque.
Mais sa redécouverte au milieu du xxe siècle a montré la modernité du théâtre hugolien.
Les pièces de Hugo ne sont pas écrites pour être lues ni imaginées : il faut étudier les
mises en scène de Lucrèce Borgia et réfléchir à la manière dont le spectacle nous interroge
sur la question ambiguë de l’héroïsme, de la rédemption, sur leur place dans la cité
politique et, finalement, sur le tragique.
■ Tableau récapitulatif
Objets d’étude Aspects de l’œuvre
Première (toutes • Un drame romantique entre tragique, pathétique et burlesque
séries) : le texte • Une réflexion sur les questions ambiguës de l’héroïsme, de la
théâtral et sa rédemption, sur leur place dans la cité politique
représentation, du • Une lecture politique du machiavélisme de la monarchie de Juillet
e
XVII siècle à nos • Un théâtre à jouer, qui a été l’objet de nombreuses mises en
jours scène
Première L : les • La vision hugolienne de Lucrèce Borgia
e
réécritures, du XVII • Une réécriture du mythe de la vengeance féminine et de la
siècle à nos jours maternité (à rapprocher d’autres réécritures)
• Une pièce transposée en opéra
• Lectures de l’image
Les documents iconographiques des 1re, 2e et 3e de couverture sont accompagnés de
questions qui visent à les analyser, tout en les rapprochant des thèmes et de l’esthétique
de la pièce de Hugo.
LE TABLEAU DE LA SÉQUENCE
Hugo (1802-1885)
1827 Cromwell 1832 Le roi s’amuse
1829 Marion de Lorme 1833 Lucrèce Borgia. Marie Tudor
1830-1848 monarchie de Juillet 1838 Ruy Blas
1830 Hernani 1843 Les Burgraves
■ L’œuvre : sa genèse
On reprend la lecture cursive de la Préface, en insistant sur cet axe :
– Une genèse de Lucrèce Borgia compliquée par la censure.
L’élève fait un résumé de la genèse de l’œuvre. Il s’appuie sur le repère 3.
Comme à l’entretien
1 Les autres scènes de révélation sont : la scène où don Alphonse croit découvrir que
Gennaro est l’amant de Lucrèce (fausse révélation), celle qui révèle l’identité de Gubetta en
tant que serviteur de Lucrèce, celle, finale, où Gennaro découvre que Lucrèce est sa mère.
2 Une scène de reconnaissance au théâtre est une scène de renversement : les
personnages et/ou le public passent de l’ignorance à la connaissance, avec souvent la
découverte de la véritable identité d’un personnage.
3 Les rapports entre cette scène de reconnaissance et le mélodrame sont multiples. Une
des caractéristiques du mélodrame est d’émouvoir le public par un coup de théâtre, et aussi
de jouer sur les quiproquos et les intrigues qui en découlent.
4 Les autres scènes d’humiliation sont : l’humiliation de don Alphonse par Lucrèce et
réciproquement, celle de Lucrèce par Gennaro, celle non montrée de don Alphonse apprenant
l’échec de sa mise à mort de Gennaro, celle par Lucrèce qui se venge de ses ennemis.
Plan possible
I. Une scène qui clôt l’acte I
1. La vengeance contre l’infâme Lucrèce : l’insulte
2. L’humiliation de Lucrèce et le dessillement de Gennaro
II. Une scène de mélodrame : une reconnaissance violente et pathétique
1. Une reconnaissance violente qui interdit à Gennaro d’éprouver de l’amour pour Lucrèce
2. Une reconnaissance pathétique : l’évanouissement de Lucrèce
III. Une scène aux accents tragiques : Lucrèce prisonnière de sa réputation
1. Une Lucrèce privée de parole
2. Une Lucrèce condamnée à être détestée
Comme à l’entretien
1 Lucrèce est une mère et une meurtrière.
2 Points communs entre les deux genres : la succession de temps forts, la multiplication
des retournements de situation, le registre pathétique, le couple victime/bourreau.
3 Gennaro ne connaît pas l’identité de Lucrèce ; excepté cela, les rapports sont tout autant
dissymétriques : les deux mères se sacrifient, risquant leur vie pour des fils ingrats.
4 Lucrèce tue comme les autres empoisonneuses de l’anthologie ; mais, en mère
protectrice, elle mourra pour sauver son fils, alors que Médée sacrifie ses enfants, et que
Phèdre se suicide pour effacer la souillure qu’elle représente. Elle n’est pas folle comme
Claire et sa sœur mais finalement prisonnière comme Agrippine d’un monde phallocratique.
■ Lecture cursive : acte III, scène 3, p. 165-167, l. 448-491 (voir pause lecture, p. 168)
• On peut mettre en parallèle cette scène avec la précédente : même contexte, même
situation, même aveu impossible. Il faudra faire relever ce qui constitue une scène de
dénouement tragique et pathétique, proche de celle du mélodrame.
• Cette séance analyse les figures du pouvoir politique et ce qu’en dit Hugo. Avec don
Alphonse, Gubetta et Rustighello, c’est une facette politique de Lucrèce Borgia qui
s’éclaire, celle du machiavélisme orgueilleux. Que ce soit Gubetta, double de Lucrèce, privé
de sentiments moraux, ou bien don Alphonse, son mari cruel et vengeur, qui prend le
pouvoir politique pour une arme personnelle, les hommes de pouvoir ne sortent pas grandis
de la pièce.
On pourra analyser les degrés d’incarnation du pouvoir : du subalterne dévoué Rustighello,
en passant par le grotesque (selon l’esthétique romantique), fourbe, cupide et vénal
Gubetta, à don Alphonse, le despote qui confond amour et possession.
On fera relire l’acte I, 1re partie, scène 2 qui montre les rapports entre Lucrèce et Gubetta,
afin de souligner points communs et différences dans leur conception du pouvoir.
Comment Hugo met-il ici en place un conflit privé aux conséquences politiques ?
I. Un conflit violent
1. La violence des propos
2. Humilier l’autre par la parole
II Une critique implicite d’un monde phallocratique
1. Lucrèce, femme soumise ?
2. Don Alphonse ou l’autorité maritale et politique
III Une critique implicite du machiavélisme
1. Lucrèce et l’hypocrisie politique
2. L’immoralisme conjugal, reflet de l’immoralisme politique
• On proposera l’analyse de cette scène à partir de la captation de Bobée pour analyser la
mise en place de la tension dramatique.
■ Un drame de la vengeance
• Faire un bilan sur les différentes vengeances : personnes, finalités, moyens, succès.
Seul don Alphonse réussit sa vengeance.
Commentaire
I. Une tirade violente…
1. Des images violentes 2. Une syntaxe expressive qui souligne le trouble de Médée
II. qui exprime une femme tourmentée
1. Une femme blessée dans son cœur… 2.qui transforme sa blessure en l’infligeant à Jason
Dissertation
I. Pour intéresser le public, un spectacle théâtral doit comporter des scènes violentes
1. Le goût du public pour la violence physique
2. Le goût du public pour la violence des situations
II Mais il peut aussi intérioriser cette violence dans les rapports entre les personnages
1. Une violence psychologique intéressant le public
2. Une violence des mots
III. Il peut enfin délaisser la violence pour le comique et le spectaculaire
1. Intéresser le public, c’est aussi jouer sur le comique, qui établit une complicité
2. Intéresser le public, c’est enfin jouer sur la dimension spectaculaire de la mise en scène
Écriture d’invention
• Recommandations d’écriture
1. Relire le texte de Genet. Le sujet invite à écrire un débat argumentatif entre le metteur en
scène et un comédien. Tous deux se réfèrent donc à cette scène et sa violence dérangeante.
2. Respecter les contraintes du sujet : un dialogue argumentatif qui alterne arguments et
contre-arguments, appuyé sur des exemples de cette scène et de l’anthologie. La question
est celle de la légitimité morale de la représentation de la violence et du meurtre sur scène.
3. Le sujet invite à conclure ce dialogue par la victoire du metteur en scène. Le dialogue
doit donc convaincre le comédien de son erreur en montrant le rôle cathartique de la pièce.
4. Construire au brouillon un tableau : les arguments du metteur en scène et du comédien.
Séance 10 Évaluation
■ Objectif
• Mettre en œuvre les connaissances et les savoir-faire acquis.
■ Cette séance, pour conclure la séquence, sera consacrée à l’évaluation des élèves. On
pourra leur proposer le sujet d’écrit 1 : La scène d’aveu.
■ Commentaire
• Problématique : Quelles sont les fonctions de cette scène d’aveu tragique ?
• Proposition de plan
I. Une scène d’aveu cathartique : la libération de Phèdre par la parole
1. Avouer sa culpabilité pour rétablir la vérité sur Hippolyte
2. Avouer sa culpabilité pour se libérer du mensonge
3. Avouer pour diminuer sa responsabilité
II. Une scène d’aveu pathétique et tragique : émouvoir le spectateur
1. Phèdre meurt de ne pas avoir été comprise
2. Thésée, un père malheureux et éploré
3. Un dénouement qui inspire terreur et pitié
■ Dissertation
• Problématique : De quelles ressources le dramaturge dispose-t-il pour exprimer les
pensées et le caractère de ses personnages ?
• Proposition de plan
I. Les personnages, des êtres qui se dévoilent par la parole
1. Le personnage, un être expressif par son silence
2. Le personnage, un être expressif par le ton de sa voix, son rythme
II. Les personnages, des êtres qui peuvent aussi se dévoiler par leur corps
1. Le 1er corps du personnage : le costume indique sa condition, son âge, son état d’âme
2. Le 2e corps du personnage : le visage et le jeu avec le corps expriment ses émotions
III. Les personnages, des êtres qui se dévoilent par la mise en scène
1. Le rapprochement et l’éloignement avec les personnages expriment les idées du
personnage
2. La musique et les éclairages dévoilent les pensées des personnages
■ Écriture d’invention
• Recommandations d’écriture
1. Relire le texte de Phèdre. Le sujet invite à en écrire la suite. Il faut donc que
l’enchaînement soit cohérent et efficace.
2. Respecter les contraintes du sujet : écrire une scène de théâtre (ne pas oublier les
didascalies), avec un texte dominé par le registre tragique (registre de langue soutenu,
expression de la souffrance, de l’effroi, de la colère, rappel du poids du destin…).
3. Le sujet invite à considérer le point de vue de Thésée, père malheureux et époux
dévasté. Il exprime sa déception et sa colère contre Phèdre qui a sacrifié Hippolyte à sa
propre souffrance, en un style élevé, ponctué par l’émotion. Il exprime ses sentiments avec
force, en ménageant une progression dans le texte. L’élève n’est pas obligé d’écrire en
vers mais doit veiller à n’employer aucune expression anachronique.
■ Comme à l’entretien
1 Ces caractéristiques sont : la coexistence du grotesque et du sublime, du monstrueux et
du beau au sein de la même personne ; les ruptures de ton ; le décalage constant entre la
tragédie et le trivial du vaudeville.
2 On peut la rapprocher de la scène 3 de l’acte III, mêlant chants funèbres et amoureux des
amis de Gennaro.
3 On peut la rapprocher du mélodrame qui mêle aussi plusieurs registres et connaît
également la coexistence de plusieurs univers.
■ Comme à l’entretien
1 C’est un faux hasard : celui de la rencontre entre Lucrèce et Gennaro est préparé en
amont par Lucrèce. La mort de Gennaro qu’elle soit de la main de don Alphonse ou de
Lucrèce est scellée depuis la fin de l’acte I.
2 Hugo reprend le tragique du XVIIe siècle mais sans faire appel à une divinité garante du
destin. Ici, le tragique est à hauteur d’homme, et le hasard est une de ses formes.
3. Non, ils ne sont pas libres. Don Alphonse doit se faire respecter, aux yeux du monde,
Lucrèce ne peut échapper à son clan et à la préservation de sa réputation. Gennaro ne
peut non plus vivre une vie simple, puisqu’il est aussi un Borgia. Même Maffio voit son
destin scellé avec celui de Gennaro avant la pièce. Les logiques familiales empêchent
l’homme d’être maître de son destin.